- Texte visé : Projet de loi de finances pour 2023, n° 273
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par :
Sous réserve de son traitement par les services de l'Assemblée nationale et de sa recevabilité
I. - A. - Les règles relatives à la contribution sur la rente infra-marginale de la production d’électricité sont déterminées par les dispositions du livre Ier du code des impositions sur les biens et services et par celles du présent article.
B. - Les contrats de fourniture d’électricité et les instruments dérivés sur l’électricité s’entendent au sens respectivement des 13 et 14 de l’article 2 de la directive (UE) 2019/944 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et modifiant la directive 2012/27/UE, dans sa rédaction en vigueur.
Les marchés de gros de l’électricité s’entendent, dans la mesure où ils portent sur l’électricité, des marchés de gros au sens du 6 de l’article 2 du règlement (UE) n° 1227/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l’intégrité et la transparence du marché de gros de l’énergie, dans sa rédaction en vigueur.
II. - A. - Est soumise à la contribution prévue au I la rente infra-marginale dégagée par l’exploitation d’une installation de production d’électricité qui répond aux conditions cumulatives suivantes :
1° Elle est située sur le territoire métropolitain ;
2° La technologie de production ne repose pas sur la transformation d’énergie hydraulique stockée dans des réservoirs, y compris lorsqu’ils sont alimentés au moyen de stations de pompage ;
3° Il ne s’agit pas d’une installation de stockage au sens du 60 de l’article 2 de la directive (UE) 2019/944 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et modifiant la directive 2012/27/UE, dans sa rédaction en vigueur ;
4° Elle n’approvisionne pas un petit réseau isolé ou connecté au sens respectivement des 42 et 43 de l’article 2 de la directive mentionnée au 3° .
B. - Sont exemptées les installations exploitées par une entreprise pour laquelle la puissance installée cumulée des installations de production d’électricité ne dépasse pas 1 mégawatt.
III. - Le fait générateur de la contribution est constitué par la production d’électricité au moyen d’une installation mentionnée au II pendant la période débutant le 1er décembre 2022 et s’achevant le 31 décembre 2023.
Il intervient à l’achèvement de cette période.
IV. - A. - Le montant de la contribution est égal à la fraction des revenus de marché de l’exploitant de l’installation excédant un seuil forfaitaire.
Cette fraction fait l’objet d’un abattement de 10 %. Cet abattement est porté à un pourcentage compris entre 10 % et 40 % déterminé par décret en Conseil d’État pour l’électricité produite du 1er juillet 2023 au 31 décembre 2023.
B. - La fraction mentionnée au A du présent IV est égale à la différence positive entre les termes suivants :
1° La somme des revenus de marché au sens du C du présent IV ;
2° Le produit entre, d’une part, les quantités d’électricité produites à partir desquelles ont été générés ces revenus de marché et, d’autre part, le seuil déterminé en fonction de la technologie de production de ces quantités dans les conditions prévues au D du présent IV.
Cette différence est évaluée dans les conditions prévues au E du présent IV séparément sur des périmètres économiquement cohérents de revenus de marché et de quantités d’électricité produites qui s’y rattachent et, lorsqu’une même entreprise exploite des installations relevant de technologies différentes, en distinguant ces dernières dans les conditions prévues au F du présent IV. Les fractions mentionnées au A du présent IV et obtenues sur chacun de ces périmètres et technologies sont additionnées.
C. - 1. Les revenus de marché sont, sous réserve du 2 du présent C, ceux résultant de l’ensemble des contrats de fourniture et des instruments dérivés portant sur de l’électricité fournie pendant la période mentionnée au III y compris, le cas échéant, les aides publiques reçues en substitution d’une fraction du prix de vente prévu par ces contrats ou ayant pour objet de compenser les pertes de revenus afférentes à ces contrats induites par une décision de l’État portant sur les niveaux des tarifs de vente aux consommateurs finals.
Constitue également un revenu de marché tout avantage économique résultant d’autres contrats et instruments convenu, implicitement ou explicitement, en contrepartie d’un prix déterminé ou d’une prise de position portant sur l’électricité fournie pendant la période mentionnée III.
Sont assimilés à des revenus de marché les revenus déterminés par arrêté conjoint du ministre chargé de l’économie et du ministre chargé de l’énergie pris après avis de la Commission de régulation de l’énergie résultant des actions des gestionnaires de réseaux et pour lesquels l’absence de taxation serait de nature à diminuer l’efficacité de ces actions pour prévenir la congestion ou assurer la sécurité du système électrique.
Les sommes reçues sont comptabilisées positivement et celles versées sont comptabilisées négativement.
2. Ne sont pas pris en compte pour déterminer les revenus de marché :
1° Les revenus issus de la fourniture d’électricité pour lesquels la loi, le règlement ou une autorité publique détermine soit un niveau de rémunération rapportée à la quantité fournie qui est indépendant des prix des marchés de gros de l’électricité, soit un niveau maximum qui remplit cette condition notamment :
a) Les revenus des cessions réalisées par Electricité de France en application du chapitre VI du titre III du livre III du code de l’énergie ;
b) Les revenus résultant des contrats mentionnés à l’article L. 121‑27 du code de l’énergie ou octroyés dans les conditions prévues aux articles L. 311‑12, L. 314‑4 ou L. 314‑18 du même code, y compris, lorsqu’a été ménagée la faculté de reporter temporairement l’application du niveau mentionné au premier alinéa, ceux résultant des quantités produites pendant cette période temporaire ;
2° Les revenus résultant des contrats d’expérimentation régis par la section 5 du chapitre IV du titre Ier du livre III du code de l’énergie ;
3° Les revenus déterminés par arrêté conjoint du ministre chargé de l’économie et du ministre chargé de l’énergie pris après avis de la Commission de régulation de l’énergie résultant des actions des gestionnaires de réseaux et pour lesquels la taxation de ces revenus serait de nature à diminuer l’efficacité de ces actions pour prévenir la congestion ou assurer la sécurité du système électrique ;
4° Les achats d’électricité dont la revente relève des 1° à 3° et les reventes d’électricité dont l’achat relève des 1° à 3° ;
5° Les aides publiques reçues au titre de l’activité de production d’électricité ;
6° Les revenus résultant de la production d’électricité par une installation qui ne remplit pas les conditions prévues au A du II.
3. Sont déduits des revenus de marché, dans la mesure où ils se rapportent à la fourniture d’électricité aux consommateurs finals et sont intégrés aux revenus résultant de cette fourniture, les coûts de la garantie de capacité, d’acheminement de l’électricité et de commercialisation, une marge forfaitaire uniforme de fourniture déterminée par décret pris après avis de la Commission de régulation de l’énergie ainsi que l’ensemble des impositions frappant directement ou indirectement la fourniture d’électricité ou l’un de ces éléments.
4. Lorsque les revenus sont échangés directement entre entreprises relevant d’un même groupe ou dont l’une possède partiellement l’autre, ils sont valorisés à hauteur du prix de pleine concurrence qui résulterait de l’application de l’article 57 du code général des impôts.
Le groupe mentionné au premier alinéa du présent 4 s’entend de l’ensemble des entreprises liées, directement ou indirectement, au sens du II de l’article L. 233‑16 du code de commerce.
D. - 1. Le seuil forfaitaire prévu au A du présent IV est égal à 180 euros par mégawattheure.
Les coûts supportés au titre de l’acquisition des produits brûlés pour la production d’électricité et ceux des quotas du système européen d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre, évalués dans des conditions déterminées par arrêté conjoint du ministre chargé de l’économie et du ministre chargé de l’énergie pris après avis de la Commission de régulation de l’énergie, sont ajoutés à ce seuil.
2. Un décret pris après avis de la Commission de régulation de l’énergie peut abaisser ou augmenter le seuil mentionné au premier alinéa du 1 du présent D pour les installations dont la technologie de production présente des coûts ou sujétions différents de ceux des autres technologies. Il n’est pas tenu compte des coûts mentionnés au second alinéa du même 1.
La hausse ou la baisse est proportionnée au regard de la différence des coûts et sujétions, évaluée forfaitairement pour chaque technologie, et ne peut excéder 80 euros par mégawattheure.
E. - 1. La différence positive mentionnée au B du présent IV est évaluée séparément sur chacun des périmètres suivants :
1° La fourniture sur les marchés de gros ;
2° La fourniture aux consommateurs finals, chaque ensemble de contrats présentant des caractéristiques identiques ou similaires constituant un périmètre distinct. La similarité des contrats est appréciée dans des conditions déterminées par décret au regard des conditions de formation du prix, des niveaux tarifaires pratiqués compte tenu des seuils déterminés en application D du présent IV, de la catégorie de clientèle qu’ils visent ou, le cas échéant, de la technologie de production qui peut leur être attachée. Ce décret détermine les conditions dans lesquelles des contrats non similaires peuvent être regroupés au sein d’un périmètre distinct pour lequel le cumul des quantités fournies aux consommateurs finals n’excède pas 10 % du total des quantités fournies aux consommateurs finals ainsi que celles dans lesquelles des contrats peuvent être admis au sein d’un périmètre de contrats similaires, dans la limite de 10 % du total des quantités fournies relevant de ces contrats similaires.
2. Les quantités d’électricité produites autres que celles rattachées aux revenus exclus en application du 2 du C du présent IV sont prioritairement rattachées aux périmètres de la fourniture aux consommateurs finals, dans la limite des quantités ainsi fournies. L’éventuel excédent est rattaché au périmètre de la fourniture sur les marchés de gros.
Lorsque les quantités totales fournies aux consommateurs finals excèdent les quantités produites, les achats réalisés pour couvrir la différence sont prioritairement rattachés aux périmètres de la fourniture aux consommateurs finals, dans la limite de cette différence. Lorsqu’il n’existe aucun élément objectif permettant d’identifier spécifiquement ces achats, ils sont pris en compte à hauteur du prix moyen des achats réalisés dont aucun élément objectif ne permet d’établir qu’ils n’ont pas été utilisés pour couvrir cette différence. Ces achats sont répartis entre les périmètres de la fourniture aux consommateurs finals à proportion des quantités produites qui leurs sont rattachées, sauf lorsque des éléments objectifs permettent de les rattacher de manière privilégiée à certains périmètres.
Lorsque la différence entre les quantités fournies et produites est positive ou négative pendant une fraction de la période mentionnée au III représentant moins de 10 % des quantités totale produites sur cette période, les dispositions du présent 2 peuvent être appliquées globalement sur l’ensemble de cette période. À défaut, elles sont appliquées séparément sur chacune des deux fractions pendant laquelle cette différence est respectivement positive ou négative.
3. Sont rattachés aux périmètres de la fourniture aux consommateurs finals les revenus de marché résultant des contrats de fourniture ainsi qu’une fraction des autres revenus représentative de la valorisation sur les marchés de gros des quantités produites rattachées à ces périmètres. Cette fraction est évaluée forfaitairement par la différence des termes suivants, sauf lorsque des éléments objectifs permettent d’établir une autre valorisation qui serait économiquement plus pertinente :
1° Le cumul des revenus de marché ne résultant pas des contrats de fourniture aux consommateurs finals ;
2° Le produit des facteurs suivants :
a) La différence positive entre les quantités produites et les quantités fournies aux consommateurs finals ;
b) Le prix moyen de vente des quantités qui ne sont pas fournies aux consommateurs finals.
Cette fraction est répartie entre les périmètres de la fourniture aux consommateurs finals à proportion des quantités produites qui leurs sont respectivement rattachées, sauf lorsque des éléments objectifs permettent de les rattacher de manière privilégiée à certains périmètres.
Les dispositions du présent 3 sont appliquées dans les conditions prévues au dernier alinéa du 2 du présent E.
4. Les revenus et quantités produites qui ne sont pas rattachés aux périmètres de la fourniture aux consommateurs finals sont rattachés à celui de la fourniture sur les marchés de gros.
La différence positive mentionnée au B du présent IV est évaluée globalement sur la fraction de la période mentionnée au III pendant laquelle le prix moyen des ventes réalisées, évalué pour chaque tranche horaire de fourniture, a excédé le seuil déterminé en application du D du présent IV.
F. - 1. Lorsqu’une même entreprise exploite des installations relevant de technologies de production différentes, les exclusions prévues au C du présent IV et la différence positive mentionnée au B du présent IV sont évaluées séparément pour chacune de ces technologies et sur chacun des périmètres déterminés en application du E du présent IV. À cette fin, des technologies soumises à un même seuil en application du D du présent IV sont réputées être identiques.
Cette évaluation est réalisée sur l’ensemble de la période mentionnée au III ou, le cas échéant, sur chacune de celles mentionnées au dernier alinéa du 2 du E du présent IV ou au second alinéa du 4 du même E.
2. Les technologies des quantités produites qui sont rattachées aux revenus exclus mentionnés aux 1° à 3° du 2 du C sont celles déterminées par la loi, les règlements ou les stipulations contractuelles qui régissent ces revenus.
La technologie de production des quantités d’électricité fournies en contrepartie d’une participation aux coûts d’une installation de production est celle de cette installation.
Lorsqu’il ressort de manière objective et explicite de l’équilibre économique des contrats de fourniture que l’électricité fournie est issue d’une ou plusieurs technologies déterminées, cette ou ces technologies sont retenues.
3. Dans les situations autres que celles mentionnées au 2 du présent F, les technologies de production sont déterminées à partir des quantités totales produites au moyen de l’ensemble des installations de l’exploitant recourant à cette technologie, le cas échéant minorées de celles déterminées en application du même 2.
Ces quantités totales sont réparties entre les périmètres déterminés en application du E du présent IV, autres que ceux dont relèvent les contrats mentionnés au dernier alinéa du 2 du présent F, à proportion des quantités produites qui leur sont rattachées.
G. - Sont déduits du montant de la contribution déterminé pour une technologie donnée, sans que ce montant ne puisse être négatif et dans la mesure où ils sont fonction de quantités produites pendant la période mentionnée au III par des installations recourant à cette technologie ou de revenus de marché que ces installations ont dégagés :
1° Les versements réalisés au titre des réserves en énergie en application du chapitre II du titre II du livre V du code de l’énergie ;
2° Les redevances proportionnelles mentionnées au chapitre III du même titre ou en application des dispositions auquel ce chapitre s’est substitué ;
3° Les parts proportionnelles de la redevance mentionnée à l’article 3‑1 de la loi du 27 mai 1921 approuvant le programme des travaux d’aménagement du Rhône, de la frontière suisse à la mer, au triple point de vue des forces motrices, de la navigation et des irrigations et autres utilisations agricoles, et créant les ressources financières correspondantes.
V. - Par dérogation à l’article L. 141‑1 du code des impositions sur les biens et services, lorsque les revenus de marché sont encaissés postérieurement à l’intervention du fait générateur, le supplément de contribution résultant de ces revenus devient exigible à la date de l’encaissement.
VI. - Le redevable de la contribution est l’entreprise exploitant l’installation mentionnée au II.
VII. - La contribution est acquittée par acomptes.
Le présent amendement a pour objet de transcrire dans le droit national le dispositif de plafonnement des revenus infra-marginaux de la production d’électricité résultant du règlement européen relatif aux mesures d’urgence pour faire face aux prix élevés de l’énergie qui a donné lieu à un accord politique au Conseil de l’Union européenne le 30 septembre 2022.
Ce règlement prévoit, du 1er décembre 2022 au 30 juin 2023, de plafonner les revenus de la production d’électricité à 180 €/MWh sur l’ensemble du territoire européen, à l’exception des régions ultrapériphériques et des pays et territoires d’outre-mer. Ce seuil a été fixé sur la base du constat qu’avant le 1er février 2022, les prix de pointe moyens sur les marchés de gros ont été de manière constante et significative inférieurs à ce seuil ; ainsi, un plafonnement à ce niveau ne serait pas de nature à remettre en cause les investissements consentis.
Comme le permet le règlement, le plafonnement n’est pas intégral, un abattement de 10 % étant ménagé afin de ne pas supprimer intégralement tout signal économique ce qui pourrait s’avérer dangereux en termes de disponibilité de la production pendant les heures de pointe et nuire à la liquidité des marchés de gros. Enfin, en cohérence avec la dynamique annuelle des marchés de l’électricité et dans un objectif de rendement, il prévoit une application jusqu’à fin 2023 avec application d’un abattement déterminé par décret en Conseil d’Etat.
L’ensemble des technologies de production d’électricité est concerné (nucléaire, fossiles, renouvelables), à l’exception de celles assurant une fonction de stockage (barrages avec réservoirs, batteries), pour lesquelles le plafonnement réduirait l’efficacité en tant que moyen de « dernier recours » pendant les tranches horaires où les prix sont les plus élevés.
Des seuils plus élevés, tenant compte des coûts conjoncturellement très élevés des combustibles et de la volatilité, sont ménagés pour certaines technologies (gaz et biogaz, charbons, biomasse, produits pétroliers). Par ailleurs, un décret pourra abaisser le seuil de 180 €/MWh pour les technologies présentant des coûts plus faibles et dégageant ainsi des marges plus importantes.
Comme le prévoit le règlement, sont exclues les revenus de la production d’électricité qui sont déjà plafonnés du fait de mesures publiques (par exemple, l’accès régulé à l’électricité nucléaire ou les énergies renouvelables régies par les contrats d’obligation d’achat ou le complément de rémunération). En outre, les redevances proportionnelles des concessions hydrauliques, qui assurent déjà un plafonnement partiel des marges, viendront en déduction de la contribution.
Cet amendement complète également les dispositions du règlement pour en assurer la mise en œuvre. Ainsi, il précise les règles applicables aux producteurs qui fournissent directement l’électricité produite aux consommateurs finals sans passer par l’intermédiaire des marchés de gros ainsi qu’aux producteurs recourant concomitamment à plusieurs technologies de production. Il dispose également que le dispositif de plafonnement, qui aura le caractère d’une imposition de toute nature, sera régi par les mêmes règles que la contribution sur la valeur ajoutée pour ce qui concerne la gestion, le recouvrement, le contrôle et le contentieux. Afin d’assurer un effet budgétaire dès 2023, il prévoit enfin un paiement par acomptes selon des conditions qui seront déterminées par décret.