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Amendement n°II-2791

Déposé le vendredi 28 octobre 2022
En traitement
Déposé par : Le Gouvernement

Au titre de la quote-part de la France et dans la limite d’un plafond de 1006 millions d’euros, le ministre chargé de l’économie est autorisé à octroyer, à titre gratuit, la garantie de l’État à l’Union européenne au titre des prêts que celle-ci accorde à l’Ukraine conformément aux dispositions de la décision (UE) 2022/1628 du Parlement européen et du Conseil du 20 septembre 2022 accordant une assistance macrofinancière exceptionnelle à l’Ukraine, renforçant le fonds commun de provisionnement par des garanties des États membres, et modifiant la décision (UE) 2022/1201, et conformément aux conclusions du Conseil européen des 30 et 31 mai 2022 et des 23 et 24 juin 2022.

L’octroi de la garantie est subordonné à la conclusion d’un accord avec la Commission européenne prévoyant notamment les conditions d’appel de cette garantie, et la date à laquelle celle-ci prend fin.

Exposé sommaire

L’assistance macrofinancière (AMF) de l’Union européenne (UE) est un instrument financier qui permet de répondre à des besoins exceptionnels de financement extérieur de pays proches de l’Union européenne (UE). En dehors du contexte exceptionnel que connaît actuellement l’Ukraine à la suite de l’agression russe initiée le 24 février 2022, l’assistance macrofinancière prend la forme de prêts financés par des fonds levés par la Commission européenne sur les marchés et garantis par le budget de l’UE à hauteur de 9%, parfois complétés par une part de dons financés par le budget de l’UE. Son objectif est de rétablir une situation financière extérieure équilibrée, tout en encourageant les ajustements économiques et les réformes structurelles nécessaires. Les fonds d’AMF sont versés aux banques centrales des pays bénéficiaires et peuvent être mobilisés à différentes fins (réserves obligatoires, intervention sur les marchés de changes ou appui budgétaire).

Entre 2014 et 2021, l’UE a soutenu les réformes essentielles en Ukraine afin d’attirer les investissements, stimuler la productivité et relever le niveau de vie à moyen terme. Ce soutien a notamment pris la forme de cinq opérations consécutives d’AMF constituées de prêts pour un montant global de 5,6 Md€ sur la période, dont 5 Md€ ont été effectivement décaissés.

Fin 2021 et début 2022, en vue de faire bénéficier rapidement l’Ukraine d’un soutien dans une situation de montée des tensions avec la Russie et de renforcer sa résilience, la Commission européenne avait préparé une nouvelle AMF d’urgence en faveur de l’Ukraine (décision (UE) 2022/313 du Parlement européen et du Conseil du 24 février 2022) : ainsi, juste après le début de l’agression russe en Ukraine initiée le 24 février, une AMF d’urgence de 1,2 Md€ sous forme de prêts de moyen/long terme a pu être versée en deux tranches égales (la première tranche a été décaissée les 11 et 19 mars 2022, la seconde le 20 mai 2022) pour contribuer à soutenir les besoins de liquidité de court terme des autorités ukrainiennes. Cette AMF d’urgence a suivi les modalités de mise en œuvre habituelles de l’outil AMF (à savoir : levée de fonds par la Commission européenne, prêts à l’Ukraine adossés aux fonds levés par la Commission européenne, provisionnement du montant de l’AMF d’urgence de 1,2 Md€ à hauteur de 9% reposant sur le budget de l’UE, plus précisément au sein du Fonds commun de provisionnement - FCP) avec toutefois une dérogation aux conditions de politique économique inscrites dans le protocole d'accord décidé avec les autorités ukrainiennes. En effet, compte tenu de la situation nouvelle et inédite, la deuxième tranche de l’AMF d’urgence (600 M€) a été décaissée sans considération du respect des conditions de politique économique.

Dans le contexte de l’agression russe en Ukraine, qui a causé une chute des recettes de l’Etat ukrainien et des exportations, ainsi qu’une augmentation significative des dépenses essentielles de l’Ukraine, le Fonds monétaire international (FMI) estime que le déficit de financement résiduel s’élève à 22,8 Md$ sur l’ensemble de l’année 2022.

Pour répondre aux besoins de financement de l’Ukraine qui s’accroissent, et comme demandé dans les conclusions du Conseil européen des 30-31 mai et 23-24 juin 2022, la Commission a proposé l’octroi d’une nouvelle assistance macrofinancière, qualifiée d’« exceptionnelle » (« AMF exceptionnelle »), d’un montant maximal de 9 Md€ en faveur de l’Ukraine. La qualification d’AMF exceptionnelle s’explique par la persistance du conflit, entraînant une hausse de l’incertitude et une hausse du risque associé à tout financement en faveur de l’Ukraine. Ainsi, les conditions habituelles d’octroi et mise en œuvre de l’outil AMF (en particulier le lien formel à un programme de décaissement du FMI) n’étaient plus applicables en mai 2022, au moment où l’UE a indiqué envisager une nouvelle assistance macrofinancière, d’un montant de 9 Md€, pour continuer à soutenir l’Ukraine à face à ses besoins de financement en situation de guerre. La Commission européenne a indiqué que les circonstances justifiaient une prise en charge du risque (ou provisionnement des prêts) à hauteur de 70% pour les prêts entrant dans cette AMF exceptionnelle. Par ailleurs, afin de rendre les prêts à l’Ukraine les plus avantageux financièrement dans un contexte de besoins de financement aigus de l’Etat ukrainien, il est apparu nécessaire d’accroître le niveau de concessionalité de l’assistance macrofinancière de l’UE en prévoyant que les intérêts à venir dus par l’Ukraine à l’UE sur l’assistance macrofinancière exceptionnelle puissent être pris en charge par le budget de l’UE.

En vertu de la décision (UE) 2022/1201 du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2022, un premier volet de cette AMF exceptionnelle, sous la forme d’un prêt de 1 Md€, a été versé (en deux tranches égales) le 1er et le 2 août 2022. Par la suite, la Commission a proposé l’octroi d’un second volet d’AMF exceptionnelle, sous la forme d’un prêt de 5 Md€ qui a fait l’objet d’un engagement politique des ministres des Finances lors du Conseil Affaires économiques et financières (Ecofin) informel du 9 septembre 2022, suivi d’une approbation du Parlement européen le 15 septembre et d’une adoption formelle du Conseil de l’UE le 20 septembre.

Pour ces 6 Md€ d’AMF exceptionnelle ayant d’ores et déjà fait l’objet d’un accord au niveau européen, il est prévu qu’ils soient octroyés à l’Ukraine sous forme de prêts avec une couverture exceptionnelle à hauteur de 70%, compte-tenu de la situation exceptionnelle du pays (cf. supra).

Compte-tenu de la situation unique liée au conflit, et de l’absence de moyens prévus dans le budget de l’UE permettant de couvrir l’instrument d’AMF exceptionnelle, il a été convenu que la couverture de 70% se répartirait de la façon suivante à ce stade : 9% pris en charge par le budget de l’UE, via le fonds commun de provisionnement (FCP), et 61% par les Etats membres, par l’octroi de garanties nationales bilatérales sur la base de la clé de contribution des États membres dans le budget annuel de l’Union[1] en 2022. Ces garanties nationales bilatérales ont vocation à abonder, en cas de besoin, le compartiment du fonds commun de provisionnement qui couvre l’outil d’AMF exceptionnelle en faveur de l’Ukraine.

Les modalités de mise en œuvre des 3 Md€ restants (sur les 9 Md€ annoncés en mai et juin) d’AMF exceptionnelle sont toujours en cours de discussion. Il est possible que le recours à des prêts garantis à 70% (selon une répartition proche, mais néanmoins non encore connue, entre la prise en charge via le budget de l’UE et les garanties bilatérales nationales) soit le schéma également retenu pour ces 3 Md€, à l’instar des 6 Md€ d’AMF exceptionnelle déjà décidés au niveau de l’UE.

Par conséquent, le présent article vise ainsi à autoriser le ministre chargé de l’Économie à octroyer la garantie irrévocable, à la demande, et inconditionnelle de l’Etat à la Commission européenne, au titre de la quote-part de la France (17,45%) relative à l’assistance macrofinancière (AMF) exceptionnelle en faveur de l’Ukraine d’un montant total maximum de 9 Md€, dans la limite d’un plafond de 1 006 M€.

Outre l’autorisation du Parlement, la mise en œuvre de cette garantie de l’Etat nécessitera une convention entre l’Etat français et la Commission européenne, qui a dans un premier temps vocation à porter sur la quote-part de la France relative aux 6 Md€ d’AMF exceptionnelle d’ores et déjà approuvés et en cours de mise en œuvre comme expliqué supra.



[1] Il convient de noter que compte tenu de la complexité et de l’urgence associées à la mise en œuvre de l’AMF exceptionnelle de l’UE, le premier volet de 1 Md€ décaissé début août a été pris en charge de façon anticipée en recourant uniquement aux moyens déjà présents sur le budget de l’UE, ce qui constitue une solution provisoire.