Fabrication de la liasse

Amendement n°CL792

Déposé le jeudi 23 novembre 2023
Discuté
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I. – À l’alinéa 8, supprimer la référence : 

« L. 741‑10 ».

II. – En conséquence, après l’alinéa 8, insérer l’alinéa suivant : 

« 3° ter A À l’article L. 741‑10, les mots : « , dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa notification » sont remplacés par les mots et quatre phrases ainsi rédigées : « pendant toute la période de sa détention à partir de la notification de la décision de placement initiale prévue à l’article L741‑1. L’ordonnance du juge des libertés et de la détention est susceptible d’appel devant le premier président de la cour d’appel pendant toute la période de la rétention de l’étranger qui court à partir du prononcé de ladite ordonnance. Lorsque l’étranger n’assiste pas à l’audience, le délai court pour ce dernier à compter de la notification qui lui est faite. Le délai ainsi prévu est calculé et prorogé conformément aux articles 640 et 642 du code de procédure civile. Le ministère public peut interjeter appel de cette ordonnance selon les mêmes modalités lorsqu’il ne sollicite pas la suspension provisoire. » ; ».

Exposé sommaire

Cet amendement vise à garantir à un étranger placé en rétention administrative le droit de contester cette décision tout au long de la période de rétention. Actuellement, la loi autorise la préfecture à maintenir les individus en détention dans un centre de rétention pendant 48 heures pour organiser leurs départs, délai que le Sénat propose d’augmenter à 4 jours.

Les implications de cette modification sénatoriale peuvent être illustrées par la condamnation de la France dans l’affaire A.M. c. France du 12/07/2016. La France a été condamnée en vertu de l’article 5§4 de la Convention européenne des droits de l’homme, car la personne avait été expulsée avant tout examen de la légalité de sa rétention, privant ainsi le requérant de la possibilité de faire valoir ses droits en vertu de l’article 5. Ainsi, la proposition d’allonger la première durée de rétention à quatre jours n’est donc bien pas en conformité avec cette condamnation par la CEDH.

Par ailleurs, la période de rétention peut être considérablement prolongée. Après le délai initial de placement, si la personne demeure au centre de rétention et si le préfet souhaite maintenir la détention, il peut demander au juge des libertés et de la détention de prolonger la rétention. Si le juge estime que la décision initiale de placement en rétention était légale et/ou que la procédure d’interpellation est régulière, il peut donc accorder une prolongation pouvant aller jusqu’à 28 jours. Avant septembre 2018, ce délai de 30 jours (48 heures + 28 jours) pouvait être prolongé une dernière fois de 15 jours supplémentaires par le juge des libertés et de la détention à la demande de la préfecture, portant la durée maximale de rétention à 45 jours. Cependant, la réforme de septembre 2018 a augmenté cette durée à 90 jours, avec la possibilité de dérogations dans des cas spécifiques.

Pour remédier à cette situation, l’étranger en rétention a deux possibilités :

Depuis 2016, il a le droit de contester la décision du préfet devant le juge des libertés et de la détention dans un délai de 48 heures, qui pourrait passer à 4 jours en lien avec la proposition sénatoriale d’augmenter le temps initial de rétention en centre administrative de rétention.

Il a la possibilité de faire appel dans les 24 heures si le juge des libertés et de la détention décide de prolonger sa rétention de 28 jours ou s’il rejette le recours contre la décision initiale de placement en rétention. Cet appel est également possible pour les décisions ultérieures du juge des libertés et de la détention prolongeant la rétention de 30 jours, 15 jours et 15 jours.

Ainsi, ces délais de 24 heures et 48 heures semblent particulièrement courts pour garantir les droits de la défense de l’étranger en rétention administrative. C’est pourquoi, afin de remédier à cette situation, nous proposons de maintenir ouvert ce délai pendant toute la période de rétention au profit l’étranger emprisonné. L’actuel délai de 48 heures, même augmenté à 4 jours, semble inadapté pour permettre à la personne détenue d’exercer un recours en prison, car il est pratiquement impossible pour elle de consulter un avocat dans un délai aussi restreint. En effet, bien souvent, le Point d’accès aux droits (PAD) est informé tardivement et n’est plus en mesure d’intervenir en raison de l’expiration du délai de recours, en particulier pour des personnes qui n’avaient pas été suivies par le PAD ou La Cimade auparavant, et à qui la mesure n’a pas été expliquée en amont.