Fabrication de la liasse

Amendement n°CL985

Déposé le jeudi 23 novembre 2023
Discuté
Photo de madame la députée Andrée Taurinya

Après l’alinéa 21, insérer l’alinéa suivant :

« Art. L. 131‑10. – Le recours à un moyen de communication audiovisuelle est interdit tout au long de la procédure devant la Cour nationale du droit d’asile. »

Exposé sommaire

Cet amendement vise à supprimer le recours à la visio-audience par la CNDA.

En effet, la procédure de demande d’asile doit être équitable, quelle que soit la situation géographique, économique ou sociale du demandeur. Nous sommes face à une déshumanisation de la justice.

Lors de la mise en place de la vidéo-audience en 2018, les avocats redoutaient la généralisation de ce type de procédé. Ces doutes ont été confirmés lors de l’audition réalisée par la Commission des lois le 16 novembre 2023, où l’Union syndicale des magistrats administratifs, le syndicat de la juridiction administrative et l’association française des juges de l’asile étaient présents. Lors de cette audition, ils ont unanimement tous alertés sur le développement des audiences délocalisées et les visio-audiences, qui porte atteinte aux principes de la justice. D’un point de vue matériel, la visio-audience permet également de faire parvenir des documents truqués plus facilement, chose qui n’est pas possible si l’audience était faite en présentiel.

Le Conseil d’État énonce que la présence d’un interprète aux côtés du requérant est une garantie. Comment justifier alors le fait que la présence de l’avocat à ses côtés de le soit pas ? ou la présence des juges ?

La CNCDH affirme que : « Les nouvelles technologies peuvent engendrer des atteintes aux garanties du procès équitable au regard notamment de la règle d’immédiateté/de présence qui fait du contact physique entre les parties et le juge une garantie de bonne justice. La visioconférence constitue un affaiblissement des droits de la défense en ce qu’elle met fin à la présence physique du comparant qui est aussi un moyen d’expression ». Ce constat est partagé par la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) qui rappelle que « le recours à la visioconférence constitue un affaiblissement des droits de la défense. L’enfermement ne doit pas, à lui seul, faire obstacle au droit des personnes privées de liberté de se présenter devant le juge et de lui présenter leurs moyens de défense en personne lorsqu’elles le souhaitent » (CGLPL, avis du 23 avril 2020 relatif à la défense dans les lieux de privation de liberté).

La généralisation de la vidéoconférence est problématique en droit d’asile, droit où l’oralité revêt une dimension majeure pour la compréhension du parcours de la personne étrangère. Cette technique déshumanise les débats et ne permet pas d’échanger dans de bonnes conditions. Elle créée une distance préjudiciable aux droits de la défense.

Ainsi, la visio-conférence a un réel impact sur la mission de juger et de prendre une décision. Elle met à mal la communication entre la Cour et les demandeurs d’asile, qui sont des personnes particulièrement vulnérables. Et ce alors même que, les décisions prises par la CNDA se fondent essentiellement sur les déclarations de la personne au cours de son entretien.

A ce titre, l’usage de la visio-conférence doit prendre fin. La consécration de ces entretiens délocalisés et dématérialisés est un grave recul pour les droits des personnes demandant l’asile. Cela porte atteinte à de nombreux droits à la défense : droit à un procès équitable, droit à un recours effectif et à l’accès au juge.

L’intime conviction est l’essence même du droit d’asile. Ce procédé risque de changer totalement l’appréhension des officiers de protections lors de la prise de décision. Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression du recours à la visioconférence pour les entretiens menés par la CNDA.

Les modalités d'application de cet amendement se font en adéquation avec les moyens humains existants.