- Texte visé : Texte de la commission sur le projet de loi, après engagement de la procédure accélérée, d'orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture (n°2436)., n° 2600-A0
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
Rédiger ainsi l’alinéa 9 :
« 5° Sa capacité à assurer une baisse durable de l’élevage, notamment en engageant une réduction de 50 % du nombre d’exploitations d’élevage d’ici 2050 afin de réaliser les objectifs climatiques de la France au titre de ses engagements internationaux, tout en prenant en charge la reconversion des professionnels vers des cultures végétales ainsi que la transformation des infrastructures. Les politiques publiques s’assurent que cette diminution de la production s’accompagne d’une diminution de la consommation afin de ne pas augmenter la part des importations et de sauvegarder la souveraineté alimentaire de la France ; ».
Cet amendement vise à intégrer l’objectif de réduction de 50% des exploitations d’élevage d’ici 2050 dans les objectifs de la politique agricole et alimentaire de la France. Il prévoit également la prise en charge de la reconversion des professionnels du secteur de l’élevage vers des cultures végétales, ainsi que la transformation des infrastructures d’élevage. L’amendement précise enfin que la diminution de la production de la viande s’accompagne d’une diminution de la consommation, et permettre ainsi de limiter au maximum les importations de viande.
La réduction du cheptel est un aspect primordial de la lutte contre la catastrophe climatique et est indispensable pour contenir et réduire les émissions de gaz à effet de serre de la France, dans le cadre de ses engagements au titre de l’accord de Paris. C’est notamment l’une des recommandations faites par la Cour des comptes dans un rapport sur le soutien public aux élevages de bovins de novembre 2022, qui préconise de définir une stratégie de réduction du cheptel bovin cohérente avec les objectifs climatiques du « Global Methane Pledge » signé par la France, en tenant compte notamment des objectifs de santé publique et de souveraineté alimentaire.
En France, la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) actuelle pose comme cap une baisse de 25 % du nombre de vaches laitières et allaitantes et de 30 % des truies entre 2015 et 2050, mais ce n’est pas suffisant selon les préconisations des experts. L’ADEME, dans son scénario n°2 du rapport Transition(s) 2050, l’un des plus ambitieux pour atteindre les objectifs climatiques de la France, préconise une réduction de 50% de la consommation de viande et indique que cette évolution des régimes alimentaires entraîne une « réduction des différents cheptels sur le territoire, en particulier pour les bovins viande (- 60 %), mais aussi les cheptels bovins lait (-20 %). Les systèmes évoluent vers des modèles plus herbagers et mixtes (viande-
lait), les systèmes sans pâturage disparaissent et les systèmes intensifs basés sur les cultures fourragères et les concentrés diminuent fortement. (…) L’évolution de ces cheptels, couplée à une recherche de qualité et de bien-être animal, entraînent une baisse de la productivité laitière. (…) La recherche de qualité est aussi poussée en monogastriques : bien-être amélioré, labels, fin des élevages en cages... ».
C’est ainsi que cet amendement fixe une trajectoire d’une baisse de 50% des exploitations d’élevage d’ici 2050, ce qui reste en deçà des préconisations de l’ADEME.
Car la réduction du cheptel, notamment bovin, qui est l’élevage le plus polluant en termes d’émissions de GES, est indispensable pour atteindre nos objectifs climatiques et atténuer la catastrophe climatique. D’après les données du ministère de la transition écologique, sur les 9,9 tonnes de CO2 émises par habitant dans notre pays en 2019, la consommation de viande de chaque français a dégagé 920kg eqCO2, soit deux fois plus que les déplacements en avion (430kg eqCO2).
D’après les études de scientifiques (Michael B. Eisen et Patrick O. Brown), l’arrêt progressif de l’élevage sur une période de quinze ans à partir d’aujourd’hui permettrait d’annuler totalement l’effet réchauffant de toutes les autres émissions humaines de GES, conduisant à neutraliser le réchauffement climatique sur la période 2030-2060. L’abandon de l’élevage se traduirait par 1680 gigatonnes de CO2 en moins à l’horizon 2100, soit l’équivalent de 46 ans d’émissions globales de GES au rythme actuellement observé. La fin de l’élevage représenterait à lui seul environ 50% des efforts à accomplir pour respecter l’accord de Paris sur le climat, et permettrait de réduire de 68% le total de GES émis d’ici à la fin du siècle par l’ensemble des activités humaines. La seule suppression de l’élevage des ruminants pour la viande et le lait représenterait 90% de ces effets bénéfiques (38% liés à la réduction directe des émissions de GES et 62% liés au stockage de carbone engendré par la régénération de la biomasse sur les terres libérées).
Au Pays-Bas, la tendance a été lancée : afin d’engager une diminution de 50% des émissions d'azote, le gouvernement a annoncé un plan de réduction de 30% du cheptel national d’ici 2030, reconnaissant que l’élevage intensif était pour la majeure partie responsable du taux de nitrates dans les sols.
Enfin, la réduction du cheptel et la fin de l’élevage intensif correspondent également à une attente sociétale. L’opinion publique se soucie de plus en plus du bien-être animal et la consommation de viande dans les foyers français se réduit d’année en année. Selon le baromètre Harris Interactive et Réseau Action Climat du 4 avril 2023, 57% des interrogés déclarent "qu’ils ont diminué leur consommation de viande dans les dernières années", soit une hausse de 9 points par rapport à 2021. 39% des Français estiment que dans les trois années à venir, ils diminueront leur consommation de viande ce qui représente également une augmentation de 9 points depuis le précédent sondage. "Tous s’accordent à dire que limiter sa consommation de viande a un impact sur l’environnement (81%) comme sur leur santé (77%). Si la volonté de faire des économies arrive en tête des raisons à ce souhait de baisser sa consommation (53% des répondants), 45% des Français expliquent leur choix pour des raisons écologiques (en hausse de 6 points par rapport à 2021)."
Cet amendement vise donc à encourager cette prise de conscience et à la traduire par une politique publique cohérente avec les objectifs de souveraineté alimentaire, de santé publique, et de lutte contre le réchauffement climatique.