XVIe législature
Session ordinaire de 2022-2023

Séance du mardi 24 janvier 2023

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture (nos 619, 748 rectifié).
Cet après-midi, l’Assemblée a commencé la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’article 9.
La parole est à M. Jordan Guitton. Le présent projet de loi vise à habiliter le Gouvernement à transposer par ordonnance la directive du 27 novembre 2019, qui concerne les transformations, fusions et scissions transfrontalières de sociétés, afin de renforcer la mobilité des entreprises au sein de l’Union européenne.
Pour préserver la souveraineté française, il n’est pas pertinent de faciliter une telle mobilité, étant donné l’hétérogénéité des règles européennes en matière de droit des sociétés et de coût du travail.
Sur la forme, il n’est absolument pas justifié d’habiliter le Gouvernement à transposer cette directive par ordonnance. Le débat démocratique doit être préservé et son affaissement ne saurait être justifié par le retard du Gouvernement.
En conséquence, le groupe Rassemblement national votera contre cet article, dont nous proposerons la suppression par l’amendement qui suit.
(Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) La parole est à M. Guillaume Gouffier Valente. Nous en arrivons à l’examen d’articles qui ont été délégués au fond à la commission des lois, y faisant l’objet de débats nourris.
Conformément à la proposition d’Émilie Chandler, rapporteure pour avis – dont je salue le travail –, le texte de la commission conserve les apports du travail qu’a mené notre collègue sénateur Didier Marie, membre du groupe socialiste et rapporteur pour avis sur ce texte.
À l’article 9, la durée de l’habilitation a ainsi été réduite de six à trois mois, en raison du délai imposé pour transposer la directive et de l’existence d’un avant-projet d’ordonnance, en cours de finalisation. En outre, le choix de transposition a été mieux encadré.
Les apports du Sénat ont également été maintenus et complétés à l’article 11, relatif au mécanisme de régularisation proposé aux acteurs économiques sujets à une exclusion de plein droit des procédures de passation des marchés publics, à la suite d’une infraction pénale. Nous débattrons tout à l’heure de cette disposition ; elle vise à remédier au caractère incomplet de la transposition de deux directives, pointé récemment par le Conseil d’État : il expose la France à un recours en manquement.
Pour toutes ces raisons, le groupe Renaissance soutiendra ces articles, pour être cohérent avec le travail mené de manière consensuelle au Sénat.
Je suis saisie de trois amendements de suppression, nos 3, 18 et 24. Je rappelle qu’ils feront l’objet d’un scrutin public, annoncé cet après-midi.
L’amendement no 3 de M. Jordan Guitton est défendu.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l’amendement identique no 18.
L’article 9 habilite le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance, afin de transposer la directive relative aux opérations transfrontalières des sociétés commerciales, qui réforme les régimes de fusion, de scission, d’apports partiels d’actifs et de transferts de siège de ces sociétés.
Dans son avis du 17 novembre 2022, le Conseil d’État relève que le Gouvernement justifie notamment le recours à la demande d’habilitation par le « retard pris dans les transpositions nécessaires ». Vous connaissez notre peu de goût pour les ordonnances ; nous contestons cette procédure et nous y opposons en proposant de supprimer l’article.
La parole est à M. Jean-François Coulomme, pour soutenir l’amendement identique no 24. Il vise à supprimer l’article : nous nous opposons à l’habilitation à légiférer par ordonnance. Dans notre camp, dans « ordonnance », nous entendons « ordonnance royale » : l’aspect antidémocratique nuit à la transposition de tels textes dans le droit français.
La directive qu’il s’agit de transposer autorise les sociétés de capitaux à fusionner avec d’autres sociétés étrangères, dans un autre État membre de l’Union européenne, et à se muer en une autre entité juridique.
Selon nous, un tel dispositif est nécessairement gros de dérives financières et d’évasion fiscale. Il met en concurrence les États, par exemple la France avec ceux dont le droit du travail est moins favorable. Cette directive est propre à affaiblir notre droit du travail, déjà bien malmené. Elle autorise également une société à se scinder en plusieurs sociétés, immatriculées dans différents États. Avec ces deux phénomènes, scission et regroupement, tous les ingrédients sont réunis pour que les entreprises se livrent à une tambouille menant au dumping social, à l’évasion et à l’optimisation fiscales – en clair, pour rendre le dispositif particulièrement nauséabond et lui ôter toute vertu.
On peut s’interroger sur le droit qui s’appliquera aux salariés de ces entreprises :…
Merci de conclure, cher collègue. Pour toutes ces raisons, le groupe La France insoumise s’opposera à l’article 9. Pour l’heure, nous vous proposons de voter ces amendements de suppression. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales. Je demande une suspension de cinq minutes. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt et une heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante.) La séance est reprise.
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour un rappel au règlement. Il est fondé sur l’article 100, relatif à la discussion et au vote des amendements.
Nous ne mettons pas en cause le principe des suspensions, elles sont de droit. En revanche, nous l’avons dit plusieurs fois, nous contestons le motif de certaines d’entre elles : chaque fois que la majorité relative ne finit pas de dîner à l’heure
(« Oh ! » sur les bancs du groupe RE) , tous ceux qui font l’effort d’être là sont pénalisés par l’effet sur le déroulement des débats. C’est très fatigant. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR et RN.) Il fallait nous dire vingt-deux heures ! La majorité est relative : les groupes d’opposition pourraient très bien se mettre d’accord pour bloquer la séance jusqu’à ce que nous soyons nous-mêmes majoritaires, afin de faire pencher les votes dans l’autre sens. Ce serait sans fin ! (Protestations sur les bancs du groupe RE.) C’est de droit ! Justement, je propose que nous poursuivions le débat. Certes, mais j’interviens parce que le phénomène se répète encore et encore. Je fais donc de la pédagogie, afin que vous évitiez d’y recourir lors des prochaines séances. On peut très bien ne pas arriver à l’heure, être retenu pour quelque motif que ce soit. Cependant, il faut en assumer les conséquences sur le déroulement des débats. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR et RN.) La parole est à M. Sylvain Maillard, pour un rappel au règlement. Il est également fondé sur l’article 100, pour répondre à mon collègue.
D’abord, la suspension est de droit. Pendant votre niche, nous avons attendu dix minutes votre rapporteur : vous ne donniez pas de leçons !
(Applaudissements sur les bancs du groupe RE.) Ce n’était pas pour voter ! Ne donnez pas de leçons sur le comportement :… Nous ne l’avons jamais fait ! …la suspension est de droit, nous l’avons demandée ; nous pouvons maintenant poursuivre l’examen du texte. Maintenant que vous êtes suffisamment nombreux ! Vraiment, gardez vos conseils pour vous ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.) C’est tout ? Je suis presque déçu ! Je suis contre les combats de coqs !
La parole est à Mme Émilie Chandler, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur ces amendements identiques. À titre liminaire, je souligne qu’il ne faut pas avoir peur des entreprises. J’ai entendu des mots très forts, comme « tambouille », « ôter toute vertu », et « nauséabond ». Je trouve gênant de concevoir l’économie et le monde de l’entreprise avec des mots aussi négatifs. Bisounours, c’est mieux ? Je ne suis pas un Bisounours, je vous l’assure, mais je voulais éclairer le milieu entrepreneurial sous un autre jour. Je ne parle pas de vous mais des entreprises ! Merci de me laisser terminer mon propos, comme je vous ai laissé terminer le vôtre.
Ces amendements identiques visent à supprimer l’article 9 ; ils ont été défendus et rejetés lors de l’examen en commission. La commission a donc émis un avis défavorable à ces amendements, en votre présence.
D’abord, l’adoption de ces amendements empêcherait de transposer la directive relative aux opérations transfrontalières, or le délai de transposition expire le 31 janvier 2023 – comme vous le savez. Il ne sera donc pas possible de la transposer à l’aide d’un autre véhicule législatif.
Ensuite, vous contestez le recours à l’ordonnance en faisant valoir que la directive a déjà trois ans et que le Gouvernement aurait pu mettre à profit ce temps pour préparer un projet de loi. En l’occurrence, le recours à l’ordonnance se justifie parfaitement : la directive à transposer concerne les opérations transfrontalières des sociétés, un sujet qui relève par nature de la compétence de l’Union européenne et du fonctionnement du marché commun. En cette matière, les marges de manœuvre du législateur national sont très réduites. Le débat et les discussions techniques sur ce texte ont déjà eu lieu dans les institutions européennes ; il n’y a donc pas d’intérêt à élaborer un projet de loi
ad hoc .
Contrairement à ce que vous indiquez dans l’exposé sommaire de l’amendement, monsieur Coulomme, le Gouvernement n’a pas perdu son temps : il a mis à profit ces trois ans pour préparer la transposition de la directive et le projet d’ordonnance est quasiment prêt.
Eh oui ! Au cours des auditions, qui étaient ouvertes à tous – je n’y ai pas vu nombre d’entre vous –, des mesures de transposition m’ont été présentées. Et à mes auditions, vous y étiez, vous ? Je peux sans difficulté vous communiquer les fiches de transposition qui m’ont été remises au cours des auditions ; vous verrez que le recours à une ordonnance se justifie par le caractère très long et très technique de la transposition. C’est insupportable ! Enfin, le Sénat a accepté le recours à une ordonnance, alors qu’il est tout aussi soucieux que vous des droits du Parlement. Il a même réduit le délai d’habilitation à trois mois au lieu de six, afin d’accélérer la transposition. Pour toutes ces raisons, je propose de rejeter les amendements de suppression. Avis défavorable. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe RE.) La parole est à M. le ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications, pour donner l’avis du Gouvernement. Avis défavorable. La parole est à M. Jean-François Coulomme. Nous contestons la forme, précisément le fait de procéder par ordonnance. Vous dites que le temps de la transposition était nécessaire, mais devons-nous entendre transposition ou traduction ? S’il s’agit d’une traduction, nous pourrions facilement trouver des personnes bilingues capables de traduire l’anglais de l’Union européenne en français ; nous disposerions alors d’une traduction exacte du texte européen.
Ce texte rend dangereuses les opérations dont il est question, à savoir les fusions et scissions d’entreprises. Il pose problème par rapport au droit français, qui ne s’appliquerait plus aux entreprises ; elles dépendraient alors de réglementations et de lois d’un pays tiers. C’est ce qui nous chagrine.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 3, 18 et 24.
(Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 116
Nombre de suffrages exprimés 114
Majorité absolue 58
Pour l’adoption 38
Contre 76
(Les amendements identiques nos 3, 18 et 24 ne sont pas adoptés.)
(L’article 9 est adopté.)
Sur les amendements no 4 et identiques, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Sur l’article 11, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Yoann Gillet, inscrit sur l’article.
Nous discutons d’un projet de loi ayant pour seul objet la retranscription du droit européen dans le droit français. Je vous propose d’en supprimer l’article 11. Pourquoi ? Aujourd’hui, un candidat à un marché public est automatiquement exclu s’il a été condamné pour des faits graves ; son offre n’est même pas étudiée, ce qui est heureux. Mais l’article 11 ouvre les marchés publics et les concessions à ceux qui ont commis des infractions pénales d’une extrême gravité : escroquerie, blanchiment, abus de confiance, terrorisme, trafic de stupéfiants ou encore trafic d’êtres humains.
Ne me répondez pas qu’il est absolument nécessaire de se conformer aux directives européennes : je ne peux pas l’entendre et les Français ne peuvent pas l’entendre. À juste titre, ils ne peuvent pas entendre que nous légiférions sur une mesure qui ne correspond en rien à leurs intérêts. Si la France a jusqu’alors décidé de ne pas retranscrire ces directives dans leur totalité, c’est bien qu’il y a une raison et en premier lieu, une raison morale. Les directives européennes qu’il s’agit de transposer font la part belle à l’impunité des entreprises en matière de commandes publiques. Les Français doivent pouvoir dire non ; la souveraineté française ne doit pas être bradée. En supprimant cet article, chers collègues, nous réaffirmerons la primauté du droit français.
En somme, supprimons cet article en adoptant les amendements qui suivent, faute de quoi le groupe Rassemblement national votera évidemment contre l’article 11.
(Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Je suis saisie de quatre amendements identiques, nos 4, 17, 25 et 57.
L’amendement no 4, de M. Jordan Guitton, est défendu.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l’amendement no 17.
L’article 11 insère dans le code de la commande publique un mécanisme de régularisation pour les opérateurs économiques qui ont été sanctionnés par des peines entraînant l’exclusion des procédures de passation de marché pendant une durée de cinq ans. Il prévoit ainsi qu’une condamnation définitive pour certaines infractions du code de la commande publique, telles que le trafic de stupéfiants, le trafic des êtres humains, l’escroquerie, le blanchiment, la corruption active, la fraude fiscale et les actes de terrorisme, donnant lieu actuellement à une exclusion de plein droit des procédures de passation des marchés publics et des contrats de concession, ne serait plus applicable à tout opérateur économique ayant adopté des mesures correctrices.
Ainsi, cet article étend aux faits graves le mécanisme d’autoapurement prévu pour les faits les moins graves. Ce n’est pas acceptable. C’est pourquoi nous proposons sa suppression.
La parole est à M. Jean-François Coulomme, pour soutenir l’amendement no 25. Souvent, on entend dire dans cet hémicycle que nous ne serions pas aussi europhiles que d’autres collègues aux sensibilités politiques différentes. Mais donnez-nous des raisons de l’être, avec une Europe qui protège ou qui défend l’intérêt général – la nature, par exemple. Bien souvent, nous avons affaire à des directives et des règlements qui vont dans le sens contraire.
L’article 11 en est un bon exemple : plutôt que de protéger le droit français et les collectivités publiques, la directive retranscrite donne la possibilité à des entreprises de s’autoapurer – rendez-vous compte !
Madame la rapporteure pour avis nous reproche de ne pas aimer les entreprises et de les soupçonner de manœuvres suspectes ; là encore, donnez-nous des raisons de ne pas les soupçonner ! Ne permettons pas à des entreprises de s’autoabsoudre des délits dont elles se sont rendues coupables ! En l’occurrence, il s’agit de délits graves, voire gravissimes. Ce n’est pas de la petite bière ! Ce sont des actes particulièrement graves, dont les entreprises pourraient s’autoapurer pour ensuite se porter candidates à des marchés publics. Ce n’est pas recevable !
Nous nous opposons fermement à l’article 11, qui défend la corruption dans son texte même.
(M. Ugo Bernalicis applaudit.) L’amendement no 57 de M. Yoann Gillet est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
Ces amendements de suppression ont été défendus et rejetés en commission. L’avis de la commission est donc défavorable, mais je vais apporter un éclairage et des explications. Pour éclairer cet avis, je dois expliquer brièvement ce qu’est le mécanisme d’autoapurement et en quoi le droit français était contraire au droit européen ; c’est tout l’enjeu de l’article 11.
Qu’est-ce que le mécanisme d’autoapurement ? En droit de la commande publique, des opérateurs économiques peuvent être exclus de la procédure de passation d’un marché public ou d’un contrat de concession lorsqu’ils ont été condamnés pour certains faits. Le droit européen a prévu un mécanisme d’autoapurement –
self-cleaning en anglais –, qui permet à l’opérateur de ne pas être exclu s’il a pris des mesures visant à empêcher la réitération des faits. Il peut s’agir d’un changement d’équipe dirigeante, d’une collaboration active avec les enquêteurs ou de toute autre mesure préventive.
Il est important de préciser que ce mécanisme d’autoapurement ne s’applique jamais lorsque l’opérateur a expressément fait l’objet d’une peine complémentaire d’exclusion des marchés publics ; les choses sont assez claires. De ce point de vue, le droit européen est très vertueux et respecte la séparation des pouvoirs. Lorsque le jugement de condamnation prévoit une peine d’exclusion, il n’est pas possible de s’en dispenser avec le mécanisme d’autoapurement. Si le jugement n’a pas prévu de peine, l’opérateur est en principe exclu, sauf s’il parvient à démontrer, dans le cadre du mécanisme d’autoapurement, qu’il a pris des mesures correctrices pertinentes, comme celles présentées précédemment.
Pourquoi le droit français n’était-il pas conforme au droit européen et pourquoi doit-on le mettre en conformité ? Parce qu’il était plus strict que le droit européen et ne prévoyait pas de mécanisme d’autoapurement. C’est pourquoi il a été jugé contraire au droit européen. La commission a donc donné un avis défavorable aux amendements de suppression.
Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable. La parole est à M. Jean-François Coulomme. Prenons un exemple récent, qui est encore dans toutes les mémoires : une entreprise française, Lafarge, a collaboré avec Daech en Syrie. Ah ! Elle fait l’objet d’un procès aux États-Unis pour ces faits, mais pourra s’autoapurer en France des faits qui lui sont reprochés, en licenciant quelques lampistes du conseil d’administration ou du conseil de direction ! C’est exactement le type de mécanisme dont nous ne voulons pas.
Imaginez que ce mécanisme d’autoapurement soit transcrit pour des peines et des délits individuels ! Un délinquant pourrait ainsi dire à un juge : « J’ai commis ce délit, c’est vrai, mais je me suis débarrassé de l’arme utilisée. Vous pouvez maintenant avoir confiance en moi. En toute bonne foi, je suis rangé de la criminalité et vous pouvez me réintégrer dans les rangs des honnêtes gens ». L’entreprise que j’ai citée pourrait tenir le même discours.
(Mme Karen Erodi et M. Ugo Bernalicis applaudissent.) La parole est à M. Frédéric Descrozaille. Cet exemple est passionnant et nous le retrouverons lors des prochaines élections européennes. Vous voulez nous faire croire que vous êtes proeuropéens en disant : « J’adore l’Europe si elle est comme je le veux. » Être favorable à l’Europe, c’est avoir pour valeur le sens du compromis. Et abandonner son destin ! Vous n’aimez pas l’Europe des nations ! Or vous faites valoir la détestation du compromis. Vous faites semblant de penser que l’enjeu de l’article 11 est simple. Vous faites semblant de confondre personne morale et personne physique – la dernière intervention le démontre ; or ce n’est pas la même chose.
La complexité de ce dispositif repose sur un compromis entre un très grand nombre d’États membres.
Deux enjeux sous-tendent ce compromis : personne morale et personne physique sont différentes ; la preuve peut être faite qu’une personne morale a modifié suffisamment profondément ses pratiques pour ne pas être condamnée deux fois. En outre, la première condamnation peut ne pas lui interdire de participer aux marchés publics. Vous faites semblant de ne pas le comprendre…
Si, si, on a bien compris ! …et vous faites croire aux Français que l’Europe peut être le prolongement de la France. Eh bien non ! Être pour l’Europe, c’est aimer discuter et convaincre… C’est votre Europe ! Ce n’est pas l’Europe des béni-oui-oui qui disent oui à tout ! …être assez fort pour fédérer des majorités et avoir le sens du compromis. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.) Je mets aux voix les amendements identiques nos 4, 17, 25 et 57.
(Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 128
Nombre de suffrages exprimés 127
Majorité absolue 64
Pour l’adoption 39
Contre 88
(Les amendements identiques nos 4, 17, 25 et 57 ne sont pas adoptés.) La parole est à M. Gérard Leseul, pour soutenir l’amendement no 29. Vous pourriez l’accepter puisqu’il vise à répondre aux inquiétudes exprimées lors de la discussion des amendements de suppression.
En effet, cet amendement vise à préciser les critères permettant d’apprécier la fiabilité d’un opérateur économique qui fait l’objet d’une peine d’exclusion, en ajoutant le cas de la récidive. Si une entreprise, exclue de la procédure de passation des marchés, fait valoir qu’elle a pris des mesures dans le cadre du mécanisme d’autoapurement et se rend ensuite coupable d’une nouvelle infraction de même nature, la démonstration sera faite de son caractère définitivement défaillant. En cas de récidive, l’exclusion serait alors automatique.
Quel est l’avis de la commission ? Selon votre amendement, la récidive d’un opérateur ayant pris des mesures correctrices prouverait que les mesures en question n’étaient pas pertinentes et qu’il doit être exclu du mécanisme d’autoapurement.
J’y suis défavorable pour les raisons suivantes. Sur la forme, d’abord, la rédaction est imprécise car le terme de récidive renvoie à un critère pénal bien identifié ; vous visez plutôt la réitération des faits. Votre amendement mériterait d’être plus clair sur ce point.
Sur le fond, je ne crois pas souhaitable d’établir la liste de tous les cas dans lesquels les mesures correctrices seront jugées insuffisantes car cela risque de donner lieu à des interprétations qui iraient dans le sens inverse du but que vous recherchez. Pour une question de sécurité juridique, nous devons nous en tenir au texte de la directive.
Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable. La parole est à M. Gérard Leseul. Vous auriez pu faire preuve d’un peu plus de compréhension car cet amendement vise justement à encadrer le dispositif et à éviter la récidive. D’autres collègues ont proposé la suppression de l’article ; au moins auriez-vous pu accepter, puisque le mécanisme d’autoapurement est maintenu, qu’il prévoie qu’en cas de récidive, l’entreprise en soit automatiquement exclue. Je le concède, sans doute l’amendement est-il mal rédigé mais, dans ce cas, vous auriez pu le sous-amender, afin de lever l’inquiétude que suscite cet article.
(L’amendement no 29 n’est pas adopté.) Je mets aux voix l’article 11.
(Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 127
Nombre de suffrages exprimés 124
Majorité absolue 63
Pour l’adoption 90
Contre 34
(L’article 11 est adopté.)
Sur l’article 12, je suis saisie par le groupe Renaissance d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. José Beaurain.
Je me réjouis de constater que des autorités de contrôle, telles que l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse – Arcep – et l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique – Arcom –, seront habilitées à rechercher et à constater les infractions aux obligations en matière d’accessibilité, afin d’inciter le secteur privé à remédier au défaut d’accessibilité numérique pour les personnes en situation de handicap, notamment visuel. Selon l’association Valentin Haüy, moins de 10 % des sites internet sont accessibles aux personnes aveugles et non-voyantes. Dois-je vous rappeler que près de 2 millions de personnes sont atteintes d’un trouble visuel en France et que 210 000 personnes aveugles comptent sur nous pour les défendre ?
Ce constat démographique me fait penser que, depuis plus de dix ans, le secteur public n’est soumis au contrôle d’aucune commission en la matière et que les services publics sont inaccessibles à plus de 40 % des aveugles et des non-voyants. Or l’État et les services publics doivent être accessibles à tous. Cette avancée du droit à l’accessibilité numérique en faveur des personnes aveugles et malvoyantes doit être soutenue par la direction interministérielle du numérique. Ne passons pas à côté de cette occasion en or de rendre le numérique accessible à tous.
(Applaudissements sur les bancs des groupes RN et LR et sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et LIOT.) La parole est à Mme la rapporteure de la commission des affaires sociales, pour soutenir l’amendement no 67, qui fait l’objet d’un sous-amendement no 91. C’est un amendement de précision. La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir le sous-amendement no 91. Après avoir échangé avec les associations et plusieurs parlementaires, qui ont ensuite enrichi le texte en commission, le Gouvernement a décidé d’inscrire l’article 12 dans la loi. Il était temps car ces dispositions européennes auraient dû être transposées en droit français depuis longtemps. Nous pouvons nous satisfaire de cette très belle avancée puisque plusieurs services seront désormais accessibles.
En outre, dans le cadre de l’habilitation donnée au Gouvernement de légiférer par ordonnance, le sous-amendement de Mme Panosyan-Bouvet, adopté en commission, vise à renforcer le régime des sanctions qui s’appliqueraient notamment en cas de manquement à l’obligation d’accessibilité des services de communication au public.
Le sous-amendement no 91 vise à préciser la nature des documents précontractuels et contractuels en matière de crédit à la consommation et de crédit immobilier, qui seraient assujettis aux obligations d’accessibilité. Avis favorable à l’amendement no 67 sous réserve de l’adoption du présent sous-amendement.
(Le sous-amendement no 91, accepté par la commission, est adopté.)
(L’amendement no 67, sous-amendé, est adopté.) Les amendements nos 68, 73 et 65 de Mme la rapporteure sont rédactionnels.
(Les amendements nos 68, 73 et 65, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.) Je mets aux voix l’article 12.
(Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 144
Nombre de suffrages exprimés 144
Majorité absolue 73
Pour l’adoption 144
Contre 0
(L’article 12, amendé, est adopté.) (Applaudissements sur tous les bancs.)
La parole est à M. Mickaël Bouloux, pour soutenir l’amendement no 28. Je le retire car il est satisfait par l’adoption en commission d’un sous-amendement au contenu identique, excellemment présenté par Mme Panosyan-Bouvet.
(L’amendement no 28 est retiré.)
(Les articles 13, 14, 15, 16, 17, 18 et 19 sont successivement adoptés.)
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 75 rectifié. Le Sénat a complété l’article 10 par une liste limitative des établissements et personnes habilités à délivrer des denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales – DADFMS. La préoccupation des sénateurs était légitime : il s’agissait de s’assurer que la délivrance des DADFMS soit soumise à un contrôle médical. En d’autres termes, elles ne doivent pas être vendues en grande surface, comme c’est le cas dans certains pays européens.
Si je partage cette intention, j’ai été alertée par le fait que cette liste pose problème. En effet, elle fait courir le risque d’oublier des acteurs qui d’ores et déjà jouent un rôle essentiel pour dispenser ces denrées aux patients qui en ont besoin. En l’état, nous nous sommes rendu compte que cette liste ne mentionnait pas les établissements médico-sociaux. Si la loi était publiée dans sa version actuelle, du jour au lendemain, ces établissements se trouveraient dans l’impossibilité juridique de délivrer leur nutrition parentérale à des résidents qui doivent être alimentés par sonde – et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres.
Alors que dans un premier temps, j’ai envisagé de compléter cette liste avec le concours des différents acteurs concernés, je n’ai pu recevoir la garantie de n’oublier personne. C’est pourquoi, afin de ne pas léser les patients, il est préférable de supprimer cette énumération de la loi, en laissant le soin au Gouvernement de préciser les établissements et les personnes habilités dans un texte réglementaire.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’Europe, pour donner l’avis du Gouvernement. Vous proposez de supprimer l’alinéa 10 introduit par le Sénat, qui énumère les structures pouvant délivrer toute DADFMS, dès lors qu’elle ne présente pas de risque grave pour la santé en cas de mésusage.
D’une manière générale, cet article prévoit que l’ensemble des DADFMS ne peuvent être utilisées que sous contrôle médical, conformément au règlement européen dont il est fait application. Bien que le Gouvernement partage la préoccupation du Sénat d’empêcher que les DADFMS, même celles ne présentant aucun risque, soient délivrées par les circuits de la grande distribution, en l’absence de tout contrôle médical – ce qui serait contraire au règlement européen –, il s’interroge sur les conséquences de l’établissement d’une liste fermée qui ne ferait pas l’objet d’une concertation avec l’ensemble des acteurs du secteur. Pour ces raisons, je suis favorable à votre amendement.
(L’amendement no 75 rectifié est adopté ; en conséquence, l’amendement no 11 tombe.) La parole est à M. Vincent Descoeur, pour soutenir l’amendement no 10. Nous souhaitons relayer les inquiétudes des associations de patients atteints de maladies héréditaires du métabolisme, qui redoutent une modification du circuit de distribution des substituts protidiques, des acides aminés ou des produits hypoprotidiques qui leur sont indispensables. Ces malades ont en effet besoin d’une offre diversifiée et adaptée pour éviter le développement des symptômes de leur maladie et une hospitalisation.
Ils sont, de fait, très attachés à la gestion actuelle de la distribution de ces denrées alimentaires destinées à des fins médicales, qui est majoritairement assurée par l’Agence générale des équipements et produits de santé (Ageps). Ce circuit de distribution permet une gestion centralisée qui est, je le redis, plébiscitée par les patients et qui pourrait être remise en cause.
Toute modification, en particulier la décentralisation de cette distribution, pourrait avoir des conséquences fâcheuses pour les patients, qui pourraient être confrontés à une restriction du choix des produits et à des difficultés liées à une moindre prise en charge.
C’est pourquoi nous proposons, par l’amendement no 10, que cette distribution ne soit pas à la charge des officines mais demeure centralisée, comme le réclament, encore une fois, les associations de patients.
Quel est l’avis de la commission ? Votre amendement a pour objet de maintenir le mode de dispensation actuel des DADFMS destinées aux personnes atteintes de maladies héréditaires du métabolisme, qui est centré essentiellement sur l’Ageps, mais pas uniquement puisqu’à ce jour, 205 pharmacies, réparties sur l’ensemble du territoire, dispensent ces denrées.
L’article 20 n’impose pas, j’y insiste, une dispensation en officine : les DADFMS métaboliques pourront continuer à être dispensées en pharmacie à usage intérieur si l’on juge, au terme des consultations qui vont être réalisées, que c’est dans l’intérêt des patients. Je rappelle par ailleurs que ce mode de dispensation présente, certes, des avantages, mais que le directeur de l’Ageps nous a bien indiqué qu’il ne disposait plus des ressources humaines nécessaires pour continuer à assumer cette mission dans la France entière. Nous devons donc apporter une solution à ce problème.
Enfin, sur le plan strictement juridique, votre amendement aurait pour effet de supprimer la période transitoire de deux ans qui permettra de consulter les associations de patients et les parties prenantes. Vous proposez donc le contraire de ce que vous souhaitez puisque vous exigez que la mise en œuvre du nouveau circuit de distribution soit effective dès l’entrée en vigueur de la loi – telle n’est pas, je crois, votre intention. Je vous invite donc à retirer cet amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ? Je n’ai rien à ajouter aux arguments présentés par Mme la rapporteure. Avis défavorable. La parole est à M. Vincent Descoeur. Le fait de prévoir l’aménagement d’une période transitoire de deux ans atteste d’une prise de conscience mais aussi du bien-fondé de la demande des associations de patients. Toutefois, à cette heure, différer de deux ans l’entrée en vigueur de cette disposition n’est pas de nature à les rassurer durablement. Aussi l’amendement no 11, qui est tombé, insistait-il précisément sur l’importance de maintenir un système de distribution centralisé.
J’insiste d’autant plus que cette mesure n’a fait l’objet d’aucune concertation, ni avec les associations de patients ni avec les distributeurs de produits. L’offre est actuellement exposée à un véritable risque alors que les patients concernés ont impérativement besoin de ces produits.
Très bien ! Une période transitoire de deux ans, c’est une chose, mais je m’interroge sur les raisons pour lesquelles vous ne souhaitez pas maintenir le circuit de distribution actuel, qui fait l’unanimité des associations de patients. Plus de 3 500 personnes, réparties sur l’ensemble du territoire national, sont concernées. La parole est à Mme la rapporteure. Comme nous avons pu le constater lors de nos auditions, les associations de patients, qui représentent, vous l’avez dit, 3 500 personnes, sont effectivement inquiètes ; nous les avons entendues.
Cependant, actuellement, les DADFMS ne sont pas délivrées uniquement par l’Ageps ; certaines pharmacies à usage intérieur accomplissent cette tâche de façon remarquable. Or les associations de patients nous ont demandé une concertation. L’article 20 prévoit ainsi qu’elles pourront, pendant deux ans, exprimer leurs inquiétudes et leurs besoins et permet aux parties prenantes d’avoir la mainmise sur la dispensation.
Vous pourriez raccourcir le délai ! C’est parce que nous avons écouté les associations que nous avons amendé l’article en commission. Je demande la parole, madame la présidente ! Je suis désolée, cher collègue : chacun a pu s’exprimer. C’est un sujet grave, madame la présidente. Nous devrions pouvoir répondre à la rapporteure, tout de même ! Je ne nie pas l’intérêt du sujet, ni sa gravité, mais nous avons des règles et je suis chargée de les faire appliquer. Je sais bien, madame la présidente, mais les familles sont suffisamment préoccupées pour qu’on leur apporte une réponse circonstanciée et qu’on raccourcisse le délai !
(L’amendement no 10 n’est pas adopté.)
(L’article 20, amendé, est adopté.)
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 41. Il s’agit d’un amendement de cohérence juridique qui vise à réparer un oubli dans l’ordonnance de 2022 portant adaptation des dispositions du code de la santé publique et du code rural et de la pêche maritime au droit de l’Union européenne dans le domaine des médicaments vétérinaires et aliments médicamenteux. Quel est l’avis du Gouvernement ? Votre amendement vise à supprimer l’inscription à l’Ordre des pharmaciens de la personne qualifiée responsable ; il est donc en cohérence avec l’application du droit européen et du règlement 2019/6 relatif aux médicaments vétérinaires, qui a étendu le niveau de compétence universitaire requis pour l’exercice de cette fonction. Ainsi, désormais, la personne qualifiée responsable n’est plus obligatoirement un pharmacien ou un vétérinaire ; elle peut être titulaire d’un des diplômes listés à l’article 97 du règlement susmentionné, en chimie ou en biologie, par exemple.
Le code de la santé publique devant être adapté en ce sens, je suis favorable à cet amendement.
(L’amendement no 41 est adopté.)
(L’article 22, amendé, est adopté.)
La parole est à M. Thierry Frappé. La contrefaçon de médicaments est un fléau qui tue chaque jour des milliers de personnes, notamment en Afrique. Nous sommes évidemment en faveur de toute mesure qui viserait à la faire disparaître.
Pour lutter efficacement contre ce phénomène, l’Union européenne a conçu un dispositif de marquage individuel des boîtes de médicaments : la sérialisation. Celle-ci permet de savoir précisément quand une boîte est vendue en officine ; elle disparaît alors du système, de sorte que, si jamais une boîte porteuse des mêmes identifiants apparaît, elle est forcément le produit d’une contrefaçon.
La sérialisation représente un coût considérable pour les chaînes de fabrication du médicament dans l’Union européenne, mais les industriels ont joué le jeu car ils ont beaucoup à perdre avec la contrefaçon. Sanofi a même un laboratoire entièrement dédié à l’analyse des médicaments saisis par les douanes, laboratoire qui n’a pas d’équivalent dans l’administration. Quant aux pharmaciens professionnels, responsables en bout de chaîne, ils jouent bien évidemment leur rôle.
L’article 24 vise à mettre à l’amende les officines qui ne retireraient pas du système les boîtes déjà vendues. Cette mesure, qui ne contribuera probablement que de manière très faible à la lutte contre la contrefaçon, doit être perçue, non pas comme une remise en cause globale d’une profession, mais bien comme un moyen d’éviter que les trafiquants n’utilisent les officines pour développer leur dangereux et mortifère trafic.
Nous voterons bien entendu en faveur de l’article 24, car nous soutenons le combat contre la fraude et la contrefaçon. Mais, d’une part, l’État ne doit pas se défausser de sa responsabilité et, d’autre part, la lutte contre la fraude aux médicaments mérite une action d’une ampleur beaucoup plus importante.
(Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 42. Il s’agit d’appliquer la pénalité financière prononcée en cas de non-respect de l’obligation de sérialisation à l’officine, personne morale, plutôt qu’au titulaire de l’officine, personne physique.
En effet, l’objet de l’article 24 est bien de sanctionner les officines qui ne mettent pas en œuvre la sérialisation, et non chaque titulaire de l’officine. Du reste, l’équipement nécessaire à la sérialisation a vocation à être acquis à l’échelle de l’officine, indépendamment du nombre de titulaires. Enfin, les informations qui seront mises à disposition de l’assurance maladie ne viseront que l’officine.
C’est donc bien cette dernière et non son titulaire qui est l’entité pertinente à prendre en compte dans le cadre de cette disposition.
Quel est l’avis du Gouvernement ? J’ajoute aux propos de Mme la rapporteure que l’objectif de cette mesure est bien de faire en sorte que 100 % des pharmacies d’officine, mutualistes et de secours minier désactivent les identifiants uniques des boîtes de médicament sérialisées.
Pour les raisons que vous avez indiquées et pour cette raison-là, je suis favorable à votre amendement.
(L’amendement no 42 est adopté.) La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 43. L’article 24 prévoit que les officines sanctionnées pour défaut de mise en place de la sérialisation peuvent former un recours devant le tribunal administratif.
La Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) nous a cependant signalé que, du fait de cette mesure, deux types de juridictions seraient compétents dans le cadre du contentieux lié à cette pénalité. En effet, le contentieux général de l’assurance maladie relève du tribunal judiciaire. Dès lors, celui-ci serait compétent en cas de non-paiement de la pénalité alors que l’officine devrait aller devant le tribunal administratif pour contester une pénalité qu’elle jugerait injustifiée.
Aussi le présent amendement vise-t-il à réserver l’intégralité du contentieux autour de cette pénalité au juge judiciaire, dans un but de cohérence et de simplification.
Quel est l’avis du Gouvernement ? Par souci de cohérence et de simplification, je suis favorable à l’amendement.
(L’amendement no 43 est adopté.)
(L’article 24, amendé, est adopté.)
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 16 et 59.
La parole est à Mme Pascale Boyer, pour soutenir l’amendement no 16.
La directive déléguée 2022/2100 oblige les États membres à distinguer les tabacs à fumer des tabacs sans combustion et à appliquer des avertissements sanitaires différents selon les caractéristiques des produits. Dans une logique de santé publique, la transposition de cette directive est nécessaire et des informations concernant les risques encourus par leurs utilisateurs doivent, bien entendu, être mentionnées sur l’emballage de ces produits. Du reste, sont déjà apposés sur ceux du tabac à chauffer des avertissements d’étiquetage tels que : « Ce produit du tabac nuit à votre santé et crée une dépendance ».
Toutefois, dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, nous avons précisé que les produits du tabac à chauffer n’étaient pas susceptibles d’être fumés, comme le rappelle la commission des affaires sociales dans son rapport sur le présent projet de loi. Or, la directive déléguée précise clairement que, pour étendre, comme l’a souhaité la commission, les obligations d’étiquetage applicables à la cigarette au tabac à chauffer, il faut d’abord définir celui-ci comme étant un produit du tabac à fumer.
Il importe donc, pour éviter différents recours, de ne pas imposer un étiquetage inadapté au produit.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 59. Les raisons pour lesquelles il faut voter pour les amendements Boyer et de Courson sont au nombre de deux.
Premièrement, comme l’a indiqué Mme Boyer, le texte tel qu’il est rédigé, en ne distinguant pas les tabacs à fumer des tabacs sans combustion, serait contraire à la directive déléguée du 29 juin 2022.
Deuxièmement, ceux d’entre vous qui participent aux travaux de la commission des affaires sociales se souviennent que l’article 15 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2023 crée une catégorie fiscale spécifique pour les tabacs à chauffer, de manière à leur appliquer une fiscalité cohérente avec celle qui s’applique au tabac à fumer. Cette disposition a d’ailleurs été votée avec l’accord de la rapporteure du présent texte.
Il est donc important de distinguer les deux types de tabac, ce que ne fait pas le texte – c’est, à mon avis, une erreur de transposition. Par cohérence avec la loi de financement de la sécurité sociale et par conformité avec la directive du 29 juin 2022, il faut donc adopter ces amendements.
Quel est l’avis de la commission ? Monsieur de Courson, nous ne revenons pas sur l’article 15 de la LFSS pour 2023, puisque celui-ci concernait la catégorie fiscale du tabac à chauffer.
Les deux amendements identiques visent à supprimer l’alignement des produits du tabac à chauffer sur le tabac à fumer, s’agissant des avertissements sanitaires qui doivent figurer sur le paquet. Vous contestez cette mesure pour des motifs juridiques ; vous dites que cela aboutit à supprimer la distinction entre tabac à chauffer et tabac à fumer, et à inscrire « Fumer est dangereux pour la santé » sur des contenants de tabac qui, par définition, ne se fume pas.
Je conteste vos arguments. L’article 24
bis n’a pas pour effet de supprimer, de manière générale, la distinction entre tabac à chauffer et tabac à fumer. Il aligne simplement les deux catégories sur le même régime pour les avertissements sanitaires. Je ne vois donc pas d’obstacle juridique à son adoption, qui me semble justifiée dès lors que des éléments tangibles établissant que le tabac à chauffer est mauvais pour la santé, qu’il produit de l’addiction et que c’est plutôt un produit d’entrée dans le tabac que de sortie du tabac.
Par ailleurs, on n’écrira évidemment pas « Fumer est dangereux pour la santé » sur des tabacs à chauffer. La loi impose des avertissements sanitaires mais ne précise pas lesquels, et nous aurons donc toute latitude pour adapter ces avertissements aux contenus. Avis défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ? Je ne reviens pas sur les régimes de fiscalité et la santé publique, mais je m’arrêterai sur deux points.
En premier lieu, la définition retenue par la directive, dans son considérant 4, est la suivante : « Un produit du tabac chauffé est un nouveau produit du tabac, qui est chauffé pour produire une émission contenant de la nicotine et d’autres produits chimiques, qui est ensuite inhalé par l’utilisateur et qui, selon ses caractéristiques, est un produit du tabac sans combustion ou un produit du tabac à fumer. » C’est donc la définition même retenue par la directive qui nous impose de revoir les catégories définies dans le code de la santé publique.
En second lieu, cette directive a pour objet de supprimer deux exemptions dont bénéficiaient les produits du tabac à chauffer : d’abord, il leur sera désormais interdit de contenir des arômes caractérisants ; ensuite, les produits du tabac chauffé devront comporter des messages d’information et des avertissements sanitaires.
Aux termes de la directive, « il convient de modifier l’article 11, paragraphe 1, de la directive 2014/40/UE afin de supprimer la possibilité pour les États membres d’exempter les produits du tabac chauffés, dans la mesure où ce sont des produits du tabac à fumer, des obligations d’affichage du message d’information visé à l’article 9, paragraphe 2, et des avertissements sanitaires combinés visés à l’article 10 ». La stricte transposition de la directive déléguée impose donc désormais aux États d’exiger l’intégralité des messages d’information et des avertissements sanitaires combinés, qui sont déjà obligatoires pour les autres produits du tabac.
Cette transposition poursuit un objectif de santé publique partagé par le Gouvernement et par l’Union européenne. Pour rappel, la France s’est donné pour objectif d’arriver en 2032 à la première génération sans tabac. Cette mesure va donc dans le sens de cet objectif de protection de la santé des Français, en particulier des plus jeunes, par une réduction de la consommation de tabac sous toutes ses formes. Je vous invite à retirer vos amendements ; à défaut, j’y serai défavorable.
Très clair ! La parole est à M. Charles de Courson. Mes chers collègues, vous avez tous lu l’article L. 3512-16 du code de la santé publique. (Murmures amusés sur l’ensemble des bancs.) Tout le monde l’a lu ! Excellent article ! Puisque vous l’avez lu, vous savez donc que les neuf alinéas concernant le tabac à chauffer ne sont pas adaptés. C’est pourquoi nos amendements proposent que le tabac à chauffer fasse l’objet de mentions sanitaires spécifiques, pour lutter contre le tabagisme et puisque vous espérez, madame la secrétaire d’État, une génération sans tabac. Si seulement vous aviez raison ! On peut rêver, mais nos politiques de lutte contre le tabac ne fonctionnent pas puisque le taux de prévalence est de nouveau en augmentation. La parole est à Mme Pascale Boyer. Nous parlons d’une définition juridique importante pour la transposition de cette directive. Sans elle, il se peut que le Conseil constitutionnel rejette le texte ou que ce dernier donne lieu à des recours, préjudiciables à la santé publique. Cela ne signifie pas que M. de Courson et moi-même ne soyons pas d’accord avec le fait qu’il faut évidemment alerter les utilisateurs de ces produits.
Je veux bien retirer mon amendement,…
Très bien ! Excellent ! …mais pourriez-vous nous indiquer si vous avez l’intention d’évaluer la toxicité du tabac à chauffer ? L’Organisation mondiale de la santé (OMS) précise que l’on ne dispose pas de suffisamment de données indépendantes et qu’il convient d’en produire, tandis que le ministre de la santé reconnaissait également, le 19 octobre dernier, devant les membres de la commission des affaires sociales du Sénat, que la France ne disposait d’aucune évaluation nationale sur le tabac à chauffer et qu’il retenait l’idée de creuser davantage la question de l’évaluation.
(L’amendement no 16 est retiré.)
(L’amendement no 59 n’est pas adopté.)
(L’article 24 bis est adopté.)
Sur l’amendement no 78 et l’article 26, je suis saisie par le groupe Rassemblement national de deux demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Laurent Jacobelli.
Ça recommence ! Une fois encore, une nouvelle taxe va être imposée au secteur du transport routier en France, avec un système de malus pour les véhicules de plus de 3,5 tonnes, à moteur thermique. Décidément, interdire, taxer, réprimer : c’est le triptyque récurrent qui semble caractériser votre vision de l’écologie ainsi que celle de l’Union européenne. En effet, sous couvert de verdissement des redevances routières, vous ne faites qu’ajouter une énième taxation contraignante pour les poids lourds, alors que le secteur est déjà en difficulté.
Je rappelle ici qu’en plus des péages, les transporteurs routiers sont déjà soumis à la taxe à l’essieu, et que ce nouveau procédé de tarification implique non pas une unique mais une double taxation du CO2. En effet, la Commission européenne a déjà procédé récemment à une modification de la directive sur la taxation de l’énergie, elle-même basée sur les émissions de CO2.
Cette eurovignette est une catastrophe pour notre économie, au profit d’une chimère, le moteur électrique moins polluant, alors qu’on sait très bien que tant sa fabrication que son recyclage sont polluants. Surtout, le renouvellement des flottes de véhicules de plus de 3,5 tonnes se fera au détriment de l’industrie française, voire européenne, les solutions les plus efficaces étant américaines et chinoises.
Ce que vous proposez, en somme, en plus de ruiner le citoyen dépendant de sa voiture, c’est de couler les PME du transport routier, au nom d’une écologie punitive, tout en subventionnant les constructeurs étrangers. Bravo ! Nous, députés du groupe Rassemblement national, nous ne nous résoudrons pas à ce destin qui nous est imposé par Bruxelles. Nous défendrons, bien sûr, les Français, mais aussi nos entreprises et nos industriels, déjà soumis à la concurrence déloyale des travailleurs détachés.
En conséquence nous voterons contre cet article et les suivants qui le complètent.
(Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) La parole est à M. Charles de Courson. Une partie des routes nationales sont en train d’être transférées aux départements et surtout aux régions. L’accord passé à l’époque où nous avions voté ce transfert prévoyait la création d’une taxe sur les poids lourds. Absolument ! Le Sénat avait tenté de définir la nature de cette taxe, mais le Gouvernement, invoquant une trop grande complexité, avait demandé qu’on lui fasse confiance et renvoyé cette définition à une ordonnance. On attend toujours l’ordonnance ! J’aimerais donc savoir si l’article 26 s’appliquera également à la future taxe sur les poids lourds et quand le Gouvernement a l’intention de faire aboutir cette taxe, indispensable si l’on veut donner les moyens aux régions et aux départements de s’occuper des routes nationales qui leur sont transférées. La parole est à M. Antoine Villedieu, pour soutenir l’amendement de suppression no 78. Comme l’a indiqué Laurent Jacobelli, nous sommes face, encore une fois, à une mesure d’écologie punitive. On sait très bien qu’elle ne servira absolument pas le marché français et qu’il est utopique, au vu des contraintes qui sont liées à la fabrication et au recyclage des véhicules électriques, de penser que, d’ici à 2030 ou 2035, le véhicule thermique pourra être totalement abandonné.
Plusieurs choses me dérangent dans cet article. D’abord, le fait qu’on parle d’une taxe qui serait à géométrie variable, c’est-à-dire qui varierait en fonction du temps, de l’humeur, voire du bon gré de l’équipe politique au pouvoir. Ensuite, le fait que ce qui est proposé ici n’a rien d’une mesure écologique sur le long terme.
Si je me réfère à Mme von der Leyen qui, en 2021, s’exaltait à la suite des accords de libre-échange permettant à la Nouvelle-Zélande d’exporter en Europe, sans droits de douane, de la viande bovine, ovine et du lait, que nous avons pourtant la capacité de produire, il me semble que la première mesure de bon sens qui aurait pu être adoptée par l’Union européenne aurait été la taxation des produits extra-européens importés sur notre territoire et, messieurs les européistes, sur le territoire européen.
Je demande donc la suppression de cet article, qui non seulement n’est pas applicable mais qui, de surcroît, viendrait ajouter une contrainte sur le marché européen et peser, en plus de la crise, sur nos citoyens et nos entreprises.
(Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) La parole est à Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, pour donner l’avis de la commission. Nous sommes ici dans le cadre de la transposition – obligatoire – d’une directive européenne. Pourquoi votons-nous, si c’est obligatoire ? Sommes-nous encore souverains chez nous ou sommes-nous des vassaux de l’Europe ? Je vous rappelle que notre majorité a fait le choix de ne transposer que les éléments obligatoires de la directive, en ne retenant pas les éléments facultatifs, comme les surpéages, précisément pour ne pas causer de difficultés insurmontables à nos transporteurs. Je vous rappelle aussi que la modulation ne concerne que 235 kilomètres de routes, soit 2,5 % des 9 200 kilomètres du réseau. Ce sera donc très progressif.
Ceci étant dit, la modification de la structure des péages afin de mieux prendre en compte la composante environnementale est un levier intéressant. Il est donc impératif de nous en préoccuper et de chercher à favoriser l’utilisation des autoroutes par des véhicules de transport les moins émetteurs possible.
Je le sais, et vous l’avez dit, le défi est considérable. Pour atteindre cet objectif, nous devons multiplier les soutiens au verdissement des flottes des transporteurs routiers et des entreprises, soutiens qui demeurent limités bien que nous ayons déjà fait des efforts substantiels. Nous avons consacré 100 millions d’euros au verdissement des flottes dans le cadre du plan de relance, nous avons prolongé jusqu’en 2030 le suramortissement fiscal, et un appel à projets pour le verdissement des flottes a été lancé. Cependant, comme je l’ai dit lors de la présentation du texte, c’est une véritable planification que nous devons établir. Ainsi devons-nous manier à la fois l’incitation et le soutien à nos entreprises.
La commission a émis un avis défavorable sur votre amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ? Il me semble, monsieur de Courson, que votre intervention sur l’article portait sur deux éléments qui, peut-être, se confondent. Le premier a trait à l’ordonnance qui sera prise en application de l’article 137 de la loi « climat et résilience » – loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets –, lequel prévoit l’instauration d’une taxe régionale. Et le second élément concerne l’article 26 bis du présent projet de loi, qui prévoit une taxe spécifique à la collectivité européenne d’Alsace.
S’agissant du présent amendement, monsieur Villedieu, je n’ai rien à ajouter à ce que vient de dire Mme la rapporteure pour avis. Les éléments obligatoires de la directive doivent effectivement être transposés. Par ailleurs, nous agissons simplement de manière cohérente avec nos objectifs de décarbonation, ainsi que pour éviter les congestions. J’émets donc un avis défavorable.
La parole est à M. Charles de Courson, mais je vous prie de ne pas claquer des doigts pour appeler mon attention, cher collègue. Je siège en haut de l’hémicycle, sur la montagne, madame la présidente : souvent, les présidents de séance ne nous voient pas. Il a raison ! N’ayez crainte, j’ai l’habitude des montagnes ! Je vous en félicite, madame la présidente.
Madame la secrétaire d’État, s’agissant de l’article 137 de la loi « climat et résilience », je vous demandais quand serait prise l’ordonnance créant la taxe sur les poids lourds.
Seconde question, je souhaitais savoir si cette taxe sera soumise – il me semble que oui – aux dispositions prévues à l’article 26 du présent projet de loi.
La parole est à M. Laurent Jacobelli. Vous nous expliquez, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure pour avis, que nous n’avons d’autre choix que de transposer cette directive européenne en droit français, avec le petit doigt sur la couture du pantalon. Eh bien, nous ne sommes pas d’accord avec cela ! Nous sommes à l’Assemblée nationale, nous sommes souverains, et c’est ici que nous décidons de ce qui doit être transposé dans la loi pour les Français. Si vous préférez faire passer votre soumission à Bruxelles avant l’intérêt des PME françaises de transport, c’est votre choix, mais ce n’est pas le nôtre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Je mets aux voix l’amendement no 78.
(Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 151
Nombre de suffrages exprimés 148
Majorité absolue 75
Pour l’adoption 38
Contre 110
(L’amendement no 78 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Alexandra Masson, pour soutenir l’amendement no 38. Cet amendement d’appel vise à substituer aux mots « émission nulle », à l’alinéa 9, les mots « faible émission », et, partant, à aborder la question des véhicules à émission nulle.
Il est vrai que se développent depuis quelque temps des véhicules de plus de 3,5 tonnes dits à émission zéro. Néanmoins, ces derniers ne sont pas moins polluants que d’autres. En effet, la pollution de l’air ne dépend pas uniquement des émissions polluantes. De nombreux autres facteurs sont à prendre en compte pour affirmer qu’un véhicule est polluant. Même s’ils n’émettent pas de gaz nocifs, la fabrication des véhicules nécessite le recours à de nombreux produits chimiques, notamment pour l’extraction et le raffinage du lithium, métal nécessaire à la fabrication des moteurs. Il est donc incorrect de dire que les véhicules à émission nulle ne sont pas polluants.
Le Parlement européen réfléchit d’ailleurs à ce que la prochaine norme Euro 7 se fonde aussi sur les émissions des pneumatiques et des freins ; elle concernerait dès lors également les voitures électriques.
(Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Seriez-vous d’accord, madame Masson, pour soutenir également l’amendement no 39, dans le cadre d’une présentation groupée ? Oui, madame la présidente.
Cet amendement vise à insérer les mots « et à faible émission » après le mot « nulle » à l’alinéa 9. En effet, la taxation de tous les véhicules d’entreprise de plus de 3,5 tonnes qui ne seraient pas à émission nulle mettrait à mal toutes les sociétés qui font l’effort de réduire leurs émissions polluantes. Par exemple, les entreprises disposant de véhicules roulant au biocarburant ne pourraient bénéficier d’une exonération, alors qu’elles font le nécessaire pour réduire leurs émissions.
Ajoutons que les véhicules à émission nulle de plus de 3,5 tonnes demeurent très onéreux et peu nombreux sur le marché. Il paraîtrait donc juste que les véhicules à faible émission bénéficient aussi d’une exonération.
(Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ? En élargissant le champ des exonérations aux véhicules à faible émission, vous priveriez les sociétés concessionnaires d’autoroutes des moyens de moduler efficacement les péages… Renationalisons-les, alors ! Les pauvres ! …et risqueriez ainsi, l’opération devant être financièrement neutre pour ces dernières, de concentrer encore davantage la taxation sur les véhicules les plus polluants et donc de pénaliser un peu plus les entreprises qui n’auront pas eu les moyens d’investir dans des véhicules propres. La commission a émis un avis défavorable sur ces amendements. Quel est l’avis du Gouvernement ? L’article 7 octies bis de la directive 1999/62/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 1999 autorise effectivement les États membres à prévoir des redevances d’infrastructure ou des droits d’usage réduits, voire des exonérations pour les véhicules à émission nulle de n’importe quelle catégorie – réductions ou exonérations qui sont en l’occurrence possibles depuis le 24 mars 2022, et qui le seront jusqu’au 31 décembre 2025. L’avis est donc défavorable sur ces amendements.
(Les amendements nos 38 et 39, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.) La parole est à M. Nicolas Thierry, pour soutenir l’amendement no 62. La directive Eurovignette révisée prévoit la possibilité, pour les États membres, d’introduire une redevance de congestion sur les tronçons routiers régulièrement saturés pendant les périodes habituelles de congestion. Cette redevance de congestion étant facultative, le Gouvernement a pris la décision de ne pas l’intégrer au présent projet de loi. Afin de combattre efficacement la congestion et la pollution atmosphérique créées par la circulation routière, il serait toutefois opportun de se laisser la possibilité d’instaurer une telle redevance. Le présent amendement vise donc à élargir le champ de transposition de la directive à cette redevance de congestion facultative.
Afin de favoriser le recours aux transports collectifs, le dispositif que le groupe Écologiste-NUPES propose ici prévoit cependant d’exonérer du paiement de cette redevance les minibus, autobus et autocars, ainsi que les utilitaires et camions de moins de 2,5 tonnes.
Par ailleurs, par cohérence avec la directive Eurovignette, qui prévoit une affectation des recettes au développement des mobilités vertes, celles issues de la redevance de congestion seraient fléchées vers le financement du développement du transport ferroviaire et fluvial.
Quel est l’avis de la commission ? Votre amendement rejoint la disposition introduite par le Sénat et que nous avons décidé de conserver à l’alinéa 10. Cela étant, vous proposez d’exonérer spécifiquement les bus et autres transports collectifs, plutôt que de raisonner en fonction des émissions de CO2, de ce qui serait applicable à tous les véhicules. Les clauses d’application et d’exemption seront détaillées à l’occasion du renouvellement des contrats de concession, mais à ce stade, la commission estime préférable que tous les véhicules soient concernés par la mesure selon leur niveau d’émission plutôt qu’en fonction de leur usage. L’Union européenne travaille d’ailleurs à des dispositifs visant à rendre les transports collectifs à émission nulle d’ici à 2030. L’avis de la commission est donc défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Le Gouvernement est en phase avec les arguments de Mme la rapporteure pour avis. Il ne lui semble en effet pas opportun d’alourdir le cadre existant avec un outil redondant. Avis défavorable.
(L’amendement no 62 n’est pas adopté.) La parole est à M. Antoine Villedieu, pour soutenir l’amendement no 87. Il vise à supprimer l’alinéa 11, qui prévoit la modulation des prix aux péages.
En effet, dans la mesure où le projet de loi prévoit le maintien des recettes globales des concessionnaires d’autoroutes, plus certains véhicules bénéficieront de réductions et d’exonérations des droits de péage, plus les automobilistes les plus précaires – car on s’attaque toujours aux plus précaires – verront les prix exploser et se retrouveront une nouvelle fois dans une situation d’exclusion sociale au sein d’une société divisée en permanence. Car entendons-nous bien, madame la secrétaire d’État : si les entreprises sont pour l’heure les seules concernées par cette disposition, celle-ci a vocation à s’appliquer demain aux véhicules de tourisme.
Il s’agit donc d’un amendement de bon sens. Vous avez refusé de supprimer l’article 26 dans son ensemble : supprimez au moins son alinéa 11.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.) Quel est l’avis de la commission ? La clause visant à assurer l’équilibre des recettes des exploitants malgré la modulation a pour but que ces derniers ne s’enrichissent pas de manière indue grâce à cette disposition incitative. Ce qui sera payé en plus par les véhicules les plus polluants sera compensé par des rabais pour les véhicules les moins émetteurs. Supprimer l’alinéa 11 ne serait donc pas opportun.
Cela étant, je tiens à rappeler que dans la mesure où les modulations ne s’appliqueront en France qu’aux nouveaux contrats de concession et où le renouvellement des concessions historiques n’interviendra qu’après 2030, la mesure aura un effet très progressif. De plus, les modulations relatives aux poids lourds seront opérées à recettes constantes et ne conduiront donc pas à une pression supplémentaire les concernant.
Il faut ramener les choses à leur réalité : les incidences de cette disposition pour les PME, y compris celles du secteur du transport routier de marchandises, seront limitées : non seulement les redevances routières représentent une faible part du coût des transports, mais toute augmentation sera compensée par des réductions fiscales, permises par la modification de l’article 7 de la directive Eurovignette.
L’avis est donc défavorable sur cet amendement.
Quel est l’avis du Gouvernement ? J’ajouterai simplement que les modulations de péage n’ont pas pour objet de générer des recettes supplémentaires pour l’exploitant. L’amendement que vous proposez n’est donc pas compatible avec la directive, et le Gouvernement émet un avis défavorable.
(L’amendement no 87 n’est pas adopté.) L’amendement no 36 de M. Pierre Meurin est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
Aux termes de l’article 26, les véhicules seront désormais taxés en fonction de leur niveau d’émissions de gaz à effet de serre. S’agissant de la redevance pour pollution atmosphérique, qui s’ajoutera à la taxation en fonction des émissions, une dérogation est prévue pour les véhicules respectant la norme Euro la plus stricte, en application du principe tout à fait louable du pollueur-payeur. Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Cet amendement appelle les mêmes arguments que le précédent. En conséquence, l’avis du Gouvernement est également défavorable.
(L’amendement no 36 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Alexandra Masson, pour soutenir l’amendement no 37. Il vise à supprimer l’alinéa 13, qui consacre le principe du pollueur-payeur. Il convient de le rappeler, la pollution produite par les véhicules de plus de 3,5 tonnes n’a aucune incidence sur l’état des routes : c’est bien leur poids qui a des conséquences sur la chaussée. Or ces véhicules sont déjà assujettis à la taxe à l’essieu, justement prélevée pour le financement de l’entretien des routes et des infrastructures routières.
Par ailleurs, cet amendement tend à s’élever contre l’idée d’une politique écologique punitive à l’encontre des véhicules de plus de 3,5 tonnes, pour lesquels il n’existe que peu de solutions alternatives au moteur thermique.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.) Quel est l’avis de la commission ? Comme je viens de l’expliquer, la redevance pour pollution atmosphérique s’ajoute au système de taxation en fonction des émissions. Une dérogation est prévue pour les véhicules qui respectent la norme d’émission Euro la plus stricte. C’est en effet une application du principe pollueur-payeur. De plus, 50 % des véhicules français répondent déjà aux exigences de la norme Euro 5. Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? L’alinéa 13 transpose de manière très claire le paragraphe 2 de l’article 7 quater bis de la directive Eurovignette, qui prévoit que la redevance pour coûts externes liés à la pollution atmosphérique due au trafic ne s’applique pas aux véhicules utilitaires lourds respectant les normes d’émissions Euro les plus strictes. Par ailleurs, le premier alinéa cesse de s’appliquer quatre ans après la date d’entrée en application de la réglementation ayant instauré ces normes. Avis défavorable, votre amendement n’étant pas compatible avec la directive. Ce qui est un gage de qualité !
(L’amendement no 37 n’est pas adopté.) La parole est à M. Nicolas Thierry, pour soutenir l’amendement no 63. La directive révisée prévoit la possibilité d’appliquer un surpéage, les recettes étant destinées à financer des infrastructures de transport. L’étude d’impact a considéré que ce surpéage pourrait être mis en place lorsque des opérations nécessitant qu’il y soit fait recours seront identifiées. Pourquoi attendre ? Nous savons que la trajectoire d’investissements pour les chantiers et les projets d’infrastructures de transport en France est difficile à maintenir, après de nombreuses pertes de recettes ces dernières années.
Notre amendement permet de créer une source de recettes pérennes pour accroître la part du fluvial, mais aussi pour mener à bien des projets indispensables de régénération et de modernisation du réseau ferroviaire, les recettes destinées aux mobilités actives étant encore trop marginales.
(Mme Christine Arrighi applaudit.) Quel est l’avis de la commission ? Vous proposez d’insérer dans la loi la possibilité d’appliquer un surpéage sur des tronçons routiers spécifiques régulièrement saturés ou dont l’utilisation par des véhicules cause des dommages importants à l’environnement. Comme je l’ai dit, nous avons décidé de ne transcrire que les éléments obligatoires de la directive. Ce choix est motivé par le fait que le transport routier est un secteur essentiel pour la vie économique, mais aussi fragile – la rentabilité n’y est que de 1,5 % en moyenne.
Si les péages sont trop onéreux, seules les grandes entreprises et transporteurs dominants sur le marché pourront tirer leur épingle du jeu. Les PME, déjà bien fragilisées par la hausse des prix de l’énergie, risquent d’être très pénalisées.
Vous n’avez qu’à bloquer les prix de l’énergie ! Certes, il faut accompagner la transition du secteur et des infrastructures, mais sans en faire supporter le coût par les entreprises de transport. Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Le Gouvernement considère que cet outil pourrait être mis en place… Ah ! …lorsque des opérations nécessitant le recours au surpéage seront identifiées et retenues. Pour l’heure, ainsi que l’a montré Mme la rapporteure, il n’est pas opportun de l’introduire. Avis défavorable. C’est tout de suite plus clair ! La parole est à M. Jean-François Coulomme. C’est bien dommage, car vous teniez là l’occasion de donner corps à cette formidable déclaration, dont nous nous souvenons tous : « Ce quinquennat sera écologique ou ne sera pas. »
Nous tenons, pour notre part, à réaffirmer notre attachement au report modal, de la route vers le train, le plus large possible – et tout de suite. Il existe un moyen pour y parvenir : taxer un peu plus, comme le font les Suisses, certains usagers des autoroutes.