XVIe législature
Session ordinaire de 2022-2023

Séance du mercredi 08 mars 2023

La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.) Chers collègues, en cette journée de lutte pour les droits des femmes, je tiens à vous dire combien je suis honorée de présider la séance ce soir. Cet après-midi, une plaque a été apposée dans l’hémicycle en hommage à Madeleine Braun, députée communiste et première femme à être devenue vice-présidente de notre assemblée. Je lui voue toute mon estime, ainsi qu’à toutes celles, partout dans le monde, qui se battent pour nos droits et notre liberté. (Applaudissements sur l’ensemble des bancs. – Les députés des groupes LFI-NUPES, LR et Écolo-NUPES se lèvent pour applaudir.)
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de Mme Sandrine Josso et plusieurs de ses collègues visant à favoriser l’accompagnement des couples confrontés à une fausse couche (nos 747, 912).
La parole est à Mme Sandrine Josso, rapporteure de la commission des affaires sociales. « Tu en auras d’autres », « Tu es jeune », « Il n’était pas viable », « La nature fait bien les choses », « C’est la vie », « Ça ne se voyait pas, que tu étais enceinte » : ces formules à l’emporte-pièce, nous les avons tous entendues – voire prononcées – au moins une fois dans notre vie. Loin de réconforter les milliers de femmes victimes de fausse couche, ne seraient-elles pourtant pas le symptôme d’un déni ? En ce 8 mars, date symbolique pour les droits des femmes, nous allons prendre le temps de parler des fausses couches, qui concernent 20 % des grossesses. Le fait d’en parler est déjà, en soi, une première victoire, car cela met un terme à des années de tabou et d’une souffrance psychologique vécue par des milliers de femmes ainsi que leurs partenaires.
Ce soir, la représentation nationale se saisit du combat des femmes et de leurs partenaires, pour qu’ils se sentent enfin compris et accompagnés. Je salue tous ceux qui se sont engagés à mes côtés pour défendre ici ce sujet : patientes, conjoints, sages-femmes, psychologues, associations, gynécologues, radiologues… Je salue en particulier le professeur René Frydman, Chrystèle Albaret et Marie Pépin, qui nous font l’honneur de leur présence dans les tribunes ce soir. J’ai également une pensée particulière pour notre ancienne collègue Paula Forteza, dont c’était le combat.
(Applaudissements sur les bancs des groupes RE, HOR, SOC et Écolo-NUPES.)
Qu’est-ce que la fausse couche exactement ? Un phénomène bien trop fréquent, qui touche 200 000 femmes chaque année, et dont une femme sur dix fait l’expérience au cours de sa vie. C’est donc un phénomène fréquent et injustement banalisé – et une cause à laquelle je vous sais profondément sensible, monsieur le ministre.
Nous avons tendance à considérer qu’une fausse couche, lorsqu’elle est précoce, n’est pas grave, parce que l’embryon était encore si petit qu’il n’y a pas de raison d’en faire tout un drame. Les médecins nous expliquent, à juste titre, que la nature fait bien les choses et qu’elle élimine des embryons qui n’étaient pas viables parce qu’ils étaient affectés de malformations chromosomiques graves. S’il ne s’agit pas de nier ces faits, en revanche, il est tout à fait contestable d’estimer qu’en cas de fausse couche précoce – survenant avant quatorze semaines d’aménorrhée –, il n’y a pas de deuil périnatal.
Aujourd’hui, avec cette proposition de loi, nous décidons ensemble d’agir pour changer le regard que la société porte sur ces événements qui sont parfois vécus comme de véritables épreuves physiques et psychologiques.
La fausse couche peut en effet être un véritable drame, pour la femme d’abord, mais aussi pour son partenaire, voire pour toute la cellule familiale. En effet, les études montrent par exemple que 20 % à 55 % des femmes ayant subi une fausse couche présentent des symptômes dépressifs, 15 % développant même un véritable stress post-traumatique, et que 17 % des partenaires présentent également des symptômes dépressifs après une fausse couche. Car l’impact émotionnel n’est pas proportionnel au nombre de semaines de grossesse : tout dépend de la manière dont les futurs parents se projettent. Une femme enceinte de quelques semaines peut déjà se sentir mère !
La prise en charge médicale des fausses couches est aujourd’hui parfaitement maîtrisée, c’est incontestable. Pour ce qui est de l’accompagnement, si certains professionnels savent trouver les mots justes et qu’il existe des initiatives locales exemplaires, les pratiques vertueuses, qui reposent sur des initiatives individuelles, ne sont hélas pas généralisées, et en tout état de cause loin d’être majoritaires. En pratique, les professionnels de santé sont trop souvent démunis pour annoncer et expliquer la fausse couche. La proposition de loi vise donc à mettre fin à l’isolement des femmes et des couples qui y sont confrontés.
Introduit en commission des affaires sociales, un nouvel article 1er A prévoit ainsi la création de parcours fausse couche sur l’ensemble du territoire, dont l’objectif est d’assurer une prise en charge globale de la fausse couche, de la formation et de l’information jusqu’au suivi médical et psychologique. Lorsque cela est pertinent, ce parcours peut être proposé aux deux membres du couple.
Pour les développer, il nous a semblé judicieux de nous appuyer sur les expériences réussies déployées dans certaines régions. Notre démarche partira donc du terrain : dans un premier temps, les agences régionales de santé (ARS) recenseront les initiatives existantes. Nous privilégierons ainsi une approche souple, fondée sur la mise en réseau des initiatives et des acteurs locaux. Les parcours fausse couche seront ensuite généralisés partout en France au plus tard le 1er septembre 2024.
Ces parcours d’accompagnement psychologique se traduiront notamment par la mise à disposition d’un livret d’information sur la fausse couche, l’accès à un site institutionnel, et la mise en relation avec une association spécialisée, un groupe de parole et un psychologue conventionné. Une consultation médicale de suivi après la fausse couche sera également proposée.
Il est important de laisser chaque ARS s’organiser en fonction des dispositifs déjà existants, tout en veillant à offrir un socle commun de prise en charge pour éviter toute inégalité territoriale. Si ce parcours ne saurait être imposé, il sera en revanche accessible à toutes les femmes qui en ressentiraient le besoin, ainsi qu’à leurs partenaires.
Les couples seront donc systématiquement informés de la possibilité de bénéficier d’un soutien psychologique pris en charge par la sécurité sociale : c’est précisément l’objet de l’article 1er, qui permet aux sages-femmes d’adresser directement leurs patientes – et les conjoints de celles-ci – vers un psychologue dans le cadre du dispositif MonParcoursPsy, créé en avril dernier grâce à la détermination de nos collègues Stéphanie Rist et Éric Poulliat. C’est le premier dispositif à garantir une prise en charge pérenne, par la sécurité sociale, de huit séances annuelles avec un psychologue libéral conventionné. C’est donc une grande avancée pour la santé mentale des Françaises et des Français.
Certains considèrent que ce n’est pas suffisant, qu’il faudrait davantage de séances et surtout des tarifs plus élevés. Mais 90 000 patients ont déjà eu recours à ce dispositif en moins d’un an, ce qui prouve qu’il est efficace – même si, comme j’ai pu le constater lors des auditions que j’ai menées, il reste encore trop peu connu. Pour y remédier, j’en appelle au Gouvernement : il faut communiquer beaucoup plus largement autour de ce dispositif, à la fois auprès des patients et des professionnels de santé.
Je vous ai présenté les principales mesures défendues dans la proposition de loi dont nous débattons ce soir, et qui a été adoptée à l’unanimité en commission des affaires sociales – preuve que le sujet dépasse les habituels clivages politiques.
En commission, j’avais reconnu que certaines questions restaient en suspens : en particulier, nous avions longuement débattu de la question du congé pour fausse couche, que vous étiez nombreux à appeler de vos vœux et auquel je suis, au contraire, réticente. En effet, je le trouve trop stigmatisant, en particulier parce qu’il oblige les femmes à révéler leur fausse couche – parfois même leur projet de grossesse – à leur employeur. En outre, chez certaines femmes, la fausse couche s’accompagne d’un sentiment de culpabilité, voire de honte : leur imposer de l’annoncer publiquement nuirait gravement à leur intimité et à leur vie privée, et pourrait même bafouer le secret médical, puisque la fausse couche est une pathologie. En commission, j’avais donc suggéré la levée du délai de carence pour les arrêts maladie délivrés après une fausse couche : le Gouvernement a déposé un amendement en ce sens, et je tiens à l’en remercier vivement. Je salue d’ailleurs l’ambition du plan interministériel pour l’égalité entre les femmes et les hommes pour les années 2023 à 2027 dévoilé aujourd’hui par la Première ministre, Élisabeth Borne.
Pour conclure, je voudrais simplement partager avec vous les propos du professeur René Frydman, l’un des pionniers de la procréation médicalement assistée (PMA) et éminent soutien de la proposition de loi – il est d’ailleurs présent ce soir –, qui m’a récemment confié qu’« il existait un réel vide juridique pour l’accompagnement psychologique des fausses couches ». En adoptant le texte, nous pouvons désormais combler ce vide et envoyer un signal fort : la société progresse et ose reconnaître les souffrances les plus sourdes. La proposition de loi représentera une avancée considérable pour le droit des femmes et pour la santé mentale des Français, et je vous invite, mes chers collègues, à la soutenir.
(Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, RE, SOC et HOR, et sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.) La parole est à M. le ministre de la santé et de la prévention. Le 8 mars est une journée d’action, de sensibilisation et de mobilisation dédiée à la lutte pour les droits des femmes, l’égalité et la justice. Parmi les droits des femmes, que nous n’aurons jamais fini de défendre, le droit à la santé, c’est-à-dire le droit à bénéficier de soins, d’une prise en charge et d’un accompagnement adaptés, pour toutes, est absolument primordial.
Nous retrouver ce soir pour débattre d’une proposition de loi défendant des avancées importantes en ce sens est donc un symbole fort. Mais si les symboles comptent, parce qu’ils marquent les esprits, c’est bien à travers nos actions que nous provoquerons des changements et apporterons des progrès concrets dans la vie des femmes.
Et parce que la mobilisation pour les droits et la santé des femmes ne doit pas se limiter aux vingt-quatre heures constituant la journée du 8 mars, mener une véritable politique de santé et d’accompagnement des femmes est une priorité et un pilier de mon action. Je sais que cet objectif est largement partagé sur les bancs de l’Assemblée.
Ne soyons pas dupes : notre système de santé ne laisse pas assez de place à la santé des femmes. Cela doit changer ; or les dispositions que nous nous apprêtons à examiner contribueront à lever des tabous persistants. Passée sous silence, minimisée, voire banalisée, l’interruption spontanée de grossesse, plus communément appelée fausse couche, nous concerne et nous affecte tous, que ce soit de manière directe ou indirecte. En France, une grossesse sur cinq est interrompue par une fausse couche ; une femme sur dix sera confrontée à cette épreuve, première cause de consultation aux urgences gynécologiques. Je tiens donc à remercier chaleureusement les parlementaires qui se mobilisent à ce sujet, en particulier Mme Sandrine Josso, à l’origine de ce texte. Je vous remercie, madame la députée, parce que votre souhait d’un accompagnement psychologique spécifiquement destiné aux femmes ayant subi une interruption spontanée de grossesse nous a permis d’élaborer en commun un véritable dispositif de prise en charge de ce traumatisme.
Inscrire au sein de notre système de santé la spécificité de la fausse couche est essentiel. Qu’elle soit, d’un point de vue médical, précoce – avant la quatorzième semaine d’aménorrhée – ou tardive – entre la quatorzième et la vingt-deuxième semaine –, isolée ou répétée, l’interruption spontanée de grossesse constitue avant tout un drame intime, que les femmes concernées vivent dans leur chair et de manière très différente selon leur histoire, d’autant qu’il touche également leur conjoint. C’est pourquoi, en élaborant ces mesures, nous nous sommes attachés à trouver un équilibre : mettre à disposition et faciliter l’accès des femmes à toutes les ressources, tous les outils nécessaires, auxquels elles pourront recourir librement, sans imposer de parcours standardisé, de schéma préétabli. Encore une fois, les fausses couches sont des épreuves intimes, personnelles, de couple ou de famille, qu’il convient de respecter comme telles ; mais l’ampleur du phénomène, qui, en France, touche chaque année 200 000 femmes et par contrecoup leur entourage, en fait un sujet de santé publique et de société, rejoignant ainsi les importantes évolutions actuelles en matière de santé mentale.
Je parlais de briser les tabous : celui dont font l’objet, de longue date, les questions de bien-être et d’équilibre psychologique s’étiole au fur et à mesure des progrès qui nous amènent à une conception plus transversale, plus globale, de la santé, dont je rappelle volontiers la définition par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) : « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité. » Bien sûr, les fausses couches, dont la cause est généralement pathologique – une anomalie de développement ou une maladie du fœtus –, comportent des risques, notamment infectieux, des symptômes, des répercussions physiques telles que douleurs et saignements ; mais au-delà du nécessaire accompagnement médical, un soutien psychologique est indispensable. La parole se libère : les témoignages révèlent à quel point l’arrêt brutal d’une grossesse, d’un projet de maternité, représente un choc violent, dont les conséquences peuvent se faire sentir des mois, voire des années plus tard. L’entourage, je le répète, en premier lieu le conjoint, est également affecté.
« Je pensais que ça irait et en fait non, je n’arrivais pas à le supporter. J’éclatais souvent en sanglots. » « Je me suis sentie très seule, presque abandonnée. » « Il a été notre bébé pendant quatre mois. Il a existé dans nos cœurs et nos projets. » Les mots de ces femmes laissent percer le stress post-traumatique, l’anxiété, l’angoisse, la dépression, la souffrance. Il y a aussi les périodes de questions, de remise en question, voire de culpabilité, certaines patientes allant jusqu’à douter de leur capacité à donner la vie – doutes infondés, bien sûr, il importe de le dire et de le répéter. Il y a enfin ce deuil que certaines autrices qualifient d’« impossible », un deuil sans rites, souvent solitaire. Selon une étude du Montefiore Medical Center et de l’université de médecine Albert-Einstein de New York, 66 % des personnes interrogées, soit les deux tiers, rapprochaient les conséquences émotionnelles d’une fausse couche de celles de la perte d’un enfant. Je n’ignore d’ailleurs pas que nos discussions nous conduiront à évoquer l’interruption médicale de grossesse (IMG), elle aussi subie. C’est bien afin de permettre à toutes celles qui vivent une fausse couche de faire face à cette double perte, perte physique de l’embryon ou du fœtus, perte symbolique de l’enfant à naître, que ce texte prévoit la création d’un parcours de santé adapté.
Comme le prévoit très clairement l’article 1er A, introduit dans la proposition de loi lors de son examen en commission : « Ce parcours a pour objectifs de développer la formation des professionnels médicaux sur les conséquences psychologiques des interruptions spontanées de grossesse, de systématiser l’information et d’améliorer l’orientation des couples qui y sont confrontés, de faciliter leur accès à un suivi psychologique et d’améliorer le suivi médical des femmes qui ont subi une interruption spontanée de grossesse. » Sous l’égide des ARS, dans une approche pluridisciplinaire, ces objectifs mobiliseront tous les acteurs : professionnels médicaux, paramédicaux, psychologues hospitaliers et libéraux. La coordination entre professionnels de santé, entre médecine de ville et hôpitaux, qui se trouve au cœur de ma vision du système de santé, devient plus nécessaire encore s’agissant d’un sujet aussi complexe et délicat. C’est dans le cadre de ce parcours que les femmes qui subissent une fausse couche, ainsi que leur conjoint ou partenaire le cas échéant, seront le mieux orientés vers une prise en charge psychologique adaptée et accessible.
Depuis avril 2022, MonParcoursPsy permet aux personnes en souffrance psychique de se voir intégralement rembourser huit séances chez un psychologue conventionné. J’entends régulièrement critiquer ce dispositif, au motif qu’il ne servirait à rien…
Ah, ça… Or, depuis sa création, 312 000 séances ont été prises en charge ! Nous pouvons nous en réjouir, mais non nous en satisfaire : il faut aller plus loin. Je tiens à remercier les 2 195 psychologues qui s’engagent ainsi pour nos concitoyens, ainsi qu’à dénoncer avec fermeté les tentatives de déstabilisation et d’intimidation dont ils font l’objet de la part d’organisations et de syndicats qui ne reconnaissent pas les critères d’éligibilité des psychologues volontaires. Ces violences sont inadmissibles et nuisent in fine à l’accès aux soins des Français ! Par ailleurs, MonParcoursPsy a déjà prouvé son efficacité en permettant à la fois une première réponse rapide et, au besoin, une orientation vers des soins plus spécialisés. Cette modalité de prise en charge est particulièrement adaptée en cas d’interruption spontanée de grossesse : notons que sur plus de 90 000 patients en ayant bénéficié à ce jour, 71 % sont des femmes.
Grâce à cette future loi, les sages-femmes seront désormais habilitées, dans tout type de situation liée à la grossesse, à adresser leurs patientes à ce dispositif d’accompagnement psychologique. S’il s’agit d’une fausse couche, le ou la partenaire de la patiente pourra également en bénéficier, toujours par l’intermédiaire de la sage-femme. C’est là un autre des apports bienvenus de la commission des affaires sociales – apport majeur, car il revient à reconnaître la souffrance du conjoint dans ce cas spécifique de deuil périnatal, ainsi que son rôle essentiel en matière d’accompagnement de la patiente durant cette période difficile. Cette mesure contribuera en outre au renforcement du rôle des sages-femmes au sein des parcours de soins, notamment au service de l’amélioration de la prise en charge spécifique de la femme. Dans l’élaboration d’une politique ambitieuse en matière de santé féminine, ces professionnelles jouent un rôle clé, qui ne remet pas pour autant en cause celui du médecin dans la coordination des parcours : les compétences des maïeuticiens, leur expérience, leur connaissance des femmes et des spécificités de leur prise en charge médicale, permettent dans bien des cas d’assurer à chaque patiente une réponse adaptée. Dans cette perspective, nous apporterons ce soir une brique supplémentaire au chantier du décloisonnement et de la refondation du système de santé ; nous soulignerons le caractère essentiel, encore une fois, de ces professionnels de santé médicaux – je me permets de le rappeler – que sont les maïeuticiens, dont j’entends favoriser la reconnaissance au sein de l’hôpital.
Nous l’avons dit, l’interruption spontanée de grossesse constitue pour les femmes un traumatisme physique et psychologique. Elle a en outre une autre conséquence, à laquelle il est urgent de remédier : le coût financier des quelques jours d’arrêt de travail qu’elle entraîne. Je refuse résolument cette peine non plus double, mais triple, qui pèse en premier lieu sur nos concitoyennes les plus précaires. C’était une promesse de campagne du Président de la République, la Première ministre a eu l’occasion de l’annoncer le 1er mars : nous supprimons les jours de carence en cas de fausse couche. Si vous adoptez l’amendement du Gouvernement déposé en ce sens, la mesure prendra effet le 1er janvier au plus tard. C’est là une excellente nouvelle, une avancée concrète, dont nous pouvons collectivement être fiers, et une solution permettant de prendre en compte la diversité des situations des femmes confrontées à ce phénomène. J’ai étudié avec attention les propositions visant à créer un congé de deux ou trois jours pour fausse couche : la suppression des jours de carence produira les mêmes effets et présente l’avantage de garantir à celles qui le souhaitent que cet épisode de leur vie restera confidentiel – le risque étant justement que certaines, pour ne pas l’ébruiter, ne demandent pas de congé –, ainsi que celui d’ajuster la durée de l’arrêt de travail aux besoins de chaque femme, qui, je le répète, peuvent être très différents. Ici aussi, il revient au médecin, à la sage-femme, de faire du sur-mesure.
Mesdames et messieurs les députés, les mesures que vous adopterez ce soir s’inscrivent dans la logique des avancées que nous avons déjà effectuées en faveur de la santé des femmes, de leurs droits reproductifs, de leur prise en charge spécifique, du dépistage et de la prévention. L’exemple le plus récent en est la campagne de vaccination que nous avons lancée le 28 février avec le Président de la République : vaccination gratuite, généralisée, des garçons et des filles de cinquième contre les papillomavirus, à l’origine des cancers du col de l’utérus – soit 3 000 nouveaux cas et 1 000 décès par an –, mais aussi de cancers de la gorge ou du rectum. Nous pouvons ainsi espérer éradiquer ces pathologies dans les vingt ans qui viennent, ce qu’est en train de réussir l’Australie, qui nous a montré la voie.
Ces mesures s’insèrent également dans un temps plus long, qui nous ramène aux origines du combat féministe, et que nous devons accélérer afin d’atteindre notre objectif : l’égalité réelle entre les femmes et les hommes. Dans le domaine de la santé, j’en suis persuadé, cette égalité passe par la reconnaissance des vulnérabilités propres aux femmes, particularités trop longtemps marginalisées dans la prise en charge clinique comme dans la recherche. En tant que médecin urgentiste, je pense ici aux pathologies cardiovasculaires : j’ai vu des victimes d’un infarctus du myocarde arriver trop tard aux urgences parce que les symptômes, chez la femme, ne sont pas les mêmes que chez l’homme. Nous devons lutter résolument contre ce biais. Une illustre féministe qui fut aussi, entre autres, une grande ministre de la santé, Simone Veil, déclarait : « Ma revendication en tant que femme c’est que ma différence soit prise en compte, que je ne sois pas contrainte de m’adapter au modèle masculin. » Ces mots, hélas, sont toujours d’actualité au sein d’un système de santé que j’oserai qualifier de genré. L’adapter plus rapidement aux spécificités féminines, tel est mon combat, non seulement en ma qualité de ministre, mais à titre personnel : je veux croire, je suis même certain, que nous le livrerons ensemble.
(Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)
La parole est à Mme Marie-Charlotte Garin. Nous sommes aujourd’hui le 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, et c’est une joie et un honneur pour moi d’être avec vous dans l’hémicycle pour étendre leurs droits et protéger leur santé. Sonia avait 28 ans quand elle et son compagnon ont décidé d’avoir un enfant. Ils s’étaient projetés, avaient tout préparé, mais au bout de quelques mois, les effets secondaires de la grossesse de Sonia se sont estompés. Le verdict de son médecin est vite tombé : la grossesse s’était arrêtée. Pour elle et son compagnon, cette fausse couche – ou interruption de grossesse spontanée, puisque c’est ce dont il s’agit – avait le goût amer du deuil d’une vie rêvée et des projets qui accompagnent bien souvent l’annonce d’une grossesse. Cette souffrance, certaines femmes comme Mathilde l’ont subie encore plus fortement, mal accompagnées par un système médical et une société qui peinent encore à concevoir et à traiter la santé des femmes dans le respect de leur dignité.
Considérées comme courantes et naturelles, les fausses couches sont encore trop souvent banalisées. Il s’agit pourtant d’un événement traumatique, tant sur le plan physique que sur le plan psychologique, qui nécessite une prise en charge dédiée. J’ai évoqué deux témoignages, mais j’aurais pu en citer bien plus, car les fausses couches ne sont pas des événements anecdotiques ou isolés. Et puisque l’Assemblée est représentative de la société, je ne doute pas que des hommes et des femmes présents dans cet hémicycle y ont été confrontés.
Pas moins de 23 millions de fausses couches surviennent chaque année dans le monde. On estime que 15 % des grossesses s’achèvent en fausse couche et qu’une femme sur dix en a déjà vécu une. Ce phénomène traumatique est pourtant largement minimisé. La fausse couche n’est pas une maladie, c’est une perte.
C’est un drame ! Les femmes qui sont confrontées à une interruption de grossesse spontanée doivent être dignement prises en charge et accompagnées, notamment sur le plan psychologique. C’est l’objet de la proposition de loi présentée par ma collègue Sandrine Josso, dont je tiens à saluer le travail. Je la remercie de s’être attaquée, dans la continuité du travail de Paula Forteza, à ce sujet crucial encore tabou. Ce travail est un bon socle de départ en faveur de l’accompagnement psychologique des femmes victimes de fausses couches. Je salue les travaux menés en commission avec l’ensemble de mes collègues. Ils permettront l’extension au partenaire de la possibilité d’une prise en charge par des psychologues, prévue dans le texte initial pour les patientes victimes de fausse couche, ainsi que le renforcement de la sensibilisation du public et la formation des professionnels aux conséquences psychologiques des fausses couches.
Nous pouvons encore aller plus loin. Il manque quelque chose d’essentiel dans ce texte : la possibilité, pour les patientes confrontées à une fausse couche et pour leurs partenaires, de bénéficier d’un temps à eux, d’un temps de récupération psychologique et physique leur permettant de se remettre de ce traumatisme. Nous pouvons ce soir créer un congé fausse couche. Concrètement, il s’agit de permettre aux deux parents affectés par une fausse couche de solliciter auprès de leur employeur un congé de trois jours, ou deux. Le Gouvernement a annoncé vouloir lever les jours de carence pour les arrêts maladie en cas de fausse couche. Nous saluons cette annonce, mais nous devons aller plus loin. Il y a urgence à « dépathologiser » la fausse couche et à la reconnaître à son juste titre. Je l’ai dit : ce n’est pas une maladie, mais une perte. Certaines femmes préféreront en effet bénéficier du congé maladie par souhait de ne pas révéler leur grossesse. Cela peut se comprendre, dans la mesure où le projet d’enfant est aujourd’hui encore source de discrimination dans le monde de l’entreprise. Mais il est impératif de laisser aux femmes le choix. L’instauration d’un congé fausse couche permettra par ailleurs aux patientes qui le souhaitent de ne pas dépendre de leur médecin pour y avoir accès.
Enfin, la création d’un congé fausse couche permettra de lever le tabou persistant sur ce phénomène traumatique et de reconnaître une réalité vécue par une femme sur dix aujourd’hui en France. Les conséquences psychologiques d’une fausse couche sont bien réelles. Les patientes et leurs partenaires qui y sont confrontées ont évidemment besoin d’un accompagnement. Mais ces personnes ont également besoin de pouvoir récupérer pendant quelques jours, de prendre le temps. Écoutez-les. Un tel congé existe déjà pour l’annonce de la survenue d’un handicap ou d’une maladie grave chez un enfant. Pourquoi ne serait-il pas envisageable d’octroyer trois jours de repos à un couple touché par une fausse couche ? Nous sommes le 8 mars et, monsieur le ministre, vous disiez tout à l’heure que vous vouliez apporter aux femmes toutes les mesures et tous les outils. Ce soir, nous vous demandons un outil de plus. L’intime est politique, quoi que vous en pensiez. Il est vraiment primordial, j’y reviens, de laisser les femmes choisir entre l’arrêt maladie, qui protège la confidentialité, et le congé fausse couche, si elles le désirent et si elles ont la volonté de briser le tabou.
Il est vrai que ces mesures auraient un coût, mais celui-ci est minime comparé au coût des inégalités entre les hommes et les femmes dans notre pays qui est estimé, pour l’État, entre 102 et 118 milliards d’euros par an. Ce sont ces mêmes inégalités qui font des fausses couches un tabou aujourd’hui, au détriment de la santé physique et psychologique des femmes. Il reste du chemin à parcourir pour que la fausse couche ne soit plus un tabou et pour que la grossesse ne soit plus discriminante pour les femmes. C’est de cela qu’il s’agit ce soir. Quelle valeur acceptons-nous d’accorder aux traumatismes des femmes et quelle réponse sommes-nous prêts à y apporter ?
(Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES, SOC et GDR-NUPES. – Mme la rapporteure applaudit également, de même que Mmes Servane Hugues, Michèle Peyron et Maud Petit.) La parole est à M. Pierre Dharréville. Quand on se prépare à accueillir un enfant, que l’on attend parfois depuis longtemps, et que tout à coup la grossesse s’interrompt brutalement dans la douleur, c’est tout un monde à venir qui s’effondre, c’est une épreuve qui peut ébranler profondément. Cette épreuve est le plus souvent entourée de silence, de questionnements : difficultés à en parler, peur d’activer ou de réactiver la tristesse et la souffrance. Si chacun a sa manière de réagir, ce qui allait advenir et qui n’adviendra pas ne disparaît pas du jour au lendemain sans laisser de traces, comme si la vie à venir et les projets qui l’accompagnaient n’avaient pas de valeur. La société doit être au rendez-vous et accompagner celles et ceux qui en ont besoin et qui le veulent. Chaque année, 200 000 femmes environ connaissent l’épreuve d’une fausse couche. Il est vrai qu’aucun dispositif n’est vraiment formalisé ou identifié pour accompagner les femmes ou les couples qui doivent faire face à cette situation, même si une prise en charge par la sécurité sociale est assurée lorsque la personne est adressée par un médecin.
Évidemment, le groupe GDR-NUPES est favorable à l’inscription claire dans la loi d’un droit à l’accompagnement pour les femmes et les couples qui affrontent une fausse couche. Cette discussion est néanmoins l’occasion de dire encore à quel point notre système de soins est dans sa globalité en état de crise, en manque de reconnaissance et de moyens tant humains que financiers. Elle donne l’occasion de souligner combien la psychiatrie est le parent pauvre d’un système de santé en crise globale. La santé mentale constitue un enjeu majeur, sur lequel la crise sanitaire a jeté une lumière plus crue encore. Dans notre société qui va mal, il y a beaucoup de femmes, d’hommes et d’enfants qui vont mal.
Cette discussion est aussi l’occasion de souligner combien l’accompagnement psychologique est lui-même mal considéré, comme en témoigne le dispositif MonParcoursPsy, imaginé sans les praticiennes et praticiens et même – c’est ainsi qu’ils le ressentent – contre eux. Il prévoit une possibilité d’accompagnement
low cost qui s’arrange avec les principes de l’éthique du soin guidant médecins et soignants : cette éthique tient compte de la singularité de chaque patiente et de chaque patient et adapte les moyens permettant de répondre à leurs besoins. Or le nombre de séances et leur durée sont limités, sans considération pour les besoins du patient ou de la patiente. Ce dispositif ne nous semble pas plus adapté a priori aux victimes de fausses couches qu’à d’autres situations.
Plusieurs évolutions allant dans le sens que nous souhaitions ont néanmoins été adoptées en commission : je pense à la prise en compte du couple, et non pas seulement de la femme, ou à l’ambition de mieux former les personnels soignants et de mieux informer les couples. La suppression des jours de carence, provoquée par votre initiative, madame la rapporteure, est une mesure nécessaire.
Néanmoins, nous sommes loin d’avoir fait le tour de la question. Il me souvient qu’en 2017, une alerte avait été lancée par la CGT suite à des cas de fausses couches dans la grande distribution. Des rapports avaient retenu un certain nombre de pistes pour une meilleure prise en charge globale. J’en citerai deux exemples : un examen de contrôle un mois après la sortie de l’hôpital, qui permettrait en outre de s’assurer des besoins en termes d’accompagnement psychologique, ou encore un congé de trois jours qui pourrait, le cas échéant, être étiqueté « congé maladie », et qui serait également ouvert au conjoint. Une telle disposition existe depuis 2021 en Nouvelle-Zélande. En France, un congé de deux jours existe dans une seule branche, celle des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseil.
La question de la grossesse mérite d’être abordée dans la dimension de la santé au travail. On pourrait envisager par exemple un droit – à définir – en cas d’impossibilité de changement temporaire d’affectation pour nécessité médicale. Il apparaît insuffisant de s’en tenir au soin sans s’intéresser de plus près aux enjeux de la prévention et de la protection des femmes enceintes dans leur milieu professionnel. Force est de constater que, depuis 2017, le droit du travail a été appauvri quant à la protection des femmes enceintes, et que la suppression des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) n’a pas amélioré la situation. L’obligation de surveillance médicale renforcée de la femme enceinte a été supprimée et l’état de grossesse n’est pas pris en compte en tant que tel dans le suivi individuel renforcé, lequel est seulement lié aux postes de travail à risques particuliers. Il ne faut invisibiliser ni la fausse couche ni la grossesse elle-même.
L’épreuve particulièrement délicate de la fausse couche nous rappelle combien est précieuse l’éthique du soin : être là, accompagner face aux épreuves, être humain, forcément ensemble. Nous devons construire une société qui prenne mieux soin des individus tout au long de la vie. En abordant cet ordre du jour bienvenu – dont je vous remercie, madame la rapporteure –, nous mesurons que nous avons à construire un nouveau rapport à la santé mentale. C’est une urgence sanitaire dont il reste encore à prendre la mesure collectivement. Chères et chers collègues, au nom des députés communistes et ultramarins du groupe Gauche démocrate et républicaine, je veux vous dire plus que notre sensibilité : notre engagement.
(Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.) Très bien ! La parole est à M. Laurent Panifous. Je ne me risquerais pas à poser des mots sur l’épreuve que représentent les fausses couches pour les personnes qui les vivent. Nous avons jeté comme un voile pudique sur un événement qui n’a pourtant rien de rare. Mais ce que l’on refuse collectivement de voir ne cesse pas d’exister pour la seule raison que l’on n’en parle pas. C’est cet inconscient collectif qui conduit les couples à ne pas annoncer une grossesse à leurs proches avant la fin du premier trimestre. Or l’investissement affectif, l’attachement et la projection n’attendent souvent pas cette échéance. Et si nous avons tous intégré le risque élevé de fausse couche lors des trois premiers mois, nous y sommes pourtant peu préparés.
Je crois que ce qui ajoute à ce drame, c’est aussi l’incompréhension. Très souvent, aucune explication n’est donnée quant à cette perte : elle arrive, tout simplement. La fatalité d’un tel événement, ne trouvant aucune justification, rend la situation plus dure encore. « Il n’y avait rien à faire », dit-on. Alors, n’y aurait-il rien à dire ? Nous ne pouvons plus nous résoudre à cette fatalité. Pendant trop longtemps, les fausses couches ont été minimisées, presque banalisées. Mais le fait qu’elles surviennent fréquemment n’amoindrit en rien la souffrance de ceux qui y sont confrontés. Leur récurrence dans la population n’apporte aucune forme de consolation. Il faut rompre avec la vision de cet impensé de notre parcours de soins, rompre avec le tabou qui conduit à vivre ce drame de manière silencieuse, dans l’intimité. Aujourd’hui, nous savons le traumatisme physique et psychique qu’un tel événement peut engendrer. Nous connaissons les témoignages des femmes qui racontent la souffrance dans leur corps, l’anxiété, le chagrin et parfois la dépression. Nous connaissons aussi les conséquences que les fausses couches ont sur le partenaire et leurs implications dans les couples, dans les familles. Elles peuvent laisser des traces douloureuses. Rien ne justifie aujourd’hui de continuer à reléguer ces drames dans la stricte sphère intime.
Je remercie donc la rapporteure d’avoir inscrit cette proposition de loi à notre ordre du jour. Je veux la remercier aussi pour les améliorations qu’elle lui a apportées. En effet, il fallait aller au-delà de l’accompagnement psychologique en instaurant un accompagnement bien plus large, y compris sur le plan médical. L’amendement adopté en commission, relatif au parcours que devront proposer les agences régionales de santé, rend le dispositif beaucoup plus ambitieux qu’initialement. Il faudra veiller à la bonne application de ce parcours, dans tous les territoires. À terme, nous devons garantir un protocole complet dès la première consultation pour grossesse, avec une information sur les risques de fausse couche et sur l’accompagnement possible. Ce protocole doit systématiser le suivi médical des femmes victimes de fausse couche, avec au moins un entretien médical le jour même et un nouvel examen dans les semaines suivantes.
Ce qui revient le plus souvent dans les témoignages des femmes, c’est leur sentiment d’isolement et le manque d’empathie qu’elles ont ressenti. Aussi la formation des professionnels de santé, qui sont la clé pour un meilleur accompagnement, doit-elle impérativement intégrer le sujet des interruptions spontanées de grossesse. Nous saluons aussi l’ouverture de l’accompagnement aux couples, car les deux partenaires sont concernés, mais nous appelons à faire du suivi des femmes une priorité.
Notre groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires continue de douter de l’opportunité de faire reposer le suivi psychologique sur le dispositif MonParcoursPsy. Depuis le début, les professionnels se sont élevés contre un dispositif lourd et restrictif. Il est encore tôt pour dresser un bilan qualitatif de ce dernier, mais notre crainte est que le nombre de psychologues conventionnés soit insuffisant, notamment dans certains territoires sous-dotés. Nous proposerons par ailleurs un congé spécifique en cas de fausse couche, car ce sujet dépasse le strict cadre médical : c’est un deuil à part entière. Plus largement, nous appelons à élargir notre réflexion sur la prise en charge de la santé sexuelle et reproductive féminine. Se pose notamment la question des difficultés d’accès, dans certains territoires, à des professionnels de santé. Il est également nécessaire d’investir dans la recherche sur les causes des fausses couches et de l’infertilité. À ce titre, la prévention des maladies comme l’endométriose, qui touche une femme sur dix, devrait être systématique et gratuite.
Chers collègues, en cette Journée internationale des droits des femmes, nous avons l’occasion de rappeler que nous avons besoin de garantir un accompagnement global et bien plus ambitieux à toutes les étapes de la santé sexuelle et reproductive féminine. C’est une exigence de santé publique et la condition d’une réelle égalité. Notre groupe votera évidemment cette proposition de loi.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT, ainsi que sur quelques bancs des groupes RE et GDR-NUPES.) La parole est à Mme Claire Guichard. En cette Journée internationale des droits des femmes, le groupe Renaissance se réjouit d’examiner la proposition de loi de notre collègue Sandrine Rousseau – pardon, Sandrine Josso. (Rires sur divers bancs.) À l’issue de notre vote, dont je ne peux penser qu’il ne sera pas unanime, ces droits seront encore enrichis, et c’est heureux. C’est heureux car, dans d’autres lieux, les droits des femmes reculent inexorablement. Nos pensées vont aux femmes opprimées, stigmatisées, violentées ; nous n’aurons de cesse d’agir en leur faveur, avec les moyens qui sont les nôtres.
Ce texte nous permet d’aborder dans cet hémicycle un sujet hélas trop rarement évoqué. Puisque notre parole est libre ici, ne craignons pas de lever un tabou : plus de 15 % des femmes sont confrontées à une fausse couche au cours de leur vie. Si le ressenti de chacune doit être distingué et respecté, toutes sont susceptibles de souffrir de dépression, d’anxiété, de culpabilité, de honte, de colère ou tout simplement de tristesse. Autant de maux susceptibles d’altérer leur santé mentale et auxquels nous ne pouvons rester indifférents.
Il paraît donc indispensable de permettre à celles qui en ont besoin de bénéficier d’un accompagnement psychologique adapté. Si le soutien de la famille et des proches est primordial, il ne saurait se substituer à l’intervention d’un professionnel. Souvent dépeinte à tort comme un luxe ou une prestation de confort, la prise en charge par un psychologue occupe pourtant une place déterminante dans le processus de reconstruction de ces femmes.
En 2022, forts de ce constat et soucieux de renforcer les mesures déployées en faveur de la santé mentale, le Président de la République, le Gouvernement et la majorité présidentielle ont déployé MonParcoursPsy, un dispositif de prise en charge par l’assurance maladie de plusieurs séances d’accompagnement psychologique. En prévoyant que les femmes confrontées à une fausse couche, et le cas échéant leur partenaire, seront éligibles à ce dispositif, la proposition de loi apporte une réponse utile au problème soulevé.
À la suite de l’adoption d’un amendement en commission, la proposition de loi prévoit désormais la mise en place, sous l’égide des ARS, d’un parcours fausse couche. La proposition de loi consacre ainsi l’existence des interruptions spontanées de grossesse dans le code de la santé publique. Nous avons soutenu et nous soutiendrons encore cet ajout qui vise à proposer aux personnes qui en ont besoin une offre d’accompagnement pluridisciplinaire complémentaire et cohérente.
Un mot à l’attention de nos collègues qui ont proposé d’instaurer un congé pour fausse couche. Si nous partageons votre intention, nous estimons qu’une telle mesure pourrait attenter à la vie privée des femmes – un droit fondamental. De plus, en raison des contraintes qu’elle impliquerait, elle ne créerait pas un droit effectif. Cette situation devrait vous inciter à retirer ces amendements au profit de l’amendement du Gouvernement qui vise à supprimer les jours de carence applicables aux arrêts maladie pour les femmes confrontées à une fausse couche. Le groupe Renaissance soutiendra vivement cette proposition de loi.
(Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.) La parole est à Mme Katiana Levavasseur. Alors que se termine la journée du 8 mars, nous ne pouvons que constater que de nombreux progrès doivent encore être réalisés pour favoriser l’épanouissement et garantir le droit des femmes dans notre société. Je tiens à remercier Mme Josso de s’être saisie de ce sujet délicat mais important, la fausse couche.
Encore difficile à évoquer, ce n’est pas une question qui est souvent abordée aux débuts d’une grossesse. Minimisée, négligée, banalisée parfois par le corps médical, la fausse couche est pourtant fréquente et concerne chaque année 200 000 femmes. Une femme sur dix y serait confrontée au moins une fois dans sa vie. Nous avons tous été touchés de près ou de loin, nous connaissons tous un couple, une femme qui a vécu une fausse couche. C’est le cas de l’une de vos collègues.
Oui, j’avais alors 20 ans et j’étais enceinte de presque cinq mois. Alors que tout, dans mon esprit et celui de mon mari, était prêt pour l’heureux événement, j’ai ressenti des douleurs, des contractions, eu des pertes. À l’hôpital, j’ai été prise en charge dans le service des urgences pédiatriques, où j’ai été mise de côté, à l’écart. On m’a ensuite transférée dans une chambre où se trouvaient d’autres femmes, et où j’ai attendu que le produit que l’on m’avait administré agisse, avant qu’ils effectuent « l’aspiration », comme ils disaient. Je me suis remise seule de mon anesthésie générale en salle de réveil, puis un médecin est venu m’annoncer que je pouvais quitter l’hôpital. C’est tout. Aucun suivi médical ou psychologique ne m’a été proposé. On m’a seulement remis une ordonnance, pour traiter les pertes qui pouvaient encore se produire.
Mon histoire n’est pas unique, nous sommes nombreuses à avoir vécu cette situation, beaucoup la vivront encore. Chaque histoire, chaque vécu est singulier, mais je souhaite que les femmes cessent de se culpabiliser, qu’elles se sentent écoutées, entendues et accompagnées lorsque survient ce drame. Car oui, « la double perte que représentent la perte réelle de l’embryon ou du fœtus et la perte symbolique de la réalisation du désir d’enfant », comme l’écrit la rapporteure, peut être un drame.
Certes, toutes les femmes n’ont pas subi une intervention sous anesthésie ou une aspiration, toutes n’ont pas connu une interruption spontanée à cinq mois de grossesse – une grande partie des arrêts surviennent au cours des premières semaines de gestation –, toutes n’ont pas ressenti le besoin d’en parler. Mais parce que ce phénomène est naturel, indépendant de la volonté et qu’il peut toucher toutes les femmes enceintes, nous devons permettre à celles qui y sont confrontées d’être accompagnées, si elles en ressentent le besoin, par des professionnels qui pourront apaiser leur peine.
Sans doute ne faut-il pas méjuger le dévouement et la qualité du personnel médical, souvent surchargé de travail. Mon histoire remonte à quelques années et depuis, l’accueil des patientes a été amélioré. Mais il y a encore des progrès à faire. La société doit prendre conscience des répercussions émotionnelles que cet événement traumatique, quel que soit le moment de la grossesse où il survient, peut avoir pour une femme, mais aussi pour son conjoint ou sa conjointe.
En effet, le partenaire, lorsqu’il est présent, est tout autant impliqué dans cette expérience. Aussi avons-nous été très satisfaits de la position unanime qui a prévalu en commission sur la nécessité d’intégrer le partenaire dans le dispositif d’accompagnement psychologique.
Le chagrin, la tristesse, la colère, la culpabilité et de désespoir sont souvent ressentis par les couples ; il est important qu’ils sachent qu’ils ne sont pas seuls dans leur douleur. Ils doivent pouvoir être accompagnés et adressés à des psychologues par des sages-femmes, souvent présentes lors de ce moment.
Il est essentiel que la société reconnaisse que la fausse couche est un événement douloureux qui peut nécessiter un accompagnement psychologique approprié, peu importe l’âge gestationnel. C’est ce que la force publique doit mettre en œuvre. Le groupe Rassemblement national votera pour cette proposition de loi, qui va précisément dans ce sens.
(Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – MM. Laurent Panifous et Éric Martineau applaudissent également.) La parole est à Mme Élise Leboucher. Permettez-moi de prendre quelques secondes, en cette Journée internationale pour les droits des femmes, pour exprimer notre soutien aux femmes qui, à travers le monde, luttent pour leur liberté et le droit à disposer de leur corps. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.)
Nous nous retrouvons ce soir autour d’un sujet qui peut concerner toutes les femmes, sans distinction d’âge, de classe sociale ou d’origine. Pour préparer cette intervention, mes collaborateurs et moi nous sommes entretenus avec des professionnels de santé et des femmes qui ont vécu des fausses couches. C’est le sentiment d’isolement et de solitude qui ressort de ces témoignages. Une règle implicite impose aux femmes de ne pas annoncer leur grossesse avant la fin des trois mois d’aménorrhée. Ce non-dit participe d’un tabou qui ne devrait pas exister.
Les fausses couches spontanées précoces, celles qui interviennent avant quatorze semaines d’aménorrhée, concernent entre 12 et 24 % des grossesses. En France, 200 000 femmes font chaque année une fausse couche. Une femme sur dix subit, au cours de sa vie, un arrêt spontané de grossesse. Il n’existe pas une vérité, mais autant de vécus que de femmes. Les conséquences physiques et psychologiques d’une fausse couche diffèrent donc d’une personne à l’autre.
Comme le note Sandrine Josso dans son rapport, l’impact émotionnel n’est pas proportionnel à l’âge gestationnel, mais il croît à mesure que la grossesse est investie par les futurs parents. Pourtant, les conséquences physiques et morales des fausses couches sont encore mal prises en charge, les personnes avec un projet d’enfants sont peu informées. Si la fausse couche est un événement auquel les professionnels de santé sont régulièrement confrontés, elle reste un événement singulier pour les personnes concernées. Pour rappel, entre 20 % et 55 % des femmes présentent des symptômes dépressifs après une fausse couche, 15 % connaissent un état de stress post-traumatique.
La proposition de loi vise à améliorer le dispositif en vigueur et à donner la possibilité aux sages-femmes d’adresser les femmes, et leur partenaire le cas échéant. Si nous ne pouvons qu’être d’accord avec cette proposition, elle reste néanmoins encore insuffisante face aux besoins exprimés par les patientes, leur entourage, les professionnels de santé et les associations.
La proposition de loi confie aux ARS la responsabilité d’élaborer un parcours de soins spécifique à la prise en charge des fausses couches à partir de septembre 2024. Nous regrettons néanmoins qu’elle ne formalise pas de manière précise un protocole de prise en charge par l’assurance maladie de l’arrêt spontané de grossesse. Le texte étend les voies d’adressage à MonParcoursPsy, sans évolution du dispositif. Aujourd’hui, seulement 2 100 psychologues sur 80 000 professionnels recensés sont conventionnés dans ce cadre. Alors que les inégalités territoriales en matière d’accès à la santé se creusent de jour en jour, comment garantir un accès à ce dispositif controversé à toutes les personnes qui en éprouvent le besoin ?
Dans ce contexte de casse organisée du service public de la santé, les femmes sont les premières à subir les effets de l’austérité sanitaire. Selon une étude de l’association UFC-Que choisir publiée en novembre dernier, près d’un quart des femmes de plus de 15 ans vivent dans un désert médical pour la gynécologie. Depuis 2007, le nombre de gynécologues médicaux n’a cessé de diminuer pour atteindre 2,1 gynécologues médicaux pour 100 000 femmes, ce qui prive nombre d’entre elles d’un accompagnement holistique dédié à leur santé, comprenant prévention, traitement et suivi. Il est essentiel de renverser les perspectives et de gouverner par les besoins.
À ce titre, je tiens à vous alerter sur la situation de la psychiatrie et de la santé mentale en France. Dans un système de tarification à l’acte, la psychologie n’est pas valorisée car elle n’est pas synonyme de rentrées financières. Encore et toujours, le champ de la santé mentale demeure insuffisamment investi et l’on manque cruellement de psychologues, en particulier à l’hôpital public et au sein des services de gynécologie et de maternité. Encore et toujours, nous devons changer d’approche et gouverner par les besoins. Ce secteur est aussi synonyme de temps long, de relation de confiance à installer, de rechutes – des réalités qui ne rentrent pas dans le logiciel du capital.
Offrir un suivi psychologique accessible, c’est non seulement accompagner les personnes qui subissent des fausses couches, rompre avec le sentiment d’isolement, mais c’est aussi prévenir le développement de pathologies traumatiques pour la personne, pour son ou sa partenaire et pour les futurs enfants potentiels. Il est essentiel d’investir dans la prévention et l’information – par exemple en organisant des campagnes.
Le groupe LFI-NUPES a demandé un rapport sur l’accessibilité du dépistage de l’endométriose et son impact sur la prévention des risques de fausse couche précoce.
Excellente chose ! Très bien ! Dans cette épreuve, il est essentiel de donner à la personne un temps de guérison, un temps de récupération, libéré de la pression du travail. C’est pourquoi nous avons proposé d’inscrire dans le code du travail un congé spécial de trois jours après la survenue d’une interruption spontanée de grossesse, destiné à la femme, mais aussi à son ou sa partenaire.
Cette proposition de loi est un premier pas, certes timide, vers une meilleure prise en charge psychologique des personnes confrontées à une fausse couche. Les députés du groupe LFI-NUPES plaident pour un système de santé qui accompagne, soutienne les personnes et leur garantisse un égal accès au droit à la santé. En cette Journée internationale des droits des femmes, soyons ambitieux et donnons enfin à la santé des femmes les moyens qu’elle nécessite !
(Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) La parole est à M. Thibault Bazin. Le groupe Les Républicains se réjouit, en ce 8 mars, de débattre de la proposition de loi de notre collègue Sandrine Josso. Adoptée à l’unanimité en commission des affaires sociales, elle constitue un exemple remarquable de ce que peut produire notre assemblée lorsqu’elle se concentre sur la recherche du seul bien commun.
Les fausses couches sont un sujet d’importance – cela a été dit, près d’une femme sur quatre y est confrontée au cours de sa vie. Pourtant, elles restent souvent taboues dans notre société, ce qui peut ajouter à la douleur intime des familles confrontées à ces drames. Il est de notre devoir collectif de faire en sorte que, dans ces moments difficiles, les familles, plus particulièrement les mères, se sentent respectées, soutenues, aimées et non pas marginalisées ou jugées.
Mme Josso l’a très justement souligné dans son texte, l’accompagnement psychologique est primordial. Il doit être assuré par tous les professionnels dès l’annonce du diagnostic ou plus tardivement – en tout cas, dès que cela est nécessaire. Il convient également de faire en sorte que chaque personne concernée puisse avoir accès, quelles que soient ses ressources, à des consultations de qualité. À ce titre, permettre le remboursement des séances conduites par un psychologue dans le cadre d’un exercice libéral ou d’un exercice en centre de santé, dès qu’une personne est adressée par un médecin ou par une sage-femme, comme le propose l’article 1er, nous semble être une excellente proposition.
Nous saluons aussi le fait d’ouvrir aux pères le bénéfice de la prise en charge de cet accompagnement psychologique. Mme la rapporteure a eu raison de défendre en commission un amendement en ce sens. Nous nous réjouissons qu’il ait été adopté et souscrivons pleinement à son affirmation selon laquelle « il ne faut pas viser exclusivement les femmes s’agissant de l’épreuve que peut constituer une fausse couche. Même si elles y sont le plus directement confrontées, puisqu’elles le vivent dans leur corps, les études montrent que la fausse couche est aussi une épreuve pour le conjoint et le couple ».
Effectivement ! Les réactions auxquelles s’exposent les parents après une fausse couche peuvent être blessantes. En commission, ma collègue Justine Gruet le soulignait très justement : « Le fait que les futurs parents attendent la première échographie, à deux mois et demi de grossesse, pour annoncer la nouvelle à leurs proches et à leurs familles concourt au sentiment d’incompréhension et de solitude qu’ils éprouvent lors d’une fausse couche. Alors qu’ils sont déjà pleinement investis dans la grossesse, ils souffrent parfois d’un décalage vis-à-vis de leurs proches comme des professionnels de santé, qui banalisent parfois cet événement fréquent. L’annonce d’une fausse couche et les mots employés par les professionnels ont toute leur importance dans les phases de deuil qui suivent la perte de ce bébé à venir. »
Aussi, les dispositions de l’article 1er A qui créent un parcours fausse couche visant à développer la formation des professionnels médicaux apportent assurément un début de réponse. Néanmoins, il nous faudra être vigilants s’agissant du déploiement de moyens adéquats pour permettre l’effectivité de cette formation comme de la sémantique employée, qui ne saurait assimiler les fausses couches à une interruption volontaire de grossesse (IVG).
D’autres initiatives pourraient également être prises afin de témoigner davantage de considération aux couples dont la femme est victime d’une fausse couche. Il est essentiel de leur laisser du temps pour accepter les choses ensemble.
Les membres du groupe Les Républicains ont fait, comme toujours, des propositions pour améliorer le texte qui nous est soumis dont, je le redis encore une fois, nous partageons pleinement la philosophie et les objectifs. Ainsi, notre collègue Alexandre Portier a déposé un amendement, malheureusement déclaré irrecevable, visant à prendre en compte les violences conjugales à l’origine des fausses couches, à former les professionnels de santé à les prévenir et les détecter chez leurs patientes enceintes et à prévoir des modalités d’accompagnement spécifiques. Je forme le vœu que les ARS incluent cette dimension dans la conception du parcours de formation.
Cela dit, nous saluons d’ores et déjà collectivement le travail accompli par la rapporteure et nous l’assurons du soutien que nous apporterons à sa proposition de loi dans sa rédaction actuelle, qui permet de répondre aux attentes fortes de la société sur ce sujet si important. C’est un excellent texte, qui comporte des mesures très utiles pour les femmes concernées. Il contribuera à lever le tabou sur cette question en reconnaissant la souffrance du couple. Il incitera à faire preuve de davantage de délicatesse et d’attention et améliorera la prise en charge par le corps médical. Quant au parcours de suivi psychologique, il aidera le couple à faire le deuil de l’enfant vers lequel il s’était projeté.
Soulignons ici que le dispositif aurait pu être étendu à toutes les situations de deuil périnatal et surtout à la prise en compte de cet événement lors de la grossesse suivante, souvent vécue dans l’angoisse par la femme et par le couple.
Permettez-moi de conclure en ayant une pensée pour toutes les femmes qui ont été victimes d’une fausse couche et ont souffert de ne pas avoir bénéficié d’un accompagnement adapté pour surmonter cette épreuve. Formons le vœu que cette proposition, dont j’espère l’adoption définitive prochainement, permette de favoriser en France l’accompagnement des couples confrontés à une fausse couche.
(Applaudissements sur les bancs des groupes LR et sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem, SOC et Écolo-NUPES.) Très bien ! La parole est à Mme Maud Petit. « Y a des choses qu’aucun mot n’explique / On aura beau fouiller les plus vieux dictionnaires […] / Décortiquer Baudelaire […] / Il n’y a pas de mot, pas de manière / D’appeler le parent d’un enfant qui n’est plus / Il n’y a pas de mot pour ça qui soit connu / […] Quand on perd son petit, c’est évident, il n’y a pas de mot ». Cet extrait d’une chanson de Lynda Lemay touche, avec pudeur, le cœur de notre sujet. Je remercie notre collègue Sandrine Josso pour cette proposition de loi visant à favoriser l’accompagnement psychologique des femmes, mais aussi des couples confrontés à une fausse couche. En cette Journée internationale des droits des femmes, l’examen de ce texte a une portée hautement symbolique. Il démontre bien que la reconnaissance des besoins spécifiques des femmes, notamment en matière de santé, doit progresser.
Chaque année, 200 000 femmes et plusieurs milliers d’hommes affrontent l’impensable : la perte d’un enfant dont la vie était encore nichée au creux du ventre de leur maman. En France, une grossesse sur quatre se termine par une interruption spontanée de grossesse, une douloureuse réalité à laquelle nous devons nous confronter sans filtre et sans tabou.
Le groupe MODEM a toujours encouragé une politique familiale ambitieuse. Il importe que le soutien au deuil périnatal, brutal et tragique, en fasse partie. Il est de notre devoir d’entourer ces familles qui vivent l’inimaginable et dont la souffrance ne doit plus être passée sous silence.
Un accompagnement médical est déjà mis en place, mais c’est l’accompagnement psychologique des familles que veut renforcer cette proposition de loi afin de prévenir les situations post-traumatiques que peut engendrer une fausse couche – la détresse, l’isolement, la dépression. Elle vise ainsi à élargir l’accès au dispositif MonParcoursPsy prévu dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022. Ainsi, les sages-femmes pourront adresser les femmes et, le cas échéant, leur conjoint ou conjointe à un psychologue dont les consultations seront entièrement prises en charge par la sécurité sociale et les assurances complémentaires.
En commission, un travail constructif a permis d’enrichir le texte, notamment avec l’instauration d’un recensement par les ARS des bonnes pratiques locales afin de déterminer les contours d’un parcours fausse couche dans chaque région en vue de la généralisation de ces parcours au 1er septembre 2024 ou encore par la systématisation de l’information délivrée aux femmes par des professionnels de santé sur les conséquences d’une interruption spontanée de grossesse sur leur santé.
Notre groupe a émis le vœu que cet accompagnement soit élargi à l’interruption médicale de grossesse. Ce sujet sera, je l’espère, à nouveau abordé ce soir en séance, notamment lorsque nous discuterons de l’amendement du Gouvernement tendant à supprimer les jours de carence pour les arrêts délivrés à la suite d’une fausse couche. Chaque année, environ 7 000 grossesses se terminent par une IMG et ce sujet nous semble avoir sa place dans ce débat. J’ai déposé un sous-amendement en ce sens.
Je finirai en m’adressant à toutes les « mamanges » et les « papanges », les « paranges » qui ont perdu un enfant à venir. Même si nous avons conscience que rien ne pourra remplacer cet être en devenir, sachez que votre douleur est entendue et que la représentation nationale veut agir pour vous accompagner.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, voter en faveur de ce texte est pour notre groupe une évidence. Nous espérons donc, comme en commission, l’unanimité pour son adoption.
(Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, RE et HOR.) La parole est à M. Arthur Delaporte. « Considérées depuis l’aube des temps au regard de leur fonction procréatrice, enfermées pour cette raison même dans la sphère domestique, et privées des droits modernes par des hommes qui s’en sont octroyé le privilège exclusif, les femmes n’ont jamais cessé d’être définies par leur capacité maternelle. Il va de soi qu’elles portent et font naître des enfants. Cela va tellement de soi que l’on refuse de penser cette condition de maternité autrement que comme un processus de fabrication infaillible. Lorsqu’échec il y a, qu’il soit imputable à un problème d’infertilité ou à un aléa de la grossesse, on fait peser sur elles le poids de la culpabilité : elles n’ont pas su remplir leur rôle. On ne s’embarrasse donc pas de les accompagner dans ces épreuves, on ne prononce aucun mot qui dirait le deuil ou la détresse, on ne leur confère aucune reconnaissance sociale ni aide psychologique. Fausse, mensongère, factice, imaginaire, fictive, fallacieuse : honte à la femme qui " fait " une fausse couche ! » Ces mots, ce sont ceux de Camille Froidevaux-Metterie qui signe la préface de l’ouvrage de Judith Aquien, Trois mois sous silence, le tabou de la condition des femmes en début de grossesse .
En ce 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, comme tous les autres jours de l’année, nous ne cesserons de le répéter : nous sommes aux côtés des femmes. Nous souhaitons éradiquer les violences sous toutes leurs formes dont elles sont victimes, mais nous considérons qu’être à leurs côtés, c’est aussi être à leur écoute. Notre société a malheureusement intégré le dogme selon lequel les femmes doivent être silencieuses tout le temps, même lorsqu’elles souffrent, et il est notre responsabilité de le renverser.
Le poids du silence des trois premiers mois de grossesse a été imposé par une société qui veut étouffer la douleur des femmes, poids que je ne connaîtrai jamais. Ce silence a été inculqué aux garçons comme aux filles dès leur plus jeune âge : ne pas poser de questions avant les trois mois, ne pas commenter, se taire.
Faire évoluer le droit, en renforçant l’accompagnement psychologique des femmes victimes de fausses couches, est une première étape vers le changement plus large de mentalités que nous appelons de nos vœux. Ce combat n’est pas neutre politiquement : c’est un enjeu de progrès social. Atteindre l’égalité entre les femmes et les hommes est un prérequis de nos politiques publiques. C’est un enjeu profondément humaniste, rattaché aux idéaux de gauche, aux idéaux socialistes, féministes
(Exclamations sur quelques bancs du groupe RN), il importe de le préciser au regard des propos tenus de manière éhontée par certains responsables politiques qui ont décidément la mémoire courte – à l’instant, la réaction de certains députés sur les bancs de l’extrême droite nous le confirme. Vous aussi, vous avez la mémoire courte ! Le texte que nous examinons prévoit ainsi un accompagnement psychologique encadré des femmes victimes d’interruption spontanée de grossesse. Je dis « encadré » car, soyons clairs, mes chers collègues, le dispositif adopté en commission est largement perfectible, nous y reviendrons.
Relayer les craintes des professionnels est pour nous un devoir de transparence : démultiplication des dispositifs d’accompagnement, qui complexifie la prise en charge ; insuffisance du nombre de séances, fixé à huit seulement, alors qu’une psychothérapie plus longue est parfois nécessaire. Enfin, le parcours d’accompagnement des femmes par les ARS, mesure introduite en commission et que nous saluons, devra faire l’objet d’un approfondissement.
Nous soutenons donc la proposition de loi et ses mesures visant à renforcer la formation des professionnels de santé, afin de ne plus recevoir à l’avenir de témoignages de femmes faisant part d’une prise en charge blessante, stigmatisante ou culpabilisatrice.
Bien sûr, nous aimerions faire davantage, et mieux. Parce que l’impact d’une fausse couche sur les corps et les esprits est connu, nous proposerons d’instaurer un arrêt fausse couche de trois jours, à l’instar de ce qui est pratiqué dans d’autres pays, c’est-à-dire un congé au choix des femmes qui ne seront pas tenues d’en informer leur employeur, ce qui semble évident – ainsi, votre argument principal tombe à l’eau.
Ensuite, nous avions proposé d’étendre les capacités des sages-femmes à prendre en charge ces femmes. Malheureusement, nous ne pourrons pas examiner nos amendements en ce sens, qui ont été déclarés irrecevables ; mais je souhaitais vous alerter, monsieur le ministre, sur ce point qui nous tient particulièrement à cœur. Quelle aberration que celle qui consiste à multiplier les points de contact des femmes déjà bouleversées, trimbalées de professionnel en professionnel, de structure en structure ! Les compétences des sages-femmes ont été valorisées ces dernières années – je salue notamment le travail de notre collègue Marie-Noëlle Battistel : donnons-leur la possibilité de mieux accompagner leurs patientes.
Enfin, je veux saluer le travail de notre ancienne collègue Paula Forteza sur ce sujet, ainsi que le vôtre, madame la rapporteure, qui a permis que nous examinions ce soir un texte nécessairement précieux pour les femmes et pour la société française. C’est pourquoi le groupe Socialistes et apparentés le soutiendra.
(Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et Écolo-NUPES.) La parole est à Mme Anne-Cécile Violland. En 2021, un rapport publié dans la revue britannique The Lancet appelait à prendre au sérieux les troubles liés à une fausse couche et recommandait que les femmes qui en étaient victimes bénéficient d’un suivi minimum, avec notamment un soutien psychologique pour le couple.
Je vous remercie, chère Sandrine, de cette proposition de loi qui permet de lever des tabous et de rendre sa singularité à une perte trop souvent banalisée. Je partage votre volonté d’accompagner davantage les couples confrontés à une fausse couche, tant les chiffres sont alarmants : entre 20 % et 55 % des femmes ayant subi un avortement spontané présentent des symptômes dépressifs, 20 % à 40 % des symptômes anxieux et 15 % un état de stress post-traumatique avec des symptômes de reviviscence, d’évitement et d’hypervigilance neurovégétative. La fausse couche est un phénomène très courant, qui souffre d’un non-dit sociétal : on estime, vous l’avez rappelé, qu’une femme sur dix traversera une fausse couche dans sa vie.
Les conséquences psychologiques sur la femme et sur son entourage sont encore trop peu connues, mais unanimement sous-évaluées et insuffisamment prises en charge. Dans le cadre des auditions menées conjointement avec ma collègue Pascale Martin dans le cadre de la mission d’information sur la santé psychique des femmes, plus précisément sur les questions de périnatalité, tous les experts nous ont alertées sur l’impérieuse nécessité de prendre en considération la détresse des femmes victimes d’une fausse couche. En effet, prendre soin de ces femmes et du deuxième parent, c’est aussi une action de prévention en direction éventuellement des autres enfants du couple et le moyen de leur assurer un environnement plus sécurisé. Il convient donc de remédier à cette nécessité en permettant un accès plus large à un suivi psychologique, au moins pendant la première année qui suit la survenue d’une fausse couche, pris en charge par l’assurance maladie. Il faut aussi garantir une meilleure information des patientes. Tel est l’objet de la présente proposition de loi.
S’appuyant sur le dispositif MonParcoursPsy lancé il y a un an, ce texte élargit son champ en y ajoutant l’adressage par une sage-femme à la suite d’une fausse couche. J’en profite pour saluer le travail remarquable des sages-femmes qui, on ne le dira jamais assez, sont les premières interlocutrices dans les parcours de soins spécifiques aux femmes.
Elle a raison ! Toutefois, ce dispositif, qui a le mérite d’exister, est relativement récent et encore en phase de déploiement sur le territoire. Le groupe Horizons et apparentés alerte donc sur l’applicabilité de la mesure, qui pourrait se heurter notamment à un manque de professionnels inscrits dans ce cadre. Plus encore, il s’agira de réfléchir à une évolution du dispositif pour le mettre en cohérence avec le métier de psychologue, le respect de ses spécificités et de ses exigences, la rigueur de la globalité d’une prise en charge psychothérapeutique. S’il faut se réjouir des 300 000 consultations psychiatriques, il convient de mettre en regard les 2 200 psychologues adhérents sur plus de 80 000 psychologues en France. Je vous invite, monsieur le ministre, à vous interroger sereinement sur ce nombre, afin d’objectiver les véritables freins à l’adhésion de ces professionnels.
Compte tenu de l’enjeu de santé publique que représente la santé mentale des femmes, en particulier durant leur parcours de grossesse, natalité et périnatalité, et du fait de l’avenir de notre société, le groupe Horizons et apparentés soutient cette proposition de loi et se réjouit du caractère transpartisan du consensus obtenu.
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes HOR, RE et Dem et sur quelques bancs des groupes LR et Écolo-NUPES.) La discussion générale est close.
La parole est à M. Arthur Delaporte, pour soutenir l’amendement no 16. Il vise à informer la femme enceinte des risques liés à sa grossesse et des moyens de les prévenir. Pour quelle raison avons-nous déposé cet amendement ? La proposition de loi concerne l’interruption spontanée de grossesse et traite en définitive le sujet a posteriori , et non a priori . Or un grand nombre de femmes subissent des conséquences psychologiques et traumatiques majeures, alors qu’elles n’ont pas suffisamment anticipé, dans leur projet de grossesse, les risques de fausse couche. Notre amendement vise donc à prévenir ces dangers psychologiques, en sensibilisant les femmes aux conséquences d’une interruption spontanée de grossesse. Quel est l’avis de la commission ? Vous voudriez inscrire dans la loi que toute femme enceinte doit être informée des risques liés à la grossesse et des moyens de les prévenir. Cette obligation, à la portée très générale, me semble inutile et inopportune. Inutile parce que, grâce au parcours fausse couche, nous ferons en sorte que l’information sur les fausses couches soit concrètement disponible et diffusée. Cela me semble plus opérationnel et efficace qu’une déclaration de principe. Inopportune également, pour deux raisons : tout d’abord, l’information ne concernerait que les femmes enceintes. Ne vaudrait-il pas mieux la diffuser plus largement, par exemple aux couples qui ont un désir de grossesse ? Forcément ! Ensuite, la formulation retenue dans votre amendement suggère que la fausse couche pourrait être évitée. Or ce n’est pas vrai dans la grande majorité des cas. Ce n’est pas ce que j’ai dit ! C’est la nature qui fait son œuvre et on ne peut rien faire pour l’en empêcher. Laisser entendre aux femmes qu’elles auraient pu éviter de faire une fausse couche me semble culpabilisant. Avis défavorable. C’est brutal ! Quel est l’avis du Gouvernement ? Bien entendu, votre intention est louable, monsieur le député. Ah, je préfère entendre cela ! Toutefois, il revient aux professionnels de santé qui assurent le suivi d’une femme durant sa grossesse de l’informer des risques. C’est le rôle d’ailleurs de tous les professionnels de santé, quels qu’ils soient, dans le suivi des patients ; cela fait partie des bonnes pratiques professionnelles, qu’il ne me semble pas opportun d’inscrire dans la loi, ne serait-ce que parce qu’elles peuvent évoluer. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable à votre amendement. La parole est à M. Thibault Bazin. Je m’interroge au sujet de votre amendement : je comprends votre souci d’informer, et l’on ne peut que souhaiter que toutes les femmes soient suivies. Un projet de grossesse fait généralement l’objet d’un accompagnement et d’une prise en charge, qui permettent d’obtenir des informations. Toutefois, inscrire cette préoccupation dans un texte visant à mieux accompagner les femmes qui subissent des fausses couches risque d’être source d’anxiété. La grossesse ne se résume pas à des risques : elle est avant tout un beau motif de joie. Veillons à ne pas aller à l’encontre de l’objectif qui était le nôtre, à savoir supprimer le sentiment de culpabilité que peuvent éprouver les femmes victimes d’une fausse couche.
En ce qui concerne la notion de prévention des risques, j’ajoute que les fausses couches sont subies et que, par définition, il n’est pas possible de les éviter. Vous l’avez d’ailleurs mentionné dans votre intervention, monsieur le ministre ; c’est la définition même d’une fausse couche. Ce qui me surprend, nous le constaterons à travers les autres amendements défendus par votre groupe, c’est qu’il semble y avoir une confusion entre les fausses couches et les interruptions volontaires de grossesse, qui n’entrent pas dans le même cadre.
N’importe quoi ! C’est pourquoi nous nous opposerons à cet amendement. La parole est à M. Arthur Delaporte. Madame la rapporteure, vous soulignez qu’introduire cette notion de prévention dans le texte conduirait à culpabiliser la femme enceinte : c’est évidemment l’inverse de notre intention et des propos que j’ai exprimés dans la discussion générale. Eh bien, retirez votre amendement ! Je vous avoue être mal à l’aise devant la teneur de vos propos, que j’ai trouvés relativement agressifs. Si vous souhaitez le sous-amender, je reste totalement ouvert. La prévention est importante si nous voulons nous attaquer aux conséquences des interruptions spontanées de grossesse : elle permet de se prémunir non pas des risques de survenance d’une fausse couche, mais des dangers liés à celle-ci, c’est-à-dire des risques psychologiques. Les prévenir, c’est aussi contribuer à les atténuer a posteriori , ou faire en sorte qu’ils soient subis moins violemment. Car il existe bien un tabou dans la société ; en parler en amont aide aussi à lever ce tabou et à faire en sorte que la survenance d’une fausse couche soit vécue moins douloureusement.
(L’amendement no 16 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour soutenir l’amendement no 11. Il s’agit d’un amendement d’appel, puisque nos amendements qui visaient à permettre aux sages-femmes de traiter l’interruption spontanée de grossesse, par symétrie avec l’extension des compétences des sages-femmes introduite sur les IVG médicamenteuses par exemple, ont été déclarés irrecevables.
Le présent amendement vise à préciser que les sages-femmes sont associées dans le parcours fausse couche. En effet, 40 % des suivis de grossesse sont assurés par des sages-femmes – chiffre évidemment en constante progression compte tenu de la démographie des gynécologues obstétriciens –, pour des grossesses physiologiques, des suivis gynécologiques de prévention, les IVG médicamenteuses, ainsi que, depuis peu, les IVG instrumentales. Il nous semblait donc cohérent que les sages-femmes traitent également les interruptions spontanées de grossesse, afin de faire évoluer leurs compétences.
Quel est l’avis de la commission ? Nous partageons votre intention, chère collègue : le parcours fausse couche le prévoit d’ailleurs. Votre amendement étant satisfait, j’en demande le retrait. Quel est l’avis du Gouvernement ? Je l’ai rappelé dans la discussion générale : les sages-femmes font partie des professions médicales. Cela figure dans le code de la santé publique. Dès lors, comme le précise le texte, elles sont pleinement intégrées au dispositif. Votre amendement est donc satisfait. Je vous demande de le retirer ; à défaut, mon avis sera défavorable. La parole est à M. Arthur Delaporte. Je profite de cette intervention pour rappeler la teneur des amendements que nous avons déposés et qui ont été jugés irrecevables. Au-delà des fausses couches, 40 % des grossesses sont suivies par des sages-femmes. Ce taux est en augmentation constante, pour une raison que vous connaissez, monsieur le ministre : la pénurie de gynécologues obstétriciens. Les sages-femmes assurent le suivi des grossesses physiologiques, le suivi gynécologique de prévention et les IVG. Pourtant, lorsqu’une patiente fait une fausse couche, la sage-femme n’est pas habilitée à lui administrer les médicaments nécessaires, car les textes n’ont pas évolué parallèlement à ceux qui concernent l’IVG. Une sage-femme ne peut administrer des médicaments que lorsque la patiente décide d’interrompre elle-même la grossesse : reconnaissez qu’il y a là une distinction majeure. Ce vide juridique a des conséquences lourdes sur le parcours de soins des patientes : les sages-femmes les renvoient vers des médecins, voire aux urgences, ce qui ne fait que renforcer l’angoisse et la détresse des femmes concernées.
Par ailleurs, imposer un examen médical supplémentaire devant un médecin peut entraîner un surcoût pour la sécurité sociale. Les amendements que nous aurions aimé défendre – celui-ci n’étant qu’un amendement d’appel – auraient donc permis à la sécurité sociale de réaliser des économies. Ils répondent en outre à une demande des sages-femmes. Il faut avancer dans cette direction. Nous avions déposé plusieurs amendements en ce sens – notamment les amendements nos 9, 10 et 12 –, mais ils ont été jugés irrecevables.
La parole est à M. Yannick Neuder. Je comprends l’objet de votre amendement, mais je crois que nous avons un problème de terminologie. Nous avons voté récemment une loi qui crée un troisième cycle dans la formation des sages-femmes et leur donne accès au titre de docteur en maïeutique. Les sages-femmes sont donc bien considérées comme des praticiens médicaux, et peuvent par conséquent réaliser les actes que vous évoquez.
Cela étant, cette évolution n’est pas nécessairement connue par les femmes. Le grand public n’a probablement pas conscience que lorsqu’on parle des professionnels médicaux, cela recouvre les sages-femmes.
Les capacités de prescription ne sont pas les mêmes ! Trop longtemps, les sages-femmes ont été considérées, à tort, comme des professionnels paramédicaux. Elles sont désormais reconnues comme des docteurs en maïeutique. En définitive, nous disons tous la même chose, mais avec des mots différents. La parole est à M. le ministre. Je ne supporte plus d’entendre que les sages-femmes réalisent certains actes parce que nous manquons de gynécologues obstétriciens. Si elles les réalisent, c’est parce qu’elles en ont les compétences. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et HOR.) Exactement ! Il en est de même pour les infirmières en pratique avancée (IPA). Ce n’est pas par manque de médecins qu’on accorde des compétences à d’autres professionnels. Ce n’est pas ce que j’ai dit ! C’était très maladroit, cela arrive ! C’est parce que les sages-femmes en ont les compétences que l’exercice de leur métier a évolué.
(L’amendement no 11 n’est pas adopté.) Je suis saisie de deux amendements, nos 14 et 3, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Arthur Delaporte, pour soutenir l’amendement no 14.
Après avoir débattu de cet amendement en commission avec Mme la rapporteure, nous avons souhaité en débattre à nouveau en séance. L’article 1er A, dont nous partageons l’objectif, évoque essentiellement les couples. Or nous considérons que lorsqu’il se produit une interruption spontanée de grossesse, la femme est la première concernée. Nous proposons donc une nouvelle rédaction, dans laquelle il est question des « femmes » plutôt que des « couples » touchés par une interruption spontanée de grossesse.
De plus, nous devons prendre en considération l’ensemble des formes de parentalité. Les femmes peuvent vivre des interruptions spontanées de grossesse sans être en couple : elles peuvent être seules, depuis qu’elles ont accès à la PMA. Le parcours fausse couche doit donc viser d’abord la femme, et, le cas échéant, son partenaire. Tel est le sens de notre amendement. C’est une exigence féministe simple : on parle d’abord aux femmes de ces sujets.
La parole est à M. Laurent Panifous, pour soutenir l’amendement no 3. Évolution éminemment positive, la proposition de loi vise à élargir l’accompagnement de la femme ayant connu une fausse couche à son partenaire, car le choc et le traumatisme affectent les deux membres du couple. Afin de rendre le dispositif le plus opérationnel possible, il importe de préciser que le parcours fausse couche vise à mieux accompagner les femmes et, le cas échéant, leur partenaire. Tel qu’il est rédigé, l’article ne s’adresse qu’aux couples. Or certaines femmes vivent leur grossesse seules, sans nécessairement être en couple.
Cette rédaction permet en outre d’insister sur le fait que, si les deux membres du couple sont tout autant concernés et affectés par une fausse couche, les conséquences physiques et psychiques vécues par les femmes doivent être la priorité.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LIOT.) Excellent ! Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ? Ces deux amendements visent à préciser que le parcours fausse couche s’adresse prioritairement aux femmes, avant de s’adresser aux couples. En commission, j’ai émis un avis défavorable sur un amendement similaire de M. Delaporte : il me semblait que le fait de s’adresser aux couples – et pas uniquement aux femmes –constituait un acquis important de la proposition de loi. Un argument de M. Panifous m’a fait reconsidérer la question : une femme qui vit une fausse couche n’est pas toujours en couple ; parfois, elle est confrontée seule à l’événement. En conséquence, je suis favorable à l’amendement no 3 de M. Panifous, qui prévoit que le parcours fausse couche s’adresse à la femme et, le cas échéant, à son partenaire. En revanche, je suis défavorable à l’amendement no 14 de M. Delaporte, qui me semble plus éloigné de l’esprit de la proposition de loi – bien que vous ayez mieux étayé vos arguments qu’en commission, monsieur le député, ce dont je vous remercie. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La parole est à M. Thibault Bazin. L’exposé sommaire de l’amendement de M. Delaporte m’embarrasse, car il entretient une certaine confusion entre l’interruption volontaire et l’interruption spontanée de grossesse – j’ai d’ailleurs cru entendre un lapsus de sa part entre les deux termes. Pourquoi ? Mais non ! Les deux situations ne sont pas identiques. Les femmes qui subissent une fausse couche sont d’ailleurs souvent choquées que les termes appliqués à leur situation soient les mêmes que ceux qu’on emploie pour une IVG. Elles ont besoin qu’on reconnaisse qu’elles subissent de façon involontaire une interruption de grossesse.
Par ailleurs, il me paraît essentiel d’assurer l’accompagnement du conjoint, car les femmes qui subissent une fausse couche expriment le besoin d’être bien entourées. Il n’est donc pas opportun de supprimer la mention du couple dans les alinéas 4 et 5 relatifs au parcours fausse couche. C’est pourquoi les députés du groupe Les Républicains ne soutiendront pas l’amendement de M. Delaporte. L’amendement de M. Panifous me semble plus pertinent, mais je pourrais lui adresser un léger reproche – même si l’objectif est de voter le texte – : il mentionne le « partenaire », mais dans le cas d’une fausse couche, il serait plus juste de parler de « l’autre parent ».
Que faites-vous de la PMA ? Je suis bien conscient qu’il n’y a pas nécessairement de partenaire ; c’est pourquoi l’amendement de M. Panifous précise que l’autre membre du couple est visé « le cas échéant » par le dispositif. Il n’en reste pas moins que dans une situation de fausse couche, la notion de partenaire n’est pas forcément la plus pertinente juridiquement. Nous pourrons chercher un terme plus approprié lors de la navette – car, je le répète, il est important de prendre en considération le couple. Et si c’est un « trouple » ? La parole est à M. Arthur Delaporte. Je retire mon amendement au profit de celui de M. Panifous, qui semble recueillir un consensus. Je salue cet amendement qui va dans le même sens que le mien. Il progresse, bravo !
(L’amendement no 14 est retiré.)
(L’amendement no 3 est adopté.) Sur l’amendement no 48, je suis saisie par le groupe Renaissance d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Paul Vannier, pour soutenir l’amendement no 21.
Il vise à ce que, dans le cadre du parcours fausse couche, les ARS s’engagent à proposer aux patientes de suivre leur traitement médical dans un établissement de santé adapté. Ce traitement médical est parfois loin d’être anodin ; il comporte certains risques, notamment d’hémorragie et d’infection. Il paraît donc nécessaire que la femme soit accompagnée dans une structure de santé.
Lorsqu’elles sont renvoyées à domicile, comme c’est généralement le cas, et en l’absence d’un congé de quelques jours – dans le droit actuel, mais nous en reparlerons – qui permettrait aux deux parents de ne pas reprendre immédiatement le travail, les femmes sont bien souvent seules. C’est pourquoi nous proposons qu’il leur soit systématiquement proposé de suivre leur traitement médical dans un établissement de santé adapté.
(Mme Danielle Simonnet applaudit.) Quel est l’avis de la commission ? En commençant par recenser les solutions existantes, nous voulons éviter d’imposer des obligations qui viendraient d’en haut, et que le terrain ne jugerait pas pertinentes. Faut-il systématiser une consultation de suivi post-fausse couche ? Je n’en suis pas certaine. Obliger les ARS à proposer une telle consultation mobiliserait des ressources médicales non négligeables. Dans certaines situations, ce ne serait peut-être pas souhaitable. Dans quelles situations ? Nous devons résister à la tentation d’être trop prescriptifs quant au contenu du parcours fausse couche. Nous avons fixé des objectifs et des grands principes ; faisons confiance aux acteurs locaux pour s’organiser entre eux et orchestrer des solutions, sans les embarrasser de normes qui pourraient s’avérer inadaptées aux besoins. Quel est l’avis du Gouvernement ? Votre intention est louable, mais je suis persuadé que la loi n’est pas le bon vecteur pour améliorer les pratiques professionnelles. Les collèges de certaines professions – des gynécologues obstétriciens par exemple, et demain, des sages-femmes – ont émis des recommandations qui sont appelées à évoluer régulièrement. Les inscrire dans la loi enfermerait les professionnels dans un carcan.
De plus, la rédaction de l’amendement me pose un problème. Inscrire dans la loi que « lorsque la patiente est soumise à un traitement médical lors de l’interruption spontanée de grossesse, les agences régionales de santé s’engagent à proposer de suivre celui-ci dans un établissement de santé adapté » revient à transférer aux ARS la responsabilité du suivi, alors que cela ne correspond pas du tout à leur rôle ni à leur compétence.
Pour ces raisons, je vous demande de retirer votre amendement. À défaut, avis défavorable.
La parole est à M. Paul Vannier. Je maintiens l’amendement. D’une part, la rédaction n’est pas si directive que vous le dites : il s’agit de « proposer » un suivi, ce qui laisse une marge de manœuvre aux soignants.
D’autre part, je souhaite revenir sur la deuxième partie de l’amendement, à laquelle Mme la rapporteure a répondu. Oui, nous pensons qu’il faut « proposer, de manière systématique, un nouvel examen médical de contrôle dans les quatre semaines suivant la prise en charge de l’interruption spontanée de grossesse », eu égard aux conséquences physiques et psychologiques d’une fausse couche. Un mois après une fausse couche, 29 % des femmes présentent des symptômes de stress post-traumatique et 24 % d’entre elles souffrent d’anxiété sévère.
Depuis tout à l’heure, il n’y a que des hommes qui parlent… Ces maladies, qui passent parfois inaperçues, doivent être diagnostiquées. Un rendez-vous programmé quatre semaines après l’événement permettrait justement de poser un diagnostic médical et d’accompagner les personnes concernées. C’est pourquoi nous l’estimons indispensable. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) La parole est à M. Yannick Neuder. L’objectif de ce texte consiste à fournir autant de solutions que possible aux femmes victimes d’une fausse couche. Je rappelle, car nous ne l’avons pas encore dit, que le risque de fausse couche augmente avec l’âge. Lors de la consultation, il est nécessaire d’insister sur les facteurs de risque afin de les éviter, mais prenons garde à ne pas tomber dans l’excès, car insister sur les risques peut être en soi anxiogène. Or, on le sait, le stress peut causer la fausse couche. Attention, donc, à la fausse bonne idée.
En ce qui concerne la prise en charge, je crois qu’il faut faire confiance aux professionnels de santé. Qu’ils soient hospitaliers ou libéraux ne fait aucune différence, puisque le parcours de soins est souvent coordonné, par exemple dans le cadre d’une communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) ou d’une maison de santé pluriprofessionnelle (MSP). L’enjeu majeur du texte réside dans l’accessibilité de la prise en charge, mais ce serait aller trop loin que d’imposer un type de prise de charge dans une structure donnée. L’essentiel tient à la présence de professionnels de santé qualifiés et surtout disponibles.
Il a raison ! La disponibilité des professionnels importe davantage que le lieu lorsqu’il s’agit de prendre en charge ces troubles reconnus et documentés dans des revues scientifiques – Anne-Cécile Violland a cité The Lancet . Notre rôle consiste à prendre des mesures qui tiennent de l’ evidence-based medicine – la médecine fondée sur les faits –, non à déterminer si le suivi doit avoir lieu en hôpital, en libéral ou dans une autre structure. Bravo !
(L’amendement no 21 n’est pas adopté.)
(L’article 1er A, amendé, est adopté.) Chers collègues, plusieurs d’entre vous me demandent si nous conclurons ce soir l’examen du texte. C’est souhaitable, mais à ce rythme, nous terminerons à deux heures du matin. Je vous propose donc de faire le point à minuit et d’aviser ensuite. Très bien ! Quelle présidente !
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement no 48. Il vise à supprimer le délai de carence pour les arrêts de travail prescrits à la suite d’une interruption spontanée de grossesse avant la vingt-deuxième semaine d’aménorrhée, c’est-à-dire jusqu’au cinquième mois de grossesse. En effet, les frais de santé des femmes pendant les vingt-deux premières semaines de grossesse étant pris en charge par la branche maladie de la sécurité sociale, les arrêts de travail pendant cette période sont indemnisés, comme tout arrêt maladie, à l’issue d’un délai de carence de trois jours. Après cette période, ils sont couverts sans délai de carence au titre du risque maternité.
Cette levée du délai de carence concernera bien sûr le secteur privé comme la fonction publique, et s’appliquera aux arrêts prescrits tant par les médecins que par les sages-femmes. Il s’agira d’un net progrès dans la prise en considération des fausses couches, accordant aux femmes le temps que le professionnel de santé estime nécessaire pour récupérer physiquement et physiologiquement. Pour ces raisons, je vous invite à voter l’amendement.
Quel est l’avis de la commission ? Nous attendions cet amendement qui concrétise un engagement du Président de la République, et l’accueillons avec joie. Il supprime le délai de carence pour la perception des indemnités journalières en cas d’arrêt de travail faisant suite à une fausse couche. Il s’agit d’une réelle reconnaissance du caractère physiquement et psychologiquement éprouvant de la fausse couche.
Je suis convaincue que cette solution est de très loin la meilleure, pour plusieurs raisons. Premièrement, en agissant au moyen d’un arrêt travail plutôt que d’un congé spécial, nous tenons compte du fait que toutes les femmes ne vivent pas la fausse couche de la même manière. Certaines ont besoin de s’arrêter de travailler, d’autres n’en ont pas besoin et ne le souhaitent pas. L’arrêt de travail permet de procéder non systématiquement, mais au cas par cas.
Le congé spécial aussi ! Deuxièmement, cette solution permet de préserver la confidentialité de la fausse couche à l’égard de l’employeur. Oui, c’est très important ! Pour l’avoir constaté lors des auditions, je suis convaincue que de nombreuses femmes n’ont aucune envie de faire part de cette nouvelle à leur employeur et considéreraient une telle obligation comme intrusive.
Enfin, la levée du délai de carence résout les difficultés financières qui peuvent accompagner l’arrêt maladie, le rendant ainsi accessible à toutes celles qui en ont besoin. Je crois donc que cette mesure répond à nos priorités.
(Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et RE.) Très bien ! Plusieurs députés me demandent la parole. Je veux bien la donner à tout le monde, mais je doute que vous ayez envie de terminer à trois heures du matin.
La parole est à Mme Maud Petit.
Monsieur le ministre, vous venez de soutenir un très bel amendement, que le groupe MODEM votera bien sûr. Je signale néanmoins que j’avais déposé, avec le soutien de mon groupe, un sous-amendement visant à élargir aux interruptions médicales de grossesse le délai de carence applicable aux arrêts maladie. Il a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution, mais je tenais à vous interroger à ce sujet.
Nous considérons en effet que la levée de carence en cas d’arrêt de travail faisant suite à une fausse couche doit également inclure les cas d’IMG. Près de 7 000 femmes par an ont recours, pour des raisons médicales, à cette procédure qui marque la fin d’une grossesse attendue et préparée. De plus, l’IMG peut intervenir à n’importe quelle étape de la grossesse. Nous comprenons aisément la douleur et les conséquences psychologiques et physiques qu’entraîne une telle épreuve pour les mamans et pour leur conjoint ou conjointe.
Monsieur le ministre, puisque nous n’examinerons pas le sous-amendement en question, j’aimerais que vous puissiez en dire quelques mots.
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem, RE et HOR.) La parole est à Mme Claire Guichard. Avant toute chose, je tiens à saluer cet amendement qui concrétise les annonces effectuées par la Première ministre la semaine passée. Comme cela a été souligné lors de la discussion générale, certaines femmes vivent la fausse couche comme un événement traumatisant, et il importe de leur donner le temps nécessaire pour surmonter cette épreuve. Cette possibilité existe déjà : un médecin peut prescrire un arrêt maladie de la durée de son choix afin de permettre à sa patiente de se reconstruire, loin de son activité professionnelle et, surtout, sans avoir à justifier le motif de son absence auprès de son employeur. Le seul inconvénient de cette démarche réside dans le délai de carence qui empêche la femme de percevoir immédiatement l’indemnité versée au titre de son arrêt de travail. En adoptant l’amendement du Gouvernement, l’Assemblée nationale supprimera cet écueil et affirmera ainsi concrètement son souci d’accompagner au mieux les femmes confrontées à une fausse couche.
Chers collègues, vos amendements portant article additionnel après l’article 1er nous permettront de développer nos arguments visant à démontrer que cette solution est meilleure que la création d’un congé pour fausse couche. Dans cette attente, nous soutiendrons cette proposition du Gouvernement.
La parole est à M. Thibault Bazin. Cet amendement du Gouvernement va dans le bon sens, car, étant donné que l’indemnisation passera par l’assurance maladie, l’employeur n’aura pas à connaître de la fausse couche. Ce point est crucial, car les femmes ayant subi une fausse couche ne souhaitent pas forcément partager cette information avec leur employeur. Absolument ! Monsieur le ministre, vous avez spécifié que la levée du délai de carence s’appliquerait à la fonction publique comme au secteur privé. Je souhaite m’assurer que les travailleuses indépendantes pourront également en bénéficier. Si ce n’est pas le cas, il me semble important que cela soit rectifié au cours de la navette parlementaire. C’est d’autant plus nécessaire que les revenus de ces femmes dépendent totalement de leur activité : pour une commerçante ou une chef d’entreprise, subir le délai de carence après une fausse couche tiendrait de la double peine. Pouvez-vous me rassurer sur leur inclusion dans le champ de l’amendement ou, le cas échéant, vous engager à le compléter au cours de la navette ? La parole est à M. Paul Vannier. Le délai de carence constitue une injustice, une violence, une profonde régression. Dès lors, nous considérons que toute mesure tendant à le supprimer va dans le bon sens. Nous appuierons donc cet amendement.
Néanmoins, sur le fond, nous ne sommes pas d’accord avec l’approche consistant à présenter l’arrêt maladie comme la réponse adéquate à une fausse couche. En effet, cela revient à « pathologiser » la fausse couche.
Cela revient surtout à l’indemniser. La fausse couche n’est pas une maladie, mais une perte. L’indemniser au moyen d’un arrêt maladie entretient une forme de confusion, qui contribue d’ailleurs à maintenir le tabou social qui entoure cet événement.
En outre, l’arrêt maladie place les femmes dans une situation de dépendance : pour l’obtenir, elles doivent le demander à un médecin qui peut se montrer compréhensif – et c’est heureux –, mais peut aussi éventuellement refuser de donner suite. C’est pourquoi nous proposons de leur donner automatiquement droit à un congé garanti à toutes. Elles resteront libres de le refuser, mais auront ainsi la certitude de pouvoir en bénéficier.
Voilà ce qui, sur le fond, sépare notre proposition de la vôtre, qui n’est pas à la hauteur de l’occasion. Nous vivrons dans quelques instants le moment de vérité, lorsque nous débattrons de la création d’un congé de trois jours pour les couples confrontés à une fausse couche.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) La parole est à Mme Marie-Charlotte Garin. Comme je l’ai dit lors de la discussion générale, nous saluons évidemment cet amendement bienvenu, qui concrétise les annonces du Gouvernement. Je m’interroge néanmoins sur un point. Comme Maud Petit, nous avons déposé des sous-amendements jugés irrecevables, qui visaient notamment à déterminer si ce dispositif a vocation à s’étendre au conjoint ou à la conjointe. En effet, l’esprit du texte tend à considérer que les deux conjoints sont égaux dans leur parentalité. Je vous pose donc cette question.
D’autre part, j’y insiste, l’arrêt maladie peut être complémentaire d’un congé fausse couche ; l’un n’est pas nécessairement exclusif de l’autre.
(Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES et LFI-NUPES.)
Madame la rapporteure, vous dites avoir rencontré, lors des auditions, des femmes qui ne veulent pas parler de leur fausse couche à leur employeur. Bien évidemment, nous respectons leur volonté, et il est bienvenu que l’arrêt maladie permette de conserver cette discrétion. Toutefois, plusieurs d’entre nous dans cet hémicycle ont échangé avec des femmes qui veulent en parler, qui veulent que ce soit reconnu et qui veulent l’ouverture d’un nouveau droit. Des femmes que vous avez entendues et de celles que nous avons entendues, qui a raison ? Pourquoi ne leur donnerait-on pas le choix ?
(Mêmes mouvements.) Pourquoi choisir ? Sur tous les sujets, vous voulez nous faire passer pour les méchants ! La parole est à Mme la rapporteure. Vous avez raison, les avis peuvent diverger. Cependant, les femmes ne sont pas favorables à ce congé, certains professionnels, par exemple les psychologues, non plus. Ils font valoir que cela imposerait une charge émotionnelle supplémentaire aux femmes, dont certaines éprouvent déjà de la culpabilité, voire de la honte. Il faut bien le comprendre ; le mieux est l’ennemi du bien. Ce serait un libre choix ! Rien d’obligatoire ! Pour le moment, je maintiens mon avis défavorable. C’est juste que vous ne voulez pas lâcher l’argent ! La parole est à M. le ministre. Madame Petit, votre remarque est très intéressante. Je vous propose de travailler sur ce point, que j’ai évoqué lors de la présentation du texte. La navette parlementaire nous permettra de faire évoluer la proposition de loi, en nous appuyant sur des arguments plus précis.
Monsieur Bazin, je vous confirme que les travailleurs indépendants sont couverts par la mesure.
Merci. J’en viens au droit spécifique que plusieurs d’entre vous proposent. Certes, j’en conviens, la fausse couche n’est pas une maladie, mais je reste attaché au dispositif de l’arrêt maladie, car il garantit la confidentialité. Pas en cas de subrogation ! Certaines femmes ont effectivement envie d’en parler, de s’exprimer, mais rien ne les empêche de le faire dans le cadre d’un arrêt maladie. Si nous instaurions le droit que vous évoquez, nous prendrions un risque : des femmes pourraient être amenées à le refuser, précisément pour ne pas parler de leur fausse couche. Les femmes ne vont pas nécessairement demander l’arrêt maladie ! Ce n’est pas fromage ou dessert, les deux sont compatibles ! Saluons cette première avancée, qui permettra à toutes les femmes, si elles le souhaitent, de garder la discrétion. Pour l’instant, n’allons pas plus loin. Les deux sont compatibles ! Nous voulons les deux ! Arrêtez de cliver sur tous les sujets ! Je mets aux voix l’amendement no 48.
(Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 89
Nombre de suffrages exprimés 89
Majorité absolue 45
Pour l’adoption 89
Contre 0
(L’amendement no 48 est adopté à l’unanimité.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LR, Dem, HOR et LIOT ainsi que sur quelques bancs du groupe RN.)
La parole est à M. Serge Muller. Un projet d’enfant, c’est un rêve que l’on fait à deux. C’est un bébé que l’on imagine venir créer et compléter une famille. C’est un cœur que l’on entend battre et qui fait battre le nôtre. C’est aussi une visualisation obligatoire – cela nous dépasse ; on ne peut pas s’en empêcher. On voit les premiers clichés pendant les échographies. On fait les premières confidences à sa famille et à ses proches. La naissance est déjà dans nos esprits. Mais soudain, tout s’arrête. Entre sentiment d’impuissance, d’injustice et de deuil, aucun membre du couple n’est épargné.
C’est pourquoi le Rassemblement national avait proposé un amendement visant à favoriser l’accompagnement psychologique des deux membres du couple, sachant que, dans sa version initiale, cette proposition de loi prévoyait de favoriser uniquement celui des femmes. Nous étions attachés à cet amendement. Vous avez entendu nos arguments et inclus la disposition dans votre proposition de loi. C’est une bonne chose car, je le répète, aucun membre du couple n’est épargné.
Qui plus est, bien que la douleur soit commune, elle s’exprime souvent différemment. Cela peut conduire à la rupture, pour cause d’incompréhension. L’homme est souvent plus pudique sur ses sentiments,…
Ça s’appelle une essentialisation ! …entre désillusion, tristesse, angoisse et volonté de tourner la page très rapidement pour se protéger, quand la femme éprouve davantage un sentiment d’arrachement, de vide et, souvent, de culpabilité. L’accompagnement psychologique des deux membres du couple permettra une médiation et une écoute mutuelle, nécessaires dans le processus de deuil… C’est complètement réactionnaire ! …et pour se projeter vers l’avenir, ensemble. Le Rassemblement national est donc favorable à l’article 1er. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.) Nous en venons aux amendements à l’article 1er.
La parole est à Mme Katiana Levavasseur, pour soutenir l’amendement no 40.
Il vise à ce qu’un médecin puisse, lui aussi, adresser à un psychologue le partenaire d’une patiente ayant subi une fausse couche. Nous estimons que l’adressage doit pouvoir être effectué par le professionnel qui assure le suivi du patient ou de la patiente, qu’il s’agisse d’une sage-femme ayant été impliquée dans la prise en charge de la patiente ou d’un médecin, traitant ou non, ayant eu à connaître de ce drame. Quel est l’avis de la commission ? L’article 1er ouvre la possibilité à une sage-femme d’adresser à un psychologue le partenaire d’une patiente ayant subi une fausse couche, bien qu’elle n’assure pas le suivi de celui-ci. Votre amendement vise à le permettre également dans le cas où la femme consulte un médecin, et non une sage-femme. Or cette possibilité existe déjà, raison pour laquelle nous n’avons pas prévu de disposition à ce sujet dans le texte. L’amendement étant satisfait, j’en demande le retrait. Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable, pour les mêmes raisons.
(L’amendement no 40 n’est pas adopté.)
(L’article 1er est adopté.)
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 8 et 27.
La parole est à Mme Marie-Charlotte Garin, pour soutenir l’amendement no 8.
Il vise à améliorer l’information du public en confiant à Santé publique France la mission de développer l’information la plus large possible sur les fausses couches – nous avons évoqué cette question à plusieurs reprises au cours de la soirée. Il y a un manque d’information, et de nombreux tabous. Nous pensons donc qu’il faut améliorer l’accès à l’information, la transmettre à un maximum de personnes. La création par Santé publique France d’un livret qui serait diffusé au public par les professionnels de santé susceptibles de recevoir des femmes enceintes serait une première étape. La parole est à M. Paul Vannier, pour soutenir l’amendement no 27. Dans votre propos liminaire, monsieur le ministre, vous avez appelé à « briser les tabous ». Vous avez raison, et nous avons ce soir l’occasion de le faire. À cette fin, il faut diffuser le savoir et partager les connaissances. C’est l’objet de cet amendement, qui vise à confier à Santé publique France la mission de mener une campagne d’information sur les fausses couches.
Cela permettrait d’abord au plus grand nombre de prendre conscience de l’ampleur du phénomène, encore très méconnue. Nous rabâchons ces chiffres : une femme sur dix sera concernée ; une grossesse sur cinq est interrompue par une fausse couche. Une telle campagne d’information permettrait en outre d’alerter le public sur les possibles conséquences physiques et psychologiques, qui sont très importantes, eu égard tant à la gravité des symptômes qui peuvent apparaître qu’à la proportion de femmes victimes de fausses couches qui sont atteintes de pathologies psychiques.
L’information, le partage du savoir et des connaissances, nous paraît un instrument utile, sinon indispensable.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ? En commission, je vous ai indiqué que je n’étais pas défavorable, sur le principe, à une campagne d’information de Santé publique France sur les fausses couches. L’agence pourrait effectivement développer un livret d’information destiné au public, ainsi que des supports pour les professionnels. Au fond, ce n’est pas une mauvaise idée.
Toutefois, je suis un peu gênée à l’idée d’inscrire cela dans la loi, car celle-ci, à ce jour, ne fait qu’énoncer les grandes missions de Santé publique France. Je trouverais étrange et peu opportun de graver dans le marbre de la loi la mission d’informer sur les fausses couches en particulier. D’autre part, il pourrait se révéler préférable, à l’usage, de la confier à une autre institution. J’émets un avis défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ? Mon avis est défavorable, pour deux raisons principales. Premièrement, je l’ai dit, cela relève déjà du rôle des professionnels de santé. Deuxièmement, le site ameli.fr de la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) présente déjà l’ensemble des informations nécessaires, de manière très détaillée. Il ne me semble pas opportun de doubler cette information, ce qui risquerait de la rendre moins efficace. La parole est à M. Christophe Naegelen. Je trouve que ces amendements sont intéressants. Dans ce type de situation, monsieur le ministre, il n’y a jamais trop d’information. Nous pourrions effectivement confier une telle mission à Santé publique France – ou, si ce n’est pas le bon organisme, à une autre institution que nous identifierions ensemble, comme l’a évoqué Mme la rapporteure – afin que toutes les personnes concernées ou susceptibles de l’être disposent d’une information beaucoup plus riche. Cette étape préalable pourrait faciliter ensuite le suivi des patientes. Pour notre part, nous voterons cet amendement. J’invite le Gouvernement et la commission à reconsidérer leur avis. La parole est à M. Paul Vannier. Je relève une contradiction dans vos propos, monsieur le ministre : vous dites qu’il y a des tabous et, en même temps, que les outils d’information existants sont suffisamment nombreux et efficaces. Les deux affirmations ne sont pas compatibles. Je souscris au diagnostic que vous faites concernant ces tabous, comme de nombreux collègues sur tous les bancs. Il y a un défaut d’information, auquel il faut remédier. (Mme Sarah Legrain applaudit.)
(Les amendements identiques nos 8 et 27 ne sont pas adoptés.) La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l’amendement no 1. Cet amendement de notre collègue Paul-André Colombani vise à ce que les femmes enceintes reçoivent systématiquement une information sur les risques liés à la grossesse, notamment sur le risque de fausse couche et sur l’accompagnement médical et psychologique dont elles peuvent bénéficier en cas de fausse couche. Cette information serait dispensée par le médecin ou la sage-femme, dès la première consultation liée à la grossesse.
Dans l’exposé sommaire, nous expliquons que la fausse couche est un événement qui se produit relativement souvent et que les couples y sont peu préparés, du fait notamment de l’existence d’un tabou. Dès lors, cet événement est vécu dans le silence, dans la sphère intime, ce qui participe du traumatisme. Une meilleure information conduirait à une meilleure préparation, voire à une meilleure prévention.
Quel est l’avis de la commission ? L’objectif est très louable, mais cet amendement pose deux problèmes. D’abord, il y a un problème de calendrier. Vous souhaitez que le risque de fausse couche soit évoqué lors du premier examen prénatal, qui a souvent lieu autour de la dixième semaine d’aménorrhée. Or, à ce moment-là, le risque de fausse couche est déjà nettement réduit ; les choses se jouent antérieurement.
Ensuite, l’amendement pose un problème de principe, dans la mesure où il est très directif pour le médecin. Celui-ci peut estimer qu’il n’est pas opportun ou utile de parler de fausse couche à sa patiente, pour telle ou telle raison. Il serait donc contraint de le faire quand même, sous peine de violer la loi. Cela me semble inadapté, d’où un avis défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La parole est à M. Christophe Naegelen. Je ne comprends pas bien votre argument, madame la rapporteure. L’auteur de cet amendement est médecin généraliste. S’il a décidé de déposer cet amendement, c’est qu’il a été lui-même témoin de cas où il aurait été nécessaire que toutes les informations pertinentes soient données, dès la première consultation, à la personne concernée.
Nous essayons d’améliorer le texte. En l’espèce, il s’agit d’apporter davantage d’information à des personnes qui pourraient se retrouver ultérieurement dans une situation très complexe. Je trouve dommage que l’on nous oppose des arguments à caractère administratif, que l’on ait peur d’obliger les médecins à délivrer cette information. Pourtant, cela ne leur prendrait pas énormément de temps.
Tout comme les amendements précédents, celui-ci va dans le bon sens et serait utile aux personnes intéressées. Madame la rapporteure, je vous invite à faire preuve de davantage d’ouverture, dans vos réponses et dans vos décisions, à propos des amendements qui viennent.
La parole est à M. Arthur Delaporte. Cet amendement va dans le même sens que le premier que j’ai présenté sur la nécessité d’informer. Monsieur le ministre nous dit : « Il y a ameli.fr », mais je ne suis pas sûr que ce site permette de diffuser l’information le plus largement possible. Il faut informer partout où cela est possible. Nous partageons un objectif, celui de lever le tabou, d’informer et de prévenir ; l’amendement va en ce sens. La parole est à M. le ministre. Le sujet est suffisamment important pour que je prenne le temps de préciser quelques détails. Comme je l’ai déjà dit, la mission du professionnel de santé est, entre autres, d’informer la femme enceinte qui viendrait le consulter sur l’ensemble des risques liés à la grossesse, dont celui de la fausse couche. Il me semble inutile de préciser dans la loi toutes les obligations du médecin ; elles font partie de son métier – les médecins ayant une obligation de moyens –, comme du métier de sage-femme. Je reconnais néanmoins qu’il est important d’en parler. Je mets aux voix l’amendement no 1.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, il est procédé à un scrutin public.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 77
Nombre de suffrages exprimés 77
Majorité absolue 39
Pour l’adoption 29
Contre 48
(L’amendement no 1 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Élise Leboucher, pour soutenir l’amendement no 24. Nous proposons d’améliorer la reconnaissance de l’interruption spontanée de grossesse et de garantir une prise en charge médicale adéquate des femmes qui en sont victimes. En cas de fausse couche, toutes les femmes doivent pouvoir bénéficier d’un parcours de soins spécifique. Celui-ci doit comprendre un entretien médical adapté, avec la possibilité de séjourner dans un établissement de santé pendant la durée de la fausse couche et des symptômes associés. L’amendement prévoit également la création d’un examen obligatoire dans les quatre semaines suivant la prise en charge de l’interruption spontanée de grossesse.
La fausse couche est un bouleversement pour le corps et la santé mentale de nombreuses femmes. Elle ne constitue pas un événement résiduel. Elle doit donc faire partie intégrante de la prévention et de la surveillance médicale dont bénéficient toutes les femmes enceintes.
Quel est l’avis de la commission ? L’amendement a un caractère trop prescriptif à l’égard des professionnels médicaux. Par ailleurs, il crée de nouvelles obligations qui ne font pas consensus. La consultation de suivi post-fausse couche sera étudiée dans le cadre du parcours. Vous imposez qu’elle soit proposée dans les quatre semaines ; il faudrait que ce soit un peu plus tard. Pour toutes ces raisons, avis défavorable.
(L’amendement no 24, repoussé par le Gouvernement, est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)
La parole est à Mme Katiana Levavasseur, pour soutenir l’amendement no 41. Il vise à prolonger la validité des séances d’accompagnement psychologique qui n’auraient pas pu être utilisées durant l’année civile jusqu’à l’année suivante, sans que les patients soient obligés de fournir de justificatifs administratifs ou médicaux supplémentaires.
En effet, si la fausse couche survient en début d’année, la patiente aura le temps de demander une prise en charge et d’effectuer les séances d’accompagnement psychologique sur une année entière ; toutefois, si elle ressent le besoin de se faire accompagner en fin d’année, la condition de validité, fixée sur l’année civile, réduira sa prise en charge, et il ne lui sera pas possible d’effectuer toutes les séances. De plus, peu de psychologues sont inscrits à ce dispositif, ce qui ajoute un obstacle supplémentaire.
Il ne s’agit nullement de rajouter des séances, ce qui poserait un problème budgétaire, ni d’obliger les femmes à utiliser leurs huit séances, mais bien de permettre aux femmes ayant eu une fausse couche tard dans l’année civile de poursuivre les séances sur l’année suivante, si elles le souhaitent.
Quel est l’avis de la commission ? Je comprends votre intention, mais cette mesure est manifestement coûteuse. Le dispositif MonParcoursPsy n’a pas été construit sur l’hypothèse budgétaire de la consommation systématique de huit séances annuelles par l’ensemble des assurés sociaux ; si chacun accumulait des droits aux séances de psychothérapie d’une année sur l’autre, cela pourrait vite devenir ingérable. Par ailleurs, si un patient a besoin de plus de huit séances par an, nous pouvons envisager de travailler à une prise en charge des séances supplémentaires par les mutuelles, lesquelles proposent souvent des forfaits pour les psychothérapies. Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Votre demande est déjà satisfaite. Dans le cadre de MonParcoursPsy, il est tout à fait possible de reporter les séances à l’année suivante si elles interviennent en fin d’année. Je vous demande donc de retirer l’amendement.
(L’amendement no 41 est retiré.) Je suis saisie de huit amendements, nos 4, 7, 26, 18, 17, 6, 19 et 2, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 7 et 26, sur lesquels je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale et le groupe Écologiste-NUPES d’une demande de scrutin public, sont identiques.
Sur les amendements nos 18, 17 et 19, je suis également saisie par le groupe Socialistes et apparentés (membre de l’intergroupe NUPES) d’une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l’amendement no 4.
Il vise à instaurer un congé de trois jours pour la femme ou le couple qui subit une interruption spontanée de grossesse. Cette proposition ne fait pas doublon, à nos yeux, avec la suppression du délai de carence qui vient d’être adoptée par notre assemblée, laquelle – je le signale au passage – mériterait d’être appliquée de manière un peu plus large. Il serait judicieux d’ouvrir le débat sur le sujet, même si je reconnais, bien sûr, la situation particulière de ces femmes.
Il y a différentes manières de réagir face à une fausse couche, et l’on peut tout à fait imaginer que celle-ci ouvre droit à un congé de trois jours. Ce n’est pas une chose qu’il faut cacher, la société doit l’assumer. Comme je l’ai expliqué tout à l’heure, ce dispositif existe déjà dans une branche ; on peut donc tout à fait l’étendre à toutes les autres. Il existe aussi en Nouvelle-Zélande. Cela n’empêche en rien les femmes qui le souhaitent de recourir à un autre dispositif, mais il nous semble que celui-ci est possible, souhaitable, nécessaire même, et il n’est absolument pas certain qu’il induise des coûts supplémentaires.
C’est une question hautement symbolique : il n’y a pas de honte à faire une fausse couche, et chacun doit pouvoir l’assumer comme il veut.
La parole est à Mme Marie-Charlotte Garin, pour soutenir l’amendement no 7. Comme je suis une éternelle optimiste, je vais tenter de vous convaincre en deux minutes. Nous sommes aujourd’hui le 8 mars, c’est la Journée internationale des droits des femmes ; le symbole n’est pas léger, car nous avons une occasion en or d’ouvrir un nouveau droit pour les femmes.
Madame Josso, nous avons beaucoup en commun sur les questions d’égalité, et vous savez que je n’amende pas à la légère. Je sais que nos arguments peuvent vous convaincre.
Pourquoi le congé est-il complémentaire de l’arrêt maladie ? Premièrement, parce que la fausse couche n’est pas une maladie ; ce type de congé existe déjà, notamment pour les deuils, quand on apprend que son enfant est gravement malade. De plus, vous nous dites toujours qu’il faut s’inspirer du privé. Eh bien, je vais vous donner un exemple dans le privé. Il y a en France une entreprise très connue, L’Oréal, qui applique ce congé, et cela fonctionne. Pourquoi ne prendrions-nous pas, nous aussi, nos responsabilités ? Pourquoi ne ferions-nous pas la même chose ?
Deuxièmement, il y a la question du choix : celui de laisser une femme décider si elle veut ou non consulter son médecin pour obtenir un arrêt maladie, si elle veut ou non en parler avec son employeur et si elle veut ou non briser le tabou autour de la fausse couche.
Enfin, symboliquement, c’est la reconnaissance par notre assemblée, et par la société en général, de cette réalité qui concerne une femme sur dix en France.
Je le répète, il s’agit bien de laisser le choix aux femmes entre l’arrêt maladie et le congé pour fausse couche.
La parole est à M. Paul Vannier, pour soutenir l’amendement identique no 26. Cette proposition de loi peut devenir une grande loi si elle fait sienne la proposition de créer un congé spécial de trois jours après la survenue d’une fausse couche au sein du couple. Ce congé doit pouvoir bénéficier à la femme concernée, mais aussi à son conjoint ou sa conjointe.
Le faire, c’est d’abord être à la hauteur de l’attente sociale : les fausses couches touchent une femme sur dix et concernent une grossesse sur cinq. C’est aussi être à la hauteur de la douleur physique et psychologique liée à l’échec du projet d’enfant. Créer ce congé, c’est créer un droit automatique qui n’a pas à être négocié, un droit qui peut être choisi ou écarté, mais qui représente une liberté et une protection pour les femmes. C’est créer un droit pour les deux parents et leur permettre d’être ensemble dans ce moment si douloureux.
Au fond, trois jours, au moment où l’on perd cet enfant espéré, cet enfant à venir, c’est certainement trop peu, mais c’est un premier pas. Chers collègues, ce soir, nous pouvons faire ce pas ensemble.
(Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) La parole est à M. Arthur Delaporte, pour soutenir l’amendement no 18. Il va dans le même sens que les deux amendements précédents, en proposant de créer un congé de trois jours pour les couples confrontés à une interruption spontanée de grossesse. Pourquoi cette durée ? Nous nous sommes inspirés de ce qui existe déjà ailleurs dans le monde. Par exemple, en mars 2021, en Nouvelle-Zélande, une loi a accordé un congé de trois jours.
À la différence de la suppression du jour de carence que nous venons d’adopter – et au sujet de laquelle nous saluons l’amendement du Gouvernement –, cette mesure touche le couple. Mme la rapporteure déclarait vouloir soutenir les couples à l’article 1er : faisons le pas ensemble en leur accordant ce congé.
Je veux, pour finir, réfuter l’argument récurrent de la confidentialité. Ce congé n’est pas obligatoire : si un couple souhaite garder la confidentialité, il peut ne pas y recourir. C’est un droit, nullement une obligation. Alors, s’il vous plaît, cessez d’invoquer cet argument pour refuser le droit nouveau que nous vous demandons.