XVIe législature
Session ordinaire de 2022-2023

Deuxième séance du mercredi 11 janvier 2023

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Deuxième séance du mercredi 11 janvier 2023

Présidence de Mme Valérie Rabault
vice-présidente

Mme la présidente

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

    1. Application de la loi « climat et résilience »

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle le débat sur l’application de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ces effets.
    La conférence des présidents, a décidé d’organiser ce débat en deux parties. Dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, puis le Gouvernement ; nous procéderons ensuite à une séquence de questions-réponses.
    La parole est à M. Stéphane Delautrette.

    M. Stéphane Delautrette (SOC)

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    La loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ces effets, dite climat et résilience, a été amorcée en s’appuyant sur une procédure inédite, qui a soulevé les espoirs et les attentes d’un grand nombre de nos concitoyens. Innovante dans sa méthode, la Convention citoyenne pour le climat a permis d’effectuer un travail de fond, dégageant 149 mesures susceptibles de faire reculer de 40 % nos émissions de gaz à effet de serre.
    Pourtant, dès son examen par le Parlement, le projet de loi est apparu comme décevant, faisant notamment l’impasse sur plusieurs des principales préconisations issues de la concertation. Il en est résulté une loi peu ambitieuse, à laquelle les députés de gauche s’étaient unanimement opposés. Par ailleurs, dès février 2021, le Haut Conseil pour le climat alertait le Gouvernement sur les difficultés d’application de la loi. Il soulignait notamment qu’« une proportion élevée de [ses] mesures [au potentiel de réduction d’émissions significatif voyait] sa portée réduite par un périmètre d’application limité, voire ponctuel, des délais de mise en œuvre allongés ou encore de nombreuses conditions associées à leur application. »
    Le groupe Socialistes et apparentés regrette ce rendez-vous manqué entre nos institutions et la Convention citoyenne. C’est pourquoi nous souhaitons contrôler le niveau actuel d’application de cette loi.
    Depuis le 1er janvier, un nouveau train de mesures entre en application de façon différée : gel du loyer des passoires thermiques, obligations des annonceurs sur la neutralité carbone, mise en place progressive des zones à faibles émissions (ZFE), etc. En revanche, de nombreuses dispositions ne sont toujours pas applicables, du fait de la non-publication des mesures réglementaires nécessaires.
    Dans son bilan annuel de l’application des lois de mars 2022, le Sénat soulignait que la loi « climat et résilience » affichait au 31 mars 2022 un des taux d’application les plus faibles : seulement 10 %. Depuis, dans une circulaire du 27 décembre 2022, la Première ministre a demandé aux membres du Gouvernement de « veiller à une rapide et complète application des lois », consigne qui répond selon ses propres mots à une « exigence de démocratie, de sécurité juridique et de responsabilité politique ». Or, si l’on se réfère à l’échéancier d’application de la loi, force est de constater que le compte n’y est pas ! Parmi les 162 décrets d’application initialement envisagés, on en dénombre seulement 81 publiés et 6 déjà appliqués par un autre texte réglementaire. Si ces premiers chiffres progressent, on constate néanmoins de très nombreux retards. À ce jour, ce sont 59 décrets qui n’ont pas été publiés dans les délais impartis, si l’on exclut ceux dont la mise en œuvre est différée ou satisfaite par ailleurs.
    Il y a pourtant urgence : à ce rythme, il sera impossible d’atteindre l’objectif de réduction de 40 % d’émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 par rapport à celles de 1990, sans parler de l’objectif européen d’une réduction de 55 %.
    Je voudrais, avant de conclure, évoquer la rénovation thermique des logements, dimension importante de la loi, qui illustre l’écart entre les objectifs fixés dans le droit et les mesures envisagées pour y parvenir. En effet, alors que le bâtiment représente 43 % de la consommation d’énergie en France, la rénovation des 7,5 millions de passoires thermiques devait devenir une priorité nationale. Là encore, les mesures afférentes n’ont pas produit les résultats escomptés. En effet, la loi impose des démarches aux propriétaires sans proposer de solutions ni tenir compte des difficultés des plus précaires. Ainsi, on assiste à des rénovations éparpillées et peu efficaces, qui font du chiffre – environ 700 000 opérations par an – plutôt que de favoriser des rénovations globales et performantes, dont le faible nombre – 60 000 par an selon l’Agence nationale de l’habitat (Anah) – devrait être considérablement augmenté, pour atteindre 750 000 par an.
    Sur ces questions comme sur les autres aspects du texte qu’évoqueront mes collègues, il sera nécessaire de prendre de nouvelles mesures plus ambitieuses pour finalement parvenir aux objectifs fixés dans la loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs des groupes Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Vincent Thiébaut.

    M. Vincent Thiébaut (HOR)

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    Le groupe Socialistes et apparentés a souhaité nous faire débattre de l’application de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi climat et résilience. C’est une excellente idée car, vous en conviendrez, ce texte est fondamental : modifier nos habitudes de consommation, réduire nos émissions de gaz à effet de serre ou encore développer davantage les mobilités douces, voilà les objectifs de cette loi que nous avons votée en juillet 2021. Ces objectifs restent toujours les nôtres et nous devrons aller plus loin pour rendre notre société plus résiliente, plus juste et plus verte.
    La loi « climat et résilience » s’inscrit dans le travail qui a été mené tout au long du mandat 2017-2022, donnant lieu à l’adoption de plusieurs textes : loi d’orientation des mobilités (LOM), loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, loi mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures. Elle a représenté une première marche essentielle en permettant la mise en place de mesures concrètes et innovantes en faveur de la transition écologique. De nombreuses dispositions sont d’ores et déjà entrées en vigueur ; d’autres entreront en vigueur dès cette année.
    S’agissant du dispositif d’affichage de l’impact environnemental prévu par la loi, je tiens à rappeler que dans ce domaine, la France innove au niveau européen. À ce jour, dix-huit expérimentations en matière d’alimentation et onze en matière d’habillement ont été menées. Le dispositif est donc en cours d’élaboration, et nous serons vigilants quant à son application, qui nous apparaît essentielle.
    En ce qui concerne la rénovation énergétique, la loi prévoyait l’interdiction de la mise en location des logements assimilables à des passoires énergétiques à compter de 2025. La mesure est entrée en vigueur pour les logements les plus énergivores depuis ce 1er janvier ; son périmètre s’élargira dans les prochaines années.
    Parce qu’il nous semble primordial d’accompagner les Français et les Françaises dans la rénovation de leurs logements, la loi prévoyait l’instauration d’un accompagnateur dédié. C’est chose faite avec la création de France Rénov’. Le dispositif MaPrimeRénov’, en place depuis 2020, a permis d’aider plus de 890 000 propriétaires occupants ou copropriétés à effectuer la rénovation énergétique de leur logement. Ce dispositif est reconduit cette année, avec l’objectif d’accompagner toujours davantage nos concitoyennes et concitoyens.
    En matière de mobilité, nous avions souhaité interdire les vols intérieurs lorsqu’il existe un trajet alternatif en moins de deux heures trente. La publication de ce décret est imminente. En parallèle, le Gouvernement s’est engagé à améliorer l’offre de service ferroviaire : le projet de loi de finances pour 2023 consacre ainsi 3,8 milliards d’euros aux investissements dans les infrastructures de transport. Nos politiques doivent avant tout être cohérentes.
    Les dispositions portant sur les zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m), adoptées dans le cadre de la LOM et renforcées par la loi « climat et résilience », continueront à être déployées en 2023, avec l’objectif de développer le nombre d’agglomérations concernées. Cela ne va certes pas sans difficultés, certaines collectivités ayant voulu faire plus vert que vert ; mais elles bénéficieront d’un accompagnement puisque le Fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires, ou Fonds vert, prévoit une enveloppe d’au moins 150 millions d’euros pour la mise en place des ZFE-m.
    Enfin, la loi « climat et résilience » a consacré l’objectif Zéro artificialisation nette (ZAN). Là encore, des difficultés se font jour, mais Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, s’en est emparé, et nous pouvons le féliciter d’avoir su en tenir compte pour revoir les décrets. De leur côté, deux groupes de travail, au Sénat et à l’Assemblée nationale, sont actuellement à l’œuvre. Enfin, je rappelle qu’il s’agit de la première loi prescriptive sur le sujet, ce qui traduit une véritable avancée.
    Évidemment, tout n’a pas encore été fait mais, à titre d’exemple, pour ce qui est du titre II, relatif à la consommation, et du titre IV, relatif aux transports terrestres et aériens, 62,5 % des mesures réglementaires prévues ont été appliquées. Nous sommes donc en bonne voie, d’autant que la mise en œuvre de cette loi fondamentale se poursuit cette année encore – les députés du groupe Horizons et apparentés continueront à y veiller.
    Permettez-moi enfin de saluer la ministre Barbara Pompili, ici présente, qui, sous la précédente législature, en tant que présidente de la commission du développement durable puis en tant que ministre, a soutenu la loi « climat et résilience ». Quant au ministre Christophe Béchu, je sais qu’il est attaché à son application. Nous attendons en revanche des réponses sur la bonne coordination entre cette loi et les nombreuses autres mesures qui ont été votées sous le précédent quinquennat. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Marie Pochon.

    Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES)

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    Le changement climatique sera l’affaire de ce siècle, et nous entrons de plus en plus rapidement dans l’ère de l’incertitude. Les projections de Météo-France prévoient une hausse des températures de 3,9 degrés Celsius à la fin du siècle en France, et de 6 degrés si nous n’agissons pas. La lutte contre le changement climatique est désormais un enjeu de protection des droits de nos compatriotes : droit à la santé, à la propriété, à la vie familiale, au travail, voire à la vie. C’est aussi, désormais, un enjeu de sécurité nationale.
    Cela implique pour nous, décideurs politiques, de mettre en œuvre les solutions immédiatement : non pas celles qui nous chantent ni celles que les industriels valident en amont, mais bien celles qui nous sont imposées. Elles appellent, pour se déployer, des politiques publiques puissantes, et bien plus qu’un questionnement simpliste du Président de la République, un soir de 31 décembre. Ces mesures supposent du volontarisme, de la cohérence, de la constance ; un cap.
    La loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ces effets, entrée en vigueur le 22 août 2021, aurait dû, certes vingt ans trop tard, en être la base. L’occasion était parfaite : des centaines de milliers de personnes dans les rues pour le climat ; le mouvement des gilets jaunes exigeant la justice dans la transition écologique ; les millions de doléances du grand débat national, dont on ne peut que regretter qu’elles aient été reléguées dans les tréfonds des archives départementales tant on y parlait de justice, de dignité et de la nécessité d’un cap écologique. Et cet ovni qui débarquait dans la Ve République : la Convention citoyenne pour le climat, 150 citoyens tirés au sort qui, après plus d’un an et demi de travaux ont émis 149 propositions d’une très grande qualité, prouvant que, même lorsqu’ils sont très éloignés d’un sujet, si on leur fournit de l’information, l’aide d’experts qualifiés et du temps, les citoyens peuvent construire des compromis et des solutions à la hauteur des défis.
    Tout à coup, tout s’accélérait. Le Président avait promis, hormis trois jokers, que sa majorité reprendrait « sans filtre » les propositions de la Convention. Des milliers de petites mains – de jeunes, de militants, de juristes, d’experts – se sont activées en tous sens pour appuyer le travail parlementaire, l’affiner, faire de ces 149 propositions une réalité concrète, qui nous permettrait d’atteindre nos objectifs et redonner espoir à toute une génération. Pourtant, si le Gouvernement s’est vanté d’avoir repris 67 % des propositions, le journal Le Monde n’en comptabilise que 12 %. Cent filtres sont venus tamiser un projet de loi sur lequel pesait déjà l’accusation de viser des objectifs trop faibles, la réduction de 40 % de nos émissions de gaz à effet de serre étant vouée à être revue si l’on veut atteindre l’objectif européen d’une réduction de 55 %. Le verdict sera finalement posé par le Haut Conseil pour le climat, qui affirmera que la loi ne va pas assez loin : ne permettant pas de rattraper le retard pris par notre pays, elle n’est pas à la hauteur de nos objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030.
    Vous vous demandez peut-être ce qui pousse tant de personnes à se coller au goudron pour bloquer les routes, à jeter de la peinture sur des œuvres d’art, à mettre de côté leur vie familiale, leur travail, leur santé, leur liberté pour clamer leur désespoir. C’est le sentiment d’impuissance.
    Où sont passées les propositions visant à interdire la publicité pour les produits les plus polluants ? Celles concernant le bilan carbone des entreprises ? Où est passée l’obligation de rénovation énergétique globale et performante des logements ? Où est la criminalisation de l’écocide – car un simple délit est loin de dissuader les pollueurs majeurs de la planète ? Qu’en est-il de l’instauration d’un chèque « bien manger » ? Alors que les 150 citoyens tirés au sort avaient émis nombre de propositions s’appliquant au secteur agricole, deuxième secteur le plus émetteur en France, la loi « climat et résilience » n’a fait que retarder la mise en place de mesures clés permettant de soutenir l’agriculture biologique, de réduire drastiquement l’utilisation des engrais ou de nous encourager à réduire notre consommation de viande.
    Alors que la Convention proposait de supprimer les vols intérieurs, dès lors qu’il existe une solution alternative bas-carbone, satisfaisante en prix et en temps, sur un trajet de moins de quatre heures, la loi s’est montrée moins ambitieuse et a choisi de s’en tenir aux trajets n’excédant pas deux heures et demie. Heureusement, il ne s’agit que du secteur… le plus polluant ! Sentiment d’impuissance.
    Au-delà des insuffisances de la loi, c’est son application qui, plus d’un an après sa promulgation, fait défaut. Le Sénat relevait en juin dernier qu’au 31 mars 2022, sur les 142 mesures adoptées, seules 14, soit moins de 10 % du texte, avaient été effectivement prises. Ce niveau exceptionnellement faible s’explique notamment par le retard pris par le Gouvernement dans la publication des textes d’application de la loi. Vous invoquiez pourtant l’urgence climatique !
    Comme le soulignait Bruno Latour, « le contraste entre le calme avec lequel nous continuons à vivre tranquillement et ce qui nous arrive est vertigineux ». Il nous faut fixer le cap, nous y tenir et entraîner tout le monde : les puissants en fixant des obligations, et les plus vulnérables en les accompagnant. Garder le cap, c’est la seule chose qu’il importe de faire désormais. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES et SOC.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. André Chassaigne.

    M. André Chassaigne (GDR-NUPES)

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    Nos collègues du groupe Socialistes et apparentés nous ont proposé de débattre ce soir de l’application de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. Cette loi, chacun s’en souvient, devait être la traduction des propositions formulées par la Convention citoyenne pour le climat en juin 2020. À l’époque, tous les organismes et associations concernés, du Conseil économique, social et environnemental (Cese) aux membres de la Convention citoyenne, du Haut Conseil pour le climat au Conseil national de la transition écologique (CNTE), du Réseau action climat (RAC) à la Fondation Abbé-Pierre, avaient souligné les graves insuffisances du texte au regard des engagements climatiques de la France.
    La loi avait en effet laissé à l’abandon des propositions structurantes, transformant des mesures d’interdiction en simples incitations ou renvoyant aux calendes grecques des réformes pourtant urgentes, par exemple en matière de rénovation de l’habitat. Parmi les mesures passées à la trappe figuraient notamment la taxe sur les dividendes destinée à financer la transition écologique,…

    M. Pierre Dharréville

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    Quelle surprise !

    M. André Chassaigne

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    …la réduction de la TVA dans les transports publics et les investissements dans le secteur ferroviaire, l’accélération de la rénovation énergétique des logements, la réquisition facilitée des logements et des bureaux vacants, ou encore la renégociation de l’Accord économique et commercial global avec le Canada (Ceta) et des traités de libre-échange en vue d’y inscrire les objectifs climatiques prévus dans l’accord de Paris. Nous avions alors souligné qu’à nos yeux, le principal écueil du texte résidait dans le fait qu’il se résumait à une longue série de mesures d’ajustement qui, bien qu’utiles pour certaines, ne permettraient pas à la France d’opérer un véritable tournant écologique.
    Nonobstant ce constat, si nous nous penchons aujourd’hui sur l’application de cette loi, c’est que plusieurs questions font débat. J’en ai retenu trois.
    La première concerne l’extension de l’obligation d’instaurer des ZFE à toutes les villes de plus de 150 000 habitants. Les ZFE ont fait l’objet d’un récent rapport d’information de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, qui a pointé les graves insuffisances du dispositif issu de la loi d’orientation des mobilités et formulé des recommandations rejoignant les critiques que nous émettions à l’égard du dispositif. Le déploiement des ZFE et, a fortiori, leur élargissement à l’ensemble des villes de plus de 150 000 habitants évinceront en effet des centres-villes les populations périurbaines et rurales si des mesures vigoureuses d’accompagnement social ne sont pas mises en ?uvre, comme le développement de l’offre de transports publics urbains et la gratuité des trajets. L’acceptation d’un tel dispositif, profondément injuste socialement, passe aussi par l’augmentation et le meilleur ciblage du bonus écologique et de la prime à la conversion, afin de réduire le reste à charge des ménages modestes achetant un véhicule neuf. Force est malheureusement de constater que les moyens budgétaires nécessaires ne suivent pas.
    Le deuxième sujet de préoccupation a trait à l’objectif Zéro artificialisation nette à l’horizon 2050, assorti d’un jalon intermédiaire visant à réduire de moitié, d’ici à dix ans, la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers par rapport aux dix dernières années. Là encore, si nous partageons cette ambition, nous estimons qu’elle méconnaît gravement les réalités du terrain et la diversité des dynamiques démographiques et économiques des territoires, notamment ruraux, ainsi que les réponses à apporter aux besoins de logement des ménages.
    Enfin, la troisième mesure à illustrer les lacunes de la loi « climat et résilience » concerne l’interdiction de louer certaines passoires thermiques. Celle-ci ne vise à ce stade que 191 000 logements, majoritairement chauffés au fioul ou au gaz. Si nous avons soutenu cette disposition, nous ne pouvons que déplorer l’absence de mesures d’accompagnement des bailleurs les plus fragiles – je connais plusieurs d’entre eux dans ma circonscription. Nous étions en effet nombreux, sur ces bancs, à insister sur la nécessité de déployer un mécanisme de financement de la rénovation de l’habitat beaucoup plus ambitieux que le dispositif existant.
    Nous restons convaincus que la loi « climat et résilience » pèche par son manque d’ambition, dont témoigne notamment l’absence de mesures d’accompagnement des collectivités et des particuliers, l’État n’assumant pas les responsabilités, notamment financières, qui devraient lui incomber si nous voulons réussir la transition écologique.
    Pour conclure, certains citeraient René Char, qui disait que « l’inaccompli bourdonne d’essentiel ». Pour ma part, je serai beaucoup plus sobre, en soulignant simplement que l’essentiel reste à faire. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

    M. Pierre Dharréville

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    Très bien !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Michel Castellani.

    M. Michel Castellani (LIOT)

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    Ce débat, pour lequel nous remercions nos collègues du groupe Socialistes et apparentés, est important au vu de l’urgence climatique que nous traversons et dont témoignent les incendies, les inondations et les épisodes de gel ou de sécheresse qui touchent régulièrement la France et le reste du monde.
    L’ambition qui sous-tend la loi « climat et résilience » est d’inscrire la France dans une trajectoire de réduction de ses émissions de carbone. J’avais, au cours de son examen, pointé le nombre insuffisant de mesures susceptibles de lutter de façon concrète contre le dérèglement climatique. L’occasion nous est offerte aujourd’hui de dresser un bilan de la mise en application du texte et d’en évoquer les difficultés, non pour critiquer vainement mais pour améliorer les choses.
    S’agissant d’abord de l’artificialisation des sols, l’objectif Zéro artificialisation nette a suscité des critiques dès le départ et son application pose désormais problème. Il cause aux collectivités territoriales des difficultés de planification et s’avère délicat à concilier avec les politiques de revitalisation économique ; il pousse surtout à la recentralisation en matière d’aménagement, qui, de fait, restreint considérablement les marges de manœuvre des élus locaux. Enfin, le dispositif tient peu compte de la réalité des territoires ruraux, où l’artificialisation des sols reste somme toute limitée. Dans ces zones, imposer une division progressive par deux de l’artificialisation des sols revient à limiter la capacité de construction. Le danger est de plonger les petites villes et les villages dans des difficultés d’aménagement particulièrement grandes. Le Gouvernement s’est dit conscient de l’imperfection du dispositif adopté et de la nécessité de le corriger. Nous attendons que ses annonces se concrétisent.
    J’évoquerai ensuite la question de la rénovation énergétique des bâtiments. La lutte contre les passoires thermiques engagée à travers ce texte est une grande victoire, puisque nous nous attaquons ici à la racine du mal-logement. Ce début d’année marque, d’une part, l’interdiction de la mise en location des passoires thermiques – les logements de catégorie G – et, d’autre part, le plafonnement des loyers des logements amenés à être rénovés sous peine d’être prochainement interdits à la location. Dans l’absolu, il faut se féliciter de ces évolutions, même si un flou juridique demeure : l’interdiction faite aux propriétaires d’augmenter les loyers des passoires thermiques semble n’être effective que lors d’un renouvellement de bail ou lors d’un changement de locataire, en conséquence de quoi l’ensemble des locataires restant dans leur logement continuent de voir leurs loyers progresser à mesure que l’indice de référence des loyers est revalorisé.
    Plus globalement, l’application de la loi « climat et résilience » nous fait entrer dans une période d’incertitude vis-à-vis de l’état du marché locatif. Face aux coûts de rénovation, le risque existe en effet de voir les propriétaires retirer leur bien du marché et d’aggraver ainsi les tensions. Il est vrai que des dispositifs d’aide existent, mais les conditions d’éligibilité, les lourdeurs administratives et la nécessité d’avancer certains frais découragent bon nombre de propriétaires de s’engager dans des travaux de rénovation, d’autant que le reste à charge, malgré les aides, reste encore trop souvent insurmontable.
    Enfin, j’appelle votre attention sur le risque de créer une France à deux vitesses : si les coûts de rénovation peuvent être amortis par des loyers suffisamment élevés dans les grandes villes, ce n’est pas le cas dans le reste du territoire. Si nous ne prêtons pas une attention particulière aux petites villes et aux campagnes, nous risquons de ne récolter qu’une démultiplication de biens vacants et de migrations subies.
    Vous l’aurez compris : si ce texte nous semble constituer une avancée majeure et indispensable, nous souhaitons que son application tienne davantage compte de la diversité des territoires, des élus locaux et des difficultés que peuvent rencontrer nos concitoyens.
    Nous avons en effet besoin d’une transition écologique réussie. Le spectacle du monde nous tient en alerte. Partout, croissent les populations, qui réduisent toujours davantage l’espace naturel, et dont les besoins légitimes nous conduisent à prélever toujours plus sur le capital non renouvelable. Je peux évoquer la Corse, qui n’est pas le pire exemple, mais qui n’en est pas moins agressée par les accidents climatiques, par l’incivisme, par le béton engendré par une croissance démographique annuelle de 4 000 habitants et par une frénésie de spéculation. Elle est un milieu fragile et en souffrance – à l’image, finalement, de ce qui se passe peu ou prou partout ailleurs. Sans mesures fortes, certes difficiles à assumer mais indispensables, les problèmes s’aggraveront et se multiplieront.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Barbara Pompili.

    Mme Barbara Pompili (RE)

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    Le think tank Terra Nova a publié, en fin d’année dernière, une note intitulée « Climat : trois grenades dégoupillées » à propos des zones à faibles émissions, de l’objectif Zéro artificialisation nette et de l’interdiction de louer des passoires thermiques. Cette note résume assez bien la nature des débats autour de la loi « climat et résilience ». D’un côté, il y a ceux qui n’ont cessé, depuis le début, de dénoncer ses insuffisances, son inutilité et ses renoncements. (Plusieurs députés du groupe LFI-NUPES lèvent la main.)

    M. Sylvain Carrière

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    C’est nous !

    Mme Barbara Pompili

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    De l’autre, il y a ceux qui, maintenant qu’il s’agit de la mettre en œuvre, freinent des quatre fers. Une posture a d’ailleurs certainement encouragé l’autre : la critique et la dévalorisation constantes de la loi « climat et résilience » expliquent sans doute en partie que ces trois politiques structurantes aient été insuffisamment préparées jusqu’à présent.
    Évidemment, il serait très réducteur de résumer la loi « climat et résilience » à ces trois seules politiques. Comme cela a déjà été souligné, chacun se souvient du travail de titan qui a présidé à sa préparation, à son élaboration puis à sa discussion au Parlement : la crise des gilets jaunes, le grand débat,…

    M. Pierre Dharréville

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    Un quinquennat réussi !

    Mme Barbara Pompili

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    …puis la Convention citoyenne pour le climat, qui fut une initiative inédite et passionnante, mais dont le mandat, qui consistait, rappelons-le, à « définir une série de mesures permettant d’atteindre une baisse d’au moins 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 par rapport à 1990, dans un esprit de justice sociale », était certainement trop large.

    Mme Marie Pochon

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    D’où les 149 propositions !

    Mme Barbara Pompili

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    Voilà une des leçons à tirer de cette première expérience : on a demandé à ces citoyens de changer le monde. Ils ne pouvaient pas le faire en avançant des demi-mesures.
    La loi qui découle de ces propositions n’en reprend qu’une partie, car beaucoup n’étaient pas d’ordre législatif.

    M. Vincent Thiébaut

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    Eh oui !

    Mme Barbara Pompili

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    Elle amoindrit aussi la portée de certaines mesures, pour des raisons qui mériteraient à elles seules un débat entier à l’Assemblée nationale et sur lesquelles je ne m’appesantirai pas aujourd’hui.

    Mme Marie-Charlotte Garin

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    On est là pour ça !

    Mme Barbara Pompili

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    Il n’empêche que la loi « climat et résilience », enrichie à l’issue du débat parlementaire, est très fournie : elle compte 305 articles répartis en huit titres et traite de questions très nombreuses, qui touchent tous les domaines. L’Assemblée nationale prévoit deux évaluations de l’application des lois qu’elle adopte : une à six mois, qui aurait déjà dû être entreprise et que j’appelle de mes vœux, et une à trois ans. Pour un texte aussi dense, ces évaluations seront très utiles pour mettre en lumière les avancées aussi bien que les difficultés rencontrées, et pour lever les éventuels blocages.
    Un débat comme celui qui nous réunit ce soir ne permet évidemment pas de balayer tous les aspects du texte. C’est pourquoi je me propose de me focaliser sur les trois « grenades dégoupillées » identifiées par Terra Nova.
    Il serait illusoire de penser que nous ferons la transition écologique sans rien changer et sans que cela se voie – dans la transformation de nos paysages, largement évoquée, mais aussi dans les habitudes, qui devront évoluer. De façon purement théorique, tout le monde est d’accord et personne ou presque ne remet plus en cause l’urgence à agir. Malgré cela, nombreux sont ceux qui s’accrochent au business as usual et qui cherchent par tous les moyens à ne rien changer à notre mode de vie, en fustigeant ceux qui voudraient imposer une écologie qualifiée de punitive, comme si notre mode de vie actuel était un aboutissement, un idéal qui ne pourrait pas être interrogé – comme si notre propre culture était menacée.
    Une loi comme celle dont nous débattons entraîne donc nécessairement des frustrations et des inquiétudes, pousse les lobbys à se mobiliser pour atténuer la portée du texte ou allonger les délais d’application et crée un sentiment d’inégalité parmi ceux qui ont l’impression de contribuer plus que les autres ou d’être exclus des effets positifs de la transition en cours.
    Nous devons tirer des leçons de ces constats si nous voulons avancer en sortant des postures.
    Il faut tout d’abord redonner du crédit à la parole politique, c’est-à-dire respecter ce qui a été décidé…

    M. Julien Bayou et Mme Marie-Charlotte Garin

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    « Sans filtre ! »

    Mme Barbara Pompili

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    …et ne pas reculer au moindre obstacle. Nombre d’acteurs concernés par les réformes ne croient pas à la mise en œuvre d’engagements de moyen ou long terme. S’agissant des mesures climatiques, c’est flagrant ; on considère qu’il y a toujours plus urgent. Par conséquent, sans une direction claire, constante et cohérente, il sera difficile d’aboutir.
    Deuxième leçon à retenir : pour avancer, il faut constamment associer à la méthode les parties prenantes, ceux qui se trouvent sur le terrain. Il faut se placer au bon niveau et être à l’écoute pour trouver les bonnes solutions à appliquer. Il faut aussi concerter les projets avec les bonnes personnes.

    Mme Marie Pochon

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    Par exemple, avec les citoyens !

    Mme Barbara Pompili

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    Par exemple, pour les ZFE, il est important de consulter les acteurs situés en dehors de ces zones. L’État doit également être présent pour fournir les outils nécessaires. À cet égard, je regrette beaucoup que l’on mette autant de temps à installer les radars automatiques.
    Enfin, la dernière leçon à tirer – la plus importante – est que nous ne parviendrons pas à nos fins si nous ne sommes pas tous convaincus des raisons pour lesquelles nous agissons. Quand j’entends parler de « zones à forte exclusion », je me dis que ceux qui emploient cette expression ne comprennent pas que les ZFE leur permettront de mieux respirer. De même, certains ne comprennent pas que la fin des passoires thermiques contribuera à réduire la précarité énergétique ou que la fin de l’artificialisation nous aidera à résoudre les problèmes liés aux aléas climatiques.
    Toutes ces politiques doivent être mises en œuvre. Chaque retard aggrave le problème. Si je dis qu’il faut changer de point de vue, c’est parce que c’est là, selon moi, que réside le problème fondamental. La lutte contre le dérèglement climatique et les mesures qui y sont associées sont toujours perçues comme des projets défensifs, visant à faire face à une menace, plutôt que comme l’opportunité, à une période charnière de notre histoire, de construire les bases d’une autre société, en ne laissant personne sur le bord du chemin. Je vous engage à vous atteler à cette tâche afin que nous puissions avancer tous ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Alexandra Masson.

    Mme Alexandra Masson (RN)

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    Un petit rappel pour commencer : la loi « climat et résilience », définitivement adoptée par l’Assemblée nationale et le Sénat le 20 juillet 2021, avait vu quatorze de ses articles censurés par le Conseil constitutionnel car ceux-ci avaient été considérés comme des cavaliers législatifs.
    Ce texte, qui compte plus de 300 articles, reflète finalement le choix assumé d’appliquer une écologie punitive. Il poursuit sur la voie tracée par la loi de décembre 2019, laquelle avait créé les tristement fameuses ZFE pour les agglomérations de plus de 150 000 habitants. Ainsi, le 1er janvier 2025, 40 % des véhicules du parc automobile actuel ne pourront plus circuler dans plus d’une quarantaine d’agglomérations. Tous les citoyens qui résident dans les territoires ruraux seront soumis à de lourdes contraintes lorsqu’ils souhaiteront accéder aux métropoles, dans lesquelles de plus en plus de services publics, d’entreprises ou encore d’activités de loisirs sont regroupés.
    Pire encore, le principe des vignettes Crit’Air, censé officiellement prendre en considération le niveau d’émissions de polluants, repose en réalité uniquement sur l’ancienneté de la voiture. Ainsi, par exemple, un véhicule SUV de 2010 sera classé Crit’Air 2 alors qu’une petite cylindrée de 2006 sera classée Crit’Air 3. Nos citoyens les plus modestes sont donc directement ciblés par cette mesure.
    En même temps – pour reprendre l’adage macroniste –, le dispositif, qui devait se renforcer au 1er janvier 2023, est déjà contesté et contourné. Les agglomérations de Toulouse, Lyon et Strasbourg ont déjà mis en place de multiples dérogations. À Nice – dans mon département –, Christian Estrosi, pourtant toujours très prompt à appliquer les directives d’Emmanuel Macron, a indiqué que sa police municipale n’effectuerait aucun contrôle.
    En réalité, le Gouvernement, tel le corbeau de Jean de La Fontaine, « honteux et confus », réalise, « mais un peu tard », que ces ZFE risquent de se transformer en zones à forte exclusion pour les Français qui subissent déjà les effets de l’inflation et rencontrent aussi de grandes difficultés en matière de pouvoir d’achat.

    M. Jérôme Buisson

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    Eh oui !

    Mme Alexandra Masson

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    La loi « climat et résilience » stigmatise également injustement les propriétaires des logements les plus anciens dont certains sont d’ores et déjà interdits à la location – ceux dépassant les 450 kilowattheures par mètre carré, soit une partie des logements classés G au diagnostic de performance énergétique. Cette mesure d’interdiction s’étendra à tous les logements de cette catégorie le 1er janvier 2025, puis à ceux classés F le 1er janvier 2028.
    Certes, MaPrimeRénov’ aide les petits propriétaires à réaliser les travaux obligatoires pour rénover leur logement. Mais en réalité, cette prime n’est plus accordée pour les chaudières à condensation depuis 2021, et la fin du dispositif pour les pompes à chaleur et les chaudières à granulés a été annoncée pour 2025. Résultat : dans les mois et années à venir, un nombre toujours plus important de logements ne seront plus mis en location, empêchant encore davantage de personnes en situation de précarité de se loger.
    Il n’est pas question de laisser la transition écologique aux idéologues.
    Au Rassemblement national, nous voulons sortir d’une vision punitive et idéologique…

    Mme Barbara Pompili

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    Tous les poncifs !

    Mme Alexandra Masson

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    …et promouvoir une écologie humaine qui met l’économie au service du bien-vivre et de la santé mais aussi de la préservation de la nature, de la biodiversité et de nos paysages.
    Nous souhaitons que la France continue d’investir dans le nucléaire, lequel offre à nos concitoyens et à notre économie une électricité décarbonée, abondante, bon marché et toujours disponible.

    Mme Barbara Pompili

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    OK…

    Mme Alexandra Masson

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    Nous sommes opposés à l’éolien, énergie intermittente que le Gouvernement veut imposer de force sur des centaines de milliers d’hectares de terres agricoles. Nous défendons l’hydroélectricité, la biomasse issue des déchets forestiers ou alimentaires pour alimenter les réseaux de chaleur, et la géothermie à faible profondeur.

    M. Jocelyn Dessigny

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    Eh oui !

    Mme Alexandra Masson

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    Nous soutenons la recherche pour trouver de nouvelles solutions innovantes. Nous souhaitons que nos textes constitutionnels contiennent le principe de sécurité environnementale et de protection de notre patrimoine matériel et immatériel.
    En somme, nous voulons accompagner, préserver, protéger et construire : accompagner les Français, préserver nos territoires, protéger la biodiversité et construire une politique environnementale non punitive. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Sylvain Carrière.

    M. Sylvain Carrière (LFI-NUPES)

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    Comme Jean-Luc Mélenchon l’a dit dès 2016, nous avons besoin d’une planification écologique, c’est-à-dire d’un agenda, d’objectifs et de concertation. L’expression a été reprise, depuis, dans vos rangs mais elle est désormais dénuée de sens : le calendrier est sans cesse repoussé et les objectifs revus à la baisse pour cause de complaisance avec les industriels et syndicats écocriminels. Ne parlons même pas de la concertation – nous avons eu droit à dix 49.3 en trois mois malgré toutes les avancées écologiques votées au cours de l’examen du dernier projet de loi de finances (PLF). (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LFI-NUPES.)
    S’agissant de la loi « climat et résilience », un affichage environnemental sera rendu obligatoire d’ici trois ans. C’est un volet majeur de la planification écologique car il vise à introduire pour le consommateur plus de transparence en matière d’impact écologique des produits, notamment dans les secteurs du textile et de l’alimentaire. L’Ademe, l’Agence de la transition écologique, a choisi, avec son outil Agribalyse, de procéder à une analyse par cycle de vie, qui consiste à prendre en compte les critères prônés par la Commission européenne, comme l’impact carbone ou la capacité de régénération des sols. Or cette méthode privilégie les œufs de poules élevées en cage par rapport à ceux de poules élevées en agriculture biologique – une aberration. De manière générale, parmi les produits français, la majorité des produits bio est moins bien notée que ceux issus de l’agriculture conventionnelle. Dès lors, l’intégration et la pondération des pesticides dans le calcul posent problème. Les betteraves aux néonicotinoïdes tueurs d’abeilles obtiennent un meilleur score que celles produites en agriculture bio – l’impact carbone des betteraves conventionnelles est moins important compte tenu d’un rendement plus fort. Comment pouvez-vous parler d’affichage environnemental alors que l’on ne prend même pas en considération l’atteinte sur le vivant et, par extension, sur la santé humaine ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

    Mme Catherine Couturier

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    Exactement !

    M. Sylvain Carrière

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    Ce problème est lié à l’absence de transparence des industriels producteurs de pesticides qui décident eux-mêmes de la façon d’informer sur la composition de leurs produits, une situation dénoncée par nombre d’ONG et de collectifs, tels que Secrets toxiques. (Mme Marie Pochon applaudit.) Au terme d’analyses scientifiques poussées sur un panel de pesticides, on s’est rendu compte que la toxicité pour l’homme et la nature était de 1 000 à 10 000 fois supérieure à ce qui est annoncé. Or ce sont les chiffres communiqués par les grands groupes qui sont retenus par Agribalyse. L’État a déjà été condamné à deux reprises pour inaction climatique ;…

    Mme Caroline Fiat

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    Eh oui !

    Mme Barbara Pompili

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    Et ça va continuer si nous ne nous mettons pas d’accord tous ensemble !

    M. Sylvain Carrière

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    …en faisant fi des alertes des ONG sur la dangerosité de la méthode d’analyse par cycle de vie, le Gouvernement vise-t-il une nouvelle condamnation – pour mal-adaptation cette fois ?
    Nous demandons une transparence totale sur la méthode d’affichage environnemental retenue et souhaitons que l’évaluation des différentes options soit menée à terme. Il faut que le calendrier soit respecté et que tous les acteurs soient intégrés à la discussion et à la définition de la méthodologie. Nous refusons que le principal lobby agricole français s’approprie une nouvelle fois la santé de nos concitoyens et la biodiversité de nos territoires. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)
    Autre sujet de préoccupation : d’ici à 2030, tous les commerces de plus de 400 mètres carrés devront allouer au moins 20 % de leur espace à la vente en vrac, afin de réduire le suremballage et donc la pollution plastique. Les associations de consommateurs plaident pour une communication nationale, chaque mois de mars – mois du vrac –, pour toutes les années à venir. Nous appuyons leur demande afin de profiter de ces périodes pour inciter les entreprises à expérimenter ces 20 % d’espace de vente. Cela permettrait de procéder à des évaluations intermédiaires dans le but d’atteindre cet objectif à la date prévue. Voilà ce qu’est une vraie planification ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Les ZFE constituent un autre axe important. Avant d’infliger des contraventions à nos concitoyens, il faut déployer des modes de transport alternatifs. Vous craignez le retour des gilets jaunes mais ne faites rien pour l’éviter. (Mme Caroline Fiat applaudit.) Les contraventions vont pleuvoir pour ceux qui ne peuvent acheter une nouvelle voiture et n’ont pas accès à une offre de transports en commun.
    Le youtubeur président Emmanuel Macron annonce à la volée le déploiement d’ici à 2030 de RER dans dix métropoles. Mais où sont les 3 milliards, qui avaient été votés à la majorité dans cette assemblée, en faveur de l’investissement dans les infrastructures ferroviaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.) Effacés à coups de 49.3 par votre spécialiste Élisabeth Borne. Est-ce votre définition de la concertation ? Où est donc la notion de planification ?
    C’est comme construire un toit avant les murs ou repousser l’âge de départ à la retraite avant de régler la question de la pauvreté et du chômage. On n’est plus à une incohérence près. Comme toujours avec vous, on se trompe avec conviction avant de faire payer les pots cassés aux plus précaires.

    M. Loïc Prud’homme

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    Exactement !

    M. Sylvain Carrière

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    Nous demandons de l’homogénéisation entre les collectivités, de l’accompagnement pour les infrastructures et, diantre, un peu d’anticipation de votre part. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES et sur plusieurs bancs des groupes SOC et GDR-NUPES. – Plusieurs députés du groupe LFI-NUPES se lèvent pour applaudir.)

    Mme Barbara Pompili

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    « Y a qu’à, faut qu’on ! »

    Mme Caroline Fiat

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    Eh bien allons-y, laissez-nous votre place !

    Mme Marie-Charlotte Garin

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    Donnez-nous les clés !

    Mme Barbara Pompili

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    Les Français ne veulent pas de vous !

    Mme Ségolène Amiot

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    Ce n’est pas comme si nous n’avions pas formulé de propositions !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Dominique Potier.

    M. Dominique Potier (SOC)

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    Il y aurait tant à dire. J’ai choisi de pousser un coup de gueule social, de lancer une alerte écologique, de faire un clin d’œil sympathique et enfin d’ouvrir un horizon – nous en avons besoin en ce début d’année.
    Le coup de gueule social, tout d’abord, est lié à l’échec des mesures que nous avions votées dans la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi Egalim, puis dans la loi « climat et résilience », en matière d’efforts demandés à la restauration collective. Il était prévu que celle-ci propose 50 % de produits durables et de qualité dont au moins 20 % issus de l’agriculture biologique. Or nous sommes loin du compte et la crise n’explique pas tout. Un manque de volonté, de concertation ou encore de contractualisation a mené à cet échec.
    L’évocation de cette situation dans nos cantines me permet de rappeler les effets produits par la crise liée à la guerre en Ukraine et par l’inflation sur le coût des repas. Tous les rapports indiquent que l’augmentation des matières premières, de l’énergie et des coûts salariaux pourraient faire passer le prix de la cantine de 3 à 4 euros. Avec mon collègue Guillaume Garot, j’ai alerté Mme la Première ministre, ce qui a donné lieu à une réunion interministérielle qui s’est tenue il y a quelques jours pour révéler notre désaccord sur le diagnostic.
    Selon nous, la situation est tragique. Si le prix de la cantine passe de 3 à 4 euros, certains enfants en seront exclus car leur famille ne pourra plus la payer ou alors des collectivités se retrouveront en difficulté. Dans tous les cas, nous laisserons sur le carreau les leaders français des services agroalimentaires et de la distribution spécialisés dans les cantines et la RHD, la restauration hors domicile.
    Face à cette situation dramatique, une conférence des solutions réunissant tous les acteurs de la filière et bien sûr ceux de la lutte contre le gaspillage doit permettre, grâce à un travail sur les grammages et la contractualisation, de trouver des réponses à la fois sociales et écologiques qui ne nous fassent pas dévier de la trajectoire tracée par les lois Egalim et « climat et énergie », et qui nous permettent de répondre à une urgence sociale : proposer au moins un repas de qualité à tous les enfants de notre pays.
    Pour ce qui est de l’alerte écologique, chère Barbara Pompili, j’ai choisi d’évoquer l’affaire de la jaunisse de la betterave et donc des néonicotinoïdes. Notre assemblée vote en 2016 l’interdiction de ces derniers et, quatre ans après, elle la lève… J’ai eu l’impertinence de demander à cette tribune au ministre de l’agriculture d’alors, Julien Denormandie, combien de réunions du plan Écophyto avaient été organisées, combien de centres de recherche mobilisés et combien d’actions menées pour aboutir à ce dénouement, alors qu’on nous promettait en 2020 qu’il faudrait trois ans pour sortir de la dépendance aux néonicotinoïdes.

    Mme Barbara Pompili

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    Bravo ! Je suis d’accord !

    M. Dominique Potier

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    Un an et demi après avoir adopté pour 2030 l’objectif de, respectivement, 13 % et 15 % de baisse par rapport à 2005 pour les engrais contenant du NH3, dits ammonitrates, et pour les engrais contenant du protoxyde d’azote, dits azotés, il fallait évidemment définir un plan d’action nationale et publier un décret pour l’appliquer. Or si ledit plan est bien prévu dans la loi dont nous parlons ce soir, aucun décret n’est sorti à ce jour. Pourtant la nocivité des engrais azotés est amplifiée par le fait que, pour les produire, on utilise des gaz fossiles, ce qui aggrave la pollution par émission de gaz à effet de serre et nourrit notre dépendance aux hydrocarbures. Il s’agit d’une incurie publique manifeste. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LFI-NUPES. – Mme Barbara Pompili applaudit également.) Engrais azotés et néonicotinoïdes, même combat : nous allons droit vers le mur.
    Un clin d’œil maintenant, car il ne faut jamais désespérer de la politique : dans la loi « climat et résilience », nous avons bataillé, côte à côte parfois avec la majorité, pour inclure des clauses environnementales dans les marchés publics – nous n’avons pas réussi à y inclure des clauses sociales, mais la gauche le permettra un jour. Je rappelle que ces marchés représentent 80 milliards et que les concessions et les délégations de service public devaient entrer dans ce cadre, filière par filière, dans les cinq ans, ce qui aurait représenté 120 milliards – l’amendement le plus lourd que les socialistes aient jamais voté depuis longtemps… Mais tout a été reporté à 2026 ! Nous pensions que, tous les six mois, une filière serait intégrée dans le dispositif – l’électroménager, le textile, etc. Que nenni ! Je note toutefois une petite victoire dans le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, que nous avons voté hier : le déploiement des énergies renouvelables, équipements comme services, est assorti de clauses environnementales qui rendent notre pays moins dépendant de l’Asie et qui renforcent des filières françaises et européennes.
    Enfin, je souligne, monsieur le ministre, l’absence d’une métrique de la transition énergétique. Nous avions demandé qu’une autorité indépendante supervise la mise en œuvre de la loi « climat et résilience ». Cette proposition a suscité beaucoup de débats ; pourtant une telle autorité aurait pu éclairer la représentation nationale sur les orientations de la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables et donner corps à la planification écologique qu’elle prévoit. À ce sujet, il y a un excellent rapport de France Stratégie, intitulé « Soutenabilités ! Orchestrer et planifier l’action publique », et un excellent article de Benoit Cogné, publié – pour une fois – par Terra Nova, qui explique ce que serait une bonne procédure de planification écologique. Il est urgent de se doter d’une autorité dédiée et compétente, et d’un véritable instrument de planification ; sinon, nous allons bricoler. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

    Mme Caroline Fiat

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    Normalement, c’est maintenant que vous applaudissez, collègues de la majorité ! (Sourires.)

    M. Pierre Dharréville

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    Ils attendent de voir ! (Sourires.)

    M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires

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    Je me réjouis de cette assistance nombreuse,…

    M. Pierre Dharréville

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    Surtout dans la majorité !

    M. Christophe Béchu, ministre

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    …qui montre à quel point ce sujet est d’importance à tout point de vue. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

    M. Julien Bayou

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    Nous, on est plus nombreux !

    M. Christophe Béchu, ministre

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    Je veux bien respecter un moment de silence et de sobriété dans la prise de parole, mais je propose tout de même de commencer à répondre aux multiples questions qui ont été soulevées. Les interventions précédentes montrent que certains d’entre vous ont choisi de se concentrer sur quelques sujets. Visiblement, c’est moins sur l’application de cette loi qu’ils avaient envie d’interroger le Gouvernement que sur ce qui pourrait arriver dans les prochaines semaines et sur les étapes à venir de la planification écologique. Je commencerai par évoquer la mise en œuvre globale de la loi « climat et résilience » ; libre à vous de revenir, dans le cadre des questions, sur les enjeux qui vous intéressent le plus.
    Je ne vais évidemment pas refaire l’historique du texte, vous l’avez déjà fait, seulement rappeler que le processus législatif, qui a commencé à l’issue des travaux de la Convention citoyenne, a totalisé 210 heures de débats dans cet hémicycle, entrecoupés par une commission mixte paritaire dont la durée reste à ce jour la plus longue puisque plus de neuf heures de discussions ont été nécessaires pour parvenir à un accord sur ce qui est devenu la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et le renforcement de la résilience face à ces effets. De 69 articles au départ, le texte en compte finalement 305 – un chiffre important qu’il convient de rappeler au moment où on parle des décrets d’application et du pourcentage des mesures réglementaires mises en œuvre. Mais c’est bien parce que les articles votés sont une chose et leur mise en œuvre en est une autre qu’il faut se pencher sur les mesures d’application de ce texte.
    À la minute où je vous parle, le 11 janvier 2023, 69 % des décrets d’application ont été pris. Par rapport aux chiffres que vous avez donnés pour le début de l’année 2022, on mesure l’accélération puisque 88 textes d’application sur les 127 requis par la loi sont désormais entrés en vigueur.
    Rappelons que certaines dispositions étaient applicables dès la promulgation de la loi : la possibilité pour le juge d’ordonner des mesures de restauration du milieu naturel ; l’extension du référé pénal ; le renforcement des pouvoirs de police du maire en matière de publicité ; la possibilité d’encadrer les écrans publicitaires dans les vitrines ; les amendes en cas de publicité faisant la promotion de la mise au rebut d’un matériel sans promouvoir sa réutilisation ; la qualification du greenwashing comme pratique commerciale abusive ; la faculté pour le maire d’adresser ses observations sur l’implantation d’éoliennes ; la formation à l’écoconduite pour les conducteurs de transports routiers ; les mesures de réglementation pour faire face à l’hyperfréquentation des sites touristiques rendues possibles pour les maires et les préfets – alors que rien n’était prévu en ce cas auparavant ; le menu végétarien hebdomadaire obligatoire dans les cantines scolaires ; l’expérimentation pour trois ans des voies réservées, etc.
    Un certain nombre de ces mesures sont entrées en vigueur dans l’année qui vient de s’achever. Certes pas toujours dans la joie, l’allégresse, et à la satisfaction de l’ensemble des particuliers. Cela m’amène à saluer Barbara Pompili en lui répondant que, même quand on s’efforce de conduire une transition qui soit juste et ambitieuse, et qui prenne en compte les parties prenantes, y compris les citoyens, cet effort ne peut pas se faire sans rien changer à nos habitudes, à la manière dont on vit, consomme, se nourrit ou se déplace. Parmi les dispositions d’ores et déjà en vigueur, citons la fin du chauffage sur les terrasses ; la mise en œuvre des premiers affichages environnementaux à travers la classe CO2 dans les publicités de véhicules motorisés ; l’interdiction des vols d’avions publicitaires ; le gel du loyer des logements classés F ou G et considérés dorénavant comme des passoires thermiques. Je vous rappelle également que toute zone commerciale de plus de 10 000 mètres carrés de surface de vente qui artificialise les parcelles est interdite depuis octobre 2022.
    L’année 2023 commence par l’entrée en vigueur, ce 1er janvier, d’un nouveau train de mesures : l’interdiction pour les annonceurs publicitaires d’affirmer qu’un produit ou un service est neutre en carbone sans présenter un bilan de ses émissions de gaz à effet de serre ; la mise en place de l’option végétarienne quotidienne dans les cantines gérées par l’État ; l’extension du périmètre des bilans des émissions de gaz à effet de serre pour y inclure des émissions indirectes ; l’expérimentation des prêts à taux zéro dans les ZFE pour les ménages les plus modestes ; l’obligation pour les plateformes de livraison d’utiliser une part croissante de véhicules à deux ou trois roues motorisées à très faibles émissions ; la compensation carbone par les compagnies de 70 % des émissions des vols intérieurs. J’ajoute que s’agissant de la fermeture des lignes aériennes lorsqu’il existe une alternative de trajet en train de moins de deux heures trente, le projet de décret est en consultation publique – les liaisons aériennes correspondantes n’existent plus d’ores et déjà, mais nous attendions la décision officielle de l’Union européenne à ce sujet.

    M. Jérôme Buisson

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    On va être bien avec tout ça ! (Sourires sur les bancs du groupe RN.)

    M. Christophe Béchu, ministre

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    Plusieurs d’entre vous ont surtout insisté à cette tribune sur ce qui n’avait pas été fait, ou sur ce qui avait été fait mais qui posait problème et qu’il faudrait sans doute arrêter ou reprendre de manière différente. S’agissant de l’affichage environnemental, je tiens à dire à Sylvain Carrière qu’il s’agit seulement d’expérimentations sur ce que pourrait devenir le nutri-score et que jamais nous ne prendrons à l’arrivée une mesure qui ne tiendrait pas compte de l’ensemble des aspects, y compris sanitaires – je pense évidemment aux produits alimentaires –, sous prétexte de parvenir à un nutri-score le plus lisible possible pour nos concitoyens. On ne peut pas dissocier le dérèglement climatique, la santé des habitants et les questions de biodiversité, lesquelles ne peuvent pas être l’angle mort de notre vision sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
    Beaucoup d’entre vous ont tenu à la tribune des propos que j’aurais pu reprendre à mon compte. Ainsi, madame Pochon, il faut en effet fixer un cap et s’y tenir. Il est vrai que ce cap a fait l’objet de quelques changements de bord dans le courant de l’année 2022 pour éviter des récifs sociaux – je pense en particulier à la très large majorité qui s’est retrouvée cet été, dans ces murs, vu le contexte social, pour soutenir les énergies fossiles en votant des aides pour le fioul et l’essence à la pompe. Et j’en ai encore entendu ce soir rappeler que, pour des motifs sociaux, il fallait parfois lever le pied s’agissant des objectifs environnementaux. Ainsi, M. Chassaigne explique qu’il faut une ambition et qu’il est d’accord avec les mesures sur le fond, dont acte.

    M. André Chassaigne

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    Ce n’est pas ce que j’ai dit.

    M. Christophe Béchu, ministre

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    Mais en entrant dans les détails, il trouve un problème dans toutes celles qu’il mentionne, que ce soit le ZAN – d’autres députés se sont exprimés à ce sujet et j’aurai l’occasion d’y revenir lors des questions –, les ZFE ou les passoires thermiques. Il faut tout de même qu’on arrive à concilier ambition et réalisation concrète parce que sinon, l’existence de problèmes justifiera de toujours différer la mise en place des mesures prévues dans la loi.
    À ce stade du débat, je souligne qu’on prête au ZAN et aux ZFE des effets qui ne correspondent ni à la réalité actuelle ni aux trajectoires dans lesquelles ces dispositifs nous emmènent. Il est faux d’affirmer que 40 % des véhicules de notre pays ne pourront plus circuler dans les métropoles à compter du 1er janvier 2025. Comme il est faux de penser que l’objectif Zéro artificialisation nette viendrait d’un seul coup briser toute dynamique territoriale et multiplierait les problèmes de logement alors qu’il existe aujourd’hui des secteurs qui gagnent de la population et où l’on refuse de signer des permis de construire, et d’autres qui en perdent et qui réclament des droits à construire sans nécessairement qu’il y ait une demande de la part de la population.
    La loi « climat et résilience » est une étape cruciale en raison de la prise de conscience qu’elle a permise, des textes sur lesquels elle a débouché, et plus largement du cap qu’elle a fixé. Mais elle ne sera pas, à elle seule, suffisante pour tenir les objectifs rehaussés de baisse de nos émissions de gaz à effet de serre. C’est pourquoi le Gouvernement prendra des engagements en matière de planification écologique au-delà de certaines des ambitions affichées. À la fin de ce mois, nous aurons reçu le rapport du Conseil d’orientation des infrastructures, qui servira de base à nos projets en matière de transports en commun et de ferroviaire, lesquels nous conduiront à engager des sommes supérieures à celles que j’ai entendues ici. Nous nous pencherons aussi sur la question de la rénovation énergétique, tant pour améliorer MaPrimeRénov’ que pour faire aboutir le dispositif concernant les bâtiments publics, que Thomas Cazenave présentera dans sa proposition de loi, qui sera débattue en séance la semaine prochaine. Quantité d’autres sujets, y compris les angles morts de la loi « climat et résilience », nécessiteront d’être traités, ce qui permettra de compléter les dispositifs existants et parfois de les rendre plus ambitieux, à la faveur de nouveaux débats.
    Je tiens à remercier le groupe Socialistes et apparentés pour son initiative qui me permet de répondre à une série de questions. Merci également à tous les orateurs qui vont faire vivre ce soir le débat parlementaire, aux citoyens qui se sont réunis dans le cadre de la Convention citoyenne et aux élus qui, dans cet hémicycle, ont accompli cette œuvre législative utile qui nous permet d’avancer sur le chemin de l’indispensable et urgente transition écologique. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)

    Mme la présidente

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    Nous en venons aux questions. Je vous rappelle que la durée des questions ainsi que celle des réponses est limitée à deux minutes, sans droit de réplique.
    La parole est à M. Gérard Leseul.

    M. Gérard Leseul (SOC)

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    La loi « climat et résilience » a été largement décriée par les membres de la Convention citoyenne, qui l’ont jugé insuffisante et dépourvue d’un cap net. Le Haut Conseil pour le climat a critiqué, quant à lui, le manque d’ambition en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Mais il est surtout apparu que des propositions importantes et même fondamentales de la Convention n’avaient pas été reprises : je pense notamment à l’écocide ou encore à la proposition de créer un défenseur de l’environnement. J’ai déposé une proposition de loi à ce sujet et j’espère que nous aurons l’occasion d’en discuter très prochainement dans cet hémicycle.
    D’où ma première question : que comptez-vous faire des propositions que le Président de la République a refusé de transmettre sans filtre au Parlement, en dépit de sa promesse initiale ?
    Je me permets de durcir la critique émise par mes collègues et renouvelle l’alerte qu’ils ont lancée : nous restons malheureusement dans le flou quant à l’application et à l’efficacité de cette loi. Pour que les effets de celle-ci, même limités, soient néanmoins réels, il est indispensable que sa mise en œuvre n’en amoindrisse pas davantage la portée.
    D’où ma seconde question. Quels sont les outils prévus pour piloter ce suivi ? Avez-vous une feuille de route récapitulative, avec des points d’étape, que vous pourriez présenter aux Français ?
    Nous savons qu’il faut créer un choc ferroviaire, faire enfin du train une arme contre le changement climatique. Là encore, l’élan politique attendu n’a pas été donné par votre gouvernement. Des efforts budgétaires supplémentaires d’un montant de 3 milliards d’euros, que nous avions votés ici même, ont été balayés par le 49.3.
    Rapidement, je veux dire quelques mots des zones à faibles émissions. Mon collègue Bruno Millienne et moi-même avons conduit une mission flash sur le sujet, au terme de laquelle nous avons formulé plusieurs propositions. Il était notamment question d’une grande communication d’État, au lieu de quoi un décret, daté du 23 décembre, est venu modifier discrètement les seuils d’obligation de mise en place des ZFE.
    Nous avons suggéré de revenir à l’usage pour permettre à tous d’entrer et de sortir occasionnellement des ZFE, au moins deux fois par mois, quelle que soit la classification Crit’Air des véhicules concernés. Nous avons émis l’idée d’un meilleur ciblage des aides directes pour les personnes à revenus modestes. En outre, nous avons proposé d’instaurer un prêt à taux zéro (PTZ) garanti par l’État, de développer les transports collectifs et d’étendre les ZFE aux industries, notamment aux installations portuaires, pour lutter contre toutes les sources de pollution.
    Vous-même avez salué la qualité de ces propositions dans cet hémicycle, monsieur le ministre.

    Mme la présidente

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    Merci de conclure, cher collègue !

    M. Gérard Leseul

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    Quand comptez-vous les reprendre, pour permettre une application juste et acceptable de la loi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Christophe Béchu, ministre

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    Le débat de ce soir est une sorte de galop d’essai avant la journée de demain, le groupe Rassemblement national ayant déposé, dans le cadre de sa niche parlementaire, une proposition de loi visant à supprimer les zones à faibles émissions mobilité. Je ne doute pas que dans quelques heures, nous aurons, ici même, l’occasion de revenir sur ce sujet.
    Monsieur Leseul, vous avez, aux côtés de Bruno Millienne, rédigé un excellent rapport dans le cadre de la mission flash que vous évoquiez. Figurez-vous que c’est demain que se concrétisera la principale des mesures que vous attendez. En effet, demain, en début d’après-midi, le groupe de travail qui associe les quarante-trois agglomérations de plus de 150 000 habitants commencera à travailler. Ce groupe est coprésidé par Jean-Luc Moudenc et la vice-présidente chargée des mobilités pour l’Eurométropole de Strasbourg, ville qui, pour rappel, a mis en place le forfait permettant d’entrer et de sortir des ZFE au moins deux fois par mois, que vous appelez de vos vœux.
    Nous demandons deux choses à ce groupe de travail : d’une part, définir les mesures pour renforcer l’accessibilité sociale des ZFE et, d’autre part, déterminer quel accompagnement supplémentaire de l’État et quelles mesures d’harmonisation on pourrait envisager pour les territoires, afin de rendre vains les efforts de ceux qui, au-delà d’une communication factuelle, s’évertuent à agiter les peurs pour faire croire que les zones à faibles émissions sont destinées à devenir des zones à forte exclusion.
    Il faut que nous puissions aboutir à quelque chose qui fonctionne. Nous devons, pour ce faire, nous appuyer sur les maires. Dans le cadre du Fonds vert, 15 millions d’euros seront attribués à chaque territoire dont les ZFE dépassent les normes, 6 millions aux territoires comptant des ZFE sans dépassement de normes – ce pour la seule année 2023 – et 1 million à tous les territoires qui lancent des processus d’étude pour bénéficier de débuts de crédits à même de les accompagner.
    C’est la première fois que l’on octroie des crédits budgétaires tangibles pour soutenir la création des zones à faibles émissions !
    Enfin, vous appelez de vos vœux la mise en place d’un prêt à taux zéro garanti par l’État. Nous sommes en train de finaliser le dispositif de garantie, dont vous avez démontré qu’il était le seul moyen pour que le prêt fonctionne dans les ZFE. Son entrée en vigueur n’est qu’une question de jours ; le reste arrivera demain. Je peux vous assurer que nous suivons presque toutes ces préconisations, y compris en ce qui concerne le rétrofit et les aides relatives aux véhicules d’occasion.
    Nous sommes déterminés. Le sujet, ce n’est pas seulement, voire pas du tout le dérèglement climatique ; ce sont les 40 000 décès causés par la pollution atmosphérique.

    Mme Barbara Pompili

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    Tout à fait !

    M. Christophe Béchu, ministre

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    Il y a, dans la critique des ZFE, une forme de déni d’un problème de santé publique pourtant crucial, qui rend les attaques contre ce dispositif particulièrement désagréables et hypocrites.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Marie-Charlotte Garin.

    Mme Marie-Charlotte Garin (Écolo-NUPES)

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    « Qui aurait pu prédire la crise climatique ? » C’est vrai, ça ! Qui aurait pu prédire les incendies, les inondations, les canicules, après des alertes lancées dès les années 1970, six rapports du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) et vingt-sept COP ?
    En écoutant notre président, on comprend mieux : on comprend mieux les autorisations récentes de construction de terminaux méthaniers ; on comprend mieux pourquoi l’État n’empêche pas TotalEnergies de lancer ses projets climaticides, tels que l’oléoduc de pétrole brut d’Afrique de l’Est (Eacop) ; on comprend mieux les lois adoptées lors du précédent quinquennat, en particulier la loi « climat et résilience » de 2021.
    Cette loi était très attendue, non seulement par les écologistes, mais aussi par les citoyens tirés au sort que le Gouvernement avait convoqués et dont le travail devait être repris sans filtre. Qu’en est-il de l’application des quelques mesures que vous avez consenti à faire voter ?
    Je veux vous interroger sur le secteur des transports, monsieur le ministre, qui contribue le plus aux émissions de gaz à effet de serre en France. Or si peu de choses ont été entreprises, notamment dans le domaine du transport aérien ! La Convention citoyenne pour le climat proposait d’interdire les vols intérieurs pour des trajets réalisables en quatre heures de train. Votre gouvernement étant passé par là, avec l’ambition qu’on connaît, on se retrouve avec un décret toujours en cours d’élaboration pour l’interdiction des liaisons aériennes lorsqu’il existe un trajet alternatif en train en moins de deux heures trente – on passe donc de quatre heures à deux heures trente !
    Combien de temps vous faut-il ? Pourquoi n’êtes-vous pas allés au bout des ambitions de la Convention citoyenne pour le climat ? Sans compter que le rapport d’application de la loi nous apprend qu’une liaison entre Lyon et Marseille serait exclue du dispositif. Cela signifie qu’en France, en 2023, pour un trajet que l’on peut faire en TGV en une heure quarante-quatre – j’ai vérifié la durée du trajet du dernier train de ce soir –, on continue de prendre l’avion. Pour le climat et la résilience, on repassera…
    De tous ces petits pas, nous retenons finalement une chose. Vous ne comprenez pas qu’il y va de l’habitabilité de la planète ; c’est pourtant la seule boussole qui devrait guider votre action ! Dans cet hémicycle, Marie Pochon et moi-même, comme plusieurs de nos collègues, faisons partie de la génération qui vivra le plus longtemps avec les conséquences de votre inaction climatique. Imaginez le sort des générations qui viennent après nous ! Quel avenir pouvez-vous nous promettre sans véritable planification écologique ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES et GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Christophe Béchu, ministre

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    Les mots ont un sens, madame la députée. Aujourd’hui, à l’échelle de la planète, une vingtaine de pays ont commencé à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Depuis 1990, les vingt-sept pays de l’Union européenne ont réduit leurs émissions de 30 %. Pour le reste du monde, on enregistre 55 % d’émissions en plus ! Parler d’inaction climatique, comme si rien n’avait été fait, comme si rien n’avait été engagé sous le dernier quinquennat, c’est mensonger et hypocrite. (Mmes Marie-Charlotte Garin et Marie Pochon protestent.)
    Vous pouvez dire qu’il faut que l’on aille plus vite ; je serai le premier à abonder dans ce sens. Mais dire que rien n’a été fait, ce n’est pas exact et, très franchement, c’est donner le sentiment à une partie des Français que les efforts qu’ils ont accomplis n’ont servi à rien, comme si rien ne s’était passé.

    Mme Marie-Charlotte Garin

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    Ce n’est pas ce que j’ai dit !

    M. Christophe Béchu, ministre

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    C’est ce que vous dites à propos de l’inaction climatique. À la minute où nous parlons, les gaz à effet de serre ont été réduits de 23 % depuis 1990. Le rythme de baisse des émissions a été multiplié par deux entre le quinquennat de François Hollande – 5 % – et le premier quinquennat d’Emmanuel Macron – 12 %.

    Mme Marie-Charlotte Garin

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    Il y a eu le covid, enfin !

    M. Christophe Béchu, ministre

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    L’objectif, c’est de doubler à nouveau le rythme de réduction des gaz à effet de serre – tel est l’engagement pris par le Gouvernement. La concrétisation de cette ambition passe par un certain nombre de processus, notamment démocratiques. Ce soir, nous ne parlons pas d’engagements du Gouvernement qui se seraient traduits par une absence de vote ; nous parlons d’un débat démocratique et parlementaire, au terme duquel plusieurs mesures sont votées. Nous regardons ce soir où nous en sommes par rapport au processus législatif et à ce que la représentation nationale a décidé de voter.
    Pourquoi sommes-nous passés de quatre heures à deux heures trente ? Il y a plusieurs éléments à prendre en considération. Tout d’abord, c’est ce qui est prévu dans le texte qui a été voté par l’Assemblée nationale. Par ailleurs, le décret n’est toujours pas pris. Pourquoi ? Air France a appliqué le texte dès son entrée en vigueur. Toutefois, nous devions être assurés par l’Union européenne de pouvoir généraliser la mesure, même si aucune autre compagnie n’y contrevenait. Ce n’est qu’à la fin de l’année que l’Union européenne a donné son feu vert au décret, lequel a été soumis à signature dès le 10 janvier. Il sera très bientôt publié – ce n’est qu’une question d’heures.

    Mme la présidente

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    Je vous prie de conclure, monsieur le ministre.

    M. Christophe Béchu, ministre

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    Enfin, il reste les exceptions prévues dans la loi quand il s’agit de pouvoir rejoindre en train une destination constituant une correspondance, qui permet d’accomplir une distance plus longue. (M. Lionel Causse applaudit.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Karine Lebon.

    Mme Karine Lebon (GDR-NUPES)

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    Le 26 février 2007, un article du Monde titrait : « La chute d’un pont au passage du cyclone menace d’isoler le sud de La Réunion. » La veille, les rafales de 150 kilomètres à l’heure du cyclone Gamède faisaient s’effondrer le pont de la rivière Saint-Étienne, l’un des principaux axes routiers du sud de l’île. Ce cataclysme a fait deux morts, quatre-vingt-dix blessés, et a détruit des milliers d’habitations. L’année dernière, le cyclone Batsirai a fait du sur-place dans notre ciel ; nous sommes restés trente-huit heures en alerte rouge.
    Nous, habitants des outre-mer, sommes et serons les premiers touchés par les conséquences du réchauffement climatique.
    Nous, habitants des outre-mer, serons les premiers touchés par la montée des eaux.
    Nous, habitants des outre-mer, serons les premières victimes du réchauffement des océans, cause déterminante de la fréquence et de la puissance des cyclones.
    Selon une étude publiée dans la revue Science Advances, d’ici 2050, ces dépressions tropicales seront deux fois plus fréquentes et d’une intensité qui devrait augmenter jusqu’à 24 % en moyenne. La réglementation technique de la construction en outre-mer, avec la RTAA-DOM – la réglementation thermique, acoustique et aération –, traite des spécificités ultramarines.
    Il existe, à raison, des textes réglementaires relatifs au risque sismique adaptés à chaque territoire. Les aléas météorologiques, ces cyclones, doivent aussi être pris en compte dans nos constructions. Ils pourraient représenter, rien qu’à La Réunion, plus de 10 milliards d’euros de dégâts dans les vingt-cinq années à venir ! Or rien n’est prévu dans la loi. À quand les consultations sur ce sujet ? On nous les avait promises, mais nous ne voyons toujours rien venir.
    Faire preuve de résilience, c’est prévoir l’imprévisible, c’est accompagner nos territoires pour une rénovation de tous les bâtiments, publics ou privés, qu’il s’agisse d’habitations ou d’infrastructures, afin que tout le monde soit en sécurité. L’heure est à l’urgence, et nous attendons des actions concrètes. (L’oratrice conclut son intervention par quelques mots en créole. – Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Christophe Béchu, ministre

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    Nous discutons de choses qui ne correspondent pas tout à fait aux mesures qui se trouvent dans le texte. Il n’en demeure pas moins que nous sommes pleinement dans le sujet. Tout est une question d’adaptation. Il est clair que les catastrophes naturelles vont se multiplier ; typiquement, le risque cyclonique est très important et menace le territoire dont vous êtes élue. Comment faire en sorte de changer notre réglementation ? Voilà la question qu’il convient de nous poser.
    Depuis dix-huit mois, une concertation a été conduite pour déterminer de nouvelles règles. Cela a abouti à ce que, sous l’égide des préfets, on ait deux approches différentes : une aux Antilles – je crois que le Gouvernement a fait là des propositions satisfaisantes –, une à La Réunion, qui a reçu une opposition assez forte de la part des représentants locaux consultés. Nous avons donc pris la décision de laisser quelques semaines supplémentaires à cette concertation avec les acteurs réunionnais, de sorte qu’elle aboutisse à une réglementation qui tienne compte de ce que les élus de ce territoire et les forces économiques nous indiquent.
    Mais l’objectif est bien celui que vous décrivez. Compte tenu du rythme du réchauffement climatique, nous savons que les épisodes cycloniques vont être multipliés par quatre ou cinq dans les années à venir. C’est pourquoi nous allons modifier et renforcer les règles qui permettront de tenir compte de ce risque, de même que les crédits afférents. Les crédits du Fonds vert pour 2023 peuvent d’ores et déjà être utilisés par les collectivités locales, sans attendre l’évolution de ces normes, pour renforcer les bâtiments dont elles ont la charge. Je vous assure que ces nouvelles réglementations applicables, en particulier à La Réunion, entreront en vigueur dans les prochaines semaines ou les prochains mois, en fonction de l’état d’avancement des dernières concertations locales.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Lionel Causse.

    M. Lionel Causse (RE)

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    La lutte contre l’artificialisation des sols a été défendue par notre majorité au travers de la loi « climat et résilience » et se traduit de manière très concrète par des mesures visant par exemple à diminuer la consommation d’espaces naturels agricoles et forestiers de moitié sur la décennie 2021-2031 par rapport à la décennie précédente.
    Critiquée après son adoption, car n’étant pas assez ambitieuse et trop lointaine, cette mesure fait désormais face à une levée de boucliers de la part d’acteurs chargés de sa mise en œuvre. Elle est jugée contraignante, avec une application trop rapide, malgré les assouplissements apportés par la loi « 3DS ».
    Alors que l’artificialisation des sols est aujourd’hui l’une des causes premières du changement climatique et de l’érosion de la biodiversité, les sénateurs ont déposé le 14 décembre 2022 une proposition de loi qui, sous couvert d’une sauvegarde des objectifs initiaux, détricoterait la loi « climat et résilience » en la complexifiant davantage et en ne répondant pas réellement aux attentes des élus locaux concernés.
    En réponse, et en dehors de toute posture électoraliste, il semble nécessaire de faire évoluer le texte initial sur plusieurs aspects, comme l’a suggéré le groupe de travail sur le sujet que j’anime avec mon collègue Bastien Marchive. Il pourrait ainsi être proposé la mise en place d’une garantie rurale, la mutualisation entre régions des projets d’intérêt national et européens, ou encore le passage à un calendrier défini par périodes de quinze ans, afin de donner plus de temps aux collectivités pour l’adaptation de leurs documents, sans remettre en cause les objectifs.
    Quelle est votre position, monsieur le ministre, pour éviter que les turbulences à venir ne menacent l’objectif Zéro artificialisation nette et ne vident la loi « climat et résilience » de sa substance ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Christophe Béchu, ministre

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    C’est l’un des points les plus ambitieux et les plus importants de la loi « climat et résilience », pour la simple raison que l’artificialisation des terres coche toutes les cases : elle contribue à créer des îlots de chaleur, empêche que les nappes phréatiques se reconstituent et participe à l’accélération de certains phénomènes d’éboulement ou d’écoulement, entre autres.
    Le décret relatif à la nomenclature de l’artificialisation des sols pour la fixation et le suivi des objectifs dans les documents de planification et d’urbanisme, paru entre les deux tours de l’élection présidentielle, présente certaines maladresses. Voilà qui explique une première levée de boucliers. En outre, aucun consensus naturel n’a été trouvé concernant les Scot (schémas de cohérence territoriale), ce qui n’est pas totalement surprenant.
    Le constat est simple : en cinquante ans, on a plus artificialisé dans ce pays qu’en cinq cents ans. Ce n’est pas justifié par le fait d’avoir construit des logements en masse. En réalité, on a totalement décorrélé l’artificialisation des terres des besoins que nous avions, en prenant des habitudes non soutenables.
    Le Sénat vient de déposer un texte, issu du travail transpartisan de quatre commissions, qui propose des évolutions intéressantes sur plusieurs aspects. Il évoque en particulier l’idée que certains grands projets d’envergure nationale, comme Seine-Nord Europe, soient sortis des trajectoires des régions qu’ils concernent – faute de quoi on asséchera les droits –, tout en restant comptabilisés sur le plan national. Il pose également la question d’une garantie rurale pour ne pas désespérer des territoires qui redoutent le texte, sans que leur inquiétude corresponde à la réalité.
    Néanmoins, le texte va parfois trop loin. Quand les sénateurs disent : « On va donner un hectare gratuit à chaque commune de ce pays, quels que soient son nombre d’habitants et sa trajectoire démographique », cela pose un souci : étant donné le nombre de communes, cela revient à vider de sa substance une grande partie du texte.
    Il faudra donc trouver un compromis en reprenant quelques-uns de ces éléments et en y ajoutant un volet financier et fiscal. Il faut rendre plus chère l’artificialisation afin de dégager les crédits qui permettront de reprendre les friches et les cœurs de ville, pour partie abandonnés. C’est un volet sur lequel la coconstruction législative devrait nous permettre d’avancer.

    M. Dominique Potier

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    Bravo !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sandrine Le Feur.

    Mme Sandrine Le Feur (RE)

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    L’article relatif à l’instauration du plan d’action national en vue de la réduction des émissions d’ammoniac et de protoxyde d’azote liées aux usages d’engrais azotés minéraux a été l’objet d’âpres débats l’année dernière, lors de l’examen de la loi « climat et résilience ». Ce plan d’action est le fruit d’un compromis entre le statu quo et l’instauration d’une redevance dans un contexte de stagnation des émissions, malgré dix ans de politiques publiques entreprises pour les réduire. Les émissions de protoxyde d’azote représentent 44 % des émissions du secteur agricole, lui-même responsable de près de 20 % des émissions de CO2 de la France. Les émissions de protoxyde d’azote représentent donc 10 % des émissions nationales, or leur réduction semble encore compromise.
    L’urgence est réelle. En cas de stagnation prolongée de ces émissions, la loi envisage de créer une redevance, cette incitation financière étant à même de provoquer un changement de pratique attendu de longue date. Ma question est donc la suivante : pourriez-vous préciser l’état d’avancement du plan d’action et des financements qui lui sont dédiés ainsi que la trajectoire attendue de réduction des émissions ? En cas de poursuite de la stagnation des émissions d’ammoniac et de protoxyde d’azote ou de réduction insatisfaisante au regard des objectifs de la stratégie nationale bas-carbone, comment envisagez-vous la création de la nécessaire redevance, selon quelles modalités et quel calendrier ?

    M. Dominique Potier

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    Il n’y a pas de décret !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Christophe Béchu, ministre

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    Deux décrets, l’un, du 8 décembre dernier, établissant le plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (Prépa), l’autre, du 26 décembre, définissant les trajectoires annuelles de réduction des émissions de protoxyde d’azote et d’ammoniac du secteur agricole jusqu’en 2030, répondent pour partie à vos interrogations. La possibilité d’une redevance est actuellement à l’étude et nous en sommes à l’ultime aller-retour entre le ministère de la transition écologique et Bercy. La proposition finale sera présentée au Parlement afin qu’il puisse vérifier la crédibilité des éléments proposés.
    La réduction des pesticides est l’un des sujets sur lesquels la France dispose d’une crédibilité reposant sur plusieurs textes qu’elle a déjà adoptés. Néanmoins, nous nous sommes aperçus récemment qu’il y avait quelques trous dans la raquette et que des petits malins s’amusaient à exporter les substances actives, puisque les décisions prises sur le refus d’exportation portaient sur les produits contenant ces substances, et non sur les substances elles-mêmes. À Montréal, avec le seul appui de la Colombie – en dehors des pays de l’Union européenne –, nous sommes parvenus à convaincre les autres membres de la COP15 de définir la cible 7, laquelle nous engage à réduire de 50 % les risques liés aux pesticides dans les années qui viennent. Je souhaite que nous conservions cette avance.
    Il reste évidemment l’irritant des néonicotinoïdes. Néanmoins, je tiens à dire à ceux qui ont voté leur interdiction en 2016 que celle-ci n’a pas été sans effet : il y avait 4,4 millions d’hectares et 130 types d’usages agricoles possibles des néonicotinoïdes ; il n’en reste plus qu’un, sur moins de 300 000 hectares, et il est souhaitable qu’il n’y en ait plus sur aucun hectare à terme.

    Mme Barbara Pompili

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    Merci !

    M. Christophe Béchu, ministre

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    Nous devons prendre le même chemin pour d’autres types de polluants et de pesticides. De ce point de vue, vous pouvez compter sur ma totale détermination. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Véronique Riotton.

    Mme Véronique Riotton (RE)

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    L’application de la loi « climat et résilience » est une brique fondamentale dans notre politique climatique, et plus particulièrement dans notre construction d’une véritable économie circulaire à la suite de la loi Agec – loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire –, que j’ai eu l’honneur de défendre.
    Plus précisément, l’article 12, devenu l’article 25 après la promulgation de la loi, ouvre la possibilité d’instaurer la consigne pour réemploi dès 2023 après une évaluation préalable confiée à l’Observatoire du réemploi, laquelle devait être réalisée avant le 13 janvier 2023. Malheureusement, cette évaluation n’a pas encore eu lieu, ce qui pose problème, car la consigne est une étape essentielle pour atteindre nos objectifs de collecte.
    Il est absolument impératif que nous continuions d’avancer sur ce sujet pour quatre raisons. La première est que 59 % des Français déclarent avoir intégré l’impact environnemental dans leurs choix de consommation et que 88 % d’entre eux sont pour la consigne. La deuxième est que nous constatons tous la tension sur l’accès aux ressources et sur la hausse du coût de l’énergie, laquelle doit amener les producteurs et les consommateurs, même les plus réticents, à basculer vers des systèmes plus vertueux comme la consigne pour réemploi. Troisièmement, la consigne doit pousser à plus de standardisation et d’harmonisation entre les industries : plusieurs zones géographiques, en France – je pense à l’Alsace – ou à l’étranger – comme en Allemagne –, n’ont jamais cessé de la pratiquer, et cela marche très bien pour les consommateurs et les industriels. Quatrièmement, enfin, la directive en cours de discussion au niveau européen évoque des objectifs de réemploi très élevés pour les secteurs d’activité qui consomment le plus – cafés, bars, restaurants, grande distribution – et nous devons dès maintenant prendre l’initiative de préparer ces secteurs.
    Qu’en est-il de cette évaluation et des missions de l’Observatoire du réemploi pour rendre effectif dès 2023 un dispositif de consigne plus dynamique, plus large et plus contraignant ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Christophe Béchu, ministre

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    C’est en milieu d’année – je l’espère, au deuxième trimestre – que l’Ademe nous communiquera les éléments d’analyse que vous avez mentionnés concernant l’impact économique pour les filières et les modèles susceptibles d’être suivis. Sans attendre les conclusions de l’Ademe, nous allons lancer une partie des consultations en vue de rendre la consigne effective durant l’année 2023.
    Je sais que je m’adresse à celle qui était encore, il y a peu, la présidente du Conseil national de l’économie circulaire et qu’à ce titre, vous avez particulièrement travaillé sur ces sujets. Comme vous l’avez rappelé, nous nous sommes fixé des objectifs ambitieux, notamment sur les bouteilles en plastique, pour lesquelles nous devons atteindre 75 % de recyclage à l’horizon 2025. Ce chiffre continuera d’augmenter par la suite. Au 1er janvier de cette année, nous sommes aux alentours de 60 %, mais l’on sait que la marche à franchir est particulièrement élevée et qu’il subsiste d’importantes disparités entre les territoires et entre les filières. Il y a aussi un enjeu de cohérence, puisque la France accueillera au mois de mai une conférence internationale sur l’élimination du plastique, qui constituera un nouveau jalon de la diplomatie environnementale et sera pour nous l’occasion de pousser des thèmes qui nécessitent de continuer à faire preuve d’exemplarité.
    Je sais votre attachement à la consigne et je ne formulerai pas trop de vœux pour l’année 2023, mais je forme celui que vous soyez satisfaite lorsque nous regarderons le chemin parcouru, au début de l’été par exemple.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Grégoire de Fournas.

    M. Grégoire de Fournas (RN)

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    Étendues par la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, les zones à faibles émissions se multiplient dans notre pays. Depuis le 1er janvier, les Français les plus modestes peuvent être verbalisés d’une amende de 68 euros dans dix agglomérations. Au 1er janvier 2025, quarante-trois agglomérations seront concernées. À cette date, les véhicules dotés des vignettes Crit’Air 5, 4 et 3, qui représentent 40 % du parc automobile actuel – chiffre que vous contestez, mais que j’ai vérifié –, ne pourront plus accéder à certaines agglomérations, dont Bordeaux, qui se trouve à la frontière de ma circonscription. Cette mesure s’appliquera aux habitants des métropoles, mais aussi à ceux qui habitent à l’extérieur ; en d’autres termes, la quasi-totalité de nos compatriotes seront concernés par cette mesure qui touche les particuliers, en premier lieu les plus modestes d’entre eux, mais aussi les professionnels, dont les artisans, les commerçants et les viticulteurs, qui ont besoin d’accéder au centre-ville pour vendre leur vin.
    Pour moderniser le parc de véhicules et le rendre accessible aux ZFE, des aides existent, mais, comme l’a révélé la récente mission flash de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, le reste à charge est au minimum de 20 000 euros pour l’achat d’une voiture Crit’Air 1. Une immense partie des Français, dans l’incapacité totale de débourser une telle somme, sera donc exclue des ZFE. J’espère sincèrement que la proposition de notre collègue Pierre Meurin de supprimer les ZFE sera votée demain. Si, par malheur, ce n’était pas le cas, que comptez-vous faire pour les Français qui n’ont pas les moyens de s’acheter un véhicule compatible avec les ZFE malgré les aides prévues ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Christophe Béchu, ministre

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    Vous souhaitez ouvrir tout de suite un débat que nous aurons demain dans le détail. Je signale, en préambule, que les zones à faibles émissions ne sont pas une invention française et qu’il existe 270 zones à faibles émissions dans quatorze pays de l’Union européenne. Si ce type de dispositif n’existait pas en Italie ou en Suède – je prends des pays qui, depuis quelque temps, vous servent de modèle –, d’autres Européens auraient abandonné la mesure.
    Je conteste vos chiffres pour la simple raison qu’ils confondent l’obligation prévue par la loi, c’est-à-dire la mise en place de zones à faibles émissions par les agglomérations de plus de 150 000 habitants, qui s’appliqueront aux Crit’Air 5 à partir du 1er janvier 2025, et les décisions prises par des agglomérations en cas de dépassement de seuils et de pollution atmosphérique avérée sans que la loi ne les y contraigne. C’est vrai pour les véhicules utilitaires des artisans, lesquels ne sont pas soumis à un calendrier législatif, et c’est ce qui explique qu’il y ait à Reims des exemptions pour les viticulteurs, car on considère que le changement du parc est complexe et nécessite du temps et des moyens. C’est aussi ce qui explique les obligations pour les motards, lesquelles ne sont pas prévues par la loi et s’appliquent en fonction de ce que les élus décident pour le territoire sur lequel ils se trouvent.
    Le type d’aide varie à la fois en fonction du niveau de revenu et de la situation de la personne concernée. Ainsi, des aides existent depuis l’été dernier pour les professionnels. La difficulté actuelle tient au fait que le niveau des aides est relativement élevé – on peut quasiment atteindre 18 000 euros d’aides en cumulant la totalité des critères – mais, comme il n’y a pas de marché de l’occasion, le reste à payer demeure élevé. Néanmoins, nous considérons qu’il faut d’abord aider la filière à produire des véhicules en France pour éviter que ces aides servent massivement à acheter des véhicules chinois. C’est ce qui explique que le leasing ne sera mis en place qu’au deuxième semestre de cette année et qu’une partie des mesures ont vocation à s’appliquer dans le temps.

    M. Grégoire de Fournas

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    Et comment fait-on pour les Français modestes ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jérôme Buisson.

    M. Jérôme Buisson (RN)

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    Le Gouvernement a mis en place l’objectif Zéro artificialisation nette en 2050. Le Rassemblement national conteste cette mesure, sur le fond comme sur la forme.
    Sur le fond, comme pour la politique énergétique, vos erreurs d’aujourd’hui préparent les crises de demain et vos prévisions décroissantes préparent les futures pénuries de foncier. Comment voulez-vous réindustrialiser le pays, redynamiser les territoires ruraux et résoudre la crise du logement en interdisant les constructions ? Comme toujours, vous pénalisez la France rurale à laquelle vous souhaitez interdire la maison individuelle. Votre doctrine est la suivante : s’ils n’ont plus le droit de construire leur maison, qu’ils vivent en immeuble ! Nous sommes régulièrement interpellés par les maires des petites communes, inquiets, à juste titre, des conséquences de vos choix sur le développement de leur commune. Ce dogme engendre une profonde inégalité territoriale. La région Bourgogne-Franche-Comté a artificialisé 6,6 % de son territoire ; l’Île-de-France, quant à elle, a atteint 21 %. Pourtant, ces deux régions seront soumises aux mêmes restrictions. De plus, votre ambition en matière de politique énergétique est aux antipodes des objectifs ZAN avec le développement des énergies éolienne et solaire, qui sont les plus consommatrices de surface au sol.
    Nous contestons aussi les modalités d’application de cette politique. Encore une fois, vous agissez selon un dogme et dans la précipitation. À titre d’exemple, les délais de révision des documents d’urbanisme prévus par cette loi semblent irréalistes : en effet, la renaturation à laquelle les collectivités procéderont entre 2021 et 2031 ne sera pas prise en compte dans les indicateurs d’artificialisation. Les outre-mer, en forte dynamique démographique et en retard sur leurs obligations en termes de logements sociaux, seront encore pénalisés.
    Compte tenu de ces éléments, allez-vous enfin adapter votre projet à la réalité et réviser l’objectif ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Christophe Béchu, ministre

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    Vous terminez par une observation juste : nous ne pouvons pas attendre 2031 pour que la renaturation redonne des droits à construire. Je vous confirme que c’est l’un des points sur lesquels le Gouvernement est totalement disposé à changer le texte, que la proposition soit formulée par la majorité présidentielle ou par un autre groupe. Il y a là un vrai problème de cohérence.
    En revanche, parler de précipitation au sujet de la lutte contre l’artificialisation des sols me semble excessif. Regardez d’où nous venons ! Nous ne disons pas qu’il faut désormais cesser toute construction, nous demandons de limiter à 12 000 hectares par an les zones artificialisées en France. Rappelons, en outre, que 200 000 hectares de friches ne sont pas pris en compte dans la trajectoire d’artificialisation, sans parler des possibilités en matière de renaturation.
    Vous avez toutefois souligné un élément important : il existe en effet une décorrélation potentielle entre les dynamiques démographiques et les dynamiques d’artificialisation. C’est précisément la raison pour laquelle le Parlement a décidé la territorialisation. Sans doute, pour la favoriser, nous faudra-t-il laisser plus de temps à la concertation dans le cadre des Sraddet (schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires). Nous devons par ailleurs apporter une garantie rurale. Sur ces différents points, nous sommes prêts à évoluer. La date de 2050 pour le ZAN et la division par deux du rythme d’artificialisation d’ici à 2030 sont, en revanche, des mesures sur lesquelles nous ne reviendrons pas. Ces objectifs, je le répète, mettent en jeu l’habitabilité de nos territoires.
    De même, ce n’est pas parce que l’on cesse d’artificialiser un territoire que l’on cesse d’y accueillir des habitants. Toutes les situations existent dans notre pays : des territoires qui ne construisent pas alors que certains de leurs habitants cherchent à se loger ; d’autres qui construisent des pavillons en périphérie alors que des logements sont vides et pourraient être réhabilités, notamment pour soutenir les commerces de proximité du centre-bourg. Le Gouvernement ne défend ni modèle ni dogme. Il fait simplement le constat que notre pays ne peut plus continuer sur le même rythme.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Loïc Prud’homme.

    M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES)

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    Nous discutons ce soir de l’application de la fameuse loi « climat et résilience », prétendument issue des travaux de la Convention citoyenne pour le climat. Au mois d’août 2021, lors des discussions et du vote de ce texte, le groupe La France insoumise avait démontré que le projet de loi avait en réalité retenu très peu des propositions de la Convention.
    Mes collègues de la NUPES ont souligné la lenteur de l’application de cette loi, pourtant si peu ambitieuse. Sur le sujet du changement climatique, nous disposons pourtant depuis trente ans des rapports scientifiques publiés par le Giec, en particulier du sixième rapport de 2022, qui lance une nouvelle alerte face au réchauffement climatique. Nous avons aussi derrière nous les sécheresses de 2019 et de 2022, ainsi que les travaux du Haut Conseil pour le climat, créé en 2018 par le président Macron et qui a publié en 2020 la carte des impacts du réchauffement climatique. Les scientifiques ne ménagent pas leurs efforts pour sensibiliser les décideurs publics. Le Parlement a débattu à plusieurs reprises des effets du changement climatique et vous-même, monsieur le ministre, avez bénéficié d’un séminaire gouvernemental sur le sujet en septembre 2022.
    Ma question est simple : qui aurait pu prédire (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES) que l’inaction climatique serait un choix politique justifié par l’argument fallacieux selon lequel nous serions dépassés par les forces de la nature ? (Mêmes mouvements.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Christophe Béchu, ministre

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    Malgré l’heure avancée, je crois comprendre que votre question est au second degré et que vous ne me demandez pas réellement « qui aurait pu prédire ».

    M. Loïc Prud’homme

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    Non, elle est au premier degré ! Elle est factuelle !

    M. Christophe Béchu, ministre

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    Les points que vous avez énumérés sont précisément ceux qui ont conduit le Gouvernement à agir et à accélérer. Vous avez cependant omis un élément : la formation des 25 000 plus hauts cadres de l’État, auxquels seront présentés les rapports scientifiques et les enjeux du réchauffement climatique. Cette formation permettra de mobiliser des personnes qui n’étaient pas forcément sensibilisées à la réalité de ce phénomène, dans la continuité de la démarche engagée par la Convention citoyenne pour le climat. Outre ce plan de formation pour les 25 000 plus hauts cadres de l’État, nous avons prévu un plan de formation pour tous les maires, organisé à l’échelle du département, sous l’égide de mon ministère. Il sensibilisera les acteurs non seulement aux données scientifiques mondiales, mais aussi aux données spécifiques du département, sur le modèle de la démarche engagée dans l’Indre.

    M. Loïc Prud’homme

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    Quel retard !

    M. Christophe Béchu, ministre

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    Dans ce département, des agents de l’État, de Météo-France, de l’Office national des forêts (ONF) et de l’Ademe viendront présenter la réalité du changement à l’œuvre, à partir des courbes de température de ces dernières années, et les mesures qui pourraient être prises de manière immédiate, sans passer par une loi ou un décret. Couplé aux 2 milliards du Fonds vert et à l’instauration de budgets verts dans les collectivités locales, pour distinguer les dépenses brunes et les dépenses vertes,…

    M. Loïc Prud’homme

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    Un numéro vert ?

    M. Christophe Béchu, ministre

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    …ce plan de formation permettra de nouer un véritable pacte entre l’État et les territoires pour agir de manière plus efficace et rapide contre le dérèglement climatique.

    M. Loïc Prud’homme

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    Le tout, c’est d’y croire !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Murielle Lepvraud.

    Mme Murielle Lepvraud (LFI-NUPES)

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    La loi « climat et résilience » a prévu d’ajouter la formation à l’environnement à la formation à la santé et à la citoyenneté des élèves. Pour cela, l’idée est de s’appuyer sur les comités d’éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC) des établissements, chargés de conduire toutes les actions en matière d’éducation et de prévention. Présidés par les chefs d’établissement, ces comités sont libres de choisir des personnes qualifiées, désignées pour trois ans, dans les domaines correspondant aux missions du comité, dont des partenaires extérieurs.
    Néanmoins, les problématiques environnementales sont complexes et peu de professionnels les maîtrisent. En effet, ces thématiques sont nouvelles dans les programmes scolaires et les formations des professionnels ne les abordaient jusqu’ici que très rarement. Les chefs d’établissement ne sont pas spécifiquement formés sur ces sujets. Dès lors, comment choisir les membres du comité dédiés aux questions d’environnement et comment définir les actions à mener par l’établissement ?
    En outre, comment sera-t-il possible de créer un socle de connaissances homogènes si le dispositif varie d’un établissement à l’autre ? N’y aura-t-il pas là un nouveau facteur d’inégalité entre les établissements scolaires ?
    Enfin, comment repérer les lobbys qui gravitent autour des questions écologiques et les empêcher de se faufiler dans les enseignements, ce qui poserait de véritables questions sur l’objectivité et la neutralité des savoirs dispensés au sein de l’établissement ?
    Monsieur le ministre, quels sont les premiers retours du terrain ? Ne pensez-vous pas que la formation à l’environnement doit être prise au sérieux et donc être dispensée par un personnel formé de l’éducation nationale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Christophe Béchu, ministre

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    Je ne peux pas vous répondre précisément, madame la députée. Vous avez choisi de ne pas me communiquer votre question avant la séance, ce qui m’a privé de la possibilité de me renseigner sur le retour d’expérience des CESC. Je peux cependant vous indiquer les trois directions dans lesquelles nous travaillons avec le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
    Tout d’abord, nous travaillons sur les programmes. Notre école continue de vanter les mérites de la révolution industrielle sans expliquer que c’est avec elle que le réchauffement climatique a débuté et que les températures ont commencé à s’écarter des tendances observées jusque-là.
    Ensuite, nous travaillons sur les écodélégués. On sait que la participation des habitants, quel que soit leur âge, est un moyen efficace d’accélérer la prise de conscience dans de nombreux domaines environnementaux. Les établissements scolaires ont un rôle important à jouer pour diffuser les bonnes pratiques aux familles et à l’ensemble de la population, qu’il s’agisse du tri des déchets ou, dans un autre domaine, du port de la ceinture à l’arrière de la voiture. Nous devons donc nous appuyer sur les écodélégués pour généraliser la prise de conscience.
    Enfin, les mesures prévues dans l’enseignement supérieur, présentées en octobre dernier par la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Sylvie Retailleau, permettront, comme vous le souhaitez, de repérer les capacités de formation en interne et les forces vives des universités pour construire des corpus de formation et des modules types à destination de tous les élèves de l’enseignement supérieur. Il y a là des pistes de solutions concrètes aux problèmes que vous avez soulevés. Vous avez raison, il faut un dispositif généralisable à l’ensemble du pays et identique pour tous les établissements afin d’éviter les disparités de contenus et d’accès à la formation selon les territoires.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Maud Petit.

    Mme Maud Petit (Dem)

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    Ma question concerne l’objectif de réduction de la bétonisation de nos sols. La loi « climat et résilience » prévoit, d’ici à 2030, la division par deux du rythme d’artificialisation des sols et le Zéro artificialisation nette d’ici à 2050. Ces mesures devront être appliquées par l’ensemble des collectivités territoriales. Nous le savons, l’artificialisation accélère la perte de biodiversité et amplifie les risques d’inondation. Dans la quatrième circonscription du Val-de-Marne, ma circonscription, nous constatons les effets délétères de l’urbanisation massive. Selon la plateforme Sparte, certaines communes, comme Villiers-sur-Marne, ont une consommation d’espace élevée, qui peut s’expliquer en partie par la forte concentration de population dans la ville.
    On peut s’interroger sur la capacité de certaines communes à atteindre les objectifs de la loi « climat et résilience » et, dans le même temps, à respecter les obligations de la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (loi Alur). Ainsi, la commune d’Ormesson-sur-Marne s’est vu préempter son permis de construire afin d’accélérer la création de logements sociaux, ce qui a engendré une bétonisation supplémentaire dans un territoire potentiellement sujet à des inondations.
    De même, la plus petite commune de ma circonscription, Noiseau, qui se situe dans la fourchette haute de consommation des sols du fait d’une urbanisation contrainte, pourrait accueillir prochainement la construction d’un établissement pénitentiaire de 800 places.
    L’urgence écologique nous oblige à agir, mais comment accompagner les communes dans la réalisation d’objectifs essentiels, qui semblent cependant difficiles à combiner avec certaines obligations, en particulier dans les territoires ultra-urbanisés ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Christophe Béchu, ministre

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    Des milliers de communes de notre pays ont d’ores et déjà atteint l’objectif Zéro artificialisation nette, non pas de manière choisie, mais de manière subie. Je pense évidemment aux communes situées en zones inondables et à celles qui sont bordées de cultures qui font l’objet d’appellations d’origine contrôlée. C’est également le cas de Paris, où les espaces naturels sont limités, et de la région Île-de-France.
    Affirmer que certains territoires ne disposent pas de réserves d’espace leur permettant de se développer revient à dire que chaque commune a un droit d’extension sans limite. Ce n’est évidemment pas réaliste, notamment parce qu’il n’existe pas une taille minimale de commune. Les disparités sont importantes dans notre territoire.
    Vous évoquez les différentes situations de votre circonscription. S’agissant de la future construction d’un établissement pénitentiaire, nous considérons qu’elle ne doit pas être imputée à la commune dès lors qu’elle correspond à un objectif d’intérêt national. Cette construction relève de la solidarité nationale, car elle rend un service public. S’il en était autrement, les territoires pourraient refuser un projet d’intérêt général parce qu’il les priverait d’un développement potentiel. Nous traiterons donc le projet que vous évoquez dans le cadre des grands projets d’envergure nationale qui feront l’objet de dispositions législatives particulières.
    Vous avez également souligné la difficulté des communes tiraillées entre la nécessité de construire des logements sociaux et celle de réduire les espaces de construction. Rappelons que les écarts de densité sont très importants en France selon les territoires. Et je n’oppose pas uniquement les habitations collectives aux maisons individuelles et aux pavillons. Certains programmes de construction de maisons individuelles aboutissent à des densités comparables à celles de petits immeubles collectifs. À l’inverse, certains immeubles collectifs entourés de vastes espaces peuvent afficher des densités comparables à celles de zones pavillonnaires. La façon de construire est déterminante. À cet égard, le soutien en matière d’ingénierie du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) et de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) permet d’accompagner chaque commune. Mon ministère est à la disposition des maires de votre circonscription pour trouver des solutions.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.

    Mme Emmanuelle Ménard (NI)

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    La loi « climat et résilience » du 22 août 2021 s’est donné pour objectif de traduire une partie des 146 propositions de la Convention citoyenne pour le climat afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % d’ici à 2030. L’un des objectifs de cette loi est simple : d’ici à 2050, l’objectif Zéro artificialisation nette des sols devra être atteint. Si je partage la volonté de lutter contre la bétonisation abusive des terres, plus particulièrement des terres agricoles, je m’interroge sur certains cas particuliers, comme la nécessaire implantation d’entreprises qui ont des visées écologiques ou les grands projets d’envergure nationale que vous venez d’évoquer.
    À Béziers, l’entreprise Genvia innove pour trouver de nouvelles sources d’énergie plus propres et plus respectueuses de notre environnement. Véritable chef de file en matière d’innovation sur l’hydrogène décarboné ou bas-carbone, il serait impensable d’empêcher l’implantation d’une telle entreprise, en raison de l’objectif Zéro artificialisation nette des sols, alors qu’elle a besoin de terrains pour se développer. Ce risque existe pourtant puisque la loi « climat et résilience » prévoit que dans le cadre des schémas établis par les Scot, chaque collectivité intègre dans son document d’urbanisme ou de planification un objectif chiffré de réduction de l’artificialisation des sols. Pour chaque collectivité, il existera donc une enveloppe de capacité à construire.
    Ainsi, pour mener à bien ce type de projets essentiels à l’économie locale et, dans le cas de Genvia, à l’indépendance énergétique de la France, il est essentiel de pouvoir sortir les terrains ainsi consommés de l’enveloppe réservée à chaque collectivité dans le cadre du Scot.
    Ma question est donc simple, monsieur le ministre : accepterez-vous d’exclure les terrains réservés à ces grands projets, et notamment ceux qui sont liés à l’hydrogène décarboné, des enveloppes de capacité à construire attribuées dans le cadre des Scot ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Christophe Béchu, ministre

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    Soyons clairs : il existe dans le cadre des Scot et des PLU (plans locaux d’urbanisme), avant même la mise en œuvre de l’objectif ZAN, des enveloppes capacitaires que l’on ne peut pas dépasser. La démarche ZAN, elle, a ceci de spécifique qu’elle vise à diviser par deux la moyenne de ce qui s’est fait depuis dix ans. Mais sans l’attendre, les élus locaux ont commencé à diminuer l’artificialisation des sols : il y a moins de dix ans, 30 000 hectares étaient consommés chaque année ; aujourd’hui – avant que l’objectif ZAN ne s’applique –, le rythme se situe plutôt autour des 20 000 hectares par an. Nous atteindrons donc un point d’équilibre quelque part autour de 12 000, 13 000 ou 14 000 hectares – le chiffre précis se situera dans cet ordre de grandeur – par an. On ne passera pas à zéro !
    Ensuite, l’idée est de s’appuyer sur les régions pour territorialiser ces droits, plutôt que de laisser chacun diviser par deux sa consommation actuelle ; sinon, nous pénaliserions ceux qui ont été vertueux tout en récompensant ceux qui ont beaucoup consommé, sans tenir compte des projets. Ce que vous venez de pointer très justement, c’est le fait qu’indépendamment des sujets relatifs à l’habitat, qui ont été évoqués par la députée Maud Petit il y a quelques instants, il faut mettre en avant celui de la réindustrialisation, qui est crucial y compris en matière d’empreinte carbone : produire sur le territoire national, du point de vue industriel, c’est éviter de faire venir des produits qui sont faits au bout du monde, dans des conditions climatiques bien plus défavorables qu’ici, en utilisant du charbon et en assumant les coûts de transport liés à l’importation.
    Il y a donc deux options : la première consiste à dire que chacun se débrouille ; la deuxième, tenant compte de l’existence de projets emblématiques, conduit à imaginer un « compté à part » national visant des projets d’intérêt général, et un « compté à part » régional pour des projets industriels permettant de soutenir les territoires. En effet, si c’est l’État qui se charge d’exonérer tel ou tel projet, les maires ne se battront plus pour les accueillir : on viendra demander au préfet ou au ministre d’obtenir l’exonération permettant de faire venir l’entreprise concernée. Finalement, on arrêtera de s’appuyer sur les élus locaux pour retomber dans une forme d’économie administrée. Même si ce que vous proposez peut sembler de prime abord être une bonne idée, je pense qu’il est souhaitable de le faire à l’échelle des territoires et non à l’échelle nationale, à la différence des prisons, des centrales nucléaires, du canal Seine-Nord Europe ou des lignes à grande vitesse (LGV), projets pour lesquels il est logique que ce soit l’État qui assume ce « compté à part ».

    Mme la présidente

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    Le débat est clos.

    2. Ordre du jour de la prochaine séance

    Mme la présidente

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    Prochaine séance, demain, à neuf heures :
    Proposition de loi visant à favoriser et inciter les entreprises à augmenter les salaires nets de 10 % ;
    Proposition de loi visant à supprimer les zones à faibles émissions mobilité ;
    Proposition de loi visant à étendre le droit de visite des parlementaires et parlementaires européens élus en France aux établissements sociaux et médico-sociaux ;
    Proposition de loi visant à instituer dans les écoles et collèges publics le port d’une tenue uniforme aux couleurs de l’établissement scolaire ;
    Proposition de loi visant à revivifier la représentation politique ;
    Proposition de loi modifiant le calcul de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères et invitant le Gouvernement à une refonte de la fiscalité locale ;
    Proposition de loi visant à instituer une présomption de légitime défense pour les membres des forces de l’ordre.
    La séance est levée.

    (La séance est levée à vingt-trois heures vingt.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra