XVIe législature
Session ordinaire de 2022-2023

Première séance du jeudi 27 octobre 2022

Sommaire détaillé
partager
Première séance du jeudi 27 octobre 2022

Présidence de Mme Hélène Laporte
vice-présidente

Mme la présidente

  • partager

    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à neuf heures.)

    1. Projet de loi de finances pour 2023

    Seconde partie (suite)

    Mme la présidente

  • partager

    L’ordre du jour appelle la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2023 (nos 273, 292).

    Justice

    Mme la présidente

  • partager

    Nous abordons l’examen des crédits relatifs à la justice (no 292, annexe 30 ; no 341, tomes III et IV).
    La parole est à M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

  • partager

    Avant tout, monsieur le garde des sceaux, je voudrais vous dire que la loi organique prévoit que, lorsque l’on pose des questions à votre administration concernant les finances, la date limite de remise des questionnaires est le 10 octobre. À cette date, j’avais obtenu 20 % de réponses aux questions que j’avais posées. Peut-être faudrait-il que vous mettiez déjà un peu d’ordre à la Chancellerie.
    J’en viens au budget pour 2023. Celui-ci semble traduire les premières conséquences que le ministère entend tirer des recommandations formulées par le comité des états généraux de la justice en juillet dernier. Nous pouvons nous en réjouir. Toutefois, derrière des effets d’annonce, je tenterai de vous démontrer que la réalité est hélas bien plus complexe et ambiguë qu’il n’y paraît.
    Si le budget global de la mission augmente, il est tout juste dans la moyenne de l’augmentation globale du budget de l’État, ni plus ni moins. Et si vous déduisez l’inflation, vous vous apercevez que l’augmentation réelle n’est vraiment pas à la hauteur des enjeux. Vous allez évidemment tenter de le nier, monsieur le garde des sceaux, mais les faits sont hélas têtus.
    S’agissant de la justice judiciaire, il convient de rappeler que les difficultés structurelles des juridictions sont considérables. À titre d’exemple, le taux de vacance des postes de greffiers s’établit à 7,2 %, soit 2,7 points de plus qu’en 2019. De plus, les cibles fixées en matière de délais de traitement des affaires civiles repartent à la hausse.
    La Première ministre a annoncé la création de 1 500 postes de magistrats sur cinq ans, dont 200 sont créés l’année prochaine – on peut donc espérer que les autres viendront s’y ajouter les années suivantes. Toutefois, le ministère reste dans l’ambiguïté sur l’entrée en fonction de ces nouveaux magistrats : seront-ils opérationnels en 2023, en 2024 ou en 2025 ? Quant à la revalorisation à hauteur de 1 000 euros mensuels de la rémunération des magistrats, sous la forme d’une hausse des primes forfaitaires et modulables qui leur sont versées, vous savez qu’elle ne suffira pas à renforcer l’attractivité de la profession.
    Vous devez aussi faire face à la lassitude des greffiers. Malgré l’annonce d’une augmentation des rémunérations sur trois ans, leurs motifs de grogne restent nombreux. Certains de leurs représentants syndicaux considèrent que vous leur faites un numéro de poker menteur et que vous êtes le fossoyeur des métiers du greffe. Que leur répondez-vous ?
    Le Conseil d’État vous a aussi enjoint de publier un décret encadrant la numérisation des dossiers administratifs des magistrats, afin de protéger enfin la confidentialité de ces données. Je sais bien que le cordonnier n’est pas toujours le mieux chaussé, mais cela prouve que votre ministère est encore bien loin d’être celui du droit, particulièrement à l’égard de ses personnels.
    Il serait anormal que je ne vous parle pas de Portalis, dont l’objectif est de dématérialiser toute la procédure civile et qui continue de patiner, alors que des dizaines de millions d’euros y ont été engloutis. Heureusement que vous voulez mettre le paquet sur le numérique !
    Venons-en à l’administration pénitentiaire. En dépit de la livraison de nouvelles places de prison,…

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

  • partager

    Et il paraît que je suis laxiste !

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

  • partager

    …la population carcérale continue de progresser bien plus vite. Dans ce cas, comment espérer une amélioration des conditions de détention ? Vous annoncez des créations de postes, mais vous savez que nombre d’entre eux ne seront pas pourvus car les budgets ne sont pas totalement utilisés.
    Des moyens supplémentaires seront alloués aux bracelets antirapprochement (BAR), mais de nombreux couacs ont été répertoriés. Que comptez-vous faire pour que ce dispositif fonctionne enfin ?
    S’agissant de l’article 44 du projet de loi de finances (PLF), il nous est proposé de prolonger de deux ans l’expérimentation rendant obligatoire une tentative de médiation préalable à la saisine du juge pour certaines affaires familiales. Sur le principe, nous ne pouvons qu’y être favorables. Toutefois, je dois signaler que ce serait la troisième fois que nous prolongerions cette expérimentation et que, selon les informations dont nous disposons, la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) n’a toujours pas donné son accord pour participer à son financement. Quelle sera la portée de tout cela ? Nous pouvons nous le demander.
    Enfin, permettez-moi de citer des acteurs du terrain judiciaire. Dans ma circonscription, lors de la dernière audience de rentrée, la présidente et la procureure du tribunal judiciaire de Saverne ont dressé un état des lieux.
    Mme la présidente explique : « Nous sommes en situation de plein-emploi théorique. L’équilibre demeure fragile et, du côté des greffes, la situation est plus que délicate. Nous sommes en sous-effectif chronique avec des postes non pourvus nous obligeant à prioriser certains services et à ne traiter que les urgences pour d’autres ».
    À cela, Mme la procureure ajoute : « Le mérite de tous est grand car la justice est le seul service public à devoir absorber chaque année, dans les faits, à moyens constants, une quantité énorme de réformes, et ce, dans tous les domaines. »
    Pour conclure, tous ces exemples montrent que, sans pilotage satisfaisant de ces moyens supplémentaires, la justice ne pourra sortir durablement de la crise qu’elle traverse. Beaucoup reste donc à faire et, jusqu’à présent, les résultats n’ont pas été satisfaisants.
    Monsieur le garde des sceaux, la justice de terrain, celle du quotidien, est très éloignée de ce que vous venez de nous présenter. Si vous souhaitez dialoguer efficacement avec le Parlement, il faut que vous acceptiez enfin de mettre les problèmes sur la table.
    Je terminerai par un exemple très parlant. Il faut simplifier le code de procédure pénale. La police judiciaire est exsangue, elle a besoin d’être encadrée par le parquet. Que comptez-vous faire en la matière ? Pourquoi n’intervenez-vous pas pour défendre la police judiciaire ? J’espère que vous accepterez de répondre sur le fond. (M. Roger Chudeau applaudit.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Sarah Tanzilli, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

    Mme Sarah Tanzilli, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

  • partager

    C’est le premier budget de la justice du deuxième quinquennat de notre majorité. Je tiens à vous dire, monsieur le garde des sceaux, à quel point je suis fière de présenter un budget qui porte un message extrêmement fort et clair, celui du respect de nos promesses.
    L’augmentation des moyens de la justice est totalement inédite sous la Ve République : hausse de 26 % sur trois ans et de plus de 40 % depuis 2017. Vous le voyez, les chiffres ne mentent pas.
    Cette année, les crédits de paiement (CP) sur les quatre programmes liés à la justice judiciaire et à l’accès au droit augmentent de 7,2 %. C’est un signal majeur envoyé à notre administration judiciaire. Cette hausse du budget reflète une vision, celle d’une justice proche, efficace et accessible.
    Soulignons d’abord le renforcement des moyens humains et la volonté d’améliorer l’attractivité des corps des magistrats et des greffiers : près de 30 millions d’euros financeront la revalorisation de l’indemnité des magistrats à hauteur de 1 000 euros brut par mois en moyenne à partir d’octobre 2023 ; les greffiers vont voir leur traitement indiciaire et leur indemnisation de sujétion augmenter dans la continuité des années précédentes.
    Jamais notre justice n’aura autant recruté : 1 220 postes seront créés en 2023 – 208 postes de magistrat, 191 postes de greffier et 300 postes de juriste assistant –, accompagnés du renforcement des moyens de l’École nationale de la magistrature (ENM) et de l’École nationale des greffes (ENG). Notre objectif est de créer 1 500 postes de magistrat et 1 500 postes de greffier supplémentaires d’ici à la fin du quinquennat.
    Outre ces efforts sans précédents, ce budget renforce considérablement les moyens accordés à l’accès au droit, qui augmentent de 19,7 %. Le Gouvernement a très clairement démontré sa volonté de garantir un accès à la justice et au droit sur le territoire, afin que la justice soit plus proche et plus réactive pour nos justiciables. Quant aux associations d’aide aux victimes, qui jouent un rôle essentiel dans l’accès au droit et l’accompagnement des victimes, elles voient leurs moyens augmenter de 6,8 %.
    J’en termine par la partie thématique de mon avis budgétaire : l’accès au droit et l’accompagnement des victimes de violences intrafamiliales. L’effort budgétaire considérable consenti en la matière traduit la volonté de faire de la lutte contre les violences intrafamiliales une priorité nationale.
    Ce budget augmente de 11,8 % cette année, passant de 14,4 millions d’euros en 2022 à 16,1 millions d’euros l’an prochain. La hausse atteint plus de 100 % depuis 2020, dépassant largement le rythme d’augmentation budgétaire du ministère.
    Comme j’ai pu le constater au cours de mes auditions, depuis le Grenelle des violences conjugales en 2019, la lutte contre les violences intrafamiliales a changé d’échelle. Bien évidemment, l’augmentation sans équivalent de l’enveloppe budgétaire n’y est pas étrangère. Des progrès majeurs ont été accomplis dans le domaine de l’accueil des victimes, grâce à la multiplication des lieux et des dispositifs d’accompagnement et de prise en charge, et aussi à une meilleure coordination des acteurs, assurée par le biais des comités de pilotage dédiés aux violences intrafamiliales (Copil VIF) pilotés par les juridictions.
    La prise en charge des victimes de violences intrafamiliales implique également de généraliser la mise en œuvre des dispositifs de protection. Là aussi, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Ainsi, on constate une montée en puissance des ordonnances de protection, dont le nombre a augmenté de 73,4 % entre 2018 et 2021 pour s’établir à 5 921. Notons que leur délivrance respecte globalement bien le délai impératif de six jours qui permet de mettre les victimes en sécurité dans les meilleurs délais et ce, sans qu’une plainte ne soit nécessairement déposée.
    Le nombre de téléphones grave danger (TGD) déployés a lui aussi explosé en quelques années, puisqu’il a augmenté de 700 % entre 2017 et 2022. L’objectif de 5 000 téléphones déployés sur tout le territoire sera atteint d’ici à la fin de l’année. Le bracelet antirapprochement constitue un outil pertinent, dont l’usage se développe en particulier après l’incarcération, même si des difficultés techniques persistent.
    Dans la lutte contre les violences intrafamiliales, des pistes d’amélioration sont à envisager : une meilleure formation des professionnels de santé et des professionnels de l’éducation nationale, qui sont en première ligne pour identifier et libérer la parole des enfants victimes de violences dans le cercle familial ; une refonte des conditions d’indemnisation des administrateurs ad hoc, qui jouent un rôle fondamental dans l’accompagnement des mineurs victimes ; le développement de solutions d’hébergement pour les conjoints violents, afin de permettre aux victimes et à leurs enfants de rester au domicile conjugal, et de lutter contre les récidives.
    Oui, des progrès peuvent encore être faits, car le chemin est long pour rattraper les trente ans de retard structurel du fonctionnement de notre justice, dont notre majorité a hérité. Je ne doute d’ailleurs pas que le garde des sceaux travaille d’ores et déjà à des améliorations, comme il nous l’a annoncé en commission.

    M. Laurent Jacobelli

  • partager

    Moi, j’en doute !

    Mme Sarah Tanzilli, rapporteure pour avis

  • partager

    Cela étant, chers collègues, ne boudons pas notre plaisir à examiner et à adopter ce budget de la justice pour 2023. C’est un budget ambitieux, qui affiche une hausse qu’aucun gouvernement, de gauche ou de droite, n’avait encore proposée durant la Ve République.

    M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

  • partager

    Eh oui !

    Mme Sarah Tanzilli, rapporteure pour avis

  • partager

    Il tend à corriger en profondeur et dans la durée la situation catastrophique dans laquelle ces gouvernements avaient abandonné notre justice. Nous, nous l’avons dit, et nous le faisons ! (M. le rapporteur général applaudit.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Éric Poulliat, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

    M. Éric Poulliat, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

  • partager

    La commission des lois a émis un avis favorable concernant les crédits de l’administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse pour 2023. Au cours de la précédente législature, nous avions voté des crédits en forte hausse pendant cinq années consécutives, et c’est encore une fois le cas pour le budget pour 2023.
    Le projet de loi de finances, dont nous discutons aujourd’hui, prévoit en effet des budgets en hausse : de 7,5 % pour celui l’administration pénitentiaire et de 10,5 % pour celui de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ).
    En outre, ce budget pour 2023 prévoit la création de 809 emplois dans l’administration pénitentiaire et de 92 emplois à la PJJ. Conformément à nos engagements, nous poursuivons donc le renforcement du nombre d’agents de ces deux administrations.
    Je ne m’étendrai pas plus longtemps sur les chiffres, nous avons eu l’occasion de le faire en commission. Je voudrais au contraire rappeler que nous ne parlons pas que de chiffres : ces évolutions ont des implications très concrètes en ce qu’elles permettent des augmentations de moyens humains et matériels.
    Concrètement, que permettent ces moyens ? Premièrement, nous allons continuer à mettre en œuvre le programme de construction de 15 000 places de prison. J’entends répéter que cela ne servira qu’à incarcérer davantage. Ce n’est pas mon avis. Je pense surtout que ces nouvelles prisons nous permettront d’améliorer et de moderniser les conditions de détention. Quand vous visitez de vieux établissements pénitentiaires, vous vous rendez vite compte des difficultés causées par le bâti : les cellules ne peuvent pas accueillir de sanitaires ; les salles dédiées aux activités ne sont ni assez nombreuses ni assez spacieuses ; les espaces consacrés aux ateliers de travail sont, eux aussi, insuffisants.
    Si nous voulons repenser l’utilité de la peine et le temps de l’enfermement, nous devons aussi repenser la structuration des prisons. Les nouveaux établissements tiennent compte de ces enjeux et permettront aux personnels de mieux travailler en vue de la réinsertion des personnes détenues. Car ne l’oublions pas : si la prison reste une sanction de la société envers l’auteur d’un délit ou d’un crime, l’accompagnement vers la réinsertion et la prévention de la récidive sont des objectifs prioritaires de notre politique pénitentiaire. Nous devons nous assurer que le retour dans la société s’effectue de la façon la plus sûre possible pour nos concitoyens.
    C’est d’ailleurs le deuxième point que je tiens à soulever : je me réjouis tout spécialement que ces questions soient bien prises en considération dans le projet de budget pour 2023, comme en témoigne la hausse de 13 % des crédits alloués à la politique de réinsertion. Ceux-ci permettront notamment de développer les activités proposées aux personnes détenues. Travail, formation professionnelle, enseignement scolaire, activités socioculturelles et sportives : les activités en détention sont nombreuses et, n’en déplaise à certains, elles jouent un rôle crucial dans l’organisation de la détention et dans la construction d’un parcours de réinsertion.
    Troisièmement – et j’en terminerai par là, faute de pouvoir commenter toutes les augmentations de moyens prévues dans le projet de loi –, les crédits dédiés aux aménagements de peine enregistrent une hausse de 34 %, qui permettra principalement de financer les placements à l’extérieur. Cette mesure permet un accompagnement personnalisé des personnes placées sous main de justice et se révèle particulièrement efficace en matière de réinsertion. Je salue donc les efforts consentis dans ce domaine, qui permettront notamment de revaloriser le prix de journée forfaitaire, qui dépend du type d’accompagnement fourni par la structure d’accueil.
    Permettez-moi, pour conclure, de rendre hommage aux personnels des établissements pénitentiaires et des services pénitentiaires d’insertion et de probation (Spip), ainsi qu’aux personnels de la protection judiciaire de la jeunesse, qui sont confrontés à des situations souvent difficiles et qui font, chacun à leur niveau, un travail absolument essentiel pour la société. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général

  • partager

    Bravo !

    Rappel au règlement

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Arthur Delaporte, pour un rappel au règlement.

    M. Arthur Delaporte

  • partager

    Il se fonde sur l’article 100 de notre règlement. Avant que nous entamions l’examen des crédits de la mission Justice, je tenais à revenir sur ce qu’il s’est passé hier soir : nous ne pouvons pas poursuivre nos travaux sans évoquer la brutalité du procédé que le Parlement a eu à subir dans cette enceinte. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Benjamin Lucas

  • partager

    Il a raison !

    M. Arthur Delaporte

  • partager

    Depuis dix-neuf heures, nous demandions que la conférence des présidents se réunisse pour fixer les modalités de la poursuite de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023. Pendant cinq heures, la présidente de l’Assemblée nationale a refusé de répondre aux sollicitations émanant des différents groupes.

    M. Benjamin Lucas

  • partager

    C’est scandaleux !

    M. Arthur Delaporte

  • partager

    Nous tenions à l’affirmer ici solennellement : il n’est pas possible de fonctionner ainsi. Nous ne pouvons pas discuter dans ces conditions ni débattre sereinement des textes que vous soumettez à notre examen si la présidente de l’Assemblée nationale n’écoute pas les représentants des groupes.
    Hier, à vingt-trois heures quarante, le Gouvernement a de nouveau eu recours au 49.3, pour la troisième fois en l’espace d’une semaine.

    M. Michel Lauzzana

  • partager

    Et alors ? C’est prévu dans la Constitution !

    M. Arthur Delaporte

  • partager

    C’est la marque d’un profond mépris pour les débats qui se tiennent dans cet hémicycle (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES) et d’un refus du débat parlementaire, alors que, le plus souvent, nos échanges sont de qualité. Je salue les collègues présents ce matin, qui ont fait l’effort de se déplacer pour débattre d’un texte alors que nous ne savons pas quand son examen s’arrêtera, mais ce n’est plus possible : la présidente de l’Assemblée nationale doit répondre aux parlementaires quand ils la sollicitent pour examiner sereinement les textes. J’espère que vous lui transmettrez nos remarques, madame la présidente. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LFI-NUPES.)

    M. Benjamin Lucas

  • partager

    Excellent !

    Mme la présidente

  • partager

    Je ferai part de vos observations à la présidente de l’Assemblée nationale.

    Justice (suite)

    Mme la présidente

  • partager

    Nous allons à présent écouter les orateurs des groupes.
    La parole est à Mme Cécile Untermaier.

    Mme Cécile Untermaier (SOC)

  • partager

    Le comité des états généraux de la justice a rendu ses conclusions sous la forme d’un rapport remis le 8 juillet dernier au Président de la République. Avant de l’évoquer, je rends hommage à tous les personnels qui font un travail exaltant en participant à l’œuvre de la justice. Gardons à l’esprit qu’en soulignant les difficultés de la justice, nous dénonçons non l’incompétence des personnels mais bien, au contraire, les difficultés structurelles auxquelles ils se heurtent.
    Le constat qui ressort des états généraux – que vous avez organisés en toute transparence, monsieur le ministre – est terrible. Le rapport fait ainsi état d’un « délabrement » de la justice. Nul besoin de consulter les données de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (Cepej) pour savoir que les comparaisons avec le reste de l’Europe ne sont pas à notre avantage – même si, comme vous l’avez souligné en commission des lois, les travaux de cette commission portent sur l’exercice 2020.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Les choses ont changé, depuis !

    Mme Cécile Untermaier

  • partager

    Nous le savons : nous sommes très loin de la moyenne des États européens et nous devons travailler à remonter dans le classement. Voilà notre objectif.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Oui.

    Mme Cécile Untermaier

  • partager

    Des erreurs ont été commises durant les précédents quinquennats, cela me semble clair. Mais, dans le même temps, s’est exprimée la volonté de faire en sorte que l’œuvre de justice soit reconnue comme un élément essentiel, un pilier de la démocratie.
    Les conclusions des états généraux de la justice pointent un allongement des délais de jugement – pourtant déjà excessifs – et une moindre qualité des décisions.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Ce n’est pas vrai.

    Mme Cécile Untermaier

  • partager

    Ainsi, la procédure d’appel devant les prud’hommes dure quatre ans et, d’après ce qui m’a été rapporté, le jugement rendu en premier ressort est souvent défaillant juridiquement. Pour ce qui est de la procédure de divorce à l’amiable, que nous avions créée pour qu’elle simplifie la vie quotidienne en cas d’accord des deux parties, il faut attendre trois ans pour obtenir l’acte de clôture par le juge. Et quand le jugement est finalement rendu, son exécution n’est pas effective ! Que fait-on alors ? Il faut solliciter un huissier et recommencer la procédure. C’est là un problème majeur : dès lors qu’un jugement a été rendu, il doit être exécuté et le justiciable doit être accompagné.
    De cette situation découle un découragement des justiciables et des acteurs de la justice. Reconnaissons-le : nous traînons ce boulet depuis des décennies, sans avoir consenti les investissements nécessaires, donc sans nous être rendus capables de piloter réellement les politiques publiques de la justice. Lorsque l’argent manque, un tel pilotage n’est pas possible. Nous devons donc, désormais, atteindre un seuil de dépenses qui nous permette de remédier à cet état de fait.
    Le présent budget me semble tirer les conséquences des conclusions du comité des états généraux de la justice, en poursuivant l’effort budgétaire consenti en 2021 et en 2022.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Ah !

    Mme Cécile Untermaier

  • partager

    Le volume des crédits passe ainsi de 7,6 milliards d’euros à 9,6 milliards d’euros en 2023 – ce n’est pas faire injure au groupe Socialistes et apparentés que de le reconnaître. Ce montant reste néanmoins bien inférieur aux 15 milliards d’euros supplémentaires sur cinq ans alloués au ministère de l’intérieur. Je tiens à le souligner car, dans la compétition entre les ministères, la justice doit maintenant avoir la priorité. En plus de cet effort envié, le ministère de l’intérieur projette d’ailleurs, dans le cadre du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi) qui sera examiné prochainement, d’accroître son contrôle sur la police judiciaire, jusque-là légitimement laissée à la main du procureur. Si le fonctionnement de la police judiciaire est jugé insatisfaisant, sans doute devons-nous trouver des moyens de l’améliorer, mais sans la placer sous l’autorité des directeurs de police et des préfets.
    Le projet de budget pour 2023 prévoit la création de 2 253 postes, des mesures catégorielles importantes comme la prime pour les magistrats, mais aussi un recours accru aux greffiers et aux juristes assistants, dont le nombre doit absolument augmenter, car ils sont la cheville ouvrière des tribunaux.
    Les états généraux de la justice ont permis de relever l’archaïsme des logiciels utilisés par le ministère, que j’ai évoqué en commission des lois et sur lequel je ne reviendrai donc pas. Vous avez lancé, dans le cadre de ce projet de budget, un nouveau plan de transformation numérique, décliné autour de plusieurs axes importants. Nous devons poursuivre nos efforts en ce sens, soutenir les greffes, augmenter le nombre de juristes assistants, faciliter l’accès des avocats au métier de magistrat et instaurer un pilotage systémique des politiques publiques de la justice.
    Le projet de budget qui nous est présenté va dans le bon sens et tire les conséquences des travaux des états généraux de la justice. Le groupe Socialistes et apparentés ne s’y opposera pas. Pour ma part, je l’approuve. (Applaudissements sur les bancs des commissions. – Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback et M. Erwan Balanant applaudissent également.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback.

    Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback (HOR)

  • partager

    Regagner la confiance de nos concitoyens : voilà l’immense défi auquel est confrontée notre justice et que nous devons tous relever. Les états généraux de la justice ont mis en évidence, à juste titre, des dysfonctionnements et des lenteurs qui ont inévitablement conduit à détériorer la confiance des Français dans l’institution. Si le champ des réponses à apporter est nécessairement très large, le projet de budget nous semble constituer l’un des premiers signaux forts pour endiguer certains dysfonctionnements.
    Avec plus de 11 milliards d’euros de crédits de paiement – soit une augmentation de 7,75 % par rapport à l’année dernière, de 26 % en trois ans et de 40 % depuis 2017 –, le budget de la mission Justice pour l’année 2023 tient compte des enjeux, à plusieurs titres.
    D’abord, parce qu’une institution comme la justice est avant tout faite de femmes et d’hommes qui sont, aux yeux de nos concitoyens et des victimes, les visages et les mains de la justice. Avec 10 000 créations d’emplois prévues en cinq ans, dont 1 120 pour la justice judiciaire dès 2023, et une enveloppe de 80 millions d’euros destinée aux mesures catégorielles, le budget de la mission pour 2023 ouvre la voie vers une institution mieux armée face aux défis de demain.
    Le budget proposé vise aussi à mieux équiper la justice : grâce à la hausse de 44 millions d’euros des CP consacrés à la conduite et au pilotage de la politique de la justice par rapport à 2022, l’institution verra ses équipements modernisés, notamment grâce au déploiement de 16 000 postes de travail portables. De ce point de vue, la justice judiciaire fait l’objet d’une attention particulière que nous tenons à souligner et à saluer. Plus de 1 milliard d’euros sont consacrés au renforcement des moyens de fonctionnement courant, à la transformation numérique et à la rénovation des palais de justice, comme celui de Caen.
    Si une justice mieux équipée permet indirectement de renforcer l’accès au droit et à la justice des Français, l’augmentation des crédits accordés à l’aide juridictionnelle (AJ), qui atteint 641 millions d’euros en 2023, au fonds national France services (FNFS) et à l’aide aux victimes demeure plus que jamais déterminante. Le groupe Horizons et apparentés salue l’investissement dans les 5 000 téléphones grave danger destinés aux victimes de violences conjugales, véritable fléau qu’il convient d’endiguer par tous les moyens. De la même façon, l’augmentation de 11,7 % des crédits alloués à la médiation familiale et aux espaces de rencontre parents-enfants nous semble de nature à favoriser le règlement apaisé des conflits familiaux et la préservation du lien entre l’enfant et ses parents.
    Je tiens à souligner qu’une attention particulière est accordée à la protection judiciaire de la jeunesse, dont les crédits pour 2023 s’élèvent à plus de 900 millions d’euros hors contribution, soit une augmentation de 85 millions d’euros – 10 % – par rapport à 2022. Cette hausse permettra notamment de créer l’an prochain cinq nouveaux centres éducatifs fermés.
    Enfin, redonner confiance, c’est aussi s’assurer de la bonne exécution des décisions pénales, prévenir la récidive et favoriser l’insertion et la réinsertion des personnes détenues – autant de missions fondamentales réalisées par l’administration pénitentiaire. Le groupe Horizons et apparentés salue l’augmentation de plus de 7 % des crédits de paiement en faveur du programme 107, qui devrait notamment permettre de construire 15 000 places de prison supplémentaires, de créer plus de 800 postes dès 2023, mais également de renforcer la sécurité des personnels et des établissements, grâce à la création de nouvelles unités pour détenus violents. Ces projets permettront sans nul doute d’améliorer les conditions de travail des personnels pénitentiaires, de garantir des conditions de détention plus dignes et de remédier au problème de la surpopulation carcérale, qui touche malheureusement trop de maisons d’arrêt.
    Pour toutes ces raisons, le groupe Horizons et apparentés votera, vous l’aurez compris, en faveur des crédits alloués à la mission Justice. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RE et Dem.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Benjamin Lucas.

    M. Benjamin Lucas (Écolo-NUPES)

  • partager

    Ce débat budgétaire est-il normal ? Non. Peut-on faire comme si de rien était ? Non plus ! Nous débattons sans vraiment savoir si nous sommes législateurs ou commentateurs de la politique qui s’écrit pour la nation. Nous débattons pour la première fois après que, la nuit dernière, le Gouvernement a fait un nouvel usage précipité de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution – le troisième depuis le début de cette séquence budgétaire. Depuis des semaines, nous débattons sincèrement, nous votons souverainement, puis le Gouvernement piétine ces résultats. Chers collègues, la démocratie, c’est le débat, mais c’est aussi le vote. (Mme Raquel Garrido applaudit.)
    Il faut – nous le ferons dans la discussion qui s’ouvre – aborder l’indignité de nos prisons, la justice civile débordée, les cabinets de juge pour enfants saturés, le sous-effectif chronique de procureurs, les justiciables déboussolés par des délais infernaux. Monsieur le garde des sceaux, vous qualifiez ce budget de la justice d’historique.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Il l’est !

    M. Benjamin Lucas

  • partager

    Nous sommes prêts à bien des propositions pour faire l’histoire avec vous. Encore faudrait-il que la Première ministre nous en octroie la possibilité. Comment parler ce matin d’un volet de notre loi de finance sans savoir si les votes souverains de cette assemblée seront respectés ou foulés aux pieds ? Ces 49.3 compulsifs sont les symptômes d’un effondrement démocratique. Ce qui est en jeu, c’est une crise de notre histoire républicaine qui dépasse les batailles politiques de ces derniers jours. Ce contexte imprègne nos débats.
    Le Gouvernement muselle le Parlement, pour ne pas avoir à entendre le message exprimé par les Français en juin dernier. Ils vous ont privés d’une majorité absolue après avoir été des millions à réélire Emmanuel Macron par défaut, pour sauvegarder la République de l’extrême droite dont nous sentons sur nos nuques le souffle de haine. (Murmures sur les bancs du groupe RN.)
    Vous faites preuve depuis d’une immense ingratitude à leur égard. Votre pratique du pouvoir n’est pas à la hauteur du moment. Vous avez voulu faire croire que le clivage entre la gauche et la droite, qui a structuré toute notre vie démocratique et républicaine depuis deux siècles, pouvait être remplacé par une technocratie néolibérale, fédérant les renégats des deux camps et les ambitieuses vedettes de l’écran ou des prétoires.

    M. Erwan Balanant

  • partager

    On peut parler du budget de la justice ?

    M. Benjamin Lucas

  • partager

    Tous sont mis au service d’une orientation politique qui ne s’écrit qu’en fonction des caprices du prince, par et pour sa jouissance du pouvoir. De Benalla à McKinsey, de Kohler à Dupond-Moretti, c’est toujours la préservation du clan qui passe avant l’intégrité de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Erwan Balanant

  • partager

    Dommage, vous n’aurez plus le temps de parler de la justice !

    M. Benjamin Lucas

  • partager

    Les corps intermédiaires sont marginalisés, les contre-pouvoirs ignorés, les citoyens méprisés. Il y a cinq ans, vous avez prétendu – et peut-être même sincèrement cru pour certains d’entre vous – réinventer la politique. En réalité, vous l’avez abîmée.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Quel rapport avec le budget de la justice ?

    M. Benjamin Lucas

  • partager

    Le cynisme et le désordre, c’est vous ! Vous êtes cyniques quand, à celles et ceux qui vivent l’éco-anxiété, symptôme de notre temps face au réchauffement climatique, vous répondez par des terminaux gaziers, par la soumission aux forces de l’argent et aux lobbies en tous genres et par le 49.3.

    M. Erwan Balanant

  • partager

    On n’est pas à un congrès du PS !

    M. Benjamin Lucas

  • partager

    Le vrai désordre, c’est le dérèglement du climat.
    Vous êtes cyniques quand, à tous ceux qui réclament dignité et égalité, vous refusez avec obstination et en dépit des voix qui s’élèvent jusque dans vos rangs et à travers le monde, de remettre de la morale, de la justice ou tout simplement de la décence pour partager, pour limiter l’accaparement des richesses et des ressources par une microscopique caste de privilégiés et par le 49.3.

    M. Erwan Balanant

  • partager

    C’est beau !

    M. Benjamin Lucas

  • partager

    Le vrai désordre, c’est l’injustice et un contrat social en état de mort clinique. Vous êtes cyniques car vous avez fait élire quatre-vingt-neuf députés d’extrême droite et avez élu, oui élu, deux d’entre eux à des responsabilités jamais atteintes depuis Vichy. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) À cause de vous, jamais la famille Le Pen n’a été aussi proche du pouvoir. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)

    M. Emeric Salmon

  • partager

    Ce sont les Français qui nous ont élus !

    M. Benjamin Lucas

  • partager

    Le vrai désordre, c’est quand l’extrême droite impose ses thèmes et ses termes. Il est minuit moins une pour notre démocratie. Vous, vous répondez, persistants, par le cynisme et les faux procès à la gauche – à l’image du Président de la République hier soir –,…

    M. Sacha Houlié

  • partager

    Faux, vous avez bien rédigé votre motion de censure de manière à ce qu’elle soit votée par le RN !

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

  • partager

    Mais non ! C’est de la provocation que de le prétendre !

    M. Benjamin Lucas

  • partager

    …et par le 49.3. Puisqu’hier vous avez récidivé et que nous entamons l’examen de cette seconde partie du projet de loi de finances, il fallait que cela soit dit. Soyez-en convaincus, avec nos collègues de la Nouvelle Union populaire, écologique et sociale, nous défendrons la démocratie pour deux, pour trois, pour 577 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Philippe Berta

  • partager

    Ben voyons !

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Davy Rimane.

    M. Davy Rimane (GDR-NUPES)

  • partager

    Nos échanges au cours de l’examen de cette mission ont bien souvent porté sur le manque d’attractivité des métiers de la justice, les difficultés de fonctionnement, l’amoncellement des stocks de dossiers à traiter et les vacances de poste. Nous rappelons en boucle le manque chronique d’effectifs et de moyens, en laissant peut-être un peu en retrait ce qui devrait primer dans la feuille de route, à savoir l’aspect extrêmement humain des métiers de la justice, le sens du service public, la dévotion pour l’intérêt général, qu’il convient à tout prix de conserver.
    Oui, monsieur le garde des sceaux, pour reprendre vos propos en commission des lois, 1 500 magistrats supplémentaires, « ce n’est pas rien », 1 500 fonctionnaires de greffe supplémentaires, « ce n’est pas rien » et l’installation d’une équipe autour du magistrat, « ce n’est pas rien ».
    Ce n’est pas rien, mais c’est insuffisant et ce n’est pas la peine de nous rappeler encore une fois que la justice est mieux dotée depuis qu’Emmanuel Macron est président de la République que lorsque la gauche était au pouvoir. C’est une question non pas de droite ou de gauche, mais de justice. Celle-ci doit être mieux dotée, n’en déplaise à certains. C’est une question de décence, d’humanité, de dignité, auxquelles nous avons tous droit, que l’on se trouve du bon ou du mauvais côté des barreaux.
    Comment préserver le sens du service public, indispensable au bon fonctionnement de la justice, dans un pays où la pauvreté explose ? Comment le préserver dans un pays condamné dix-sept fois par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour traitement carcéral inhumain ou dégradant (M. Benjamin Lucas applaudit), où les détenus sont contraints de dormir sur des matelas posés à même le sol ? Comment le préserver dans un pays dont le système judiciaire est pointé du doigt par la Commission européenne pour l’efficacité de la justice ?
    Prenons des chiffres précis : 12 millions de personnes sont touchées par la pauvreté – les territoires ultramarins sont particulièrement concernés, alors qu’ils ne concentrent que 3 % de la population française. Moins d’un Guyanais sur trois n’est pas considéré comme pauvre ! Un facteur aggravant touche spécifiquement les territoires d’outre-mer : l’illettrisme, qui s’y élève à 40 % et qui bloque encore davantage l’accès au droit. L’aide juridictionnelle s’annonce largement sous-dotée car cette réalité socio-économique n’a pas été prise en compte dans le calcul du budget. Pourtant, en toute logique, l’augmentation de la pauvreté entraîne mécaniquement une demande plus importante de cette aide.
    Près de 30 000 places de prison ont été construites durant les vingt-cinq dernières années, sans autre effet que d’aggraver encore la surpopulation carcérale. Les condamnations de la France se succèdent, les conditions de détention indignes persistent – « Quelle indignité ! Sur le service public en plus ! », comme dirait Nicolas Sarkozy. D’après les chiffres, l’administration pénitentiaire bénéficie d’une progression budgétaire et d’un accroissement des effectifs, mais dans les faits, ni les postes supplémentaires, ni les fonds supplémentaires ne viendront à bout des problèmes d’heures supplémentaires, de pression hiérarchique, de rythme de travail, en un mot, du mal-être.
    La France compte 11 juges pour 100 000 habitants, alors que la moyenne est de 22 en Europe ; 35 greffiers pour 100 000 habitants alors que la moyenne du Conseil de l’Europe s’établit à 56. Le sous-investissement nuit en premier lieu aux délais de traitement, qui atteignent six cent trente-sept jours pour un dossier en première instance dans une procédure civile, contre 237 en moyenne dans le reste de l’Europe. En outre-mer, le problème de maillage territorial est encore accentué. À titre d’exemple, alors que la Guyane a la taille de l’Autriche, son barreau ne compte que 80 avocats.
    Alors que la justice est perçue comme éloignée et inefficace, il n’est guère étonnant que, sur les plateaux télé, certains se permettent d’appeler à la « perpétuité directe » ou au « rétablissement du bagne de Cayenne », dans l’affaire dramatique du meurtre de la petite Lola. J’en profite pour rappeler, car cela me semble primordial, que ce genre de propos contribue à stigmatiser les territoires d’outre-mer.
    Ce budget ne sera historique que si la France réussit à relever tous les défis qui s’imposent à elle et à diligenter une justice digne, responsable et efficace pour tous nos concitoyens.
    Monsieur le garde des sceaux, vous avez taxé mardi notre collègue de La Réunion, Emeline K/Bidi, d’« indécence » pour avoir mis en exergue les difficultés des professionnels de la justice et les drames qui les accompagnent. Au vu de l’actualité judiciaire qui vous concerne, je trouve cette réaction cocasse. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES et ?Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Michel Castellani.

    M. Michel Castellani (LIOT)

  • partager

    La justice a droit à une belle augmentation de 8 % en un an pour ce premier budget de la législature. Ce n’est certes pas un luxe, mais des efforts et des moyens budgétaires ont été fournis, personne ne peut le nier.
    Tout n’est pas pour autant parfait et la justice souffre encore de trop nombreux maux, dont, en premier lieu, une crise des recrutements que le ministère peine toujours à résoudre. Alors que la Première ministre, dans sa déclaration de politique générale, annonçait la création de 3 000 postes de magistrats et de greffiers, seuls 200 postes de magistrats sont prévus ici. Pourquoi reporter les efforts qui permettraient le recrutement des 1 500 juges manquant à notre système judiciaire et dont l’absence affecte directement le principal indicateur de la mission, la durée de traitement des affaires judiciaires ? Celle-ci reste si élevée qu’il est trop souvent difficile de rendre justice dans un délai raisonnable, ce qui expose la France à de nouvelles condamnations européennes. Le rapport du comité des états généraux de la justice préconisait le renforcement de l’entourage du magistrat. Pourtant, là aussi, les initiatives pour renforcer l’attractivité des emplois sont au point mort.
    Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires ne met pas en doute votre volonté d’augmenter l’effort en matière carcérale. Des moyens importants sont prévus, avec 650 millions d’euros pour les investissements immobiliers, notamment dans le plan « prison ». Cependant, le taux d’occupation des maisons d’arrêt a dépassé 130 % en 2023, si bien que l’on peut s’interroger sur les effets des investissements sur son évolution.
    Nous nous inquiétons également des faibles recrutements dans l’administration pénitentiaire. Malgré la volonté de recruter du ministère, les résultats ne sont pas là. Au-delà des efforts en matière de rémunération, quels autres moyens sont déployés pour renforcer l’attractivité de ces métiers ? Je veux en tout cas rendre hommage au personnel qui œuvre au quotidien dans des conditions difficiles.
    J’en viens à la prorogation du dispositif expérimental de médiation préalable pour certaines affaires familiales. Alors que c’est la troisième depuis 2016, elle ne concerne que onze juridictions. La pandémie ne saurait à elle seule justifier la faiblesse de ce déploiement. Nous éprouvons également des doutes concernant son financement puisque l’évaluation préalable évoque un coût total de 7,7 millions d’euros, dont seulement 2,8 millions pour l’État. Ce sont donc les CAF – caisses d’allocations familiales – qui devront prendre en charge les 75 % restants. Vous indiquez que vingt-quatre à trente-trois juridictions supplémentaires pourraient être concernées sans détailler le choix des territoires concernés. Comment le ministère peut-il chercher à proroger le dispositif avant même d’avoir obtenu des garanties que les CAF poursuivront ce modèle de financement ?
    Enfin, j’appelle l’attention du garde des sceaux et de la représentation nationale sur la situation particulière de la Corse. Vous le savez, nous avons engagé un processus de discussion entre l’État et la collectivité de Corse. Il convient en effet d’avancer pour trouver une solution aux lourds problèmes économiques, sociaux et culturels de l’île et – je veux le redire ici – une issue politique globale qui intègre la question des prisonniers.
    Nous avons sollicité et attendons la création d’une commission d’enquête parlementaire pour faire toute la lumière sur l’assassinat d’Yvan Colonna. L’immense majorité des citoyens et des forces politiques de Corse attend aussi des réponses sur la possibilité de libération conditionnelle de Pierre Alessandri et Alain Ferrandi. Hier, la Cour de cassation a ordonné un nouvel examen de la demande de semi-liberté de Pierre Alessandri. Je souhaite que ce processus aboutisse enfin pour ces deux hommes. Je souhaite une solution conforme au droit et surtout à l’esprit du droit.
    Il est de notre devoir de faire de la bonne politique et d’apporter enfin, dans tous les domaines – économique, culturel, social –, les remèdes à toutes les avanies dont la Corse souffre depuis tant de décennies. Nous attendons. La Corse attend depuis longtemps et exprime démocratiquement cette attente de solutions pragmatiques, y compris pour ses prisonniers. (M. Jean-Victor Castor appplaudit.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Sacha Houlié.

    M. Sacha Houlié (RE)

  • partager

    Je m’émeus d’entendre dire que ce projet de budget de la justice risque de ne pas être débattu, alors qu’il l’a été des heures durant, en commission des lois. Nous l’avons amendé et avons adopté tous les crédits de la mission Justice ; ce travail accaparant, qui ne fut pas vain, doit être valorisé.
    Y a-t-il meilleur budget que celui de la justice ? Ce budget, que nous examinons au début de la seconde partie du débat sur le projet de loi de finances, manifeste notre intérêt et notre ambition pour le service public en France. Il atteint presque 10 milliards d’euros.
    Monsieur le garde des sceaux, en commission, vous l’avez dit avec des mots simples mais efficaces : « c’est un budget qui prévoit du plus », et non du moins.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Voilà !

    M. Sacha Houlié

  • partager

    Depuis 2017, il a augmenté de 44 %. Le Rassemblement national a coutume de dire que vous êtes Mme Taubira en pire. Eh bien, vous êtes trois fois pire, puisqu’alors que celle-ci n’a permis qu’une augmentation de 15 % du budget de la justice, l’augmentation est trois fois plus importante avec vous ! (Applaudissements sur les bancs des commissions, ainsi que sur les bancs des groupes RE et Dem.)
    Vous êtes aussi tellement mieux que ceux qui vous ont précédé pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy que vous avez prévu plus de moyens budgétaires là où ils en avaient prévu moins. On peut saluer ce budget qui, comme vos budgets précédents, augmente de 8 %.
    Plus de justice, c’est plus de crédits pour chaque programme, qu’il s’agisse de la justice judiciaire, de la protection judiciaire de la jeunesse ou encore de l’administration pénitentiaire qui va compter 2 253 agents supplémentaires. Chers collègues qui vous plaignez sans arrêt d’une baisse du nombre de fonctionnaires, qu’attendez-vous pour dire que c’est bien, en l’occurrence (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE),

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

  • partager

    Si les postes ne sont pas pourvus, cela ne change rien !

    M. Sacha Houlié

  • partager

    …mais aussi pour reconnaître que les magistrats vont être mieux payés ? Les syndicats de la magistrature, pourtant peu réputés pour leur indulgence, ont fait des communiqués de presse pour expliquer qu’ils avaient gagné budgétairement. Qu’attendez-vous pour en dire autant ? Je pourrais vous ensabler sous les chiffres tant il y en a, mais un seul suffira pour vous montrer à quel point ceux qui nous critiquent sont aux fraises : cela fait deux ans que le seuil des 9 000 magistrats, objectif que vous brandissiez comme un étendard, a été dépassé. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.) Il y a deux ans, quand j’assistais à la rentrée solennelle de janvier, on me disait : « Il n’y a plus de magistrats, ceux qui sont partis en détachement n’ont pas été remplacés. » Mais ce n’est plus le cas.

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

  • partager

    Venez dans les tribunaux judiciaires !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    On y va tous les jours !

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

  • partager

    Moi aussi !

    M. Sacha Houlié

  • partager

    Des magistrats sont recrutés et l’ensemble du corps est mieux payé. Le recrutement concerne également les greffiers. Nous sommes au rendez-vous des états généraux de la justice.
    Je crois utile de répéter ici ce qui a été évoqué en commission des lois comme, par exemple, à propos du plan de 15 000 places supplémentaires en prison. Il est vrai qu’on les promet depuis longtemps, mais elles arrivent et elles sont d’autant plus essentielles qu’elles vont faire diminuer la proportion des places indécentes. Il y a ainsi un solde de 2 000 places nouvelles, soit plus de 3 600 créées pour 1 600 places vétustes fermées, et le solde est même de 2 500 si l’on compte les 500 prévues d’ici la fin de l’année. Créer des places de prison, ce n’est pas enfermer plus, mais enfermer mieux, c’est préparer à la sortie. Voilà une politique sur laquelle on peut se rejoindre et que vous devriez donc soutenir. Dans les tribunaux comme dans les établissements pénitentiaires, les moyens alloués sont d’une ampleur inégalée.
    Lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, le dispositif téléphone grave danger dormait dans un tiroir – on le reconnaissait parfois même sur les bancs des Républicains –, les ordonnances de protection n’étaient pas prises faute de procédure d’urgence et le bracelet antirapprochement n’existait pas. Tous ces outils sont aujourd’hui effectifs et on va atteindre en la matière des chiffres inégalés. Ainsi, il y a 5 000 TGD dans le pays.

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

  • partager

    Finalement, tout va bien !

    M. Sacha Houlié

  • partager

    Je pourrais multiplier les exemples qui confirment mon propos. Ainsi, le numérique est dorénavant déployé dans les tribunaux alors qu’il y a quelques années encore, il n’y avait même pas le wifi, et le budget alloué à l’aide juridictionnelle est passé de 450 millions d’euros en 2017 à 640 millions d’euros en 2022.
    Certes, je trouverai toujours des gens pour me dire que ce n’est pas Byzance. Mais alors si, pour eux, la justice idéale est Rome, je leur dis que celle-ci ne s’est pas faite en un jour et que tous les chemins nous y mènent aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Philippe Schreck.

    M. Philippe Schreck (RN)

  • partager

    Au pays de la séparation des pouvoirs, le pouvoir exécutif maintient depuis de trop nombreuses années le pouvoir judiciaire…

    M. Erwan Balanant

  • partager

    L’« autorité judiciaire » ! C’est la Constitution !

    M. Philippe Schreck

  • partager

    …dans le dénuement budgétaire. Il appartient donc au pouvoir législatif de dénoncer cette situation, puis de la corriger puisque le PLF 2023, dans la rédaction qui nous est présentée, n’y parvient pas ou ne le fait que de façon imparfaite. La hausse des crédits demeure insuffisante et doit être relativisée en fonction des hausses indiciaires légitimes ainsi que de l’inflation. La hausse du budget de la justice suit celle du budget de l’État, ni plus ni moins ; il n’y a pas là matière à s’en glorifier en permanence.
    Aujourd’hui encore, la France demeure mal placée parmi les pays européens en termes de dépense par habitant consacrée à la justice ainsi qu’en pourcentage du PIB dévolu à celle-ci. Notre justice, quoi qu’on dise, reste drapée dans une robe de pauvreté qui l’entrave, l’empêchant de mener à bien les politiques qui lui sont dévolues et surtout de dire et de faire appliquer le droit au profit de tous et dans des délais acceptables. Telle est la situation du juge judiciaire et de l’administration pénitentiaire.
    Le juge judiciaire poursuivra son office en gérant les bouts de chandelles, en jonglant avec les postes non pourvus et en continuant à rechercher des greffiers, des ordinateurs et des salles d’audience ; la charge de dossiers par procureur de la République demeurera inadaptée à l’exercice de ses missions ; les justiciables continueront à attendre trop longtemps que leurs causes soient étudiées, ce qui alimente un sentiment de défiance croissant à l’égard de l’institution.
    Une hausse du budget pour tendre vers quoi d’ailleurs ? Outre qu’elle est insuffisante, cette hausse est de surcroît mal dirigée. Ainsi, les objectifs en termes d’emprisonnement diminuent d’année en année pour être remplacés par des myriades de peines alternatives ou de substitution qui ne sont que des peines Bisounours, totalement inadaptées à une société de plus en plus violente et dans laquelle le passage à l’acte est de plus en plus instantané ! Les hausses budgétaires financeront surtout l’impunité.
    L’administration pénitentiaire est, comme souvent, une des grandes oubliées de l’État. Pourtant, elle aussi fut héroïque pendant la crise sanitaire. Vous vendez, monsieur le ministre, un budget qui se dit ambitieux avec en point d’orgue un plan de création de 15 000 nouvelles places de prison à l’horizon de 2027. Mais les données budgétaires nous permettent d’affirmer que cet objectif ne sera pas atteint et qu’il est peu sincère.
    Passons sur le fait, tout de même contradictoire, que vous vouliez créer 15 000 places de prison mais n’y faire entrer que très peu de condamnés, une telle création d’ici à 2027 suppose au moins 5 000 à 6 000 postes nouveaux, tous métiers confondus, dans l’administration pénitentiaire. Or cet objectif n’est même pas recherché puisqu’en 2023 seuls 489 nouveaux emplois seront affectés à l’administration pénitentiaire pour 1 938 places de prison créées. Le plan d’embauche ne permettra donc pas, même à terme, d’armer en femmes et en hommes le plan « 15 000 places ». Celui-ci ne sera jamais efficace, faute d’être accompagné des emplois correspondants. L’objectif est d’autant plus chimérique que les métiers de l’administration pénitentiaire sont en crise : ils font l’objet d’une désaffection car ils sont peu valorisés, du fait notamment d’un recrutement en catégorie C et du faible nombre de mutations vers la catégorie B. Comment procéder à tous les recrutements nécessaires alors que plus personne ne veut entrer dans l’administration pénitentiaire et même que beaucoup veulent la quitter ?
    En outre, il n’aura échappé à personne que nos prisons sont devenues des zones de non-droit…

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Ce n’est pas un discours, mais une caricature.

    M. Philippe Schreck

  • partager

    …et de trafics en tous genres avec l’intrusion de produits stupéfiants par la technique du yoyo et par l’utilisation de plus en plus fréquente de drones depuis l’extérieur. Elles sont aussi des lieux de violence entre détenus et envers le personnel. Les crédits affectés à la sécurité passive et active ne permettront pas de juguler ces phénomènes en pleine expansion et qui mettent en péril la fonction de réinsertion de la prison.
    Enfin, s’agissant de l’accès au droit, la rémunération des auxiliaires de justice et l’aide juridictionnelle restent sous le seuil de rentabilité des dossiers, générant de fait une justice à deux vitesses, ce qui n’est pas acceptable dans une démocratie moderne.
    Le groupe Rassemblement national aurait, vous l’avez compris, monsieur le ministre, de nombreuses raisons de s’opposer à ce budget. Ce n’est qu’en considération du plan de 15 000 places à l’horizon de 2027 – avec toutes les réserves sur son application concrète – qu’avant discussion, notre groupe prévoit de s’abstenir sur le vote de la mission Justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Raquel Garrido.

    Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES)

  • partager

    Je n’aborderai pas à la question du 49.3 qui nous pend au nez, mais vous savez tous que si le Gouvernement décide d’appliquer à nos travaux cet article abusif, la Constitution prévoit que l’engagement de sa responsabilité nous permet en retour d’utiliser l’outil de la motion de censure… Ces jours-ci, le boulet n’est pas passé loin.

    M. Éric Poulliat, rapporteur pour avis

  • partager

    Votre dernière motion était light pour complaire au RN ! Quelle compromission !

    Mme Raquel Garrido

  • partager

    Les Français savent très bien que, s’il se trouvait dans cette chambre une majorité pour faire chuter le Gouvernement, ils seraient chargés, eux, de trouver une nouvelle majorité dans le cadre d’une nouvelle élection en nous opposant les uns aux autres puisque nous sommes tous des concurrents et même des adversaires – ceux qui prétendent le contraire sont des menteurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Je voudrais d’emblée éviter un faux débat : le budget de la justice est en augmentation. Pas la peine de chipoter, pas la peine de jouer au jeu où les uns disent : « Nous, on a fait plus que nos prédécesseurs », et les autres : « Non, ce n’est pas vrai, ça ne va pas. » On peut certes constater que l’augmentation des crédits sera grignotée par l’inflation et que celle-ci ne permettra pas à notre pays de monter dans le classement de la Cepej, d’autant que les autres pays augmentent, eux aussi, leur budget de la justice. Mais il y a tout de même une augmentation, on ne peut le nier.
    Cela dit, je demande à nos collègues et au garde des sceaux de renoncer, eux aussi, au déni. Car comment se fait-il que malgré une augmentation globale de 8 %, les dysfonctionnements continuent ? Comment se fait-il que la souffrance perdure et que peut-on faire toute de suite ensemble, dans la coconstruction, pour l’atténuer ? Je rappelle à titre d’exemple que 431 candidats sont admissibles au concours de la magistrature de la dernière session. Pourquoi ne sont-ils pas tous déclarés admis ? Nous le proposons dans un amendement. (Rire de M. Erwan Balanant.)
    Cela vous fait rigoler, collègue, alors que dans les tribunaux, on attend de nouveaux juges ! J’entends dire que les amendements déposés par la NUPES sont excessifs et qu’on ne peut pas les financer… Mais qu’en est-il de celui-ci ? Il permettrait de rajouter quelques centaines de juges dès maintenant. Est-ce qu’on peut au moins débattre de cette proposition…

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Bien sûr.

    Mme Raquel Garrido

  • partager

    …ou tout n’est-il que de la com’ – « Moi, j’ai fait mieux que Hollande », « Moi, j’ai fait mieux que Sarkozy » ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.) Nous, au groupe LFI-NUPES, on veut s’intéresser à ce qui se passe réellement dans les juridictions. Et si vous refusez de voter ce type d’amendements pourtant de bon sens et d’hyper-repli, des amendements qui permettraient d’améliorer tout de suite le sort des greffiers, des juges et des justiciables, cela veut dire que vous faites perdurer en connaissance de cause la souffrance de l’ensemble des auxiliaires de justice, des greffiers, des juges et des justiciables. Et ce n’est pas acceptable ! (Mêmes mouvements.)

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Arrêtez !

    Mme Raquel Garrido

  • partager

    Nous avons fait diffuser l’autre jour à l’Assemblée nationale le film La justice à bout de souffle, produit par le barreau de Paris ; une greffière y évoque un de ses collègues qui, à Mayotte, a voulu passer à l’acte ultime pour attirer l’attention sur sa juridiction, et elle m’a demandé de vous poser la question suivante : monsieur le ministre, combien de morts faudra-t-il pour attirer votre attention ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Je l’ai rencontré.

    Mme Raquel Garrido

  • partager

    Je ne le nie pas. On en a tous rencontré. Raison de plus pour demander que le budget soit correctement alloué. Nous avons des désaccords sur le fait de savoir s’il faut mettre plus l’accent sur le carcéral ou sur la justice judiciaire comme des amendements y invitent. S’agissant des 15 000 places de prison supplémentaires dont on nous parle tant, le président de la commission des lois a reconnu lui-même qu’il n’y en aura pas autant. Vous avez indiqué en commission des lois que 2 000 places ont été créées durant le quinquennat précédent, que 500 le seront dans les six prochains mois et que 5 000 autres seront dans les clous, mais cela ne fait pas 15 000 ! Il en manque dans les 8 000 !
    Arrêtons donc la com’, la popol ou la poloche comme dit souvent le garde des sceaux ; allons à l’efficacité. Aujourd’hui, alors qu’une perte de sens génère une souffrance dans les juridictions, on nous pond quoi ? Un projet de loi de programmation provenant du ministère de l’intérieur qui va multiplier les peines automatiques !

    M. Lionel Royer-Perreaut

  • partager

    Ce n’est pas le sujet !

    Mme Raquel Garrido

  • partager

    Si, collègue, considérer qu’on peut se dispenser d’un juge au motif qu’on pourrait se contenter d’une amende forfaitaire, c’est le mépriser ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.) Et c’est ce qui fait souffrir les greffiers, les juges et tous les autres personnels de justice ; les justiciables souffrant, eux, de ne plus avoir accès à une justice de qualité, celle qui requiert du temps et qui coûte un peu, mais à laquelle il faut absolument consacrer des investissements dignes de notre nation si riche. (Mêmes mouvements.)

    M. Lionel Royer-Perreaut

  • partager

    Ce n’est pas le sujet !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Madame Garrido, vous votez le budget ou pas ?

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Ian Boucard.

    M. Ian Boucard (LR)

  • partager

    « La justice, c’est difficile à rendre », déclariez-vous il y a quelques jours sur un plateau de télévision, monsieur le garde des sceaux. Et je vous rejoins totalement sur ce point. C’est la raison pour laquelle il est important de lui donner les moyens de ses ambitions dans ce projet de loi de finances pour 2023. Comme chaque année évidemment, la majorité présidentielle et le Gouvernement se félicitent d’un budget de la justice présenté comme exceptionnel, voire historique alors que, nous le savons, rien ne va changer fondamentalement pour les justiciables.
    En 2023, la plupart de nos concitoyens devront toujours attendre près de deux années pour qu’une décision de justice soit rendue et cela n’est pas acceptable dans un pays comme la France.
    Il est vrai que le budget de la justice augmente chaque année. C’est particulièrement le cas pour 2023, ce que je tiens à saluer. Cette augmentation sera-t-elle suffisante pour que la justice soit mieux rendue ? Non, assurément. En effet, malgré les hausses des crédits intervenues ces dernières années, notre système judiciaire se dégrade petit à petit. Je citerai quelques-unes des causes de cette évolution.
    Les crédits d’investissement ne peuvent pas être dépensés. En trois ans, une année complète de crédits n’a pas été dépensée – et le covid n’explique et n’excuse pas tout.
    Le programme de construction de prisons n’est pas réalisé. L’ouverture de 15 000 places était prévue pour le premier quinquennat ; ce chiffre est aujourd’hui ramené à 7 000 places d’ici à la fin de l’année 2022, accompagnées, peut-être, de 8 000 places supplémentaires à l’horizon 2027. Alors que nous arrivons à la fin de la première échéance, à ce jour, seules 2 081 places ont été ouvertes, et il devrait y en avoir seulement 2 000 supplémentaires en 2023 avec la livraison de dix nouveaux établissements.
    Nos prisons sont délabrées et indignes avec un taux d’occupation qui ne fait qu’augmenter passant de 119,4 % en 2020 à 126 % en 2021. L’année 2022 s’annonce encore plus compliquée : le taux d’occupation atteindrait 129 % selon les estimations.
    Enfin, le temps d’attente pour les justiciables est insupportable : le délai moyen de traitement par la Cour de cassation des affaires civiles est passé de 17,9 mois en 2020 à 19,1 mois en 2021. Le délai moyen de traitement devant la Cour d’appel est quant à lui de 17,5 mois en 2021, alors qu’il était de 17 mois en 2020. Il faut donc en moyenne plus d’un an et demi pour que ces juridictions prennent une décision. Ces lenteurs étaient déjà difficilement acceptables par le passé ; elles ne font qu’augmenter d’année en année.
    Il y a néanmoins des points positifs dans ce budget, qu’il est important de souligner, notamment en ce qui concerne les créations d’emplois. En 2023, le ministère bénéficiera ainsi de la création de 2 253 équivalents temps plein (ETP), dont 1 220 seront créés dans les services judiciaires pour renforcer la justice de proximité et résorber la vacance d’emplois dans les greffes. Vous voyez, monsieur le garde des sceaux, que je tiens un discours vraiment pondéré : quand ça ne va pas, j’en parle, mais je parle aussi de tout ce qui va…

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    En même temps, ce sont des chiffres incontestables !

    M. Ian Boucard

  • partager

    Je les salue lorsqu’ils sont bons. (Sourires.) Si vous acceptez l’éloge, considérez aussi ce que j’ai dit avant d’en arriver là.
    Je reviens aux 2 253 ETP supplémentaires. On comptera parmi eux 809 emplois dans l’administration pénitentiaire pour l’ouverture de nouveaux établissements, pour développer la sécurité pénitentiaire, favoriser la réinsertion et améliorer la prise en charge des détenus, mais aussi 92 emplois pour la PJJ afin de renforcer l’accompagnement des jeunes qui lui sont confiés et mettre en œuvre la réforme de la justice pénale des mineurs.
    Toutes ces créations d’emplois sont une bonne nouvelle et elles ne seront pas de trop eu égard à l’augmentation du nombre d’affaires à juger dans nos tribunaux, à la paupérisation de nos prisons et au manque de sécurité latent qu’elles connaissent.
    En juin 2022, 241 361 personnes étaient prises en charge par l’administration pénitentiaire, dont 71 678 sous écrou. Heureusement, les 43 000 agents des services pénitentiaires, dont près de 30 500 personnels de surveillance et 5 000 personnels des Spip, sont présents chaque jour pour contribuer à la réinsertion et assurer la sécurité des détenus. Je souhaite leur rendre hommage, car ils font beaucoup avec peu de moyens. Ils font d’ailleurs très souvent l’objet de violences de la part de la population carcérale, violences en augmentation qui nécessitent des investissements de sécurité plus importants que ceux prévus dans ce budget.
    Pour conclure, monsieur le garde des sceaux, je rebondis sur une réponse que vous m’aviez apportée lors du Beauvau de la sécurité, lorsque je vous avais interrogé sur la réforme du code de procédure pénale, réclamée à la fois par les forces de l’ordre et par une bonne partie de l’institution judiciaire. Avec votre verve habituelle, vous m’aviez répondu que le code de procédure pénale ne se réformait pas d’un coup de baguette magique, ce que j’entends bien. Cette réponse a désormais un an et demi, et les quelques éléments qui figurent dans la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire ne sont pas suffisants aux yeux des acteurs. Une réforme ambitieuse permettrait pourtant d’alléger le travail de ceux qui garantissent l’ordre et de ceux qui rendent la justice, sans coûter un euro de plus. Où en sommes-nous ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    J’ai déjà répondu en commission des lois ! Vous n’avez pas écouté ! (Sourires.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Erwan Balanant.

    M. Erwan Balanant (Dem)

  • partager

    À l’heure où nos concitoyens manifestent auprès de chacun de nous leur attachement à une justice de proximité, ancrée dans la modernité et assurant son office dans la plénitude de ses besoins, le groupe Démocrate (MODEM et indépendants) se satisfait du budget présenté aujourd’hui.

    Mme Raquel Garrido

  • partager

    Fayot d’or !

    M. Erwan Balanant

  • partager

    Tout en délicatesse, madame Garrido. Comme d’habitude ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.)
    Je suis heureux de défendre au nom de mon groupe la mission Justice tant elle poursuit les efforts pour réformer et refondre notre système judiciaire. S’il fallait le rappeler, nous sommes face à un budget sans précédent…

    M. Benjamin Lucas

  • partager

    Depuis Vercingétorix !

    M. Erwan Balanant

  • partager

    …de 9,6 milliards d’euros, en hausse de 8 % pour la troisième année consécutive : 710 millions d’euros supplémentaires viennent ainsi participer au service public de la justice. Nous ne pouvons nier que nous avançons dans le bon sens pour améliorer notre système judiciaire, car, affirmons-le, la justice est au cœur de notre société. Elle est la condition d’un pacte social fort et apaisé qui nous permet de régir ce que nous sommes en droit de faire et définit quelles ambitions nous souhaitons donner à notre vivre-ensemble.
    Si notre groupe se réjouit des moyens dont la justice se dote à présent pour assurer son action, ce budget ne constitue encore qu’une étape qu’il nous faut valoriser. En effet les efforts doivent se poursuivre, nous devons continuellement nous améliorer et renforcer nos actions pour que chaque citoyen se sente protégé et ait confiance en notre système judiciaire. Monsieur le ministre, notre groupe se tient à vos côtés pour œuvrer dans ce sens.
    La mise en œuvre de la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, le renforcement de la justice de proximité, les états généraux de la justice se poursuivent et se renforcent pour former ensemble un socle solide et faire de notre société un lieu de paix où la délinquance, les délits et les crimes n’ont pas leur place.
    Vous écrivez, dans la circulaire de politique pénale générale du 20 septembre dernier, que « le foyer familial doit être érigé en sanctuaire protecteur au sein duquel il ne saurait être accepté la moindre violence ». Pourtant, trop d’enfants décèdent encore aujourd’hui dans le cadre familial : on en a compté cinquante-trois en 2019 et quarante-neuf en 2020. Face à ce terrible constat, fidèle à sa tradition de coconstruction et sans dénaturer le budget, notre groupe tient à rappeler l’importance de lutter efficacement contre toute forme de violence exercée au sein de la cellule familiale. Tel est l’objectif de l’amendement que nous avons déposé afin de systématiser les retours d’expérience des professionnels à l’occasion de ce drame que constitue le décès d’un enfant dans le cadre familial. Nous sommes heureux que les discussions en commission aient pu nous conduire à réfléchir au modèle adéquat susceptible, je l’espère, de recueillir ici l’adhésion de tous.
    Notre système judiciaire doit aussi se moderniser en accélérant sa transformation numérique pour accompagner au mieux chacune et chacun et pour être certain qu’aucune injustice ne restera impunie. Les crédits pour la mission Justice sont importants et révèlent aussi les améliorations que nous devons encore apporter pour permettre à chaque professionnel du secteur de travailler dignement, et à chaque citoyen, plus particulièrement à notre jeunesse, de se sentir protégés.
    Avec les améliorations apportées à la protection judiciaire de la jeunesse et le suivi de l’évaluation de la réforme du code de justice pénale des mineurs, notre jeunesse tient une place essentielle dans cette mission, et je salue cette initiative. Je rappelle qu’un certain nombre de ceux qui siégeaient dans cet hémicycle au cours de la précédente législature ne voulaient pas de ce code dont on voit aujourd’hui la réussite…

    M. Ian Boucard

  • partager

    Elle est historique ! (Sourires.)

    M. Erwan Balanant

  • partager

    Oui, monsieur Boucard, une réussite historique. Quand on passe d’une durée de dix-huit mois ou deux ans pour rendre des décisions à huit mois, je considère que c’est historique.
    La réforme de la justice pénale des mineurs a porté ses fruits en encadrant la procédure judiciaire, en réduisant le temps de jugement, mais également en permettant son évaluation constante grâce à la mise en place d’une trentaine d’indicateurs pour continuer à apprécier l’application du code.
    Le groupe Démocrate votera les crédits proposés parce qu’il veut améliorer notre société. Si nous voulons avoir les moyens de notre ambition, si nous voulons que les valeurs de justice sociale, d’équité et d’humanisme régissent notre quotidien, nous devons avancer et réfléchir ensemble, avec les moyens nécessaires, pour que notre système judiciaire soit à la hauteur des attentes des citoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem ainsi que sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    M. Philippe Berta

  • partager

    Bravo !

    Mme la présidente

  • partager

    Les porte-parole des groupes se sont tous exprimés.
    La parole est maintenant à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

  • partager

    Je veux tout d’abord vous dire mon plaisir d’être parmi vous ce matin pour parler justice ; mieux encore, pour parler moyens de la justice. Vous le savez, le renforcement massif des moyens de la justice est ma priorité absolue. Il faut dire que l’héritage de ces trente dernières années n’est pas encore soldé. La route sera longue mais mon cap, et celui de cette majorité, est très clair : se donner enfin les moyens d’une justice qui réponde aux attentes de nos compatriotes. Une justice plus rapide, plus efficace, plus protectrice, une justice à la hauteur de ce que doit être ce grand service public qui fonde notre pacte social : c’est cela que nos concitoyens appellent de leurs vœux, et c’est cela que le projet de loi de finances pour 2023 propose, grâce à la volonté du Président de la République et de la Première ministre.
    En effet, après deux hausses de plus de 8 %, en 2021 et en 2022, le projet de budget que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui autoriserait une troisième hausse consécutive de plus de 8 % au profit de notre justice. En 2023, ce sont ainsi 710 millions d’euros supplémentaires qui viendraient abonder le service public de la justice, dont les crédits s’élèveraient au total à 9,6 milliards d’euros.
    Ces moyens importants permettront d’alimenter les trois grands axes de ma politique. Il y aura tout d’abord une progression de 9 % pour les services judiciaires, dont les crédits atteindraient 3,39 milliards d’euros en 2023. L’augmentation des crédits consacrés à l’administration pénitentiaire dépasserait ensuite 7 % pour atteindre un budget de 3,91 milliards d’euros en 2023 – je sais, monsieur Sacha Houlié, que vous y êtes sensible. Enfin, les crédits de la protection judiciaire de la jeunesse augmenteront de plus de 10 % et s’élèveront en conséquence à 917 millions d’euros pour 2023 – je sais qu’il s’agit pour beaucoup d’entre nous, comme Mme Cécile Untermaier, d’un enjeu majeur.
    Ces crédits nous permettront de mieux prendre en charge, et plus rapidement, les mineurs qui nous sont confiés. Ils favoriseront le développement des outils qui mesureront l’efficacité des moyens alloués à la justice pénale des mineurs. Je pense en particulier au logiciel « Parcours » destiné à suivre de façon fine la prise en charge des mineurs et d’en mesurer les effets dans la durée.
    Mais la protection judiciaire de la jeunesse s’inscrit, encore plus peut-être aujourd’hui, dans des politiques qui concernent toute la jeunesse. Ainsi, en matière de harcèlement scolaire, sujet qui vous préoccupe beaucoup, monsieur Balanant, nous encourageons les partenariats entre les procureurs et les chefs d’établissement scolaire sur tous les territoires et nous poursuivons bien évidemment les travaux avec le secteur associatif pour traiter de cette question si délicate.
    Avec une hausse de plus de 26 % du budget de la justice en trois ans, depuis mon arrivée, et de plus de 40 % si l’on prend comme point de départ le début du premier quinquennat du Président de la République, le nouvel effort budgétaire est inédit. Certains d’entre vous diront que ce sont des économies de bouts de chandelle. Non, c’est un effort historique, qui n’a jamais été vu sous la Ve République. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.) Je me suis dit, sans doute avec beaucoup de naïveté et de candeur, que tous les députés devant lesquels j’aurai l’honneur de m’exprimer ce matin jugeraient que ce budget n’est au fond pas si mal, car personne avant nous n’a été jusque-là – personne !

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

  • partager

    Il n’y avait pas d’inflation avant !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Mais non, certains sur ces bancs continuent à minauder, à chipoter – c’est le mot que vous avez utilisé tout à l’heure, madame Garrido. Évidemment, vous aimez ce mot quand il sort de ma bouche : la poloche est-elle plus importante que le reste ? Ne pouvons-nous pas nous arrêter deux minutes pour dire nos désaccords démocratiques (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem) et, en même temps, pour reconnaître que ce budget est un effort historique ? Quant à ceux d’entre vous qui me donnent en permanence des leçons,…

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

  • partager

    C’est un expert qui parle !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    …ils choisissent de s’abstenir. En clair, ils refusent de donner à la justice les moyens qui, nous le savons tous, sont absolument indispensables. Bien sûr, tout n’a pas été réparé. Mais comme l’a dit tout à l’heure le président de la commission des lois qui, soit dit en passant, m’a volé cette formule que je veux désespérément mienne, plus n’est pas égal à moins !

    Mme Raquel Garrido

  • partager

    Personne n’a dit le contraire !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Lorsque je suis entré au Gouvernement et que j’ai présenté mon premier budget, je n’ai cessé d’entendre : « Il n’arrivera pas à le refaire l’année suivante ! » Quand, l’année suivante, j’ai à nouveau présenté le budget de mon ministère, certains l’ont critiqué, usant de cette expression syndicale : « Ce ne sont que des cacahuètes ! » Ce matin, je vous présente pour la troisième fois mon budget, avec une augmentation de 8 %. Je le répète, qu’on le veuille ou non, plus n’est pas égal à moins ! Notre justice n’a jamais été aussi bien dotée que depuis que le Président de la République a été élu ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)
    Ces choses étant précisées, je vais entrer dans le détail, chiffres à l’appui. Les mots, voyez-vous, ont un sens, un double sens, un contresens ; on peut ne pas être d’accord sur leur définition ou leur signification. Mais les chiffres, eux, restent en place et sont incontestables. Je souhaite vous présenter en détail ce que ces moyens supplémentaires permettront de financer en 2023 et dans les années à venir.
    La justice s’incarne d’abord dans les hommes et les femmes qui la servent. Je veux adresser, ici, mes profonds remerciements aux magistrats, aux greffiers, aux personnels pénitentiaires – ils sont la troisième force de sécurité de notre pays –, aux juristes assistants, aux avocats, aux professionnels du droit, aux agents administratifs. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.) Je salue leur engagement dans l’œuvre de justice.
    Le présent budget acte le plan de recrutement le plus important de l’histoire du ministère, avec 10 000 emplois supplémentaires d’ici 2027. La création de 1 500 postes de magistrats et de 1 500 postes de greffiers est d’ores et déjà actée. Cela représente un doublement des créations d’emploi par rapport au premier quinquennat du président. Par ailleurs, en 2023, 1 220 agents seront recrutés au sein de la justice judiciaire, 809 dans l’administration pénitentiaire et 92 dans les services de PJJ. Pour assurer ce niveau de recrutements, il nous faut davantage renforcer l’attractivité des métiers de la justice, notamment par des revalorisations salariales. J’en profite pour répondre à M. Castellani. S’il est vrai que le nombre de candidats aux concours de la magistrature avait chuté de manière significative au début des années 2010, cela n’est plus le cas aujourd’hui. L’année dernière, plus de 4 000 personnes ont candidaté aux différents concours de la magistrature. Un tel niveau de candidatures promet un vivier large qui permettra un recrutement de qualité dans les années à venir.
    Le budget pour 2023 permettra, encore une fois, d’augmenter les crédits obtenus au titre des mesures catégorielles à hauteur de 80 millions d’euros pour revaloriser les professionnels du ministère. Sur ce montant total, 30 millions seront alloués aux magistrats, avec une revalorisation inédite de leurs primes de 1 000 euros par mois en moyenne, et 50 millions iront au reste de nos fonctionnaires.
    Je veux vous rassurer, monsieur le rapporteur spécial. Les modalités de cette revalorisation sont en cours d’expertise, j’ai déjà eu l’occasion de vous le dire devant la commission des lois. En principe, la rémunération est faible, en particulier pour les jeunes en début de carrière. La revalorisation sera plus importante pour eux, allant au-delà de 1 000 euros.
    Je dois le dire, je suis un peu choqué par les propos que vous avez tenus tout à l’heure. Vous vous êtes plaint de l’absence de réponse de mon ministère aux questions des parlementaires. Or, à ce jour, le taux de réponse est de 95 %.

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

  • partager

    Pas au 10 octobre, soit la date prévue par la loi !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Contrairement à ce que vous dites ou à ce que vous pensez, le ministère de la place Vendôme fonctionne.

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

  • partager

    Peut-être, mais il n’est pas exemplaire !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Les personnels que je dirige sont totalement impliqués dans leurs missions. J’insiste, ils répondent à hauteur de plus de 80 % aux parlementaires qui souhaitent les interroger.

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

  • partager

    Plutôt 20 % !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Ces crédits permettront également de poursuivre et de finaliser le plan de construction des 15 000 places de prison supplémentaires voulues par le Président de la République. En 2023, pas moins de dix établissements pénitentiaires seront livrés, soit sept structures d’accompagnement vers la sortie et trois centres pénitentiaires proprement dits. Ces opérations sont complexes ; elles ont parfois été retardées, notamment en raison du covid. Certains réclament la sécurité mais ne sont jamais prompts à donner un terrain pour y construire un établissement pénitentiaire. Nous, nous avons surmonté les difficultés contentieuses, foncières et politiques…

    Mme la présidente

  • partager

    Veuillez conclure, monsieur le ministre.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    …et nous parviendrons à finaliser ce projet en 2027. Nos engagements seront tenus. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

  • partager

    Je vous prie de bien vouloir conclure, monsieur le ministre. Le temps de parole du Gouvernement a été fixé à dix minutes. (Protestations sur les bancs du groupe RE.)

    M. Rémy Rebeyrotte

  • partager

    Le temps de parole est illimité pour les membres du Gouvernement !

    Mme la présidente

  • partager

    Pour la discussion des crédits des différentes missions, la conférence des présidents a décidé de limiter à dix minutes le temps de parole du Gouvernement.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Je n’en ai pas été informé ! Il me semblait que le ministre avait un temps de parole illimité. (Exclamations sur les bancs des groupes RN et LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

  • partager

    Non, pas pour ce qui est de la discussion des crédits.

    Plusieurs députés du groupe LFI-NUPES

  • partager

    Il faut respecter les règles !

    Plusieurs députés du groupe RN

  • partager

    Respectez la loi !

    M. Laurent Jacobelli

  • partager

    Il va falloir vous adapter, monsieur le ministre !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    C’est extraordinaire. Vous vous plaignez de l’absence de débat et, quand le ministre vous répond, vous ne souhaitez pas l’écouter ! (Vives exclamations sur les bancs des groupes RN et LFI-NUPES. – Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)

    Mme Raquel Garrido

  • partager

    C’est le 49.3 parlementaire !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Puisque vous voulez une conclusion, je vous la livre ! Vous connaissez cette expression : « Quand je me regarde, je me désole ; quand je me compare, je me rassure. » (Sourires sur les bancs du groupe RE.) En matière budgétaire, les donneurs de leçon feraient bien de s’inspirer d’une position faite d’humilité, de silence et de rétrospection. Au-delà des divergences qui sont les nôtres, je veux que nous agissions en responsabilité. Le Rassemblement national est extraordinairement critique, toujours critique (Vives exclamations sur les bancs du groupe RN), mais il s’abstient de voter le budget dont les magistrats ont besoin ! La réalité, c’est que la justice, sur le plan budgétaire, n’a jamais été aussi bien dotée. (Exclamations et claquements de pupitre sur certains bancs du groupe RN.) Si vous voulez augmenter les moyens de la justice, alors votez ce budget ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

    Mme la présidente

  • partager

    Je vous remercie, monsieur le ministre.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Bravo pour la censure, c’est formidable !

    M. Laurent Jacobelli

  • partager

    On n’est pas à Fresnes, il y a des règles ici !

    Mme la présidente

  • partager

    Nous en venons aux questions-réponses. Je vous rappelle que la durée de chaque question et de chaque réponse est fixée à deux minutes.
    La parole est à Mme Élisa Martin.

    Mme Élisa Martin (LFI-NUPES)

  • partager

    Monsieur le garde des sceaux, je veux vous parler de la justice civile : celle qui ne prononce pas de peines mais qui règle les litiges ; celle à laquelle, le cas échéant, la majorité des Français peuvent être confrontés – en un mot, la justice du quotidien. Nous vous avons écouté : ayez la courtoisie d’en faire autant !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    On ne m’a pas écouté, on m’a censuré !

    Mme Élisa Martin

  • partager

    Cette justice est au bout du rouleau. C’est celle de « l’appel des 3 000 », publié en novembre 2021, qui témoignait d’un grand épuisement autant physique que moral et dénonçait froidement la situation par ces mots : « nous ne voulons plus d’une justice qui n’écoute pas, qui raisonne uniquement en chiffres, qui chronomètre tout et comptabilise tout ». Êtes-vous sourd, monsieur le garde des sceaux ?
    Une première réponse est tombée, tel un couperet, avec le rapport Sauvé, intitulé « Rendre la justice aux citoyens ». Bien que les civilistes aient eu à cœur d’alimenter la réflexion, seules dix pages y étaient consacrées à la justice civile. Allongement des délais, justice au rendement – voire au rabais –, déshumanisation, perte de sens : voilà ce que nous déplorons ! La suppression des tribunaux judiciaires n’a rien arrangé et contribue même à élargir le fossé entre les Français et l’institution judiciaire.
    Monsieur le garde des sceaux, vous vous vantez beaucoup de l’augmentation globale de votre budget. Certes, c’est une réalité. Mais en quoi la part consacrée à la justice civile permettra de relever structurellement ces défis ? Quelles perspectives donnez-vous au monde judiciaire, aux avocats, aux greffiers et aux magistrats, qui veulent assurer leur mission de service public et garantir l’accès au droit de tous les Français ? Que répondez-vous aux citoyens qui, démocratiquement et légitimement, aspirent à une justice efficace et juste ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Regardez ce que nous avons fait. Nous avons embauché 720 magistrats, 850 greffiers et 2 000 contractuels. Qui a fait mieux avant nous ?

    Mme Danielle Brulebois

  • partager

    Personne !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Sous la présidence de François Hollande, seuls 27 magistrats ont été recrutés. Durant le mandat de Nicolas Sarkozy, le chiffre des recrutements était négatif puisque les magistrats partant à la retraite n’étaient pas remplacés. Pour notre part, nous avons ouvert des points-justice pour les plus défavorisés, nous avons augmenté le montant de l’aide juridictionnelle, nous avons recréé des juridictions. Je veux bien que plus soit égal à moins mais, au bout d’un moment, j’en ai assez de vos critiques ! Il y a ce que l’on fait, il y a ce que vous souhaitez qu’on fasse et il y a ce que nous allons faire. Les états généraux de la justice, nous allons les mettre en place. Le plan d’embauche qui est prévu – et qui sera tenu – est le plus important que ce ministère ait jamais connu ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)

    M. Benjamin Lucas

  • partager

    Vous n’avez pas écouté la question !

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Élisa Martin.

    Mme Élisa Martin

  • partager

    Monsieur le garde des sceaux, quelle que soit la façon dont vous présentez les choses, la distorsion entre vos propos et la réalité – en particulier dans les tribunaux d’instance – perdure. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Émilie Chandler.

    Mme Émilie Chandler (RE)

  • partager

    Elles s’appelaient Marie-Lise, Éléonore, Ghania. Je pourrais citer le nom de tant d’autres femmes, mais leur nombre est tel qu’il m’est impossible de le faire dans les deux minutes qui me sont imparties. Nous examinons aujourd’hui le budget consacré à la justice. Cette justice, elle doit être la même pour tous, être aussi efficace pour tous. La justice, on peut en dire ce que l’on veut : qu’elle est trop lente, trop laxiste, trop dure, ou qu’elle est tout cela à la fois. Mais il faut reconnaître une chose : la justice est une demande essentielle de nos concitoyens, en particulier lorsqu’elle concerne des événements aussi tragiques que le meurtre d’une femme par son compagnon, tout simplement parce qu’elle est une femme.
    En 2022, elles sont quatre-vingt-neuf à être mortes sous les coups d’un homme. C’est autant de procédures à mener à leur terme, c’est autant de femmes qui, n’en doutons pas, ne voulaient plus vivre à genoux. C’est pour éviter que de tels drames ne se multiplient que le Président de la République a fait des violences faites aux femmes un axe essentiel de son premier quinquennat. Le budget de la justice pour 2023 connaît une hausse de 8 % par rapport à 2022. C’est 710 millions d’euros en plus pour les prisons, pour les tribunaux et, surtout, pour les femmes et les hommes qui veillent chaque jour au bon fonctionnement de notre justice. Ma question est simple, monsieur le ministre. Comment intégrez-vous dans le budget pour 2023 l’enjeu des violences faites aux femmes et, au-delà, l’ensemble des violences intrafamiliales ? Quels moyens y sont dévolus ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Madame la députée, je veux saluer l’engagement qui est le vôtre. La lutte contre les violences intrafamiliales est un sujet majeur qui est au cœur de nos préoccupations. Nous avons formé des magistrats à cette question et le ministre de l’intérieur a souhaité qu’il en soit autant des enquêteurs. Nous avons mis en place le téléphone grave danger – à la disposition de nos juridictions – et le bracelet antirapprochement. Aujourd’hui, les ordonnances de protection sont prises en six jours. Par ailleurs, nous avons facilité l’hébergement des victimes, mais aussi celui des auteurs des violences – c’est non pas une faveur laxiste, comme le disent certains, mais une absolue nécessité. Nous avons lancé l’expérimentation du casque de réalité virtuelle pour sensibiliser les auteurs de violences et éviter les récidives.
    Nous avons renforcé les lieux où une victime peut à la fois être soignée et se confier pour être prise en charge judiciairement. Le budget pour la protection des victimes de violences intrafamiliales a été multiplié par trois depuis 2017 et par deux depuis 2020 : 16,1 millions d’euros y seront dédiés, contre 8 millions d’euros à mon arrivée en 2020.
    Voilà la réponse que je peux vous faire. Le sujet est au cœur de nos préoccupations. Je souhaite que l’on fasse plus encore et que l’on soit encore plus efficace, car c’est un enjeu sociétal absolument essentiel. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Hubert Brigand.

    M. Hubert Brigand (LR)

  • partager

    On a beaucoup parlé des 15 000 places de prison – les mêmes, je pense, qu’il y a deux, cinq, dix ou quinze ans. En ce qui me concerne, je passe mon temps à manifester dans les territoires où, de façon autoritaire, le ministère veut imposer des prisons sans concertation. Il y a des manifestations, on bloque les rues, des conseillers municipaux démissionnent ou déposent des recours ; si bien que, entre le moment où le ministère décide autoritairement d’installer une prison et celui où elle ouvre, il peut se passer dix ans.
    Je passe également du temps à manifester dans des territoires qui veulent, eux, des prisons, et auxquels on explique : « Ah, non, vous comprenez, vous n’y avez pas droit, ce n’est pas possible chez vous » avec des critères très contestables. Non, on ne comprend pas : nous nous battons pour en avoir, et d’autres se battent pour le contraire ! Je trouve cela dommage. Ma circonscription souhaite clairement accueillir un établissement pénitentiaire, ce qui devrait faciliter les démarches.

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

  • partager

    La mienne aussi. On attend toujours !

    M. Hubert Brigand

  • partager

    Vous avez vos critères et les élus locaux ont les leurs. Ma question est donc la suivante : que comptez-vous faire pour ouvrir le dialogue afin d’installer des prisons de manière concertée dans des territoires qui sont prêts à les accepter ? (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LR, RE et HOR.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Il est compliqué d’implanter une prison car les plus grands demandeurs de sécurité ne sont pas toujours prêts à offrir un terrain. Vous n’imaginez pas combien de temps j’ai passé à trouver les terrains nécessaires ! Nous les avons, maintenant, et le programme « 15 000 » suit son cours ; j’ai passé une partie de mon été à visiter des chantiers et nous serons au rendez-vous de nos obligations.
    Votre situation est un peu atypique. Vous proposez un terrain, mais celui-ci doit correspondre à des besoins : il doit être situé à une certaine distance du palais de justice et à proximité d’axes routiers permettant le transfèrement des détenus et la visite des familles. Ce n’est pas : « Tiens, on me propose une prison ! » Souvent, nous visons un terrain qui correspond aux critères que nous avons identifiés, mais les élus n’en ont pas envie ; il faut un certain courage citoyen pour accepter un établissement pénitentiaire.

    Mme Danielle Brulebois

  • partager

    Tout à fait !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Dans ces cas-là, l’Apij – Agence publique pour l’immobilier de la justice – se déplace pour expliquer qu’un établissement pénitentiaire sécurise davantage la commune où il est implanté, qu’il ne représente aucune perte en matière d’immobilier et que l’arrivée des détenus, et naturellement des gardiens avec leur famille, fait prospérer l’économie locale. Tout cela, nous sommes parfaitement habilités à le faire et nous le faisons ; encore faut-il que l’établissement pénitentiaire corresponde à un besoin.
    Je veux rassurer la représentation nationale : les 15 000 places nettes, et même un peu plus, nous y arriverons, et les promesses du Président de la République seront respectées. C’est à la fois une question de dignité pour les détenus, une question de confort pour les agents pénitentiaires et un enjeu de sécurité car, quand les conditions sont plus dignes – ou moins indignes –, il y a moins d’insécurité au sein des prisons et l’on peut alors développer la réinsertion des détenus.
    Voilà la réponse que je peux vous faire. Je me tiens naturellement à votre disposition pour vous expliquer toutes ces choses dans le détail et vous montrer précisément ce qui sort de terre, ce qui est sorti de terre et ce qui est en passe de sortir de terre. (Mme Danielle Brulebois applaudit.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. le rapporteur spécial.

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

  • partager

    Monsieur le garde des sceaux, vous nous dites que tout va bien, mais je voudrais tout de même insister sur la réponse au questionnaire budgétaire. La place Vendôme a reçu les questions avant le 15 juillet et la loi organique prévoit que les réponses sont à retourner pour le 10 octobre. Au 10 octobre, nous avions obtenu très précisément 20 % des réponses. En outre, grâce au Gouvernement, les crédits de la mission Justice, dont la discussion était initialement envisagée pour le 4 novembre, sont examinés aujourd’hui. Encore une fois, vous faites travailler le Parlement dans des délais extrêmement courts : certaines réponses nous sont parvenues samedi soir, pour un rapport à rendre pour mardi. Alors, vraiment, le respect du Parlement de la part de la Chancellerie, on peut en parler !
    Je voudrais maintenant évoquer un élément très factuel. Aujourd’hui, vous deviez être à Saint-Nazaire pour visiter un centre éducatif fermé ; en raison du chamboulement de l’agenda voulu par le Gouvernement, vous êtes aujourd’hui au banc. Eh bien, aujourd’hui, au tribunal de Saint-Nazaire, les quelque trente-cinq agents du personnel de greffe vont accrocher leur robe noire dans la salle des pas perdus du tribunal. Savez-vous pourquoi ? Parce qu’il y a un décalage énorme entre ce que vous dites à la tribune et ce qui se passe dans les tribunaux. Depuis septembre 2021, le personnel de greffe de ce tribunal a connu quatre détachements, deux démissions, un départ en retraite : sept postes qui ne sont toujours pas remplacés. Les postes existent, mais ils ne sont pas remplacés ! À l’application des peines, il y a deux greffiers à 50 % alors qu’ils devraient être deux à 100 % ; à l’exécution des peines, il y a un greffier à 80 % au lieu de deux greffiers à 100 %. Ils travaillent dans l’urgence en permanence. Pourtant, la vie des gens est en jeu.
    Monsieur le garde des sceaux, que faites-vous pour traiter les problèmes concrets ? On le sait, vous avez l’habitude des effets de manche, mais l’écart avec la réalité est abyssal. On a l’impression que ça n’imprime pas. Ce qui est incroyable, c’est qu’avec vous, moins devient plus. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Il est caricatural de m’attribuer des propos selon lesquels tout irait bien. Si tout allait bien, j’aurais accompli une mission au-delà des espérances humaines et politiques qui sont les miennes et je ne serais plus membre du Gouvernement. Cette caricature, cette provocation m’étonne de votre part et ne fait pas avancer le débat.

    Mme Marine Hamelet

  • partager

    C’est la réalité !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Les 720 magistrats, les 850 greffiers, les 2 000 contractuels que nous avons embauchés sont arrivés dans les juridictions. Ils ont permis une baisse importante – 30 % en moins – des stocks sur le plan national. Ne dites pas que tout cela n’est rien. Évidemment, vu les plans d’embauche qui étaient les vôtres, je comprends que vous tentiez d’expliquer à vos électeurs que le personnel que nous avons embauché ne sert strictement à rien. C’est d’ailleurs un peu injurieux à leur égard.
    Effectivement, j’étais censé aller à Saint-Nazaire. Cela veut dire que je vais sur le terrain, que je rencontre les gens et que je les entends.

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

  • partager

    Heureusement !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Je n’ai jamais dit que tout était réglé ; si tout était réglé, je ne me serais pas battu pour obtenir un budget historique pour la troisième année consécutive. Ma réponse, monsieur Hetzel, c’est le budget : que vous le vouliez ou non, plus n’est pas égal à moins.
    Je veux bien que personne ne salue ces efforts, qu’on trouve que c’est de la poloche. Mais en comparaison avec ce qui a été fait avant, nous n’avons pas à rougir. Je ne fais pas dans la forfanterie, dans le culturisme en disant : « Tout est réglé. » Je n’ai jamais dit cela, parce que ce n’est pas vrai. Si tel était le cas, je n’aurais pas mis en place les états généraux de la justice et le Président de la République n’aurait pas annoncé un plan d’embauche de 10 000 personnes pour concrétiser ce qui a été l’un des engagements forts de sa campagne présidentielle. On n’est pas obligé de caricaturer. Quand le budget augmente, on peut s’arrêter une toute petite seconde pour dire : « Au fond, ce n’est pas mal. » Qu’il y ait des divergences entre nous, c’est bien normal dans une démocratie, mais on ne peut pas dire que nous n’avons pas fait les efforts que nous avons faits. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et HOR.)

    Mission Justice (état B)

    Mme la présidente

  • partager

    J’appelle les crédits de la mission Justice, inscrits à l’état B.
    Sur l’amendement no 1320, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Carlos Martens Bilongo, pour soutenir l’amendement.

    M. Carlos Martens Bilongo

  • partager

    Dix millions de pauvres en France, ce sont 10  millions de personnes susceptibles de faire appel à l’aide juridictionnelle une fois justiciables. Cette aide est l’un des derniers instruments garantissant l’accès des plus modestes à une justice effective de qualité. Or force de constater que la prise en charge par l’État des frais liés à une procédure est aujourd’hui largement insuffisante. Pour les avocats, travailler à l’aide juridictionnelle revient clairement à travailler à perte ou à être payé avec des mois de retard. Cela revient à faire peser sur les auxiliaires de justice une charge démesurée qui consiste uniquement à compenser les insuffisances de l’État.
    La garantie d’accès à un procès équitable et à une défense effective ne doit pas être soumise au revenu, à moins d’assumer que la justice française est purement une justice de classe. Nous défendons ici un réel investissement dans l’aide juridictionnelle. Les avocats témoignent que le temps d’attente pour l’octroi des rémunérations est long : entre le jugement et le dépôt du dossier, le délai varie entre trois semaines et plusieurs mois. Mettez fin à la précarité des avocats et augmentez le budget de l’aide juridictionnelle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

  • partager

    L’amendement vise à augmenter de 650 millions d’euros les crédits de l’aide juridictionnelle. Rappelons que celle-ci a été plusieurs fois réformée au cours des dernières années, y compris en 2020 : les critères d’éligibilité ont été modifiés, des demandes peuvent désormais être formulées par voie électronique et l’unité de valeur de rétribution des avocats a été portée à 36 euros. Évidemment, c’est moins que ce qui avait été préconisé par le rapport Perben et du chemin reste à parcourir pour améliorer l’aide juridictionnelle, mais une augmentation de 650 millions serait énorme et peu réaliste par rapport aux évolutions de crédits de ces dernières années. L’amendement avait été débattu et repoussé par la commission. Avis défavorable.

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Je rappelle que les crédits de l’aide juridictionnelle ont été augmentés de 50 % en trois ans, passant de 430 à 641 millions d’euros pour 2023, ce qui va au-delà des préconisations du rapport Perben. Je suis défavorable à cet amendement.

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Carlos Martens Bilongo.

    M. Carlos Martens Bilongo

  • partager

    Je vous remercie de votre réponse, mais c’est insuffisant pour les avocats.

    Mme la présidente

  • partager

    Je mets aux voix l’amendement no 1320.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

  • partager

    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        107
            Nombre de suffrages exprimés                106
            Majorité absolue                        54
                    Pour l’adoption                26
                    Contre                80

    (L’amendement no 1320 n’est pas adopté.)

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente

  • partager

    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à dix heures quarante-cinq, est reprise à dix heures cinquante-cinq.)

    Mme la présidente

  • partager

    La séance est reprise.
    Sur les amendements nos 1313, 1796, 1316 et 1312, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale de demandes de scrutin public.
    Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Benjamin Lucas, pour soutenir l’amendement no 1441.

    M. Benjamin Lucas

  • partager

    Monsieur le garde des sceaux, j’ai senti tout à l’heure votre impatience de parler justice : allons-y ! L’aide juridictionnelle permet aux personnes les plus vulnérables de bénéficier d’une prise en charge partielle ou totale des frais engendrés par une procédure judiciaire. Ce système permet à toute personne, qu’elle soit en situation régulière ou non sur notre territoire, de se défendre et de réclamer justice ; c’est l’honneur de notre pays.
    Nous souhaitons lancer le débat sur les moyens de la justice, en particulier sur le budget consacré à l’aide juridictionnelle. Le rapport relatif à l’avenir de la profession d’avocat rendu en juillet 2020 par la mission conduite par Dominique Perben a conclu que ce budget – situé dans la moyenne basse européenne – était insuffisant pour couvrir l’ensemble des besoins. Nous signalons également que les avocats qui sont rétribués au titre de cette aide afin de défendre l’ensemble des justiciables travaillent en majorité à perte.
    Les procédures judiciaires sont complexes, parfois effrayantes. Nous en conviendrons : chacune et chacun doit pouvoir être accompagné par un professionnel. Il ne faut pas minorer le débat sur la capacité de ces professionnels à exercer correctement leur métier. Nous préconisons ainsi des fonds supplémentaires pour l’accès au droit et à la justice.
    L’amendement propose une augmentation de 200 millions d’euros du budget de l’aide juridictionnelle. Cette augmentation prend en compte la hausse constante du nombre de bénéficiaires de l’aide : + 11 % entre 2006 et 2019. Elle permet également de rehausser de 36 à 42 euros l’unité de valeur de l’aide, montant correspondant à la préconisation du rapport Perben de 40 euros, que nous revalorisons au regard de l’inflation.
    Nous pouvons toutes et tous nous accorder sur les besoins criants qui sont ceux de la justice et des professionnels qui œuvrent tous les jours. De nombreux avocats nous interpellent quotidiennement sur l’insuffisance des dotations de l’État en faveur de l’aide juridictionnelle et de leur malaise profond ; nous décidons, enfin, de les écouter.

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

  • partager

    Cet amendement est très proche de celui que nous venons de discuter – seul le montant change. Il appelle donc des arguments de même nature que ceux déjà évoqués. Cela étant, la commission n’ayant pas examiné votre amendement, je ne peux vous donner son avis. À titre personnel, je vous demande son retrait ; à défaut, ce sera un avis de sagesse.

    M. Erwan Balanant

  • partager

    Oh !

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    On aura tout entendu ! Vous mentionnez le rapport Perben relatif à l’avenir de la profession d’avocat, mais nous sommes allés nettement au-delà de ses préconisations.
    Monsieur Lucas, pourquoi n’avez-vous pas glissé à l’oreille de Mme Taubira le grand intérêt que vous portez à l’aide juridictionnelle et la nécessité d’augmenter son budget ? Celui-ci ne l’a jamais été autant qu’aujourd’hui, grâce à la majorité.
    Je suis évidemment défavorable à l’amendement. Il y a ce que l’on dit et il y a ce que l’on fait. Pour ma part, je préfère ce que l’on fait à ce que l’on dit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Cécile Untermaier.

    Mme Cécile Untermaier

  • partager

    Le groupe Socialistes et apparentés soutiendra l’amendement. Christiane Taubira n’a pas été inactive sur le dossier de l’aide juridictionnelle : le montant de l’unité de valeur a été légèrement augmenté lorsqu’elle était garde des sceaux, alors que la croissance était nulle en 2012 et que nous n’avions aucune marge de manœuvre pour en augmenter les crédits.
    L’AJ pose actuellement un vrai problème. Nos concitoyens sont privés de l’aide des avocats qui, découragés, ne se déplacent plus. Le phénomène est très net dans le champ de la justice pénale des mineurs. Les avocats requis refusent de venir aux auditions libres car leur rémunération est trop faible. Nous devons agir avant que le mal soit trop grave et éviter qu’un jour nous ne trouvions plus personne pour assumer cette mission de défense indispensable à un procès équitable.
    Il faut majorer l’unité de valeur de l’aide juridictionnelle. Vous avez fait beaucoup, monsieur le garde des sceaux, nous en convenons, mais Jean-Jacques Urvoas, lorsqu’il était ministre de la justice, avait également rehaussé le budget de l’aide juridictionnelle. Nous n’avons pas changé de position. Avec les magistrats, les avocats travaillent pour garantir le respect de l’État de droit. Il est important de faire un geste pour les soutenir.

    Rappel au règlement

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Benjamin Lucas, pour un rappel au règlement.

    M. Benjamin Lucas

  • partager

    Il se fonde sur le troisième alinéa de l’article 70, M. le garde des sceaux m’ayant mis en cause personnellement, ainsi que Mme Taubira.
    Monsieur le garde des sceaux, je vous rappelle que Mme Taubira a eu le courage de quitter ses fonctions pour protester contre la déchéance de nationalité et de défendre la loi sur le mariage pour tous. De votre côté, vous êtes resté silencieux quand le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a déclaré que Mme Le Pen était « trop molle » ou quand la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales, Caroline Cayeux, a tenu des propos homophobes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Exclamations sur les bancs du groupe RE.)

    Mission Justice (état B) (suite)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Naïma Moutchou.

    Mme Naïma Moutchou

  • partager

    Pour revenir à l’amendement no 1441, si l’aide juridictionnelle est incontestablement une exigence démocratique permettant de garantir l’accès au droit pour tous, je ne peux pas laisser dire que rien n’a été fait jusqu’ici dans ce domaine.

    M. Benjamin Lucas

  • partager

    Personne n’a dit ça !

    Mme Naïma Moutchou

  • partager

    Outre l’excellent rapport Perben auquel j’ai moi-même contribué, je veux citer le rapport que j’ai rédigé en 2019 avec Philippe Gosselin, au nom de commission des lois de l’Assemblée nationale, en conclusion des travaux de la mission d’information sur l’aide juridictionnelle. Pendant six mois, nous avons organisé des auditions sur la réforme de l’AJ. Ce travail nous a conduits à préconiser une augmentation d’au moins 100 millions de son budget. Nous avons été entendus par le Gouvernement, alors que l’aide juridictionnelle n’avait pas bénéficié de crédits supplémentaires depuis au moins six ans. Il s’agissait d’un premier pas.
    En réalité, le véritable problème est de parvenir à une diversification des ressources dans un contexte où les recettes de l’État sont limitées. Parce que toutes les dépenses ne peuvent pas peser sur lui, il convient de réfléchir à d’autres manières de financer l’aide juridictionnelle. Tel était précisément l’objet du travail de la mission d’information.

    Mme Raquel Garrido

  • partager

    Instaurez une taxe sur les superprofits !

    M. Benjamin Lucas

  • partager

    Bonne idée !

    Mme Naïma Moutchou

  • partager

    Si la justice est gratuite pour tous – c’est très bien ainsi –, elle a un coût, répétons-le. Notre responsabilité est aussi de gérer ce coût. Notre rapport formulait plusieurs propositions, comme le rétablissement du droit de timbre, mais sans y soumettre les bénéficiaires de l’aide juridictionnelle. Le droit de timbre, qui présentait l’avantage d’assurer un financement pérenne de l’AJ, fonctionnait de manière satisfaisante. Le gouvernement socialiste a fait une erreur en le supprimant. Le rapport proposait également de taxer certains actes d’enregistrement et il évoquait encore d’autres pistes.
    En tout état de cause, faire reposer le budget de l’aide juridictionnelle sur les seules finances de l’État n’est pas une idée constructive. Cette solution n’était pas pérenne, il faut réfléchir à d’autres manières de financer l’AJ. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes HOR, RE et Dem.)

    M. Erwan Balanant

  • partager

    Bravo !

    M. Benjamin Lucas

  • partager

    Vous êtes main dans la main avec le RN ! (Exclamations sur les bancs du groupe RE.)

    M. Sylvain Maillard

  • partager

    Nous, on ne vote pas de motions !

    M. Olivier Falorni

  • partager

    Et on ne négocie pas avec le RN ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

  • partager

    S’il vous plaît, chers collègues !

    (L’amendement no 1441 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Antoine Léaument, pour soutenir l’amendement no 1317. (Exclamations continues sur les bancs des groupes LFI et RE.)

    M. Antoine Léaument

  • partager

    Fais attention, Benjamin, sinon il va y avoir des rappels au règlement !

    Mme la présidente

  • partager

    Nous écoutons la présentation de l’amendement !

    M. Antoine Léaument

  • partager

    Si vous continuez, je vais invoquer le deuxième alinéa de l’article 70 du règlement sur les scènes tumultueuses ! Faites gaffe, chers collègues ! (Applaudissements et sourires sur les bancs LFI-NUPES.) Vous voyez, on connaît bien le règlement.
    Cet amendement du groupe LFI-NUPES vise à augmenter les moyens affectés à l’accès au droit, à l’aide aux victimes et à l’aide juridictionnelle. Pour l’instant, monsieur le garde des sceaux, votre politique a privilégié la création de places de prison, mais les grands absents de votre projet sont l’accès au droit et l’aide aux victimes. Nous proposons donc un redéploiement de crédits pour financer 400 personnels dédiés aux trois actions du programme 101 Accès au droit et à la justice : l’action 01 Aide juridictionnelle, l’action 02, Développement de l’accès au droit et du réseau judiciaire de proximité, et l’action 03, Aide aux victimes.
    Cet amendement s’inscrit dans la continuité des mesures que nous avons défendues pendant les élections présidentielle et législatives puisque nous proposions de créer, sur cinq ans, 2 000 postes pour les métiers de l’accès au droit, de l’aide aux victimes et de l’aide juridictionnelle. Aujourd’hui, nous vous proposons simplement d’améliorer l’accès à la justice pour tous en renforçant l’accès au droit, l’aide aux victimes et l’aide juridictionnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

  • partager

    Il s’agit, avec cet amendement, d’augmenter de 15 millions les crédits du programme 101, Accès au droit et à la justice, pour recruter 400 personnels supplémentaires. Les associations d’aide aux victimes font un travail important et ont reçu, au cours de l’année écoulée, 359 000 victimes d’infractions pénales, dont 69 % étaient des femmes. Il est certes nécessaire d’augmenter les moyens de l’accès au droit, de l’aide aux victimes et de l’aide juridictionnelle, mais les crédits alloués à ces actions progresseront de 2,4 millions en 2023. La commission a donc émis un avis défavorable sur l’amendement.
    Le sujet est certes préoccupant, mais l’augmentation de 40 % des crédits que vous proposez conduirait probablement à une sous-consommation – nous en avons débattu en commission.

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Le budget de l’État n’est pas le tonneau des Danaïdes. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Mme Moutchou vient de le rappeler. Nous devons faire des choix, qui sont évidemment discutables. Vos critiques sont légitimes. Je les entends et je veux y répondre sans polémique en rappelant qu’une nouvelle augmentation des crédits affectés aux trois actions du programme 101 est prévue cette année – comme c’est le cas tous les ans depuis que je suis garde des sceaux – à hauteur de 32 millions, soit une hausse supérieure à celle que vous proposez. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur votre amendement.

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Raquel Garrido.

    Mme Raquel Garrido

  • partager

    Le budget de l’État n’est pas le tonneau des Danaïdes ? Cela dépend pour qui ! C’est vous qui avez supprimé la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), ce qui se traduit pour l’État par une perte de recettes de 8 milliards. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.)
    C’est vous qui avez rejeté l’instauration d’une taxe sur les superdividendes, mesure qui faisait l’unanimité dans l’hémicycle. Cette taxe n’aurait rapporté que 200 millions, mais c’est beaucoup plus que ce que nous demandons pour renforcer le budget du programme 101 en faveur de l’aide aux victimes, que nous ne proposons d’abonder que de 15 millions.
    À ceux qui disent qu’on ne peut pas se servir indéfiniment dans le budget de l’État, je renvoie le même argument.

    M. Benjamin Lucas

  • partager

    C’est une formule !

    Mme Raquel Garrido

  • partager

    Ce sont eux qui se servent dans le budget de l’État pour préserver leurs amis ultrariches.

    M. Lionel Royer-Perreaut

  • partager

    Le disque est rayé !

    Mme Raquel Garrido

  • partager

    En attendant, les justiciables sont privés d’un accès satisfaisant à la justice.

    M. Olivier Falorni

  • partager

    Ce n’est pas gentil ! Un peu de respect pour le garde des sceaux !

    Mme Raquel Garrido

  • partager

    Revenons aux faits, si vous le voulez bien. Depuis ce matin, j’ai trop entendu parler de François Hollande, de Christiane Taubira et de Nicolas Sarkozy, dont je me fiche complètement.

    M. Olivier Falorni

  • partager

    François Hollande va être content !

    Mme Raquel Garrido

  • partager

    Ce qui m’intéresse, c’est l’action de ce gouvernement et de cette assemblée nationale !

    M. Olivier Falorni

  • partager

    Christiane Taubira va être contente !

    Mme Raquel Garrido

  • partager

    Sommes-nous capables de soutenir le programme 101 en le dotant d’un budget de 15 millions d’euros ? M. le rapporteur spécial l’a souligné à juste titre, ces crédits supplémentaires seraient les bienvenus pour améliorer l’aide aux victimes. Oui ou non ? Nous allons connaître rapidement la réponse avec le vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    (L’amendement no 1317 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Thomas Portes, pour soutenir l’amendement no 1313.

    M. Thomas Portes

  • partager

    Vous avez beaucoup vanté vos chiffres, monsieur le garde des sceaux. Ce n’est pas avec leur montant que nous sommes en désaccord, mais avec leur ventilation. Cet amendement propose d’augmenter les crédits affectés au recrutement de magistrats.
    Il y a un peu moins d’un an, 3 000 magistrats et une centaine de greffiers lançaient dans une tribune du Monde : « Nous ne voulons plus d’une justice qui n’écoute pas et qui chronomètre tout. » Le 15 décembre 2021, une journée de grève historique a mobilisé 12 % des magistrats. Ils ne sont pourtant pas autorisés à se mettre en grève, ce qui aurait dû vous alerter sur la gravité de leur situation.
    Qu’avez-vous fait depuis ? Rien, ou si peu. Vous pouvez multiplier les effets d’annonce, présenter des chiffres prétendument historiques sur les plateaux de télévision ou rire sur votre banc, personne n’est dupe, ni les professionnels de la justice, ni les justiciables, qui souffrent aujourd’hui de vos décisions.
    En mars 2022, une nouvelle tribune est parue pour vous appeler à vos responsabilités, mais la réponse du ministre au cri des magistrats, une fois encore, n’a pas été à la hauteur, tout comme le budget du ministère. Voilà ce que pensent les professionnels de la justice !
    Contrairement à ce que vous dites, monsieur le garde des sceaux, la justice n’est toujours pas réparée. Les personnels souffrent. Je sais, vous n’aimez pas qu’on vous le rappelle mais, il y a quelques jours, une magistrate est décédée en pleine audience. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    C’est indigne !

    M. Thomas Portes

  • partager

    Les syndicats l’ont dit : ce sont les conditions de travail qui produisent de tels drames, les politiques d’austérité qui conduisent à des morts au travail !

    M. Bruno Studer

  • partager

    Drôle de crise d’austérité !

    M. Thomas Portes

  • partager

    C’est la réalité ! Nous proposons de prévoir le recrutement de 2 600 magistrats durant une année et de 13 000 ETP durant l’ensemble du quinquennat.
    Monsieur le garde des sceaux, la situation est grave. Comme vous l’a demandé ma collègue Raquel Garrido à la tribune, combien faudra-t-il de drames et de morts dans les tribunaux pour qu’enfin le Gouvernement comprenne qu’il est urgent de venir au secours de la justice de notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Bruno Studer

  • partager

    Indécent !

    M. Lionel Royer-Perreaut

  • partager

    Insignifiant !

    M. Olivier Falorni

  • partager

    Parfaitement injuste !

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

  • partager

    L’amendement no 1313 prévoit la création de 2 600 postes de magistrats en 2023 et l’exposé sommaire précise que l’objectif serait de créer 13 000 ETP au cours des cinq années à venir. Objectivement, ces chiffres ne sont pas raisonnables.
    Les états généraux de la justice ont estimé à 1 500 le nombre de magistrats supplémentaires nécessaires au cours du quinquennat, ce qui supposerait le recrutement de 300 magistrats par an. Le Gouvernement est en deçà dans le PLF puisqu’il a prévu d’en recruter 200 chaque année. Reste qu’il faut tenir compte d’un principe de réalité : l’ENM n’a pas la capacité de former 13 000 magistrats dans un délai aussi court. Les recrutements doivent être étalés dans le temps. Avis défavorable à titre personnel, la commission n’ayant pas examiné l’amendement.

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Le comité et les groupes de travail des états généraux de la justice ont mené une analyse fine des besoins au plus près des magistrats et des fonctionnaires. On peut évidemment être dans la surenchère permanente en demandant 15 000, voire 20 000 postes de magistrats – sans se soucier d’ailleurs de la capacité d’accueil de l’ENM. On peut être dans la démagogie, mais ce n’est pas sérieux.
    Je veux aussi vous dire, monsieur le député, que lorsqu’une magistrate de 44 ans meurt en pleine audience, c’est pour la communauté judiciaire tout entière, pour les personnels du ministère et pour moi personnellement un drame humain incommensurable, qu’il n’est pas utile d’instrumentaliser. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.) Tout n’est pas possible, monsieur le député !

    Mme Sophie Errante

  • partager

    Exactement !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Voilà simplement ce que je voulais vous dire. Et maintenant, qu’on le veuille ou non – je le répéterai autant qu’il le faudra –, ce que nous avons fait sur le plan matériel et budgétaire, notamment en matière de renforcement du personnel, ne peut réparer en un claquement de doigts trente ans d’abandon humain, budgétaire et politique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.) Je n’ai jamais eu cette prétention ! Mais la nuance ne semble pas être une vertu que vous partagez avec moi. (Mêmes mouvements.)

    M. Olivier Falorni

  • partager

    Ça, on avait remarqué !

    Mme Sophie Errante

  • partager

    Très bien !

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Thomas Portes.

    M. Thomas Portes

  • partager

    C’est vrai que vous êtes la nuance incarnée, monsieur le ministre : c’est ce qui vous caractérise. (Rires et applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Mais je vais vous rappeler une chose, car il ne s’agit pas ici d’instrumentalisation : après des décès au travail, deux demandes d’expertise ont été déposées auprès du CSE – comité comité social et économique –, notamment en juin 2022, et elles ont été refusées par votre ministère. Les organisations syndicales ont d’ailleurs décidé de ne plus siéger dans ces instances parce que vous refusez de prendre en considération les demandes d’expertise qu’elles vous transmettent.
    Quoi que vous disiez, ce sont votre bilan et vos politiques qui conduisent à la mort de ces personnes au travail ! Voilà la réalité, et nous vous le répéterons tous les jours s’il le faut ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Olivier Falorni

  • partager

    Caricatural ! C’est du grand délire !

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Jean Terlier.

    M. Jean Terlier

  • partager

    Je veux souligner, au nom du groupe Renaissance, l’indécence des propos tenus par notre collègue. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.)

    M. Sylvain Maillard

  • partager

    Bravo !

    M. Jean Terlier

  • partager

    Nous sommes réunis pour discuter des crédits de la justice et d’une augmentation spectaculaire – de 8 % – de son budget, et vous vous servez d’un drame survenu lors d’une audience pour appuyer votre cause : c’est absolument pathétique ! (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Sylvain Maillard

  • partager

    Il a raison !

    M. Olivier Falorni

  • partager

    C’est une stratégie de vautour !

    M. Jean Terlier

  • partager

    Et sur le fond – notre collègue Hetzel l’a très bien dit –, comment voulez-vous former 13 000 magistrats en cinq ans ? Chers collègues, regardez ce qu’est une promotion de magistrats : chaque année, il en sort 250 de l’ENM. Comment voulez-vous en former plus de 2 000 par an ? Un magistrat, ça ne se décrète pas ; ça se forme ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.) Cela suppose quatre années d’études de droit et trente et un mois de formation à l’ENM !

    M. Olivier Falorni

  • partager

    Au Venezuela, ils ne sont pas formés : ils sont nommés !

    M. Jean Terlier

  • partager

    Vos amendements sont complètement incongrus et mériteraient d’être retirés ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

  • partager

    Je mets aux voix l’amendement no 1313.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

  • partager

    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        139
            Nombre de suffrages exprimés                138
            Majorité absolue                        70
                    Pour l’adoption                28
                    Contre                110

    (L’amendement no 1313 n’est pas adopté.)

    M. Sylvain Maillard

  • partager

    Très bien !

    M. Olivier Falorni

  • partager

    On va demander un rapport sur le Venezuela !

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Raquel Garrido, pour soutenir l’amendement no 1796.

    Mme Raquel Garrido

  • partager

    Je vais vous prendre au mot et avancer dans la discussion. Vous dites que nous ne sommes matériellement pas en mesure de former 13 000 nouveaux magistrats en cinq ans. Je vais donc vous proposer un amendement d’hyper-repli :…

    M. Laurent Jacobelli

  • partager

    Quelle générosité !

    Mme Raquel Garrido

  • partager

    …vraiment, je vais descendre au minimum de ce dont nous pouvons convenir ensemble. Vous dites que les candidats à la magistrature ne se trouvent pas sous le pied d’un cheval,…

    M. Laurent Jacobelli

  • partager

    On dit sous le sabot !

    M. Thomas Ménagé

  • partager

    Ce n’est pas une élue rurale !

    Mme Raquel Garrido

  • partager

    …ou plutôt sous le sabot d’un cheval, et donc qu’il ne sert à rien d’en inventer qui n’existent pas. Je vous propose donc un retour à la réalité, en ne tenant compte que de ce qui existe réellement et dont nous sommes certains. Il y a 431 personnes qui ont obtenu l’admissibilité à l’ENM lors de la session de 2022 : 431 personnes sont admissibles, et vous avez ouvert 285 postes au concours. Je vous propose donc de créer 146 postes – et non 13 000, ni 2 000 – supplémentaires ; je vous parle de 146 personnes dont nous avons les noms et les prénoms, et qui sont motivées pour faire ce métier.

    M. Bruno Studer

  • partager

    Et qui n’ont pas été admis.

    M. Benjamin Haddad

  • partager

    Vous voulez donc baisser le niveau du concours ?

    Mme Raquel Garrido

  • partager

    Ouvrons ces 146 postes au concours (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES) ; vous pourrez alors proposer à ces personnes de bonne volonté de commencer immédiatement leur formation afin qu’elles puissent se trouver devant les justiciables en août 2025. On me dit que cela va poser des problèmes en matière de logement ; mais, dans la sixième puissance du monde, je ne peux pas entendre un tel argument, digne d’un pays du tiers-monde ! (Mêmes mouvements.)

    M. Olivier Falorni

  • partager

    Il y a le logement social de Mme Simonnet qui est disponible !

    Mme Raquel Garrido

  • partager

    Alors, renonçons aux postures, arrêtons la poloche, comme dit le garde des sceaux, sortons de la guéguerre politicienne, car on parle ici de questions concrètes. Je vous propose, chers collègues, de mettre des actes là où vous mettez des mots : 146 postes supplémentaires ! C’est possible par décret, si nous le décidons tous ensemble ce matin. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.)

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

  • partager

    Vous indiquez, madame Garrido, qu’il s’agit d’un amendement de repli. Il n’y a rien à redire là-dessus : c’est manifestement le cas. Cela étant, pardonnez-moi – je m’exprime en tant que député mais aussi en tant qu’universitaire –, indépendamment de toute considération budgétaire, il y aurait tout de même un petit souci si nous l’adoptions : cela reviendrait à changer les règles d’un concours en cours de route, donc à outrepasser l’indépendance et la souveraineté du jury. (M. Erwan Balanant applaudit.)

    M. Olivier Falorni

  • partager

    Nos collègues ne sont pas à ça près ! C’est un détail.

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

  • partager

    Si l’on agissait ainsi, il faudrait refaire intégralement le concours.

    M. Rodrigo Arenas

  • partager

    Ça ne vous gêne pas quand il s’agit de l’école !

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

  • partager

    Vous pouvez présenter vos arguments sans problème, mais laissez-moi tout de même donner les miens !

    Mme la présidente

  • partager

    Laissez parler M. le rapporteur spécial, s’il vous plaît.

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

  • partager

    Je pense qu’une telle mesure poserait problème et entraînerait des recours. L’amendement n’ayant pas été examiné en commission, j’émets à titre personnel un avis défavorable, encore une fois parce que son adoption reviendrait à s’asseoir sur ce qui a été décidé souverainement par un jury.

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Je voudrais d’abord rappeler que l’École nationale de la magistrature va connaître la promotion la plus importante de son histoire,…

    M. Erwan Balanant

  • partager

    Eh oui !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    …et que nous faisons tout ce que nous pouvons pour recruter des magistrats, par les différentes filières existantes.

    M. Antoine Léaument

  • partager

    Tout va bien !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Et que proposez-vous ? Vous évoquez des personnes qui ont envie d’être de futurs magistrats – je l’espère, en tout cas – et qui ont passé le cap de l’admissibilité ; et voilà qu’elles pourraient être directement admises. Dans ce cas, on est à l’école des fans : tout le monde a gagné ! (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Olivier Falorni

  • partager

    C’est ça !

    M. Rodrigo Arenas

  • partager

    Pour l’école, vous avez fait comment ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Autant dire que les oraux, pour vous, ne servent à rien ? Pour ma part, je veux plus de magistrats, mais des magistrats de qualité, voyez-vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Ce n’est pas compliqué : on ne va pas aller les chercher n’importe comment ! L’oral, c’est essentiel pour observer ce qu’un étudiant qui veut devenir magistrat a dans le ventre, pour évaluer son humanité et sa réflexion. Mais pour vous, tout cela est anecdotique. Vous avez franchi le cap de l’admissibilité ? Eh bien vous êtes admis. Tiens donc ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)

    M. Olivier Falorni

  • partager

    Au Venezuela, il n’y a pas d’oral !

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Raquel Garrido.

    Mme Raquel Garrido

  • partager

    Je suis déçue de cette réponse au sujet d’un amendement qui m’apparaissait fort constructif. Dans la police, voyez-vous, on prend les gens à 6 de moyenne (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES, Écolo-NUPES et SOC) ; et pour enseigner à l’école, on prend les gens qui n’ont même pas réussi le concours et à qui on dispense une formation de quatre jours avant de les placer devant les élèves. Il ne s’agit pas de remettre en cause la délibération du jury, puisque mon amendement propose exactement l’inverse, c’est-à-dire de partir d’une délibération ayant déclaré des candidats admissibles. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Il reste un oral !

    Mme Raquel Garrido

  • partager

    Je ne cherche pas à contourner le jury : il est le point de départ de la mesure proposée ! Je m’adresse à M. Hetzel qui a répondu à mon propos – contrairement au garde des sceaux, ce que je trouve vraiment lamentable : l’argument selon lequel l’adoption de l’amendement modifierait la règle du concours ne me paraît pas recevable, car rien – ni les modalités, ni les sujets – ne changerait. La seule chose qui changerait, c’est le nombre de places offertes au concours. (Mêmes mouvements.)

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Mais non !

    Mme Raquel Garrido

  • partager

    Et si vraiment vous tenez à embaucher ces personnes uniquement par la voie d’un concours, organisez-en un deuxième ! Faites-le, mais faites-le vite – cela s’est vu dans l’éducation nationale. Là où il y a une volonté, il y a un chemin (Mêmes mouvements),…

    M. Sylvain Maillard

  • partager

    Oh là là !

    Mme Raquel Garrido

  • partager

    …et je n’ai pas entendu les raisons budgétaires pour lesquelles nous ne pourrions pas répondre à la demande urgente de magistrats dans notre pays. Je ne peux pas admettre de tels arguments, car ils relèvent de la pure communication. Ce sont de vraies personnes qui sont concernées dans les juridictions, et il faut répondre à leurs besoins. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Prisca Thevenot.

    Mme Prisca Thevenot

  • partager

    Madame Garrido, je suis assez étonnée par votre question mais je vais y répondre. Vous voulez mettre des actes à place des mots ; quant à moi, je vais mettre des mots sur votre proposition : ce que vous voulez, c’est une justice au rabais. (« Oh ! » sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Inaki Echaniz

  • partager

    Et votre projet, alors, il n’est pas au rabais ?

    Mme Prisca Thevenot

  • partager

    Comprenez-vous la différence entre admis et admissibles ?

    M. Olivier Falorni

  • partager

    Il y a des avocates qui ont raté leur oral, apparemment !

    Mme Prisca Thevenot

  • partager

    Oui, nous devons revaloriser l’ensemble des professions de la justice, mais nous devons les tirer vers le haut, et non vers le bas ! Vous voulez des actes ? Je vais vous les rappeler, encore une fois. Pendant les cinq dernières années, le budget de la justice a augmenté de plus de 40 %. Nous devons aller vers une justice moderne, en lien avec notre temps. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
    C’est ce que nous avons fait l’année dernière grâce à la loi d’Éric Dupond-Moretti pour la confiance dans l’institution judiciaire : c’est la fin du rappel à la loi et des crédits automatiques de réduction de peine. Vous dites proposer un amendement de repli, madame Garrido, mais il s’agit en réalité d’un amendement d’abandon de notre justice.

    M. Olivier Falorni

  • partager

    Mme Garrido n’a même pas été admissible, apparemment !

    Mme Prisca Thevenot

  • partager

    Quant à nous, nous continuons à soutenir la justice et c’est pour cela que nous voterons contre votre amendement. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)

    Plusieurs députés du groupe LFI-NUPES

  • partager

    N’importe quoi !

    Mme la présidente

  • partager

    Je mets aux voix l’amendement no 1796.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

  • partager

    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        151
            Nombre de suffrages exprimés                148
            Majorité absolue                        75
                    Pour l’adoption                31
                    Contre                117

    (L’amendement no 1796 n’est pas adopté.)

    M. Thomas Ménagé

  • partager

    Ils ne sont pas nombreux, à gauche !

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Antoine Léaument, pour soutenir l’amendement no 1316.

    M. Antoine Léaument

  • partager

    Il vise à augmenter les moyens du PNF, le parquet national financier. Le PNF – j’explique ce que c’est pour celles et ceux qui nous écoutent, dans les tribunes et en dehors de notre assemblée –…

    Mme Perrine Goulet

  • partager

    Ah !

    Mme Élodie Jacquier-Laforge

  • partager

    Et sur YouTube !

    M. Antoine Léaument

  • partager

    …est un outil de lutte contre la grande délinquance économique et financière, notamment la fraude fiscale. Il a été créé après l’affaire Cahuzac, ce monsieur qui avait menti devant la représentation nationale alors qu’il était un fraudeur.

    M. Emeric Salmon

  • partager

    Il était socialiste !

    M. Antoine Léaument

  • partager

    Il se trouve que vous ne mettez pas assez de moyens pour que cette instance soit efficace, alors que toutes les études montrent que, quand on lutte contre la délinquance financière, on combat aussi le trafic d’armes ou le trafic de drogue, donc la délinquance dans son ensemble – les criminels qui trafiquent de la drogue ou des armes ont eux aussi besoin de systèmes pour blanchir l’argent issu de leurs forfaits.
    Quand le PNF a été créé, en 2013, une étude d’impact établissait qu’un parquetier ne pouvait suivre que huit affaires simultanément, compte tenu de la complexité de ce type de dossiers. Le PNF compte actuellement dix-huit magistrats, ce qui doit permettre de suivre 144 affaires de manière sérieuse ; or, en réalité, 590 affaires sont en cours ! Ne peuvent donc être instruits que 144 dossiers sur 590. Nous vous proposons par conséquent de créer cinquante-cinq postes de magistrats, afin de pouvoir traiter l’ensemble de ces affaires et de faire ce que devrait faire la justice : traquer les délinquants, notamment les délinquants en col blanc qui nous coûtent un fric absolument monstrueux. Je rappelle que la fraude fiscale représente 80 milliards d’euros par an : un pognon de dingue ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

  • partager

    Cet amendement a été discuté par la commission des finances, qui l’a repoussé ; je ne reviendrai pas sur le débat qui a eu lieu à cette occasion, mais je me permets de m’exprimer à titre personnel sur le sujet. Depuis plusieurs années, je suis très réservé vis-à-vis du PNF, tout simplement parce que je considère qu’il a modifié le cours de l’élection présidentielle de 2017 et qu’il a même menacé le secret professionnel des avocats, sans parler des déclarations de son ancienne directrice qui a affirmé avoir subi des pressions de la part de sa hiérarchie. Il apporte souvent, à mon sens, une réponse plus politique que judiciaire.
    Là où je vous rejoins, en revanche, c’est sur le fait que la justice doit être efficace contre la délinquance financière : c’est un enjeu essentiel. Mais dans un État de droit, on ne peut accepter qu’il y ait une justice à géométrie variable, s’exerçant en fonction du justiciable concerné. Je précise que ces propos n’engagent que moi.

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Le PNF, monsieur le député, est très impliqué dans les conventions judiciaires d’intérêt public (CJIP), qui rapportent beaucoup d’argent à l’État. Quant à vous, vous y êtes totalement opposé, puisque – je le rappelle – vous avez multiplié les recours pour que la CJIP ne puisse plus faire montre de l’efficacité qui a été la sienne sur des dossiers qui sont pourtant essentiels. Je referme cette petite parenthèse.
    Dix magistrats furent affectés au PNF en 2014, au moment de sa création ; ce nombre est passé à quinze en 2015, à seize en 2016, à dix-sept en 2017, à dix-huit en 2021 pour s’établir à vingt actuellement – vous avez donc un petit temps de retard. En outre, la circulaire de localisation des emplois pour 2022 y a créé un poste supplémentaire. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement.

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Antoine Léaument.

    M. Antoine Léaument

  • partager

    Je vous remercie, monsieur le ministre, pour votre réponse. Vous avez raison, nous sommes opposés à ce que des accords soient passés entre l’État et les personnes poursuivies, mais nous le sommes parce que ces arrangements privent celui-ci de l’intégralité de l’argent qui lui est dû.
    Vous avez donné des chiffres intéressants, qui montrent que l’augmentation du nombre de postes est très lente ; vous nous bassinez avec la nécessité de récupérer de l’argent et de ne pas dépenser sans compter, et vous refusez une mesure qui, si elle représente un investissement, fera gagner de l’argent à l’État, car, comme vous l’avez reconnu, le PNF récupère ce que des citoyens doivent à la collectivité. Je ne comprends donc pas votre opposition.
    Quand je dis que je ne comprends pas, c’est une formule rhétorique, car quand on supprime des postes de contrôleur fiscal, on aide la fraude et l’évasion fiscales. D’ailleurs, les contrôleurs fiscaux rapportent, eux aussi, de l’argent à l’État : pourquoi supprimer des postes de fonctionnaires qui rapportent de l’argent nécessaire au financement des services publics ? Pourquoi, monsieur le ministre ? Voilà la question à laquelle vous devriez répondre ; en refusant d’augmenter les moyens du PNF, vous montrez que le Gouvernement n’en a rien à faire, de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales. Il considère que celles-ci font partie des activités traditionnelles des ultrariches, auxquels aucun compte ne doit être demandé. Nous, nous demandons des comptes aux ultrariches et nous voulons récupérer l’argent dû au peuple français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Jean Terlier.

    M. Jean Terlier

  • partager

    Le garde des sceaux a répondu sur le fond, mais la majorité a du mal à entendre certaines leçons de morale. On nous reproche de ne pas lutter contre la fraude fiscale. Je tiens à vous rappeler que c’est cette majorité qui a, en 2018, voté la fin du verrou de Bercy, cette mesure permettant de récupérer plusieurs dizaines de milliards et de lutter efficacement contre la fraude fiscale. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

    M. Erwan Balanant

  • partager

    C’est nous qui l’avons fait, pas les socialistes !

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Naïma Moutchou.

    Mme Naïma Moutchou

  • partager

    En complément de ce que vient de dire mon collègue Terlier, la lutte contre la délinquance financière est évidemment une priorité de la majorité, comme de l’ensemble des députés, me semble-t-il. Nous avons d’ailleurs très largement renforcé les compétences du PNF, à qui nous avons confié de nouvelles prérogatives. De plus, l’Assemblée a validé en 2021 la création du parquet européen.

    M. Bruno Studer

  • partager

    Exactement !

    Mme Naïma Moutchou

  • partager

    L’aboutissement de ce combat de vingt ans est dû à cette majorité ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes HOR, RE et Dem.) Le parquet européen lutte contre la délinquance financière sur le continent. Ce sont des milliards volés à l’Europe qui rentrent dans nos caisses. Toutes ces actions sont complémentaires et forment une politique globale au service de la lutte contre la délinquance financière ! (Mêmes mouvements.)

    Mme la présidente

  • partager

    Par mesure d’équilibre, puisque j’ai donné la parole à deux orateurs défavorables à l’amendement, je donnerai la parole à deux orateurs qui le soutiennent.
    La parole est à Mme Charlotte Leduc.

    Mme Charlotte Leduc

  • partager

    Hier, j’ai présenté en commission des finances un rapport spécial sur la lutte contre l’évasion fiscale ; pour le rédiger, j’ai auditionné des membres du PNF qui se sont plaints de manquer cruellement de moyens humains pour accomplir leur travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Un magistrat placé auprès du PNF gère actuellement soixante-dix à quatre-vingt-dix dossiers par an, lesquels sont extrêmement complexes. Il lui est donc impossible de les instruire correctement. Les membres du PNF nous ont également fait part d’importants besoins en assistants spécialisés.
    Les fraudeurs, qui sont extrêmement organisés et aidés par une armée d’avocats fiscalistes, ont un train d’avance pour organiser leurs délits fiscaux. Il faut consacrer des moyens à la lutte contre l’évasion fiscale : aucun argument n’est recevable pour ne pas mener ce combat. On parle de recettes colossales qui manquent cruellement au budget de l’État. En outre, il s’agit de rétablir la justice fiscale. Il est intolérable que les ultrariches et les plus grosses multinationales n’acquittent pas leur juste part d’impôt. La majorité des Français soutiennent la lutte contre l’évasion fiscale, au nom de la justice. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Il y a quelques jours, plusieurs articles de presse ont été publiés sur la CJIP signée avec le Crédit suisse : on peut se réjouir que cette convention fasse rentrer 238 millions d’euros dans les caisses de l’État, mais il va falloir sortir de l’approche à court terme. Les multinationales s’en tirent à bon compte avec cette justice négociée : rien n’est inscrit à leur casier judiciaire, elles peuvent continuer à bénéficier des marchés publics et surtout à planquer des milliards d’euros – il faut mettre en rapport un redressement de 238 millions d’euros avec des milliards d’euros de fraude. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur plusieurs bancs du groupe Écolo-NUPES.)
    Il faut allouer des moyens suffisants au PNF pour aller au bout des procédures, qui sont certes longues mais qui rapporteront des milliards d’euros et rétabliront la justice. L’adoption de l’amendement, qui entraînerait une dépense de 5 millions, constituerait donc un bon investissement. (Mêmes mouvements.)

    Mme la présidente

  • partager

    Je mets aux voix l’amendement no 1316.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

  • partager

    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        150
            Nombre de suffrages exprimés                149
            Majorité absolue                        75
                    Pour l’adoption                36
                    Contre                113

    (L’amendement no 1316 n’est pas adopté.)

    M. Antoine Léaument

  • partager

    Ils sont toujours du côté des riches, les membres du groupe RN ! Comme pour l’ISF ! (Protestations sur les bancs du groupe RN.)

    Rappel au règlement

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Benjamin Lucas, pour un rappel au règlement.

    M. Benjamin Lucas

  • partager

    Il se fonde sur l’article 100 du règlement. Depuis une petite dizaine d’amendements, portant sur des sujets importants relatifs à la justice et à l’avenir de nos concitoyens, la majorité relative et l’extrême droite mêlent leurs voix. (Protestations sur les bancs des groupes RE, RN et Dem.)

    M. Laurent Jacobelli

  • partager

    Jaloux !

    M. Joël Giraud

  • partager

    C’est l’hôpital qui se moque de la charité !

    M. Benjamin Lucas

  • partager

    Comme j’ai écouté attentivement le ministre de l’intérieur et des outre-mer ce matin et le Président de la République hier soir, je souhaite poser une question à nos collègues de la majorité : avancez-vous main dans la main et y a-t-il eu une négociation ?

    Mme la présidente

  • partager

    Ce n’est pas un rappel au règlement.

    Mission Justice (état B) (suite)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 1806.

    Mme Emmanuelle Ménard

  • partager

    Cet amendement d’appel vise à augmenter davantage les crédits alloués à la justice judiciaire. Selon la circulaire de localisation des emplois, vingt-quatre postes de magistrats du siège devraient être théoriquement affectés au tribunal judiciaire de Béziers. En 2021, le tribunal a été touché par une réduction d’effectifs pour diverses raisons que je ne détaillerai pas ici ; un poste de vice-président reste notamment vacant depuis mai 2021. Le non-remplacement de ce magistrat a provoqué une grave incompréhension des membres de la juridiction.
    Je vous l’accorde, monsieur le ministre, l’équipe du tribunal judiciaire de Béziers a été renforcée par la présence temporaire de deux magistrats et d’un magistrat honoraire depuis le début de l’année 2022. Mais laissez-moi avancer un seul chiffre : si le tribunal judiciaire de Béziers se situait à la médiane européenne du nombre de juges par habitant affectés en première instance, ce n’est pas vingt-quatre mais quarante-sept magistrats du siège qu’il devrait compter.
    Face au sous-effectif chronique dont souffre la juridiction biterroise depuis de nombreuses années, je tiens à saluer le travail formidable accompli par les magistrats du siège comme par ceux du parquet, ainsi que par le greffe, mais je ne suis pas certaine qu’ils pourront tenir ce rythme encore très longtemps. Ce serait dommage compte tenu des résultats qu’ils obtiennent, lesquels forcent le plus souvent l’admiration. (Mme Stéphanie Galzy applaudit.)

    Rappel au règlement

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Kévin Mauvieux, pour un rappel au règlement.

    M. Kévin Mauvieux

  • partager

    Il se fonde sur l’article 70. Notre collègue du parti absentéiste a mis en cause le Rassemblement national. Vous m’excuserez, mais ce n’est pas parce que vous êtes seul – les sujets sont si peu importants que vos collègues dorment – qu’il faut remettre en cause un parti qui n’est pas le vôtre.

    M. Antoine Léaument

  • partager

    Où est Mme Le Pen ?

    M. Kévin Mauvieux

  • partager

    On peut voter avec vous quand cela va dans le bon sens, même s’il paraît que cela dérange la NUPES, mais vos amendements de ce matin ne correspondent pas à nos valeurs.

    M. Benjamin Lucas

  • partager

    C’est vrai que le rapport du RN avec la justice a toujours été compliqué !

    M. Kévin Mauvieux

  • partager

    Nous n’avons aucune raison de voter vos amendements. Si vous voulez plus de voix, appelez vos collègues ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)

    Mission Justice (état B) (suite)

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 1806 ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

  • partager

    Madame Ménard, vous avez vous-même reconnu qu’il s’agissait d’un amendement d’appel. Il vise à allouer 100 000 euros au programme 166 et vous donne l’occasion d’interroger M. le ministre sur les effectifs de magistrats au tribunal judiciaire de Béziers.
    Vous avez raison de saluer le travail des magistrats, il est important de le faire. Je laisserai évidemment le garde des sceaux répondre à votre question, mais je tiens à souligner que les recrutements attendus en 2023 et les années suivantes sont plus que jamais essentiels. Oui, monsieur le ministre, le taux de vacance des postes de magistrats a diminué jusqu’en 2021 – notamment pour les magistrats du siège –, mais il s’élève toujours à 6 % pour leurs collègues du parquet, ce dont ces derniers se plaignent.
    Vous avez expliqué en commission que cette situation résultait du nombre de postes, ce qui est factuel. Cependant, le nombre de magistrats exerçant au parquet a diminué entre 2021 et 2022. La question n’est pas que statistique. Un travail devra être conduit pour rendre ces postes plus attractifs.

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Je veux le dire sans aucune polémique,…

    M. Thomas Ménagé

  • partager

    Ce n’est pas votre genre !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    …on attend tellement de la justice ! Le fondateur du Syndicat de la magistrature (SM), Casamayor, disait « La justice est une erreur millénaire qui veut que l’on ait attribué à une administration le nom d’une vertu. » On attend tous tellement de la justice que l’on voudrait qu’elle soit immédiatement réparée – moi le premier, bien sûr. On sait néanmoins que l’on ne peut y parvenir en un claquement de doigts ; je vous remercie d’avoir souligné avec beaucoup d’objectivité les efforts réalisés, madame Ménard, mais il reste bien entendu des choses à faire.
    Retournons à Béziers, comme nous y invite votre amendement d’appel. Je partage votre opinion, les chefs de juridiction, que j’ai reçus, ont accompli un boulot remarquable.

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

  • partager

    Pas uniquement les chefs, tous les magistrats !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    J’y viens, monsieur Hetzel, je n’avais pas perdu la mémoire.
    Grâce aux contractuels, aux magistrats et aux greffiers, le tribunal effectue un déstockage d’affaires civiles de grande ampleur. Vous semblez m’approuver, madame Ménard, ce qui me conforte dans l’idée qu’envoyer des contractuels n’était pas idiot, contrairement à ce que les uns et les autres ont pu dire à une époque.
    Cette année, nous avons relevé à vingt-cinq le nombre de magistrats de la juridiction biterroise, avec une création d’un nouveau poste, et vous avez souligné les autres efforts consentis. Je vous suggère de retirer votre amendement, faute de quoi j’y serai défavorable, mais sachez que le ministère de la justice porte une attention particulière à Béziers, comme à toutes les juridictions du pays.

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Raquel Garrido.

    Mme Raquel Garrido

  • partager

    C’est très bien de déposer des amendements d’appel et d’attirer l’attention sur le tribunal de sa circonscription, mais tout le monde a un tribunal près de chez soi qui souffre d’un manque de magistrats. Lorsque l’on vous propose de recruter 146 magistrats supplémentaires sur une session de concours, je ne comprends vraiment pas votre opposition. Vos votes montrent que vous ne tirez pas les conséquences de vos constats.
    Les députés du groupe RN prétendent que notre amendement visant à recruter 146 magistrats supplémentaires ne correspond pas à leurs valeurs. Quelles sont ces dernières ? Si avoir des juges qui condamnent les délinquants et les criminels n’entre pas dans leurs valeurs, je prends peur : cela signifie qu’ils se tiennent du côté des délinquants et des criminels. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES. – Protestations sur plusieurs bancs du groupe RN.)

    M. Olivier Falorni

  • partager

    Tout dans la nuance et la subtilité !

    M. Laurent Jacobelli

  • partager

    Quelle finesse d’analyse !

    Mme Raquel Garrido

  • partager

    Il faudrait remettre à l’endroit ce qui est pour l’instant complètement à l’envers ! Au-delà des amendements d’appel, donnons notre avis – tant que nous pouvons le faire, c’est-à-dire jusqu’au prochain 49.3 – et mettons des moyens là où il en faut. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.

    Mme Emmanuelle Ménard

  • partager

    Madame Garrido, rien ne vous empêche de déposer des amendements visant à défendre votre tribunal.
    Avec cet amendement, je tenais également à souligner la qualité du travail des magistrats du tribunal judiciaire de Béziers.
    Ce tribunal a vu une nouvelle fois son périmètre s’élargir ; il a ainsi récupéré des communes qui relevaient auparavant du ressort de la juridiction de Montpellier ; or, si les moyens ont effectivement été augmentés – les magistrats du tribunal le reconnaissent et sont contents d’avoir obtenu du renfort –, cela ne leur permet pas de faire face au volume considérable d’affaires à juger. Ces moyens sont d’ailleurs inférieurs à ceux des juridictions équivalentes.

    (L’amendement no 1806 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 1901.

    Mme Emmanuelle Ménard

  • partager

    Il s’agit encore d’un amendement d’appel. J’en présente beaucoup ce matin.
    Il est similaire au précédent, mais concerne cette fois le parquet. La circulaire de localisation des emplois prévoit neuf postes de magistrats au parquet de Béziers depuis 2021. Malheureusement, le compte n’y est pas avec un congé maternité, un substitut à 80 % et un départ de substitut non remplacé, soit un déficit des effectifs théoriques de 25 %. La Conférence nationale des procureurs de la République a sollicité, dans ses préconisations, un doublement des effectifs d’ici à cinq ans.
    Je me félicite de l’augmentation du budget de la justice, mais le manque récurrent de personnels nuit à leur efficacité et les épuise. Monsieur le ministre, quelles mesures prendrez-vous pour y remédier ? Pouvez-vous augmenter – encore un peu – les budgets ?

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

  • partager

    Madame Ménard, vous l’avez dit, il s’agit d’un amendement d’appel. Je laisserai donc le garde des sceaux répondre. La commission n’ayant pas débattu de votre amendement, je ne peux donner qu’un avis personnel : je suggère que vous le retiriez. À défaut, mon avis est défavorable.

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Madame la députée, je vais déroger aux règles, mais je pense que vous me le pardonnerez, en inversant votre question : et vous, que comptez-vous faire ? Comptez-vous voter ce budget ?

    M. Joël Giraud

  • partager

    Excellent !

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

  • partager

    Le garde des sceaux a un côté jésuite.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Le budget, avec ses 1 500 magistrats, permettra au Gouvernement d’être plus allant sur Béziers. C’est votre juridiction et vous la regardez de près. Nous avons relevé à neuf, cette année, le nombre de magistrats du parquet localisé, avec une création de poste. Puisque votre question était formulée de façon badine et agréable, je vous répondrai sur le même ton. Vous évoquez quelques absences : concernant celle pour motif de maternité, je vous le promets, je n’y suis strictement pour rien.
    Je suis en contact permanent avec les juridictions et ce qui en remonte – je ne parle pas de certains propos radicaux, mais de ce que me disent des magistrats que je rencontre – est ambivalent. Si l’on me remercie pour les personnels que j’ai envoyés, magistrats, contractuels, greffiers, on me dit également qu’il en manque encore. Ce dialogue qui s’instaure entre nous m’oblige. Si les magistrats me disaient qu’ils en ont assez, alors nous arrêterions tout, nous plierions bagage, si vous me permettez cette familiarité. Nous avons fait des choses, mais tout n’est pas fini. J’en ai pleinement conscience.
    Vous rapportez – c’est courageux de votre part – que les magistrats remercient le ministère pour l’envoi de personnels supplémentaires, mais qu’il reste des choses à faire. C’est vrai. Votez donc le budget ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    M. Olivier Falorni

  • partager

    Elle est motivée pour le faire !

    M. Sylvain Maillard

  • partager

    On va demander un scrutin public !

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Naïma Moutchou.

    Mme Naïma Moutchou

  • partager

    Bien sûr, il y a des carences dans les juridictions locales et des disparités entre elles, car les contentieux et le volume des saisines sont partout différents. La carte territoriale des juridictions joue également un rôle. Jadis, j’avais d’ailleurs saisi le garde des sceaux de l’époque sur le manque de personnels au tribunal judiciaire de Pontoise. Nous avons obtenu des juristes assistants et des magistrats. Je remercie le Gouvernement et le garde des sceaux, après que la présidente du tribunal et le procureur l’ont fait lors de la séance d’installation qui s’est tenue il y a quelques semaines. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes HOR et RE.)
    Mes chers collègues, il est évident qu’il reste encore des choses à faire, mais – je pense que nous pouvons nous rejoindre sur ce point – on ne répare pas quarante ans de sous-investissement dans la justice en quatre ou cinq budgets. Ce n’est pas possible ! Cela prend du temps. Ce qui compte, c’est que ce qui est mis sur la table aujourd’hui aille dans le bon sens et nous devons nous en féliciter. Il faut continuer à dire ce qui ne marche pas, tout en apportant des réponses concrètes comme nous le faisons avec ce budget.

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.

    Mme Emmanuelle Ménard

  • partager

    Monsieur le ministre, je vous retourne la question : allez-vous nous laisser l’occasion de voter le budget ou allez-vous déclencher le 49.3 qui nous empêchera de nous prononcer ? (Sourires. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)

    M. Antoine Léaument

  • partager

    C’est la grande question !

    (L’amendement no 1901, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Thomas Portes, pour soutenir l’amendement no 1312.

    M. Thomas Portes

  • partager

    Monsieur le ministre, vous venez dire qu’il y a encore beaucoup à faire. Nous partageons ce constat. Dans la droite ligne de l’amendement déposé pour donner plus de moyens aux magistrats, nous demandons, par cet amendement, plus de moyens pour les greffiers. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Au tribunal judiciaire de Saint-Nazaire, qu’a évoqué M. le rapporteur spécial, 7 postes n’ont pas été remplacés depuis 2021 ; à celui de Vienne, ce sont 4 postes d’encadrement qui ne sont pas couverts et pour 56 fonctionnaires au greffe, il n’y a que 46 ETP ; dans la Sarthe, il manque entre 15 et 20 greffiers sur 118 postes : voilà la réalité d’aujourd’hui !
    À l’instar de la situation des magistrats que j’évoquais tout à l’heure, notre justice est exsangue et subit une crise profonde. C’est le résultat, vous le soulignez souvent, de choix politiques faits depuis des décennies, mais vous poursuivez une politique dangereuse pour la justice.
    Le métier de greffier est peu connu. Cette profession habituée à la discrétion est pourtant un rouage essentiel, indispensable même, de notre système judiciaire et de la justice du quotidien. Le greffier est souvent le principal contact du justiciable et de l’avocat qui le représente face à l’institution.
    Le sous-effectif chronique pèse aujourd’hui très lourd sur les conditions de travail de ces personnels. En décembre 2021, la CGT des chancelleries et services judiciaires a publié une estimation basse du travail gratuit fourni par les agents du service des greffes de la cours d’appel de Paris. Le cumul de leurs heures travaillées mais non payées se traduit pour l’administration par une économie annuelle de 300 000 euros.
    Monsieur le ministre, la réponse que vous apportez en recrutant des vacataires n’est pas à la hauteur des enjeux. La pérennisation des agents contractuels ne suffira pas à combler les besoins. Elle se fait au mépris du statut des fonctionnaires et de la qualité de leur formation.
    Nous avons besoin de moyens humains et financiers. Vous nous répondez toujours en posant la question du financement. Allez donc taxer les riches et les superprofits ! Vous pourrez ainsi financer un budget de la justice à la hauteur des besoins.
    Nous proposons de créer 4 000 postes supplémentaires sur une année, soit 20 000 équivalents temps plein sur l’ensemble du quinquennat. Ce n’est pas de la démagogie, c’est une réalité. Prenez l’argent où il est ! Les moyens existent, mais vous ne voulez pas le voir. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

  • partager

    Votre amendement comporte deux volets. Sur le plaidoyer en faveur des greffiers, je n’ai rien à redire. En revanche, sur votre proposition de prendre 400 millions sur le budget de l’administration pénitentiaire, j’émets – à titre personnel puisque la commission n’a pas examiné votre amendement – un avis défavorable. Le budget alloué aux prisons est également important : soustraire d’un côté pour ajouter de l’autre ne me paraît pas souhaitable.

    Mme Raquel Garrido

  • partager

    Il suffit de lever le gage !

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Il faut être sérieux quand on parle de justice, car la justice, c’est sérieux. Vous proposez que j’aille chercher de l’argent je ne sais pas trop où pour embaucher 4 000 greffiers en 2023. Vous ne vous rendez pas compte de l’ineptie et de la vacuité de vos propos ! Lorsque j’ai recruté des contractuels, j’ai pris un vrai risque. Vos amis, notamment syndicalistes, ont qualifié ces personnels de « rustine »,…

    M. Hadrien Clouet

  • partager

    Nous parlions des contrats, pas des personnes !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    …mais ceux-ci ont permis un déstockage massif, à Béziers comme partout en France, à hauteur de 30 % en matière civile. Pardon de le dire, mais j’ai eu raison : les juridictions m’ont demandé de pérenniser ces emplois, ce que nous avons immédiatement fait. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.)

    Mme Élodie Jacquier-Laforge

  • partager

    Eh oui !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Il faut du temps pour former les magistrats, qui doivent d’abord être admissibles puis admis au concours, ainsi que les greffiers et les contractuels. Vous devrez vous y faire ! Nous avons prévu de recruter 1 500 greffiers. En matière de revalorisation et de statut, cette majorité a fait plus que toutes les autres, depuis des temps immémoriaux. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe HOR.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Jean Terlier.

    M. Jean Terlier

  • partager

    Sur tous les bancs de cet hémicycle, nous sommes reconnaissants du travail réalisé au quotidien par les greffiers qui assurent un service de proximité dans le cadre du service public de la justice.
    Je voudrais, à la suite des propos du garde des sceaux, relever l’incongruité de l’amendement proposé par nos collègues insoumis qui révèle à tout le moins leur méconnaissance de ce qu’est aujourd’hui la justice. L’École nationale des greffes, qui recrute au niveau bac + 2 pour une formation de dix-huit mois, forme 300 greffiers par an. Dans ces conditions, comment comptez-vous passer de 300 à 4 000 greffiers par an ? C’est complétement incongru, voire surréaliste ! Vous n’expliquez d’ailleurs pas comment réaliser ces recrutements. Encore une fois, vous prouvez que vous ne connaissez pas le milieu de la justice. La discussion des crédits de ce ministère mérite plus de sérieux. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.)

    M. Sylvain Maillard

  • partager

    Pourquoi ne pas en recruter 40 000 ?

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Raquel Garrido.

    Mme Raquel Garrido

  • partager

    Vous nous opposez toujours l’argument du « trop », mais vous ne voulez pas non plus du « moins ». J’en veux pour preuve l’amendement de ma collègue Cécile Untermaier, qui sera appelé dans un instant et tend à recruter 50 greffiers. Tous ensemble, vous allez le repousser ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Antoine Léaument

  • partager

    Exactement !

    Mme la présidente

  • partager

    Je mets aux voix l’amendement no 1312.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

  • partager

    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        148
            Nombre de suffrages exprimés                148
            Majorité absolue                        75
                    Pour l’adoption                32
                    Contre                116

    (L’amendement no 1312 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Elie Califer, pour soutenir l’amendement no 1405.

    M. Elie Califer

  • partager

    Cet amendement, déposé par Cécile Untermaier, est réaliste. Il vise à améliorer l’accès à la justice. La porte de la justice, ce sont les greffiers, qui constituent une filière de la fonction publique de catégorie B.
    Notre collègue propose de créer, en adéquation avec la capacité de formation de l’école, cinquante postes supplémentaires de greffiers, afin de soulager les juridictions. La justice ne peut être rendue que par des juridictions dotées de moyens. Nous reconnaissons ceux qui ont été alloués au budget 2023 de la justice ainsi que les mesures statutaires prises en faveur des greffiers, mais les juridictions ont avant tout besoin de recrutements supplémentaires. Nous vous demandons donc de consentir un effort pour que les justiciables aient enfin l’impression que la justice répond à leurs attentes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES – M. Benjamin Lucas applaudit également.)

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

  • partager

    Les états généraux de la justice préconisaient de créer 1 500 postes de greffiers supplémentaires sur cinq ans, soit 300 postes par an. Le Gouvernement propose la création de 191 postes, auxquels vous proposez d’en ajouter 50.
    Que les choses soient claires : la commission ne s’est pas prononcée sur cet amendement, mais, à titre personnel, j’émets un avis favorable non seulement parce que votre proposition est raisonnable mais parce que vous soulevez un vrai problème. Contrairement à ce qu’a dit Mme Garrido, le Gouvernement ne peut pas lever le gage, mais il peut déposer un nouvel amendement prévoyant un abondement de crédits. Cela mérite une vraie discussion avec le garde des sceaux.

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Erwan Balanant

  • partager

    C’est bien son avis personnel que vient de donner M. le rapporteur ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    M. Hetzel a bien dit que c’était son avis personnel. Puisqu’il souhaite engager un dialogue avec le garde des sceaux, je lui réponds immédiatement que je suis défavorable à cet amendement.
    Le chiffre de 191 greffiers supplémentaires n’a pas été déterminé au doigt mouillé mais en fonction des locaux disponibles, de la capacité d’accueil de l’École nationale des greffes. J’aimerais vous dire que l’on peut recruter 291 ou même 391 greffiers mais les conditions actuelles nous permettent d’en recruter 191.
    Selon M. Hetzel, cinquante greffiers de plus, ce n’est pas grand-chose, c’est raisonnable. Peut-être. Mais cela ne correspond pas aux critères que nous avons objectivés. Je ne dis pas non par principe – car, sur le fond, nous sommes d’accord. Mais au vu de la capacité d’accueil de l’École nationale des greffes, et dans la mesure où je ne peux pas pousser les murs, nous nous en tenons au chiffre que je vous ai donné. Sachez qu’à l’ENM, qui accueillera cette année la promotion la plus importante de son histoire, on a décidé de construire des Algeco pour s’adapter à la situation.
    Une fois encore, celui qui arrive en affirmant qu’il lui suffit de claquer des doigts pour tout régler est un menteur, un populiste invétéré, un démagogue. Il faut du temps pour améliorer les choses.
    Nous ne devrions pas nous opposer sur ce dossier. La seule question qui se pose est : voulez-vous, chacune et chacun, que nous augmentions les moyens dont la justice a tant besoin ? Pour le reste, unissons nos bonnes volontés pour donner à nos juges, à nos greffiers, à nos personnels administratifs, aux avocats, bref à tous ceux qui participent à l’œuvre de justice – avec un J majuscule – les moyens dont celle-ci a un besoin impérieux. Vous le voyez, ma réponse n’est pas motivée par l’hostilité mais par le pragmatisme. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Philippe Schreck.

    M. Philippe Schreck

  • partager

    Nous partageons naturellement le diagnostic : le caractère utile et même indispensable des greffiers et des métiers liés au greffe, ainsi que le dévouement de ces personnels. Nous savons que tous les greffes, sans exception, sont des services en tension.
    Notre discussion porte sur le budget. Il faut donc distinguer ce qui est possible, ce qui est souhaitable, ce qui est ambitieux et ce qui devient dérisoire parce qu’excessif. Il y a quelques minutes, une collègue demandait une augmentation de 20 000 ETP, pour la somme de 400 millions d’euros. C’est excessif, nous nous y opposons. L’amendement dont nous discutons à présenter vise à recruter 50 ETP pour les métiers de greffe. Cela me paraît équilibré, souhaitable, dans le domaine du raisonnable. Par conséquent, nous sommes favorables à cet amendement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)

    Mme Raquel Garrido

  • partager

    Ah ! Tout de même !

    M. Olivier Falorni

  • partager

    Ça y est, les rapprochements se font !

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Je suis un peu en colère (« Oh ! » sur de nombreux bancs.) En effet, je siège ici depuis cinq ans. Or, chaque année, depuis cinq ans, nous déposons des amendements visant à augmenter le nombre de recrutements. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Et depuis cinq ans, nous argumentons, nous expliquons qu’il faut ouvrir des places dans les écoles – entre autres les écoles de police, de la magistrature ou des greffes.

    M. Bruno Studer

  • partager

    Et nous l’avons fait !

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Chaque année, nous avons le même débat. Vous-mêmes, qui proposez aujourd’hui de recruter 1 500 greffiers, affirmiez hier qu’il était impossible de prendre une telle mesure parce que nous n’en aurions pas la capacité, et bla bla bla.

    M. Bruno Studer

  • partager

    Maintenant nous l’avons !

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Non, nous ne l’avons pas davantage puisque des titularisations de contractuels doivent, je l’espère, avoir lieu – car comme on le sait, le saupoudrage de sucre rapide n’est pas une solution. Cela montre au passage que l’on peut atteindre certains objectifs lorsqu’il existe une volonté politique.

    M. Erwan Balanant

  • partager

    Nous l’avons, ça tombe bien ! Il ne faut pas être en colère !

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Car les moyens, nous les avons. Le ministre dit qu’il ne dispose pas des moyens qui lui permettraient de faire ce qu’il veut. C’est justement tout l’objet de notre débat : lui donner les moyens de faire ce qui nous semble juste pour la justice et pour les juridictions. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Merci bien ! C’est gentil !

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Mais oui, monsieur le ministre, c’est pour vous que nous agissons ainsi.

    M. Antoine Léaument

  • partager

    Nous sommes gentils !

    Mme Raquel Garrido

  • partager

    Vous pouvez nous remercier !

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Vous pouvez toujours dire que vous ne voulez pas des cinquante recrutements supplémentaires mais je ne suis pas sûr que les juridictions partagent votre point de vue. J’imagine que le rapporteur a déjà fait état du nombre insuffisant de greffiers, qui empêche d’atteindre vos propres objectifs. Car le chiffre de 1 500 greffiers supplémentaires ne sera pas atteint, vous allez simplement combler les trous. Or, lorsqu’on examine les besoins des juridictions, on constate qu’il en faudrait davantage.
    Par conséquent, j’espère qu’il y aura une majorité de députés pour voter cet amendement parce que cinquante recrutements supplémentaires, c’est vraiment le minimum syndical. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Olivier Falorni

  • partager

    Il n’y en aura pas !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Ça ne veut rien dire !

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Erwan Balanant.

    M. Erwan Balanant

  • partager

    Cher Ugo Bernalicis, la colère est souvent mauvaise conseillère. Or vous êtes toujours en colère !
    Vous nous faites le même reproche chaque année. Quand, la première année, vous avez demandé une augmentation en précisant que ce serait juste pour cette fois et que l’année suivante nous verrions bien, c’était convaincant.

    M. Ian Boucard

  • partager

    Il est en train de dire que Mme Belloubet n’a rien fait !

    M. Erwan Balanant

  • partager

    Quand vous avez recommencé la deuxième année, votre petit stratagème fonctionnait déjà un peu moins bien. Mais là, c’est la troisième fois…

    MM. Ugo Bernalicis et Hadrien Clouet

  • partager

    La sixième !

    M. Erwan Balanant

  • partager

    …et vous voyez bien que le budget est en augmentation – Mme Garrido l’a d’ailleurs admis tout à l’heure à la tribune. Nous augmentons la capacité d’accueil des écoles pour que davantage de postes soient créés mais nous ne pouvons pas aller plus vite que la musique !

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

  • partager

    Il faut accélérer le tempo !

    M. Antoine Léaument

  • partager

    Pour la police, vous y arrivez !

    Mme Raquel Garrido

  • partager

    Que dites-vous sur l’amendement ? Sur les cinquante recrutements ?

    M. Erwan Balanant

  • partager

    Aujourd’hui, nous recrutons des greffiers. Auparavant, on n’en recrutait aucun. Je reprendrai les propos du garde des sceaux : « plus » n’est jamais égal à « moins ». Le « plus » que nous proposons, vous devriez en prendre acte. Et ce budget, vous devriez le voter, et peut-être même avec satisfaction, plutôt que d’exprimer encore une fois une colère qui ne fait rien avancer. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Pour embaucher, il faut un budget. C’est à l’aune de ce budget, et des chiffres qui s’en dégagent, que l’on peut envisager d’embaucher des magistrats, des contractuels ou encore des greffiers – ce que nous avons fait, à un niveau historique, que vous le vouliez ou non.

    M. Antoine Léaument

  • partager

    Vous ne nous avez pas laissés voter sur la partie recettes !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Vous dites que vous formulez ces demandes ici même depuis des années, comme si vous étiez un peu la mémoire de ces lieux. Vous vous exprimez d’ailleurs toujours avec la même colère. Cependant dois-je vous rappeler que, l’an dernier, vous n’avez pas voté le budget de la justice ?

    M. Erwan Balanant

  • partager

    Eh oui !

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Bien sûr ! Je ne vote pas vos insuffisances.

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Naïma Moutchou.

    Mme Naïma Moutchou

  • partager

    Moi aussi, monsieur Bernalicis, je suis en colère. Eh oui, cela m’arrive.

    M. Antoine Léaument

  • partager

    Attention, elle est mauvaise conseillère !

    Mme Naïma Moutchou

  • partager

    Je suis en colère lorsque j’entends ces incantations car, sur de tels sujets, on ne peut pas se payer de mots. On ne peut pas se faire plaisir avec des amendements qui visent à créer 4 000 ou même 50 postes de greffiers. (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Nous sommes présents sur le terrain – en tout cas, je l’espère –, nous sommes confrontés au pays réel.

    Un député du groupe LFI

  • partager

    Le « pays réel », c’est du Maurras !

    Mme Naïma Moutchou

  • partager

    En l’état actuel des choses, il y a des mesures qu’on ne peut pas prendre. On peut entamer une réflexion autour de la possibilité de pousser les murs, comme le disait le garde des sceaux à l’instant. Mais aujourd’hui, une augmentation n’est pas possible. On ne peut pas voter des amendements qui nous apporteraient une certaine satisfaction, ici, entre nous, mais qui ne produiraient en réalité aucun résultat.
    Il faut avoir un autre débat, se demander s’il serait possible d’augmenter les possibilités d’accueil en construisant des centres qui viendraient s’ajouter à l’École nationale des greffes.
    En revanche, s’agissant de questions aussi importantes, il n’est pas possible de multiplier les incantations consistant à dire « y’a qu’à, faut qu’on » – c’est quasiment ce que vous dites – car c’est de nature à susciter des déceptions sur le terrain. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes HOR, RE et Dem.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Comme souvent, je n’ai sans doute pas été assez clair.
    Si je vous ai dit que je refusais les 50 ETP et que le chiffre 191 n’avait pas été obtenu au doigt mouillé – mais, sur ce point, j’aurais peut-être dû développer davantage –, c’est parce qu’il faut bien loger ces élèves, les héberger. Le député du Rassemblement national nous a dit qu’il n’était pas opposé à l’amendement parce que c’est un chiffre raisonnable. Certes, cinquante est un chiffre raisonnable, comme peuvent l’être quarante ou soixante-dix d’ailleurs.

    M. Ian Boucard

  • partager

    Mettons-nous d’accord à trente !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    De toute façon, d’expérience, chaque fois qu’on avance un chiffre, il ne fait jamais l’unanimité. Lorsque vous proposez une période de cinq ans, les uns vous disent qu’ils préféreraient trois ans, d’autres deux ans, d’autres encore six ans, et ainsi de suite.
    Si je dis non à ces cinquante recrutements supplémentaires, c’est parce que nous devons transformer les locaux de façon consubstantielle. Mais comme je l’ai déjà dit, s’il était possible de recruter 291 greffiers, je serais absolument ravi de donner mon feu vert immédiatement.

    M. Laurent Jacobelli

  • partager

    Vous n’êtes plus capables de le faire !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Ce n’est pas un caprice de ma part, je ne suis pas attaché au chiffre 191. C’est celui que nous avons fixé après avoir reçu les représentants de l’École nationale des greffes. Ils nous ont dit qu’il serait difficile pour eux d’accueillir davantage d’étudiants, qu’ils ne le pourraient pas. Ce n’est pas plus compliqué que cela. Soyons pragmatiques.

    Mme la présidente

  • partager

    Avant de procéder au vote, je rappelle que la commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable.

    Mme Raquel Garrido

  • partager

    M. le rapporteur a émis un avis favorable !

    Mme la présidente

  • partager

    C’était un avis à titre personnel.

    Mme Raquel Garrido

  • partager

    Et alors ?

    (L’amendement no 1405 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 1912.

    Mme Emmanuelle Ménard

  • partager

    Il s’agit encore d’un amendement d’appel.
    Ne vous y méprenez pas : si je donne les chiffres du tribunal judiciaire de Béziers, c’est parce que je le connais bien, mais j’évoque en réalité la situation de nombreuses juridictions.
    Après avoir parlé du siège et du parquet, j’en viens aux greffes, dont il a déjà été question à l’instant.
    Au cours de l’année 2021, la juridiction du tribunal judiciaire de Béziers a bénéficié de trente mois de greffiers placés et de quatre-vingt-trois mois de vacataires. Par ailleurs, quatre agents contractuels de catégorie B et deux de catégorie C ont été recrutés entre le mois de décembre 2020 et au cours de l’année 2021 au titre de la justice de proximité pénale et civile.
    Ce renfort en agents contractuels a notamment permis de créer le nouveau service de la permanence de la justice pénale de proximité dont le pôle greffe est tenu par trois greffiers dont un fonctionnel, deux adjoints administratifs et trois agents contractuels de catégorie B. Ce service qui travaille très étroitement avec le parquet – lequel décide des orientations – et avec le siège, chargé des homologations, traite plus des deux tiers de l’ensemble des réponses pénales de la juridiction.
    Dès lors, l’un des principaux enjeux à brève échéance est bien sûr la pérennisation de ces emplois contractuels qui sont devenus totalement indispensables à l’accomplissement des missions spécifiques dans le cadre de la justice de proximité.
    Monsieur le ministre, je vous demande tout simplement si vous pouvez nous garantir que ces emplois seront pérennisés.

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

  • partager

    Puisqu’il s’agit d’un amendement d’appel, je laisse M. le garde des sceaux répondre plus précisément. Je demande le retrait ; à défaut, avis défavorable.

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Quand nous avons installé ces contractuels, cela a suscité au mieux de la circonspection, au pire un flot ininterrompu de critiques. On les a traités de « rustines ».

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    C’est votre politique qui est en cause, ce ne sont pas les gens !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    On me demandait alors pourquoi on ne recrutait pas de magistrats. Je m’échinais à expliquer qu’il était impossible de les former dans des délais aussi brefs, que la formation durait trente et un mois. Tout le monde était remonté. Or, aujourd’hui, ces contractuels sont devenus indispensables – vous l’avez dit et je vous en remercie. Ils ont fait la preuve de leur efficacité, notamment en matière de déstockage – je l’ai dit tout à l’heure, je n’y reviens pas – aussi bien au civil qu’au pénal. Ce n’est pas rien. Cette mesure a fonctionné.
    Vous me demandez s’ils seront pérennisés. La réponse est : oui. D’ailleurs, une grande partie d’entre eux le sont déjà. Et nous en embaucherons davantage !

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Antoine Léaument.

    M. Antoine Léaument

  • partager

    Toujours à propos des greffes, j’aimerais, monsieur le ministre, vous donner un conseil qui vient de M. Darmanin. Lui parvient, semble-t-il, à recruter des policiers en nombre.
    J’ai lu le rapport annexé au projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur – il se trouve à la toute fin, il faut lire le document jusqu’au bout. Dans le paragraphe 3.6.2 intitulé « Action sociale », on peut lire : « Pour faciliter l’installation et le logement des fonctionnaires du ministère, un effort financier pour la réservation de logements auprès des bailleurs sociaux sera consenti : développement du stock de logements accessibles […]. » Voilà, la réponse se trouve donc dans la Lopmi. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.

    Mme Emmanuelle Ménard

  • partager

    Je vous remercie, monsieur le ministre, car il est très important que les juridictions puissent encore compter sur ce personnel. Je le dis d’autant plus que je n’étais pas forcément favorable à l’embauche de ces contractuels.

    M. Erwan Balanant

  • partager

    Mme Ménard est honnête !

    M. Ian Boucard

  • partager

    Ah ! Si tout le monde était aussi honnête au sein de cette majorité…

    Mme Emmanuelle Ménard

  • partager

    Tout le monde peut se tromper, j’ai au moins l’honnêteté de le reconnaître. Le principe de réalité s’impose parfois.
    J’ai rencontré le président du tribunal judiciaire, le procureur et la personne qui fait office de directrice des greffes. Tous m’ont expliqué qu’une pérennisation était absolument indispensable et préférable à l’embauche de nouveaux personnels contractuels. Car ceux qui sont en poste actuellement ont été formés par la juridiction, ils savent comment elle fonctionne – en effet, comme le disait Mme Moutchou tout à l’heure, chaque juridiction est particulière. Il est important d’assurer une continuité en pérennisant les embauches.
    Je dis bravo – ce qui n’arrive pas souvent. Il est exact que ces embauches ont contribué à un fabuleux déstockage des dossiers à traiter actuellement. Ce travail de déstockage a demandé beaucoup d’efforts de la part des personnels du tribunal judiciaire – je les salue encore une fois. Il n’est pas encore suffisant, il faut poursuivre sur cette voie pour le mener à son terme. Quand on progresse, je m’en félicite et je le dis.

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Un petit bémol, parce que les choses ne sont jamais simples et qu’il faut infiniment de nuances : ces contractuels ont un profil de jeunes diplômés d’un master. Ils ont envie d’évoluer et aspirent à devenir greffiers ou magistrats. Nous allons embaucher massivement, notamment des magistrats. Certes, leur nombre ne sera pas évalué n’importe comment, à 3 000, 5 000, 12 000 ou 15 000, mais nous puiserons dans ce vivier de contractuels qui disposent déjà d’une expérience judiciaire pour atteindre les 1 500 magistrats que nous comptons embaucher.

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Ah ! Qu’est-ce que j’ai demandé ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Il faut donc assurer une continuité, parce qu’ils se sont mis au travail, et que les chefs de juridiction et les chefs de cour les ont réclamés, mais nous ne pouvons pas faire comme s’ils n’appartenaient pas au vivier, ne fût-ce que pour garantir l’attractivité de ces postes. Il est légitime que certains jeunes contractuels aspirent à satisfaire d’autres ambitions, en particulier à devenir magistrats. L’ENM compte d’ailleurs dans ses rangs d’anciens contractuels qui l’ont intégrée assez facilement, parce qu’ils ont de l’expérience. Nous devons donc veiller, en même temps que nous assurons la continuité, à faire du passage en juridiction un tremplin pour ceux qui le souhaitent.

    (L’amendement no 1912 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

  • partager

    Sur l’amendement no 1323, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à Mme Nadège Abomangoli, pour soutenir l’amendement.

    Mme Nadège Abomangoli

  • partager

    Il s’agit également d’un amendement d’appel, qui vise à renforcer la prise en charge et la protection des majeurs vulnérables.
    Les professions relatives à l’accompagnement, au lien, à la réinsertion sociale et à l’inclusion souffrent d’un problème d’attractivité, alors qu’elles sont indispensables à la société. Il en va de même dans l’éducation nationale, par exemple avec les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH). Pour y remédier, nous partons des besoins, comme nous l’avons fait depuis le début de la discussion budgétaire.
    La Fédération nationale des associations tutélaires (FNAT) a estimé qu’il fallait augmenter de 130 millions d’euros la dotation versée par l’État aux associations et services mandataires. Ce n’est pas grand-chose.
    Pour améliorer la qualité de l’accompagnement des majeurs vulnérables, nous estimons qu’il faut au minimum recruter 1 800 mandataires judiciaires de protection des majeurs ; baisser le nombre de mesures suivies par chaque mandataire, pour améliorer la qualité du suivi et les conditions de travail du personnel ; recruter des cadres ; former et équiper des salariés supplémentaires et, bien sûr, augmenter les salaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

  • partager

    Le présent amendement vise à allouer 130 millions d’euros à la protection juridique des majeurs, notamment au bénéfice des mandataires judiciaires.
    Sur la forme, cette proposition n’entre pas vraiment dans le champ de la mission Justice. En effet, la dotation de l’État allouée aux mandataires judiciaires de la protection juridique des majeurs est inscrite au programme 304, Inclusion sociale et protection des personnes, dans la mission Solidarité, insertion et égalité des chances.

    Mme Danielle Brulebois

  • partager

    Exactement !

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

  • partager

    Sur le fond, il est vrai que la rémunération des mandataires judiciaires pose un vrai problème. Les coûts des mesures de protection ont fait l’objet d’une évaluation et, si j’ai bien compris, le Gouvernement doit mener une concertation à ce sujet. Il conviendra d’interroger le Gouvernement sur les éventuelles conséquences à en tirer lors de l’examen de la mission Solidarité.
    La commission n’a pas étudié cet amendement. À titre personnel, je vous suggère de le retirer ; à défaut, l’avis sera défavorable.

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    M. le rapporteur a tout dit. Demande de retrait, sinon avis défavorable.

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Le sujet est pressant. J’ai passé une journée en immersion dans un tribunal auprès de juges des contentieux de la protection. J’ai observé le déroulement des audiences et j’ai constaté le manque de moyens criant dont souffrent les mandataires judiciaires chargés d’accompagner les personnes sous tutelle ou sous curatelle. J’ai fait le lien avec des gens qui viennent à ma permanence à Lille pour demander de l’argent et avec ceux qui mendient dans la rue, parce qu’ils ne peuvent voir leur mandataire qu’une fois par semaine, pendant deux heures seulement, après quoi il n’est plus disponible. Quand ils n’ont plus d’argent, ils ne peuvent pas en retirer eux-mêmes de leur compte en banque et se retrouvent à mendier. On m’a expliqué qu’une bonne partie des gens qui sont à la rue à Lille font l’objet d’une mesure de tutelle ou de curatelle. En 2022, en France, c’est inacceptable.
    Pendant des années, on a externalisé ces mesures en faisant appel à des associations, à qui on verse des subventions au lance-pierre. Le renouvellement des gens qui y travaillent est très rapide parce qu’ils sont en précarité et affrontent une grande souffrance, faute de pouvoir s’occuper correctement des gens en difficulté. Dans ce domaine, il existe des marges de progression plus que substantielles.
    La commission n’a pas examiné cet amendement. La situation est comparable à celle des décisions de justice non exécutées dans le domaine de l’aide sociale à l’enfance (ASE). C’est dramatique, et nous ne pouvons pas nous contenter de constater et de dire ce qu’il faudrait faire. Il faut agir rapidement pour donner aux associations et aux mandataires professionnels les moyens de s’occuper de gens dont un juge a déjà examiné la situation avant de rendre un jugement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Benjamin Haddad.

    M. Benjamin Haddad

  • partager

    Depuis tout à l’heure, nos collègues du groupe La France insoumise défendent des amendements qui tendent à augmenter les moyens alloués à tel ou tel poste.

    M. Sébastien Delogu

  • partager

    Nous ne sommes pas vos collègues !

    M. Benjamin Haddad

  • partager

    Après tout, pourquoi pas ? Si vous voulez davantage de moyens, adoptez ce budget, qui prévoit d’augmenter de 8 % les crédits alloués à la justice, portant l’augmentation à 40 % depuis 2017, ce qui est historique. (M. Sylvain Maillard et Mme Violette Spillebout applaudissent.) La trajectoire prévoit d’atteindre 1 500 greffiers et magistrats supplémentaires d’ici à 2027.
    Si on lit bien vos amendements, on s’aperçoit cependant que votre logique comptable cache une idéologie laxiste. (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Bien sûr !

    M. Benjamin Haddad

  • partager

    Où allez-vous chercher l’argent ? Depuis tout à l’heure, vous le retirez à l’administration pénitentiaire : 400 millions d’euros dans la proposition de Mme Raquel Garrido, 130 millions dans l’amendement en discussion. Non, l’administration pénitentiaire a besoin de ces fonds, en particulier pour créer 15 000 places de prison supplémentaires.

    M. Rémy Rebeyrotte

  • partager

    Eh oui !

    M. Benjamin Haddad

  • partager

    Il s’agit d’un enjeu de fermeté pour notre politique pénale, d’un enjeu d’humanité et de dignité quant à l’état de nos prisons. Voilà ce qu’est notre politique, face au laxisme que prône La France insoumise ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – M. Laurent Croizier applaudit également.)

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    C’est minable ! Allez-y, vous, assister aux audiences ! Allez voir les gens sous tutelle et sous curatelle ! (Mme Perrine Goulet proteste.)

    Mme la présidente

  • partager

    Je mets aux voix l’amendement no 1323.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

  • partager

    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        143
            Nombre de suffrages exprimés                143
            Majorité absolue                        72
                    Pour l’adoption                34
                    Contre                109

    (L’amendement no 1323 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Antoine Léaument, pour soutenir l’amendement no 1314.

    M. Antoine Léaument

  • partager

    Comme nous l’avons évoqué hier en commission des lois, nous proposons de créer un nouveau programme, dédié au financement du développement du placement à l’extérieur.
    Une peine de prison peut faire l’objet d’un aménagement, lequel peut consister à placer la personne dans une structure extérieure à la prison – d’où le nom.

    M. Aurélien Pradié

  • partager

    Merci pour l’explication !

    M. Antoine Léaument

  • partager

    Avec mes collègues députés du groupe LFI-NUPES membres de la commission des lois, je suis allé visiter la ferme de Moyembrie. Elle accueille des personnes qui purgent la fin de leur peine en placement à l’extérieur. Elles apprennent par exemple à élaborer un projet professionnel et à reprendre un travail. Elles apprennent aussi à vivre avec le regard des autres. J’ai trouvé cet aspect très intéressant parce que je n’avais absolument pas conscience de ce besoin de réapprendre à vivre en société. Quand quelqu’un passe plusieurs années en prison, le monde change et, à sa sortie, il doit être capable de se réadapter. C’est justement ce que permettent les placements à l’extérieur.
    Deux arguments devraient rassembler largement en leur faveur, loin de toute polémique. D’abord, ils sont efficaces pour prévenir la récidive, puisque celle-ci est moins fréquente qu’après une sortie sèche. (M. Ugo Bernalicis applaudit.) Ensuite ils permettent de réduire les coûts – vous nous parlez sans arrêt de coût, quand nous estimons qu’il faut attribuer les moyens nécessaires. Le placement en prison coûte 120 euros par jour et par personne, quand celui à l’extérieur revient à seulement à 40 euros. En réalité, 40 euros sont insuffisants. Vous l’avez concédé hier en commission, monsieur le garde des sceaux, il faut augmenter le prix à 50 euros par jour. Les associations demandent 60 euros : même en accordant 60 euros,…

    M. Laurent Croizier

  • partager

    Allez, 80 !

    M. Antoine Léaument

  • partager

    …le coût reste moitié moindre que celui du placement en prison.
    L’augmentation du nombre de placements à l’extérieur relève donc de l’intérêt général. J’en appelle notamment aux députés du groupe Démocrate, qui se sont montrés favorables à cette mesure pendant nos discussions d’hier en commission, même s’ils n’ont pas voté en faveur de notre amendement.

    M. Ian Boucard

  • partager

    Il faut se méfier, ils font souvent ça !

    M. Antoine Léaument

  • partager

    L’adoption du présent amendement qui vise à créer une ligne budgétaire pour financer le placement à l’extérieur enverrait un bon signal : nous pouvons nous rassembler largement en faveur de cette mesure.

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

  • partager

    Nous en avons débattu lors de l’examen en commission et nous avons examiné des amendements identiques lors de la discussion des précédents projets de loi de finances. Je ne peux que reformuler un désaccord de fond avec cette mesure. La raison en est simple : nous avons aussi besoin de places de prison. Il ne faut pas opposer les deux dispositifs. Il est illusoire – illusoire, j’insiste – de penser que tous les détenus pourraient bénéficier d’un placement à l’extérieur. Il faut trouver un équilibre. Il existe d’autres outils de réinsertion, complémentaires, qu’il faut peut-être développer, comme le travail en prison.
    Il faut savoir raison garder. La commission a rejeté cet amendement. L’avis est donc défavorable.

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Plus le temps passe, monsieur Hetzel, et plus nous sommes d’accord ! Seriez-vous sur le chemin de la rédemption ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    M. Erwan Balanant

  • partager

    Méfie-toi, Patrick !

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

  • partager

    Ça m’inquiète, on va demander une pause !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Monsieur Léaument, les chiffres que vous avez cités ne sont pas exacts : le tarif de la journée se monte à 35 euros et va être porté à 45 euros. Les crédits consacrés au placement à l’extérieur vont augmenter de 68 % dans le budget pour 2023. Avis défavorable.

    M. Antoine Léaument

  • partager

    Vous renforcez mon argument ! C’est encore moins cher que ce que j’ai dit !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    C’est plus précis !

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Erwan Balanant.

    M. Erwan Balanant

  • partager

    Nous sommes d’accord avec vous, monsieur Léaument, la preuve en est que nous augmentons les crédits de 68 %. Nous ne vous avons pas attendus pour aller visiter la ferme de Moyembrie à plusieurs reprises au cours de la précédente législature. Nous avons même invité ici ses responsables et l’association Emmaüs pour une diffusion du film À l’air libre, en présence de Mme la présidente de l’Assemblée nationale, alors présidente de la commission des lois. Nous ne découvrons pas le sujet, nous le connaissons.
    Vous avez raison de souligner qu’il faut accompagner les fins de peine – la ferme de Moyembrie accueille essentiellement des détenus en fin de peine – et le retour à la vie en liberté. Certains détenus le disent : la liberté représente pour eux un abîme qui les effraie.

    M. Antoine Léaument

  • partager

    Oui !

    M. Erwan Balanant

  • partager

    Nous nous y employons, en augmentant de 68 % les crédits afférents, afin de donner un signal à cette association membre d’Emmaüs et de favoriser l’installation d’autres structures de même nature. Votre proposition est intéressante, mais nous allons déjà dans ce sens.
    Pour conclure et abonder dans le sens du garde des sceaux, j’aimerais que l’on cesse de véhiculer la vision selon laquelle ceux qui construisent des prisons sont des méchants favorables à l’incarcération et pas des humanistes.

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    On ne va pas jusque-là. On n’a pas dit que vous n’étiez pas humanistes ; on a dit que vous n’étiez pas efficaces !

    M. Erwan Balanant

  • partager

    Si nous voulons que des places de prison soient créées et que des prisons sortent de terre, c’est aussi pour répondre à l’enjeu de dignité. Nos prisons ne sont pas dignes ; tant qu’on n’en construira pas de nouvelles, modernes, tant qu’on ne restaurera pas celles qui existent, nous n’arriverons pas à garantir cette dignité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Philippe Naillet.

    M. Philippe Naillet

  • partager

    Je profite du débat sur l’amendement de M. Bernalicis pour dire deux mots du service pénitentiaire d’insertion et de probation, qui joue un rôle majeur de prévention de la récidive ; vous le savez mieux que quiconque, monsieur le ministre.
    En quinze ans, beaucoup de choses ont changé : augmentation des profils dits sensibles, déploiement de la justice restaurative, aménagement des peines en milieu fermé. Le DPIP (directeur pénitentiaire d’insertion et de probation) est un maillon important de ce dispositif et ce corps mérite une revalorisation. Je le vois à La Réunion, il est préférable d’être CPIP (conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation) que DPIP, tout simplement parce que ce métier est moins valorisé. Des postes de DPIP restent d’ailleurs vacants. Je demande une réflexion sur la reconnaissance de leur expertise en tant que pilotes d’une politique publique de prévention de la récidive, sur la revalorisation de leur statut vers la catégorie A + et sur le déroulement de leur carrière. Ils sont un maillon essentiel.

    (L’amendement no 1314 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Davy Rimane, pour soutenir l’amendement no 1880.

    M. Davy Rimane

  • partager

    Cet amendement d’appel vise à prélever une partie des crédits alloués au programme 107, destinés à la construction de 15 000 places de prison supplémentaires. L’objectif consiste à ne plus dépasser le plafond de 100 % d’occupation dans les prisons. Au cours des vingt dernières années, la France a créé des dizaines de milliers de places supplémentaires dans les prisons, ce qui n’a pas réglé pour autant le problème endémique de la surpopulation carcérale. Rien ne dit que les 15 000 places supplémentaires prévues le régleront définitivement. L’amendement vise donc à utiliser les crédits correspondants pour créer une politique pénale de régulation carcérale, afin que le taux d’occupation des prisons ne dépasse plus 100 %. (M. Benjamin Lucas applaudit.)

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

  • partager

    L’amendement, qui n’a pas été examiné par la commission, vise à allouer 30 millions à un nouveau programme de politique de régulation carcérale. Dans ses travaux, le comité des états généraux de la justice propose de créer un outil qui permettrait, à partir d’un taux d’occupation donné, d’entraîner l’activation d’un mécanisme de régulation carcérale. À mon sens, un tel outil ne peut se substituer à la création de places de prison supplémentaires. On ne peut mener une politique pénale efficace en tenant seulement compte du nombre de places disponibles. Ce sont les places qui doivent être adaptées en fonction des décisions de justice. Avis défavorable à titre personnel.

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Je suis défavorable à cet amendement, exactement pour les mêmes raisons que celles qui viennent d’être présentées par le rapporteur spécial. L’imaginaire est parfois utile : imaginons une seconde ce que donnerait l’interdiction, pour les juges, de placer sous mandat de dépôt des prévenus déferrés, au prétexte qu’une maison d’arrêt est surpeuplée ! (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Perdu, ce n’est pas ce qui est proposé !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Cela n’aurait aucun sens et créerait des disparités majeures à l’échelle nationale, qui priveraient la justice d’équité.

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    C’est faux !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    La position est difficile à tenir entre les accusations de laxisme et celles de surpopulation pénale. Les prisons n’ont jamais été aussi pleines, ce qui démontre bien que notre politique n’est pas laxiste ; en même temps, on ne peut pas dire aux juges de prendre leurs décisions en fonction du nombre de places de prison !

    M. Davy Rimane

  • partager

    Ce n’est pas ce qui a été dit !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    La seule réponse est la construction d’établissements pénitentiaires – ce que nous faisons. Que vous le vouliez ou non, nous sommes en chemin : les promesses seront tenues, ce n’est pas plus compliqué que cela.
    Des établissements pénitentiaires sortent de terre ; ils ont vocation à assurer une réponse pénale ferme et des conditions de détention dignes. La dignité consiste aussi à fournir davantage de sécurité aux agents de l’administration pénitentiaire – la troisième force de sécurité –, auxquels je veux rendre hommage. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    M. Sylvain Maillard

  • partager

    Il a raison !

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Monsieur le ministre, vous n’avez pas compris l’objectif de l’amendement. Vous vous trompez : le mécanisme de régulation carcérale n’est pas un numerus clausus. Il n’est pas une limite d’encombrement d’un établissement qui empêcherait d’incarcérer, mais fonctionne ainsi : si quelqu’un doit entrer en prison, on examine la situation du prisonnier le plus proche de la date de sortie, afin d’accélérer un dispositif d’aménagement de peine et de le faire sortir plus vite.

    M. Antoine Léaument

  • partager

    Exactement !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Ça n’a aucun sens !

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Cela a d’ailleurs été fait, partiellement, pendant la crise du covid – on a donc su le faire ! En raison de la surpopulation carcérale, aucun travail de réinsertion n’est possible. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    C’est faux !

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    La surpopulation rend infect le travail des surveillants, qui subissent les mêmes conditions que les détenus. Vous pouvez maintenir cette situation en prétendant que ça n’a rien à voir. Mais vous allez soumettre à notre vote le moratoire sur l’encellulement individuel : voilà le véritable sujet ! Nous vous proposons d’en finir avec ce moratoire, afin que l’encellulement individuel soit effectif.
    Je veux convaincre nos collègues de droite : dans le cadre du mécanisme de régulation carcérale, vous aurez les chiffres des sorties anticipées, ce qui vous permettra de déterminer le nombre de places supplémentaires nécessaires. Les deux éléments ne sont pas directement connectés : disposer d’un mécanisme de régulation carcérale n’empêche pas de défendre la création de places de prison. Bien sûr, pour notre part, nous nous y opposerons, mais vous pourrez quand même les créer.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    C’est un non-sens !

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Nous pourrions tout à fait trouver un terrain d’entente pour qu’enfin, la dignité trouve sa place dans les prisons françaises. (Mêmes mouvements.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Ian Boucard.

    M. Ian Boucard

  • partager

    Monsieur le garde des sceaux, si les prisons sont aussi pleines, ce n’est pas seulement parce que le Gouvernement aurait une politique peu laxiste, c’est aussi parce qu’il avait promis 15 000 places de prison à l’horizon 2017 et qu’il n’en a construit que 2 080 !

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

  • partager

    C’est sûr !

    M. Ian Boucard

  • partager

    Le Gouvernement a 13 000 places de prison de retard par rapport à l’engagement pris après la première élection de M. Macron.
    Monsieur Bernalicis, vous ne nous avez pas convaincus.

    M. Benjamin Lucas

  • partager

    Il était pourtant convaincant !

    M. Ian Boucard

  • partager

    Les Français qui suivent nos débats depuis ce matin – ils ne doivent pas être nombreux, c’est à votre avantage – savent désormais ce que serait la France si M. Mélenchon était élu Président de la République et si vous aviez la majorité : une France sans prisons, dans laquelle tous les délinquants seraient libérés. (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Un député du groupe LR

  • partager

    La chienlit !

    M. Davy Rimane

  • partager

    Arrêtez !

    M. Ian Boucard

  • partager

    Tous vos amendements, sans exception, sont gagés sur les crédits de l’administration pénitentiaire. Vous proposez d’ouvrir les prisons et de libérer les délinquants – parfois en résidence un peu surveillée, mais sans plus. Si on supprime les prisons, il n’y aura plus de délinquance : le raisonnement est simpliste et il a le mérite d’être clair. Au moins les Français savent-ils exactement à quoi s’en tenir si vous preniez le pouvoir ! (M. Pierre-Henri Dumont applaudit. – M. Sébastien Delogu proteste.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Nous connaissons le slogan : « Ugo à Beauvau, Bernalicis à la justice ! » (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Ugo Bernalicis fait le V de la victoire.)

    M. Ian Boucard

  • partager

    Arrêtez de faire sa promotion, il gagne de l’argent sur YouTube ! (Sourires sur plusieurs bancs.)

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Il est totalement surréaliste d’envisager un système dans lequel, lorsqu’un certain taux d’incarcération serait atteint, on pousserait du pied vers une sortie plus rapide des prisonniers pour lesquels l’heure ne serait peut-être pas encore venue !

    M. Ian Boucard

  • partager

    C’est ce que vous faites au quotidien !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Ce serait totalement injuste et inepte. C’est votre rengaine habituelle : vous ne voulez plus de prisons et la police tue. (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Cessez les « y a qu’à, faut qu’on » et écoutez-moi bien : c’est nous qui avons créé le contrat du détenu travailleur ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.) Vous dites qu’on ne travaille pas en prison, mais dans le centre de détention d’Oermingen, 70 % des détenus travaillent, se forment et apprennent un métier. Pour eux, le sens de l’effort n’est pas un sens interdit.

    Un député du groupe LR

  • partager

    Le travail, c’est contraire aux valeurs de la gauche !

    Mme Raquel Garrido

  • partager

    Lisez les rapports de la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    C’est moi qui ai défendu l’abrogation des réductions automatiques de peine : je veux les conditionner à l’effort. Cessez de critiquer le travail des autres avec des idées aussi saugrenues que celle-ci ! Ce n’est pas sérieux !
    Monsieur Boucard, nous avons pris un peu de retard…

    M. Éric Ciotti et M. Aurélien Pradié

  • partager

    Beaucoup !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    …et je le regrette. Pourquoi ? Me concéderez-vous que le covid a eu un certain impact ? (Protestations sur les bancs du groupe LR.)

    M. Pierre-Henri Dumont

  • partager

    Arrêtez !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Je vous invite à m’accompagner à ma prochaine visite de chantier.

    M. Ian Boucard

  • partager

    Avec plaisir !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Très bien ! Vous viendrez avec moi et vous verrez que nous serons au rendez-vous des promesses qui ont été faites par la majorité.

    M. Aurélien Pradié

  • partager

    Vous ne l’êtes déjà pas !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Voilà une réponse concrète ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Tematai Le Gayic.

    M. Tematai Le Gayic

  • partager

    Monsieur le ministre, je souhaite vous interpeller sur la situation outre-mer. Qu’il s’agisse de la prison du Camp Est en Nouvelle-Calédonie ou de celle de Nuutania en Polynésie française, le taux d’occupation était en 2008 de 300 % et en 2016 de 230 % – le plus important à l’échelle nationale. Il est aujourd’hui de 130 %, grâce à la construction du centre de détention de Tatutu en 2017. Mais la construction de cette nouvelle prison n’a pas modifié la surpopulation carcérale, alors qu’il y a 2,3 fois plus de places en Polynésie qu’à l’échelle nationale. La politique pénale en Polynésie et dans le Pacifique n’a pas changé ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES et LFI-NUPES.)

    Mme Raquel Garrido

  • partager

    Très bon exemple !

    M. Tematai Le Gayic

  • partager

    La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté a publié cette année un rapport accablant sur les prisons du Pacifique, en particulier de Polynésie. Ce n’est pas parce qu’on construit des prisons que la situation des détenus change. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Stéphane Mazars.

    M. Stéphane Mazars

  • partager

    La régulation carcérale est pratiquée tous les jours : par le juge, qui personnalise la sanction – incarcération, milieu ouvert ou peines alternatives ; par le juge d’application des peines, qui organise la fin du parcours carcéral des détenus.

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Vous ne croyez pas vous-même à ce que vous racontez !

    M. Stéphane Mazars

  • partager

    Lors de la précédente législature, nous avons adopté un dispositif qui ne permet plus de sortie sèche ; les fins de peine sont aménagées.

    M. Erwan Balanant

  • partager

    Voilà !

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Il y a toujours des sorties sèches, camarade. Il faut vous renseigner !

    M. Stéphane Mazars

  • partager

    Comme l’a rappelé le garde des sceaux, durant la précédente législature, la majorité a grandement amélioré la situation des détenus qui travaillent. Nous avons notamment permis aux donneurs d’ordre d’entrer davantage dans les prisons. Les détenus qui s’investissent dans le travail bénéficient de droits sociaux dont ils ne bénéficiaient pas jusqu’alors. Nous avons des instruments de régulation à l’intérieur même des prisons : les outils de préparation à la réinsertion. La régulation carcérale existe déjà, grâce aux moyens créés depuis plus de cinq ans. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    M. Davy Rimane

  • partager

    Mais ça ne marche pas !

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Je veux bien tout entendre, mais pas n’importe quoi ! En Nouvelle-Calédonie, nous avons construit la prison de Koné. Vous dites que rien n’a changé : évidemment, elle n’est pas encore ouverte, je l’inaugure dans quelques semaines ! (Mme Raquel Garrido proteste.) Soyez sérieux !

    M. Davy Rimane

  • partager

    M. Le Gayic a parlé de la Polynésie !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Non, il a parlé de tous les territoires ultramarins. Évidemment, quand on est dans le « y a qu’à, faut qu’on », rien ne change jamais et vous ne serez jamais convaincus ! Vous serez cependant d’accord avec moi : pour qu’une prison soit efficace, encore faut-il qu’elle soit ouverte !

    M. Tematai Le Gayic et M. Davy Rimane

  • partager

    Elle est ouverte en Polynésie !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Patientons encore quelques semaines.

    (L’amendement no 1880 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

  • partager

    Sur l’amendement no 1321, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à Mme Danielle Simonnet, pour soutenir l’amendement.

    Mme Danielle Simonnet

  • partager

    Il y a urgence. Les femmes sont à bout, elles perdent patience. Nous soutenons pleinement – et continuerons de le faire – la revendication de toutes les associations féministes : elles demandent en urgence 1 milliard pour lutter contre les violences faites aux femmes. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) Monsieur le garde des sceaux, vous avez dit que le Gouvernement tenait ses engagements. Qu’à cela ne tienne : cette lutte était censée être la grande cause du quinquennat précédent et, de nouveau, elle est censée être la grande cause du quinquennat présent.
    L’amendement proposé est très modeste, puisqu’il vise seulement à transférer 20 millions d’euros – et non 1 milliard –, afin de créer dans les tribunaux un pôle judiciaire de lutte contre les discriminations et les violences intrafamiliales, sexuelles, sexistes. (Mêmes mouvements.)
    Votez à l’unanimité cet amendement grâce auquel le nombre de femmes qui pourront bénéficier de l’aide juridictionnelle augmentera ! Lorsqu’on est payé au Smic, on n’a pas accès à l’aide juridictionnelle. Combien de femmes renoncent-elles à entreprendre des démarches pour se défendre en justice parce que leurs revenus ne leur permettent pas de financer les frais d’avocat mais sont, dans le même temps, un petit peu trop élevés pour les rendre éligibles à l’aide juridictionnelle ?
    L’amendement permettra également à tous les magistrats de bénéficier d’une véritable formation sur l’ensemble de ces procédures ; il y a urgence. Vous le savez comme moi, les femmes qui se constituent partie civile ont souvent moins de moyens financiers pour se défendre que l’homme accusé.

    Mme Raquel Garrido

  • partager

    C’est vrai !

    Mme Danielle Simonnet

  • partager

    Nous devons aligner les montants des règlements des avocats qui interviennent au titre de l’aide juridictionnelle pour la partie civile sur ceux prévus lorsqu’ils interviennent pour l’accusé. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Nous ne savons pas comment les débats évolueront car nous nous doutons qu’une fois de plus, vous dégainerez dans les jours qui viennent le 49.3. Toutefois, respectez vos engagements sur la question de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, écoutez le mouvement féministe. Les femmes n’en peuvent plus, il faut 1 milliard ; alors donnez au moins 20 millions ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

    Plusieurs députés du groupe LFI-NUPES

  • partager

    Bravo !

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

  • partager

    Par cet amendement, vous proposez la création d’un pôle judiciaire spécifique de lutte contre les discriminations et les violences intrafamiliales. Je donnerai un avis sur le fond puis sur la forme.
    Nous devons effectivement travailler sur cette question – il ne devrait pas y avoir de débat sur ce point. Du reste, mon groupe, Les Républicains, autour d’Aurélien Pradié, prépare des propositions sur cette question, dont nous devons nous emparer. Néanmoins, c’est un sujet trop important pour être traité dans un amendement budgétaire.

    Mme Danielle Simonnet

  • partager

    Vous pourriez faire autrement !

    M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial

  • partager

    Nous pouvons faire autrement, en déposant des propositions de loi. Ce sujet doit être débattu aussi en commission des lois. Les avis peuvent diverger mais, je le répète, la question ne saurait être traitée dans un amendement de crédit, ce n’est pas à la hauteur des enjeux. (Mme Danielle Simonnet s’exclame.) Nous devons débattre, anticiper, préparer des solutions qui bénéficieront aux personnes victimes des violences.
    Sur la forme, il n’est pas pertinent de créer un nouveau programme budgétaire entièrement dédié à ce projet qui ne ferait qu’alourdir la gestion des crédits.
    L’amendement a été débattu en commission, qui l’a rejeté.

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Sébastien Delogu

  • partager

    Épargnez les femmes !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    J’ai exactement la même position sur cet amendement que M. le rapporteur spécial. Je rappelle que votre collègue, Émilie Chandler, et la sénatrice Dominique Vérien se sont vu confier par la Première ministre une mission sur le traitement judiciaire des violences intrafamiliales, afin de faire rapidement des propositions solides et précises, notamment sur la spécialisation des magistrats. Le sujet me semble trop sérieux pour être abordé au détour de l’examen d’un amendement. (M. Ugo Bernalicis s’exclame.)
    Pour le reste, on ne peut pas résumer la lutte contre les violences intrafamiliales par des slogans. C’est un choix de mode d’expression, mais on ne peut pas faire l’économie d’un rappel des nombreuses mesures qui ont été prises, qu’il s’agisse – cela a été rappelé – du bracelet antirapprochement, du dispositif téléphone grave danger, des ordonnances de protection, des places d’hébergement, de la réalité virtuelle.

    M. Sébastien Delogu

  • partager

    Ce n’est pas suffisant !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Celui qui dit que rien n’a été fait ment. Je me suis rendu en Espagne où j’ai recueilli des chiffres que je tiens à votre disposition. Il m’a été expliqué que le nombre de féminicides a commencé à diminuer presque sept ans après l’application de certaines mesures. Un féminicide est toujours un féminicide de trop – c’est important –, mais avant d’être l’affaire de la justice, cette question concerne toute la société. Le nombre de féminicides a chuté, puis a atteint un plateau au-dessous duquel il peine à baisser. En effet, vous avez beau faire porter un bracelet antirapprochement à certains hommes, cela ne les empêchera pas de se comporter comme des fous furieux.
    Néanmoins, madame la députée, nous ne devons pas céder au fatalisme. Nous avons pris des mesures, il reste des choses à faire, c’est un combat permanent. Pour espérer voir le nombre des violences intrafamiliales diminuer, il faudrait que tout le monde s’empare de ce sujet. C’est bien sûr l’affaire de la justice, mais encore faut-il qu’elle soit saisie. Dans une très grande majorité de situations, il n’y a pas eu d’alertes.

    Mme Danielle Brulebois

  • partager

    Bien sûr !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Nous avons également fait des efforts pour recueillir la parole des victimes, nous avons formé les magistrats, mais que faire s’ils ne sont pas informés ? Les violences intrafamiliales sont également l’affaire des voisins, elles sont l’affaire de toute la société. C’est une implication collective qui permettra enfin de voir le nombre de féminicides baisser.
    Je ne peux pas laisser dire, comme je le lis parfois, que rien n’a été fait en la matière parce que ce n’est pas vrai. Du reste, regardez le budget que je présente aujourd’hui : plusieurs dispositions budgétaires vous démontreront que la lutte contre les violences intrafamiliales est une priorité du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Arthur Delaporte.

    M. Arthur Delaporte

  • partager

    Je soutiens bien entendu cet excellent amendement, déposé par nos collègues du groupe La France insoumise, qui a le mérite de soulever plusieurs problèmes.
    Le montant de l’aide juridictionnelle pour la partie civile, donc pour les victimes, est de moitié inférieur à celui de l’aide juridictionnelle pour les accusés.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Parce que leurs cas sont plus faciles à défendre.

    M. Arthur Delaporte

  • partager

    Seule une femme sur cinq portera plainte. Pour reprendre l’exemple espagnol que vous citiez, des moyens colossaux ont été déployés pour former des magistrats et des policiers, et pour créer des services spécifiques.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Combien ?

    M. Arthur Delaporte

  • partager

    M. le rapporteur spécial a dit tout à l’heure qu’il ne servait à rien de créer un service spécifique. Détrompez-vous ! Je prends l’exemple du Calvados : la gendarmerie nationale a décidé d’instaurer sur ses fonds propres – il ne s’agit pas d’un programme financé par l’État – une cellule spécifique destinée à recueillir et à traiter les plaintes, et à accompagner les victimes. Ce dispositif fonctionne puisque le nombre de plaintes déposées a été multiplié par dix. Certes, il y a le phénomène de société, mais les femmes sont surtout mieux accompagnées car la gendarmerie a décidé, au niveau local, d’allouer des moyens.
    Si la justice faisait de même, en créant des cellules spécifiques, ces sujets feraient l’objet d’une attention particulière, sans réduire en rien la portée des circulaires de politique pénale en faveur des victimes de violences conjugales que vous adressez aux parquets.
    Engageons plus de moyens ! C’est important, c’est nécessaire et cela fonctionne ; l’Espagne l’a prouvé, vous l’avez dit vous-même. N’ayons pas peur de voter cet amendement. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Aurélien Pradié.

    M. Aurélien Pradié

  • partager

    Notre pays est-il à la hauteur de la situation en matière de lutte contre les violences intrafamiliales ? La réponse est non. Sommes-nous au même niveau que l’Espagne que vous citiez tout à l’heure, monsieur le garde des sceaux ? La réponse est non.

    Mme Danielle Brulebois

  • partager

    Eh si !

    M. Aurélien Pradié

  • partager

    Les progrès significatifs que nous avons accomplis depuis quelques années résultent-ils de l’action du Gouvernement ? Pardon de vous le dire, la réponse est non.

    M. Erwan Balanant

  • partager

    Vous ne pouvez pas dire ça non plus !

    M. Aurélien Pradié

  • partager

    Les dernières grandes mesures ont été proposées par les députés de ces bancs, et votées à l’unanimité. La généralisation du port du bracelet antirapprochement dès la phase présentencielle était une initiative parlementaire pour laquelle nous avons dû nous battre vigoureusement car votre prédécesseure n’y était pas favorable. (M. Ugo Bernalicis applaudit.) Lorsque vous étiez avocat, vous y étiez également défavorable, monsieur le garde des sceaux.
    Je peux également vous rappeler les réunions laborieuses que nous avons eues avec différents chefs d’administration et la garde des sceaux de l’époque. Personne ne voulait nous voir inscrire dans la loi la réduction à six jours du délai de délivrance des ordonnances de protection. Nous y sommes parvenus parce que la représentation nationale a voté cette disposition à l’unanimité.
    Quant aux moyens budgétaires, la vérité est qu’ils ne sont pas à la hauteur. Nous cherchons en permanence des rallonges pour financer les mesures nécessaires. Si vous voulez que notre pays arrive à la hauteur de l’Espagne, nous devons faire tout ce que l’Espagne a fait : allouer les moyens budgétaires nécessaires, mais aussi et surtout, créer une juridiction spécialisée – nous en débattrons au mois de décembre lors de l’examen de notre proposition de loi relative à la création de cette juridiction. Si l’Espagne a réussi à passer un cap, c’est parce qu’une juridiction spécialisée a été créée.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Ce n’est pas vrai !

    Mme la présidente

  • partager

    Merci, monsieur Pradié !

    M. Aurélien Pradié

  • partager

    Si vous y êtes allé, vous l’avez sûrement constaté. Nous aurons l’occasion d’aborder notamment la question des bracelets antirapprochement. (Mme la présidente coupe le micro de l’orateur. – Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    Rappel au règlement

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Jean Terlier, pour un rappel au règlement.

    M. Jean Terlier

  • partager

    Il se fonde sur l’article 100, sur la bonne tenue de nos débats. Vous avez instauré une règle que je salue : vous avez décidé de donner la parole à un orateur favorable à l’amendement et à un autre qui y serait défavorable. Or vous donnez la parole à deux collègues qui sont favorables à cet amendement sans donner à la majorité la possibilité de répondre. (Protestations sur les bancs des groupes LFI-NUPES et LR.)

    Mme la présidente

  • partager

    Non ! Vous anticipez la suite des débats et vous n’avez pas écouté ce que j’ai dit, à savoir que je donnerai la parole à deux orateurs favorables et deux orateurs défavorables.

    M. Jean Terlier

  • partager

    Cela fait plusieurs fois que vous donnez la parole à deux collègues qui sont en faveur d’un amendement (Applaudissements sur les bancs du groupe RE) sans donner la possibilité à la majorité d’exprimer les raisons pour lesquelles elle s’y oppose.

    M. Alexis Corbière

  • partager

    Vite, un 49.3 !

    Mme la présidente

  • partager

    Je ne vous permets pas de mettre en cause ma présidence. Depuis le début des débats, j’équilibre les prises de parole. Deux orateurs se sont exprimés pour soutenir l’amendement, j’allais donc donner la parole à deux autres orateurs qui y seraient défavorables, dont vous. Or Mme Moutchou s’est manifestée avant vous, vous n’êtes pas le seul à lever la main. (M. Jean Terlier s’exclame. – Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mission Justice (état B) (suite)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Naïma Moutchou.

    Mme Naïma Moutchou

  • partager

    S’agissant de la lutte contre les discriminations et les violences intrafamiliales, le chemin est encore long et l’actualité nous le rappelle avec beaucoup de violence. Mais ce qui est excessif n’est pas crédible, monsieur Pradié ; des progrès ont été accomplis.
    Madame Simonnet, vous l’avez dit, certains déséquilibres financiers et matériels qui existent au sein des couples sont insupportables. Ce sont souvent les femmes qui en payent le prix, et ce sont elles qui, au moment d’aller déposer plainte, n’ont pas les ressources. Nous le savons, nous avons réagi. Dans le rapport de la mission d’information sur l’aide juridictionnelle, que j’ai rédigé avec Philippe Gosselin, nous avons proposé que les victimes de violences conjugales soient automatiquement éligibles à l’aide juridictionnelle. À partir du moment où une victime dépose plainte, elle en bénéficie de plein droit. C’est un grand pas. (M. Jean Terlier applaudit.) Nous avons travaillé sur ce dispositif avec l’association France Victimes, à laquelle je veux rendre hommage et que je veux remercier pour tout le travail accompli.
    Nous franchissons des étapes, même si, j’en conviens, il reste beaucoup à faire. Depuis longtemps, nous débattons de la question des juridictions spécialisées et du parquet spécialisé. Elle ne saurait être abordée sur un coin de table, comme nous le faisons souvent, en donnant la parole à un orateur qui y serait favorable et à un autre qui s’y opposerait. Nous devons engager une réflexion de fond. Je partage l’argument de M. Hetzel : nous devrons prendre le temps de réfléchir ; une proposition de loi sera vraisemblablement déposée.

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Monsieur Pradié, je revendique – enfin j’essaie, car c’est compliqué – que, lorsque des choses ont été bien faites, ou pas trop mal faites, on le reconnaisse objectivement. Et ce que je revendique pour moi-même, je vous l’accorde très volontiers.
    Mais, pour reprendre une vieille formule éculée, vous n’avez pas, sur cette question, le monopole du cœur. Reconnaissez également que, lorsqu’une juridiction utilise un bracelet antirapprochement, un autre est immédiatement disponible. Reconnaissez, si vous le voulez bien, que, après l’affaire de Mérignac, j’ai rappelé vertement, de façon comminatoire, que les bracelets n’avaient pas vocation à rester dans les tiroirs. Quand il y a eu – vous le savez – un certain nombre de problèmes techniques, nous avons changé de prestataires. Je les ai reçus récemment, en présence d’une association de victimes, pour mettre à nouveau les points sur les i.

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Ah !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    C’est normal. De même, nous avons à disposition des téléphones grave danger. S’il s’agit d’un travail de coconstruction, il ne doit pas nous opposer. Nous sommes d’accord, sur ce point.

    M. Erwan Balanant

  • partager

    Eh oui !

    Mme Raquel Garrido

  • partager

    De quelle coconstruction parlez-vous ? Vous n’avez accepté aucun amendement depuis ce matin.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Quant aux ordonnances, il était compliqué de les prendre en six jours, car il fallait une réorganisation au sein des juridictions. Les magistrats ont joué le jeu et je les en remercie. Nous pouvons saluer leur travail.

    M. Aurélien Pradié

  • partager

    C’est la loi !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    J’entends bien, mais si cela a un peu tiqué, c’est parce qu’il était compliqué…

    M. Aurélien Pradié

  • partager

    Et cela marche !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Je ne dis pas que cela ne marche pas et je ne m’oppose pas à vous. Ce que je dis, c’est qu’exiger qu’un jugement soit pris en six jours peut faire peur et qu’il faut s’organiser. Les magistrats ont joué le jeu et les ordonnances sont désormais prises dans un délai de six jours.

    M. Aurélien Pradié

  • partager

    Mais c’est la loi !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Vous répétez que c’est la loi, dont acte, mais ce qui compte, c’est qu’elle fonctionne. Ce n’est pas la même chose de se référer à la loi et de l’adopter, que de l’appliquer. Il ne s’agit donc pas de nous opposer : pouvons-nous convenir que des efforts ont été faits, avec une traduction budgétaire, pour améliorer les choses ? Oui.
    Sur les juridictions spécialisées, je ne peux pas vous laisser dire – la réalité est plus nuancée – que cela fonctionne du feu de dieu en Espagne : il est certains endroits où cela est plus difficile, notamment pour des raisons géographiques. Nous allons expertiser ce point.
    Si vous proposez quelque chose qui me convient, je serai le premier à le dire. Vous le savez, la Première ministre a demandé à deux parlementaires de travailler sur ce sujet : il relève de la coconstruction, c’est une évidence ! Je l’ai démontré dernièrement, nous avons tenu compte des textes proposés par la sénatrice Annick Billon, car ces questions transcendent les clivages. L’important est de voir le nombre des violences intrafamiliales diminuer : tel est notre objectif commun. Il ne s’agit pas d’essayer de tirer la couverture à soi. Je vous laisse très volontiers l’antériorité : parce que l’idée est bonne, je la soutiens. Toutefois, si vous le voulez bien, dites aussi, avec le même souci d’honnêteté, que nous avons fait une série de progrès, même s’il reste, bien sûr, un certain nombre de choses à faire.

    Mme la présidente

  • partager

    Je mets aux voix l’amendement no 1321.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

  • partager

    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        125
            Nombre de suffrages exprimés                99
            Majorité absolue                        50
                    Pour l’adoption                43
                    Contre                56

    (L’amendement no 1321 n’est pas adopté.)

    2. Ordre du jour de la prochaine séance

    Mme la présidente

  • partager

    Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
    Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2023 : suite de l’examen des crédits de la mission Justice ; examen des crédits des missions Défense et Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation.
    La séance est levée.

    (La séance est levée à treize heures cinq.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra