XVIe législature
Session ordinaire de 2022-2023
Séance du mercredi 01 mars 2023
- Présidence de Mme Valérie Rabault
- 1. Femmes et retraite
- Mme Mathilde Panot (LFI-NUPES)
- M. Yannick Neuder (LR)
- Mme Géraldine Bannier (Dem)
- M. Bertrand Petit (SOC)
- Mme Anne-Cécile Violland (HOR)
- Mme Soumya Bourouaha (GDR-NUPES)
- Mme Estelle Youssouffa (LIOT)
- Mme Véronique Riotton (RE)
- Mme Anaïs Sabatini (RN)
- Mme Marie-Charlotte Garin (Écolo-NUPES)
- Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l’enseignement et de la formation professionnels
- Mme Élise Leboucher (LFI-NUPES)
- Mme Carole Grandjean, ministre déléguée
- M. William Martinet (LFI-NUPES)
- Mme Carole Grandjean, ministre déléguée
- Mme Émilie Bonnivard (LR)
- Mme Carole Grandjean, ministre déléguée
- Mme Géraldine Bannier (Dem)
- Mme Carole Grandjean, ministre déléguée
- M. Bertrand Petit (SOC)
- Mme Carole Grandjean, ministre déléguée
- Mme Anne-Cécile Violland (HOR)
- Mme Carole Grandjean, ministre déléguée
- Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES)
- Mme Carole Grandjean, ministre déléguée
- Mme Soumya Bourouaha (GDR-NUPES)
- Mme Carole Grandjean, ministre déléguée
- M. Charles de Courson (LIOT)
- Mme Carole Grandjean, ministre déléguée
- M. Fabrice Le Vigoureux (RE)
- Mme Carole Grandjean, ministre déléguée
- M. Belkhir Belhaddad (RE)
- Mme Carole Grandjean, ministre déléguée
- M. Emmanuel Taché de la Pagerie (RN)
- Mme Carole Grandjean, ministre déléguée
- Mme Géraldine Grangier (RN)
- Mme Carole Grandjean, ministre déléguée
- Mme Emmanuelle Ménard (NI)
- Mme Carole Grandjean, ministre déléguée
- Mme Fanta Berete (RE)
- Mme Carole Grandjean, ministre déléguée
- Suspension et reprise de la séance
- 2. Échecs de la politique migratoire
- M. Pierre-Henri Dumont (LR)
- Mme Sonia Backès, secrétaire d’État chargée de la citoyenneté
- M. Michel Herbillon (LR)
- Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
- M. Alexandre Vincendet (LR)
- Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
- M. Éric Pauget (LR)
- Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
- M. Alexandre Portier (LR)
- Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
- Mme Estelle Youssouffa (LIOT)
- Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
- M. Christophe Naegelen (LIOT)
- Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
- Mme Marietta Karamanli (SOC)
- Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
- M. Philippe Brun (SOC)
- Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
- M. Philippe Pradal (HOR)
- Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
- M. Aurélien Taché (Écolo-NUPES)
- Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
- Mme Soumya Bourouaha (GDR-NUPES)
- Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
- Mme Élodie Jacquier-Laforge (Dem)
- Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
- M. Emmanuel Mandon (Dem)
- Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
- Mme Sabrina Agresti-Roubache (RE)
- Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
- M. Benjamin Haddad (RE)
- Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
- M. Mathieu Lefèvre (RE)
- Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
- M. Ludovic Mendes (RE)
- Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
- M. Lionel Royer-Perreaut (RE)
- Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
- M. Laurent Jacobelli (RN)
- Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
- M. Timothée Houssin (RN)
- Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
- M. Kévin Pfeffer (RN)
- Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
- M. Thibaut François (RN)
- Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
- Mme Ersilia Soudais (LFI-NUPES)
- Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
- Mme Martine Etienne (LFI-NUPES)
- Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
- Mme Andrée Taurinya (LFI-NUPES)
- Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
- Mme Emmanuelle Ménard (NI)
- Mme Sonia Backès, secrétaire d’État
- 3. Ordre du jour de la prochaine séance
1e séance
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
L’ordre du jour appelle le débat sur le thème : « Femmes et retraite ».
La conférence des présidents a décidé d’organiser ce débat en deux parties : nous entendrons d’abord les orateurs des groupes, puis le Gouvernement ; nous procéderons ensuite à une séquence de questions-réponses.
La parole est à Mme Mathilde Panot. « Elle serait à la retraite dans quinze ans, si le gouvernement ne pondait pas une connerie d’ici là. C’était loin encore. Elle comptait les jours. Le week-end, elle voyait sa sœur. Elle rendait visite à des copines. C’était fou le nombre de femmes seules qui voulaient profiter de la vie. Elles faisaient des balades, s’inscrivaient à des voyages organisés. […] Dans leur vie, les enfants, les bonshommes n’auraient été qu’un épisode. Premières de leur sorte, elles s’offraient une escapade hors des servitudes millénaires. […] Tout ce temps, les femmes avaient tenu, endurantes et malmenées. »
L’escapade hors des servitudes millénaires dont parle l’écrivain Nicolas Mathieu attendra deux ans. Pas de plage de galets ou de camping pour Steph, Corinne ou Inès. Avec votre réforme, elles devront travailler deux années de plus, même en ayant acquis tous leurs trimestres grâce à leurs enfants.
Vous aviez pourtant des milliers d’options. Eh oui ! Mais c’est sur le dos des femmes que vous voulez faire des économies. Les femmes, les millions de femmes, les mêmes qui ont tenu le pays debout pendant la crise du covid-19 et qui représentent 77 % des professions de santé, 94 % des aides à domicile, 64 % des personnels de nettoyage et 67 % du corps enseignant. Encensées à l’époque par Emmanuel Macron qui semblait provisoirement retrouver le chemin de la gratitude. Depuis, rien n’a été fait pour améliorer leurs conditions de travail, rien pour augmenter leurs rémunérations, rien pour prendre en compte la pénibilité de leurs métiers. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Pire encore, la réforme des retraites est une régression sociale sans précédent et les femmes en seront les premières victimes, car dans chaque angle mort, dans chaque point aveugle de votre réforme, on trouve des femmes.
Derrière la fable des 1 200 euros pour tous, ces centaines de milliers de femmes qui ne toucheront rien, faute d’être parvenues à une carrière complète au Smic. Derrière le recul de l’âge de départ, les femmes qui partent déjà plus tard que les hommes à la retraite : à 62 ans et 7 mois en moyenne pour elles, contre 62 ans pour les hommes ; 20 % des femmes sont obligées d’attendre d’avoir 67 ans pour arrêter de travailler, contre 10 % des hommes. C’est donc à elles que vous demandez encore des efforts. C’est d’ailleurs écrit noir sur blanc dans votre étude d’impact : les femmes de la génération 1980 devront travailler huit mois de plus en moyenne, contre quatre mois pour les hommes.
Derrière le recul de l’âge de départ, encore des femmes à qui on annule le bénéfice des trimestres supplémentaires acquis grâce à la maternité. Même les Républicains vous demandent de revoir votre copie ! On se souviendra qu’en 2023, Éric Ciotti donnait des leçons de féminisme à la Macronie. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Dans la trappe de pauvreté, toujours des femmes : 45 % des nouvelles retraitées étaient sans emploi, contre 35 % des nouveaux retraités. Combien de femmes seront coincées dans ce sas de précarité avec votre réforme ? Combien d’entre elles seront au chômage ou en invalidité ? Peu importe. Pour vous, les économies d’abord, les inégalités après, si on a le temps.
Derrière la suppression du critère d’exposition aux agents chimiques, on trouve ces coiffeuses qui respirent de l’ammoniac plusieurs heures d’affilée ou ces ouvrières du textile qui manipulent des solvants à longueur de journée. Derrière la non-prise en compte de certains métiers pénibles, on trouve ces aides à domicile qui portent leurs patients à bout de bras, ces caissières qui soulèvent jusqu’à 2 tonnes de marchandises par jour, ces infirmières qui ont une espérance de vie de sept ans inférieure à celle de la moyenne des femmes et qui, pour 20 % d’entre elles, partent à la retraite en incapacité. On trouve toutes celles qui occupent les métiers des services et subissent des cadences de plus en plus fortes, jusqu’à rêver du tic-tic de la caisse automatique la nuit. On leur diagnostique un syndrome du canal carpien et elles finissent opérées du poignet ou des mains. Elles souffrent de hernie, de mal de dos chronique, elles peinent à bouger les épaules. Les hommes aussi ! On trouve toutes ces femmes cassées par le boulot et dont les douleurs ne sont jamais reconnues comme des maladies professionnelles. Derrière les accidents du travail, on trouve de plus en plus de femmes : les accidents avec arrêt de travail ont augmenté de 28 % pour les femmes en quinze ans, quand ils ont diminué de 28 % pour les hommes, si bien qu’une aide à domicile est davantage exposée au risque d’accident qu’un travailleur du BTP (bâtiment et travaux publics).
Voilà comment on passe d’une prétendue réforme de progrès, de justice sociale à une réforme profondément sexiste. Au commencement, cet aveu terrible du ministre Riester : les femmes « sont un peu pénalisées » par la réforme, comme si les femmes n’étaient pas déjà pénalisées dans la société du fait d’être des femmes et, pire, comme s’il s’agissait d’une anecdote, d’un inconvénient à la marge, d’un ennui dont on peut s’accommoder. Cette réforme pénalise les femmes, donc la majorité de la population, et alors ? Que dites-vous si ce n’est : « après tout, ce ne sont que des femmes » ? Ce n’est pas grave si les femmes subissent des temps partiels, sont victimes de discrimination à l’embauche, ont des salaires 22 % inférieurs à ceux des hommes et des retraites 40 % inférieures, ce qu’aucun index n’a d’ailleurs jamais permis de résorber. Après tout, ce ne sont que des femmes. Pas grave non plus si l’écart de patrimoine entre les femmes et les hommes est passé en quinze ans de 9 % à 16 %. Pas grave si les femmes hétérosexuelles perçoivent en moyenne 32 % de moins que leur conjoint, si bien qu’elles doivent compter sur l’effet des pensions de réversion pour vivre à la retraite et choisir ainsi, à l’aube de leur vie, entre le mariage et la pauvreté. Après tout, ce ne sont que des femmes. Pas si grave de reconduire la division genrée du travail, avec des métiers occupés majoritairement par des femmes, moins valorisés, moins rémunérés malgré leur utilité sociale, au prétexte qu’il serait naturel pour elles de prendre soin des autres. Pas si grave que ces femmes le paient au prix fort au moment de leur retraite. Après tout, ce ne sont que des femmes.
Je vous entends déjà me dire : cette réforme ne peut pas résoudre les inégalités qui précèdent la retraite. Comme le disent les sociologues Céline Bessière et Sibylle Gollac, vous repoussez la ligne d’arrivée en faisant mine d’ignorer que la moitié des coureurs ont des semelles de plomb. Les inégalités que vous ne corrigez pas sont celles que vous perpétuez. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Au fond, vous êtes de vrais conservateurs, qui ne souhaitent pas que la société change.
Si vous voulez faire travailler les femmes davantage, c’est au mépris du travail qu’elles accomplissent déjà tout au long de leur vie. Celles en couple avec enfants travaillent en moyenne cinquante-quatre heures par semaine, contre cinquante et une heures pour les hommes dans la même situation, mais seul un tiers de ce travail est rémunéré pour les femmes, contre deux tiers pour les hommes. La vie de tant de femmes est rythmée par une charge mentale, une interminable liste de tâches pour lesquelles, ne vous en déplaise, elles n’ont aucun goût ni don inné. Penser aux coton-tiges, vérifier quel jour la nounou part en vacances, faire le chèque pour le voyage scolaire, se libérer pour la réunion parents-professeurs, prendre un congé quand le petit est malade, l’aider dans ses devoirs, changer le billet de train, faire les courses, laver à la main le maillot de foot plein de boue, recoudre les boutons, prendre rendez-vous pour le rappel du vaccin, rendre la BD à la bibliothèque, emmener le petit à la guitare, préparer le goûter, faire à manger, passer l’aspirateur, repasser les affaires du petit, étendre le linge, vider le lave-vaisselle…Oui, les femmes passent encore aujourd’hui deux fois plus de temps à faire le ménage et à s’occuper des enfants que les hommes ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Exactement ! Vous n’avez aucun égard pour ce travail invisible, gratuit, épuisant. On ne vous entendra jamais vanter la société de l’effort ou la valeur travail à ce sujet, puisque ce travail n’est accompli que par des femmes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)
Voilà le vrai visage des grands réformateurs qui affichent en vitrine une grande cause du quinquennat tout en préparant la réforme la plus réactionnaire dans l’arrière-boutique. Elle a raison ! Ce débat est d’ailleurs l’occasion pour certains de réveiller les pires poncifs antiféministes. Quand le Rassemblement national convoque l’imaginaire nauséabond de la politique nataliste et promeut un discours où les femmes seraient des utérus sur pattes, vous ne mouftez pas. Faire des enfants, ce n’est pas nauséabond ! Laissez-nous tranquilles ! Ils disent que le déficit imaginaire des retraites peut être comblé par des grossesses et il n’y en a pas un chez vous qui lève les yeux au ciel. Pour faire des enfants, il faut être deux, un homme et une femme ! Faut-il rappeler ici que le modèle de l’extrême droite est celui de la Hongrie ou de la Pologne, où l’avortement est quasiment interdit et où on fait écouter le cœur du fœtus aux femmes enceintes lorsqu’elles décident d’avorter ? (« Elle a raison ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Ce sont vos amis ! Ni politique nataliste ni exploitation des femmes ! Une bonne réforme des retraites n’est pas celle qui prend les femmes pour des ventres ou pour une variable d’ajustement budgétaire. Très bien ! Vous voulez lutter contre les inégalités ? Augmentez les salaires. Portez le Smic à 1 600 euros net. Dégelez le point d’indice des fonctionnaires. Revalorisez les métiers du soin et du lien. Fonctionnarisez les AESH – accompagnants d’élèves en situation de handicap – et autres métiers féminisés. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Sanctionnez véritablement les entreprises qui ne respectent pas l’égalité professionnelle. Financez un plan massif d’éducation à l’égalité de genre. Ça suffit ! Créez un service public la petite enfance. Ouvrez 500 000 places en crèche. Surtout, supprimez la décote et faites la retraite à 60 ans ! Très bien ! La retraite à 58 ans ! Oui, collègues, une réforme juste implique nécessairement de s’attaquer à la longue histoire qui mène des millions de femmes à un sort misérable lors de leur retraite.
J’achève en les saluant : aides à domicile, aides-soignantes, infirmières (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES) , secrétaires, professeures des écoles, femmes de ménage, coiffeuses, esthéticiennes, gynécologues, serveuses, professionnelles de la justice, agricultrices, assistantes maternelles, vendeuses, toutes ces femmes sans lesquelles notre pays ne tiendrait pas debout. Je les salue et je leur dis que le combat n’est jamais vain. Je leur donne rendez-vous le 7 mars pour bloquer votre gouvernement. Une belle journée qui s’annonce ! Nous allons vous faire battre en retraite et ainsi rendre possible l’escapade hors des servitudes millénaires que les femmes méritent. (Les députés du groupe LFI-NUPES se lèvent et applaudissent. – Les députés des groupes Écolo-NUPES et GDR-NUPES applaudissent également.) La parole est à M. Yannick Neuder. Vous le savez, les Républicains sont très attachés à la sauvegarde de notre système de retraite par répartition,… Ah ! …garant de la solidarité nationale telle que voulue par le général de Gaulle à l’issue de la seconde guerre mondiale. Toutefois, si une réforme est nécessaire, elle ne doit pas se faire au détriment des femmes. La présidente Panot vient d’ailleurs de rappeler les propos en ce sens du président Ciotti. (Sourires sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) On aura tout vu, les députés LFI citer Éric Ciotti ! Au-delà, la réforme doit même corriger les nombreuses inégalités du marché du travail qui se répercutent immédiatement sur les pensions de retraite des femmes. S’appuyant sur des éléments et des droits créés à des époques très différentes, le débat concernant la retraite des femmes est complexe. La retraite des femmes, c’est aussi notre combat. Notre droite, c’est la droite de la valeur du travail et qui sait protéger les travailleurs. Notre droite, c’est la droite de l’émancipation des femmes, celle qui leur a permis de voter, de travailler, d’être indépendantes, d’avoir accès à l’IVG – interruption volontaire de grossesse –, grâce à Simone Veil. Notre droite, c’est la droite qui veillera toujours à protéger les carrières hachées liées à la maternité. Notre droite, c’est donc la droite qui se tient aux côtés des femmes qui travaillent. Je veux saluer ici tout particulièrement le travail acharné de notre collègue Véronique Louwagie au service d’une juste retraite pour toutes les femmes.
Oui, madame la ministre déléguée chargée de l’enseignement et de la formation professionnels, mes chers collègues, une trop grande injustice pèse sur la retraite des femmes. Ces femmes qui consolident le régime par répartition en participant au renouvellement des générations alors qu’elles ont, du fait de leurs congés maternité, des carrières ralenties par rapport à celle des hommes. Ces mères pour lesquelles le recul à 64 ans de l’âge de départ annulera des trimestres de majoration acquis au titre de leur grossesse. Elles pourraient ainsi perdre jusqu’à huit trimestres. Ces mères qui accumulent plus ou moins de trimestres selon qu’elles travaillent dans le secteur public ou le secteur privé. Ces veuves dont le bénéfice d’une pension de réversion dépend de critères devenus obsolètes. Rappelons que, parmi les 4,4 millions de bénéficiaires de la réversion, 88 % sont des femmes.
En somme, les débats autour de la refonte de notre système des retraites ont mis en lumière les inégalités qui pèsent sur les pensions de retraite des femmes par rapport à celles des hommes, inégalités que les Républicains avaient pour ambition de rectifier. Il nous semblait plus important que jamais de soutenir les familles en proposant par exemple de baisser le taux de CSG – contribution sociale généralisée – sur les revenus d’activités des mères ou de rétablir l’universalité des allocations familiales, des mesures qui auraient permis de compenser les nombreux rabots opérés depuis une dizaine d’années sous les quinquennats de François Hollande et d’Emmanuel Macron et qui ont pénalisé ces dernières années les mères de famille qui travaillent. C’est vrai ! Il aurait été aussi important de donner aux femmes ayant eu deux enfants ou plus et qui ont atteint la durée nécessaire pour bénéficier du taux plein la possibilité de partir à la retraite plus tôt. Mais c’était compter sans l’extrême gauche qui, par son obstruction, n’a pas permis de faire avancer le débat, cette gauche qui sait brandir le féminisme sur les plateaux télé et les réseaux sociaux, mais qui ne sait plus défendre les femmes à l’Assemblée nationale, alors même que c’est ce qu’elles attendaient de leurs représentants. C’est vrai ! Ben voyons ! Ce n’est pas vous qui défendez la retraite à 60 ans ! Vous condamnez les femmes à deux ans de plus ! Mais nous ne lâcherons rien et nous savons que les sénateurs poursuivront notre combat au service d’une juste retraite pour les femmes. Macroniste, va ! Ça, ce n’est pas gentil ! Le président du groupe Les Républicains au Sénat, Bruno Retailleau, a par exemple proposé deux options, soit une surcote de 5 % pour les mères de famille ayant atteint à la fois une carrière complète et l’âge légal de départ à la retraite, soit un départ anticipé à 63 ans. M. Dussopt a lui-même annoncé dans la presse qu’il était, je cite : « d’accord avec [nous] et ouvert » et qu’il était possible de « trouver des solutions pour améliorer le texte quant à la situation des femmes ». M. Ciotti va devenir le ministre des retraites de Macron ! Cette lucidité tant attendue n’est-elle pas toutefois un aveu d’échec, dans la continuité des déclarations de M. Riester ? En tout cas, simplement reconnaître ces inégalités ne suffit pas ; il faut les corriger. Nous, députés du groupe Les Républicains, espérons que vous saurez mettre en pratique vos discours. Nous veillerons jusqu’au bout à ce que les femmes ne soient pas les grandes oubliées de cette réforme. La justice sociale pour toutes et tous, là est notre combat et notre cap. Très bien ! Amen ! La parole est à Mme Géraldine Bannier. Évoquer la retraite des femmes, c’est inévitablement se pencher sur les inégalités entre hommes et femmes qui, bien en amont, perdurent pendant l’activité professionnelle et dans toute la société ; on ne saurait être surpris qu’elles se confirment au moment de la retraite. Même si, fort heureusement, les choses progressent, il faut bien constater que les femmes ont trop longtemps été un impensé des réformes des retraites ; pour rappel, malgré neuf réformes en cinquante ans, ce n’est qu’à partir de la réforme menée par M. Fillon en 2003 que la question des femmes a été traitée. Merci, monsieur Fillon ! Longtemps, nombre de femmes – pensons aux agricultrices, aux commerçantes – ont travaillé, comme elles le disent elles-mêmes, pour leur mari, sans être déclarées ni cotiser, et n’ont eu que leurs yeux pour pleurer, lors de leur départ à la retraite, à l’heure de constater que bien qu’ayant travaillé tout autant que leur époux – tout en ayant de surcroît assumé la majorité des tâches ménagères et assuré la plus grande part de l’éducation des enfants –, elles ne pouvaient prétendre à une pension équivalente au minimum vieillesse. Elles ont pourtant participé à la richesse du pays.
De plus, les femmes, parce qu’elles quittent leur emploi pour prendre en charge leurs enfants lorsqu’elles ont du mal à trouver un mode de garde, parce qu’elles interrompent plus souvent que les hommes leur activité vers 50 ans pour s’occuper d’un parent malade ou dépendant, sont aussi les premières concernées par les carrières courtes ou le temps partiel et perçoivent des salaires inférieurs. En 2022, selon les chiffres de l’Insee, les salaires des femmes sont inférieurs en moyenne de 22 % à ceux des hommes. Le constat est sans appel : 37 % des femmes retraitées touchent moins de 1 000 euros bruts de pension, alors que ce n’est le cas que pour 15 % des hommes. Le taux de pauvreté des femmes retraitées est aussi sensiblement plus élevé – il est de 10,4 % contre 8,5 % pour les hommes. Scandaleux ! Pour éviter une décote, les femmes sont aussi davantage contraintes que les hommes à liquider leurs droits à l’âge de 65 ans ou après – pour la génération née en 1950, c’est le cas de 19 % des femmes contre 10 % des hommes.
Le projet de réforme en cours d’examen, sans prétendre traiter l’ensemble des problèmes en amont, les prend du moins en compte, grâce à plusieurs mesures. Pour rappel, l’âge d’annulation de la décote restera de 67 ans. C’était impératif puisque ce sont d’abord les femmes qui, n’ayant pu cotiser tous leurs trimestres, travaillent jusqu’à cet âge et sont concernées par ce seuil. Les femmes dont la carrière est incomplète ou hachée seront prises en compte grâce à l’octroi, nouveau, de trimestres pour congé parental dans le dispositif carrières longues – jusqu’à quatre trimestres pourront ainsi être gagnés ; 2 000 femmes seront concernées chaque année.
La prise en compte des trimestres cotisés auprès de l’assurance vieillesse du parent au foyer – AVPF – est aussi une avancée ; jusqu’à quatre pourront l’être. Puisque ce sont plus souvent les femmes que les hommes qui remplissent le rôle d’aidant, selon le Gouvernement, la mesure permettra d’augmenter de 2 points le nombre de femmes bénéficiant du Mico – minimum contributif – majoré, réservé, pour rappel, à ceux qui ont cotisé cent vingt trimestres.
Les femmes seront également plus nombreuses à bénéficier du dispositif pour les petites pensions, à savoir l’augmentation du minimum contributif – 29 % d’entre elles seront concernées, contre 17 % des hommes. La réforme prévoit en effet une augmentation de 25 euros du socle de base du minimum contributif et de 75 euros s’agissant de sa version majorée. Les femmes bénéficieront d’une hausse plus franche que les hommes, de 38 euros brut par mois en moyenne, contre 25 euros bruts pour eux.
J’en viens à l’octroi de trimestres – quatre dans le secteur privé, deux dans le secteur public – pour la naissance et l’éducation d’un enfant, une mesure instaurée à la fin des années 1960 pour compenser la perte de trimestres liée à la grossesse, qui conduisait souvent les femmes à arrêter le travail. Il est utile de rappeler que le dispositif est maintenu et permet toujours de transférer à l’autre parent les quatre trimestres complémentaires octroyés pour l’éducation d’un enfant.
L’amendement du groupe Démocrate visant à permettre aux femmes ayant eu des enfants avant 2012 d’intégrer leurs indemnités de congé maternité dans le calcul de leur pension est repris par le Gouvernement. La loi prévoyait déjà cette possibilité, mais uniquement pour les congés maternité pris à partir du 1er janvier 2012. Cette avancée complémentaire était donc attendue.
Le débat n’ayant pas pu se dérouler comme nous l’aurions souhaité, le sujet de la pénibilité n’a guère été qu’entrevu. C’est un vrai regret car, trop souvent, le caractère pénible des métiers féminins est comme occulté, invisibilisé. On peut le comprendre tant les représentations mentales sont liées aux images de port de charges lourdes, à celles du marteau-piqueur, de la truelle ou du bitume sur les chantiers. Certains métiers exercés majoritairement par des femmes sont pourtant extrêmement pénibles – il suffit de penser aux aides-soignantes, amenées à soulever des patients. Les femmes sont, pour rappel, beaucoup plus concernées par les troubles musculo-squelettiques. Elles devront donc faire l’objet d’une attention toute particulière dans le futur plan de prévention doté d’1 milliard d’euros.
L’abaissement du seuil d’obtention de points de pénibilité prévu dans le cadre du C2P – compte professionnel de prévention – pour le travail de nuit – celui-ci passera de cent vingt à cent nuits par an, et quand ce travail est effectué en équipes successives, de cinquante à trente nuits par an ; la suppression du plafond de 100 points de pénibilité ; le renforcement de la valeur des points pour l’accès à la formation ou au temps partiel ; l’instauration du suivi médical personnalisé sont des points importants, particulièrement pour les femmes.
Ainsi, si le débat actuel appelle évidemment à continuer à réduire les inégalités salariales entre hommes et femmes, première cause des inégalités lors de la retraite, c’est plus largement à une réforme massive des représentations et des pratiques que chacun d’entre nous, citoyen, élu, chef d’entreprise, homme ou femme est appelé… Merci, chère collègue. …pour qu’un jour nous ne soyons plus obligés d’organiser ce type de débat consacré spécifiquement aux femmes à l’Assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR. – Mme Estelle Youssouffa applaudit également.) La parole est à M. Bertrand Petit. Il y a dix jours, le Gouvernement a clos prématurément les débats sur le projet de réforme des retraites sans laisser aux députés la possibilité de débattre des mesures d’âge, alors qu’elles sont porteuses d’injustices profondes pour les Français et les Françaises.
Les femmes, en particulier, porteront l’essentiel du poids de la réforme ; elles s’annoncent déjà comme les perdantes de celle-ci, à rebours des contre-vérités du Gouvernement. Ainsi, l’économiste Michaël Zemmour a estimé qu’environ 60 % des 17,7 milliards d’euros d’économies par an recherchées d’ici 2030 avec cette réforme seraient faites au détriment des femmes. Ce chiffre, non infirmé par la direction de la sécurité sociale lors du contrôle sur pièce et sur place mené par notre collègue Jérôme Guedj, en sa qualité de vice-président de la Mecss – mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale –, est tout simplement inadmissible.
Il l’est encore davantage quand on se remémore les injustices pesant déjà sur les femmes tout au long de leur carrière. Tout d’abord, les carrières courtes concernent davantage les femmes que les hommes : quand les femmes accouchent, nous le savons, elles basculent souvent vers un temps partiel ou se retirent temporairement de la vie professionnelle pour se consacrer à l’éducation de leur enfant. Mécaniquement, les femmes sont plus nombreuses à attendre l’âge d’annulation de la décote pour liquider leurs droits : c’est le cas de 19 % d’entre elles, contre seulement 10 % pour les hommes. Les carrières fractionnées concernent également davantage les femmes. Elles sont enfin plus nombreuses que les hommes à renoncer à leur carrière pour assister un proche en perte d’autonomie.
Les femmes, plus touchées par les carrières courtes, sont ainsi les perdantes de la réforme des retraites qui exige une carrière complète de quarante-trois ans à temps plein pour bénéficier d’une retraite à taux plein.
Le même constat s’impose concernant la retraite à 1 200 euros dont Jérôme Guedj a démontré lors de nos débats la faiblesse du nombre de bénéficiaires. M. Dussopt a ainsi indiqué hier par courrier qu’entre 10 000 et 20 000 personnes supplémentaires en bénéficieraient chaque année,… C’est exact ! …sans préciser la part relative des hommes et des femmes. Quand on pense qu’on est passé de 1,3 million de bénéficiaires à 10 000 en une semaine ! Nous attendons donc cette précision, même si nous savons déjà que le choix du Gouvernement d’augmenter de 75 euros le minimum contributif majoré et de 25 euros le Mico de base désavantagera les femmes. En effet, alors que le bénéfice du minimum contributif majoré est subordonné à la cotisation de trimestres – et non à leur validation –, les femmes cotisent en général moins de trimestres que les hommes.
La conséquence de votre réforme apparaît clairement : les femmes seront amenées à travailler plus longtemps pour bénéficier d’une retraite à taux plein au niveau actuel. Le Gouvernement l’a lui-même reconnu dans son étude d’impact : avec la réforme, alors que l’âge moyen de départ à la retraite des femmes nées en 1970 progressera de douze mois, passant de 63,5 ans à 64,5 ans, celui des hommes de la même génération ne progressera que de huit mois et demi, passant de 64 ans à 64,7 ans.
Enfin, l’injustice majeure que constitue l’importante inégalité de revenu et de pension entre les femmes et les hommes n’est aucunement prise en compte dans votre réforme ; elle risque même d’être accentuée par le recul de l’âge de la retraite et l’allongement de la durée de cotisation. Sur ce dernier point, votre étude n’a pas évalué la diminution des pensions de retraite des femmes liée à la suppression des surcotes dont celles-ci bénéficiaient jusqu’à présent quand elles travaillaient au-delà de l’âge légal de départ à la retraite, suppressions elles-mêmes liées au report de l’âge légal de 62 à 64 ans. Pour mesurer ces effets sur les différentes catégories professionnelles et bénéficier d’un débat éclairé, nous avons demandé au Gouvernement plus d’information et plus de temps, mais nous nous sommes heurtés à un double refus inacceptable.
Si nous comprenons que les femmes seront en moyenne plus concernées que les hommes par le décalage de l’âge de la retraite, nous ne connaissons pas les détails des effets selon les profils, mais seulement des moyennes reposant sur des hypothèses trop générales. Nulle part nous ne disposons d’indications claires sur les effets de la réforme du dispositif carrière longue sur les femmes, qui en bénéficient moins, en proportion, que les hommes, ni d’informations transparentes concernant le nombre de femmes pour qui la réforme annulera le bénéfice des majorations de trimestres. Enfin, le COR – Conseil d’orientation des retraites – note que le taux de pauvreté des retraités augmente depuis 2016, en particulier chez les personnes âgées de plus de 65 ans qui vivent seules ; parmi elles, ce taux atteint même 16,5 % pour les femmes. Quel sera l’impact de la réforme sur ce taux ? Vous ne le précisez pas.
Les Français ne s’y sont pas trompés et rejettent massivement la régression que souhaite imposer le Gouvernement sans même permettre la tenue d’un débat suffisamment long et éclairé. Nous vous demandons des précisions sur l’ensemble de ces points. (Mme Soumya Bourouaha et M. Matthias Tavel applaudissent.) La parole est à Mme Anne-Cécile Violland. Je me réjouis de nourrir le débat entamé il y a quelques semaines sur les retraites, dans de bien meilleures conditions que précédemment. Je souhaite rappeler mon profond regret quant à la manière dont les débats se sont déroulés, ce qui a empêché que se tiennent des échanges constructifs. La faute à qui ? Au Gouvernement ! Nos concitoyens ne méritent pas ces mises en scène et ces campagnes de désinformation. Dites-le au Gouvernement ! En l’occurrence, la cause des femmes a été instrumentalisée (M. Matthias Tavel proteste) … Monsieur Tavel, je vous invite à écouter l’oratrice. …alors qu’elle mérite tellement plus de décence et de dignité. Au sein de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes (DDF), nous avons eu l’occasion d’aborder la question de l’impact de cette réforme des retraites pour les femmes, dans un climat apaisé, constructif – sans doute parce que nous travaillions loin des caméras.
Malgré tout, je remercie le groupe La France insoumise d’avoir inscrit cette question à l’ordre du jour et de permettre d’échanger au-delà des postures et des caricatures. Ah, de rien ! Comme quoi, vous êtes utiles ! C’est une question primordiale qui mérite l’attention de tous et le respect de chacun. Permettez-moi de développer quelques chiffres : en 2021, les femmes liquidaient leurs droits à la retraite en moyenne dix mois après les hommes ; le montant moyen de la pension de retraite, de 1 459 euros mensuel sexes confondus, était de 1 674 euros pour les hommes et de 1 272 euros seulement pour les femmes – c’est 24 % de moins. Si nous déduisons la majoration de pension perçue pour trois enfants ou plus, l’écart de pension de retraite entre hommes et femmes s’élève à 39 %.
Cette réforme a donc été l’occasion de rappeler que la situation des femmes en matière de pensions de retraite est particulièrement inégalitaire. Certaines de ces inégalités peuvent être corrigées en prenant en compte les trimestres d’interruption d’activité des femmes, tant pour l’éligibilité au dispositif carrières longues que pour le calcul de la retraite minimale. Il importe de noter que la revalorisation des petites pensions favorisera majoritairement les femmes, puisque près de 30 % d’entre elles verront leur pension augmenter.
Je n’oublie pas que cette augmentation est avant tout la conséquence des faibles pensions perçues par les femmes. Évidemment, toutes ces inégalités existent depuis trop longtemps. Sans doute une réforme systémique aurait-elle permis d’aller plus vite et plus loin dans la correction de ces injustices. C’est pourquoi je veux rappeler que la meilleure manière de lutter contre ces inégalités, c’est d’abord et avant tout de s’attaquer à l’inégalité professionnelle, aux différences salariales, à la question des métiers pénibles. Les écarts de pension s’expliquent en grande partie par ces écarts de salaire contre lesquels il faut absolument lutter car le système de retraite ne peut entièrement les corriger. Quand considérerons-nous enfin la femme comme un homme comme les autres ? La parole est à Mme Soumya Bourouaha. Cela fait maintenant plusieurs semaines que le Gouvernement et la majorité travaillent leurs éléments de langage pour tenter de nous faire croire que la réforme des retraites serait juste et équilibrée. Les femmes en seraient même les premières bénéficiaires – le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement dit pourtant le contraire.
Notre débat est donc l’occasion de rappeler quelques faits et d’expliquer pourquoi votre réforme n’est favorable à aucun de nos concitoyens, et certainement pas aux femmes. Elle va davantage les affecter car elles seront plus touchées par le relèvement de l’âge de départ à la retraite, comme l’illustrent ces quelques exemples, parlants. Ainsi, pour la génération née à partir de 1966, l’âge de départ légal moyen est repoussé de sept mois pour les femmes, contre cinq mois pour les hommes. Pour la génération née à partir de 1972, c’est encore pire : l’âge de départ légal moyen recule de neuf mois pour les femmes, contre cinq mois pour les hommes.
En outre, l’accélération brutale de la mise en œuvre de la loi, dite Touraine, garantissant l’avenir et la justice du système de retraites affaiblit la portée de l’avantage des trimestres acquis par enfant. Ce phénomène était parfaitement prévisible, mais le Gouvernement a fait le choix de ne pas réévaluer ce bénéfice proportionnellement au rallongement de la durée de travail. De surcroît, si, dans le privé, les femmes bénéficient d’une majoration de durée d’assurance de huit trimestres par enfant, dans le public, c’est seulement deux trimestres si l’enfant est né après 2004, et quatre trimestres s’il est né avant 2004. Vous avez vanté les bénéfices de votre réforme pour les femmes. Par cohérence, vous auriez donc pu faire un geste ! Mais rien ! En réalité, votre réforme n’avantagera que le capital et les actionnaires !
L’écart de pension entre les hommes et les femmes est en moyenne de 40 %. Ce chiffre est largement connu, il est alarmant et, si le sort des femmes préoccupait sérieusement ce gouvernement, vous l’auriez également traité lors de nos débats. Malheureusement, la réforme ne prévoit aucun rattrapage, aucune compensation. Ce n’est certainement pas la petite revalorisation du Mico pour une carrière complète au Smic qui augmentera le montant des pensions touchées par les femmes, elles qui sont les premières soumises aux bas salaires et au temps partiel.
En réalité, s’il était question d’agir concrètement pour davantage d’égalité et de justice sociale, nous aurions débattu des moyens de favoriser l’égalité professionnelle afin qu’à postes et compétences équivalents aux hommes, les femmes perçoivent la même rémunération et, donc, des pensions de retraite qui ne soient plus 40 % inférieures à celles des hommes.
Le Gouvernement nous explique que la pension moyenne des femmes va augmenter et qu’il s’en réjouit. Mais il oublie de préciser que c’est uniquement grâce à l’effort qu’elles devront fournir en travaillant deux années de plus !
De surcroît, le Gouvernement ne parle pas de toutes celles, bien plus nombreuses, dont les retraites seront rabotées parce qu’elles ne tiendront pas deux ans de plus. Pourtant, votre projet de loi fait aussi l’impasse sur la pénibilité au travail et sa compensation. Or, parmi les métiers à dominance féminine, ceux du soin et du lien sont primordiaux dans notre société, mais dévalorisés et exécutés dans des conditions très précaires. D’ailleurs, l’hiver dernier, la Cour des comptes a alerté sur le taux de sinistralité hors norme observé dans ces métiers. Les femmes qui y travaillent seront parmi les très grandes perdantes de votre réforme.
Quant à la prise en compte des périodes de congés parental dans les trimestres acquis au titre des carrières longues, il s’agit d’une avancée minuscule au regard des réalités et des besoins. Concrètement, il s’agira de prendre en compte quatre trimestres pour les femmes ayant commencé à travailler avant 20 ans. Selon l’étude d’impact, ce dispositif concernerait 2 ou 3 000 femmes sur les 400 000 qui partent en retraite chaque année.
Au lieu d’infliger brutalement deux années de travail supplémentaires aux hommes et aux femmes de ce pays, il y avait bien d’autres dispositions à prendre, des dispositions urgentes et de progrès social. Il y avait – et il y a toujours – la possibilité, si votre gouvernement en a la volonté politique, de faire le choix du progrès et de la justice sociale en renonçant à cette funeste réforme des retraites pour construire, à la place, des droits collectifs plus protecteurs et plus justes pour toutes et tous. La parole est à Mme Estelle Youssouffa. Parler femmes et retraites, c’est parler d’inégalité, d’inégalité des sexes face à l’argent. Car il me semble que l’égalité est avant tout une question économique. L’Hexagone serait bien inspiré de réfléchir aux traditions de mon département, Mayotte. Terre française et majoritairement musulmane, Mayotte est un matriarcat matrilinéaire : les femmes y sont cheffes de famille et la coutume veut qu’à leur naissance, le père construise une maison pour chacune de ses filles. Nos coutumes mahoraises protègent les femmes en leur garantissant un toit sous lequel l’époux n’est qu’un invité.
Après son mariage, le Mahorais va en effet habiter chez sa femme et les enfants du couple resteront chez leur mère. Mayotte donne ainsi le pouvoir aux femmes, avec la possession de leur foyer, socle de l’autonomie économique. Cela a nourri notre société matriarcale, où l’égalité hommes-femmes est réelle.
À Mayotte, l’entrepreneuriat féminin est extrêmement dynamique et c’est le pilier de notre économie. Notre histoire est marquée par les maîtresses femmes qui ont mené, dans les années 1970, le combat pour que Mayotte soit française : Zakia Madi, Zéna M’Déré – dont je porte les couleurs –, Zéna Méresse, Mouchoula, Mama Bolé Latifa, Tava Colo, Coco Laza et toutes les autres ont lutté contre les indépendantistes en chatouillant jusqu’aux larmes les Comoriens et autres émissaires qui voulaient faire sortir Mayotte de la République.
Modestes mais déterminées, non violentes mais en lutte, les Chatouilleuses ont humilié et pourchassé les ministres et leurs idées néfastes pour garantir à Mayotte la liberté, l’égalité et la fraternité. Mayotte et la France sont les héritières de ce féminisme combattant. La République doit aux sorodas – soldates mahoraises –, et à toutes ces femmes, de pouvoir encore faire flotter notre drapeau tricolore sur l’île aux parfums. Eh oui ! Certaines de ces femmes puissantes sont toujours parmi nous, mais elles vivent souvent dans le plus grand dénuement : les retraites à Mayotte atteignent péniblement 286 euros en moyenne. Nos aînées réclament de pouvoir vieillir dignement.
Je vous raconte cette histoire pour que l’on se souvienne de ce que notre pays doit aux femmes et que nous les traitions enfin à égalité, dans le travail et dans les retraites. Notre pays connaît une période politique historique, avec une féminisation inégalée des postes clefs : pour la première fois, notre pays compte une Première ministre, une présidente de l’Assemblée nationale épaulée de cinq vice-présidentes, quatre femmes à la tête des principaux groupes politiques de notre assemblée, qui n’atteint pourtant pas la parité, avec seulement 37,3 % de députées.
Ici, nous sommes les égales de nos homologues masculins et payées comme telles – même indemnité et même retraite. La plupart de nos électrices n’ont pas cette chance. Tous temps de travail confondus, les Françaises touchent 28,5 % de moins que les hommes. Les emplois féminisés sont moins considérés et moins bien payés. À travail égal, s’il y a un sexe faible, c’est surtout parce qu’il est plus faiblement payé.
Si l’égalité homme-femme est toujours grande cause nationale, force est de constater que le Gouvernement a discriminé nos concitoyennes dans cette réforme des retraites. Force est de constater qu’il a perpétué l’injustice économique qui frappe les Françaises en alimentant les inégalités dans le grand âge. À titre d’exemple, la majoration de durée d’assurance pour enfants est variable : dans le privé, elle est de huit trimestres par enfant quand, dans le public, elle est seulement de deux trimestres. Il en est de même pour la majoration de pension : dans le privé, elle est de 10 % à partir de trois enfants tandis que, dans le public, la majoration passe à 5 % à partir du troisième. On s’y perd ! Quant aux pensions de réversion, on compte plus de onze régimes différents. C’est pourtant un outil important pour réduire les inégalités de pensions entre les hommes et les femmes, car les pensions de réversion réduisent l’écart de 40 à 28 % !
Le groupe LIOT a proposé de relever à 30 000 euros le plafond de ressources des bénéficiaires des pensions de réversion – contre 23 000 actuellement. Nous proposons aussi d’ouvrir les droits pour enfants dès le deuxième, pour tenir compte de la baisse du nombre d’enfants par femme.
La question n’est pas d’inciter les Françaises à avoir des enfants, pour en faire des variables d’ajustement budgétaire de notre système de retraite par répartition. Non ! La maternité doit rester un choix libre de toute pénalisation professionnelle et financière. Il s’agit de garantir de bonnes conditions d’emploi et de conciliation avec la vie professionnelle pour celles qui souhaitent fonder une famille, et d’améliorer leurs droits au moment de leur retraite.
La justice sociale passe par l’égalité des sexes et l’émancipation économique des femmes : la réforme des retraites doit revoir sa copie pour que nos concitoyennes, nos électrices, ne soient pas que des bonnes poires et que notre système soit à la hauteur de Marianne, symbole de notre République. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. – Mme Emmanuelle Ménard et M. Emmanuel Taché de la Pagerie applaudissent également.) La parole est à Mme Véronique Riotton. Je prends la parole au nom du groupe Renaissance dans ce débat très opportunément inscrit par nos collègues de La France insoumise – alors qu’ils ont largement privé les Français de débat au cours des dernières semaines ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) N’importe quoi ! C’est le Gouvernement qui les a privés de débat ! Il est toujours savoureux de constater que, maintenant, ils veulent débattre alors qu’il y a quelques jours, ils préféraient le désordre et le chaos… À cause de l’article 47-1 ! Il existe effectivement des différences structurelles et des inégalités de pension entre les femmes et les hommes. Nous devons impérativement identifier les racines de ces inégalités, liées notamment à une organisation du travail qui malmène les femmes et dont les effets se répercutent – voire se densifient – au moment de la retraite. On l’a déjà dit ! Qu’avez-vous fait, à part contribuer à ce que la situation empire ? Écoutez-la ! C’est pour cela que nous avons d’ores et déjà fait progresser plusieurs chantiers importants. Elle a raison ! Par exemple, nous revalorisons les petites pensions, sachant que les femmes sont plus nombreuses à avoir cotisé avec des revenus modestes. Ainsi, 33 % des femmes à la retraite obtiendront une augmentation de leur pension. Sur les 2 millions de retraités actuels, 60 % sont des femmes, et leur pension sera revalorisée de 6,7 % en moyenne, contre 5,1 % pour les hommes.
Nous avons également pris en compte les périodes de congé parental dans le calcul des trimestres requis pour bénéficier d’une retraite anticipée pour carrière longue. Les femmes pourront ainsi obtenir plus tôt une retraite à taux plein.
Si La France insoumise n’avait pas préempté et dévoyé le débat,… Changez de disque ! …nous aurions pu défendre cette avancée parlementaire et inscrire, dans la loi, une trajectoire de réduction des inégalités. En une génération, au plus tard en 2050, les écarts de pension entre les femmes et les hommes seront éradiqués. Franck Riester a dit le contraire ! Les travaux menés par la présidence de la DDF nous ont permis d’envisager des mesures structurelles à même de corriger ces inégalités, et nous contribuerons à les faire figurer dans le futur projet de loi sur le plein emploi.
Je ne parle pas ici de mesures compensatoires – de mesurettes – qui pourraient combler temporairement ces inégalités, mais bien d’une transformation en profondeur du travail, afin de lui redonner sa fonction première, émancipatrice. C’est l’un des principaux piliers sur lesquels s’appuyer pour atteindre l’égalité réelle entre les femmes et les hommes. Je le répète, ces inégalités sont intolérables et contraires à l’esprit de justice et d’équité.
D’ailleurs, ces inégalités sont le symptôme d’un mal bien plus vaste : les inégalités touchant la valeur travail. En cela, nous différons, chers collègues situés à l’extrême droite ou à l’extrême gauche de cet hémicycle. Il n’y a pas d’extrême gauche, ici ! Pour nous, le travail, c’est l’émancipation, la mobilité, l’agilité. C’est par le travail que nous faisons société, que nous nourrissons notre solidarité. Les Françaises et Français connaissent cette valeur et l’estiment. Nous souhaitons donc valoriser le travail autant qu’il le mérite.
Les femmes doivent aussi pouvoir se saisir de la portée émancipatrice du travail et, en fin de carrière, percevoir les mêmes pensions que les hommes, parce qu’elles auront eu les mêmes conditions de travail. (Mme Anna Pic s’exclame.)
Les écarts que nous constatons sont le résultat édifiant des inégalités structurelles relatives à l’emploi des femmes dans le marché du travail. Trois leviers sont susceptibles d’y remédier, que nous pourrons actionner par l’intermédiaire des prochains textes qui nous seront soumis.
Premièrement, les femmes perçoivent des rémunérations inférieures à celles des hommes. À partir de ce constat, nous avons créé l’index de l’égalité professionnelle, sur lequel nous poursuivons le travail.
Deuxièmement, conséquence des stéréotypes de genre, les femmes occupent plus souvent que les hommes des positions socioprofessionnelles moins favorables, dans des secteurs d’activité moins rémunérateurs. Nous devons agir sur la mixité des filières et des métiers, donner aux jeunes filles l’envie de s’orienter vers des secteurs d’avenir, stratégiques, comme le numérique et les sciences, et accompagner les entreprises pour ouvrir leurs portes aux femmes qui se réorientent en cours de carrière. Aujourd’hui même, dans cet hémicycle, avec la DDF, nous recevons quatre-vingts lycéens qui travaillent sur ce sujet. Je vous invite à venir écouter leurs conclusions à seize heures. C’est très bien ! Tout à fait ! Enfin, le taux d’activité des femmes est inférieur à celui des hommes. Elles travaillent plus souvent à temps partiel (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES) et interrompent davantage leur carrière que les hommes pour des motifs familiaux. L’accès au travail constitue un levier essentiel pour accompagner les femmes vers l’emploi. Retirez votre réforme ! Cessons d’instrumentaliser politiquement ces situations et apportons des changements structurels ; corrigeons les inégalités à la racine. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Bien sûr ! Tel sera l’objectif du prochain texte relatif au plein emploi.
Vous venez d’entendre quelques-unes de mes propositions. Maintenant, j’aimerais entendre les vôtres, plutôt que le brouhaha auquel vous nous avez habitués ! (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Bien joué ! Excellent ! Mais ça, ils ne savent pas faire ! Il fallait écouter ! Il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre ! Notre objectif, c’est zéro écart en 2050, à l’horizon d’une génération. Nous emploierons tous les outils possibles pour réduire et supprimer définitivement les inégalités de pension. Il s’agit d’un combat social fort. Gagner ce combat, voilà tout le sens de la grande cause nationale du quinquennat, que nous soutenons depuis 2017. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Mme Frédérique Meunier applaudit également. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) La parole est à Mme Anaïs Sabatini. Le présent débat offre l’occasion de souligner le caractère particulièrement discriminant pour les femmes de la réforme des retraites que le Gouvernement s’entête pourtant à imposer.
La situation respective des hommes et des femmes à la retraite constitue l’une des plus criantes inégalités entre eux. D’après l’Insee, les femmes perçoivent une pension moyenne inférieure de près de 40 % à celle des hommes.
L’autoritarisme et la brutalité du Gouvernement ont encore une fois fait leur œuvre en limitant nos débats, secondés par l’obstruction parlementaire absurde d’une partie de la NUPES qui, en essayant de jouer les Jean Moulin, n’a fait que prouver une nouvelle fois qu’ils ne sont que des Tartuffe. (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Ce n’est pas Macron, votre ennemi ! Vous êtes des collabos ! Tous ces comportements ont eu comme seul effet de priver la représentation nationale d’une discussion sereine sur le fond du texte. Vous, vous avez choisi la sieste ! Alors profitons de ce débat pour rappeler qu’à l’inutilité budgétaire qui caractérise cette réforme… Surtout, ne pas taxer les riches ! …s’ajoutent une profonde injustice sociale et une grande brutalité. Elle pénalisera les femmes en général, a fortiori les mères avec une carrière hachée.
Dans un instant de vérité, M. Riester, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, a concédé aux médias qu’avec cette réforme « [les femmes] sont évidemment un peu pénalisées », avant d’ajouter : « On n’en disconvient absolument pas. » Cet aveu, qui a le mérite de la clarté et de l’honnêteté, est confirmé par l’étude d’impact : la réforme aura pour conséquence de reculer de plusieurs mois l’âge effectif moyen de départ à la retraite pour les femmes.
Les femmes partent déjà plus tard à la retraite et touchent des pensions plus faibles : le report de l’âge de départ les affectera davantage. Toutes les réformes qui retardent l’âge de départ ont pour effet mécanique de pénaliser les femmes, plus nombreuses à avoir des carrières hachées. Actuellement, 40 % d’entre elles partent à la retraite avec une carrière incomplète. Cette réforme inique aura pour conséquence d’accentuer cette injustice.
Dans le régime général des retraites, huit trimestres sont attribués pour tout enfant né ou adopté, dont quatre le sont à la mère au titre de la naissance ou de l’adoption. Or ces trimestres ne comptent pas pour la durée de cotisation. Une femme qui a validé l’ensemble de ses trimestres avant l’âge légal devra donc continuer à travailler : le report de l’âge légal de départ efface le bénéfice des trimestres validés avec la maternité. Ainsi, quand Mme la Première ministre déclare que les femmes partiront à la retraite plus tôt que les hommes, c’est encore un mensonge. Parce que si aujourd’hui les femmes partent plus tard que les hommes, avec votre réforme, elles ne partiront sûrement pas plus tôt. Quant aux mères de famille qui subissent déjà l’injustice du système actuel, elles seront plus lésées encore. Quelle hérésie, lorsqu’on sait que ces mêmes femmes sont les pierres angulaires de notre système de retraite par répartition, puisque par définition les enfants d’aujourd’hui seront les cotisants de demain.
Vous proposez d’infliger aux femmes une double peine : elles subissent déjà une décote à cause des carrières hachées ; avec votre réforme, elles seront encore plus pénalisées ! Toute réforme des retraites sérieuse et ambitieuse devrait être accompagnée d’une campagne familiale et nataliste.
Encore une fois, le Gouvernement n’a rien anticipé, contrairement à la présidente du groupe Rassemblement national, Marine Le Pen, qui propose depuis fort longtemps des mesures simples, justes et efficaces pour protéger les femmes. Plus vous avez travaillé tôt, plus vous partez tôt. Notre projet est un projet de justice. Il permet aux femmes, à toutes les femmes, y compris les mères de famille, de profiter de leur retraite en bonne santé, sans avoir les bras cassés et le dos brisé. Il aurait fallu déposer des amendements ! Vous auriez pu un peu travailler ! Car dans les faits, les femmes sont les plus fréquemment exposées aux facteurs de risques psychosociaux ou touchées par les maladies professionnelles. Mais là non plus, le Gouvernement n’a rien fait pour prendre en considération la pénibilité à laquelle elles sont confrontées au travail. De toute évidence, votre réforme aura pour conséquence de fragiliser encore un peu plus la situation financière de nombreuses femmes qui exercent des métiers difficiles et qui ne pourront pas se maintenir dans l’emploi jusqu’à l’âge légal de départ à la retraite.
La politique est avant tout une question de choix. Ce gouvernement a fait celui de pénaliser les femmes en défendant une réforme aussi brutale qu’injuste. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Vous êtes encore plus réactionnaires ! La parole est à Mme Marie-Charlotte Garin. En France, la pension moyenne des femmes se monte à 1 145 euros par mois, celle des hommes à 1 924 euros ; le taux de pauvreté des femmes retraitées atteint 10,4 %, alors qu’il est sensiblement plus faible chez les hommes, et l’écart a tendance à se creuser depuis 2012. Enfin, les femmes partent un peu plus tard à la retraite que les hommes. Vous voyez où je veux en venir : les inégalités à la retraite sont le miroir des inégalités entre les femmes et les hommes tout au long de la vie. Très souvent, c’est un miroir grossissant.
Que proposez-vous pour remédier aux inégalités, par exemple professionnelles ? Rien. La loi de 2006 n’est toujours pas appliquée et aucune sanction n’est en vue pour les entreprises qui ne la respectent pas. Que proposez-vous pour améliorer le taux d’emploi des femmes ? Rien. Sur trente-huit pays de l’OCDE – Organisation de coopération et de développement économiques –, la France est vingt-cinquième en la matière. Nous vous avons notamment proposé, à l’occasion des derniers textes examinés, de sanctionner les employeurs qui abuseraient des temps partiels. Toujours rien. Cette pratique est pourtant monnaie courante, en particulier dans les secteurs fortement féminisés.
Si l’an dernier, le taux d’activité des femmes avait été identique à celui des hommes, 10 milliards de cotisations supplémentaires auraient été versées pour nos retraites. J’insiste : parce que les femmes travaillent moins que les hommes, le manque à gagner en cotisations atteint 10 milliards. Parce que les femmes gagnent moins que les hommes, il manque 5,5 milliards. Forcément, on se dit qu’on peut faire mieux. Le total se monte à 15,5 milliards. Si vous êtes un peu matheux, vous comprenez que le compte y est, en comparaison des 12 milliards de déficit temporaire que prévoit le Conseil d’orientation des retraites.
Cela montre bien que la priorité politique du Gouvernement est de faire travailler les gens plus longtemps, de faire des économies sur le dos des plus précaires, plutôt que de chercher à atteindre l’égalité entre les femmes et les hommes au travail.
S’agissant de l’égalité, vous ne vous contentez pas de ne rien faire. Votre réforme creusera les inégalités, dans un système déjà défavorable aux femmes. À l’évidence, le report de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans et, surtout, l’allongement de la durée de cotisation toucheront tout le monde. Toutefois la mesure affectera particulièrement tous ceux – en fait surtout toutes celles – dont les carrières ont été courtes ou hachées, ou qui ont travaillé à temps partiel.
Pour bien me faire comprendre, je citerai l’exemple de Quentin et d’Auriane, nés en 1975, qui ont commencé à travailler dans le privé à 23 ans. Leurs carrières ont été identiques et ils ont deux enfants. Avec le système actuel, Quentin doit attendre d’avoir 66 ans pour pouvoir partir avec une pension à taux plein. Auriane, grâce aux trimestres gagnés en compensation de ses deux grossesses, peut partir à 62 ans, puisque c’est l’âge légal. Après votre réforme, la situation de Quentin ne changera pas. En revanche, Auriane perdra les deux années gagnées en compensation de ses deux grossesses car elle devra travailler deux ans de plus pour atteindre l’âge légal, que vous souhaitez hausser à 64 ans. Elle a raison ! C’est aussi simple que cela. Nous nous y opposons.
Par ailleurs, reconnaîtrez-vous enfin la pénibilité des métiers fortement féminisés ? Nous parlons de toutes ces femmes qui ont fait marcher le pays pendant la crise liée au covid, comme les caissières et les soignantes. Les critères de pénibilité sont définis à partir de métiers masculins. Or les métiers féminisés peuvent être tout aussi difficiles, puisqu’ils cumulent bien souvent des contraintes physiques et émotionnelles importantes. J’ajoute que le nombre des accidents du travail progresse chez les femmes alors qu’il baisse chez les hommes ; il en va de même des maladies professionnelles et des troubles musculo-squelettiques.
Je vous livre le témoignage de Sarah, infirmière à Lyon, qui nous a écrit après avoir regardé les débats dans l’hémicycle. « J’ai bossé pendant six ans en réanimation des grands brûlés à Édouard-Herriot. Six ans où je me suis brisé le dos. Les pansements duraient en moyenne une heure trente par patient chaque jour ; les patients prenaient en moyenne 20 kilos d’œdème en phase initiale. On devait porter chacun de leurs membres pour faire leurs pansements, pour la plupart les personnes étaient intubées, ventilées, séparées, donc étaient des "poids morts". » Elle précise que les patients pèsent rarement 50 kilogrammes à leur arrivée ; il faut donc tourner et porter la jambe et le bras de patients de 100 kilogrammes, sans aide mécanique. Pour finir, Sarah demande comment, dans ces conditions, on peut tenir physiquement jusqu’à 64 ans.
Cette question, c’est à vous qu’elle s’adresse, aux membres du Gouvernement. Vous avez tenté de nous vendre une réforme juste à l’égard des femmes : personne n’est dupe. Nous soutenons les femmes et nous demandons le retrait de cette réforme. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES, SOC et GDR-NUPES.) La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’enseignement et de la formation professionnels. Même pas le ministre ? Vous portez au débat une question fondamentale : la retraite des femmes. Le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion, Olivier Dussopt, regrette de ne pas pouvoir y participer, parce qu’il est retenu au Sénat.
Les concertations ont été très utiles dans ce domaine ; elles nous ont permis de rester attentifs aux effets sur les femmes de chacune des dispositions de la réforme. De plus, la retraite des femmes est au cœur de l’examen parlementaire, depuis son commencement.
Certains d’entre vous s’en souviennent, il y a un mois exactement, le ministre est intervenu devant la représentation nationale pour répondre aux questions de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Cette audition a permis d’enrichir le texte, puisque le Gouvernement a soutenu et repris des amendements issus des échanges. Ils n’ont pu être débattus, à cause du blocage des discussions, que vous avez été nombreux à regretter.
L’amendement déposé par Mme Véronique Riotton vise à atteindre l’égalité des pensions entre les hommes et les femmes d’ici à 2050. D’autres avancées très précises concernent les droits à la retraite des parents confrontés à la perte d’un jeune enfant. Mme Karine Lebon a mis en lumière que dans la fonction publique, la majoration de 10 % pour famille nombreuse est retirée lorsque l’on perd un enfant avant ses 9 ans. Cette réalité doit changer. M. Paul Christophe a déposé un amendement visant à supprimer la diminution du nombre de trimestres supplémentaires en cas de décès de l’enfant avant ses 4 ans. D’autres amendements tendent à réviser plus largement les droits familiaux, tels celui de M. Thibaut Bazin et ceux visant à corriger une inégalité qui empêche les personnes exerçant une profession libérale de bénéficier d’une majoration de leur pension.
Nos débats en première lecture n’ont malheureusement pas permis d’examiner ces dispositions. Avec Olivier Dussopt, je formule le vœu que la suite de la navette parlementaire permette de les graver dans le marbre de la loi.
Le thème de la retraite des femmes restera présent dans les discussions parlementaires. Il donne lieu à des interrogations légitimes, mais aussi à de mauvais procès et à des informations trompeuses. Tout cela suscite en retour de l’incompréhension parmi nos concitoyens, surtout nos concitoyennes. Nous voulons dissiper les doutes.
La réforme que nous défendons prend en considération les parcours des femmes. D’abord, celles-ci partiront à la retraite plus tôt que les hommes, et continueront de percevoir leur retraite plus longtemps que les hommes. Actuellement, les femmes partent en moyenne plus tard que les hommes. Cette inégalité est bien entendu la conséquence d’une inégalité dans la vie active et non d’un aspect spécifique du système de retraite. Les départs sont retardés à cause d’interruptions de carrière plus nombreuses et plus longues en moyenne.
Les évolutions du marché du travail ont permis de mieux concilier la maternité et la vie professionnelle. D’autre part, nous renforçons l’assurance vieillesse des parents au foyer. Ainsi, les femmes peuvent moins interrompre leur carrière.
Elles partiront progressivement plus tôt que les hommes, y compris après la réforme. Une fois celle-ci entièrement entrée en vigueur, c’est-à-dire pour les Français nés en 1972, l’âge moyen de départ sera de 64 ans et 4 mois pour les femmes, contre 64 ans et 6 mois pour les hommes. Vous parlez d’un progrès ! Ces mêmes dispositifs permettent aux femmes de partir progressivement plus tôt que les hommes. Sous l’effet de la réforme, elles devront décaler leur départ à la retraite de neuf mois en moyenne, contre cinq mois pour les hommes. Ce décalage ne découle pas d’une disposition spécifique aux femmes, il résulte du fait qu’en moyenne, les femmes atteignent plus facilement le taux plein avant l’âge légal de départ à la retraite – ou dès cet âge.
Pour éviter un décalage plus important et répartir l’effort entre les femmes et les hommes, nous avons voulu à la fois repousser l’âge légal et allonger la durée d’assurance, plutôt que de porter l’effort sur le seul âge légal en le reportant à 65 ans. C’est l’un des points qui a été particulièrement discuté pendant la concertation, lorsque les différents scénarios ont été présentés aux partenaires sociaux. Quelle concertation ? Tous les syndicats sont contre !
Vous vous concertez avec votre nombril ? L’enjeu prioritaire est moins de permettre un départ plus précoce à la retraite que de garantir l’amélioration des pensions des mères qui ont dû interrompre leur activité et dont la progression salariale a été, en conséquence, ralentie par la suite. Nous examinerons avec attention les propositions qui seraient formulées dans la suite des débats, en particulier au Sénat où débute demain l’examen du texte en séance. La présente discussion, ainsi qu’une discussion plus large sur les droits familiaux, ouvrira la voie à une réforme d’autant plus juste pour les femmes qu’elle remédiera à la principale inégalité entre les femmes et les hommes en matière de retraite : le plus faible niveau de leurs pensions.
Les femmes seront les premières bénéficiaires de la revalorisation des pensions. Pourtant les femmes manifestent aussi ! Elles seront dans la rue le 7 mars ! C’est peut-être le point qui a le plus souffert d’informations erronées depuis que la réforme est débattue. C’est vous qui mentez ! Le constat est pourtant simple : près de 30 % des femmes de la génération née en 1962 verront leur pension augmenter grâce à la réforme, contre un peu plus de 15 % des hommes. Le gain moyen sera supérieur de 50 % à celui des hommes. Arrêtez de mentir ! De la même manière, plus d’un million de femmes déjà retraitées verront leurs pensions augmenter d’environ 6 % par an en moyenne ; là encore, c’est davantage que les hommes. Si la réforme a des effets asymétriques, c’est en faveur des femmes. Vous l’expliquerez aux manifestantes ! C’est incroyable de mentir autant ! Ce n’est pas dû à une disposition spécifique aux femmes : étant plus nombreuses à cotiser avec des niveaux de revenus modestes et des temps partiels, elles bénéficient de la revalorisation des petites pensions prévue par la réforme. Au total, en prenant en compte toutes les pensions pour la génération née en 1972, la pension moyenne des femmes augmentera de 2,2 % – deux fois plus que celle des hommes. Avec deux ans de moins, c’est sûr ! Cela contribuera à réduire les écarts de pension entre les femmes et les hommes et renforcera encore le mouvement impulsé par la réduction progressive de l’écart salarial. Cet écart est supérieur à 30 % pour la génération née en 1961, qui part à la retraite cette année. Il diminuera de dix points pour la génération née en 1971 et continuera à décroître pour s’établir progressivement en deçà de 20 % pour les générations pour lesquelles la réforme jouera à plein. Vous trouvez ça satisfaisant ? Ce n’est pas seulement dû à la réforme, mais elle y contribue. Ainsi, si elle prévoit d’augmenter les pensions pour l’ensemble des assurés et pour toutes les générations concernées – avec un gain croissant au fur et à mesure des générations –, ce sont les femmes qui en bénéficient le plus et le mieux. Nous pouvons tous nous en réjouir. Personne ne vous croit ! La réforme accordera également aux femmes de nouveaux droits, attendus depuis longtemps. Elle répare une injustice existant de longue date en actant la prise en compte des congés parentaux et des trimestres acquis au titre de l’assurance vieillesse des parents au foyer. Ces trimestres seront retenus pour l’éligibilité aux dispositifs de carrières longues et de retraite minimale ; ils entreront désormais intégralement, et non plus partiellement, dans le calcul du minimum de pension. Ces congés constituent une grande partie des interruptions de carrière des femmes, à l’origine des écarts de pension. La réforme améliorera donc concrètement la prise en compte des carrières hachées des femmes et fera en sorte que le choix de la maternité ne soit pas synonyme d’un renoncement à la retraite.
Enfin, les femmes qui ont connu de longues interruptions de carrière n’auront pas à travailler plus longtemps. Cette réforme ne fait rêver que vous ! Les femmes sont plus nombreuses à voir leurs carrières interrompues, de manière plus ou moins choisie, et à devoir travailler au-delà de l’âge légal pour avoir une pension suffisante. Pour 20 % des femmes, le départ à la retraite intervient à l’âge du départ à taux plein.
Pour faire en sorte que ces interruptions soient moins pénalisantes, l’âge du départ à taux plein sera maintenu à 67 ans. La durée maximale entre l’âge légal et l’âge du départ à taux plein sera réduite d’autant que le premier est repoussé ; d’un maximum de cinq ans, elle passe à un maximum de trois ans. Génial, quel progrès ! Pour mémoire, la réforme de 2010 avait choisi de repousser l’âge du départ à taux plein en même temps que l’âge légal ; nous décidons de ne pas procéder ainsi, mais de faire mieux.
L’égalité femmes-hommes est une priorité du Gouvernement, notamment du ministère du travail. Ça ne se voit pas ! Cette réforme n’y fait pas exception :… Elle est antiféministe ! …elle fait progresser la situation de nombreuses femmes à la retraite, améliore les retraites de celles qui ont des carrières hachées parce qu’elles les ont interrompues, de celles qui les ont commencées plus tôt et de celles qui ont de faibles revenus. (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) C’est honteux de dire ça devant la représentation nationale ! Bien entendu, des inégalités subsistent ; la réforme ne peut à elle seule corriger intégralement celles du marché du travail. La priorité consiste donc à continuer à se battre pour l’égalité professionnelle femmes-hommes, en matière de salaires comme de carrières. Nous poursuivrons l’approche déterminée engagée sous le précédent quinquennat par le Président de la République,… Vous allez voir le 7 mars, on va bloquer le pays ! …avec notamment l’index de l’égalité professionnelle et les mesures encourageant l’accélération de l’égalité économique et professionnelle.
L’égalité femmes-hommes dans l’émancipation économique démarre dès l’orientation et se joue tout au long de la carrière, pour se retrouver évidemment au moment de la retraite. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.) Nous en venons aux questions. Je vous rappelle que la durée des questions ainsi que celle des réponses est limitée à deux minutes sans droit de réplique.
La parole est à Mme Élise Leboucher. Le 26 février, Olivier Dussopt déclarait sur BFM TV qu’« avoir des âges de départ différenciés entre les femmes et les hommes, ce n’est pas très juste ». J’admire son sens de l’euphémisme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
En effet, il n’est pas très juste que les femmes partent plus tard que les hommes à la retraite en raison des carrières hachées et du système injuste de décote. Il n’est pas non plus très juste que les femmes perçoivent des pensions inférieures de 40 % à celles des hommes – 28 % si on inclut les pensions de réversion –, que le taux de pauvreté des femmes retraitées atteigne 10,4 % ou que les femmes seules représentent 50 % des allocataires du minimum vieillesse.
Vous le voyez dans les sondages et à travers les mobilisations : les Françaises et les Français rejettent clairement cette réforme. Vous pouvez encore sortir par le haut et retirer ce projet funeste. (Mêmes mouvements.) Mais nous devons aller encore plus loin : il est anormal que les femmes touchent des pensions de misère et soient plongées dans la précarité à la retraite.
Pour les femmes, le système de protection sociale se base encore trop souvent sur les droits dérivés liés au conjoint, au lieu de protéger leurs droits propres. Compter uniquement sur les pensions de réversion pour garantir des retraites dignes, c’est antiféministe. (Mêmes mouvements.) Il est urgent de sortir de ce système patriarcal et de faire évoluer la protection sociale, alors que les femmes participent pleinement au monde du travail.
Que devons-nous faire ? Tout d’abord renforcer les droits propres et éliminer les dispositifs qui discriminent les carrières hachées, comme la décote. Mais il faut traiter le problème à la racine : les inégalités salariales sont à la base des écarts de pension. Il est urgent d’adopter une politique de l’emploi pour contrer la précarisation des femmes, particulièrement affectées par les contrats à temps partiel ; de revaloriser les métiers majoritairement occupés par des femmes ; de prendre des mesures pour favoriser l’accès à l’emploi. La France se classe vingt-cinquième sur trente-huit dans l’OCDE pour ce qui est du taux d’emploi des femmes. Si le taux d’activité des femmes et des hommes était égal, 1,1 million de femmes supplémentaires travailleraient et cotiseraient. L’égalité salariale entre femmes et hommes rapporterait au moins 5,5 milliards d’euros de cotisations, ce qui permettrait de revaloriser les pensions. (Mêmes mouvements.)
Voilà nos propositions ; les solutions sont devant vous. Que comptez-vous faire pour sortir les retraites du patriarcat ? Dans l’attente d’une réponse satisfaisante, nous resterons mobilisées, dès mardi prochain et le 8 mars lors de la grève féministe. (Mêmes mouvements.) La parole est à Mme la ministre déléguée. Vous m’interrogez sur la philosophie générale de cette réforme. Je tiens à rappeler que dans le système actuel, les femmes attendent plus souvent l’âge maximal de départ à la retraite pour ne pas subir de décote. Pour protéger les femmes, cet âge restera fixé à 67 ans, car elles perçoivent le plus souvent les plus petites pensions. Un vrai progrès ! Cette réforme agit sur l’écart de pension entre les femmes et les hommes, qui s’établit autour de 30 %. Nous visons sa réduction à 20 % à l’horizon 2030, grâce à une meilleure prise en considération des congés parentaux et des congés de proche aidant, et grâce au travail mené sur le minimum de pension, qui bénéficiera plus largement aux femmes – 60 % d’entre elles sont concernées.
Au-delà de l’augmentation des pensions, de 6 % en moyenne pour les femmes – un peu moins pour les hommes –, nous avons pris un ensemble de mesures pour résoudre ce problème à la source, et ce dès 2018, avec la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel… Je vous rappelle que 92 % des entreprises ne sont pas sanctionnées ! …dont le titre III, relatif à l’index d’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, présente certaines exigences et vise à réduire les inégalités de rémunération et de carrière. Il ne sert à rien, votre index ! La loi du 24 décembre 2021 visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle permet également d’aller vers plus d’égalité entre les femmes et les hommes dans leur parcours de carrière et dans leurs responsabilités – c’est aussi un enjeu. Et les AESH ? La parole est à M. William Martinet. Vous refusez de prendre en compte la pénibilité des métiers féminisés dans votre réforme des retraites, avec pour conséquence l’aggravation des inégalités. On n’a pas eu le débat ! À cause de vous ! La situation des femmes sur le marché du travail se dégrade. Entre 2001 et 2015, le nombre d’accidents du travail avec arrêt a diminué de 28 % pour les hommes, mais a augmenté dans la même proportion pour les femmes. Si vous n’aviez pas déposé 17 000 amendements, on aurait pu en discuter ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) C’est pénible d’être interrompu sans cesse, hein ? Très pénible ! Ces chiffres sont évidemment problématiques et sont le fruit de l’histoire du monde du travail : la prévention des risques professionnels s’est d’abord construite dans les branches professionnelles du bâtiment, de la chimie et de la métallurgie, qui sont masculines.
Mais l’histoire n’excuse pas tout. Nous sommes en 2023, il serait temps de prendre conscience que la moitié des travailleurs sont des travailleuses et qu’elles aussi ont droit à une prévention des risques professionnels et à une reconnaissance de la pénibilité. Malheureusement, cette prise de conscience n’a pas eu lieu dans les rangs macronistes.
Prenons l’exemple très concret du compte professionnel de prévention de M. Emmanuel Macron, instauré en 2017. Sur ses six critères, un seul concerne majoritairement les femmes : les gestes répétitifs. Je vais vous détailler le processus par lequel ces critères peuvent exclure les femmes. Le critère relatif au port de charges lourdes, par exemple, est calculé en fonction de poids unitaires et non de poids cumulés. Par conséquent, une hôtesse de caisse – métier presque exclusivement féminin –, qui porte 1 tonne de charge par jour, n’y est pas éligible, ce qui est absolument aberrant. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Exactement ! J’ajoute la pénibilité psychologique, qui concerne beaucoup de métiers du lien ; de nombreuses femmes sont ainsi confrontées à la détresse sociale.
Madame la ministre déléguée, qu’avez-vous fait pour corriger la faiblesse de la prise en considération de la pénibilité des métiers féminisés ? Rien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Vous avez fait pire, parce que la meilleure des préventions serait de pouvoir partir à la retraite avant que le travail ait cassé le corps et l’esprit. Lorsque vous reculez l’âge du départ à la retraite, vous aggravez la situation. (Mêmes mouvements.) La parole est à Mme la ministre déléguée. Je regrette que les débats sur ce sujet n’aient pu se tenir dans le cadre de la discussion sur la réforme des retraites (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES) … À cause de votre utilisation de l’article 47-1 ! …qui a été bloquée par votre groupe. Ça vous a bien arrangé, au Gouvernement ! Nous, on peut le dire ! Exactement ! C’est fort dommage, parce que beaucoup de députés auraient souhaité y participer.
Les députés de la majorité ont œuvré en matière de santé au travail avec la loi de 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail, que vous n’avez peut-être pas encore eu le temps de découvrir. Vous n’êtes pas obligée d’être méprisante avec la représentation nationale ! Baissez donc le ton ! J’en étais la co-autrice et je vous confirme qu’elle visait à améliorer la prévention en santé au travail pour tous, travailleuses comme travailleurs.
Vous m’interrogez sur le projet de retraite défendu par le Gouvernement, qui renforce la prise en considération par tous les leviers disponibles de l’usure professionnelle. Le débat de lundi dernier, organisé à l’initiative du groupe Écologiste-NUPES et consacré à la pénibilité, a permis de rappeler plusieurs éléments.
D’abord, sont améliorés les droits acquis au titre du compte professionnel de prévention, dont bénéficient bien entendu les femmes, qui représentent un quart des personnes exposées, soit environ 160 000 personnes. C’est là qu’est le problème ! Le nombre de points pouvant être acquis sera donc déplafonné et la valeur des points pouvant être utilisés pour suivre des formations ou pour travailler à temps partiel sera augmentée de 30 %. Cette mesure concernera particulièrement les femmes – vous n’êtes pas sans le savoir.
Ensuite, notre mobilisation est inédite puisque nous créerons un fonds d’investissement, doté de 1 milliard d’euros sur le quinquennat, dédié à la prévention de l’usure professionnelle, liée aux conditions d’exercice de certains métiers – port de charges lourdes, postures pénibles, vibrations mécaniques – auxquelles sont soumises les personnes, en particulier les femmes. Très concrètement, une aide-soignante, par exemple, se verra allouer des droits supplémentaires pour suivre une formation professionnelle et bénéficier d’une adaptation de son poste de travail. La parole est à Mme Émilie Bonnivard. On a hâte ! LR, donneurs de leçons ! Depuis 2017 et dans la droite ligne de François Hollande, Emmanuel Macron a poursuivi la destruction de la politique familiale française, en baissant le plafond de la prestation d’accueil du jeune enfant – ce qui ne facilite pas le travail des femmes –, en ne restaurant pas l’universalité des allocations familiales et en continuant de rogner sur le quotient familial. Les familles, plus particulièrement les femmes qui travaillent et qui veulent avoir des enfants, ont été pénalisées par ces choix.
Cette année, la France a atteint le triste record de son taux de natalité le plus bas. Il ne faut pas s’en étonner, il est la conséquence de ces choix. Nous n’accompagnons pas les femmes afin de leur permettre de mener, dans le même temps, une vie familiale, une vie de mère et une vie professionnelle épanouies. L’avenir de notre pays, sa puissance et notre système de solidarité et de retraite sont également en jeu.
Malheureusement, la réforme des retraites prend le relais de ces mesures : elle supprimerait la pleine reconnaissance de la maternité dans notre système de retraite. Ma question est simple : comment corrigerez-vous les effets négatifs du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS) pour 2023 sur les femmes qui ont eu des enfants ? Il est impératif que d’une manière ou d’une autre, en améliorant leurs pensions, ou en agissant sur l’âge de départ ou l’âge auquel les femmes percevront une retraite à taux plein, cette réforme prenne mieux en considération la grossesse et l’éducation des enfants.
Quid de la proposition des Républicains d’octroyer une surcote de 5 % aux mères de famille qui auraient effectué une carrière complète et atteint l’âge légal de départ à la retraite, ou un départ à la retraite anticipé à 63 ans ? Pour les femmes qui ont eu des carrières hachées, qui ont arrêté de travailler pour élever leurs enfants, qui sont surreprésentées parmi les Français devant travailler jusqu’à 67 ans et qui perçoivent les pensions les plus faibles car elles ont souvent travaillé à temps partiel, quid d’un abaissement de l’âge de départ à taux plein de 67 à 65 ans ou d’une surcote ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) Excellentes questions ! La parole est à Mme la ministre déléguée. Vous m’avez interrogée sur plusieurs cas de figure. S’agissant des carrières complètes, les personnes se voient accorder des trimestres supplémentaires, au titre de la majoration de durée d’assurance, qui deviennent obsolètes du fait de l’absence d’interruption de carrière. Au contraire, les personnes dont les carrières ont été longuement interrompues doivent travailler jusqu’à 67 ans pour pouvoir bénéficier d’une retraite à taux plein.
Le premier point a fait l’objet d’un amendement, voté par la commission des affaires sociales du Sénat. Il vise à accorder le bénéfice d’une surcote aux femmes ayant atteint la durée d’assurance requise un an avant l’âge légal, soit 63 ans, et ayant bénéficié de majorations pour enfants. La Première ministre s’est dite favorable à cette disposition, qui complète les avancées en faveur des futurs retraités.
S’agissant du second point relatif à l’abaissement à 65 ans de l’âge de départ à taux plein, cette disposition n’est pas financièrement viable puisqu’elle engendrerait un surcoût estimé à plus de 10 milliards d’euros par an. Néanmoins, le projet de loi présenté par le Gouvernement prévoit des mesures visant à accompagner la carrière des personnes souhaitant bénéficier d’une retraite à taux plein, notamment en créant une assurance vieillesse des aidants ou en facilitant les rachats de trimestres pour études supérieures et pour les stages. Ça coûte trop cher ! Du reste, il convient de noter que le report de l’âge légal à 64 ans implique l’abaissement de 25 % à 15 % de la décote maximale. Ainsi, les femmes qui souhaitent partir le plus tôt possible malgré des carrières très incomplètes partiront toujours avec une décote, mais elle sera moins élevée. Il faut encore améliorer tout ça ! La parole est à Mme Géraldine Bannier. Ma question concerne précisément la génération des femmes agricultrices et commerçantes, actuellement à la retraite, qui perçoivent souvent de faibles pensions, bien inférieures au minimum vieillesse. De fait, de nombreuses Françaises, avant que des statuts plus stables et protecteurs n’aient été instaurés, ont travaillé sans toujours cotiser, le plus souvent au sein d’entreprises que dirigeaient leur père puis leur mari. Depuis le certificat d’études jusqu’à leur fin de carrière, elles ont exercé en qualité d’aide familiale, avant d’obtenir le statut de conjointe collaboratrice, reprenant parfois en leur nom l’entreprise en tant que cheffe d’exploitation agricole ou gérante. Elles ont bien souvent validé leurs trimestres, sans pour autant toujours cotiser, mais sont évidemment très concernées par la question des petites pensions et de la pauvreté, à l’heure où sonne la retraite.
Dès lors, que changera pour elles la réforme en cours ? Seront-elles concernées par la revalorisation du minimum contributif ? Parmi ces femmes, combien verront leur pension revalorisée ? On sait bien que l’objectif d’une pension minimale à 1 200 euros… Une pension minimale à 1 200 euros brut ! …pour les femmes qui ont exercé une carrière complète, travaillé à temps plein et perçu le Smic est particulièrement compliqué à atteindre. Elles étaient souvent mal rémunérées, au-dessous du Smic, et ne pouvaient pas toujours cotiser. Or nos prédécesseurs ont bien trop longtemps occulté cette question.
Le dispositif ne concernera, pour ainsi dire, que les futurs retraités. Mais ces femmes pourront-elles bénéficier de l’augmentation du socle de base du minimum contributif de 25 euros et de sa majoration de 75 euros, allouée aux personnes qui auront cotisé cent vingt trimestres ? J’ai cru comprendre que les agricultrices percevant une pension à taux plein, sans forcément avoir atteint la durée d’assurance requise, pourraient bénéficier de cette revalorisation. En ira-t-il de même pour les commerçantes ? Étant donné que les réponses à ces questions sont très attendues dans nos territoires, pouvez-vous éclairer la représentation nationale ? La parole est à Mme la ministre déléguée. Les femmes conjointes collaboratrices, qu’elles soient anciennes agricultrices ou indépendantes, perçoivent en effet des pensions particulièrement peu élevées, du fait d’un faible niveau de cotisations.
Rappelons d’abord les avancées votées sous le précédent quinquennat, notamment dans le cadre de la loi du 17 décembre 2021 visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricoles les plus faibles, dite loi Chassaigne 2, adoptée à l’unanimité, avec le soutien du Gouvernement. Elle prévoit le versement d’une pension minimale aux non-salariés agricoles, qui a été revalorisée et dont bénéficient notamment les conjointes collaboratrices et les aides familiaux. On dénombre 200 000 bénéficiaires, dont 60 % de femmes, avec un gain moyen de 70 euros par mois, pouvant dépasser 100 euros par mois pour 30 % des bénéficiaires.
La deuxième disposition de cette loi que je souhaite saluer est l’encadrement du statut du conjoint collaborateur pour les agriculteurs et les artisans, dont la durée d’affiliation est limitée à cinq ans, afin d’éviter d’enfermer les personnes dans un statut générant peu de droits.
S’agissant des mesures de revalorisation des petites pensions, prévues dans le PLFRSS pour 2023, la pension minimale augmentera autant pour les personnes affiliées au régime général que pour celles affiliées au régime agricole. Il en ira donc de même pour les commerçants et les artisans. Dans les deux cas, les trimestres des conjoints collaborateurs sont considérés comme des trimestres cotisés. La hausse sera donc bien calculée sur la base de 100 euros supplémentaires par mois, en fonction des durées et des profils de carrière.
Sur la question des anciens agriculteurs, il s’agit d’un dispositif spécifique prévu par la loi du 3 juillet 2020 visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricoles en France continentale et dans les outre-mer, dite loi Chassaigne 1, s’appliquant aux anciens exploitants qui ont parfois été conjoints collaborateurs. La loi prévoyait que seuls ceux qui pouvaient justifier d’une pension à taux plein avaient droit à la garantie spécifique égale à 85 % du Smic net. Nous supprimons cette disposition pour ouvrir le dispositif à ceux qui bénéficient d’une retraite à taux plein pour d’autres raisons, par exemple l’invalidité ou l’âge de départ. Cela permettra à 45 000 personnes de voir leur pension augmenter d’environ 80 euros en moyenne par mois. La parole est à M. Bertrand Petit. Dans huit jours très précisément, mercredi 8 mars, nous célébrerons la Journée internationale des droits des femmes. Parmi ces droits, il y a le droit à un salaire égal. Or en matière salariale, comme en matière de retraite, force est de constater que les femmes sont les éternelles laissées-pour-compte.
Les chiffres le rappellent : leurs salaires sont en moyenne inférieurs de 22 % à ceux des hommes ; leurs pensions sont inférieures de 40 % à celles versées aux hommes ; 70 % des bénéficiaires de la pension minimale sont des femmes ; parmi le million de retraités pauvres, 76 % sont des femmes. Neuf réformes des retraites en cinquante ans n’auront pas suffi à réduire ces inégalités ; au mieux, elles les auront freinées.
Votre réforme n’y changera rien, bien au contraire, puisque 60 % de son coût sera supporté par les femmes. L’allongement de la durée de cotisation pénalise les personnes qui ont des carrières courtes ou hachées et qui ne parviennent pas à atteindre la durée de cotisation. Ce sont en majorité des femmes. Dans le calcul de la retraite des personnes ayant accompli des carrières courtes, deux éléments sont plus discriminants : le calcul sur les vingt-cinq meilleures années et la décote. C’est une double discrimination pour les personnes ayant effectué des carrières incomplètes, et les femmes sont les plus touchées.
Tous les spécialistes s’accordent à dire que pour réduire les écarts de pension entre les femmes et les hommes, il faut s’attaquer à tout ce qui vient avant et pendant l’activité professionnelle : réduire voire supprimer les inégalités salariales, s’attaquer à la question des pénalités que subissent les femmes quand elles sont mères.
À ce titre, j’ai lu avec intérêt les déclarations de M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion dans un article du journal Le Monde où il indiquait vouloir permettre aux mères de famille de choisir entre des trimestres pour maternité et une majoration de leur pension à la carte. Pouvez-vous nous en dire plus sur vos intentions précises à ce sujet et en quoi ces dispositions seraient réellement de nature à rétablir les femmes dans leurs droits, et surtout à mettre un terme à ces inégalités ? Par ailleurs, pouvez-vous m’indiquer si de telles mesures s’appliqueront indistinctement aux femmes travaillant dans le secteur privé comme à celles exerçant dans le secteur public ? (Mme Andrée Taurinya applaudit.) La parole est à Mme la ministre déléguée. Vous m’avez interrogée sur la possibilité de choisir entre les trimestres de maternité et des majorations de pension. Votre question souligne le fait que les droits familiaux actuels ne sont pas exercés de la même manière par tous ; on estime que près d’un tiers des femmes qui partent à la retraite bénéficie d’une majoration de leur pension. Ce phénomène se renforcera dans les années à venir, notamment car les femmes sont davantage présentes sur le marché du travail.
Le droit d’option entre majoration de la pension dès le premier enfant et diminution de la durée d’assurance est une piste de réflexion plutôt nouvelle, qui viendra renforcer les options en vigueur. Par exemple, la majoration accordée au titre de l’éducation des enfants peut être partagée entre les deux parents. Elle pourra faire partie des nouvelles pistes étudiées dans le cadre du rapport du COR en cours d’élaboration sur les droits familiaux et conjugaux, afin d’évaluer les effets financiers et redistributifs de cette mesure et la lisibilité du système de retraite. Ce rapport sera remis au Parlement, afin de poursuivre les avancées dans ce domaine. La parole est à Mme Anne-Cécile Violland. Dans la droite ligne de mon intervention sur la nécessité de traiter la question des inégalités de retraite par la racine, je vous propose de l’envisager sous l’angle de l’impérieuse obligation de corriger les inégalités salariales.
En début d’après-midi, j’ai reçu une classe de ma circonscription du Chablais. Une jeune fille de 15 ans m’a demandé si c’était bien les députés qui votaient les lois. Elle a poursuivi en me demandant pourquoi, dans ce cas, les femmes étaient-elles moins rémunérées que les hommes. Que répondre à cette jeune fille qui ne peut comprendre cette situation complètement injuste ?
Je vous propose donc un axe de réflexion. Mis en place en 2019 par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, l’index de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, dit index Pénicaud, permet de mesurer les inégalités salariales au sein des entreprises d’au moins cinquante salariés. Il vise à supprimer ces écarts de rémunération entre les hommes et les femmes. Il s’articule autour de cinq critères : les écarts de rémunération, les écarts entre les augmentations annuelles, les écarts de taux de promotions, les augmentations au retour de congé maternité, la part des femmes dans les plus hautes rémunérations de l’entreprise. Toutes ces données doivent être publiées par les entreprises.
La création de cet index a certes permis une avancée en matière d’égalité professionnelle. Néanmoins, les femmes restent bien moins rémunérées que les hommes – ce fait a été rappelé à plusieurs reprises. Ne serait-il pas pertinent de durcir les contraintes et les pénalités financières de cet index, afin qu’on puisse un jour résoudre cette question de l’inégalité salariale ? La parole est à Mme la ministre déléguée. Voilà une conviction que nous partageons. Il est difficile, en effet, d’expliquer aux jeunes générations ces inégalités salariales, qui sont absolument inacceptables. La loi, en la matière, n’est pas si facile à faire appliquer, mais nous devons nous y employer avec détermination. J’ajoute que cet état de fait explique largement les inégalités qui subsistent entre les hommes et les femmes en matière de retraite. S’en prendre aux écarts de salaires, c’est donc attaquer le problème à la racine.
Certes, les droits familiaux et conjugaux permettent de réduire ces écarts, mais nous devons agir dès l’orientation des jeunes, notamment des jeunes filles, en les encourageant à se former aux métiers d’avenir et aux métiers les mieux rémunérés. Nous avons un rôle à jouer dans ce domaine, d’une part, en luttant, dès la découverte des métiers, au collège, contre les stéréotypes de genre et, d’autre part, en développant des dispositifs tels que le mentorat – M. Le Vigoureux, ici présent, connaît bien le sujet – pour inciter les jeunes filles à se montrer ambitieuses et à embrasser des carrières prometteuses, notamment en matière de rémunération.
L’index de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes est désormais une réalité – la plupart des entreprises le publient – et commence à produire ses effets. Ainsi, différentes études de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) montrent que l’écart de salaires entre les femmes et les hommes en équivalent temps plein a été ramené de 16,8 % à 16,1 % entre 2017 et 2019, puis de 16,1 % à 14,8 % entre 2019 et 2020.
On constate donc une accélération de la réduction des inégalités salariales, mais elle doit être encore plus rapide pour que nous parvenions à supprimer l’écart entre les rémunérations, donc entre les pensions. Tel est notre objectif commun, et nous sommes tous, je crois, déterminés à l’atteindre. Ne faut-il pas sanctionner davantage ? Cette question ne vous intéresse donc pas ? La parole est à Mme Cyrielle Chatelain. Lors de l’examen du projet de loi de réforme des retraites, le Gouvernement nous a habitués aux fausses promesses ; nous les avons dévoilées ici même, dans l’hémicycle. La première d’entre elles, c’est la pension minimale à 1 200 euros que, nous l’avons bien compris, tant de femmes ne toucheront pas, car elles ont été contraintes de travailler à temps partiel. Ensuite, contrairement à ce que vous affirmez, madame la ministre déléguée, les femmes ne seront pas les premières bénéficiaires de la réforme des retraites : elles seront, au contraire, les premières à être pénalisées.
Vous avez évoqué le débat qui s’est tenu lundi sur la pénibilité, débat auquel a participé une représentante des aides à domicile, Mme Anne Lauseig. Elle a rappelé que le compte pénibilité ne concerne pas les auxiliaires de vie : la pénibilité liée au port de charges lourdes, aux cadences, aux postures, n’est pas prise en compte. Or – et c’était son message – elles sont trop épuisées, nerveusement, moralement et physiquement, pour travailler jusqu’à 64 ans.
Au-delà, les chiffres sont contre vous. Michaël Zemmour, dont on a souvent évoqué les travaux, a étudié les personnes sur lesquelles porteront les économies permises par la réforme – car celle-ci n’est rien d’autre qu’une mesure d’économie : il s’agit de faire travailler et cotiser les gens plus longtemps pour permettre à l’État de dépenser moins d’argent public.
Or il ressort très clairement de son étude que c’est sur les femmes que pèseront 60 % des économies immédiates réalisées grâce au report de l’âge légal de départ à la retraite. Il cite l’exemple de la génération des personnes nées en 1972 : alors que les femmes de cette génération percevront des pensions inférieures en moyenne de 30 % à celles des hommes, elles travailleront neuf mois de plus – contre cinq mois de plus pour les hommes. Près de 12 000 euros seront ainsi économisés sur le dos de chaque femme née en 1972.
Pouvez-vous confirmer ces chiffres et enfin reconnaître que les économies permises par la réforme seront faites sur le dos des femmes ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) La parole est à Mme la ministre déléguée. Votre question est simple ; ma réponse le sera tout autant. Si l’on inclut les mesures d’accompagnement prévues dans le texte initial du Gouvernement, notamment la revalorisation des petites retraites, le bilan financier de la réforme montre qu’à l’horizon 2030, la répartition du rendement entre les femmes et les hommes est parfaitement équilibrée : 50-50. Ma question portait sur les économies immédiates, celles qui seront réalisées d’ici à 2030 ! La parole est à Mme Soumya Bourouaha. Dans la continuité des travaux menés par le président de mon groupe, André Chassaigne, et près d’un an après l’adoption définitive de sa proposition de loi visant à revaloriser les pensions de retraite agricoles à hauteur de 85 % du Smic pour une carrière complète de chef d’exploitation, nous avons défendu une proposition de loi visant à reconnaître à sa juste valeur le travail des conjoints collaborateurs et aides familiaux.
En effet, au quatrième trimestre de 2020, la pension mensuelle moyenne s’élevait à 574 euros pour les conjoints ayant validé au moins cent cinquante trimestres et à 716 euros pour les membres de la famille ayant validé au moins cent cinquante trimestres. Mais le montant de la pension de ces travailleurs peut être encore plus faible, en particulier s’ils n’ont pas validé un nombre suffisant de trimestres. C’est pourquoi cette seconde loi Chassaigne prévoit une revalorisation mensuelle de 100 euros en moyenne à partir du 1er janvier 2022 de la pension des quelque 210 000 retraités concernés, dont 67 % sont des femmes.
Si cette nouvelle loi, fruit d’une mobilisation collective et continue des retraités agricoles, représente une avancée, beaucoup reste à faire pour garantir à tous ces retraités une retraite digne. Aussi ma question est-elle simple. Quelles initiatives le Gouvernement entend-il prendre pour revaloriser les pensions de ces femmes conjointes collaboratrices, dont les carrières sont souvent hachées, et réduire les inégalités qui subsistent avec les retraités du régime général ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES et Écolo-NUPES.) La parole est à Mme la ministre déléguée. Sous la précédente législature, une proposition de loi visant à revaloriser les pensions des conjoints collaborateurs agricoles a été effectivement adoptée à l’unanimité, avec le soutien du Gouvernement. Plus de 200 000 anciens conjoints collaborateurs ou aides familiaux – le plus souvent des femmes – ont pu ainsi bénéficier d’une revalorisation sans précédent de leur pension. Il convenait toutefois de prendre des mesures pour améliorer le montant des futures pensions de retraite et réduire l’écart qui les sépare de celles des salariés.
Ainsi, depuis l’adoption de la loi Chassaigne, le bénéfice du statut de conjoint collaborateur est limité à cinq ans maximum. Au terme de ce délai, il faudra choisir un statut plus valorisant et, surtout, créateur de droits : celui d’associé ou de salarié. Par ailleurs, la hausse des minima de pension – qui peut atteindre 100 euros par mois pour les futurs retraités ayant une carrière complète – s’appliquera également aux minima de pension des non-salariés agricoles, donc aux conjoints collaborateurs, qui partiront à la retraite à compter du 1er septembre 2023. La parole est à M. Charles de Courson. Dans le projet de loi de réforme des retraites, on ne trouve rien sur les pensions de réversion. Or les règles auxquelles elles sont soumises varient selon le régime concerné – il en existe quarante-deux ! Dans le régime général, elles sont subordonnées à une condition d’âge – 55 ans – et soumises à un plafonnement en cas de cumul avec des droits propres ; dans les régimes spéciaux, ces conditions n’existent pas. De manière générale, plus les régimes sont favorables, plus les conditions d’octroi des pensions de réversion sont libérales ; plus ils sont défavorables, plus ces conditions sont dures.
Ma question est donc simple. Le Gouvernement est-il ouvert au rétablissement du principe d’égalité en matière de pensions de réversion, quel que soit le régime ? La parole est à Mme la ministre déléguée. Votre question revêt, au-delà des aspects financiers, une dimension sociétale qui est au cœur de nos réflexions, car il y va, au fond, de la vision que l’on a de la pension de réversion et même du mariage. Les évolutions qui peuvent être envisagées dans ce domaine méritent de faire l’objet de débats approfondis et d’études d’impact afin de mesurer leurs effets redistributifs.
Prenons le cas de l’ouverture de la réversion aux couples pacsés. Actuellement, si les conjoints survivants sont plusieurs, la pension de réversion est partagée entre eux. Faut-il prévoir un partage de la pension entre la veuve du défunt et l’ancienne conjointe avec laquelle il a été pacsé dans le passé ?
Ce sont des questions complexes, qui doivent faire l’objet d’une réflexion sociétale approfondie. C’est tout l’objet du futur rapport du COR sur la refonte des droits conjugaux et familiaux. La parole est à M. Fabrice Le Vigoureux. Hier matin, on pouvait lire, dans le courrier des lectrices et des lecteurs de Ouest-France , le témoignage d’une certaine Christelle, qui fait écho aux préoccupations exprimées par beaucoup des femmes que, tous, nous avons reçues dans nos circonscriptions.
« Je suis née en 1968, j’ai quatre trimestres cotisés avant l’âge de 20 ans (donc pas de carrière longue) puis je compte quatre trimestres par an jusqu’à 64 ans et une majoration de ving-quatre trimestres pour mes trois enfants… Résultat : deux cent quatre trimestres à 64 ans ! Je perds donc le bénéfice des trimestres de maternité et d’éducation qui passent à la trappe…[…] »
Comme Christelle, beaucoup de femmes attachées à la sauvegarde du régime de retraite par répartition m’ont dit comprendre les évolutions démographiques et savoir qu’il y a de moins en moins d’actifs pour financer de plus en plus de retraités. Beaucoup comprennent que si nous voulons préserver le niveau des pensions sans alourdir des prélèvements déjà très élevés sur les actifs ou sur ceux qui les emploient, nous devons tous accepter de travailler un peu plus longtemps.
Mais ces femmes m’ont dit aussi qu’elles ont eu des enfants et, à ce titre, des majorations de trimestres qui compensent une carrière freinée, des possibilités de progression professionnelle moins nombreuses, des salaires qui n’ont pas suivi pas la même courbe que celle suivie par les salaires de leurs collègues masculins ou de celles de leurs collègues qui n’ont pas connu les joies mais aussi les exigences et les renoncements que suppose l’accueil d’un enfant dans son foyer.
Cette question des trimestres « en trop », qui ne sont pas pris en compte et sont au cœur des articles 7 et 8 de la réforme des retraites, nous souhaitions en débattre dans cette assemblée. J’avais, à cette fin, déposé un amendement avec quarante-trois de mes collègues de la majorité. Las ! Nous en avons été empêchés par l’obstruction pitoyable de quelques députés LFI et leurs milliers d’amendements identiques. Je me réjouis néanmoins que ce sujet s’annonce au cœur des débats du Sénat et que le ministre Dussopt se soit montré très ouvert à des avancées en la matière.
Madame la ministre déléguée, pouvez-vous nous confirmer que des contreparties, sous la forme d’une majoration de pension ou d’un départ anticipé, sont à l’étude pour toutes ces femmes qui, parce qu’elles ont travaillé toute leur vie tout en éduquant leurs enfants, ont cotisé, au moment de leur départ à la retraite, pendant un nombre de trimestres beaucoup plus important que celui qui est requis ? La parole est à Mme la ministre déléguée. Le témoignage que vous citez met en exergue un phénomène assez courant, celui d’une majoration de la durée d’assurance en sus d’une carrière déjà complète. En raison de la plus grande participation des femmes au marché du travail, les majorations de durée d’assurance, créées dans les années 1970 pour compenser des trous dans la carrière et faciliter un départ à taux plein, viennent de plus en plus s’ajouter à des carrières déjà complètes. On estime actuellement à 30 % la part des femmes qui se trouvent dans cette situation, et ce phénomène est appelé à se développer.
J’ai bien entendu à l’esprit la démarche collective que vous avez entreprise pour prendre en compte cette réalité et participer à la réflexion générale sur les droits familiaux et conjugaux. Deux options peuvent être proposées à cet égard : celle d’un départ anticipé du fait de la maternité – c’était l’objet de l’amendement que vous avez évoqué – ou celle d’une augmentation des pensions des femmes concernées. Le Gouvernement privilégie la seconde option pour parvenir à l’égalité des pensions entre les femmes et les hommes et favoriser le pouvoir d’achat.
Je sais que vous-même et vos collègues de la majorité êtes très attentifs à la question, essentielle et légitime, de la retraite des femmes, et je me réjouis que le Sénat vous accompagne dans votre démarche en reprenant votre proposition de surcote. C’est à présent au débat parlementaire de s’emparer du sujet pour aller vers plus de justice sociale. La parole est à M. Belkhir Belhaddad. Les débats à l’Assemblée nationale sur la réforme des retraites n’auront pas permis, en raison d’une obstruction permanente, d’examiner l’ensemble des situations et des mesures proposées – je pense en particulier à la situation des femmes. Nous faisons tous le constat d’inégalités entre les hommes et les femmes, constat étayé par les chiffres et de multiples rapports et, au-delà, par les situations humaines dont nous avons connaissance dans l’exercice de nos mandats.
Des avancées sont proposées dans le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale. Vous le savez, si ces avancées sont autant de graines semées, il faut poursuivre la réduction des inégalités entre les femmes et les hommes, inégalités qui, constatées tout au long de la vie, se traduisent pour les femmes par une vraie injustice au moment de leur départ à la retraite.
Je sais le souci permanent du Gouvernement et de la majorité, car c’est également le mien, de gommer les injustices et les inégalités professionnelles mais, vous le reconnaissez tout à fait, cela ne va pas assez vite.
N’ayant pas pu, comme nombre de collègues, défendre une série d’amendements à ce sujet, je souhaite que vous confirmiez, madame la ministre déléguée, l’engagement du Gouvernement à prendre les dispositions nécessaires pour en terminer avec ces inégalités salariales, ainsi que les dispositions annoncées sur les carrières interrompues et sur la pénibilité.
Je tiens en outre à évoquer les pensions de réversion, facteur d’inégalité selon les régimes, qu’il s’agisse des conditions d’âge, de ressources, de durée de mariage, de non-remariage… sans parler des méthodes de calcul – au nombre, si je ne m’abuse, de treize. Il y a trois ans, au moment de présenter le système universel de retraite, on avait évoqué l’idée de remplacer ces règles par une augmentation du montant de la pension, qui passerait de 54 % de la pension du défunt à 70 % des revenus du couple. Cette mesure permettrait de garantir de meilleurs revenus à la personne survivante qui est le plus souvent une femme.
Pouvez-vous nous préciser la manière dont vous entendez procéder, nous confirmer que nous allons traiter prochainement de cette question, enfin nous dire si le dispositif des pensions de réversion sera étendu aux couples pacsés ? La parole est à Mme la ministre déléguée. Vous proposez d’une part de revoir les pensions de réversion pour garantir le maintien du niveau de vie de la personne survivante à 70 % des deux pensions du couple, alors que la personne survivante perçoit actuellement une fraction de la pension du défunt, et, d’autre part, d’étendre les pensions de réversion aux couples pacsés.
Ces deux questions ont été particulièrement abordées par les partenaires sociaux au cours du second cycle de concertation consacré à l’équité et à la justice sociale. Un consensus s’est dégagé puisque, au-delà du seul aspect financier, il s’agit d’une question de société. La place qu’on donne à la pension de réversion et la place accordée au mariage doivent en effet être pensées collectivement. Les évolutions en la matière méritent des discussions approfondies, en particulier sur les effets redistributifs attendus, et elles devront avoir lieu dans le cadre du rapport sur la refonte des droits familiaux. Nous y reviendrons donc prochainement. La parole est à M. Emmanuel Taché de la Pagerie. Le projet de réforme des retraites, depuis l’étude d’impact jusqu’à nos débats en séance, conduit à un constat très clair : cette réforme est injuste et brutale. Les femmes seront en effet davantage défavorisées par le recul de l’âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans. Elles devront travailler en moyenne quatre mois de plus que les hommes, quatre mois qui s’ajoutent aux dix actuels, alors même que, d’après le rapport du COR, et abstraction faite de la réforme, l’amélioration des carrières féminines et la meilleure prise en compte de la maternité doivent permettre, à l’horizon 2050, l’amélioration du niveau des pensions perçues par les femmes et son rapprochement de celui des retraites des hommes. Or cette dynamique positive sera brisée car celles qui pouvaient partir dès 62 ans à taux plein grâce aux trimestres acquis à l’occasion de la naissance de leurs enfants devront désormais attendre l’âge légal, soit deux ans de plus.
J’ai interrogé le ministre Dussopt le 1er février au sein de la délégation aux droits des femmes mais il s’est dérobé. Et pourtant je me réjouis que, depuis mon interpellation, le Gouvernement ait amendé sa position sur la question et envisagé de prendre des mesures pour remédier à cette injustice. En effet, le ministre Dussopt a lui-même admis ce dimanche qu’il fallait agir contre 1’effet de « neutralisation » des trimestres validés au titre de la maternité qui seraient, selon lui, « perdus » du fait du relèvement de l’âge de départ à la retraite.
La Première ministre s’est elle-même déclarée favorable à une mesure de bonification des trimestres validés par les mères de famille. Le Sénat a adopté un amendement visant à ce que les mères de famille totalisant quarante-trois annuités de cotisations du fait d’une majoration de durée d’assurance par enfant, bénéficient d’une surcote à partir de 63 ans. Dans l’hypothèse où vous persisteriez à maintenir cette réforme des retraites injuste, pouvez-vous vous engager à soutenir cet amendement ou une proposition parlementaire allant dans le même sens ? La parole est à Mme la ministre déléguée. Au fond, vous m’interrogez sur le mécanisme qui permet à certaines femmes de partir à la retraite avant l’âge prévu, mécanisme qui correspond de moins en moins à des carrières de plus en plus complètes – ce qui est heureux. L’amendement adopté par la commission sénatoriale des affaires sociales est en discussion afin que nous puissions voter des dispositions de ce type en séance. Je tiens néanmoins à réaffirmer que même après l’adoption de la réforme, les femmes partiront en moyenne plus tôt que les hommes à la retraite. Il est important de le rappeler.
La réforme prévoit des mesures pour faciliter les départs après une carrière longue, notamment en prenant en compte les trimestres de congés parentaux dans la durée exigée des carrières longues. Elle prévoit également que l’âge du taux plein, notamment pour les femmes dont la carrière a été hachée, restera 67 ans, réduisant ainsi l’écart actuel de cinq ans à trois ans.
Autant de mesures qui se complètent les unes les autres pour répondre à la question de la maternité mais aussi à celle de l’allongement de la durée de la vie et à celle de la chute de la démographie. Grâce à tous ces dispositifs, encore une fois, le système des retraites sera en équilibre en 2030. Enfin, je tiens à le répéter, le rendement net de la réforme est dû aux hommes et aux femmes à parts égales. La parole est à Mme Géraldine Grangier. « Inégalités », c’est le seul mot qui me vient à l’esprit quand je pense à la situation des femmes au travail : inégalités pendant leurs années travaillées, inégalités une fois à la retraite. Le constat est amer tant ces inégalités persistent pour celles qui cumulent salaires inférieurs et carrières plus courtes et souvent hachées. En chiffres, la différence du montant des pensions de retraite est édifiante : elle est de 40 % en faveur des hommes. On sait que les salaires des femmes sont, quant à eux, inférieurs de 22 % à ceux des hommes.
De plus, la prise en compte de la pénibilité au travail, citée dans le projet de loi, occulte les métiers majoritairement féminins. Certes, personne ne contestera que les métiers du BTP sont particulièrement pénibles mais est-ce une raison pour ne pas prendre en considération, par exemple, les aides-soignantes qui doivent soulever leurs patients ?
Tous les observateurs s’accordent pour considérer que la réforme pénalise les femmes. Certains vont plus loin en la qualifiant de sexiste. Même si la durée de carrière est en nette augmentation, nous savons tous qu’elle reste plus courte chez les femmes. Ceci s’explique notamment par l’arrivée des enfants. Nombreuses sont celles qui se retrouvent pénalisées, non pas à cause leur enfant, mais, malheureusement, par leur direction. Certaines font dès lors le choix de se consacrer à l’éducation de leurs enfants et se mettent pour un certain temps en retrait de la vie professionnelle.
Croyez-vous que les entreprises garderont ces femmes en poste jusqu’à 67 ans ? Croyez-vous vraiment qu’après une coupure dans leur carrière, ces mêmes femmes pourront reprendre un poste équivalent pour un salaire équivalent ? Croyez-vous sincèrement que ces femmes seront suffisamment en forme pour travailler jusqu’à l’aube de leurs 70 ans ?
Par ailleurs, les femmes sont nettement majoritaires parmi les aidants – elles en représentent 57 %. Avec l’augmentation de l’espérance de vie et le vieillissement de la population, le nombre d’aidants va s’accroître. Il faut tenir compte de cet enjeu de société. Vous avez annoncé la création d’une assurance vieillesse pour les aidants afin que les trimestres consacrés à aider une personne soient validés. Pouvez-vous nous en préciser les modalités ? La parole est à Mme la ministre déléguée. Je tiens à affirmer que la réforme ne pénalise pas les femmes… Ce n’est pas vrai ! …mais au contraire protégera celles dont la carrière aura été hachée, celles qui ont commencé à travailler tôt et celles qui ont des revenus faibles. Jusqu’à présent, les femmes partaient à la retraite en moyenne plus tard que les hommes – notamment du fait d’interruptions de carrière. Or les choses changent pour les nouvelles générations de retraitées : désormais, les femmes partiront légèrement plus tôt que les hommes. De plus en plus souvent, les femmes peuvent concilier maternité et poursuite de leur activité professionnelle, ce qui est heureux. Un tiers des trimestres « enfant » ne sont pas utilisés parce que, précisément, les femmes ont pu continuer leur activité – c’est, j’y insiste, une bonne nouvelle.
En ce qui concerne les aidants, l’article 12 du projet de loi – article que nous n’avons pas pu examiner – prévoit trois grandes dispositions. Il s’agira d’abord de rassembler des droits dont la dispersion explique qu’ils sont souvent mal connus et qu’on n’y recoure pas, ensuite d’accorder des droits, notamment aux aidants des parents bénéficiant du complément d’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH), enfin de supprimer la condition de cohabitation avec l’aidant, ou la condition du lien familial. Nous faciliterons ainsi le recours aux aidants et permettrons que, désormais, 100 000 personnes soient couvertes contre 70 000 aujourd’hui. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.
La conférence des présidents a décidé d’organiser ce débat en deux parties : nous entendrons d’abord les orateurs des groupes, puis le Gouvernement ; nous procéderons ensuite à une séquence de questions-réponses.
La parole est à Mme Mathilde Panot. « Elle serait à la retraite dans quinze ans, si le gouvernement ne pondait pas une connerie d’ici là. C’était loin encore. Elle comptait les jours. Le week-end, elle voyait sa sœur. Elle rendait visite à des copines. C’était fou le nombre de femmes seules qui voulaient profiter de la vie. Elles faisaient des balades, s’inscrivaient à des voyages organisés. […] Dans leur vie, les enfants, les bonshommes n’auraient été qu’un épisode. Premières de leur sorte, elles s’offraient une escapade hors des servitudes millénaires. […] Tout ce temps, les femmes avaient tenu, endurantes et malmenées. »
L’escapade hors des servitudes millénaires dont parle l’écrivain Nicolas Mathieu attendra deux ans. Pas de plage de galets ou de camping pour Steph, Corinne ou Inès. Avec votre réforme, elles devront travailler deux années de plus, même en ayant acquis tous leurs trimestres grâce à leurs enfants.
Vous aviez pourtant des milliers d’options. Eh oui ! Mais c’est sur le dos des femmes que vous voulez faire des économies. Les femmes, les millions de femmes, les mêmes qui ont tenu le pays debout pendant la crise du covid-19 et qui représentent 77 % des professions de santé, 94 % des aides à domicile, 64 % des personnels de nettoyage et 67 % du corps enseignant. Encensées à l’époque par Emmanuel Macron qui semblait provisoirement retrouver le chemin de la gratitude. Depuis, rien n’a été fait pour améliorer leurs conditions de travail, rien pour augmenter leurs rémunérations, rien pour prendre en compte la pénibilité de leurs métiers. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Pire encore, la réforme des retraites est une régression sociale sans précédent et les femmes en seront les premières victimes, car dans chaque angle mort, dans chaque point aveugle de votre réforme, on trouve des femmes.
Derrière la fable des 1 200 euros pour tous, ces centaines de milliers de femmes qui ne toucheront rien, faute d’être parvenues à une carrière complète au Smic. Derrière le recul de l’âge de départ, les femmes qui partent déjà plus tard que les hommes à la retraite : à 62 ans et 7 mois en moyenne pour elles, contre 62 ans pour les hommes ; 20 % des femmes sont obligées d’attendre d’avoir 67 ans pour arrêter de travailler, contre 10 % des hommes. C’est donc à elles que vous demandez encore des efforts. C’est d’ailleurs écrit noir sur blanc dans votre étude d’impact : les femmes de la génération 1980 devront travailler huit mois de plus en moyenne, contre quatre mois pour les hommes.
Derrière le recul de l’âge de départ, encore des femmes à qui on annule le bénéfice des trimestres supplémentaires acquis grâce à la maternité. Même les Républicains vous demandent de revoir votre copie ! On se souviendra qu’en 2023, Éric Ciotti donnait des leçons de féminisme à la Macronie. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Dans la trappe de pauvreté, toujours des femmes : 45 % des nouvelles retraitées étaient sans emploi, contre 35 % des nouveaux retraités. Combien de femmes seront coincées dans ce sas de précarité avec votre réforme ? Combien d’entre elles seront au chômage ou en invalidité ? Peu importe. Pour vous, les économies d’abord, les inégalités après, si on a le temps.
Derrière la suppression du critère d’exposition aux agents chimiques, on trouve ces coiffeuses qui respirent de l’ammoniac plusieurs heures d’affilée ou ces ouvrières du textile qui manipulent des solvants à longueur de journée. Derrière la non-prise en compte de certains métiers pénibles, on trouve ces aides à domicile qui portent leurs patients à bout de bras, ces caissières qui soulèvent jusqu’à 2 tonnes de marchandises par jour, ces infirmières qui ont une espérance de vie de sept ans inférieure à celle de la moyenne des femmes et qui, pour 20 % d’entre elles, partent à la retraite en incapacité. On trouve toutes celles qui occupent les métiers des services et subissent des cadences de plus en plus fortes, jusqu’à rêver du tic-tic de la caisse automatique la nuit. On leur diagnostique un syndrome du canal carpien et elles finissent opérées du poignet ou des mains. Elles souffrent de hernie, de mal de dos chronique, elles peinent à bouger les épaules. Les hommes aussi ! On trouve toutes ces femmes cassées par le boulot et dont les douleurs ne sont jamais reconnues comme des maladies professionnelles. Derrière les accidents du travail, on trouve de plus en plus de femmes : les accidents avec arrêt de travail ont augmenté de 28 % pour les femmes en quinze ans, quand ils ont diminué de 28 % pour les hommes, si bien qu’une aide à domicile est davantage exposée au risque d’accident qu’un travailleur du BTP (bâtiment et travaux publics).
Voilà comment on passe d’une prétendue réforme de progrès, de justice sociale à une réforme profondément sexiste. Au commencement, cet aveu terrible du ministre Riester : les femmes « sont un peu pénalisées » par la réforme, comme si les femmes n’étaient pas déjà pénalisées dans la société du fait d’être des femmes et, pire, comme s’il s’agissait d’une anecdote, d’un inconvénient à la marge, d’un ennui dont on peut s’accommoder. Cette réforme pénalise les femmes, donc la majorité de la population, et alors ? Que dites-vous si ce n’est : « après tout, ce ne sont que des femmes » ? Ce n’est pas grave si les femmes subissent des temps partiels, sont victimes de discrimination à l’embauche, ont des salaires 22 % inférieurs à ceux des hommes et des retraites 40 % inférieures, ce qu’aucun index n’a d’ailleurs jamais permis de résorber. Après tout, ce ne sont que des femmes. Pas grave non plus si l’écart de patrimoine entre les femmes et les hommes est passé en quinze ans de 9 % à 16 %. Pas grave si les femmes hétérosexuelles perçoivent en moyenne 32 % de moins que leur conjoint, si bien qu’elles doivent compter sur l’effet des pensions de réversion pour vivre à la retraite et choisir ainsi, à l’aube de leur vie, entre le mariage et la pauvreté. Après tout, ce ne sont que des femmes. Pas si grave de reconduire la division genrée du travail, avec des métiers occupés majoritairement par des femmes, moins valorisés, moins rémunérés malgré leur utilité sociale, au prétexte qu’il serait naturel pour elles de prendre soin des autres. Pas si grave que ces femmes le paient au prix fort au moment de leur retraite. Après tout, ce ne sont que des femmes.
Je vous entends déjà me dire : cette réforme ne peut pas résoudre les inégalités qui précèdent la retraite. Comme le disent les sociologues Céline Bessière et Sibylle Gollac, vous repoussez la ligne d’arrivée en faisant mine d’ignorer que la moitié des coureurs ont des semelles de plomb. Les inégalités que vous ne corrigez pas sont celles que vous perpétuez. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Au fond, vous êtes de vrais conservateurs, qui ne souhaitent pas que la société change.
Si vous voulez faire travailler les femmes davantage, c’est au mépris du travail qu’elles accomplissent déjà tout au long de leur vie. Celles en couple avec enfants travaillent en moyenne cinquante-quatre heures par semaine, contre cinquante et une heures pour les hommes dans la même situation, mais seul un tiers de ce travail est rémunéré pour les femmes, contre deux tiers pour les hommes. La vie de tant de femmes est rythmée par une charge mentale, une interminable liste de tâches pour lesquelles, ne vous en déplaise, elles n’ont aucun goût ni don inné. Penser aux coton-tiges, vérifier quel jour la nounou part en vacances, faire le chèque pour le voyage scolaire, se libérer pour la réunion parents-professeurs, prendre un congé quand le petit est malade, l’aider dans ses devoirs, changer le billet de train, faire les courses, laver à la main le maillot de foot plein de boue, recoudre les boutons, prendre rendez-vous pour le rappel du vaccin, rendre la BD à la bibliothèque, emmener le petit à la guitare, préparer le goûter, faire à manger, passer l’aspirateur, repasser les affaires du petit, étendre le linge, vider le lave-vaisselle…Oui, les femmes passent encore aujourd’hui deux fois plus de temps à faire le ménage et à s’occuper des enfants que les hommes ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Exactement ! Vous n’avez aucun égard pour ce travail invisible, gratuit, épuisant. On ne vous entendra jamais vanter la société de l’effort ou la valeur travail à ce sujet, puisque ce travail n’est accompli que par des femmes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)
Voilà le vrai visage des grands réformateurs qui affichent en vitrine une grande cause du quinquennat tout en préparant la réforme la plus réactionnaire dans l’arrière-boutique. Elle a raison ! Ce débat est d’ailleurs l’occasion pour certains de réveiller les pires poncifs antiféministes. Quand le Rassemblement national convoque l’imaginaire nauséabond de la politique nataliste et promeut un discours où les femmes seraient des utérus sur pattes, vous ne mouftez pas. Faire des enfants, ce n’est pas nauséabond ! Laissez-nous tranquilles ! Ils disent que le déficit imaginaire des retraites peut être comblé par des grossesses et il n’y en a pas un chez vous qui lève les yeux au ciel. Pour faire des enfants, il faut être deux, un homme et une femme ! Faut-il rappeler ici que le modèle de l’extrême droite est celui de la Hongrie ou de la Pologne, où l’avortement est quasiment interdit et où on fait écouter le cœur du fœtus aux femmes enceintes lorsqu’elles décident d’avorter ? (« Elle a raison ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Ce sont vos amis ! Ni politique nataliste ni exploitation des femmes ! Une bonne réforme des retraites n’est pas celle qui prend les femmes pour des ventres ou pour une variable d’ajustement budgétaire. Très bien ! Vous voulez lutter contre les inégalités ? Augmentez les salaires. Portez le Smic à 1 600 euros net. Dégelez le point d’indice des fonctionnaires. Revalorisez les métiers du soin et du lien. Fonctionnarisez les AESH – accompagnants d’élèves en situation de handicap – et autres métiers féminisés. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Sanctionnez véritablement les entreprises qui ne respectent pas l’égalité professionnelle. Financez un plan massif d’éducation à l’égalité de genre. Ça suffit ! Créez un service public la petite enfance. Ouvrez 500 000 places en crèche. Surtout, supprimez la décote et faites la retraite à 60 ans ! Très bien ! La retraite à 58 ans ! Oui, collègues, une réforme juste implique nécessairement de s’attaquer à la longue histoire qui mène des millions de femmes à un sort misérable lors de leur retraite.
J’achève en les saluant : aides à domicile, aides-soignantes, infirmières (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES) , secrétaires, professeures des écoles, femmes de ménage, coiffeuses, esthéticiennes, gynécologues, serveuses, professionnelles de la justice, agricultrices, assistantes maternelles, vendeuses, toutes ces femmes sans lesquelles notre pays ne tiendrait pas debout. Je les salue et je leur dis que le combat n’est jamais vain. Je leur donne rendez-vous le 7 mars pour bloquer votre gouvernement. Une belle journée qui s’annonce ! Nous allons vous faire battre en retraite et ainsi rendre possible l’escapade hors des servitudes millénaires que les femmes méritent. (Les députés du groupe LFI-NUPES se lèvent et applaudissent. – Les députés des groupes Écolo-NUPES et GDR-NUPES applaudissent également.) La parole est à M. Yannick Neuder. Vous le savez, les Républicains sont très attachés à la sauvegarde de notre système de retraite par répartition,… Ah ! …garant de la solidarité nationale telle que voulue par le général de Gaulle à l’issue de la seconde guerre mondiale. Toutefois, si une réforme est nécessaire, elle ne doit pas se faire au détriment des femmes. La présidente Panot vient d’ailleurs de rappeler les propos en ce sens du président Ciotti. (Sourires sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) On aura tout vu, les députés LFI citer Éric Ciotti ! Au-delà, la réforme doit même corriger les nombreuses inégalités du marché du travail qui se répercutent immédiatement sur les pensions de retraite des femmes. S’appuyant sur des éléments et des droits créés à des époques très différentes, le débat concernant la retraite des femmes est complexe. La retraite des femmes, c’est aussi notre combat. Notre droite, c’est la droite de la valeur du travail et qui sait protéger les travailleurs. Notre droite, c’est la droite de l’émancipation des femmes, celle qui leur a permis de voter, de travailler, d’être indépendantes, d’avoir accès à l’IVG – interruption volontaire de grossesse –, grâce à Simone Veil. Notre droite, c’est la droite qui veillera toujours à protéger les carrières hachées liées à la maternité. Notre droite, c’est donc la droite qui se tient aux côtés des femmes qui travaillent. Je veux saluer ici tout particulièrement le travail acharné de notre collègue Véronique Louwagie au service d’une juste retraite pour toutes les femmes.
Oui, madame la ministre déléguée chargée de l’enseignement et de la formation professionnels, mes chers collègues, une trop grande injustice pèse sur la retraite des femmes. Ces femmes qui consolident le régime par répartition en participant au renouvellement des générations alors qu’elles ont, du fait de leurs congés maternité, des carrières ralenties par rapport à celle des hommes. Ces mères pour lesquelles le recul à 64 ans de l’âge de départ annulera des trimestres de majoration acquis au titre de leur grossesse. Elles pourraient ainsi perdre jusqu’à huit trimestres. Ces mères qui accumulent plus ou moins de trimestres selon qu’elles travaillent dans le secteur public ou le secteur privé. Ces veuves dont le bénéfice d’une pension de réversion dépend de critères devenus obsolètes. Rappelons que, parmi les 4,4 millions de bénéficiaires de la réversion, 88 % sont des femmes.
En somme, les débats autour de la refonte de notre système des retraites ont mis en lumière les inégalités qui pèsent sur les pensions de retraite des femmes par rapport à celles des hommes, inégalités que les Républicains avaient pour ambition de rectifier. Il nous semblait plus important que jamais de soutenir les familles en proposant par exemple de baisser le taux de CSG – contribution sociale généralisée – sur les revenus d’activités des mères ou de rétablir l’universalité des allocations familiales, des mesures qui auraient permis de compenser les nombreux rabots opérés depuis une dizaine d’années sous les quinquennats de François Hollande et d’Emmanuel Macron et qui ont pénalisé ces dernières années les mères de famille qui travaillent. C’est vrai ! Il aurait été aussi important de donner aux femmes ayant eu deux enfants ou plus et qui ont atteint la durée nécessaire pour bénéficier du taux plein la possibilité de partir à la retraite plus tôt. Mais c’était compter sans l’extrême gauche qui, par son obstruction, n’a pas permis de faire avancer le débat, cette gauche qui sait brandir le féminisme sur les plateaux télé et les réseaux sociaux, mais qui ne sait plus défendre les femmes à l’Assemblée nationale, alors même que c’est ce qu’elles attendaient de leurs représentants. C’est vrai ! Ben voyons ! Ce n’est pas vous qui défendez la retraite à 60 ans ! Vous condamnez les femmes à deux ans de plus ! Mais nous ne lâcherons rien et nous savons que les sénateurs poursuivront notre combat au service d’une juste retraite pour les femmes. Macroniste, va ! Ça, ce n’est pas gentil ! Le président du groupe Les Républicains au Sénat, Bruno Retailleau, a par exemple proposé deux options, soit une surcote de 5 % pour les mères de famille ayant atteint à la fois une carrière complète et l’âge légal de départ à la retraite, soit un départ anticipé à 63 ans. M. Dussopt a lui-même annoncé dans la presse qu’il était, je cite : « d’accord avec [nous] et ouvert » et qu’il était possible de « trouver des solutions pour améliorer le texte quant à la situation des femmes ». M. Ciotti va devenir le ministre des retraites de Macron ! Cette lucidité tant attendue n’est-elle pas toutefois un aveu d’échec, dans la continuité des déclarations de M. Riester ? En tout cas, simplement reconnaître ces inégalités ne suffit pas ; il faut les corriger. Nous, députés du groupe Les Républicains, espérons que vous saurez mettre en pratique vos discours. Nous veillerons jusqu’au bout à ce que les femmes ne soient pas les grandes oubliées de cette réforme. La justice sociale pour toutes et tous, là est notre combat et notre cap. Très bien ! Amen ! La parole est à Mme Géraldine Bannier. Évoquer la retraite des femmes, c’est inévitablement se pencher sur les inégalités entre hommes et femmes qui, bien en amont, perdurent pendant l’activité professionnelle et dans toute la société ; on ne saurait être surpris qu’elles se confirment au moment de la retraite. Même si, fort heureusement, les choses progressent, il faut bien constater que les femmes ont trop longtemps été un impensé des réformes des retraites ; pour rappel, malgré neuf réformes en cinquante ans, ce n’est qu’à partir de la réforme menée par M. Fillon en 2003 que la question des femmes a été traitée. Merci, monsieur Fillon ! Longtemps, nombre de femmes – pensons aux agricultrices, aux commerçantes – ont travaillé, comme elles le disent elles-mêmes, pour leur mari, sans être déclarées ni cotiser, et n’ont eu que leurs yeux pour pleurer, lors de leur départ à la retraite, à l’heure de constater que bien qu’ayant travaillé tout autant que leur époux – tout en ayant de surcroît assumé la majorité des tâches ménagères et assuré la plus grande part de l’éducation des enfants –, elles ne pouvaient prétendre à une pension équivalente au minimum vieillesse. Elles ont pourtant participé à la richesse du pays.
De plus, les femmes, parce qu’elles quittent leur emploi pour prendre en charge leurs enfants lorsqu’elles ont du mal à trouver un mode de garde, parce qu’elles interrompent plus souvent que les hommes leur activité vers 50 ans pour s’occuper d’un parent malade ou dépendant, sont aussi les premières concernées par les carrières courtes ou le temps partiel et perçoivent des salaires inférieurs. En 2022, selon les chiffres de l’Insee, les salaires des femmes sont inférieurs en moyenne de 22 % à ceux des hommes. Le constat est sans appel : 37 % des femmes retraitées touchent moins de 1 000 euros bruts de pension, alors que ce n’est le cas que pour 15 % des hommes. Le taux de pauvreté des femmes retraitées est aussi sensiblement plus élevé – il est de 10,4 % contre 8,5 % pour les hommes. Scandaleux ! Pour éviter une décote, les femmes sont aussi davantage contraintes que les hommes à liquider leurs droits à l’âge de 65 ans ou après – pour la génération née en 1950, c’est le cas de 19 % des femmes contre 10 % des hommes.
Le projet de réforme en cours d’examen, sans prétendre traiter l’ensemble des problèmes en amont, les prend du moins en compte, grâce à plusieurs mesures. Pour rappel, l’âge d’annulation de la décote restera de 67 ans. C’était impératif puisque ce sont d’abord les femmes qui, n’ayant pu cotiser tous leurs trimestres, travaillent jusqu’à cet âge et sont concernées par ce seuil. Les femmes dont la carrière est incomplète ou hachée seront prises en compte grâce à l’octroi, nouveau, de trimestres pour congé parental dans le dispositif carrières longues – jusqu’à quatre trimestres pourront ainsi être gagnés ; 2 000 femmes seront concernées chaque année.
La prise en compte des trimestres cotisés auprès de l’assurance vieillesse du parent au foyer – AVPF – est aussi une avancée ; jusqu’à quatre pourront l’être. Puisque ce sont plus souvent les femmes que les hommes qui remplissent le rôle d’aidant, selon le Gouvernement, la mesure permettra d’augmenter de 2 points le nombre de femmes bénéficiant du Mico – minimum contributif – majoré, réservé, pour rappel, à ceux qui ont cotisé cent vingt trimestres.
Les femmes seront également plus nombreuses à bénéficier du dispositif pour les petites pensions, à savoir l’augmentation du minimum contributif – 29 % d’entre elles seront concernées, contre 17 % des hommes. La réforme prévoit en effet une augmentation de 25 euros du socle de base du minimum contributif et de 75 euros s’agissant de sa version majorée. Les femmes bénéficieront d’une hausse plus franche que les hommes, de 38 euros brut par mois en moyenne, contre 25 euros bruts pour eux.
J’en viens à l’octroi de trimestres – quatre dans le secteur privé, deux dans le secteur public – pour la naissance et l’éducation d’un enfant, une mesure instaurée à la fin des années 1960 pour compenser la perte de trimestres liée à la grossesse, qui conduisait souvent les femmes à arrêter le travail. Il est utile de rappeler que le dispositif est maintenu et permet toujours de transférer à l’autre parent les quatre trimestres complémentaires octroyés pour l’éducation d’un enfant.
L’amendement du groupe Démocrate visant à permettre aux femmes ayant eu des enfants avant 2012 d’intégrer leurs indemnités de congé maternité dans le calcul de leur pension est repris par le Gouvernement. La loi prévoyait déjà cette possibilité, mais uniquement pour les congés maternité pris à partir du 1er janvier 2012. Cette avancée complémentaire était donc attendue.
Le débat n’ayant pas pu se dérouler comme nous l’aurions souhaité, le sujet de la pénibilité n’a guère été qu’entrevu. C’est un vrai regret car, trop souvent, le caractère pénible des métiers féminins est comme occulté, invisibilisé. On peut le comprendre tant les représentations mentales sont liées aux images de port de charges lourdes, à celles du marteau-piqueur, de la truelle ou du bitume sur les chantiers. Certains métiers exercés majoritairement par des femmes sont pourtant extrêmement pénibles – il suffit de penser aux aides-soignantes, amenées à soulever des patients. Les femmes sont, pour rappel, beaucoup plus concernées par les troubles musculo-squelettiques. Elles devront donc faire l’objet d’une attention toute particulière dans le futur plan de prévention doté d’1 milliard d’euros.
L’abaissement du seuil d’obtention de points de pénibilité prévu dans le cadre du C2P – compte professionnel de prévention – pour le travail de nuit – celui-ci passera de cent vingt à cent nuits par an, et quand ce travail est effectué en équipes successives, de cinquante à trente nuits par an ; la suppression du plafond de 100 points de pénibilité ; le renforcement de la valeur des points pour l’accès à la formation ou au temps partiel ; l’instauration du suivi médical personnalisé sont des points importants, particulièrement pour les femmes.
Ainsi, si le débat actuel appelle évidemment à continuer à réduire les inégalités salariales entre hommes et femmes, première cause des inégalités lors de la retraite, c’est plus largement à une réforme massive des représentations et des pratiques que chacun d’entre nous, citoyen, élu, chef d’entreprise, homme ou femme est appelé… Merci, chère collègue. …pour qu’un jour nous ne soyons plus obligés d’organiser ce type de débat consacré spécifiquement aux femmes à l’Assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR. – Mme Estelle Youssouffa applaudit également.) La parole est à M. Bertrand Petit. Il y a dix jours, le Gouvernement a clos prématurément les débats sur le projet de réforme des retraites sans laisser aux députés la possibilité de débattre des mesures d’âge, alors qu’elles sont porteuses d’injustices profondes pour les Français et les Françaises.
Les femmes, en particulier, porteront l’essentiel du poids de la réforme ; elles s’annoncent déjà comme les perdantes de celle-ci, à rebours des contre-vérités du Gouvernement. Ainsi, l’économiste Michaël Zemmour a estimé qu’environ 60 % des 17,7 milliards d’euros d’économies par an recherchées d’ici 2030 avec cette réforme seraient faites au détriment des femmes. Ce chiffre, non infirmé par la direction de la sécurité sociale lors du contrôle sur pièce et sur place mené par notre collègue Jérôme Guedj, en sa qualité de vice-président de la Mecss – mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale –, est tout simplement inadmissible.
Il l’est encore davantage quand on se remémore les injustices pesant déjà sur les femmes tout au long de leur carrière. Tout d’abord, les carrières courtes concernent davantage les femmes que les hommes : quand les femmes accouchent, nous le savons, elles basculent souvent vers un temps partiel ou se retirent temporairement de la vie professionnelle pour se consacrer à l’éducation de leur enfant. Mécaniquement, les femmes sont plus nombreuses à attendre l’âge d’annulation de la décote pour liquider leurs droits : c’est le cas de 19 % d’entre elles, contre seulement 10 % pour les hommes. Les carrières fractionnées concernent également davantage les femmes. Elles sont enfin plus nombreuses que les hommes à renoncer à leur carrière pour assister un proche en perte d’autonomie.
Les femmes, plus touchées par les carrières courtes, sont ainsi les perdantes de la réforme des retraites qui exige une carrière complète de quarante-trois ans à temps plein pour bénéficier d’une retraite à taux plein.
Le même constat s’impose concernant la retraite à 1 200 euros dont Jérôme Guedj a démontré lors de nos débats la faiblesse du nombre de bénéficiaires. M. Dussopt a ainsi indiqué hier par courrier qu’entre 10 000 et 20 000 personnes supplémentaires en bénéficieraient chaque année,… C’est exact ! …sans préciser la part relative des hommes et des femmes. Quand on pense qu’on est passé de 1,3 million de bénéficiaires à 10 000 en une semaine ! Nous attendons donc cette précision, même si nous savons déjà que le choix du Gouvernement d’augmenter de 75 euros le minimum contributif majoré et de 25 euros le Mico de base désavantagera les femmes. En effet, alors que le bénéfice du minimum contributif majoré est subordonné à la cotisation de trimestres – et non à leur validation –, les femmes cotisent en général moins de trimestres que les hommes.
La conséquence de votre réforme apparaît clairement : les femmes seront amenées à travailler plus longtemps pour bénéficier d’une retraite à taux plein au niveau actuel. Le Gouvernement l’a lui-même reconnu dans son étude d’impact : avec la réforme, alors que l’âge moyen de départ à la retraite des femmes nées en 1970 progressera de douze mois, passant de 63,5 ans à 64,5 ans, celui des hommes de la même génération ne progressera que de huit mois et demi, passant de 64 ans à 64,7 ans.
Enfin, l’injustice majeure que constitue l’importante inégalité de revenu et de pension entre les femmes et les hommes n’est aucunement prise en compte dans votre réforme ; elle risque même d’être accentuée par le recul de l’âge de la retraite et l’allongement de la durée de cotisation. Sur ce dernier point, votre étude n’a pas évalué la diminution des pensions de retraite des femmes liée à la suppression des surcotes dont celles-ci bénéficiaient jusqu’à présent quand elles travaillaient au-delà de l’âge légal de départ à la retraite, suppressions elles-mêmes liées au report de l’âge légal de 62 à 64 ans. Pour mesurer ces effets sur les différentes catégories professionnelles et bénéficier d’un débat éclairé, nous avons demandé au Gouvernement plus d’information et plus de temps, mais nous nous sommes heurtés à un double refus inacceptable.
Si nous comprenons que les femmes seront en moyenne plus concernées que les hommes par le décalage de l’âge de la retraite, nous ne connaissons pas les détails des effets selon les profils, mais seulement des moyennes reposant sur des hypothèses trop générales. Nulle part nous ne disposons d’indications claires sur les effets de la réforme du dispositif carrière longue sur les femmes, qui en bénéficient moins, en proportion, que les hommes, ni d’informations transparentes concernant le nombre de femmes pour qui la réforme annulera le bénéfice des majorations de trimestres. Enfin, le COR – Conseil d’orientation des retraites – note que le taux de pauvreté des retraités augmente depuis 2016, en particulier chez les personnes âgées de plus de 65 ans qui vivent seules ; parmi elles, ce taux atteint même 16,5 % pour les femmes. Quel sera l’impact de la réforme sur ce taux ? Vous ne le précisez pas.
Les Français ne s’y sont pas trompés et rejettent massivement la régression que souhaite imposer le Gouvernement sans même permettre la tenue d’un débat suffisamment long et éclairé. Nous vous demandons des précisions sur l’ensemble de ces points. (Mme Soumya Bourouaha et M. Matthias Tavel applaudissent.) La parole est à Mme Anne-Cécile Violland. Je me réjouis de nourrir le débat entamé il y a quelques semaines sur les retraites, dans de bien meilleures conditions que précédemment. Je souhaite rappeler mon profond regret quant à la manière dont les débats se sont déroulés, ce qui a empêché que se tiennent des échanges constructifs. La faute à qui ? Au Gouvernement ! Nos concitoyens ne méritent pas ces mises en scène et ces campagnes de désinformation. Dites-le au Gouvernement ! En l’occurrence, la cause des femmes a été instrumentalisée (M. Matthias Tavel proteste) … Monsieur Tavel, je vous invite à écouter l’oratrice. …alors qu’elle mérite tellement plus de décence et de dignité. Au sein de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes (DDF), nous avons eu l’occasion d’aborder la question de l’impact de cette réforme des retraites pour les femmes, dans un climat apaisé, constructif – sans doute parce que nous travaillions loin des caméras.
Malgré tout, je remercie le groupe La France insoumise d’avoir inscrit cette question à l’ordre du jour et de permettre d’échanger au-delà des postures et des caricatures. Ah, de rien ! Comme quoi, vous êtes utiles ! C’est une question primordiale qui mérite l’attention de tous et le respect de chacun. Permettez-moi de développer quelques chiffres : en 2021, les femmes liquidaient leurs droits à la retraite en moyenne dix mois après les hommes ; le montant moyen de la pension de retraite, de 1 459 euros mensuel sexes confondus, était de 1 674 euros pour les hommes et de 1 272 euros seulement pour les femmes – c’est 24 % de moins. Si nous déduisons la majoration de pension perçue pour trois enfants ou plus, l’écart de pension de retraite entre hommes et femmes s’élève à 39 %.
Cette réforme a donc été l’occasion de rappeler que la situation des femmes en matière de pensions de retraite est particulièrement inégalitaire. Certaines de ces inégalités peuvent être corrigées en prenant en compte les trimestres d’interruption d’activité des femmes, tant pour l’éligibilité au dispositif carrières longues que pour le calcul de la retraite minimale. Il importe de noter que la revalorisation des petites pensions favorisera majoritairement les femmes, puisque près de 30 % d’entre elles verront leur pension augmenter.
Je n’oublie pas que cette augmentation est avant tout la conséquence des faibles pensions perçues par les femmes. Évidemment, toutes ces inégalités existent depuis trop longtemps. Sans doute une réforme systémique aurait-elle permis d’aller plus vite et plus loin dans la correction de ces injustices. C’est pourquoi je veux rappeler que la meilleure manière de lutter contre ces inégalités, c’est d’abord et avant tout de s’attaquer à l’inégalité professionnelle, aux différences salariales, à la question des métiers pénibles. Les écarts de pension s’expliquent en grande partie par ces écarts de salaire contre lesquels il faut absolument lutter car le système de retraite ne peut entièrement les corriger. Quand considérerons-nous enfin la femme comme un homme comme les autres ? La parole est à Mme Soumya Bourouaha. Cela fait maintenant plusieurs semaines que le Gouvernement et la majorité travaillent leurs éléments de langage pour tenter de nous faire croire que la réforme des retraites serait juste et équilibrée. Les femmes en seraient même les premières bénéficiaires – le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement dit pourtant le contraire.
Notre débat est donc l’occasion de rappeler quelques faits et d’expliquer pourquoi votre réforme n’est favorable à aucun de nos concitoyens, et certainement pas aux femmes. Elle va davantage les affecter car elles seront plus touchées par le relèvement de l’âge de départ à la retraite, comme l’illustrent ces quelques exemples, parlants. Ainsi, pour la génération née à partir de 1966, l’âge de départ légal moyen est repoussé de sept mois pour les femmes, contre cinq mois pour les hommes. Pour la génération née à partir de 1972, c’est encore pire : l’âge de départ légal moyen recule de neuf mois pour les femmes, contre cinq mois pour les hommes.
En outre, l’accélération brutale de la mise en œuvre de la loi, dite Touraine, garantissant l’avenir et la justice du système de retraites affaiblit la portée de l’avantage des trimestres acquis par enfant. Ce phénomène était parfaitement prévisible, mais le Gouvernement a fait le choix de ne pas réévaluer ce bénéfice proportionnellement au rallongement de la durée de travail. De surcroît, si, dans le privé, les femmes bénéficient d’une majoration de durée d’assurance de huit trimestres par enfant, dans le public, c’est seulement deux trimestres si l’enfant est né après 2004, et quatre trimestres s’il est né avant 2004. Vous avez vanté les bénéfices de votre réforme pour les femmes. Par cohérence, vous auriez donc pu faire un geste ! Mais rien ! En réalité, votre réforme n’avantagera que le capital et les actionnaires !
L’écart de pension entre les hommes et les femmes est en moyenne de 40 %. Ce chiffre est largement connu, il est alarmant et, si le sort des femmes préoccupait sérieusement ce gouvernement, vous l’auriez également traité lors de nos débats. Malheureusement, la réforme ne prévoit aucun rattrapage, aucune compensation. Ce n’est certainement pas la petite revalorisation du Mico pour une carrière complète au Smic qui augmentera le montant des pensions touchées par les femmes, elles qui sont les premières soumises aux bas salaires et au temps partiel.
En réalité, s’il était question d’agir concrètement pour davantage d’égalité et de justice sociale, nous aurions débattu des moyens de favoriser l’égalité professionnelle afin qu’à postes et compétences équivalents aux hommes, les femmes perçoivent la même rémunération et, donc, des pensions de retraite qui ne soient plus 40 % inférieures à celles des hommes.
Le Gouvernement nous explique que la pension moyenne des femmes va augmenter et qu’il s’en réjouit. Mais il oublie de préciser que c’est uniquement grâce à l’effort qu’elles devront fournir en travaillant deux années de plus !
De surcroît, le Gouvernement ne parle pas de toutes celles, bien plus nombreuses, dont les retraites seront rabotées parce qu’elles ne tiendront pas deux ans de plus. Pourtant, votre projet de loi fait aussi l’impasse sur la pénibilité au travail et sa compensation. Or, parmi les métiers à dominance féminine, ceux du soin et du lien sont primordiaux dans notre société, mais dévalorisés et exécutés dans des conditions très précaires. D’ailleurs, l’hiver dernier, la Cour des comptes a alerté sur le taux de sinistralité hors norme observé dans ces métiers. Les femmes qui y travaillent seront parmi les très grandes perdantes de votre réforme.
Quant à la prise en compte des périodes de congés parental dans les trimestres acquis au titre des carrières longues, il s’agit d’une avancée minuscule au regard des réalités et des besoins. Concrètement, il s’agira de prendre en compte quatre trimestres pour les femmes ayant commencé à travailler avant 20 ans. Selon l’étude d’impact, ce dispositif concernerait 2 ou 3 000 femmes sur les 400 000 qui partent en retraite chaque année.
Au lieu d’infliger brutalement deux années de travail supplémentaires aux hommes et aux femmes de ce pays, il y avait bien d’autres dispositions à prendre, des dispositions urgentes et de progrès social. Il y avait – et il y a toujours – la possibilité, si votre gouvernement en a la volonté politique, de faire le choix du progrès et de la justice sociale en renonçant à cette funeste réforme des retraites pour construire, à la place, des droits collectifs plus protecteurs et plus justes pour toutes et tous. La parole est à Mme Estelle Youssouffa. Parler femmes et retraites, c’est parler d’inégalité, d’inégalité des sexes face à l’argent. Car il me semble que l’égalité est avant tout une question économique. L’Hexagone serait bien inspiré de réfléchir aux traditions de mon département, Mayotte. Terre française et majoritairement musulmane, Mayotte est un matriarcat matrilinéaire : les femmes y sont cheffes de famille et la coutume veut qu’à leur naissance, le père construise une maison pour chacune de ses filles. Nos coutumes mahoraises protègent les femmes en leur garantissant un toit sous lequel l’époux n’est qu’un invité.
Après son mariage, le Mahorais va en effet habiter chez sa femme et les enfants du couple resteront chez leur mère. Mayotte donne ainsi le pouvoir aux femmes, avec la possession de leur foyer, socle de l’autonomie économique. Cela a nourri notre société matriarcale, où l’égalité hommes-femmes est réelle.
À Mayotte, l’entrepreneuriat féminin est extrêmement dynamique et c’est le pilier de notre économie. Notre histoire est marquée par les maîtresses femmes qui ont mené, dans les années 1970, le combat pour que Mayotte soit française : Zakia Madi, Zéna M’Déré – dont je porte les couleurs –, Zéna Méresse, Mouchoula, Mama Bolé Latifa, Tava Colo, Coco Laza et toutes les autres ont lutté contre les indépendantistes en chatouillant jusqu’aux larmes les Comoriens et autres émissaires qui voulaient faire sortir Mayotte de la République.
Modestes mais déterminées, non violentes mais en lutte, les Chatouilleuses ont humilié et pourchassé les ministres et leurs idées néfastes pour garantir à Mayotte la liberté, l’égalité et la fraternité. Mayotte et la France sont les héritières de ce féminisme combattant. La République doit aux sorodas – soldates mahoraises –, et à toutes ces femmes, de pouvoir encore faire flotter notre drapeau tricolore sur l’île aux parfums. Eh oui ! Certaines de ces femmes puissantes sont toujours parmi nous, mais elles vivent souvent dans le plus grand dénuement : les retraites à Mayotte atteignent péniblement 286 euros en moyenne. Nos aînées réclament de pouvoir vieillir dignement.
Je vous raconte cette histoire pour que l’on se souvienne de ce que notre pays doit aux femmes et que nous les traitions enfin à égalité, dans le travail et dans les retraites. Notre pays connaît une période politique historique, avec une féminisation inégalée des postes clefs : pour la première fois, notre pays compte une Première ministre, une présidente de l’Assemblée nationale épaulée de cinq vice-présidentes, quatre femmes à la tête des principaux groupes politiques de notre assemblée, qui n’atteint pourtant pas la parité, avec seulement 37,3 % de députées.
Ici, nous sommes les égales de nos homologues masculins et payées comme telles – même indemnité et même retraite. La plupart de nos électrices n’ont pas cette chance. Tous temps de travail confondus, les Françaises touchent 28,5 % de moins que les hommes. Les emplois féminisés sont moins considérés et moins bien payés. À travail égal, s’il y a un sexe faible, c’est surtout parce qu’il est plus faiblement payé.
Si l’égalité homme-femme est toujours grande cause nationale, force est de constater que le Gouvernement a discriminé nos concitoyennes dans cette réforme des retraites. Force est de constater qu’il a perpétué l’injustice économique qui frappe les Françaises en alimentant les inégalités dans le grand âge. À titre d’exemple, la majoration de durée d’assurance pour enfants est variable : dans le privé, elle est de huit trimestres par enfant quand, dans le public, elle est seulement de deux trimestres. Il en est de même pour la majoration de pension : dans le privé, elle est de 10 % à partir de trois enfants tandis que, dans le public, la majoration passe à 5 % à partir du troisième. On s’y perd ! Quant aux pensions de réversion, on compte plus de onze régimes différents. C’est pourtant un outil important pour réduire les inégalités de pensions entre les hommes et les femmes, car les pensions de réversion réduisent l’écart de 40 à 28 % !
Le groupe LIOT a proposé de relever à 30 000 euros le plafond de ressources des bénéficiaires des pensions de réversion – contre 23 000 actuellement. Nous proposons aussi d’ouvrir les droits pour enfants dès le deuxième, pour tenir compte de la baisse du nombre d’enfants par femme.
La question n’est pas d’inciter les Françaises à avoir des enfants, pour en faire des variables d’ajustement budgétaire de notre système de retraite par répartition. Non ! La maternité doit rester un choix libre de toute pénalisation professionnelle et financière. Il s’agit de garantir de bonnes conditions d’emploi et de conciliation avec la vie professionnelle pour celles qui souhaitent fonder une famille, et d’améliorer leurs droits au moment de leur retraite.
La justice sociale passe par l’égalité des sexes et l’émancipation économique des femmes : la réforme des retraites doit revoir sa copie pour que nos concitoyennes, nos électrices, ne soient pas que des bonnes poires et que notre système soit à la hauteur de Marianne, symbole de notre République. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. – Mme Emmanuelle Ménard et M. Emmanuel Taché de la Pagerie applaudissent également.) La parole est à Mme Véronique Riotton. Je prends la parole au nom du groupe Renaissance dans ce débat très opportunément inscrit par nos collègues de La France insoumise – alors qu’ils ont largement privé les Français de débat au cours des dernières semaines ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) N’importe quoi ! C’est le Gouvernement qui les a privés de débat ! Il est toujours savoureux de constater que, maintenant, ils veulent débattre alors qu’il y a quelques jours, ils préféraient le désordre et le chaos… À cause de l’article 47-1 ! Il existe effectivement des différences structurelles et des inégalités de pension entre les femmes et les hommes. Nous devons impérativement identifier les racines de ces inégalités, liées notamment à une organisation du travail qui malmène les femmes et dont les effets se répercutent – voire se densifient – au moment de la retraite. On l’a déjà dit ! Qu’avez-vous fait, à part contribuer à ce que la situation empire ? Écoutez-la ! C’est pour cela que nous avons d’ores et déjà fait progresser plusieurs chantiers importants. Elle a raison ! Par exemple, nous revalorisons les petites pensions, sachant que les femmes sont plus nombreuses à avoir cotisé avec des revenus modestes. Ainsi, 33 % des femmes à la retraite obtiendront une augmentation de leur pension. Sur les 2 millions de retraités actuels, 60 % sont des femmes, et leur pension sera revalorisée de 6,7 % en moyenne, contre 5,1 % pour les hommes.
Nous avons également pris en compte les périodes de congé parental dans le calcul des trimestres requis pour bénéficier d’une retraite anticipée pour carrière longue. Les femmes pourront ainsi obtenir plus tôt une retraite à taux plein.
Si La France insoumise n’avait pas préempté et dévoyé le débat,… Changez de disque ! …nous aurions pu défendre cette avancée parlementaire et inscrire, dans la loi, une trajectoire de réduction des inégalités. En une génération, au plus tard en 2050, les écarts de pension entre les femmes et les hommes seront éradiqués. Franck Riester a dit le contraire ! Les travaux menés par la présidence de la DDF nous ont permis d’envisager des mesures structurelles à même de corriger ces inégalités, et nous contribuerons à les faire figurer dans le futur projet de loi sur le plein emploi.
Je ne parle pas ici de mesures compensatoires – de mesurettes – qui pourraient combler temporairement ces inégalités, mais bien d’une transformation en profondeur du travail, afin de lui redonner sa fonction première, émancipatrice. C’est l’un des principaux piliers sur lesquels s’appuyer pour atteindre l’égalité réelle entre les femmes et les hommes. Je le répète, ces inégalités sont intolérables et contraires à l’esprit de justice et d’équité.
D’ailleurs, ces inégalités sont le symptôme d’un mal bien plus vaste : les inégalités touchant la valeur travail. En cela, nous différons, chers collègues situés à l’extrême droite ou à l’extrême gauche de cet hémicycle. Il n’y a pas d’extrême gauche, ici ! Pour nous, le travail, c’est l’émancipation, la mobilité, l’agilité. C’est par le travail que nous faisons société, que nous nourrissons notre solidarité. Les Françaises et Français connaissent cette valeur et l’estiment. Nous souhaitons donc valoriser le travail autant qu’il le mérite.
Les femmes doivent aussi pouvoir se saisir de la portée émancipatrice du travail et, en fin de carrière, percevoir les mêmes pensions que les hommes, parce qu’elles auront eu les mêmes conditions de travail. (Mme Anna Pic s’exclame.)
Les écarts que nous constatons sont le résultat édifiant des inégalités structurelles relatives à l’emploi des femmes dans le marché du travail. Trois leviers sont susceptibles d’y remédier, que nous pourrons actionner par l’intermédiaire des prochains textes qui nous seront soumis.
Premièrement, les femmes perçoivent des rémunérations inférieures à celles des hommes. À partir de ce constat, nous avons créé l’index de l’égalité professionnelle, sur lequel nous poursuivons le travail.
Deuxièmement, conséquence des stéréotypes de genre, les femmes occupent plus souvent que les hommes des positions socioprofessionnelles moins favorables, dans des secteurs d’activité moins rémunérateurs. Nous devons agir sur la mixité des filières et des métiers, donner aux jeunes filles l’envie de s’orienter vers des secteurs d’avenir, stratégiques, comme le numérique et les sciences, et accompagner les entreprises pour ouvrir leurs portes aux femmes qui se réorientent en cours de carrière. Aujourd’hui même, dans cet hémicycle, avec la DDF, nous recevons quatre-vingts lycéens qui travaillent sur ce sujet. Je vous invite à venir écouter leurs conclusions à seize heures. C’est très bien ! Tout à fait ! Enfin, le taux d’activité des femmes est inférieur à celui des hommes. Elles travaillent plus souvent à temps partiel (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES) et interrompent davantage leur carrière que les hommes pour des motifs familiaux. L’accès au travail constitue un levier essentiel pour accompagner les femmes vers l’emploi. Retirez votre réforme ! Cessons d’instrumentaliser politiquement ces situations et apportons des changements structurels ; corrigeons les inégalités à la racine. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Bien sûr ! Tel sera l’objectif du prochain texte relatif au plein emploi.
Vous venez d’entendre quelques-unes de mes propositions. Maintenant, j’aimerais entendre les vôtres, plutôt que le brouhaha auquel vous nous avez habitués ! (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Bien joué ! Excellent ! Mais ça, ils ne savent pas faire ! Il fallait écouter ! Il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre ! Notre objectif, c’est zéro écart en 2050, à l’horizon d’une génération. Nous emploierons tous les outils possibles pour réduire et supprimer définitivement les inégalités de pension. Il s’agit d’un combat social fort. Gagner ce combat, voilà tout le sens de la grande cause nationale du quinquennat, que nous soutenons depuis 2017. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Mme Frédérique Meunier applaudit également. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) La parole est à Mme Anaïs Sabatini. Le présent débat offre l’occasion de souligner le caractère particulièrement discriminant pour les femmes de la réforme des retraites que le Gouvernement s’entête pourtant à imposer.
La situation respective des hommes et des femmes à la retraite constitue l’une des plus criantes inégalités entre eux. D’après l’Insee, les femmes perçoivent une pension moyenne inférieure de près de 40 % à celle des hommes.
L’autoritarisme et la brutalité du Gouvernement ont encore une fois fait leur œuvre en limitant nos débats, secondés par l’obstruction parlementaire absurde d’une partie de la NUPES qui, en essayant de jouer les Jean Moulin, n’a fait que prouver une nouvelle fois qu’ils ne sont que des Tartuffe. (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Ce n’est pas Macron, votre ennemi ! Vous êtes des collabos ! Tous ces comportements ont eu comme seul effet de priver la représentation nationale d’une discussion sereine sur le fond du texte. Vous, vous avez choisi la sieste ! Alors profitons de ce débat pour rappeler qu’à l’inutilité budgétaire qui caractérise cette réforme… Surtout, ne pas taxer les riches ! …s’ajoutent une profonde injustice sociale et une grande brutalité. Elle pénalisera les femmes en général, a fortiori les mères avec une carrière hachée.
Dans un instant de vérité, M. Riester, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, a concédé aux médias qu’avec cette réforme « [les femmes] sont évidemment un peu pénalisées », avant d’ajouter : « On n’en disconvient absolument pas. » Cet aveu, qui a le mérite de la clarté et de l’honnêteté, est confirmé par l’étude d’impact : la réforme aura pour conséquence de reculer de plusieurs mois l’âge effectif moyen de départ à la retraite pour les femmes.
Les femmes partent déjà plus tard à la retraite et touchent des pensions plus faibles : le report de l’âge de départ les affectera davantage. Toutes les réformes qui retardent l’âge de départ ont pour effet mécanique de pénaliser les femmes, plus nombreuses à avoir des carrières hachées. Actuellement, 40 % d’entre elles partent à la retraite avec une carrière incomplète. Cette réforme inique aura pour conséquence d’accentuer cette injustice.
Dans le régime général des retraites, huit trimestres sont attribués pour tout enfant né ou adopté, dont quatre le sont à la mère au titre de la naissance ou de l’adoption. Or ces trimestres ne comptent pas pour la durée de cotisation. Une femme qui a validé l’ensemble de ses trimestres avant l’âge légal devra donc continuer à travailler : le report de l’âge légal de départ efface le bénéfice des trimestres validés avec la maternité. Ainsi, quand Mme la Première ministre déclare que les femmes partiront à la retraite plus tôt que les hommes, c’est encore un mensonge. Parce que si aujourd’hui les femmes partent plus tard que les hommes, avec votre réforme, elles ne partiront sûrement pas plus tôt. Quant aux mères de famille qui subissent déjà l’injustice du système actuel, elles seront plus lésées encore. Quelle hérésie, lorsqu’on sait que ces mêmes femmes sont les pierres angulaires de notre système de retraite par répartition, puisque par définition les enfants d’aujourd’hui seront les cotisants de demain.
Vous proposez d’infliger aux femmes une double peine : elles subissent déjà une décote à cause des carrières hachées ; avec votre réforme, elles seront encore plus pénalisées ! Toute réforme des retraites sérieuse et ambitieuse devrait être accompagnée d’une campagne familiale et nataliste.
Encore une fois, le Gouvernement n’a rien anticipé, contrairement à la présidente du groupe Rassemblement national, Marine Le Pen, qui propose depuis fort longtemps des mesures simples, justes et efficaces pour protéger les femmes. Plus vous avez travaillé tôt, plus vous partez tôt. Notre projet est un projet de justice. Il permet aux femmes, à toutes les femmes, y compris les mères de famille, de profiter de leur retraite en bonne santé, sans avoir les bras cassés et le dos brisé. Il aurait fallu déposer des amendements ! Vous auriez pu un peu travailler ! Car dans les faits, les femmes sont les plus fréquemment exposées aux facteurs de risques psychosociaux ou touchées par les maladies professionnelles. Mais là non plus, le Gouvernement n’a rien fait pour prendre en considération la pénibilité à laquelle elles sont confrontées au travail. De toute évidence, votre réforme aura pour conséquence de fragiliser encore un peu plus la situation financière de nombreuses femmes qui exercent des métiers difficiles et qui ne pourront pas se maintenir dans l’emploi jusqu’à l’âge légal de départ à la retraite.
La politique est avant tout une question de choix. Ce gouvernement a fait celui de pénaliser les femmes en défendant une réforme aussi brutale qu’injuste. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Vous êtes encore plus réactionnaires ! La parole est à Mme Marie-Charlotte Garin. En France, la pension moyenne des femmes se monte à 1 145 euros par mois, celle des hommes à 1 924 euros ; le taux de pauvreté des femmes retraitées atteint 10,4 %, alors qu’il est sensiblement plus faible chez les hommes, et l’écart a tendance à se creuser depuis 2012. Enfin, les femmes partent un peu plus tard à la retraite que les hommes. Vous voyez où je veux en venir : les inégalités à la retraite sont le miroir des inégalités entre les femmes et les hommes tout au long de la vie. Très souvent, c’est un miroir grossissant.
Que proposez-vous pour remédier aux inégalités, par exemple professionnelles ? Rien. La loi de 2006 n’est toujours pas appliquée et aucune sanction n’est en vue pour les entreprises qui ne la respectent pas. Que proposez-vous pour améliorer le taux d’emploi des femmes ? Rien. Sur trente-huit pays de l’OCDE – Organisation de coopération et de développement économiques –, la France est vingt-cinquième en la matière. Nous vous avons notamment proposé, à l’occasion des derniers textes examinés, de sanctionner les employeurs qui abuseraient des temps partiels. Toujours rien. Cette pratique est pourtant monnaie courante, en particulier dans les secteurs fortement féminisés.
Si l’an dernier, le taux d’activité des femmes avait été identique à celui des hommes, 10 milliards de cotisations supplémentaires auraient été versées pour nos retraites. J’insiste : parce que les femmes travaillent moins que les hommes, le manque à gagner en cotisations atteint 10 milliards. Parce que les femmes gagnent moins que les hommes, il manque 5,5 milliards. Forcément, on se dit qu’on peut faire mieux. Le total se monte à 15,5 milliards. Si vous êtes un peu matheux, vous comprenez que le compte y est, en comparaison des 12 milliards de déficit temporaire que prévoit le Conseil d’orientation des retraites.
Cela montre bien que la priorité politique du Gouvernement est de faire travailler les gens plus longtemps, de faire des économies sur le dos des plus précaires, plutôt que de chercher à atteindre l’égalité entre les femmes et les hommes au travail.
S’agissant de l’égalité, vous ne vous contentez pas de ne rien faire. Votre réforme creusera les inégalités, dans un système déjà défavorable aux femmes. À l’évidence, le report de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans et, surtout, l’allongement de la durée de cotisation toucheront tout le monde. Toutefois la mesure affectera particulièrement tous ceux – en fait surtout toutes celles – dont les carrières ont été courtes ou hachées, ou qui ont travaillé à temps partiel.
Pour bien me faire comprendre, je citerai l’exemple de Quentin et d’Auriane, nés en 1975, qui ont commencé à travailler dans le privé à 23 ans. Leurs carrières ont été identiques et ils ont deux enfants. Avec le système actuel, Quentin doit attendre d’avoir 66 ans pour pouvoir partir avec une pension à taux plein. Auriane, grâce aux trimestres gagnés en compensation de ses deux grossesses, peut partir à 62 ans, puisque c’est l’âge légal. Après votre réforme, la situation de Quentin ne changera pas. En revanche, Auriane perdra les deux années gagnées en compensation de ses deux grossesses car elle devra travailler deux ans de plus pour atteindre l’âge légal, que vous souhaitez hausser à 64 ans. Elle a raison ! C’est aussi simple que cela. Nous nous y opposons.
Par ailleurs, reconnaîtrez-vous enfin la pénibilité des métiers fortement féminisés ? Nous parlons de toutes ces femmes qui ont fait marcher le pays pendant la crise liée au covid, comme les caissières et les soignantes. Les critères de pénibilité sont définis à partir de métiers masculins. Or les métiers féminisés peuvent être tout aussi difficiles, puisqu’ils cumulent bien souvent des contraintes physiques et émotionnelles importantes. J’ajoute que le nombre des accidents du travail progresse chez les femmes alors qu’il baisse chez les hommes ; il en va de même des maladies professionnelles et des troubles musculo-squelettiques.
Je vous livre le témoignage de Sarah, infirmière à Lyon, qui nous a écrit après avoir regardé les débats dans l’hémicycle. « J’ai bossé pendant six ans en réanimation des grands brûlés à Édouard-Herriot. Six ans où je me suis brisé le dos. Les pansements duraient en moyenne une heure trente par patient chaque jour ; les patients prenaient en moyenne 20 kilos d’œdème en phase initiale. On devait porter chacun de leurs membres pour faire leurs pansements, pour la plupart les personnes étaient intubées, ventilées, séparées, donc étaient des "poids morts". » Elle précise que les patients pèsent rarement 50 kilogrammes à leur arrivée ; il faut donc tourner et porter la jambe et le bras de patients de 100 kilogrammes, sans aide mécanique. Pour finir, Sarah demande comment, dans ces conditions, on peut tenir physiquement jusqu’à 64 ans.
Cette question, c’est à vous qu’elle s’adresse, aux membres du Gouvernement. Vous avez tenté de nous vendre une réforme juste à l’égard des femmes : personne n’est dupe. Nous soutenons les femmes et nous demandons le retrait de cette réforme. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES, SOC et GDR-NUPES.) La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’enseignement et de la formation professionnels. Même pas le ministre ? Vous portez au débat une question fondamentale : la retraite des femmes. Le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion, Olivier Dussopt, regrette de ne pas pouvoir y participer, parce qu’il est retenu au Sénat.
Les concertations ont été très utiles dans ce domaine ; elles nous ont permis de rester attentifs aux effets sur les femmes de chacune des dispositions de la réforme. De plus, la retraite des femmes est au cœur de l’examen parlementaire, depuis son commencement.
Certains d’entre vous s’en souviennent, il y a un mois exactement, le ministre est intervenu devant la représentation nationale pour répondre aux questions de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Cette audition a permis d’enrichir le texte, puisque le Gouvernement a soutenu et repris des amendements issus des échanges. Ils n’ont pu être débattus, à cause du blocage des discussions, que vous avez été nombreux à regretter.
L’amendement déposé par Mme Véronique Riotton vise à atteindre l’égalité des pensions entre les hommes et les femmes d’ici à 2050. D’autres avancées très précises concernent les droits à la retraite des parents confrontés à la perte d’un jeune enfant. Mme Karine Lebon a mis en lumière que dans la fonction publique, la majoration de 10 % pour famille nombreuse est retirée lorsque l’on perd un enfant avant ses 9 ans. Cette réalité doit changer. M. Paul Christophe a déposé un amendement visant à supprimer la diminution du nombre de trimestres supplémentaires en cas de décès de l’enfant avant ses 4 ans. D’autres amendements tendent à réviser plus largement les droits familiaux, tels celui de M. Thibaut Bazin et ceux visant à corriger une inégalité qui empêche les personnes exerçant une profession libérale de bénéficier d’une majoration de leur pension.
Nos débats en première lecture n’ont malheureusement pas permis d’examiner ces dispositions. Avec Olivier Dussopt, je formule le vœu que la suite de la navette parlementaire permette de les graver dans le marbre de la loi.
Le thème de la retraite des femmes restera présent dans les discussions parlementaires. Il donne lieu à des interrogations légitimes, mais aussi à de mauvais procès et à des informations trompeuses. Tout cela suscite en retour de l’incompréhension parmi nos concitoyens, surtout nos concitoyennes. Nous voulons dissiper les doutes.
La réforme que nous défendons prend en considération les parcours des femmes. D’abord, celles-ci partiront à la retraite plus tôt que les hommes, et continueront de percevoir leur retraite plus longtemps que les hommes. Actuellement, les femmes partent en moyenne plus tard que les hommes. Cette inégalité est bien entendu la conséquence d’une inégalité dans la vie active et non d’un aspect spécifique du système de retraite. Les départs sont retardés à cause d’interruptions de carrière plus nombreuses et plus longues en moyenne.
Les évolutions du marché du travail ont permis de mieux concilier la maternité et la vie professionnelle. D’autre part, nous renforçons l’assurance vieillesse des parents au foyer. Ainsi, les femmes peuvent moins interrompre leur carrière.
Elles partiront progressivement plus tôt que les hommes, y compris après la réforme. Une fois celle-ci entièrement entrée en vigueur, c’est-à-dire pour les Français nés en 1972, l’âge moyen de départ sera de 64 ans et 4 mois pour les femmes, contre 64 ans et 6 mois pour les hommes. Vous parlez d’un progrès ! Ces mêmes dispositifs permettent aux femmes de partir progressivement plus tôt que les hommes. Sous l’effet de la réforme, elles devront décaler leur départ à la retraite de neuf mois en moyenne, contre cinq mois pour les hommes. Ce décalage ne découle pas d’une disposition spécifique aux femmes, il résulte du fait qu’en moyenne, les femmes atteignent plus facilement le taux plein avant l’âge légal de départ à la retraite – ou dès cet âge.
Pour éviter un décalage plus important et répartir l’effort entre les femmes et les hommes, nous avons voulu à la fois repousser l’âge légal et allonger la durée d’assurance, plutôt que de porter l’effort sur le seul âge légal en le reportant à 65 ans. C’est l’un des points qui a été particulièrement discuté pendant la concertation, lorsque les différents scénarios ont été présentés aux partenaires sociaux. Quelle concertation ? Tous les syndicats sont contre !
Vous vous concertez avec votre nombril ? L’enjeu prioritaire est moins de permettre un départ plus précoce à la retraite que de garantir l’amélioration des pensions des mères qui ont dû interrompre leur activité et dont la progression salariale a été, en conséquence, ralentie par la suite. Nous examinerons avec attention les propositions qui seraient formulées dans la suite des débats, en particulier au Sénat où débute demain l’examen du texte en séance. La présente discussion, ainsi qu’une discussion plus large sur les droits familiaux, ouvrira la voie à une réforme d’autant plus juste pour les femmes qu’elle remédiera à la principale inégalité entre les femmes et les hommes en matière de retraite : le plus faible niveau de leurs pensions.
Les femmes seront les premières bénéficiaires de la revalorisation des pensions. Pourtant les femmes manifestent aussi ! Elles seront dans la rue le 7 mars ! C’est peut-être le point qui a le plus souffert d’informations erronées depuis que la réforme est débattue. C’est vous qui mentez ! Le constat est pourtant simple : près de 30 % des femmes de la génération née en 1962 verront leur pension augmenter grâce à la réforme, contre un peu plus de 15 % des hommes. Le gain moyen sera supérieur de 50 % à celui des hommes. Arrêtez de mentir ! De la même manière, plus d’un million de femmes déjà retraitées verront leurs pensions augmenter d’environ 6 % par an en moyenne ; là encore, c’est davantage que les hommes. Si la réforme a des effets asymétriques, c’est en faveur des femmes. Vous l’expliquerez aux manifestantes ! C’est incroyable de mentir autant ! Ce n’est pas dû à une disposition spécifique aux femmes : étant plus nombreuses à cotiser avec des niveaux de revenus modestes et des temps partiels, elles bénéficient de la revalorisation des petites pensions prévue par la réforme. Au total, en prenant en compte toutes les pensions pour la génération née en 1972, la pension moyenne des femmes augmentera de 2,2 % – deux fois plus que celle des hommes. Avec deux ans de moins, c’est sûr ! Cela contribuera à réduire les écarts de pension entre les femmes et les hommes et renforcera encore le mouvement impulsé par la réduction progressive de l’écart salarial. Cet écart est supérieur à 30 % pour la génération née en 1961, qui part à la retraite cette année. Il diminuera de dix points pour la génération née en 1971 et continuera à décroître pour s’établir progressivement en deçà de 20 % pour les générations pour lesquelles la réforme jouera à plein. Vous trouvez ça satisfaisant ? Ce n’est pas seulement dû à la réforme, mais elle y contribue. Ainsi, si elle prévoit d’augmenter les pensions pour l’ensemble des assurés et pour toutes les générations concernées – avec un gain croissant au fur et à mesure des générations –, ce sont les femmes qui en bénéficient le plus et le mieux. Nous pouvons tous nous en réjouir. Personne ne vous croit ! La réforme accordera également aux femmes de nouveaux droits, attendus depuis longtemps. Elle répare une injustice existant de longue date en actant la prise en compte des congés parentaux et des trimestres acquis au titre de l’assurance vieillesse des parents au foyer. Ces trimestres seront retenus pour l’éligibilité aux dispositifs de carrières longues et de retraite minimale ; ils entreront désormais intégralement, et non plus partiellement, dans le calcul du minimum de pension. Ces congés constituent une grande partie des interruptions de carrière des femmes, à l’origine des écarts de pension. La réforme améliorera donc concrètement la prise en compte des carrières hachées des femmes et fera en sorte que le choix de la maternité ne soit pas synonyme d’un renoncement à la retraite.
Enfin, les femmes qui ont connu de longues interruptions de carrière n’auront pas à travailler plus longtemps. Cette réforme ne fait rêver que vous ! Les femmes sont plus nombreuses à voir leurs carrières interrompues, de manière plus ou moins choisie, et à devoir travailler au-delà de l’âge légal pour avoir une pension suffisante. Pour 20 % des femmes, le départ à la retraite intervient à l’âge du départ à taux plein.
Pour faire en sorte que ces interruptions soient moins pénalisantes, l’âge du départ à taux plein sera maintenu à 67 ans. La durée maximale entre l’âge légal et l’âge du départ à taux plein sera réduite d’autant que le premier est repoussé ; d’un maximum de cinq ans, elle passe à un maximum de trois ans. Génial, quel progrès ! Pour mémoire, la réforme de 2010 avait choisi de repousser l’âge du départ à taux plein en même temps que l’âge légal ; nous décidons de ne pas procéder ainsi, mais de faire mieux.
L’égalité femmes-hommes est une priorité du Gouvernement, notamment du ministère du travail. Ça ne se voit pas ! Cette réforme n’y fait pas exception :… Elle est antiféministe ! …elle fait progresser la situation de nombreuses femmes à la retraite, améliore les retraites de celles qui ont des carrières hachées parce qu’elles les ont interrompues, de celles qui les ont commencées plus tôt et de celles qui ont de faibles revenus. (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) C’est honteux de dire ça devant la représentation nationale ! Bien entendu, des inégalités subsistent ; la réforme ne peut à elle seule corriger intégralement celles du marché du travail. La priorité consiste donc à continuer à se battre pour l’égalité professionnelle femmes-hommes, en matière de salaires comme de carrières. Nous poursuivrons l’approche déterminée engagée sous le précédent quinquennat par le Président de la République,… Vous allez voir le 7 mars, on va bloquer le pays ! …avec notamment l’index de l’égalité professionnelle et les mesures encourageant l’accélération de l’égalité économique et professionnelle.
L’égalité femmes-hommes dans l’émancipation économique démarre dès l’orientation et se joue tout au long de la carrière, pour se retrouver évidemment au moment de la retraite. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.) Nous en venons aux questions. Je vous rappelle que la durée des questions ainsi que celle des réponses est limitée à deux minutes sans droit de réplique.
La parole est à Mme Élise Leboucher. Le 26 février, Olivier Dussopt déclarait sur BFM TV qu’« avoir des âges de départ différenciés entre les femmes et les hommes, ce n’est pas très juste ». J’admire son sens de l’euphémisme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
En effet, il n’est pas très juste que les femmes partent plus tard que les hommes à la retraite en raison des carrières hachées et du système injuste de décote. Il n’est pas non plus très juste que les femmes perçoivent des pensions inférieures de 40 % à celles des hommes – 28 % si on inclut les pensions de réversion –, que le taux de pauvreté des femmes retraitées atteigne 10,4 % ou que les femmes seules représentent 50 % des allocataires du minimum vieillesse.
Vous le voyez dans les sondages et à travers les mobilisations : les Françaises et les Français rejettent clairement cette réforme. Vous pouvez encore sortir par le haut et retirer ce projet funeste. (Mêmes mouvements.) Mais nous devons aller encore plus loin : il est anormal que les femmes touchent des pensions de misère et soient plongées dans la précarité à la retraite.
Pour les femmes, le système de protection sociale se base encore trop souvent sur les droits dérivés liés au conjoint, au lieu de protéger leurs droits propres. Compter uniquement sur les pensions de réversion pour garantir des retraites dignes, c’est antiféministe. (Mêmes mouvements.) Il est urgent de sortir de ce système patriarcal et de faire évoluer la protection sociale, alors que les femmes participent pleinement au monde du travail.
Que devons-nous faire ? Tout d’abord renforcer les droits propres et éliminer les dispositifs qui discriminent les carrières hachées, comme la décote. Mais il faut traiter le problème à la racine : les inégalités salariales sont à la base des écarts de pension. Il est urgent d’adopter une politique de l’emploi pour contrer la précarisation des femmes, particulièrement affectées par les contrats à temps partiel ; de revaloriser les métiers majoritairement occupés par des femmes ; de prendre des mesures pour favoriser l’accès à l’emploi. La France se classe vingt-cinquième sur trente-huit dans l’OCDE pour ce qui est du taux d’emploi des femmes. Si le taux d’activité des femmes et des hommes était égal, 1,1 million de femmes supplémentaires travailleraient et cotiseraient. L’égalité salariale entre femmes et hommes rapporterait au moins 5,5 milliards d’euros de cotisations, ce qui permettrait de revaloriser les pensions. (Mêmes mouvements.)
Voilà nos propositions ; les solutions sont devant vous. Que comptez-vous faire pour sortir les retraites du patriarcat ? Dans l’attente d’une réponse satisfaisante, nous resterons mobilisées, dès mardi prochain et le 8 mars lors de la grève féministe. (Mêmes mouvements.) La parole est à Mme la ministre déléguée. Vous m’interrogez sur la philosophie générale de cette réforme. Je tiens à rappeler que dans le système actuel, les femmes attendent plus souvent l’âge maximal de départ à la retraite pour ne pas subir de décote. Pour protéger les femmes, cet âge restera fixé à 67 ans, car elles perçoivent le plus souvent les plus petites pensions. Un vrai progrès ! Cette réforme agit sur l’écart de pension entre les femmes et les hommes, qui s’établit autour de 30 %. Nous visons sa réduction à 20 % à l’horizon 2030, grâce à une meilleure prise en considération des congés parentaux et des congés de proche aidant, et grâce au travail mené sur le minimum de pension, qui bénéficiera plus largement aux femmes – 60 % d’entre elles sont concernées.
Au-delà de l’augmentation des pensions, de 6 % en moyenne pour les femmes – un peu moins pour les hommes –, nous avons pris un ensemble de mesures pour résoudre ce problème à la source, et ce dès 2018, avec la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel… Je vous rappelle que 92 % des entreprises ne sont pas sanctionnées ! …dont le titre III, relatif à l’index d’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, présente certaines exigences et vise à réduire les inégalités de rémunération et de carrière. Il ne sert à rien, votre index ! La loi du 24 décembre 2021 visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle permet également d’aller vers plus d’égalité entre les femmes et les hommes dans leur parcours de carrière et dans leurs responsabilités – c’est aussi un enjeu. Et les AESH ? La parole est à M. William Martinet. Vous refusez de prendre en compte la pénibilité des métiers féminisés dans votre réforme des retraites, avec pour conséquence l’aggravation des inégalités. On n’a pas eu le débat ! À cause de vous ! La situation des femmes sur le marché du travail se dégrade. Entre 2001 et 2015, le nombre d’accidents du travail avec arrêt a diminué de 28 % pour les hommes, mais a augmenté dans la même proportion pour les femmes. Si vous n’aviez pas déposé 17 000 amendements, on aurait pu en discuter ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) C’est pénible d’être interrompu sans cesse, hein ? Très pénible ! Ces chiffres sont évidemment problématiques et sont le fruit de l’histoire du monde du travail : la prévention des risques professionnels s’est d’abord construite dans les branches professionnelles du bâtiment, de la chimie et de la métallurgie, qui sont masculines.
Mais l’histoire n’excuse pas tout. Nous sommes en 2023, il serait temps de prendre conscience que la moitié des travailleurs sont des travailleuses et qu’elles aussi ont droit à une prévention des risques professionnels et à une reconnaissance de la pénibilité. Malheureusement, cette prise de conscience n’a pas eu lieu dans les rangs macronistes.
Prenons l’exemple très concret du compte professionnel de prévention de M. Emmanuel Macron, instauré en 2017. Sur ses six critères, un seul concerne majoritairement les femmes : les gestes répétitifs. Je vais vous détailler le processus par lequel ces critères peuvent exclure les femmes. Le critère relatif au port de charges lourdes, par exemple, est calculé en fonction de poids unitaires et non de poids cumulés. Par conséquent, une hôtesse de caisse – métier presque exclusivement féminin –, qui porte 1 tonne de charge par jour, n’y est pas éligible, ce qui est absolument aberrant. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Exactement ! J’ajoute la pénibilité psychologique, qui concerne beaucoup de métiers du lien ; de nombreuses femmes sont ainsi confrontées à la détresse sociale.
Madame la ministre déléguée, qu’avez-vous fait pour corriger la faiblesse de la prise en considération de la pénibilité des métiers féminisés ? Rien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Vous avez fait pire, parce que la meilleure des préventions serait de pouvoir partir à la retraite avant que le travail ait cassé le corps et l’esprit. Lorsque vous reculez l’âge du départ à la retraite, vous aggravez la situation. (Mêmes mouvements.) La parole est à Mme la ministre déléguée. Je regrette que les débats sur ce sujet n’aient pu se tenir dans le cadre de la discussion sur la réforme des retraites (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES) … À cause de votre utilisation de l’article 47-1 ! …qui a été bloquée par votre groupe. Ça vous a bien arrangé, au Gouvernement ! Nous, on peut le dire ! Exactement ! C’est fort dommage, parce que beaucoup de députés auraient souhaité y participer.
Les députés de la majorité ont œuvré en matière de santé au travail avec la loi de 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail, que vous n’avez peut-être pas encore eu le temps de découvrir. Vous n’êtes pas obligée d’être méprisante avec la représentation nationale ! Baissez donc le ton ! J’en étais la co-autrice et je vous confirme qu’elle visait à améliorer la prévention en santé au travail pour tous, travailleuses comme travailleurs.
Vous m’interrogez sur le projet de retraite défendu par le Gouvernement, qui renforce la prise en considération par tous les leviers disponibles de l’usure professionnelle. Le débat de lundi dernier, organisé à l’initiative du groupe Écologiste-NUPES et consacré à la pénibilité, a permis de rappeler plusieurs éléments.
D’abord, sont améliorés les droits acquis au titre du compte professionnel de prévention, dont bénéficient bien entendu les femmes, qui représentent un quart des personnes exposées, soit environ 160 000 personnes. C’est là qu’est le problème ! Le nombre de points pouvant être acquis sera donc déplafonné et la valeur des points pouvant être utilisés pour suivre des formations ou pour travailler à temps partiel sera augmentée de 30 %. Cette mesure concernera particulièrement les femmes – vous n’êtes pas sans le savoir.
Ensuite, notre mobilisation est inédite puisque nous créerons un fonds d’investissement, doté de 1 milliard d’euros sur le quinquennat, dédié à la prévention de l’usure professionnelle, liée aux conditions d’exercice de certains métiers – port de charges lourdes, postures pénibles, vibrations mécaniques – auxquelles sont soumises les personnes, en particulier les femmes. Très concrètement, une aide-soignante, par exemple, se verra allouer des droits supplémentaires pour suivre une formation professionnelle et bénéficier d’une adaptation de son poste de travail. La parole est à Mme Émilie Bonnivard. On a hâte ! LR, donneurs de leçons ! Depuis 2017 et dans la droite ligne de François Hollande, Emmanuel Macron a poursuivi la destruction de la politique familiale française, en baissant le plafond de la prestation d’accueil du jeune enfant – ce qui ne facilite pas le travail des femmes –, en ne restaurant pas l’universalité des allocations familiales et en continuant de rogner sur le quotient familial. Les familles, plus particulièrement les femmes qui travaillent et qui veulent avoir des enfants, ont été pénalisées par ces choix.
Cette année, la France a atteint le triste record de son taux de natalité le plus bas. Il ne faut pas s’en étonner, il est la conséquence de ces choix. Nous n’accompagnons pas les femmes afin de leur permettre de mener, dans le même temps, une vie familiale, une vie de mère et une vie professionnelle épanouies. L’avenir de notre pays, sa puissance et notre système de solidarité et de retraite sont également en jeu.
Malheureusement, la réforme des retraites prend le relais de ces mesures : elle supprimerait la pleine reconnaissance de la maternité dans notre système de retraite. Ma question est simple : comment corrigerez-vous les effets négatifs du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS) pour 2023 sur les femmes qui ont eu des enfants ? Il est impératif que d’une manière ou d’une autre, en améliorant leurs pensions, ou en agissant sur l’âge de départ ou l’âge auquel les femmes percevront une retraite à taux plein, cette réforme prenne mieux en considération la grossesse et l’éducation des enfants.
Quid de la proposition des Républicains d’octroyer une surcote de 5 % aux mères de famille qui auraient effectué une carrière complète et atteint l’âge légal de départ à la retraite, ou un départ à la retraite anticipé à 63 ans ? Pour les femmes qui ont eu des carrières hachées, qui ont arrêté de travailler pour élever leurs enfants, qui sont surreprésentées parmi les Français devant travailler jusqu’à 67 ans et qui perçoivent les pensions les plus faibles car elles ont souvent travaillé à temps partiel, quid d’un abaissement de l’âge de départ à taux plein de 67 à 65 ans ou d’une surcote ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) Excellentes questions ! La parole est à Mme la ministre déléguée. Vous m’avez interrogée sur plusieurs cas de figure. S’agissant des carrières complètes, les personnes se voient accorder des trimestres supplémentaires, au titre de la majoration de durée d’assurance, qui deviennent obsolètes du fait de l’absence d’interruption de carrière. Au contraire, les personnes dont les carrières ont été longuement interrompues doivent travailler jusqu’à 67 ans pour pouvoir bénéficier d’une retraite à taux plein.
Le premier point a fait l’objet d’un amendement, voté par la commission des affaires sociales du Sénat. Il vise à accorder le bénéfice d’une surcote aux femmes ayant atteint la durée d’assurance requise un an avant l’âge légal, soit 63 ans, et ayant bénéficié de majorations pour enfants. La Première ministre s’est dite favorable à cette disposition, qui complète les avancées en faveur des futurs retraités.
S’agissant du second point relatif à l’abaissement à 65 ans de l’âge de départ à taux plein, cette disposition n’est pas financièrement viable puisqu’elle engendrerait un surcoût estimé à plus de 10 milliards d’euros par an. Néanmoins, le projet de loi présenté par le Gouvernement prévoit des mesures visant à accompagner la carrière des personnes souhaitant bénéficier d’une retraite à taux plein, notamment en créant une assurance vieillesse des aidants ou en facilitant les rachats de trimestres pour études supérieures et pour les stages. Ça coûte trop cher ! Du reste, il convient de noter que le report de l’âge légal à 64 ans implique l’abaissement de 25 % à 15 % de la décote maximale. Ainsi, les femmes qui souhaitent partir le plus tôt possible malgré des carrières très incomplètes partiront toujours avec une décote, mais elle sera moins élevée. Il faut encore améliorer tout ça ! La parole est à Mme Géraldine Bannier. Ma question concerne précisément la génération des femmes agricultrices et commerçantes, actuellement à la retraite, qui perçoivent souvent de faibles pensions, bien inférieures au minimum vieillesse. De fait, de nombreuses Françaises, avant que des statuts plus stables et protecteurs n’aient été instaurés, ont travaillé sans toujours cotiser, le plus souvent au sein d’entreprises que dirigeaient leur père puis leur mari. Depuis le certificat d’études jusqu’à leur fin de carrière, elles ont exercé en qualité d’aide familiale, avant d’obtenir le statut de conjointe collaboratrice, reprenant parfois en leur nom l’entreprise en tant que cheffe d’exploitation agricole ou gérante. Elles ont bien souvent validé leurs trimestres, sans pour autant toujours cotiser, mais sont évidemment très concernées par la question des petites pensions et de la pauvreté, à l’heure où sonne la retraite.
Dès lors, que changera pour elles la réforme en cours ? Seront-elles concernées par la revalorisation du minimum contributif ? Parmi ces femmes, combien verront leur pension revalorisée ? On sait bien que l’objectif d’une pension minimale à 1 200 euros… Une pension minimale à 1 200 euros brut ! …pour les femmes qui ont exercé une carrière complète, travaillé à temps plein et perçu le Smic est particulièrement compliqué à atteindre. Elles étaient souvent mal rémunérées, au-dessous du Smic, et ne pouvaient pas toujours cotiser. Or nos prédécesseurs ont bien trop longtemps occulté cette question.
Le dispositif ne concernera, pour ainsi dire, que les futurs retraités. Mais ces femmes pourront-elles bénéficier de l’augmentation du socle de base du minimum contributif de 25 euros et de sa majoration de 75 euros, allouée aux personnes qui auront cotisé cent vingt trimestres ? J’ai cru comprendre que les agricultrices percevant une pension à taux plein, sans forcément avoir atteint la durée d’assurance requise, pourraient bénéficier de cette revalorisation. En ira-t-il de même pour les commerçantes ? Étant donné que les réponses à ces questions sont très attendues dans nos territoires, pouvez-vous éclairer la représentation nationale ? La parole est à Mme la ministre déléguée. Les femmes conjointes collaboratrices, qu’elles soient anciennes agricultrices ou indépendantes, perçoivent en effet des pensions particulièrement peu élevées, du fait d’un faible niveau de cotisations.
Rappelons d’abord les avancées votées sous le précédent quinquennat, notamment dans le cadre de la loi du 17 décembre 2021 visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricoles les plus faibles, dite loi Chassaigne 2, adoptée à l’unanimité, avec le soutien du Gouvernement. Elle prévoit le versement d’une pension minimale aux non-salariés agricoles, qui a été revalorisée et dont bénéficient notamment les conjointes collaboratrices et les aides familiaux. On dénombre 200 000 bénéficiaires, dont 60 % de femmes, avec un gain moyen de 70 euros par mois, pouvant dépasser 100 euros par mois pour 30 % des bénéficiaires.
La deuxième disposition de cette loi que je souhaite saluer est l’encadrement du statut du conjoint collaborateur pour les agriculteurs et les artisans, dont la durée d’affiliation est limitée à cinq ans, afin d’éviter d’enfermer les personnes dans un statut générant peu de droits.
S’agissant des mesures de revalorisation des petites pensions, prévues dans le PLFRSS pour 2023, la pension minimale augmentera autant pour les personnes affiliées au régime général que pour celles affiliées au régime agricole. Il en ira donc de même pour les commerçants et les artisans. Dans les deux cas, les trimestres des conjoints collaborateurs sont considérés comme des trimestres cotisés. La hausse sera donc bien calculée sur la base de 100 euros supplémentaires par mois, en fonction des durées et des profils de carrière.
Sur la question des anciens agriculteurs, il s’agit d’un dispositif spécifique prévu par la loi du 3 juillet 2020 visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricoles en France continentale et dans les outre-mer, dite loi Chassaigne 1, s’appliquant aux anciens exploitants qui ont parfois été conjoints collaborateurs. La loi prévoyait que seuls ceux qui pouvaient justifier d’une pension à taux plein avaient droit à la garantie spécifique égale à 85 % du Smic net. Nous supprimons cette disposition pour ouvrir le dispositif à ceux qui bénéficient d’une retraite à taux plein pour d’autres raisons, par exemple l’invalidité ou l’âge de départ. Cela permettra à 45 000 personnes de voir leur pension augmenter d’environ 80 euros en moyenne par mois. La parole est à M. Bertrand Petit. Dans huit jours très précisément, mercredi 8 mars, nous célébrerons la Journée internationale des droits des femmes. Parmi ces droits, il y a le droit à un salaire égal. Or en matière salariale, comme en matière de retraite, force est de constater que les femmes sont les éternelles laissées-pour-compte.
Les chiffres le rappellent : leurs salaires sont en moyenne inférieurs de 22 % à ceux des hommes ; leurs pensions sont inférieures de 40 % à celles versées aux hommes ; 70 % des bénéficiaires de la pension minimale sont des femmes ; parmi le million de retraités pauvres, 76 % sont des femmes. Neuf réformes des retraites en cinquante ans n’auront pas suffi à réduire ces inégalités ; au mieux, elles les auront freinées.
Votre réforme n’y changera rien, bien au contraire, puisque 60 % de son coût sera supporté par les femmes. L’allongement de la durée de cotisation pénalise les personnes qui ont des carrières courtes ou hachées et qui ne parviennent pas à atteindre la durée de cotisation. Ce sont en majorité des femmes. Dans le calcul de la retraite des personnes ayant accompli des carrières courtes, deux éléments sont plus discriminants : le calcul sur les vingt-cinq meilleures années et la décote. C’est une double discrimination pour les personnes ayant effectué des carrières incomplètes, et les femmes sont les plus touchées.
Tous les spécialistes s’accordent à dire que pour réduire les écarts de pension entre les femmes et les hommes, il faut s’attaquer à tout ce qui vient avant et pendant l’activité professionnelle : réduire voire supprimer les inégalités salariales, s’attaquer à la question des pénalités que subissent les femmes quand elles sont mères.
À ce titre, j’ai lu avec intérêt les déclarations de M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion dans un article du journal Le Monde où il indiquait vouloir permettre aux mères de famille de choisir entre des trimestres pour maternité et une majoration de leur pension à la carte. Pouvez-vous nous en dire plus sur vos intentions précises à ce sujet et en quoi ces dispositions seraient réellement de nature à rétablir les femmes dans leurs droits, et surtout à mettre un terme à ces inégalités ? Par ailleurs, pouvez-vous m’indiquer si de telles mesures s’appliqueront indistinctement aux femmes travaillant dans le secteur privé comme à celles exerçant dans le secteur public ? (Mme Andrée Taurinya applaudit.) La parole est à Mme la ministre déléguée. Vous m’avez interrogée sur la possibilité de choisir entre les trimestres de maternité et des majorations de pension. Votre question souligne le fait que les droits familiaux actuels ne sont pas exercés de la même manière par tous ; on estime que près d’un tiers des femmes qui partent à la retraite bénéficie d’une majoration de leur pension. Ce phénomène se renforcera dans les années à venir, notamment car les femmes sont davantage présentes sur le marché du travail.
Le droit d’option entre majoration de la pension dès le premier enfant et diminution de la durée d’assurance est une piste de réflexion plutôt nouvelle, qui viendra renforcer les options en vigueur. Par exemple, la majoration accordée au titre de l’éducation des enfants peut être partagée entre les deux parents. Elle pourra faire partie des nouvelles pistes étudiées dans le cadre du rapport du COR en cours d’élaboration sur les droits familiaux et conjugaux, afin d’évaluer les effets financiers et redistributifs de cette mesure et la lisibilité du système de retraite. Ce rapport sera remis au Parlement, afin de poursuivre les avancées dans ce domaine. La parole est à Mme Anne-Cécile Violland. Dans la droite ligne de mon intervention sur la nécessité de traiter la question des inégalités de retraite par la racine, je vous propose de l’envisager sous l’angle de l’impérieuse obligation de corriger les inégalités salariales.
En début d’après-midi, j’ai reçu une classe de ma circonscription du Chablais. Une jeune fille de 15 ans m’a demandé si c’était bien les députés qui votaient les lois. Elle a poursuivi en me demandant pourquoi, dans ce cas, les femmes étaient-elles moins rémunérées que les hommes. Que répondre à cette jeune fille qui ne peut comprendre cette situation complètement injuste ?
Je vous propose donc un axe de réflexion. Mis en place en 2019 par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, l’index de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, dit index Pénicaud, permet de mesurer les inégalités salariales au sein des entreprises d’au moins cinquante salariés. Il vise à supprimer ces écarts de rémunération entre les hommes et les femmes. Il s’articule autour de cinq critères : les écarts de rémunération, les écarts entre les augmentations annuelles, les écarts de taux de promotions, les augmentations au retour de congé maternité, la part des femmes dans les plus hautes rémunérations de l’entreprise. Toutes ces données doivent être publiées par les entreprises.
La création de cet index a certes permis une avancée en matière d’égalité professionnelle. Néanmoins, les femmes restent bien moins rémunérées que les hommes – ce fait a été rappelé à plusieurs reprises. Ne serait-il pas pertinent de durcir les contraintes et les pénalités financières de cet index, afin qu’on puisse un jour résoudre cette question de l’inégalité salariale ? La parole est à Mme la ministre déléguée. Voilà une conviction que nous partageons. Il est difficile, en effet, d’expliquer aux jeunes générations ces inégalités salariales, qui sont absolument inacceptables. La loi, en la matière, n’est pas si facile à faire appliquer, mais nous devons nous y employer avec détermination. J’ajoute que cet état de fait explique largement les inégalités qui subsistent entre les hommes et les femmes en matière de retraite. S’en prendre aux écarts de salaires, c’est donc attaquer le problème à la racine.
Certes, les droits familiaux et conjugaux permettent de réduire ces écarts, mais nous devons agir dès l’orientation des jeunes, notamment des jeunes filles, en les encourageant à se former aux métiers d’avenir et aux métiers les mieux rémunérés. Nous avons un rôle à jouer dans ce domaine, d’une part, en luttant, dès la découverte des métiers, au collège, contre les stéréotypes de genre et, d’autre part, en développant des dispositifs tels que le mentorat – M. Le Vigoureux, ici présent, connaît bien le sujet – pour inciter les jeunes filles à se montrer ambitieuses et à embrasser des carrières prometteuses, notamment en matière de rémunération.
L’index de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes est désormais une réalité – la plupart des entreprises le publient – et commence à produire ses effets. Ainsi, différentes études de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) montrent que l’écart de salaires entre les femmes et les hommes en équivalent temps plein a été ramené de 16,8 % à 16,1 % entre 2017 et 2019, puis de 16,1 % à 14,8 % entre 2019 et 2020.
On constate donc une accélération de la réduction des inégalités salariales, mais elle doit être encore plus rapide pour que nous parvenions à supprimer l’écart entre les rémunérations, donc entre les pensions. Tel est notre objectif commun, et nous sommes tous, je crois, déterminés à l’atteindre. Ne faut-il pas sanctionner davantage ? Cette question ne vous intéresse donc pas ? La parole est à Mme Cyrielle Chatelain. Lors de l’examen du projet de loi de réforme des retraites, le Gouvernement nous a habitués aux fausses promesses ; nous les avons dévoilées ici même, dans l’hémicycle. La première d’entre elles, c’est la pension minimale à 1 200 euros que, nous l’avons bien compris, tant de femmes ne toucheront pas, car elles ont été contraintes de travailler à temps partiel. Ensuite, contrairement à ce que vous affirmez, madame la ministre déléguée, les femmes ne seront pas les premières bénéficiaires de la réforme des retraites : elles seront, au contraire, les premières à être pénalisées.
Vous avez évoqué le débat qui s’est tenu lundi sur la pénibilité, débat auquel a participé une représentante des aides à domicile, Mme Anne Lauseig. Elle a rappelé que le compte pénibilité ne concerne pas les auxiliaires de vie : la pénibilité liée au port de charges lourdes, aux cadences, aux postures, n’est pas prise en compte. Or – et c’était son message – elles sont trop épuisées, nerveusement, moralement et physiquement, pour travailler jusqu’à 64 ans.
Au-delà, les chiffres sont contre vous. Michaël Zemmour, dont on a souvent évoqué les travaux, a étudié les personnes sur lesquelles porteront les économies permises par la réforme – car celle-ci n’est rien d’autre qu’une mesure d’économie : il s’agit de faire travailler et cotiser les gens plus longtemps pour permettre à l’État de dépenser moins d’argent public.
Or il ressort très clairement de son étude que c’est sur les femmes que pèseront 60 % des économies immédiates réalisées grâce au report de l’âge légal de départ à la retraite. Il cite l’exemple de la génération des personnes nées en 1972 : alors que les femmes de cette génération percevront des pensions inférieures en moyenne de 30 % à celles des hommes, elles travailleront neuf mois de plus – contre cinq mois de plus pour les hommes. Près de 12 000 euros seront ainsi économisés sur le dos de chaque femme née en 1972.
Pouvez-vous confirmer ces chiffres et enfin reconnaître que les économies permises par la réforme seront faites sur le dos des femmes ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) La parole est à Mme la ministre déléguée. Votre question est simple ; ma réponse le sera tout autant. Si l’on inclut les mesures d’accompagnement prévues dans le texte initial du Gouvernement, notamment la revalorisation des petites retraites, le bilan financier de la réforme montre qu’à l’horizon 2030, la répartition du rendement entre les femmes et les hommes est parfaitement équilibrée : 50-50. Ma question portait sur les économies immédiates, celles qui seront réalisées d’ici à 2030 ! La parole est à Mme Soumya Bourouaha. Dans la continuité des travaux menés par le président de mon groupe, André Chassaigne, et près d’un an après l’adoption définitive de sa proposition de loi visant à revaloriser les pensions de retraite agricoles à hauteur de 85 % du Smic pour une carrière complète de chef d’exploitation, nous avons défendu une proposition de loi visant à reconnaître à sa juste valeur le travail des conjoints collaborateurs et aides familiaux.
En effet, au quatrième trimestre de 2020, la pension mensuelle moyenne s’élevait à 574 euros pour les conjoints ayant validé au moins cent cinquante trimestres et à 716 euros pour les membres de la famille ayant validé au moins cent cinquante trimestres. Mais le montant de la pension de ces travailleurs peut être encore plus faible, en particulier s’ils n’ont pas validé un nombre suffisant de trimestres. C’est pourquoi cette seconde loi Chassaigne prévoit une revalorisation mensuelle de 100 euros en moyenne à partir du 1er janvier 2022 de la pension des quelque 210 000 retraités concernés, dont 67 % sont des femmes.
Si cette nouvelle loi, fruit d’une mobilisation collective et continue des retraités agricoles, représente une avancée, beaucoup reste à faire pour garantir à tous ces retraités une retraite digne. Aussi ma question est-elle simple. Quelles initiatives le Gouvernement entend-il prendre pour revaloriser les pensions de ces femmes conjointes collaboratrices, dont les carrières sont souvent hachées, et réduire les inégalités qui subsistent avec les retraités du régime général ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES et Écolo-NUPES.) La parole est à Mme la ministre déléguée. Sous la précédente législature, une proposition de loi visant à revaloriser les pensions des conjoints collaborateurs agricoles a été effectivement adoptée à l’unanimité, avec le soutien du Gouvernement. Plus de 200 000 anciens conjoints collaborateurs ou aides familiaux – le plus souvent des femmes – ont pu ainsi bénéficier d’une revalorisation sans précédent de leur pension. Il convenait toutefois de prendre des mesures pour améliorer le montant des futures pensions de retraite et réduire l’écart qui les sépare de celles des salariés.
Ainsi, depuis l’adoption de la loi Chassaigne, le bénéfice du statut de conjoint collaborateur est limité à cinq ans maximum. Au terme de ce délai, il faudra choisir un statut plus valorisant et, surtout, créateur de droits : celui d’associé ou de salarié. Par ailleurs, la hausse des minima de pension – qui peut atteindre 100 euros par mois pour les futurs retraités ayant une carrière complète – s’appliquera également aux minima de pension des non-salariés agricoles, donc aux conjoints collaborateurs, qui partiront à la retraite à compter du 1er septembre 2023. La parole est à M. Charles de Courson. Dans le projet de loi de réforme des retraites, on ne trouve rien sur les pensions de réversion. Or les règles auxquelles elles sont soumises varient selon le régime concerné – il en existe quarante-deux ! Dans le régime général, elles sont subordonnées à une condition d’âge – 55 ans – et soumises à un plafonnement en cas de cumul avec des droits propres ; dans les régimes spéciaux, ces conditions n’existent pas. De manière générale, plus les régimes sont favorables, plus les conditions d’octroi des pensions de réversion sont libérales ; plus ils sont défavorables, plus ces conditions sont dures.
Ma question est donc simple. Le Gouvernement est-il ouvert au rétablissement du principe d’égalité en matière de pensions de réversion, quel que soit le régime ? La parole est à Mme la ministre déléguée. Votre question revêt, au-delà des aspects financiers, une dimension sociétale qui est au cœur de nos réflexions, car il y va, au fond, de la vision que l’on a de la pension de réversion et même du mariage. Les évolutions qui peuvent être envisagées dans ce domaine méritent de faire l’objet de débats approfondis et d’études d’impact afin de mesurer leurs effets redistributifs.
Prenons le cas de l’ouverture de la réversion aux couples pacsés. Actuellement, si les conjoints survivants sont plusieurs, la pension de réversion est partagée entre eux. Faut-il prévoir un partage de la pension entre la veuve du défunt et l’ancienne conjointe avec laquelle il a été pacsé dans le passé ?
Ce sont des questions complexes, qui doivent faire l’objet d’une réflexion sociétale approfondie. C’est tout l’objet du futur rapport du COR sur la refonte des droits conjugaux et familiaux. La parole est à M. Fabrice Le Vigoureux. Hier matin, on pouvait lire, dans le courrier des lectrices et des lecteurs de Ouest-France , le témoignage d’une certaine Christelle, qui fait écho aux préoccupations exprimées par beaucoup des femmes que, tous, nous avons reçues dans nos circonscriptions.
« Je suis née en 1968, j’ai quatre trimestres cotisés avant l’âge de 20 ans (donc pas de carrière longue) puis je compte quatre trimestres par an jusqu’à 64 ans et une majoration de ving-quatre trimestres pour mes trois enfants… Résultat : deux cent quatre trimestres à 64 ans ! Je perds donc le bénéfice des trimestres de maternité et d’éducation qui passent à la trappe…[…] »
Comme Christelle, beaucoup de femmes attachées à la sauvegarde du régime de retraite par répartition m’ont dit comprendre les évolutions démographiques et savoir qu’il y a de moins en moins d’actifs pour financer de plus en plus de retraités. Beaucoup comprennent que si nous voulons préserver le niveau des pensions sans alourdir des prélèvements déjà très élevés sur les actifs ou sur ceux qui les emploient, nous devons tous accepter de travailler un peu plus longtemps.
Mais ces femmes m’ont dit aussi qu’elles ont eu des enfants et, à ce titre, des majorations de trimestres qui compensent une carrière freinée, des possibilités de progression professionnelle moins nombreuses, des salaires qui n’ont pas suivi pas la même courbe que celle suivie par les salaires de leurs collègues masculins ou de celles de leurs collègues qui n’ont pas connu les joies mais aussi les exigences et les renoncements que suppose l’accueil d’un enfant dans son foyer.
Cette question des trimestres « en trop », qui ne sont pas pris en compte et sont au cœur des articles 7 et 8 de la réforme des retraites, nous souhaitions en débattre dans cette assemblée. J’avais, à cette fin, déposé un amendement avec quarante-trois de mes collègues de la majorité. Las ! Nous en avons été empêchés par l’obstruction pitoyable de quelques députés LFI et leurs milliers d’amendements identiques. Je me réjouis néanmoins que ce sujet s’annonce au cœur des débats du Sénat et que le ministre Dussopt se soit montré très ouvert à des avancées en la matière.
Madame la ministre déléguée, pouvez-vous nous confirmer que des contreparties, sous la forme d’une majoration de pension ou d’un départ anticipé, sont à l’étude pour toutes ces femmes qui, parce qu’elles ont travaillé toute leur vie tout en éduquant leurs enfants, ont cotisé, au moment de leur départ à la retraite, pendant un nombre de trimestres beaucoup plus important que celui qui est requis ? La parole est à Mme la ministre déléguée. Le témoignage que vous citez met en exergue un phénomène assez courant, celui d’une majoration de la durée d’assurance en sus d’une carrière déjà complète. En raison de la plus grande participation des femmes au marché du travail, les majorations de durée d’assurance, créées dans les années 1970 pour compenser des trous dans la carrière et faciliter un départ à taux plein, viennent de plus en plus s’ajouter à des carrières déjà complètes. On estime actuellement à 30 % la part des femmes qui se trouvent dans cette situation, et ce phénomène est appelé à se développer.
J’ai bien entendu à l’esprit la démarche collective que vous avez entreprise pour prendre en compte cette réalité et participer à la réflexion générale sur les droits familiaux et conjugaux. Deux options peuvent être proposées à cet égard : celle d’un départ anticipé du fait de la maternité – c’était l’objet de l’amendement que vous avez évoqué – ou celle d’une augmentation des pensions des femmes concernées. Le Gouvernement privilégie la seconde option pour parvenir à l’égalité des pensions entre les femmes et les hommes et favoriser le pouvoir d’achat.
Je sais que vous-même et vos collègues de la majorité êtes très attentifs à la question, essentielle et légitime, de la retraite des femmes, et je me réjouis que le Sénat vous accompagne dans votre démarche en reprenant votre proposition de surcote. C’est à présent au débat parlementaire de s’emparer du sujet pour aller vers plus de justice sociale. La parole est à M. Belkhir Belhaddad. Les débats à l’Assemblée nationale sur la réforme des retraites n’auront pas permis, en raison d’une obstruction permanente, d’examiner l’ensemble des situations et des mesures proposées – je pense en particulier à la situation des femmes. Nous faisons tous le constat d’inégalités entre les hommes et les femmes, constat étayé par les chiffres et de multiples rapports et, au-delà, par les situations humaines dont nous avons connaissance dans l’exercice de nos mandats.
Des avancées sont proposées dans le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale. Vous le savez, si ces avancées sont autant de graines semées, il faut poursuivre la réduction des inégalités entre les femmes et les hommes, inégalités qui, constatées tout au long de la vie, se traduisent pour les femmes par une vraie injustice au moment de leur départ à la retraite.
Je sais le souci permanent du Gouvernement et de la majorité, car c’est également le mien, de gommer les injustices et les inégalités professionnelles mais, vous le reconnaissez tout à fait, cela ne va pas assez vite.
N’ayant pas pu, comme nombre de collègues, défendre une série d’amendements à ce sujet, je souhaite que vous confirmiez, madame la ministre déléguée, l’engagement du Gouvernement à prendre les dispositions nécessaires pour en terminer avec ces inégalités salariales, ainsi que les dispositions annoncées sur les carrières interrompues et sur la pénibilité.
Je tiens en outre à évoquer les pensions de réversion, facteur d’inégalité selon les régimes, qu’il s’agisse des conditions d’âge, de ressources, de durée de mariage, de non-remariage… sans parler des méthodes de calcul – au nombre, si je ne m’abuse, de treize. Il y a trois ans, au moment de présenter le système universel de retraite, on avait évoqué l’idée de remplacer ces règles par une augmentation du montant de la pension, qui passerait de 54 % de la pension du défunt à 70 % des revenus du couple. Cette mesure permettrait de garantir de meilleurs revenus à la personne survivante qui est le plus souvent une femme.
Pouvez-vous nous préciser la manière dont vous entendez procéder, nous confirmer que nous allons traiter prochainement de cette question, enfin nous dire si le dispositif des pensions de réversion sera étendu aux couples pacsés ? La parole est à Mme la ministre déléguée. Vous proposez d’une part de revoir les pensions de réversion pour garantir le maintien du niveau de vie de la personne survivante à 70 % des deux pensions du couple, alors que la personne survivante perçoit actuellement une fraction de la pension du défunt, et, d’autre part, d’étendre les pensions de réversion aux couples pacsés.
Ces deux questions ont été particulièrement abordées par les partenaires sociaux au cours du second cycle de concertation consacré à l’équité et à la justice sociale. Un consensus s’est dégagé puisque, au-delà du seul aspect financier, il s’agit d’une question de société. La place qu’on donne à la pension de réversion et la place accordée au mariage doivent en effet être pensées collectivement. Les évolutions en la matière méritent des discussions approfondies, en particulier sur les effets redistributifs attendus, et elles devront avoir lieu dans le cadre du rapport sur la refonte des droits familiaux. Nous y reviendrons donc prochainement. La parole est à M. Emmanuel Taché de la Pagerie. Le projet de réforme des retraites, depuis l’étude d’impact jusqu’à nos débats en séance, conduit à un constat très clair : cette réforme est injuste et brutale. Les femmes seront en effet davantage défavorisées par le recul de l’âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans. Elles devront travailler en moyenne quatre mois de plus que les hommes, quatre mois qui s’ajoutent aux dix actuels, alors même que, d’après le rapport du COR, et abstraction faite de la réforme, l’amélioration des carrières féminines et la meilleure prise en compte de la maternité doivent permettre, à l’horizon 2050, l’amélioration du niveau des pensions perçues par les femmes et son rapprochement de celui des retraites des hommes. Or cette dynamique positive sera brisée car celles qui pouvaient partir dès 62 ans à taux plein grâce aux trimestres acquis à l’occasion de la naissance de leurs enfants devront désormais attendre l’âge légal, soit deux ans de plus.
J’ai interrogé le ministre Dussopt le 1er février au sein de la délégation aux droits des femmes mais il s’est dérobé. Et pourtant je me réjouis que, depuis mon interpellation, le Gouvernement ait amendé sa position sur la question et envisagé de prendre des mesures pour remédier à cette injustice. En effet, le ministre Dussopt a lui-même admis ce dimanche qu’il fallait agir contre 1’effet de « neutralisation » des trimestres validés au titre de la maternité qui seraient, selon lui, « perdus » du fait du relèvement de l’âge de départ à la retraite.
La Première ministre s’est elle-même déclarée favorable à une mesure de bonification des trimestres validés par les mères de famille. Le Sénat a adopté un amendement visant à ce que les mères de famille totalisant quarante-trois annuités de cotisations du fait d’une majoration de durée d’assurance par enfant, bénéficient d’une surcote à partir de 63 ans. Dans l’hypothèse où vous persisteriez à maintenir cette réforme des retraites injuste, pouvez-vous vous engager à soutenir cet amendement ou une proposition parlementaire allant dans le même sens ? La parole est à Mme la ministre déléguée. Au fond, vous m’interrogez sur le mécanisme qui permet à certaines femmes de partir à la retraite avant l’âge prévu, mécanisme qui correspond de moins en moins à des carrières de plus en plus complètes – ce qui est heureux. L’amendement adopté par la commission sénatoriale des affaires sociales est en discussion afin que nous puissions voter des dispositions de ce type en séance. Je tiens néanmoins à réaffirmer que même après l’adoption de la réforme, les femmes partiront en moyenne plus tôt que les hommes à la retraite. Il est important de le rappeler.
La réforme prévoit des mesures pour faciliter les départs après une carrière longue, notamment en prenant en compte les trimestres de congés parentaux dans la durée exigée des carrières longues. Elle prévoit également que l’âge du taux plein, notamment pour les femmes dont la carrière a été hachée, restera 67 ans, réduisant ainsi l’écart actuel de cinq ans à trois ans.
Autant de mesures qui se complètent les unes les autres pour répondre à la question de la maternité mais aussi à celle de l’allongement de la durée de la vie et à celle de la chute de la démographie. Grâce à tous ces dispositifs, encore une fois, le système des retraites sera en équilibre en 2030. Enfin, je tiens à le répéter, le rendement net de la réforme est dû aux hommes et aux femmes à parts égales. La parole est à Mme Géraldine Grangier. « Inégalités », c’est le seul mot qui me vient à l’esprit quand je pense à la situation des femmes au travail : inégalités pendant leurs années travaillées, inégalités une fois à la retraite. Le constat est amer tant ces inégalités persistent pour celles qui cumulent salaires inférieurs et carrières plus courtes et souvent hachées. En chiffres, la différence du montant des pensions de retraite est édifiante : elle est de 40 % en faveur des hommes. On sait que les salaires des femmes sont, quant à eux, inférieurs de 22 % à ceux des hommes.
De plus, la prise en compte de la pénibilité au travail, citée dans le projet de loi, occulte les métiers majoritairement féminins. Certes, personne ne contestera que les métiers du BTP sont particulièrement pénibles mais est-ce une raison pour ne pas prendre en considération, par exemple, les aides-soignantes qui doivent soulever leurs patients ?
Tous les observateurs s’accordent pour considérer que la réforme pénalise les femmes. Certains vont plus loin en la qualifiant de sexiste. Même si la durée de carrière est en nette augmentation, nous savons tous qu’elle reste plus courte chez les femmes. Ceci s’explique notamment par l’arrivée des enfants. Nombreuses sont celles qui se retrouvent pénalisées, non pas à cause leur enfant, mais, malheureusement, par leur direction. Certaines font dès lors le choix de se consacrer à l’éducation de leurs enfants et se mettent pour un certain temps en retrait de la vie professionnelle.
Croyez-vous que les entreprises garderont ces femmes en poste jusqu’à 67 ans ? Croyez-vous vraiment qu’après une coupure dans leur carrière, ces mêmes femmes pourront reprendre un poste équivalent pour un salaire équivalent ? Croyez-vous sincèrement que ces femmes seront suffisamment en forme pour travailler jusqu’à l’aube de leurs 70 ans ?
Par ailleurs, les femmes sont nettement majoritaires parmi les aidants – elles en représentent 57 %. Avec l’augmentation de l’espérance de vie et le vieillissement de la population, le nombre d’aidants va s’accroître. Il faut tenir compte de cet enjeu de société. Vous avez annoncé la création d’une assurance vieillesse pour les aidants afin que les trimestres consacrés à aider une personne soient validés. Pouvez-vous nous en préciser les modalités ? La parole est à Mme la ministre déléguée. Je tiens à affirmer que la réforme ne pénalise pas les femmes… Ce n’est pas vrai ! …mais au contraire protégera celles dont la carrière aura été hachée, celles qui ont commencé à travailler tôt et celles qui ont des revenus faibles. Jusqu’à présent, les femmes partaient à la retraite en moyenne plus tard que les hommes – notamment du fait d’interruptions de carrière. Or les choses changent pour les nouvelles générations de retraitées : désormais, les femmes partiront légèrement plus tôt que les hommes. De plus en plus souvent, les femmes peuvent concilier maternité et poursuite de leur activité professionnelle, ce qui est heureux. Un tiers des trimestres « enfant » ne sont pas utilisés parce que, précisément, les femmes ont pu continuer leur activité – c’est, j’y insiste, une bonne nouvelle.
En ce qui concerne les aidants, l’article 12 du projet de loi – article que nous n’avons pas pu examiner – prévoit trois grandes dispositions. Il s’agira d’abord de rassembler des droits dont la dispersion explique qu’ils sont souvent mal connus et qu’on n’y recoure pas, ensuite d’accorder des droits, notamment aux aidants des parents bénéficiant du complément d’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH), enfin de supprimer la condition de cohabitation avec l’aidant, ou la condition du lien familial. Nous faciliterons ainsi le recours aux aidants et permettrons que, désormais, 100 000 personnes soient couvertes contre 70 000 aujourd’hui. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.