XVIe législature
Session ordinaire de 2022-2023

Première séance du mercredi 05 avril 2023

Sommaire détaillé
partager
Première séance du mercredi 05 avril 2023

Présidence de Mme Élodie Jacquier-Laforge
vice-présidente

Mme la présidente

  • partager

    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quinze heures.)

    1. Revalorisation du salaire des enseignants

    Mme la présidente

  • partager

    L’ordre du jour appelle le débat sur la revalorisation du salaire des enseignants.
    La conférence des présidents a décidé d’organiser ce débat en deux parties. Dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, puis le Gouvernement ; nous procéderons ensuite à une séquence de questions-réponses.
    La parole est à Mme Sarah Legrain.

    Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES)

  • partager

    Si le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale (LFI-NUPES) a demandé ce débat solennel sur les salaires des enseignants, c’est parce que nous ne savons plus que croire dans ce brouillard de mensonges et de mauvaise foi. Nous nous sommes dit que, devant la représentation nationale, vous vous sentiriez sans doute tenu à un peu de clarté, monsieur le ministre. Il faut dire que vous avez déjà esquivé l’examen du budget de l’éducation nationale, opportunément escamoté par un 49.3. Depuis, vous brandissez l’augmentation de 6,5 % du budget, sans jamais nous expliquer selon quels calculs elle garantirait la revalorisation tant attendue de 10 % du salaire des enseignants.
    Monsieur le ministre, j’ai comme une impression de déjà-vu. Vos 10 % ressemblent à s’y méprendre à une autre entourloupe récente : la fameuse retraite minimale à 1 200 euros, dont le montant réel et le nombre de bénéficiaires ont fondu comme neige au soleil sous l’ardeur de nos questions. Le Gouvernement avait cru faire avaler la pilule des deux ans supplémentaires en l’enrobant du faux sucre de la pension minimale à 1 200 euros. Il semble que vous servez la même recette douteuse aux enseignants. Vous avez cru pouvoir cacher derrière les paillettes d’un chiffre magique le charbon que vous imposez – oui, le charbon ! –, à savoir travailler plus, toujours plus.
    Le 20 avril 2022, lors du débat de l’entre-deux-tours, le candidat Macron, cherchant à rallier in extremis le vote des enseignants échaudés par cinq ans de « blanquérisme », disait ceci : « De manière inconditionnelle, il y aura une revalorisation d’environ 10 % des salaires des enseignants et il n’y aura plus de démarrage de carrière sous 2 000 euros par mois. Donc je veux dire ici très clairement que ce n’est conditionné à absolument rien ». Cette déclaration est-elle vraie ou fausse ?
    Notons d’abord que les enseignants n’ont toujours pas vu la couleur d’une augmentation qui devait intervenir dès le mois de janvier 2023 ; elle est désormais annoncée pour septembre 2023. Revenons ensuite sur ces 10 %. Incluent-ils le dégel du point d’indice, qui n’est que justice, ou bien s’y ajoutent-ils ? Seront-ce 10 % pour tout le monde ou 10 % en moyenne, en incluant le début de carrière garanti à 2 000 euros ?
    Et ces 2 000 euros en début de carrière, parlons-en ! Ils représentent moins de 1,5 Smic, contre 2,2 Smic en 1980. Si les salaires des enseignants avaient augmenté autant que le Smic, un professeur du secondaire en début de carrière toucherait aujourd’hui près de 3 000 euros par mois ! Et depuis le jour où cette promesse a été prononcée par le candidat Macron, les produits alimentaires ont augmenté de 14,5 %. On ne fait donc que continuer à entériner la dévalorisation du métier d’enseignant.
    Enfin, attardons-nous sur le cœur de l’entourloupe : cette histoire d’inconditionnalité. Selon le Syndicat national des enseignements de second degré-Fédération syndicale unitaire (Snes-FSU), il faudrait engager 3,6 milliards d’euros sur une année pleine pour aboutir à une réelle augmentation inconditionnelle de 10 % du salaire de tous les enseignants, soit la totalité de l’augmentation de votre budget sur l’année 2023, dont vous vous targuez tant. Or, dans ce budget, la part consacrée à cette augmentation inconditionnelle ne correspond qu’à 1,9 milliard d’euros. Le reste est conditionnel : j’y viens.
    Vous nous dites que vous voulez répondre à la crise de l’attractivité du métier. Sur ce point, nous sommes d’accord, monsieur le ministre : il y a bien une crise. Il y a quelques années, on voyait avec inquiétude baisser le nombre de postes ouverts aux concours – nous avions déjà lancé l’alerte. Désormais, on voit avec effarement exploser le nombre de postes non pourvus, faute de candidats : 21 % d’inscrits au certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré (Capes) en moins sur dix ans, un nombre de démissions jamais vu, des milliers d’heures de cours non assurées par manque de remplacements !
    Pour répondre à cette crise, vous pouviez prendre en compte l’étude menée par l’Union nationale des syndicats autonomes (Unsa) en 2018, révélant que le temps de travail hebdomadaire des enseignants était de près de 45 heures ; vous pouviez tenir compte du fait que le salaire statutaire des enseignants du primaire et du secondaire après dix ou quinze ans d’ancienneté est, en France, au moins de 15 % inférieur à la moyenne des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ; vous pouviez considérer que les effectifs des classes françaises sont bien au-dessus de la moyenne européenne de dix-neuf élèves par classe. Cela vous aurait naturellement conduit à augmenter les salaires et à créer de nouveaux postes. Mais vous avez fait le choix exactement inverse, celui de substituer aux augmentations de salaire et aux postes manquants des remplacements payés en heures supplémentaires : une aberration nommée « pacte enseignant », rejetée par l’ensemble des syndicats.
    Voyez-vous, monsieur le ministre, avant d’être élue députée en juin dernier, j’ai moi-même été professeure dans ce lycée d’Aulnay-sous-Bois que vous aviez visité, après avoir été alerté par un reportage réalisé par RMC. Cela faisait des années que nous signalions, dans l’indifférence la plus totale, des fenêtres cassées, des fuites d’eau, des pannes d’électricité. Des collègues, j’en ai rencontré beaucoup, et aucun ne m’a déclaré faire ce métier pour l’argent. Et pourtant, une part de plus en plus grande de notre métier consiste à compter les sous, mais aussi les heures : non pas les nôtres, mais celles que nos élèves sont en droit de recevoir de l’école publique, censée leur garantir l’égalité. Or que voit-on ? Des calculs boutiquiers autour de la dotation horaire globale (DHG), des marchandages ! Pour la moindre sortie scolaire, nous déployons des talents dignes des commerciaux pour essayer de ne pas faire payer les élèves – tout cela, bien sûr, dans le cadre d’heures supplémentaires non rémunérées.
    Il n’y a pas besoin d’aller chercher bien loin les causes de la crise que traverse le métier.

    Mme la présidente

  • partager

    Merci de conclure, chère collègue !

    Mme Sarah Legrain

  • partager

    Avec ces mensonges sur les 10 % et cet ultime affront qu’est le pacte enseignant, j’en arrive à cette conclusion : soit vous n’avez pas compris les problèmes du métier, soit vous pensez que les enseignants ne comprendront pas la politique que vous continuez d’entreprendre. Quoi qu’il en soit, ça risque de mal finir ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et SOC, ainsi que sur quelques bancs du groupe GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Fabien Di Filippo.

    M. Fabien Di Filippo (LR)

  • partager

    En 1980, un professeur de collège débutant touchait l’équivalent de 2,3 fois le salaire minimum. Aujourd’hui, soit quarante-deux ans plus tard, il gagne moins de 1,2 Smic.

    M. Jean-Pierre Vigier

  • partager

    C’est exact !

    M. Fabien Di Filippo

  • partager

    S’il fallait donner un seul chiffre qui symbolise le mieux le déclassement et explique le mieux les difficultés de recrutement des métiers de l’enseignement, ce serait celui-là. Les rehaussements du point d’indice ou des grilles indiciaires n’ont pas permis d’enrayer cette baisse des salaires, pour la bonne et simple raison que les politiques successives menées par François Hollande et Emmanuel Macron ont davantage revalorisé les aides sociales et le salaire minimum, provoquant ainsi un nivellement par le bas sans précédent des conditions salariales pour les enseignants, comme pour la plupart des fonctionnaires.

    M. Jean-Pierre Vigier

  • partager

    Il a raison ! Écoutez-le bien !

    M. Fabien Di Filippo

  • partager

    Ces évolutions sont la cause majeure de la pénurie de professeurs que l’on voit s’installer depuis quelques années. À la rentrée 2022, plus de 4 000 postes de titulaires n’étaient pas pourvus. Ainsi, certaines classes de primaire ont passé des semaines entières sans enseignant, de même que des collégiens et des lycéens ont vu des trimestres entiers s’écouler où tous les cours d’une matière étaient annulés.
    Les réformes, depuis 2017, se fondent sur des arguments pédagogiques fallacieux dans le but de masquer cette crise des vocations. On a d’abord eu les réformes Blanquer, qui visaient à sortir des matières du tronc commun pour masquer les difficultés à recruter des professeurs, et à mettre en avant des options. Résultat : un baccalauréat à plusieurs vitesses et un nivellement académique par le bas – soit le pendant en matière d’enseignement du nivellement salarial que j’évoquais plus tôt. C’est vraiment triste pour une nation comme la nôtre, qui faisait de l’excellence de l’enseignement le socle de la méritocratie.
    Voilà qu’on nous parle maintenant de hausses de salaire : ce n’est pas encore une réforme du ministre Ndiaye, même si celui-ci devrait annoncer des revalorisations dans les quinze jours – cela fait tout de même quelques mois qu’on en parle. Ces hausses sont conditionnées à un rôle de bouche-trou confié aux enseignants, qu’il s’agisse de remplacement, d’orientation ou de soutien scolaire, faute de pouvoir ou de vouloir remédier aux difficultés structurelles de recrutement des professeurs.

    M. Jean-Pierre Vigier

  • partager

    Eh oui !

    M. Fabien Di Filippo

  • partager

    On continue de prendre le problème à l’envers et de dévaloriser les carrières dans l’éducation nationale.
    Je veux dire un mot de la filière professionnelle, qui concerne un lycée sur trois et se trouve au carrefour d’enjeux économiques sans précédent dans l’industrie et l’artisanat. Alors qu’elle concentre surtout le plus d’élèves décrocheurs, qui peinent à poursuivre des études ou à s’insérer professionnellement, c’est elle qui éprouve le plus de difficultés à pourvoir des postes d’enseignement avec des titulaires, ou à les pérenniser. La réforme annoncée du lycée professionnel laisse ces aspects de côté et ne résoudra pas le problème de la fuite en avant vers l’enseignement général, ni celui d’un baccalauréat toujours plus dévalorisé et que l’on donne quasiment à tous les élèves. Dans la filière professionnelle, le recours aux contractuels s’est accru ; et comme dans toutes les filières, les professeurs sont « bombardés » devant des classes avant même d’avoir pu effectuer la moindre formation, avec un niveau de rémunération logiquement inférieur. Les témoignages depuis la rentrée ne manquent pas.
    Alors que nous évoquons la question du pouvoir d’achat des enseignants, nous parlons majoritairement de cette France aux salaires légèrement inférieurs à la moyenne mais qui paye toujours tout sans avoir droit à aucune aide ; celle qui, depuis deux ans, voit ses factures d’énergie et ses factures alimentaires augmenter respectivement de 20 % et de 25 % – soit la hausse des prix alimentaires sur les deux dernières années attendue pour le mois de juin – ; celle qui a du mal à boucler les fins de mois alors qu’elle élève des enfants, ou qui peine à se loger quand des professeurs sont affectés dans des métropoles où les loyers sont très élevés.
    Ce paramètre économique n’est qu’un des facteurs du déclin de l’enseignement. Nous aurions pu parler de la remise en cause de l’autorité, autrefois garantie au professeur, par des familles et des élèves qui la contestent de plus en plus. C’est un fait qu’on n’observait pas dans les générations précédentes, qui faisaient confiance au savoir et aux méthodes de l’enseignant. Nous aurions pu aussi évoquer la perte de sens pour les professeurs face à la multiplication des missions aux contenus parfois baroques et des priorités plus ou moins pédagogiques. Il aurait mieux valu leur faire confiance pour accomplir leur mission première : transmettre des savoirs et construire l’avenir des jeunes. Mais c’est bien le paramètre économique qui est l’objet du présent débat.
    En conclusion, je vous dirai deux choses. Premièrement n’essayez pas de faire un coup marketing sur les revalorisations salariales.

    M. Maxime Minot

  • partager

    Eh oui, arrêtez la com’ !

    M. Fabien Di Filippo

  • partager

    Vous parlez de revalorisations à hauteur de 52 euros de l’heure, pour 72 heures supplémentaires par an que vous demanderiez aux enseignants. Ces hausses ne seraient alors qu’un outil pour masquer des revalorisations oubliées ou des recrutements manqués dans l’éducation nationale.
    Deuxièmement, enrayez cette dynamique qui consiste toujours à précipiter les fonctionnaires, dont les professeurs, dans des trappes à pauvreté, comme ce fut le cas avec la précédente loi de finances rectificative visant à contrer l’inflation, votée l’été dernier. On revalorise les aides sociales de 4 %, mais on rehausse le salaire des fonctionnaires à un niveau moindre !

    M. Maxime Minot

  • partager

    Voilà à quoi mène le « en même temps »…

    Mme la présidente

  • partager

    Veuillez conclure, cher collègue !

    M. Fabien Di Filippo

  • partager

    La politique du « quoi qu’il en coûte » et du tiroir-caisse a montré ses dangers et ses limites : il faut faire des choix, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe RN.)

    M. Maxime Minot et M. Jean-Pierre Vigier

  • partager

    Excellent !

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Delphine Lingemann.

    Mme Delphine Lingemann (Dem)

  • partager

    « Être enseignant, ce n’est pas un choix de carrière, c’est un choix de vie. » Cette citation de François Mitterrand nous rappelle que l’enseignement est bien un métier d’engagement au service de ce que nous avons de plus cher : l’avenir de nos enfants, mais aussi celui de la France. Or, aujourd’hui, conséquence de décennies d’abandon par les gouvernements successifs, les enseignants sont fatigués. Au printemps 2022, une enquête réalisée par le ministère de l’éducation nationale auprès de 62 000 enseignants donnait la mesure du désenchantement au sein de la profession. Seuls 4 % des enseignants estiment leurs perspectives de carrière attractives, quand 55 % d’entre eux se disent mécontents de leur niveau de rémunération. Force est de constater que le traitement de base des enseignants du primaire et du secondaire après dix ou quinze ans de service est en effet inférieur d’au moins 15 % à la moyenne des pays de l’OCDE.
    Face à ce constat, il était urgent de réengager une politique volontariste pour redonner toute sa valeur à ce métier. Les mesures prises par le Gouvernement vont dans ce sens. Il s’agit de valoriser le métier d’enseignant et de le rendre plus attractif. C’est dans cette perspective qu’est proposé un socle d’augmentation de 635 millions d’euros en 2023. Cet engagement fort, salué par toutes les parties prenantes, se traduit en moyenne par une augmentation annuelle de 800 euros pour un professeur des écoles et de 744 euros pour un enseignant du secondaire. Le projet actuel serait de favoriser financièrement les personnels en début de carrière, l’attractivité du métier étant au plus bas.
    Au-delà de ces premières revalorisations, il serait souhaitable de permettre à des étudiants en troisième année de licence d’effectuer un stage d’un à trois mois dans un établissement scolaire avec un tuteur enseignant. Le tutorat de ces étudiants pourrait entrer dans le cadre des missions du pacte proposé aux enseignants par le ministère de l’éducation nationale.
    Ce pacte, qui constitue l’autre volet de la réforme, donne le choix à chaque enseignant d’exercer des missions supplémentaires en lien avec ses compétences. C’est une liberté qui est donnée de « travailler plus pour gagner plus » – principe qui doit guider, me semble-t-il, l’utilisation des deniers publics.
    Le dispositif du pacte enseignant représentera une enveloppe de 300 millions d’euros en 2023. Mis en œuvre à compter de septembre prochain, il doit permettre de répondre à deux priorités pour améliorer la qualité des apprentissages : le remplacement rapide du professeur absent, sur une période courte, par des professeurs volontaires en poste dans l’établissement – je rappelle que 15 millions d’heures sont perdues par les élèves chaque année ; la généralisation, dans les classes de sixième, du dispositif « devoirs faits ». Ces deux mesures importantes tendent à assurer la qualité des enseignements et contribueront pleinement à l’égalité des chances dans la réussite scolaire.
    Il est question aujourd’hui d’une rémunération de 1 250 euros pour 24 heures de missions supplémentaires ; ce montant est loin d’être négligeable. Il faudra cependant être vigilant sur plusieurs points et faire preuve, là encore, d’équité. Malheureusement, les femmes auront plus de difficultés à signer un pacte car, très souvent, elles sont plus impliquées dans les activités familiales. Le pacte risque donc d’accroître les inégalités salariales entre les femmes et les hommes, ce qui aurait un impact direct sur les retraites.
    En outre, le pacte serait plus facile à appliquer pour les enseignants du second degré, qui donnent 18 heures de cours par semaine, que pour ceux du premier degré, qui effectuent 24 heures d’enseignement. À cela s’ajoute un taux de féminisation supérieur dans le premier degré. On peut donc anticiper un accès d’autant plus difficile au dispositif.
    Enfin, les 13 000 enseignants du second degré affectés dans l’enseignement supérieur sont totalement oubliés. Leur rémunération et leur carrière dépendent du ministère de l’éducation nationale, mais ils ne bénéficient d’aucun dispositif, ni de celui du ministère de l’enseignement supérieur – le régime indemnitaire des personnels enseignants et chercheurs (Ripec) – ni de celui dont nous débattons cet après-midi. Ces enseignants n’ont bénéficié d’aucune revalorisation salariale. Alors qu’ils enseignent dans le supérieur, ils sont désormais moins payés que leurs collègues qui exercent dans un lycée ou un collège. Il me semble qu’une réflexion doit être engagée afin de leur donner un statut particulier, comme c’est le cas pour les enseignants du secondaire affectés dans les classes préparatoires.
    Fille d’un enseignant, sœur d’un professeur des écoles, moi-même enseignante associée à l’université depuis près de vingt ans, je connais ce métier, son utilité pour nos enfants et ses difficultés. Notre politique éducative doit permettre d’attirer les futurs enseignants, de les préparer, de les motiver et de les soutenir dans leurs missions.
    Nelson Mandela nous le rappelle : « L’éducation est l’arme la plus puissante que l’on puisse utiliser pour changer le monde. » Les défis sont nombreux. Nos enseignants jouent un rôle essentiel auprès des enfants pour les préparer à les relever. Il est donc de notre devoir, aux côtés du Gouvernement, de les soutenir.

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Fatiha Keloua Hachi.

    Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC)

  • partager

    Au nom du groupe Socialistes et apparentés, je remercie le groupe La France insoumise d’avoir inscrit à l’ordre du jour ce débat sur la revalorisation des salaires des enseignants.
    Avant de devenir députée en juin dernier, j’ai exercé pendant vingt-huit ans le métier d’enseignante. J’étais alors au dixième échelon et mon salaire s’élevait à 2 700 euros net par mois ; il ne me restait plus qu’un échelon à franchir pour terminer ma carrière.
    Nous pouvons continuer longtemps à nous rassurer collectivement en arguant que le métier d’enseignant est un métier passion et que les professeurs ne choisissent pas cette voie pour l’argent. Cependant, cela en dit long sur notre conception de l’école publique et sur l’importance que nous donnons à la scolarité de nos enfants ou à la reconnaissance de nos enseignants.
    Notre collègue Fabien Di Filippo l’a rappelé, un enseignant en début de carrière touche désormais 1,2 fois le Smic, contre 2,3 fois le Smic il y a quarante ans. Les enseignants se sont appauvris, et c’est peu de le dire. D’autre part, en application de leur grille indiciaire, le salaire moyen des enseignants du premier degré n’augmente que de 545 euros en vingt ans de carrière. Quel autre métier doit se plier à une évolution salariale aussi minime ?
    Le métier manque d’attractivité. Si les freins ne sont pas tous liés à la rémunération, c’est l’un des problèmes soulevés chaque année lorsque vient l’heure des concours et que les candidats manquent cruellement : ils sont 30 % à 40 % moins nombreux que dans les années 2000.
    Pour que le métier attire de nouveau, il faut notamment procéder à une revalorisation salariale ambitieuse de l’ensemble des enseignants. C’est précisément ce que le Gouvernement annonçait il y a six mois, évoquant une « revalorisation historique ». Toutefois, le détail des mesures qui se cachent derrière ces annonces ne traduit rien de cela, et la profession dans son ensemble affirme ne pas être satisfaite par ce que vous proposez.
    Durant sa campagne électorale, le Président de la République promettait une augmentation des salaires de 10 % pour tous les enseignants. Très belle mesure ! Le groupe Socialistes et apparentés – et, je crois, l’ensemble de la NUPES – est favorable à une telle avancée. En fin de compte, la mesure ne concernerait que les enseignants en première moitié de carrière. Qui plus est, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, nous avons appris que ces 10 % engloberaient les mesures prises sous le précédent quinquennat ainsi que la hausse du point d’indice appliquée en juillet. Enfin, il semblerait que vous ayez décidé que cette revalorisation prendrait la forme d’une prime. Or une prime n’est pas une augmentation de salaire ; elle ne comptera pas pour leur retraite.
    Hier, monsieur le ministre, au cours de votre audition par la commission des affaires culturelles et de l’éducation, vous avez annoncé une revalorisation salariale supplémentaire pour les enseignants en milieu et fin de carrière. Quel en est donc le montant ? Est-ce une augmentation du point d’indice ou une prime, par exemple une augmentation de l’indemnité de suivi et d’orientation des élèves (Isoe) ? Pour le moment, c’est une revalorisation au rabais, qui ne respecte absolument pas les promesses électorales initiales.
    La deuxième mesure, celle du pacte enseignant, n’est pas non plus une revalorisation réelle, puisqu’elle est conditionnée par l’exercice de nouvelles missions. De fait, vous vous contentez de promettre que le travail supplémentaire que vous demanderez aux enseignants ne sera pas bénévole ! Nous n’avons pas la même définition de la revalorisation salariale. À l’heure où le métier n’est plus attractif, vous proposez aux enseignants de nouvelles missions, qui s’éloignent toujours un peu plus de leur mission initiale : enseigner. Rappelons que, pour les professeurs du second degré, il s’agit d’enseigner une matière bien spécifique, dans laquelle ils se sont spécialisés pendant cinq années d’études.
    Les propositions du groupe socialiste sont claires : nous demandons la revalorisation des salaires de tous les enseignants, sans condition ; il doit s’agir d’un relèvement de 10 % du point d’indice, autrement dit d’une réelle augmentation de salaire, et non des primes. Une loi de programmation donnant une meilleure visibilité sur l’évolution des rémunérations doit être mise sur la table.
    Les nouvelles missions concernées par la revalorisation du pacte incluent-elles le remplacement au pied levé des collègues absents ? Imaginons un prof d’histoire-géo qui remplacerait au pied levé un collègue, sans savoir où il en est dans le programme et sans avoir préparé le cours. On peut s’interroger sur l’intérêt pédagogique d’un tel remplacement pour les élèves.
    Le problème est d’ailleurs peut-être là, monsieur le ministre :…

    Mme la présidente

  • partager

    Je vous prie de conclure, chère collègue.

    Mme Fatiha Keloua Hachi

  • partager

    …vous êtes-vous déjà retrouvé devant une classe ? Il serait vraiment temps d’écouter les enseignants. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Jérémie Patrier-Leitus.

    M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR)

  • partager

    Chaque année depuis 2017, un millier de professeurs manquent à l’appel et 1 100 postes restent vacants à l’issue des concours de l’enseignement. La tendance semble s’accélérer, malgré les efforts engagés par le ministère de l’éducation nationale. En juillet 2022, sur les 27 300 postes ouverts, 4 000 étaient restés vacants, dont 2 267 dans le secondaire. Malgré le recrutement de 4 500 contractuels pour la rentrée 2022, nous n’avons pas pu commencer l’année avec un enseignant dans chaque classe. Nous assistons bel et bien à une crise des vocations, qui est avant tout une crise de l’attractivité du métier d’enseignant. Comment expliquer qu’entre 1999 et 2021, les candidatures au Capes aient diminué de 63 % ?
    Ce gouvernement n’est pas responsable de cette situation dégradée, due à plusieurs causes : l’accumulation de réformes qui ont alourdi les tâches quotidiennes sans apporter de moyens supplémentaires ; des classes trop nombreuses ; une évolution parfois négative des relations avec les élèves et les parents d’élèves ; une augmentation du mal-être enseignant. Cet ensemble de facteurs a conduit à une perte de sens.
    Nonobstant, nous ne pouvons pas fermer les yeux sur la question salariale. D’après les données connues, nos enseignants sont mal rémunérés en comparaison de ceux de nombreux autres pays, à chaque étape de la carrière et à tous les niveaux d’enseignement, sauf en maternelle. Ainsi, le salaire annuel d’un professeur des écoles débutant est inférieur de 10 % à la moyenne de l’OCDE. Après quinze ans, l’écart à la moyenne est plus important encore, de 19 %, la France se plaçant ainsi au dix-septième rang des trente-huit pays de l’OCDE.
    En vingt ans, nos enseignants ont perdu entre 15 % et 25 % de rémunération. Nous nous devons de les remettre au centre du système de l’éducation nationale : il y va de l’avenir de l’école et des 12,8 millions d’élèves et apprentis des premier et second degrés qu’elle forme chaque année. Ces chiffres inquiétants montrent qu’il est urgent d’agir. Rappelons-le, nous avons une chance : nos 859 000 enseignants tiennent la barre d’une école parfois en crise – il faut bien le dire.
    Ce constat doit nous alerter. Pour ne pas noircir plus encore le tableau d’une craie trop appuyée, permettez-moi de rendre hommage au dévouement des professeurs ayant embrassé cette voie par vocation, les descendants des « hussards noirs de la République » chers à Charles Péguy. Néanmoins, on peut se demander où ils sont aujourd’hui car de moins en moins de personnes rejoignent les rangs de l’éducation nationale,…

    M. Philippe Gosselin

  • partager

    C’est une denrée rare !

    M. Jérémie Patrier-Leitus

  • partager

    …comme le montre la pénurie de professeurs depuis la rentrée 2023.
    Mes collègues du groupe Horizons et apparentés et moi-même ne croyons pas à la fatalité. Je crois même que nous pouvons inverser la tendance.

    M. Philippe Gosselin

  • partager

    Que des renoncements !

    M. Jérémie Patrier-Leitus

  • partager

    Pour cela, la réforme de l’éducation doit être la mère des réformes, car elle prépare l’avenir de notre pays. À cet égard, je me réjouis des annonces faites vendredi dernier par la Première ministre, aux côtés de laquelle vous étiez, monsieur le ministre. Elles prennent la mesure de la situation de nos écoles rurales, qu’il est nécessaire de préserver. La nouvelle méthode promise permettra, je l’espère, la sauvegarde de nombreuses classes dans les territoires ruraux…

    M. Philippe Gosselin

  • partager

    C’est un vrai sujet pour la rentrée !

    M. Jérémie Patrier-Leitus

  • partager

    …et la concertation avec les élus et les habitants.

    M. Marc Le Fur

  • partager

    Quarante-cinq fermetures de classe prévues dans les Côtes-d’Armor !

    M. Philippe Gosselin

  • partager

    Quarante-trois dans la Manche !

    M. Maxime Minot

  • partager

    Soixante et onze dans l’Oise !

    M. Jean-Pierre Vigier

  • partager

    Vous établissez cette année un record !

    Mme la présidente

  • partager

    Chers collègues, s’il vous plaît. Vous aurez la parole dans un instant.

    M. Jérémie Patrier-Leitus

  • partager

    C’est pour cela qu’il faut saluer les mesures prises. Pour la première fois, un gouvernement propose une carte scolaire à trois ans ; cela n’avait jamais été le cas !

    M. Maxime Minot

  • partager

    On voit qu’il n’y a pas d’élection présidentielle demain !

    M. Jean-Pierre Vigier

  • partager

    On ferme les classes à tour de bras !

    M. Jérémie Patrier-Leitus

  • partager

    Je tiens à saluer la création d’instances de concertation, qui permettront, je l’espère, d’associer les élus locaux et les parents d’élèves.
    Pour revenir au débat qui nous réunit, si mes collègues Les Républicains le permettent, je le dis clairement : oui, le sursaut de notre système éducatif doit passer par une revalorisation du salaire des enseignants.

    M. Pierre Cordier

  • partager

    Édouard Philippe n’a pas ménagé l’éducation nationale lorsqu’il était Premier ministre !

    M. Jérémie Patrier-Leitus

  • partager

    Une meilleure rémunération sera une juste reconnaissance du travail fourni par nos enseignants, de leur rôle essentiel dans notre société. Elle permettra, je l’espère, de faire renaître les vocations et de raviver le désir de transmettre.
    Monsieur le ministre, pouvez-vous nous en dire plus sur la méthode de calcul des différentes « briques » qui permettront d’augmenter la rémunération des enseignants ? Par exemple, combien de remplacements faudra-t-il avoir effectué pour bénéficier d’une hausse salariale ?
    Néanmoins, cette hausse ne réglera pas à elle seule l’ensemble du problème, car la condition enseignante ne se résume pas à la question salariale – je l’ai dit précédemment. Nous devons aussi améliorer les conditions de travail et d’enseignement, rendre le métier plus attractif et offrir davantage de possibilités d’évolution de carrière. Cela peut se traduire dans les missions, mais il convient aussi d’offrir davantage de souplesse dans l’affectation et dans la mobilité des enseignants. En particulier, le temps devant les élèves doit faire l’objet d’une véritable réflexion, l’objectif étant la passation des savoirs dans les meilleures conditions.
    Au-delà de la rémunération des enseignants, monsieur le ministre, quelles sont vos pistes pour améliorer leurs conditions de travail ? Comment votre nouveau pacte s’inscrit-il dans cet objectif ?

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Jean-Marc Tellier.

    M. Jean-Marc Tellier (GDR-NUPES)

  • partager

    Je veux remercier le groupe LFI-NUPES d’avoir inscrit ce débat à l’ordre du jour de notre Assemblée. Il nous permet de revenir sur la vaste opération de communication et de fausses informations lancée par le Gouvernement autour de la revalorisation du traitement des enseignants. Notre sentiment est largement partagé par les syndicats puisqu’ils ont quitté les réunions à ce sujet, les professeurs ayant eu, à raison, le sentiment de s’être fait berner par les annonces parfois contradictoires de l’exécutif. Toutefois, cela ne l’empêche pas de persévérer dans cette mauvaise voie, le Gouvernement pensant, une nouvelle fois, avoir raison contre tout le monde.
    Rappelons brièvement les faits. Devant la crise de recrutement des professeurs, face au constat, maintes fois exposé et chiffré, du déclassement des professeurs dans notre pays, tant en termes de rémunérations que de reconnaissance, il fallait prendre des mesures fortes. C’est en tout cas ce qui était attendu par les équipes pédagogiques. Rappelons qu’en euros constants, les enseignants français ont perdu entre 15 et 25 % de rémunération au cours des vingt dernières années. En début de carrière, les professeurs sont passés d’un salaire équivalent à 2,3 fois le Smic en 1980 à un salaire d’à peine 1,2 fois le Smic.

    M. Philippe Gosselin

  • partager

    C’est très parlant.

    M. Jean-Marc Tellier

  • partager

    Le traitement des enseignants du primaire et du secondaire après dix ou quinze ans de service est inférieur d’au moins 15 % à la moyenne de l’OCDE et il reste inférieur à la moyenne de l’Union européenne jusqu’à la fin de leur carrière. Dans le même temps, les enseignantes et les enseignants français passent plus de temps à enseigner que ceux des autres pays européens, dans les classes les plus chargées d’Europe.
    Dans ce contexte, que nous propose le Gouvernement ? Le projet de loi de finances pour 2023 a prévu une double revalorisation : l’une, dite « socle », de 635 millions d’euros, et l’autre, dite « pacte », c’est-à-dire une revalorisation conditionnée à de nouvelles tâches, pour 300 millions. Concernant les augmentations inconditionnelles, il convient de rappeler que la revalorisation de 10 % comprend les mesures prises depuis 2020, dont la prime d’attractivité et la hausse du point d’indice. De plus, cette augmentation est prévue sous forme de prime ; elle ne comptera donc pas pour la retraite. Mais ce qui suscite la colère des enseignants, à juste titre, c’est la logique du pacte, nouveau mot qui renferme un vieux concept : celui de travailler plus pour gagner plus.

    M. Robin Reda

  • partager

    Très bonne idée !

    M. Jean-Marc Tellier

  • partager

    Le ministère veut instaurer plusieurs niveaux d’implication, avec des volumes horaires et une rémunération variables. Ainsi, pour un pacte complet, le ministère prévoit une rémunération de 3 650 euros bruts annuels pour environ 72 heures de travail en plus. En quoi consisteraient ces missions ? Elles pourront inclure des remplacements de courte durée, des heures de soutien en sixième pour les professeurs des écoles, la participation au dispositif « devoirs faits » en sixième, les missions de coordination des dispositifs « vacances apprenantes » ou « école ouverte », l’accompagnement lié à l’école inclusive ou bien du tutorat de nouveaux professeurs.
    Sans parler de notre opposition au principe même du « travailler plus pour gagner plus »,…

    M. Robin Reda

  • partager

    Ben voyons !

    M. Jean-Marc Tellier

  • partager

    …le pacte n’est pas une revalorisation. Il s’agit, comme le dit l’ancien inspecteur de l’éducation nationale Thierry Lépineux, d’un accroissement rémunéré de la charge de travail, aucunement d’une revalorisation compensant les retards accumulés ces dernières années.
    Monsieur le ministre, en préparant cette intervention, je n’ai pas rencontré une organisation syndicale ni lu un seul témoignage de professeur du premier ou du second degré indiquant que cette revalorisation répondait à leurs attentes. Dans le même temps, les mobilisations contre les fermetures de classe se multiplient dans tout le pays : sur le territoire national, ce ne sont pas moins de 1 117 postes qui ont été supprimés.
    Nous demandons au Gouvernement de revoir sa copie et, surtout, de la rédiger avec tout le corps enseignant. Nous demandons le rattrapage sans conditions de leur traitement et son indexation sur l’inflation. Surtout, nous exigeons une amélioration de leurs conditions de travail par la baisse des effectifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Christophe Naegelen.

    M. Christophe Naegelen (LIOT)

  • partager

    La revalorisation des salaires des enseignants est un sujet crucial pour l’avenir de notre système éducatif. En tant qu’acteurs clés de l’éducation nationale, les enseignants méritent une juste rémunération pour leur engagement et leur expertise. Cependant, les enseignants français sont actuellement parmi les moins bien payés en Europe, ce qui nuit à la qualité de l’enseignement et rend difficile d’attirer de nouveaux talents dans ce métier.
    Plusieurs arguments mettent en évidence l’importance de la revalorisation de la rémunération des enseignants. L’importance de l’éducation, tout d’abord : les enseignants ont la responsabilité d’éduquer nos futures générations et de préparer les élèves à leur vie professionnelle et citoyenne. La rémunération actuelle peut conduire les plus talentueux et les plus expérimentés d’entre eux à chercher des emplois mieux rémunérés ailleurs tant cette profession est d’ailleurs souvent mal payée par rapport à d’autres, pour des qualifications et diplômes similaires. Nous rencontrons actuellement une véritable pénurie d’enseignants, ce qui rend difficile la couverture des postes vacants dans de nombreuses écoles. Enfin, il faut reconnaître leur investissement : les enseignants travaillent souvent au-delà de leurs horaires de travail, préparent des cours, corrigent des copies, accompagnent les élèves, etc.
    Pour ces raisons, une revalorisation salariale doit être mise en place rapidement. Celle-ci ne doit pas être considérée comme une simple dépense, mais plutôt comme un investissement pour l’avenir qui se traduira par des résultats positifs pour les élèves et pour l’ensemble du système éducatif. Cette revalorisation salariale doit également s’accompagner d’autres mesures pour améliorer les conditions de travail : la réduction du nombre d’élèves par classe et la reconnaissance de l’expertise professionnelle, par exemple. En effet, la revalorisation salariale ne doit pas être considérée comme une mesure isolée, mais plutôt comme faisant partie d’une politique globale de valorisation de l’éducation et de ses acteurs. Une politique ambitieuse doit être mise en place, en incluant des mesures pour améliorer la formation initiale et continue des enseignants et pour encourager l’innovation pédagogique.
    Monsieur le ministre, la revalorisation des salaires est une promesse de campagne du président Emmanuel Macron. Vous avez annoncé qu’elle devrait être effective dès septembre prochain. Cette augmentation se fera de deux façons : par une part dite « socle », inconditionnelle, permettant une augmentation moyenne de 10 % en septembre 2023 par rapport à 2020, et une part dite « pacte » pour les professeurs volontaires, laquelle sera liée à de nouvelles missions définies à partir d’une analyse des besoins effectuée dans les établissements.
    Certains syndicats enseignants sont opposés à cette mesure. Je vous interroge donc sur ce point : des discussions ont-elles encore lieu afin d’atteindre un consensus ? Il me semble urgent, notamment dans le contexte que nous connaissons tous, que le dialogue soit maintenu et que toutes les parties prenantes soient entendues, y compris celles qui dénoncent le pacte enseignant : une revalorisation salariale pour une charge de travail supplémentaire n’est pas une réelle revalorisation, mais une juste rémunération pour des tâches effectuées en plus.
    La revalorisation des salaires est une mesure indispensable pour améliorer la situation des enseignants en France et elle profitera à l’ensemble de notre système éducatif ; c’est un premier pas important. Cependant, il devra être suivi de mesures plus larges pour valoriser la profession et pour améliorer la qualité de l’enseignement en France, qui passe par celle des conditions de travail des enseignants.

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Robin Reda.

    M. Robin Reda (RE)

  • partager

    La qualité de notre système scolaire repose sur la qualité et l’engagement des enseignants. Revaloriser le salaire des professeurs marque le profond respect que nous avons pour leur métier.
    Nous n’avons pas attendu cette journée de débats pour augmenter leur salaire. Vous, en revanche, sur les bancs de la France insoumise, vous vous réveillez une fois le printemps venu. (Vives exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES et LR.)
    Chers collègues, qu’avez-vous fait pour la feuille de paie des enseignants depuis le début de ce mandat ? Parler beaucoup, hurler souvent, les augmenter jamais !

    M. Léo Walter

  • partager

    Bravo ! Il fallait oser.

    Plusieurs députés du groupe LFI-NUPES

  • partager

    Ce n’est pas nous qui sommes au Gouvernement !

    M. Maxime Minot et M. Philippe Gosselin

  • partager

    Ils ne sont pas au Gouvernement !

    Mme Sophia Chikirou

  • partager

    Guignol !

    M. Robin Reda

  • partager

    Nous avons revalorisé le point d’indice de la fonction publique ; vous avez voté contre les crédits destinés à augmenter les enseignants. (Exclamations renouvelées sur les bancs des groupes LFI-NUPES et LR.)

    M. Maxime Minot

  • partager

    Bruno Le Maire, sors de ce corps !

    M. Robin Reda

  • partager

    Le budget pour 2023 a pérennisé un socle de rémunération de près de 2 milliards d’euros supplémentaires en année pleine ; vous l’avez rejeté.

    Mme Sarah Legrain

  • partager

    Vous oubliez le 49.3 ?

    M. Robin Reda

  • partager

    Conformément aux engagements du Président de la République, pas un enseignant débutant ne commencera en dessous de 2 000 euros par mois. C’est du concret, c’est attendu. C’est pourtant ce que vous avez combattu. La vérité, c’est que vous n’avez voté aucune augmentation pour nos enseignants. Vous attisez les colères, nous augmentons leur salaire !

    M. Maxime Laisney

  • partager

    C’est le 49.3 qui nous a empêchés de voter !

    M. Jean-Claude Raux

  • partager

    Ce serait presque drôle…

    M. Robin Reda

  • partager

    Votre projet, c’est la paupérisation de la profession ; le nôtre, c’est le soutien massif aux vocations.

    Mme Sarah Legrain

  • partager

    Banco !

    M. Robin Reda

  • partager

    10 % de salaire en plus pour nos enseignants par rapport à 2020, c’est le premier objectif que nous atteindrons.

    Mme Danielle Simonnet

  • partager

    Mensonge !

    M. Robin Reda

  • partager

    Est-ce juste ? Oui. Est-ce suffisant ? Sans doute pas, car la crise des vocations n’est pas seulement une crise de la rémunération ; d’autres moyens d’attractivité existent et doivent s’additionner. Il faudra retrouver des conditions d’exercice sereines, bâtir une véritable communauté éducative dans les établissements et donner plus de liberté aux enseignants pour exercer leur métier. Cependant, la revalorisation salariale est une condition nécessaire au rétablissement du prestige de l’enseignant et à la résorption des maux de notre école. C’est pourquoi nous voulons faire jouer pleinement leur rôle aux enseignants en leur proposant un engagement fort, un pacte avec la nation ; il y va du lien de confiance entre les professeurs, les élèves et leurs parents, qui placent leurs espoirs dans l’école de la République.
    Ne nous méprenons pas : il s’agit de valoriser des missions qui s’inscrivent dans le champ de compétences des professeurs et qui reposent déjà sur leur dévouement quotidien. La reconnaissance sociale de l’engagement et du sens de l’effort des enseignants en dehors du temps scolaire pour être utiles aux élèves doit se transformer en salaire supplémentaire.
    Les emplois du temps à trous ne sont plus supportables : nous ne pouvons plus perdre 15 millions d’heures d’apprentissage par an. S’engager à remplacer un collègue absent, c’est une mission que la nation doit valoriser.

    M. Jean-Claude Raux

  • partager

    Ben voyons !

    M. Robin Reda

  • partager

    Accompagner les élèves dans leurs devoirs, nous devons le valoriser. Prendre du temps pour coordonner et mettre en œuvre des projets pédagogiques innovants, c’est un engagement en plus qui mérite du salaire en plus. Cette reconnaissance financière de l’engagement de nos professeurs fait partie intégrante de la revalorisation sociale du métier.

    Mme Caroline Parmentier

  • partager

    C’est lamentable !

    M. Robin Reda

  • partager

    C’est une des clés pour qu’enseigner redevienne un choix du cœur, à la fois en sortie d’études, mais également au cours de la vie professionnelle.
    Si tout le monde y consent, ce pacte avec les enseignants nous permettra d’améliorer une situation qui nuit à l’égalité des chances et à la réussite scolaire.

    Mme Caroline Parmentier

  • partager

    Sûrement pas !

    M. Robin Reda

  • partager

    C’est une méthode souple, fondée sur le volontariat, qui améliora le pouvoir d’achat des enseignants, mais aussi le niveau des élèves.

    M. Maxime Minot

  • partager

    Il vaut mieux entendre ça que d’être sourd…

    M. Robin Reda

  • partager

    Ce pacte se fera en faveur des enseignants et avec leur aide. Il ne faut pas donner de crédit à la petite musique qui s’installe sur les bancs les plus à gauche de cette assemblée, selon laquelle le pacte se ferait contre les enseignants.

    Mme Danielle Simonnet

  • partager

    Essayez seulement de les convaincre !

    M. Robin Reda

  • partager

    C’est vous qui jouez contre eux : si vous les aimiez, vous n’auriez pas proposé de baisser leur salaire, comme celui de toutes les classes moyennes, pour garantir le financement des retraites.

    Mme Danielle Simonnet

  • partager

    Arrêtez de mentir ! C’est vous qui refusez d’augmenter les salaires. C’est hallucinant…

    M. Robin Reda

  • partager

    Vous pensez sans doute capter leurs voix, mais vous passez votre temps à tromper votre monde. Les enseignants, comme les Français, n’ont pas besoin d’arnaques électorales ; ils attendent et ils auront un véritable pacte salarial.

    Mme Caroline Parmentier

  • partager

    Heureusement, on arrive !

    M. Robin Reda

  • partager

    300 millions d’euros sont alloués au dispositif « pacte » dès la rentrée 2023, pour une revalorisation moyenne de 20 % pour ceux qui accepteront ces différentes missions.
    Aux côtés du Gouvernement, nous portons une vision d’ensemble pour l’école. Nous voulons des enseignants mieux payés, mieux formés, mieux associés à la réussite des élèves.

    Mme Danielle Simonnet

  • partager

    Nous aussi !

    Mme Caroline Parmentier

  • partager

    C’est une catastrophe !

    M. Robin Reda

  • partager

    Nous voulons et nous construisons une école plus libre, une école où le professeur est respecté de tous,…

    Mme Caroline Parmentier

  • partager

    En effet !

    M. Robin Reda

  • partager

    …plus autonome, à l’écoute de l’ensemble de la communauté éducative, pour la réussite de nos élèves, de notre école et de la France. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES et RN.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Matthieu Marchio. S’il vous plaît, chers collègues, veuillez respecter les orateurs afin que chacun soit entendu.

    M. Matthieu Marchio (RN)

  • partager

    J’ai honte, honte du contexte de ce débat, en pensant que c’est dans cet hémicycle que nos prédécesseurs ont construit la République et façonné la pierre de touche sur laquelle elle repose : son école. Le temps d’un Ferry ou d’un Jaurès qui, dans une magnifique Lettre à la jeunesse, démontrait avec force l’importance de l’éducation citoyenne, est révolu.

    Mme Sophia Chikirou

  • partager

    Le RN cite Jaurès, on aura tout vu…

    M. Pierre Cordier

  • partager

    Encore un peu et ils vont citer Karl Marx !

    M. Maxime Minot

  • partager

    Tout part en vrille !

    M. Matthieu Marchio

  • partager

    Ce sont dorénavant les tableaux comptables, les réformes moins-disantes et la casse du service public, avec son lot de fermeture de classes, qui animent nos débats en matière d’éducation nationale.
    Au centre de ce système éducatif, nos enseignants, surnommés autrefois les hussards noirs de la République, ne jouissent hélas plus du respect auquel ils peuvent légitimement prétendre. Plus de respect de la part de la société, plus de respect de la part de l’État et de leur ministère.
    Derrière les belles paroles des ministres successifs, la réalité est implacable : les enseignants français sont parmi les moins bien rémunérés de l’Union européenne. C’est une honte, disais-je, qu’un pays riche comme le nôtre ne paie pas dignement ceux sur lesquels repose son avenir. Soyons clairs dès maintenant : ce ne sont pas les quelques mesures que vous distillez, monsieur le ministre, qui suffiront à calmer la crise de confiance qui touche la communauté enseignante.

    M. Maxime Minot

  • partager

    On pourrait appeler Jack Lang !

    M. Matthieu Marchio

  • partager

    Ce métier n’a rien de reposant, malgré les clichés qui ont la vie dure. Comme tous les fonctionnaires, nos enseignants appliquent avec loyauté, mais hélas sans conviction, la politique de l’éducation nationale décidée rue de Grenelle. Depuis trop longtemps, la facilité l’emporte sur l’exigence en matière de politique éducative, avec des résultats désastreux et sans appel.
    Je suis élu d’une terre populaire du Nord dans laquelle autrefois les enfants de mineurs savaient écrire et compter correctement lorsqu’ils quittaient l’école. Des décennies plus tard, malgré la prétendue démocratisation des savoirs, je n’ai qu’à lire certaines productions de jeunes cadres, pourtant titulaires d’un diplôme de niveau bac + 5, pour mesurer l’ampleur des dégâts. Qu’il s’agisse de l’orthographe, de la syntaxe ou de la ponctuation, les règles de base sont souvent mal maîtrisées. Comment s’étonner, dans de telles conditions, que le taux de chômage des jeunes atteigne près de 20 % dans notre pays ? Les enseignants sont parfaitement conscients de la situation, mais ils savent à quoi s’en tenir : on leur demande de ne pas faire de vagues, de s’adapter à la baisse du niveau des élèves et de mettre la moyenne à des copies pleines de fautes. Quelle motivation !
    Le naufrage ne s’arrête pas là. Nos enseignants voient leur autorité constamment remise en cause par des parents d’élèves, quand ce n’est pas par les élèves eux-mêmes. L’autocensure se répand dans certaines matières, l’histoire et la science notamment. (Mme Sophia Chikirou s’exclame.) Il ne faut plus dire ceci ou cela pour ne pas choquer les intégristes religieux ou les intégristes à la nouvelle mode, les wokistes, qui tiennent à formater une jeunesse dégenrée et soi-disant « éveillée ». (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Derrière ce galimatias, les influenceurs de la bien-pensance veulent apprendre à nos enfants, entre autres vérités, qu’ils ne sont pas nés hommes ou femmes.

    Mme Caroline Parmentier

  • partager

    Eh oui !

    Mme Sophia Chikirou

  • partager

    Vous voulez qu’on dise que Vichy était une belle période, c’est ça ?

    M. Matthieu Marchio

  • partager

    Une honte, là encore. Rassurez-vous, monsieur le ministre, je ne vous ferai pas le plaisir de rappeler votre propre ambiguïté vis-à-vis de ces théories fumeuses made in California. Sachez que nous n’avons aucune illusion sur l’arrière-plan idéologique que vous tentez de faire oublier depuis votre nomination au Gouvernement et que nous n’avons aucune confiance dans votre capacité à réarmer l’éducation nationale…

    Mme Caroline Parmentier

  • partager

    Aucune !

    M. Matthieu Marchio

  • partager

    …et à rassurer les enseignants. Vous êtes le digne représentant d’un gouvernement hors-sol qui maltraite les classes populaires et qui se moque bien que les établissements scolaires du bassin minier aient moins de classes et moins d’enseignants tant que vous pouvez placer vos enfants dans des écoles privilégiées. L’un de nos collègues du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (LIOT) déclarait récemment, à propos de la Macronie, que la petite bourgeoisie adore l’entre-soi. En matière d’éducation, c’est manifeste !
    À rebours de vos idées, le groupe Rassemblement national souhaite recentrer l’école autour des principes définis par ses fondateurs républicains :…

    Mme Sophia Chikirou

  • partager

    Il vous reste trente secondes pour parler de votre programme !

    M. Matthieu Marchio

  • partager

    …respect des professeurs, exigence dans la transmission des savoirs, formation de futurs citoyens français aptes à penser le monde comme ils l’entendent grâce aux clés de lecture à leur disposition. Alors que le niveau salarial des enseignants français est anormalement bas depuis des décennies, nous proposons de revaloriser drastiquement les salaires des enseignants du primaire au lycée afin de replacer la France dans la moyenne de l’OCDE. Nous soutenons résolument la réhabilitation du métier d’enseignant, qui passera par un retour aux savoirs fondamentaux, à l’exigence et au respect. Soyez assurés qu’avec nous, chaque enseignant mis en cause ou menacé dans ses activités sera protégé et que les fauteurs de troubles seront sanctionnés.
    Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, nous n’attendons rien de vous pour nos enseignants ; ou plutôt si, nous attendons votre départ ou la chute de ce gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Léo Walter.

    M. Léo Walter (LFI-NUPES)

  • partager

    Hier, lors de votre audition devant la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée, je vous ai dit tout le mal que je pensais de votre « pacte enseignant », monsieur le ministre. Toutes les organisations syndicales et l’ensemble de la profession partagent mon opinion. Avant d’en venir au thème de ce débat, je souhaite toutefois insister sur un point. Vous avez souligné hier que le pacte avait pour but de reconnaître et de rémunérer des missions existantes, mais bénévoles, des enseignants. Il en est une qui me tient particulièrement à cœur et que remplissent bénévolement de très nombreux professeurs des écoles : il s’agit de l’organisation des classes de découverte, qui implique l’élaboration d’un projet éducatif et pédagogique, un travail de concertation avec les structures d’accueil et le recueil des autorisations de sortie scolaire avec nuitées. Ce célèbre formulaire, qui change chaque année, doit être rempli en ligne, mais comme cela ne marche pas, il faut l’imprimer, le remplir à la main, puis le scanner, puisqu’il doit être envoyé exclusivement par mail. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Mme Fatiha Keloua Hachi applaudit également.)
    Quand, enfin, les formulaires sont validés, les professeurs obtiennent-ils un soutien financier de l’éducation nationale ?

    Mme Danielle Simonnet

  • partager

    Non !

    M. Léo Walter

  • partager

    Non.
    Pour réunir les fonds, ils doivent chercher des subventions auprès de la mairie, vendre des gâteaux, des calendriers ou des mugs décorés par les élèves, organiser des lotos, des tombolas ou des spectacles. Et puis il y a le séjour lui-même, qui représente 15 à 17 heures de travail par jour, mercredi compris, soit au bas mot 50 heures supplémentaires pour une semaine, sans compter les nuits.
    Votre collègue Sarah El Haïry, secrétaire d’État chargée de la jeunesse et du service national universel, a elle-même reconnu le caractère essentiel de ces projets, soutenus par les élus locaux, « les premiers bâtisseurs de la citoyenneté ». Alors les classes de découverte sont-elles prises en compte dans votre pacte ? Eh bien non ! Mais ne vous donnez pas la peine de les y ajouter : votre pacte, de toute façon, personne n’en veut.
    Bien que, d’une certaine manière, nous l’ayons déjà abordé, venons-en au sujet du jour : la revalorisation des enseignants. Il n’est guère besoin de chiffres pour souligner qu’elle est plus que nécessaire, et vous avez reconnu vous-même hier le « glissement » du salaire des enseignants intervenu depuis plusieurs dizaines d’années – façon bien édulcorée de reconnaître le décrochage salarial ahurissant de cette profession, si essentielle à la République. Je veux citer quelques chiffres pour en démontrer l’ampleur.
    Le premier est très parlant : aujourd’hui, un professeur de vingt-cinq ans d’ancienneté perçoit un salaire inférieur de 25 % à celui qu’il percevait il y a vingt-cinq ans. Un deuxième ? En 1980, un professeur commençait sa carrière avec un salaire représentant 2,4 fois le Smic, contre 1,2 fois le Smic aujourd’hui. Le « pouvoir d’achat » des enseignants, comme vous dites, a été divisé par deux en quarante ans ! Enfin, un dernier chiffre pour la route : si le salaire des enseignants avait évolué parallèlement au Smic – dont, soit dit en passant, nous nous évertuons à vous dire qu’il n’augmente pas suffisamment –, les enseignants débuteraient aujourd’hui leur carrière avec un salaire de 3 112 euros nets, et non de 1 680 euros nets ; de même, leur salaire moyen ne serait pas de 2 596 euros nets, mais de 4 808 euros nets !
    Parmi les enseignants, certains sont bien moins lotis encore : ce sont les enseignants du premier degré. Il y a trente ans, les instituteurs et les institutrices sont devenus professeurs des écoles. Ils y ont certes gagné en salaire, mais pas en reconnaissance, et n’oublions pas ce qu’ils ont perdu : entre autres, le logement de fonction, la formation longue et la retraite à 55 ans. Ces enseignants ont ainsi perdu cinq ans de retraite, puis sept, et maintenant neuf si votre gouvernement s’obstine à appliquer son inutile et injuste réforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Aujourd’hui encore, un professeur des écoles gagne en moyenne 10 % de moins que son homologue du second degré.

    M. Maxime Minot

  • partager

    Ça c’est vrai !

    M. Léo Walter

  • partager

    Avec le pacte enseignant, l’heure de travail supplémentaire lui sera payée 40 % de moins qu’à un professeur certifié, comme c’est déjà le cas dans le dispositif « devoirs faits ». Est-ce à dire qu’un professeur des écoles vaut pour vous 0,6 professeur certifié ?
    J’ai écouté attentivement votre réponse hier en commission. Vous avez indiqué que la revalorisation socle concernerait tout le monde – c’est faux –, que le pacte n’était pas obligatoire – encore heureux –, que jamais un gouvernement n’avait autant fait pour l’école – la part du PIB consacré à l’éducation nationale ne cesse pourtant de diminuer – et que tout cela n’était pas votre faute, mais celle des ministres précédents – on dirait la mauvaise excuse d’un élève réprimandé. Vous ne m’avez pas convaincu et, à lire les nombreux messages que je reçois, vous n’avez pas convaincu grand monde. Votre prédécesseur restera dans l’histoire comme le ministre de l’éducation nationale le plus détesté de toute la Ve République.

    M. Pierre Cordier

  • partager

    Il a d’ailleurs perdu les élections !
    Pourtant, il dansait bien ! (Sourires sur les bancs du groupe LR.)

    M. Léo Walter

  • partager

    Et vous, monsieur le ministre, quelle trace voulez-vous laisser ?
    Hier, je vous demandais de respecter la promesse du candidat Emmanuel Macron de revaloriser les enseignants de 10 % en janvier 2023, sans condition – c’était un minimum. Aujourd’hui, je me fais le relais des organisations syndicales en vous demandant 15 % d’augmentation pour toutes et tous, maintenant et sans condition. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme Sophia Chikirou

  • partager

    Bravo !

    M. Léo Walter

  • partager

    Entendez-moi, entendez-nous, monsieur le ministre. Sinon je reviendrai demain vous réclamer une augmentation de 20 % !

    M. Pierre Cordier

  • partager

    Il faut de l’argent !

    M. Léo Walter

  • partager

    Outre que cela va finir par vous coûter « un pognon de dingue », selon l’expression du Président de la République, il est grand temps de respecter les enseignants et de les rémunérer à la hauteur de leur tâche, qui est immense, belle et indispensable à notre République. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et SOC.)

    M. Pierre Cordier

  • partager

    Trouvez des sous !

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

    M. Pierre Cordier

  • partager

    Et des fermetures de classes !

    M. Maxime Minot

  • partager

    Ce n’est pas facile d’être ministre, n’est-ce pas ?

    M. Pierre Cordier

  • partager

    Si on me le proposait, je dirais non ! (Sourires.)

    M. Pap Ndiaye, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse

  • partager

    La revalorisation des enseignants est une priorité pour le ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse. Tout ce que fait l’école, tout ce que nous voulons faire, repose sur l’engagement des centaines de milliers de professeurs qui, chaque jour, assurent la mission essentielle de transmission des savoirs et de formation des citoyens.

    M. Pierre Cordier

  • partager

    Pour l’instant !

    M. Pap Ndiaye, ministre

  • partager

    L’école, ce sont avant tout les hommes et les femmes qui la constituent, et il se trouve que je suis moi aussi professeur, madame Keloua Hachi. Or, nous le savons, la reconnaissance due à ces hommes et à ces femmes ne se traduit pas par une rémunération à la hauteur de leur engagement. C’est un fait, les enseignants français ont connu une diminution relative de leur salaire par rapport aux enseignants des autres pays de l’OCDE. Ce phénomène dure depuis plusieurs décennies et était déjà constaté avant 2012, lorsque votre formation politique était au pouvoir, monsieur Di Flilippo, ou même lorsque la vôtre l’était, madame Keloua Hachi. Que n’avez-vous, les uns et les autres, augmenté alors les rémunérations des enseignants à hauteur de ce que vous réclamez aujourd’hui avec tant d’insistance ?

    M. Pierre Cordier

  • partager

    Cela fait six ans qu’Emmanuel Macron est au pouvoir quand même !

    M. Pap Ndiaye, ministre

  • partager

    Les promesses de l’opposition, nous le savons bien, ne sont jamais celles de ceux qui gouvernent.

    M. Pierre Cordier

  • partager

    L’héritage, on ne peut pas en parler pendant vingt ans !

    M. Maxime Minot

  • partager

    Cela fait plus de quinze ans que nous ne sommes plus au pouvoir !

    M. Pap Ndiaye, ministre

  • partager

    Des efforts substantiels ont été faits sous le quinquennat précédent pour rehausser le salaire des nouveaux entrants, mais il est indispensable de prolonger et d’intensifier cet effort si nous voulons continuer à attirer des candidats compétents et motivés, mais aussi à retenir les enseignants tout au long de leur carrière.

    Mme Sarah Legrain

  • partager

    Vous ne l’avez pas fait !

    M. Pierre Cordier

  • partager

    C’est bizarre, les professeurs ne faisaient pas grève à l’époque de Nicolas Sarkozy !

    M. Pap Ndiaye, ministre

  • partager

    Le chantier de la revalorisation, annoncé par le Président de la République lors de la campagne présidentielle, a donc été engagé il y a près d’un an. Nous avons tout d’abord dégagé les moyens budgétaires nécessaires à travers la préparation du projet de loi de finances pour 2023. La revalorisation débutant en septembre, nous disposons, pour les quatre derniers mois de l’année, d’une enveloppe de 635 millions d’euros pour la partie socle et de 300 millions d’euros pour la rémunération des missions associées au nouveau pacte. Une concertation a été lancée à l’automne dernier avec les organisations syndicales représentatives. Je me réjouis de la richesse et de la qualité des échanges qui se sont tenus pendant plus de quatre mois et qui ont permis d’enrichir notre projet. Alors que la concertation s’achève, nous sommes près d’aboutir : les revalorisations seront ainsi effectives en septembre, comme je m’y suis engagé.
    La revalorisation se présente en deux volets. Tout d’abord, comme je l’ai indiqué à l’instant, il s’agit de rehausser le salaire des enseignants pour garantir l’attractivité du métier et mieux reconnaître le travail réalisé. J’ai déjà eu l’occasion d’insister sur l’importance de porter une attention particulière aux premières moitiés de carrière, qui souffrent le plus de la comparaison internationale. De fait, nous allons tenir cet engagement et revaloriser substantiellement la prime d’attractivité pour les premiers tiers de carrière.
    Les échanges de ces derniers mois nous ont par ailleurs permis d’élargir le sujet : dans le projet que je serai prochainement amené à présenter, c’est l’ensemble des enseignants qui bénéficieront d’une revalorisation significative grâce à la hausse de la prime statutaire pour tous les enseignants du premier et du second degré. Ce choix permettra à toute la profession de connaître une hausse substantielle de son pouvoir d’achat dès septembre prochain. Nous ajoutons à cette revalorisation financière des mesures d’amélioration de carrière qui permettront à davantage d’enseignants d’atteindre les grades supérieurs : elles auront des effets concrets pour les enseignants expérimentés, madame Keloua Hachi, puisqu’ils pourront accéder plus rapidement à des niveaux de rémunération intéressants.
    Je tiens à insister sur l’ampleur de ces mesures, qui représenteront 1,9 milliard d’euros, en année pleine, en 2024. Elles concerneront tout le corps enseignant, y compris les stagiaires et les contractuels. Nous y intégrons également les conseillers principaux d’orientation (CPE) et les psychologues de l’éducation nationale (PsyEN).

    M. Maxime Minot

  • partager

    Et les inspecteurs de l’éducation nationale et les conseillers pédagogiques ?

    M. Pap Ndiaye, ministre

  • partager

    Bref, il s’agit d’un acte global de reconnaissance des équipes pédagogiques, qui nous permettra de continuer à attirer des candidats de qualité et de les retenir tout au long de leur carrière. Outre cette hausse, nous allons rémunérer l’exercice de missions nouvelles à travers la mise en place du nouveau pacte. Les échanges sur ce sujet ont été particulièrement riches et je tiens ici à clarifier certains points qui sont connus des organisations syndicales, mais qui ont pu être mal interprétés.
    La vocation du pacte est de proposer des missions nouvelles – ou déjà remplies mais de manière bénévole –, qui seront spécifiquement rémunérées, aux enseignants qui le souhaiteront. J’insiste : l’adhésion se fera exclusivement sur la base du volontariat. Tous les enseignants qui le voudront, dans le premier et dans le second degré, pourront s’engager dans ce pacte, selon des modalités qui ont été présentées lors de la concertation et que je détaillerai prochainement.
    Ces missions, quelles sont-elles ? Il s’agit de travailler sur des sujets qui sont prioritaires pour la réussite des élèves et dont les familles attendent que nous nous en saisissions. Elles seront de deux types : des missions de face-à-face pédagogique (Mme Sarah Legrain s’exclame), où les enseignants réaliseront des tâches supplémentaires face à des élèves, qu’il s’agisse de remplacer des collègues absents – dans sa propre discipline, bien entendu – ou d’apporter une aide individualisée aux élèves qui en ont besoin. Elles seront quantifiées en nombre d’heures à réaliser, et les enseignants qui souhaiteront s’y engager sauront à l’avance le nombre d’heures dont ils devront s’acquitter. Il y aura également des missions non quantifiables en nombre d’heures, correspondant à des tâches de coordination, de conduite de projet ou de tutorat. On y trouvera par exemple les classes de découverte que vous évoquiez, monsieur le député Walter.

    M. Léo Walter

  • partager

    C’est une bonne nouvelle.

    M. Pap Ndiaye, ministre

  • partager

    Les enseignants pourront choisir de s’engager sur une mission ou sur plusieurs, ce qui donnera lieu à une rémunération adaptée. Un pacte complet, correspondant à trois missions, donnera ainsi lieu à une prime de 3 750 euros. Cette rémunération viendra s’ajouter au régime indemnitaire existant et aux différents dispositifs de rémunération accessoire que sont les heures supplémentaires – je précise que la rémunération du pacte sera bien plus élevée que celle des heures supplémentaires – et les indemnités pour mission particulière. J’insiste : il s’agira de moyens nouveaux, qui permettront aux enseignants volontaires de bénéficier d’une nouvelle forme de revalorisation.
    En bref, le Gouvernement va tenir sa promesse :…

    M. Maxime Minot

  • partager

    Ce sera bien la première fois !

    M. Jean-Pierre Vigier

  • partager

    On ne veut pas des paroles, on veut des actes !

    M. Pap Ndiaye, ministre

  • partager

    …il s’apprête à mieux rémunérer nos enseignants grâce à une revalorisation d’ampleur. Près de 3 milliards d’euros en 2024 : oui, c’est tout à fait considérable. Cette revalorisation s’accompagnera d’une amélioration du service public de l’éducation au bénéfice de nos élèves, en particulier les plus fragiles, qui perdront moins d’heures de cours et qui seront mieux accompagnés. Je suis heureux d’en parler avec vous aujourd’hui pour préciser les modalités de ce projet. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

  • partager

    Nous en venons aux questions. Je vous rappelle que la durée des questions ainsi que celle des réponses est limitée à deux minutes, sans droit de réplique.
    La parole est à Mme Martine Etienne.

    Mme Martine Etienne (LFI-NUPES)

  • partager

    Quand on parle de rémunération des enseignants, il faut évidemment évoquer leurs conditions de travail. Elles sont liées au désengagement de l’État et à la dégradation de l’offre scolaire, que le Gouvernement a minutieusement organisée depuis des années, souvent au profit du privé – je pense plus particulièrement aux territoires ruraux et aux banlieues, à toutes ces communes que vous privez de services publics. Alors que le ministre et Emmanuel Macron avaient promis le contraire, chaque jour, des classes sont supprimées et des écoles sont fermées ou fusionnées. Les enseignants du primaire se retrouvent contraints d’enseigner à deux classes, parfois à trois, et d’enchaîner les heures supplémentaires non payées. Dans ma circonscription de Meurthe-et-Moselle, à Landres, la région vient d’acter la fermeture d’un lycée professionnel d’ici 2025. Ses effectifs seront répartis partout sur le territoire, et les enseignants concernés vont devoir parcourir des dizaines de kilomètres chaque jour pour se rendre sur leur lieu de travail, toujours sans compensation.
    Partout en France, les enseignants n’ont plus le temps de prendre en charge chaque élève individuellement ; ils sont épuisés, exténués, poussés à bout et n’arrivent plus à percevoir le sens de leur métier. Vous avez fait de l’éducation un marché, de l’élève et des parents des clients, et des enseignants des exécutants.

    Mme Andrée Taurinya

  • partager

    Exactement !

    Mme Martine Etienne

  • partager

    L’augmentation drastique du coût de la vie, toujours pas compensée, et le quasi-gel du point d’indice ont précarisé les enseignants. La proportion de personnels contractuels sous-payés, qui ne peuvent s’investir dans des projets éducatifs sur plusieurs années, ne cesse de croître. Alors, quand allez-vous engager un véritable plan de titularisation des précaires de l’éducation nationale ? Quand allez-vous revaloriser le traitement des personnels d’au moins 15 %, pour enfin rattraper le gel du point d’indice ? Quand allez-vous revaloriser uniformément les grilles indiciaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. le ministre.

    M. Pap Ndiaye, ministre

  • partager

    La première partie de votre propos fait allusion à des fermetures de lycées, de collèges ou d’écoles, mais ce n’est pas le ministère de l’éducation nationale qui ferme des lycées, des collèges ou des écoles. (Murmures sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) En revanche, il y a des fermetures de classe qui correspondent à des baisses significatives – et d’ailleurs inquiétantes – des effectifs scolaires : nous allons perdre entre 80 000 et 95 000 élèves à la rentrée 2023, et il en sera de même dans les années à venir.

    M. Jean-Pierre Vigier

  • partager

    Les élèves ne sont pas des chiffres !

    M. Pap Ndiaye, ministre

  • partager

    Il faut donc aussi repenser la carte scolaire, et j’ai indiqué il y a quelques jours que nous allions nous engager pour la première fois dans une démarche pluriannuelle, pour permettre aux collectivités d’avoir de la visibilité en la matière.
    Vous faites également allusion à la titularisation de certains enseignants contractuels. C’est ce que nous avons fait, puisque nous avons organisé un concours exceptionnel pour les enseignants contractuels de trois académies particulièrement en tension, celles de Créteil, de Versailles et de Guyane. Et je peux vous dire, puisque ce concours est en train de se dérouler, qu’il a rencontré un très vif succès parmi les contractuels, qui vont ainsi pouvoir devenir professeurs des écoles titulaires – tel était bien l’objectif !
    Enfin, la hausse de rémunération dont j’ai parlé, de même que le travail que nous avons engagé sur certains éléments participant de l’attractivité du métier, vise à faire en sorte que le beau métier d’enseignant retrouve du lustre, si je puis dire, et que le ratio entre le nombre…

    Mme la présidente

  • partager

    Vos deux minutes sont écoulées, monsieur le ministre.

    M. Pap Ndiaye, ministre

  • partager

    Excusez-moi ; c’est entendu. Je poursuivrai plus tard.

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Maxime Laisney.

    M. Maxime Laisney (LFI-NUPES)

  • partager

    J’ai été professeur des écoles pendant quinze ans avant de devenir député,…

    M. Pierre Cordier

  • partager

    Ah ? C’est intéressant.

    M. Maxime Laisney (LFI-NUPES)

  • partager

    …et ce que vous proposez-là ne me donne aucune envie de retourner en classe.

    M. Pierre Cordier

  • partager

    Quand tu seras battu, il faudra bien y retourner !

    M. Maxime Laisney (LFI-NUPES)

  • partager

    Dans le primaire, les enseignants sont mal payés : il a fallu que j’attende quinze ans pour atteindre 2 000 euros de salaire net : 2 000 euros pour faire la classe à vingt-cinq, vingt-sept, voire vingt-neuf élèves ; 2 000 euros pour apprendre à nos enfants à lire, à écrire, à compter et à se respecter, mais aussi pour enseigner l’histoire, la géographie, l’éducation physique et sportive, la musique, l’anglais, et j’en passe. Après quinze ans d’expérience, nos professeurs des écoles gagnent 20 % de moins que la moyenne de l’OCDE.
    Dans le primaire, les enseignants travaillent déjà trop : une année, j’ai compté précisément chaque semaine mon temps de travail réel – temps en classe, activités pédagogiques complémentaires le midi, corrections et préparations le soir, le mercredi et le week-end, réunions d’équipe, rencontres avec les parents, formations :…

    M. Pierre Cordier

  • partager

    35 heures !

    M. Maxime Laisney

  • partager

    …chaque semaine, je comptais environ 45 heures, ce qui correspond à peu près à ce qu’ont révélé plusieurs études. Cela fait que deux semaines de congé sont en fait deux semaines de RTT, qui seront finalement pour partie travaillées.
    Dans le primaire, les enseignants sont déjà acculés à « travailler plus pour gagner plus » : malgré ces semaines chargées, de nombreux et nombreuses professeurs et professeures des écoles font déjà des heures supplémentaires – l’étude le soir, la cantine le midi – qui sont autant de temps en moins pour sa classe ou pour soi, et représentent de la fatigue en plus. Alors, je me demande bien sur quel créneau ils et elles vont pouvoir aller assurer une heure de soutien au collège.
    Dans le primaire, les enseignants sont souvent à bout. Parce que les Rased – réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté – ont quasiment disparu, on doit affronter seul la grande hétérogénéité rencontrée dans les classes ; parce que les AESH – accompagnants d’élèves en situation de handicap – sont souvent l’arlésienne, l’accueil des élèves en situation de handicap reste un défi quotidien.
    Malgré tout cela, le pacte que vous proposez aux professeurs des écoles, c’est de travailler encore plus pour gagner trois fois rien. La situation actuelle se traduit déjà par une diminution inquiétante du nombre de candidats au concours…

    M. Pierre Cordier

  • partager

    C’est exact !

    M. Maxime Laisney

  • partager

    …et par une augmentation significative du nombre de démissions. J’ai donc deux questions, monsieur le ministre : où sont les 10 % d’augmentation inconditionnelle promis (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES), et ne craignez-vous pas que votre pacte se termine en « travailler plus pour craquer plus » ? C’est ce que semble indiquer l’occupation de votre ministère, en ce moment même, par des enseignants. (Mêmes mouvements. – M. Jean-Claude Raux applaudit également.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. le ministre.

    M. Pap Ndiaye, ministre

  • partager

    Ce n’est pas moi qui vais nier le fait que les enseignants travaillent beaucoup : je le sais pertinemment et c’est le cas aussi bien dans le premier degré que dans le second. J’ai également dit que nous avons assisté à plusieurs décennies de glissement relatif des salaires, de telle manière que les rémunérations des enseignants ne sont aujourd’hui plus attractives ; c’est un fait et c’est pourquoi nous nous mobilisons sur ce sujet, en proposant des augmentations significatives que je vous ai présentées dans leurs grandes lignes à l’instant. (Haussements de sourcils sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Il faut aussi préciser que le pacte, bien entendu, se présentera sous forme facultative et ne s’adressera qu’aux enseignants du premier degré qui voudront s’y engager. Nous sommes attentifs à deux choses : d’une part à garantir l’égalité, en ce qui concerne la rémunération de ces tâches supplémentaires, entre les enseignants du premier degré et ceux du second degré ; et d’autre part à l’égalité entre les femmes et les hommes – les professeurs des écoles étant très majoritairement des femmes, il faut en tenir compte.

    M. Léo Walter

  • partager

    Oui, et donc ?

    M. Pap Ndiaye, ministre

  • partager

    Ce que nous allons préciser dans quelques jours auprès des organisations syndicales tient compte de tout cela et s’appuie d’ailleurs sur des expériences qui sont menées à l’échelle locale ou académique. Je pense en particulier aux « sixièmes tremplin » à l’essai dans l’académie d’Amiens, dont les enseignements sont assurés par des professeurs des écoles en classe de sixième : tout cela est calibré, en volume horaire, pour être compatible avec la semaine de travail des enseignants. Encore une fois, cela sera proposé de manière facultative.

    Mme Sarah Legrain

  • partager

    Il faut créer de nouveaux postes !

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Jean-Pierre Vigier.

    M. Jean-Pierre Vigier (LR)

  • partager

    La dynamique de rattrapage des salaires enseignants va dans le bon sens, mais elle ne compense que partiellement l’érosion dans le temps de leur pouvoir d’achat.

    M. Maxime Minot

  • partager

    Eh oui ! Il a raison !

    M. Jean-Pierre Vigier

  • partager

    À titre d’exemple, le salaire d’un professeur des écoles en début de carrière – vous le savez – représentait 1,8 fois le Smic en 1990, contre 1,5 fois en 2020.

    M. Pierre Cordier

  • partager

    Intéressant, comme chiffre !

    M. Jean-Pierre Vigier

  • partager

    Face à l’incapacité chronique de l’éducation nationale à assurer tous les remplacements de professeurs, cette revalorisation relevait de l’urgence. Personne ne peut tolérer que des enseignants ayant passé des concours difficiles après cinq années d’études supérieures puissent gagner moins de 2 000 euros par mois.

    M. Maxime Minot

  • partager

    Eh oui ! Cette revendication est légitime !

    M. Jean-Pierre Vigier

  • partager

    Au-delà de l’aspect financier, il y va aussi de la considération sociale et de la reconnaissance que l’État doit à nos professeurs.

    M. Pierre Cordier

  • partager

    La reconnaissance, c’est le mot !

    M. Jean-Pierre Vigier

  • partager

    Je souhaitais plus spécifiquement souligner les différences d’attractivité entre les territoires, et surtout les différences de pouvoir d’achat entre les affectations. Il est temps d’engager une vraie réflexion sur les possibilités de modulation de la rémunération dans les territoires les moins attractifs, notamment en zone rurale.

    Mme Mélanie Thomin

  • partager

    Et en Seine-Saint-Denis !

    M. Jean-Pierre Vigier

  • partager

    Des efforts ont déjà été fournis dans les REP – réseaux d’éducation prioritaire – et dans les territoires d’outre-mer, où des primes ont été accordées. Mais la carte de l’éducation prioritaire oublie, voire efface des territoires entiers qui devraient s’y trouver.

    M. Pierre Cordier

  • partager

    Il faut revoir la carte !

    M. Jean-Pierre Vigier

  • partager

    C’est le cas de la ruralité, où les longues distances kilométriques dissuadent de nombreux enseignants d’assurer des remplacements. Monsieur le ministre, la ruralité ne doit pas devenir le parent pauvre des politiques éducatives.

    M. Maxime Minot

  • partager

    Ce n’est pas la variable d’ajustement !

    M. Jean-Pierre Vigier

  • partager

    Ainsi, ma question est simple : comptez-vous mieux reconnaître les difficultés des territoires ruraux dans la fixation des rémunérations des enseignants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mmes Caroline Parmentier, Fatiha Keloua Hachi et Mélanie Thomin applaudissent également.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. le ministre.

    M. Pap Ndiaye, ministre

  • partager

    Vous avez fait allusion à l’érosion dans le temps du pouvoir d’achat des enseignants, et je crois que nous pouvons unanimement nous mettre d’accord sur ce sujet : c’est un fait mesurable, il n’y a aucun doute là-dessus…

    M. Maxime Minot

  • partager

    Nous sommes d’accord !

    M. Pap Ndiaye, ministre

  • partager

    …et c’est pourquoi nous nous y attaquons. S’agissant des néotitulaires, aucun ne sera rémunéré moins de 2 000 euros net par mois ; c’est un progrès significatif. Mais j’insiste sur le fait que tous les enseignants verront leur rémunération s’accroître, de manière à éviter des faux plats au bout de quelques années et des rémunérations stagnantes entre la cinquième et la quinzième année – ce qui est assez largement le cas aujourd’hui, il faut le reconnaître.
    Vous faites ensuite allusion à la ruralité. La Première ministre, que j’accompagnais dans la Nièvre la semaine dernière, a présenté un plan Ruralité comportant notamment un engagement pluriannuel, de manière à donner aux élus de la visibilité dans leurs relations avec l’éducation nationale, ce qui est absolument nécessaire.
    Ce plan prévoit également un soutien aux territoires éducatifs ruraux, de même qu’aux regroupements intercommunaux pédagogiques qui permettent à des communes de regrouper leurs écoles. À ce sujet, nous avons présenté l’idée d’un bonus en termes de ressources humaines, que l’éducation nationale apportera aux communes qui souhaitent s’engager en la matière.
    La question du pouvoir d’achat se pose sans doute de manière moins aiguë en zone rurale que dans la région parisienne. Du reste, nous rencontrons plus de difficultés de recrutement dans les académies urbaines que dans les académies les plus rurales. Quoi qu’il en soit, sachez que les questions de ruralité sont prioritaires pour le ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse.

    M. Jean-Pierre Vigier

  • partager

    Je l’espère !

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Luc Geismar.

    M. Luc Geismar (Dem)

  • partager

    Revaloriser signifie rendre son pouvoir d’achat à un salaire, selon le dictionnaire Le Robert. En euros constants, c’est-à-dire une fois l’incidence de l’inflation prise en compte, les enseignants français ont perdu entre 15 et 25 % de rémunération au cours des vingt-cinq dernières années, selon la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance, la Depp, malgré l’effort d’augmentation des professeurs débutants d’environ 10 %. Durant la même période, le nombre total de candidats présents au concours du Capes a diminué de 63 %, passant de plus de 50 000 en 1999 à moins de 20 000 en 2021. Il est fort probable que ces deux données soient liées.
    Peut-être serait-il intéressant de s’inspirer de nos voisins européens qui payent davantage leurs enseignants, d’autant que les professeurs français travaillent souvent plus que leurs homologues – en moyenne 720 heures par an, contre 610 pour les enseignants allemands, par exemple ?
    Au vu de ces éléments, quelle est votre stratégie afin de revaloriser les rémunérations et tenter ainsi de pallier la pénurie des professeurs qualifiés ?

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. le ministre.

    M. Pap Ndiaye, ministre

  • partager

    Concernant l’incontestable perte d’attractivité du métier, je voudrais apporter une précision. Le rendement des concours n’est pas aussi bon qu’on le souhaiterait, s’étant dégradé au fil des ans pour tomber à environ 83 %, ce qui signifie que pour 100 postes mis au concours, nous recrutons environ 83 enseignants. Néanmoins, nous avons observé fin 2022 des signaux encourageants pour la première fois depuis longtemps : une hausse de 11 % des inscriptions au concours du Capes et de 9 % des inscriptions au concours de professeur des écoles. Alors que les écrits viennent de se terminer, nous voyons un autre signal encourageant : le taux de présence aux écrits augmente de 6 % par rapport à celui de l’année dernière. Si une hirondelle ne fait pas le printemps, je note une inversion de tendance qui mérite d’être soulignée.
    Cela étant, la réponse de fond au manque d’attractivité passe par une meilleure rémunération pour tous les professeurs, j’en suis persuadé et nous pouvons nous accorder sur ce point. À l’avenir, nous devons améliorer notre vision globale des carrières car certains jeunes enseignants n’envisagent pas nécessairement d’être professeur toute leur vie, tandis qu’un nombre croissant de candidats se présente à l’âge de 40 ans ou plus, après avoir effectué une première moitié de carrière dans un autre métier. Nous allons donc nous attacher à mieux prendre en considération l’ancienneté, y compris quand elle a été effectuée le privé, afin de rendre le métier plus attractif pour ces enseignants plus âgés que la moyenne.

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Mélanie Thomin.

    Mme Mélanie Thomin (Soc)

  • partager

    Travailler dans l’enseignement, la perle du service public, est une vocation. Or l’enseignement rime désormais trop souvent avec crises et bouleversements. La professeure de lettres que je suis peut témoigner de la crise des vocations, consécutive à la dégradation des rémunérations et à la détérioration des conditions de travail.
    Lors de la campagne pour les élections présidentielles de 2022, Emmanuel Macron avait assuré qu’aucun enseignant ne commencerait sa carrière en étant payé moins de 2 000 euros. Nous attendons des annonces imminentes, mais beaucoup d’incertitudes demeurent. Le décrochage de la rémunération des enseignants appelle un rattrapage, pas une logique transactionnelle. Le recyclage du « travailler plus pour gagner plus » serait complètement déconnecté de la réalité que vivent des milliers d’enseignants dans notre pays.
    Une fois que les enseignants seront justement rémunérés, considérés et accompagnés, nous pourrons discuter de l’organisation du travail. Il ne faut pas inverser les choses. Faire passer la rémunération d’heures supplémentaires pour une revalorisation serait un trompe-l’œil.
    Comment envisagez-vous de revaloriser non seulement les nouveaux entrants, mais surtout de revoir l’attractivité globale de la carrière ? Une mesure trop ciblée risquerait de tasser l’échelle des rémunérations et manquerait sa cible. De même, se concentrer sur les primes n’apporterait pas la même revalorisation financière et sociale pour nos enseignants qui méritent des rémunérations pérennes et – hommage ou pied de nez à l’actualité – des retraites de bon niveau. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. le ministre.

    M. Pap Ndiaye, ministre

  • partager

    En effet, aucun enseignant néotitulaire ne commencera sa carrière à moins de 2 000 euros, et les stagiaires verront aussi leur rémunération augmenter. Cependant, je répète qu’il nous faut aussi augmenter la rémunération de tous les enseignants, y compris ceux qui sont en fin de carrière, afin que le métier soit attractif dans la durée.
    Comme je l’ai indiqué dans mon propos liminaire, les enseignants en fin de carrière bénéficieront d’un accès facilité aux catégories hors classe et classe exceptionnelle, ce qui correspond à des augmentations de salaire tant indemnitaires qu’indiciaires – il est important de le signaler. Le passage à ces catégories hors classe et classe exceptionnelle, attendu par de nombreux enseignants expérimentés, se fera dans des conditions très largement facilitées et avantageuses pour les enseignants concernés.
    Conscients du fait que l’augmentation des rémunérations devait se faire sur toute la carrière, nous y travaillons en concertation avec les organisations syndicales qui ont très tôt appelé notre attention sur l’importance des fins de carrière. Je peux donc vous confirmer que nous allons dans cette direction.

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Agnès Carel.

    Mme Agnès Carel (HOR)

  • partager

    Engagée dès 2021, la politique de revalorisation globale pour tous les enseignants se poursuit par des concertations avec les différents partenaires. Les mesures prises à l’automne dernier en faveur de la revalorisation des salaires mettaient particulièrement l’accent sur les nouveaux enseignants, afin de rendre ce si beau métier plus attrayant.
    Aussi ma question portera-t-elle sur la reconnaissance et la revalorisation salariale des enseignants plus âgés, nos fameux experts aux cheveux blancs comme j’aime les appeler, dont la rémunération moyenne était de 3 061 euros nets en 2020.
    Alors que la loi sur les retraites tend à prolonger la carrière des enseignants, il est grand temps de mettre à plat leur évolution de salaire, mais aussi de créer de nouvelles missions qui pourront leur être proposées pour valoriser leur expérience, les motiver ou remotiver dans leur parcours. À partir d’un certain âge, il est compréhensible qu’un professeur des écoles ou de l’enseignement secondaire n’ait plus l’énergie de se retrouver devant une classe de vingt-huit élèves, voire plus en lycée. Pourtant, son expérience, son expertise, ses connaissances didactiques sont précieuses et indispensables pour l’éducation nationale.
    Il est donc urgent de proposer d’autres missions à ces experts de l’enseignement qui souhaitent exercer d’autres fonctions et évoluer dans leur carrière. Avec le recul, on imagine aisément un enseignant expérimenté œuvrer dans un groupe d’une douzaine d’élèves à profils et besoins particuliers, par exemple, en développant des projets spécifiques. On imagine facilement cet enseignant former les plus jeunes au sein d’un institut national supérieur du professorat et de l’éducation (Inspe) ou intervenir pour faire de la remédiation en milieu scolaire. On imagine également des missions de mentorat, si précieuses pour les jeunes enseignants qui sont démunis face à certaines situations rencontrées durant leurs premières années de métier.
    Les exemples ne manquent pas – j’en ai encore beaucoup dans ma poche. Mais ce qui manque cruellement, c’est la revalorisation salariale qui différencie un jeune en début de carrière d’un enseignant ayant quarante ans et plus de bons et loyaux services. Quelles mesures envisagez-vous de prendre afin de faire en sorte que ces experts de l’enseignement soient valorisés financièrement et que nous n’ayons plus à nous priver de leur savoir-faire ?

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. le ministre.

    M. Pap Ndiaye, ministre

  • partager

    Dans la droite ligne de mon intervention précédente, je vous confirme que les enseignants expérimentés verront leur rémunération augmenter. Nous avons été très attentifs à reconstruire de la progressivité de carrière, afin d’éviter les faux plats de rémunération, objectivement démoralisants et démotivants pour les enseignants concernés. Si nous nous étions contentés d’augmenter les enseignants en tout début de carrière, nous aurions précisément étiré les faux plats que l’on retrouve à partir de la cinquième ou huitième année d’enseignement.
    En réponse à la deuxième partie de votre question, j’indique que les enseignants expérimentés peuvent faire bénéficier leurs jeunes collègues de leurs connaissances et de leur travail de différentes manières, en particulier par la formation des enseignants stagiaires. Nous réfléchissons à une réforme du recrutement et de la formation des professeurs des écoles. Devant la commission des affaires culturelles et de l’éducation, j’ai eu l’occasion d’indiquer que mon souhait allait vers un recrutement des professeurs des écoles à bac + 3 au lieu de bac + 5, tout en conservant l’enveloppe de la mastérisation.
    Les deux années comprises entre bac + 3 et bac + 5 seront des années d’élèves professeurs, ce qui pouvait exister jadis dans les écoles normales et existe actuellement dans les Écoles normales supérieures (ENS). Cette période permet un contact plus important avec la réalité du métier et des stages sur le terrain, tout ce qui valorise l’expérience des enseignants en milieu ou fin de carrière. C’est dans cette direction que nous souhaitons aller : formation des jeunes enseignants et valorisation de l’expérience.

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Jean-Claude Raux.

    M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES)

  • partager

    Une augmentation salariale pour un ou une prof, c’est un budget en plus pour aller chez le psy. Ce n’est pas une affirmation de ma part, mais une formule qui circule chez les enseignants et les enseignantes parce que, dans le fond, à quoi sert une augmentation de salaire quand le problème est en réalité l’ensemble des conditions de travail ?
    On a beaucoup parlé de crise de recrutement dans l’enseignement, mais la crise est généralisée. C’est une crise de sens, de vocations, d’attractivité et reconnaissance à laquelle s’ajoute un manque de moyens humains et matériels. Nous ne parvenons pas à recruter, mais nous ne parvenons pas davantage à garder les équipes éducatives. Les départs volontaires définitifs augmentent de façon inquiétante : en dix ans, le taux a été multiplié par cinq parmi les enseignants du premier degré, et par trois parmi ceux du second degré.
    Ces démissions sont-elles le symptôme de perte de sens dans les missions, le signe de l’épuisement des professionnels ou la marque de l’inadéquation de la formation aux réalités du métier ? Vous le savez, monsieur le ministre, on ne s’engage jamais dans un métier de l’enseignement par hasard, on le fait par conviction avec du cœur et du professionnalisme, sans compter ses heures. Sans l’engagement de ses personnels d’éducation, l’école ne tiendrait pas : ils et elles en sont les fondations.
    Pourtant, j’ai l’impression qu’on méconnaît encore leur travail, notamment leur travail invisible. C’est ainsi en faisant preuve d’une certaine suspicion que le Gouvernement a choisi non pas d’accorder une augmentation, méritée et attendue, à tous, mais de conditionner une partie de la revalorisation salariale à l’exécution de nouvelles missions – lesquelles n’ont fait que proliférer ces dernières années, ce qui nous ramène à la question du sens.
    Vous assurez que toutes les équipes pédagogiques seront enfin récompensées pour leur investissement à la rentrée, mais j’ai toujours du mal avec ces nouvelles missions et avec le pacte dont vous vous prévalez. L’existence d’un pacte suppose qu’un contrat, un accord ait été conclu entre l’État et ses fonctionnaires. Dès lors, deux questions se posent : peut-on parler d’accord quand seule une partie est présente à la table des négociations – puisque les organisations syndicales l’ont quittée ? Peut-on parler de contrat quand ses clauses reposent sur la défiance plutôt que sur la confiance ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. le ministre.

    M. Pap Ndiaye, ministre

  • partager

    Loin de moi l’idée de nier le fait que les conditions de travail, le sens du métier et la reconnaissance sociale importent et jouent un rôle dans la perte d’attractivité du métier. Néanmoins, le fait de commencer par accorder des augmentations de salaire est significatif : si nous ne l’avions pas fait, vous nous l’auriez reproché – c’est bien que la rémunération constitue un élément important. Elle présente aussi une dimension symbolique en ce qu’elle marque l’importance et la reconnaissance que la nation et l’État accordent au corps enseignant, en lui versant une rémunération à la hauteur de son travail. Cet élément est décisif.
    Vous faites également référence à la hausse du nombre de démissions parmi les enseignants. Si le taux de démission a certes augmenté, il reste très faible au regard du nombre d’enseignants : seuls 0,2 % d’entre eux démissionnent. Si ce phénomène est plus marqué dans les cinq premières années d’exercice du métier, le taux étant deux fois plus élevé pour cette catégorie d’enseignants, il reste marginal. Cette tendance, à l’évidence, n’en reste pas moins préoccupante. C’est notamment pour cette raison que nous travaillons à améliorer les rémunérations.
    Enfin, vous avez mentionné le pacte enseignant. Je précise que nous prévoyons des augmentations sans condition : il s’agit de la revalorisation socle, que nous avons déjà évoquée à de multiples reprises. Le pacte, quant à lui, a fait l’objet de longues discussions avec les organisations syndicales. S’il est vrai que ces dernières critiquent le projet, à tel point qu’elles ont quitté la table des négociations le 6 mars dernier, nous avons au préalable échangé et négocié avec elles pendant des dizaines d’heures, sur la revalorisation socle comme sur le pacte.

    Mme Sophia Chikirou

  • partager

    Si vous négociez comme vous le faites pour la réforme des retraites…

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Soumya Bourouaha.

    Mme Soumya Bourouaha (GDR-NUPES)

  • partager

    Comme nous l’avons indiqué précédemment, le groupe GDR-NUPES soutient l’ensemble des organisations syndicales de l’éducation nationale, qui réclament des revalorisations de traitement sans condition, afin de rattraper le retard accumulé depuis des décennies du fait du gel de leur rémunération. C’est donc l’ensemble de la logique qui sous-tend la composante « pacte » des revalorisations que nous dénonçons.
    Les enseignants sont très inquiets de l’instauration d’un modèle qui créerait de nouvelles missions obligatoires, comme des heures de soutien en mathématiques et en français pour les professeurs des écoles, ou des remplacements dits de courte durée pour les professeurs de collège et de lycée absents pendant moins de quinze jours. Alors que les enseignants assurent déjà un nombre d’heures supplémentaires important et que leurs nouvelles missions obligatoires nécessiteront des heures de préparation qui s’ajouteront aux heures engagées pour leurs propres cours, ces pistes de réflexion sont inadmissibles. Elles ne constituent en rien une revalorisation des salaires. Comment espérez-vous fidéliser les enseignants dans ces conditions ?
    Ma deuxième question porte sur les missions supplémentaires que vous souhaitez confier aux CPE et aux PsyEN pour leur permettre de bénéficier d’une revalorisation plus forte de leur traitement. Ces missions sont visiblement difficiles à identifier. Pouvez-vous les détailler ?
    Je m’inquiète enfin du calendrier de la revalorisation des traitements des personnels non titulaires – assistant d’éducation (AED) et AESH – réclamée par les organisations syndicales : comptez-vous engager très rapidement des mesures concrètes à leur intention ?

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. le ministre.

    M. Pap Ndiaye, ministre

  • partager

    Les nouvelles missions dont il est question sont purement facultatives. J’insiste sur ce point : le pacte qui sera proposé aux enseignants ne comporte aucune dimension obligatoire. De nouvelles missions seront en effet proposées aux PsyEN et aux CPE, qui bénéficieront ainsi à la fois de la revalorisation socle et de nouvelles tâches liées au pacte. Ils sont donc inclus dans le travail que nous avons mené et dans les propositions que nous comptons formuler.
    Pour ce qui est des AED et des AESH, vous n’êtes pas sans savoir que les AESH peuvent se voir proposer un CDI au bout de trois ans – c’est d’ailleurs le fruit d’une initiative parlementaire ; qu’ils bénéficient depuis le 1er janvier d’une indemnité d’éducation prioritaire, qui sera versée rétroactivement à partir du mois d’avril ; et, élément important, qu’ils seront augmentés de 10 % à partir du 1er septembre. Dans le même temps, nous présenterons, dans le cadre de la Conférence nationale du handicap (CNH) qui se tiendra à la fin du mois d’avril, une remise à plat de l’école inclusive, car nous sommes parfaitement conscients des difficultés actuelles, tant dans le recrutement des AESH – nous en embauchons quelque 4 000 par an et la France en compte actuellement 132 000, soit le deuxième métier de l’éducation nationale – que, plus largement, dans l’accueil des enfants en situation de handicap. Dans ce contexte, la Conférence nationale du handicap complétera le travail que nous avons mené pour améliorer les conditions salariales des AESH et des AED et pour permettre à ceux qui le souhaitent de travailler 35 heures par semaine.

    M. Rodrigo Arenas

  • partager

    Tout cela était déjà prévu sous le précédent quinquennat !

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Michel Castellani.

    M. Michel Castellani (LIOT)

  • partager

    Malgré leur dévouement et leur engagement – qui reflètent souvent leur passion –, les enseignants éprouvent des difficultés à préserver ne serait-ce que leur moral et leur motivation. Leurs conditions de travail sont difficiles, leurs salaires sont peu attractifs et, pour présenter les choses simplement, ils doivent assumer un éventail des rôles allant du psychologue au policier. Ces enseignants se retrouvent souvent bien isolés et démunis. Dans ces conditions, ne nous étonnons pas de voir nombre d’établissements manquer de personnel. La revalorisation socle de 10 % annoncée est une bonne chose, mais, vous le savez, les syndicats s’opposent fermement à la logique de revalorisation supplémentaire à la tâche,…

    M. Rodrigo Arenas

  • partager

    Ils ont raison !

    M. Michel Castellani

  • partager

    …d’autant que les enseignants réalisent déjà de très nombreuses heures supplémentaires. Vous avez également fait part de votre volonté de remplacer au pied levé l’ensemble des enseignants absents en rémunérant mieux les remplaçants. Toutefois, nous ne savons que trop bien que les contractuels sont souvent envoyés dans les classes sans aucune formation, sans aucun accompagnement et sans aucun contrôle.
    Pouvez-vous indiquer – je reviens à mon tour sur ce point – dans quelle proportion les salaires des enseignants seront revalorisés à temps de travail constant ? Quelles stratégies entendez-vous mettre en œuvre pour constituer un vivier de personnel réellement apte à assurer des remplacements ?
    Je tiens aussi à évoquer les enseignants des territoires éloignés de la métropole. Comme vous le savez, les enseignants des territoires ultramarins bénéficient, à l’instar de l’ensemble des fonctionnaires travaillant dans ces territoires, d’une majoration de leur traitement, afin de tenir compte de la cherté de la vie qui y prévaut. Or la vie en Corse est elle aussi marquée par des surcoûts structurels, estimés à 9 % par l’Insee pour les prix des produits alimentaires. Vous semble-t-il envisageable – je reste prudent dans ma formulation – d’établir une majoration de traitement des enseignants en Corse, sur le modèle des pratiques en vigueur dans les territoires ultramarins ? Une telle mesure répondrait à la demande exprimée avec constance par les syndicats en Corse.

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. le ministre.

    M. Pap Ndiaye, ministre

  • partager

    L’attractivité du pacte auquel vous faites référence se mesure à un fait simple : la rémunération des missions prévues par ce dispositif sera financièrement beaucoup plus intéressante que celle des heures supplémentaires à leur tarif actuel. Si l’éducation nationale a effectivement recours à un volume d’enseignants contractuels supérieur à ce que nous souhaitons, c’est bien l’attractivité du métier qui est en jeu. Comme je l’indiquais, nous prévoyons de titulariser un certain nombre de personnels…

    Mme Sophia Chikirou

  • partager

    Combien ?

    M. Pap Ndiaye, ministre

  • partager

    …qui deviendront professeurs des écoles, dans trois académies.

    Mme Sophia Chikirou

  • partager

    Versailles, Neuilly…

    M. Pap Ndiaye, ministre

  • partager

    Par ailleurs, la grande masse de ces enseignants contractuels ne sont pas, contrairement à ce que certains prétendent, embauchés à la dernière minute : 87 % de ceux qui ont commencé leur travail à la rentrée enseignaient déjà l’année précédente. Il se trouve que – c’est d’ailleurs un des sujets dont nous discutons avec les élus ultramarins – certains enseignants choisissent, par défaut, le statut de contractuel, par exemple pour rester dans une académie très demandée plutôt que d’être mutés très loin de chez eux. C’est le cas des enseignants ultramarins. Nous avons fait aux élus de ces territoires plusieurs propositions visant à ajuster la prise en considération du centre des intérêts matériels et moraux (CIMM).
    Enfin, la question des remplacements se pose en effet de façon évidente, d’où les propositions que nous faisons à travers le pacte enseignant et les mesures que nous prenons pour améliorer l’attractivité du métier. Car à quoi servirait-il de créer des postes dans telle ou telle académie ou dans telle ou telle discipline, s’ils ne sont pas pourvus ? Notre priorité est donc l’attractivité du métier.

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Bastien Marchive.

    M. Bastien Marchive (RE)

  • partager

    En France, école et République sont indissociables, tant la première a contribué à promouvoir et à consolider les valeurs de la seconde. Égalité entre les citoyens, méritocratie, laïcité, tolérance : voilà des principes fondateurs auxquels les professeurs donnent corps au quotidien. Pour nos enfants, le rôle de l’école est crucial : elle pose les bases de notre avenir. À ce titre, les attentes de nos concitoyens sont nombreuses. Les enseignants en sont le fer de lance et la reconnaissance que nous leur témoignons doit être à la hauteur des exigences et des espoirs qu’ils incarnent.
    En s’engageant à accorder une augmentation moyenne de 10 % à l’ensemble des enseignants et en garantissant une rémunération minimale de 2 000 euros par mois en début de carrière, la majorité est au rendez-vous.

    Mme Sophia Chikirou

  • partager

    Celle-là il faut l’archiver !

    M. Bastien Marchive

  • partager

    Ces revalorisations historiques sont rendues possibles par une augmentation budgétaire de 3,6 milliards d’euros en 2023. Comme d’autres l’ont souligné, ces mesures peuvent faire craindre un phénomène de tassement de la rémunération à mesure que les enseignants avancent dans leur carrière. C’est pourquoi je souhaite savoir comment vous entendez garantir la régularité de l’évolution de la rémunération des enseignants, notamment en seconde partie de carrière.

    M. Rodrigo Arenas

  • partager

    Flagorneur !

    M. Bastien Marchive

  • partager

    Parce que la force de l’école tient également au travail collaboratif de toute une équipe éducative, les moyens alloués à l’éducation nationale dans son ensemble sont évidemment déterminants. Je songe notamment aux AESH, qui jouent un rôle clef dans l’inclusion scolaire et dont le statut demeure souvent précaire, avec des contrats courts, à temps partiel et souvent peu rémunérateurs. Quelles sont les perspectives envisagées pour pérenniser cette profession, désormais devenue un rouage essentiel de l’école de la République ?

    M. Rodrigo Arenas

  • partager

    La perche est tendue : nous attendons maintenant la réponse téléphonée !

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. le ministre.

    M. Pap Ndiaye, ministre

  • partager

    Vous avez raison : il faut – et nous travaillons en ce sens – éviter les faux plats ou le risque de tassement des rémunérations. Les grilles indiciaires actuelles prévoient d’ailleurs de telles périodes de stagnation, lesquelles, comme je l’indiquais, sont peu motivantes et même démoralisatrices,…

    Mme Sophia Chikirou

  • partager

    Il faut des sous pour les AESH et pas un plat de lentilles !

    M. Pap Ndiaye, ministre

  • partager

    …à tel point qu’elles peuvent d’ailleurs provoquer des démissions parmi les enseignants directement concernés. Nous avons donc veillé à ce que les grilles affichent une meilleure progressivité qu’à l’heure actuelle.
    S’agissant des AESH, il faut reconnaître que les recrutements, c’est-à-dire la réponse purement quantitative aux besoins de l’école inclusive, ne suffisent pas. J’ai évoqué les améliorations de rémunération dont ces personnels bénéficieront. Nous nous orientons en outre vers l’emploi des AESH qui le souhaitent pendant 35 heures par semaine, grâce à une circulaire publiée le 4 janvier dernier, laquelle permet au ministère de l’éducation nationale de les rémunérer non seulement sur le temps scolaire, mais aussi sur le temps périscolaire,…

    Mme Sophia Chikirou

  • partager

    C’est désespérant, de vous écouter parler des AESH !

    M. Pap Ndiaye, ministre

  • partager

    …quitte à ce que la collectivité concernée le rembourse ensuite au titre de la part périscolaire – car nous devons bien entendu nous conformer à la décision du Conseil d’État, qui impose de disjoindre temps scolaire et temps périscolaire.

    M. Rodrigo Arenas

  • partager

    Vous voulez les épuiser !

    M. Pap Ndiaye, ministre

  • partager

    Tous ces chantiers sur lesquels nous avons travaillé ne constituent cependant pas l’unique réponse. J’ai par exemple mentionné tout à l’heure la Conférence nationale du handicap qui se tiendra prochainement.

    Mme Sophia Chikirou

  • partager

    On peut en parler, de l’autisme ?

    M. Pap Ndiaye, ministre

  • partager

    Elle fournira des réponses structurelles aux difficultés, notamment aux besoins des enfants autistes, lesquels représentent 10 % des enfants en situation de handicap.

    Mme Sophia Chikirou

  • partager

    Ces gamins ne sont même pas scolarisés ! C’est terrible, ce que vous leur faites !

    Mme la présidente

  • partager

    Monsieur Arenas et madame Chikirou, je vous demande de laisser les orateurs s’exprimer.

    Mme Sophia Chikirou

  • partager

    C’est dur, madame la présidente ! Nous nous devons de tirer la sonnette d’alarme !

    Mme la présidente

  • partager

    Pour moi aussi, c’est difficile.
    La parole est à M. Philippe Fait – et à lui seul.

    M. Philippe Fait (RE)

  • partager

    Vous avez tout à fait raison, madame la présidente. Ce débat porte sur l’école. Or je suis navré de constater que le respect que l’on exige de la part des enfants est malheureusement absent de cet hémicycle.

    M. Rodrigo Arenas

  • partager

    Entre nous, cela vous arrive aussi !

    M. Philippe Fait

  • partager

    À l’occasion de la réunion de rentrée des recteurs d’académie à la Sorbonne en août dernier,…

    M. Rodrigo Arenas

  • partager

    Ne donnons pas de leçon !

    M. Philippe Fait

  • partager

    Je ne donne pas de leçon !

    Mme la présidente

  • partager

    Je note au passage que de jeunes élèves sont présents dans les tribunes du public cet après-midi. Je vous prie donc, chez collègues, de respecter chaque orateur.

    M. Philippe Fait

  • partager

    Nous essayons au moins de donner l’exemple.
    Je reprends. Lors de la réunion à la Sorbonne, le Président de la République a confirmé la poursuite des revalorisations salariales. Il s’est notamment engagé à ce qu’aucun enseignant ne perçoive moins de 2 000 euros net par mois en début de carrière d’ici à la rentrée 2023.
    La concertation, portant sur l’attractivité et la revalorisation du métier d’enseignant, que vous avez lancée en janvier 2023, visait à préciser la mise en œuvre du pacte à la rentrée 2023. Celui-ci comprend deux étages : une revalorisation socle et une revalorisation conditionnelle. Dès lors, l’augmentation totale pourrait atteindre en moyenne 20 % pour les enseignants volontaires.
    J’échange régulièrement avec les inspectrices de l’éducation nationale de ma circonscription, qui travaillent à Hesdin, à Montreuil-sur-Mer ou à Étaples-sur-Mer. Enseignant moi-même, je tiens à entretenir un lien avec toutes les équipes pédagogiques.
    Alors que de nombreuses informations, souvent fausses, circulent – entre autres l’idée que le pacte serait moins rémunérateur que les heures supplémentaires –, pourriez-vous rassurer le monde enseignant en dissipant ces doutes ? En outre, pourriez-vous revenir sur le contenu dudit pacte, notamment sur l’articulation entre les missions à accomplir et la possibilité d’effectuer des heures supplémentaires ?

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. le ministre.

    M. Pap Ndiaye, ministre

  • partager

    En effet, le pacte sera plus rémunérateur que les heures supplémentaires – et pour cause, c’est dans l’intérêt du ministère de l’éducation nationale –, sinon il n’attirerait pas les professeurs. Or il est nécessaire que ces derniers adhèrent au pacte. Celui-ci doit être financièrement attractif et je peux vous affirmer qu’il le sera.
    J’en arrive aux missions qui seront proposées aux enseignants, du premier comme du second degré, en commençant par les missions de base. D’une part, les enseignants du premier degré dispenseront une ou plusieurs heures de soutien et d’approfondissement en français et en mathématiques dans les classes de sixième, selon le modèle des classes tremplin de l’académie d’Amiens. D’autre part, les enseignants du second degré assureront des remplacements de courte durée, en faisant bien sûr cours dans leur discipline. Si, par exemple, un professeur de mathématiques est absent, le trou ainsi créé dans l’emploi du temps de la classe pourra être comblé par un cours d’anglais assuré par un professeur d’anglais, quitte à ce que les élèves concernés aient davantage de cours d’anglais que de mathématiques cette semaine-là – une compensation sera bien sûr prévue au cours des semaines suivantes.
    À ces missions de base s’ajoutent la généralisation du dispositif « devoirs faits » – qui a fait ses preuves – à l’ensemble des classes de sixième ainsi que des missions qui pourront être définies au sein des projets pédagogiques des établissements dans le cadre du Conseil national de la refondation (CNR). Les directeurs et chefs d’établissement disposeront d’une certaine souplesse dans le choix de ces missions.

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Cécile Rilhac.

    Mme Cécile Rilhac (RE)

  • partager

    Je souhaite aborder une question qui m’est chère : la situation des directeurs d’école. Ces personnels, qui appartiennent au corps des enseignants, ont de grandes responsabilités. Nous ne pouvons nier leurs missions spécifiques. Je tiens à le dire une nouvelle fois : ce ne sont pas des enseignants comme les autres. Acteurs incontournables de notre système éducatif, ils méritent que leur fonction soit reconnue à part entière. C’est l’un des combats que je mène depuis 2017.
    Vous le savez, notre majorité a engagé des mesures de revalorisation financière de cette fonction, comme l’instauration, à la rentrée 2020, de l’indemnité exceptionnelle – à la suite, notamment, de leur extraordinaire mobilisation au plus fort de la crise sanitaire. Cette indemnité a, depuis, été pérennisée. Par ailleurs, lors des rentrées 2021 puis 2022, le régime de décharge a été amélioré pour 80 % des directions d’école.
    Je salue naturellement ces avancées. Cependant nous devons aller plus loin pour soutenir cette fonction et renforcer son attractivité. Cela doit passer notamment par l’entrée en vigueur de plusieurs dispositions de la loi créant la fonction de directrice ou de directeur d’école – texte dont j’ai été rapporteure. Ainsi, à ce jour, la bonification indiciaire n’a toujours pas été appliquée.
    Pouvez-vous tout d’abord nous indiquer si des dispositions spécifiques sont prévues en faveur des directeurs d’école dans le cadre de la revalorisation socle et du pacte enseignant ?
    Par ailleurs, puisque revalorisation et reconnaissance du travail et de l’engagement vont de pair, la loi du 21 décembre 2021 prévoyait également la mise en place d’une aide administrative dans certains cas et l’octroi de décharges supplémentaires en fonction des spécificités de l’école. En outre, une accélération de carrière était promise. Pouvez-vous nous dire où en sont les décrets d’application relatifs à l’avancement accéléré des carrières des directeurs d’école et si les autres questions seront abordées au cours du débat budgétaire de fin d’année ?

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. le ministre.

    M. Pap Ndiaye, ministre

  • partager

    Les décrets d’application prévus par la loi n’ont pas tous été publiés, en accord avec les organisations syndicales, lesquelles nous avaient demandé d’attendre les élections professionnelles qui se sont tenues en décembre dernier. Deux décrets doivent encore être pris ; l’un porte sur les missions des directeurs, l’autre sur leur recrutement, leur formation et leur carrière, une question que vous avez directement évoquée. Ce second projet de décret comporte une disposition très intéressante financièrement puisqu’elle vise à valoriser la responsabilité du directeur d’école en lui accordant une bonification d’ancienneté de trois mois par année d’exercice.
    Ces textes ont été présentés la semaine dernière aux organisations syndicales qui les ont bien accueillis. Ils doivent encore faire l’objet de consultations institutionnelles – le Conseil d’État doit ainsi bientôt les examiner.
    Nous prévoyons une publication de ces décrets au début de l’été prochain. Les dispositions qui y figurent seront applicables à compter de la prochaine rentrée scolaire.

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Caroline Parmentier.

    Mme Caroline Parmentier (RN)

  • partager

    Ils sont écœurés par la manière dont l’institution les traite et démoralisés par des salaires minuscules au regard des années d’études effectuées et de la responsabilité attachée à leur métier. Je parle de ceux à qui nous confions la prunelle de nos yeux, ce que nous avons de plus cher.
    Pour les enseignants français, la décennie écoulée s’est déclinée en différentes phases : déclassement, dévalorisation, déconsidération, démotivation mais aussi agressions et atteintes à la laïcité. La conditionnalité de la revalorisation que vous proposez – qui remet en cause l’idée même de revalorisation – s’apparente plutôt à une ultime humiliation.
    Payer des personnes pour du travail supplémentaire, ce n’est pas de la revalorisation. Les enseignants ne veulent pas travailler plus. Les heures qu’ils assurent actuellement ne sont déjà pas suffisantes pour leur permettre d’accomplir leur mission. On ne peut pas leur demander de contrepartie, et surtout pas dans le cadre de cette usine à gaz. Comme la réforme des retraites, le pacte est imposé à marche forcée parce que Macron l’a décidé au mépris de toutes les considérations de terrain.
    Par ailleurs, comment admettre une nouvelle injustice à l’encontre des femmes alors que nul n’ignore les raisons sociales et culturelles qui expliquent pourquoi elles accéderont plus difficilement que les hommes aux tâches donnant droit à la revalorisation ? Comment pouvez-vous envisager de démultiplier les missions de nos enseignants plutôt que de revaloriser, grâce à une augmentation de salaire, les missions qui existent déjà, et cela alors même que celles-ci sont de plus en plus difficiles à accomplir – apprendre à lire, à écrire et à compter, former le jugement et le sens critique, enseigner et transmettre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. le ministre.

    M. Pap Ndiaye, ministre

  • partager

    Si j’ai bien compris votre question, vous faites référence aux hausses de rémunération prévues dans le cadre du pacte enseignant. Vous avez toutefois compris, bien entendu, que l’essentiel du budget serait consacré à la revalorisation socle, c’est-à-dire une revalorisation sans condition, pour tous les enseignants, depuis les stagiaires et néotitulaires jusqu’aux enseignants en fin de carrière.

    Mme Caroline Parmentier

  • partager

    Elle est trop faible ! Elle est infime !

    M. Pap Ndiaye, ministre

  • partager

    Le rapport entre le socle et le pacte est du simple au double puisque nous consacrons, en année pleine, 1,9 milliard d’euros au premier et 900 millions au second. Le socle pèse donc bien plus lourd que le pacte d’un point de vue budgétaire.
    Vous avez par ailleurs évoqué une possible inégalité entre les femmes et les hommes. J’ai fait allusion à ce sujet lorsque j’ai parlé des missions spécifiques que nous avons imaginées pour les enseignants du premier degré – qui sont, à 88 %, des enseignantes.
    Vous avez enfin mentionné les socles fondamentaux de l’apprentissage du français et des mathématiques. Nous souhaitons justement que ce travail se poursuive au cours du cycle 3 en insistant sur l’écriture en CM1 et en CM2 et en proposant une heure supplémentaire de français et de mathématiques en sixième.

    Mme Caroline Parmentier

  • partager

    Une heure seulement ?

    M. Pap Ndiaye, ministre

  • partager

    Ces heures d’enseignement, qui seront proposées dans le cadre du pacte, s’ajouteront aux cours existants afin de remédier aux faiblesses et fragilités de certains élèves.

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Roger Chudeau.

    M. Roger Chudeau (RN)

  • partager

    Vous affirmez vouloir revaloriser les rémunérations du corps enseignant. Réglons d’emblée le sort des 10 % d’augmentation pour tous. Avec une inflation qui s’élève en moyenne à 6 %, l’augmentation réelle sera de 4 %, ce qui correspond à environ 60 euros net par mois.

    M. Pap Ndiaye, ministre

  • partager

    Non !

    M. Roger Chudeau

  • partager

    On peut donc parler d’une aumône – presque d’une injure.
    J’en arrive aux 20 % promis aux signataires du pacte. Et d’abord, qu’est-ce qu’un pacte dans la fonction publique d’État ? Nous savons qu’il existe des statuts particuliers ou des obligations réglementaires de service mais nous ne connaissons point de pacte. Votre ligne politique est bien, en tous points, la déconstruction.
    Les professeurs qui obtiendront une revalorisation de 20 % de leur traitement devront – avez-vous expliqué – accepter des tâches supplémentaires : accompagnement à l’orientation, remplacement ou encore participation au projet d’établissement. Ces tâches ont toujours existé – vous le savez – et ont toujours été valorisées, sous la forme d’heures supplémentaires payées ou d’indemnités. Dès lors, il suffirait tout bonnement de revaloriser ces heures supplémentaires et ces indemnités. En revanche, nous n’avons pas besoin d’un pacte.
    S’agissant des remplacements, dont le chef de l’État a souhaité qu’ils interviennent dans la minute – je vous souhaite bon courage ! –, je vous signale tout de même, monsieur le ministre, que les remplacements sont prévus dans chaque établissement par un décret du 26 août 2005 que vos collaborateurs pourront vous mettre sur les yeux si vous le souhaitez. Évidemment, ce décret n’est pas appliqué, ce qui est bien dommage. Il suffirait en effet qu’il le soit pour que les remplacements de courte durée soient assurés dans l’établissement avec l’accord des personnels.
    Avec votre pacte, vous créez une opposition totalement factice entre des professeurs qui n’ont qu’un statut de base et des « superprofs pactés ». Vous avez choisi une revalorisation sous condition alors que vous auriez dû l’accorder à l’ensemble du corps enseignant pour reconnaître leur dignité. Vous passez à côté du vrai problème.
    Ma question est la suivante : pensez-vous que c’est en vous attaquant au statut du corps enseignant et en divisant celui-ci que l’on rétablira l’autorité du maître et la considération sociale qui lui est due ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. le ministre.

    M. Pap Ndiaye, ministre

  • partager

    Nous ne touchons pas au statut des professeurs. Celui-ci reste intact. Si nous avions dû y toucher – vous le savez pertinemment –, la procédure, autrement plus complexe, aurait duré plusieurs années.
    Je récuse également la formule que vous utilisez à propos des « superprofs » puisque le pacte sera proposé à tous les professeurs, quel que soit leur corps – professeurs des écoles, professeurs certifiés, professeurs agrégés –, ainsi qu’aux conseillers principaux d’éducation et aux psychologues de l’éducation nationale. Il n’y aura donc pas de hiérarchie créée par le pacte puisque celui-ci sera ouvert à toutes et tous. De surcroît, un professeur pourra s’engager dans le pacte une année, et se désengager plus tard en fonction de telle ou telle circonstance.
    Bref, le dispositif est souple, d’autant plus que les 3 750 euros seront divisés en trois blocs et que chaque professeur pourra prendre une, deux ou trois missions. Le pacte est ouvert à tout le monde et plus rémunérateur que le régime des heures supplémentaires actuel. C’est bien pourquoi, comme je l’indiquais, nous avons créé ce pacte, de manière à attirer un nombre suffisant de professeurs et à pouvoir construire des ensembles cohérents de missions, ce que le régime des heures supplémentaires ne peut pas permettre actuellement. Je suis donc tout à fait confiant : le pacte permettra d’améliorer le service scolaire, ce service que nous devons à nos élèves.

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Véronique Besse.

    Mme Véronique Besse (NI)

  • partager

    Nul besoin de constater tous les ans le décrochage de la France au classement Pisa, le Programme international pour le suivi des acquis des élèves, pour se rendre compte que l’école française est en grande difficulté, que le niveau scolaire baisse drastiquement et que c’est dramatique. Prenons-en toute la mesure.
    Dans la voie de l’amélioration, une des pierres de l’édifice passe, certes, par la revalorisation des salaires des professeurs. Nous nous accordons tous sur la nécessité de revaloriser de façon importante leur salaire, c’est un juste retour des choses au regard de leur rôle clef dans la société, à savoir l’instruction des jeunes Français. Cependant, monsieur le ministre, permettez-moi un pas de côté pour ne pas répéter ce qu’ont excellemment dit certains collègues avant moi : j’évoquerai donc l’affectation des professeurs, notamment par le biais du système de points.
    Comment se fait-il que les jeunes professeurs soient envoyés dans les établissements les plus difficiles – si je puis dire – alors qu’il s’agit de procéder à l’instruction des élèves et de leur inculquer le respect de la fonction professorale ? Il serait pertinent que les jeunes professeurs ne soient pas, au début de leur parcours, dépendants des choix de carrière de leurs aînés. En effet, on constate que les professeurs aguerris n’enseignent guère dans les établissements où il y aurait bien besoin de leur expérience puisque le système aboutit à ce que les enseignants expérimentés soient les premiers à pouvoir faire le choix de leur affectation – et, logiquement, ils choisissent les établissements les plus calmes. Les jeunes professeurs tout juste diplômés se retrouvent donc assez souvent mis à l’épreuve par certains élèves.
    Outre la revalorisation du salaire des professeurs, il s’agit donc de savoir si vous envisagez une évolution du système à points afin que les établissements dits difficiles puissent bénéficier de l’enseignement de professeurs expérimentés.

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. le ministre.

    M. Pap Ndiaye, ministre

  • partager

    Madame la députée Besse, vous soulevez en effet une question importante, celle de l’affectation des professeurs. Il se trouve que les académies qui ont besoin du plus grand nombre de professeurs, en ce qui concerne le second degré, ne sont pas toujours attirantes – je pense à celle de Créteil et à celle de Versailles… –, et que nous devons y faire venir des enseignants qui viennent parfois de loin, y compris d’outre-mer comme j’y ai fait allusion précédemment. Néanmoins, deux éléments permettent d’apporter un bémol à ce tableau.
    Tout d’abord, les primes d’éducation prioritaire ainsi que le dédoublement des classes, que ce soit dans les REP ou dans les réseaux d’éducation prioritaire renforcés (REP+), ont permis, ces dernières années, de fidéliser des enseignants, notamment des enseignants très expérimentés.

    M. Rodrigo Arenas

  • partager

    Ce n’est pas la question !

    M. Pap Ndiaye, ministre

  • partager

    Par conséquent, y compris dans des zones très défavorisées et réputées difficiles, il y a des équipes d’enseignants dont le renouvellement n’est pas aussi élevé qu’on pourrait le penser.
    Le second élément, c’est l’existence de postes à profil, un dispositif qui permet de recruter des enseignants non pas indépendamment du mouvement national, mais d’une manière qui ne tient pas seulement compte du nombre de points acquis et de l’ancienneté. C’est particulièrement vrai pour les ultramarins et je souhaite développer les postes à profil afin sinon d’éviter du moins de limiter des déplacements qui peuvent se révéler très difficiles pour ces professeurs et pour leurs familles.

    Mme la présidente

  • partager

    Le débat est clos.

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente

  • partager

    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures quinze.)

    Mme la présidente

  • partager

    La séance est reprise.

    2. Bilan de la loi confortant le respect des principes de la République

    Mme la présidente

  • partager

    L’ordre du jour appelle le débat sur le bilan de la loi confortant le respect des principes de la République.
    La conférence des présidents a décidé d’organiser ce débat en deux parties : dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, puis le Gouvernement ; nous procéderons ensuite à une série de questions-réponses.
    La parole est à Mme Sabrina Agresti-Roubache.

    Mme Sabrina Agresti-Roubache (RE)

  • partager

    Née d’une initiative du Président de la République lors de son discours aux Mureaux le 2 octobre 2020, la loi confortant le respect des principes de la République (CRPR) a été promulguée voilà deux ans. Le Président de la République avait, avec engagement et conviction, appelé à un sursaut pour défendre les valeurs de la République et pour s’opposer au repli communautaire et au séparatisme sous toutes leurs formes.
    Bien que portée par les valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité et de laïcité, notre société est confrontée à différentes formes de repli communautaire qui vont à l’encontre des principes républicains – jusqu’à parfois les menacer.
    Ce repli polymorphe s’observe dans différentes couches de la société et dans différents territoires, comme certains quartiers populaires ; il se traduit par des comportements incompatibles avec les principes fondateurs de notre contrat social : attitude de certains élèves ou de leurs parents dans la sphère scolaire ; prosélytisme d’associations ; comportements inacceptables de membres ou d’usagers des services publics.
    Face à toutes ces formes de séparatisme – islamiste, d’ultragauche…

    Mme Danielle Simonnet

  • partager

    « Ultragauche » ? Cette intervention est déjà insupportable !

    Mme Sabrina Agresti-Roubache

  • partager

    …ou d’ultradroite – (Mme Anne-Laure Blin s’exclame), l’État agit et déploie des moyens juridiques pour protéger la République et préserver notre capacité à vivre ensemble.
    Pour l’accompagner, nos collègues de la majorité qui siégeaient dans cette assemblée lors de la précédente législature ont adopté la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République. Elle a donné davantage de moyens à la puissance publique pour lutter plus efficacement contre tous les ennemis de la République, partout dans le territoire.
    Depuis 2017, la lutte contre toutes les formes de séparatisme est une priorité du Gouvernement et de la majorité. Nous avons d’abord déployé des plans de lutte contre la radicalisation dans les quartiers, puis créé des cellules de lutte contre l’islamisme et le repli communautaire ; aujourd’hui, nous dressons le bilan des dispositifs de la loi confortant le respect des principes de la République. Notre action porte ses fruits : elle a produit des résultats remarquables.
    Depuis 2018, 27 945 opérations de contrôle ont été menées, soit plus de dix par jour ; 906 établissements recevant du public ont été fermés, de manière temporaire ou définitive ;…

    M. Frédéric Boccaletti

  • partager

    Combien de l’ultradroite ?

    Mme Sabrina Agresti-Roubache

  • partager

    …55,9 millions d’euros ont été redressés ou recouvrés ; 601 signalements ont été effectués au titre de l’article 40 du code de procédure pénale.
    En 2022, nous sommes allés encore plus loin : l’instruction en famille (IEF) a reculé de 29 % ; quarante-sept établissements scolaires privés hors contrat à visée séparatiste ont fait l’objet de contrôles, parmi lesquels six ont été définitivement fermés par les préfets ; cinq associations salafistes ont été dissoutes – l’époque où l’on pouvait proférer des prêches radicaux en toute impunité est révolue. (Mme Anne-Laure Blin s’exclame.)
    Ce bilan est aussi le résultat de la mobilisation des préfectures et des acteurs territoriaux : les préfets encouragent l’utilisation des nouveaux outils créés par la loi dans tous les départements. Je salue tous les services de l’État qui permettent de faire vivre cette loi et qui œuvrent à son application au quotidien.
    Vous l’aurez compris, mes chers collègues, la loi du 24 août 2021 constitue un acquis majeur, qui renforce notre arsenal juridique contre les séparatismes. Parce que la République est notre bien commun le plus précieux, l’adhésion des citoyens qui la composent est un impératif. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Caroline Colombier.

    M. Frédéric Boccaletti

  • partager

    Excellent !

    Mme Caroline Colombier (RN)

  • partager

    Voilà près de deux ans qu’a été promulguée la loi pompeusement intitulée « confortant le respect des principes de la République ».
    À l’époque de son élaboration, le Rassemblement national avait approuvé la justesse du constat sur la gravité de la situation. Il avait même inspiré le Gouvernement s’agissant des mesures à prendre :…

    M. Alexis Corbière

  • partager

    La main dans la main…

    Mme Caroline Colombier

  • partager

    …supprimer les enseignements de langue et de culture d’origine ; interdire la venue de ministres du culte étrangers ; fermer les clubs sportifs qui pratiquent le communautarisme en droit ou en fait.
    Si son titre initial était « loi contre le séparatisme », le Gouvernement s’était finalement résigné à appeler ce texte par une formule de novlangue dont il a seul le secret, et qui a pour avantage de ne pas désigner l’ennemi. Car ce changement de nom, témoin de la couardise de ce texte, en révèle la vacuité. Nous remercions donc la majorité d’avoir mis à l’ordre du jour un point d’étape sur ce texte, lequel constitue un habile écran de fumée, symbole de l’inaction et du laxisme de l’État.

    M. Emeric Salmon

  • partager

    Oui !

    M. Frédéric Boccaletti

  • partager

    Bravo !

    Mme Caroline Colombier

  • partager

    Car oui, cette loi est avant tout un camouflet ! Alors que son but initial était de lutter contre l’islamisme radical, le gouvernement de l’époque a trouvé comme seule solution de restreindre les libertés des Français. En décidant d’être fort avec les faibles et faible avec les forts, il a contraint les Français à renoncer encore davantage à leurs libertés.
    Vous avez ainsi considérablement réduit la possibilité pour les parents de recourir à l’instruction en famille,…

    M. Emeric Salmon

  • partager

    C’est clair !

    Mme Caroline Colombier

  • partager

    …les incitant à confier leurs enfants à la tutelle bienveillante de l’État et de sa si efface éducation nationale.

    M. François Cormier-Bouligeon

  • partager

    Eh oui !

    Mme Caroline Colombier

  • partager

    À ce sujet, nous n’avons d’ailleurs encore reçu aucune réponse à nos questions écrites relatives au taux de délivrance d’autorisations d’IEF par les académies. Cette loi s’est donc transformée en tour de force sécuritaire contre les citoyens honnêtes, compte tenu des atteintes portées aux libertés de culte, d’enseignement et d’association par le contrat d’engagement républicain (CER), à l’heure où l’on prend connaissance du scandale du fonds Marianne, que Mme la secrétaire d’État chargée de l’économie sociale et solidaire et de la vie associative semble utiliser à des fins opaques.
    Toutefois, la faute capitale de cette loi, c’est d’avoir fait l’impasse sur l’essentiel des mesures à prendre. Des pans entiers des menaces séparatistes ont été minimisés au cours des débats : silence sur l’interdiction des idéologies salafistes et des Frères musulmans, sur la réforme du code de la nationalité, sur l’expulsion des semeurs de haine, sur les revendications islamistes dans l’entreprise ou à l’école. (Mme Anne-Laure Blin s’exclame.)
    Dans les faits, en multipliant les petits renoncements et les petites capitulations du quotidien, l’État a même favorisé la progression des séparatismes qui gangrènent notre pays. Depuis dix-huit mois, en effet, avec le rapatriement des familles de djihadistes, le laxisme dans le contrôle de l’immigration illégale et la latitude laissée aux élus locaux d’encourager le symbole du voile, la schizophrénie s’est emparée de nos élites. (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Par ailleurs, la loi n’a pas apporté de réponse aux autres formes de séparatisme qui émergent peu à peu à l’ombre de la complaisance étatique : la zadisation du territoire s’accélère, des milices patrouillent dans les banlieues, les communautarismes divers se multiplient, allant de l’écologie radicale au wokisme intégral.

    M. Benjamin Lucas

  • partager

    Ah oui, carrément !

    Mme Caroline Colombier

  • partager

    Eu égard à ces constats, le groupe Rassemblement national, avec sa proposition de loi visant à combattre les idéologies islamistes, propose toujours des solutions simples…

    M. François Cormier-Bouligeon

  • partager

    Simplistes !

    Mme Caroline Colombier

  • partager

    …et efficaces : interdire la manifestation et la diffusion publique de ces idéologies, ainsi que les pratiques qui s’en réclament ; empêcher le prosélytisme dans la fonction publique et dans l’entreprise ; protéger les lanceurs d’alerte ; interdire les tenues radicales dans l’espace public ; lutter contre toute discrimination commise en leur nom ; interdire le burkini ; instaurer le port de l’uniforme à l’école – mesure à laquelle vous vous êtes opposés récemment.
    Ainsi, à l’heure du débat, les conclusions s’imposent à la représentation nationale : si nous voulons véritablement défendre les principes de notre pays et lutter contre les séparatismes, le mieux est d’élire Marine Le Pen à la présidence de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Protestations sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    Mme Sabrina Agresti-Roubache

  • partager

    Ah non !

    Mme Anne-Laure Blin

  • partager

    Non !

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Alexis Corbière.

    M. Alexis Corbière (LFI-NUPES)

  • partager

    En janvier et février 2021, nous avons effectivement passé plusieurs semaines à débattre de ce qui deviendrait la loi appelée à tort « confortant le respect des principes de la République », texte que le public connaît sous son appellation de « loi contre le séparatisme ».
    Le groupe La France insoumise, attaché à la laïcité – la laïcité réelle, celle qui émancipe, qui interdit le financement public des religions, qui défend la séparation des Églises et de l’État et ne peut donc tolérer que la loi de 1905 ne soit pas appliquée dans tout le territoire, la laïcité qui assure la liberté de conscience, donc la liberté de croire ou de ne pas croire – a voté contre cette loi.
    Ce texte était en effet à nos yeux – il l’est toujours – inutile pour défendre la laïcité. Il vise plutôt à dessiner de nouvelles cibles, au nom du concept fumeux de séparatisme. Vous avez tant de mal à le définir que Mme Agresti-Roubache, qui s’est exprimée au nom du groupe Renaissance, nous a annoncé qu’il existait désormais un séparatisme d’ultragauche.

    Mme Sabrina Agresti-Roubache et Mme Nadia Hai

  • partager

    Eh oui !

    M. Frédéric Boccaletti

  • partager

    Et d’ultradroite !

    M. François Cormier-Bouligeon

  • partager

    D’ultragauche et d’ultradroite !

    M. Alexis Corbière

  • partager

    Et d’ultradroite !
    De quoi s’agit-il, puisque, finalement, tout est séparatisme ?

    M. Arnaud Le Gall

  • partager

    En effet, ils sont dangereux sans même s’en rendre compte !

    M. Alexis Corbière

  • partager

    J’en connais un, de séparatisme, celui d’un groupe radicalisé qui veut imposer à l’ensemble du pays une loi dont celui-ci ne veut pas ! De mon point de vue, c’est bien un séparatisme. (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)
    Ne riez pas, chers collègues ! Le 10 janvier 2022, Le Monde écrivait à propos de cette loi : « L’État français s’est doté d’un arsenal de coercition et de répression sans équivalent pour combattre ce que ses services ont pourtant encore le plus grand mal à définir. Car le concept de "séparatisme islamiste" demeure flou. » Cette loi est dangereuse…

    Mme Caroline Parmentier

  • partager

    Pour qui ?

    M. Alexis Corbière

  • partager

    …en raison des outils législatifs et administratifs qu’elle crée.

    M. Arnaud Le Gall

  • partager

    Donnez plutôt des moyens à la DGSI !

    M. Alexis Corbière

  • partager

    Dans l’émotion légitime qui avait suivi l’assassinat ignoble de l’enseignant Samuel Paty, auquel je rends encore une fois hommage au nom de mon groupe (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES), vous aviez organisé ce grand déballage verbal. Idéologiquement, vous n’avez pas combattu le fanatisme religieux islamique, mais vous avez renforcé l’extrême droite. (Mêmes mouvements.) Nous l’avions annoncé et le résultat de l’élection présidentielle nous a donné raison. Vous avez soufflé si fort dans les voiles idéologiques de l’extrême droite que cette loi devrait s’appeler loi Le Pen-Zemmour. Un récent sondage montre encore votre échec.

    M. François Cormier-Bouligeon

  • partager

    C’est vous qui les faites monter en permanence !

    M. Alexis Corbière

  • partager

    Le problème : cette loi était en réalité idéologique ; sans aucun effet sur le terrain, elle ne visait qu’à fabriquer des conversations permanentes afin de faire croire que c’est parce que nos concitoyens de confession musulmane ne s’organiseraient pas bien que des terroristes islamiques frappent le pays, ce qui n’a aucun rapport.

    Mme Nadia Hai

  • partager

    Islamiste, pas islamique ! C’est une nuance importante !

    M. Alexis Corbière

  • partager

    Puisque vous me coupez la parole, chère collègue, votre bilan…

    Mme Nadia Hai

  • partager

    Ah non !

    M. Alexis Corbière

  • partager

    Si, madame ! Nous allons bien rire. Un dossier de presse du ministère défend cette loi adoptée en 2021 et en dresse le bilan. Or il cite des chiffres qui datent de 2018. (L’orateur montre un document.)

    Mme la présidente

  • partager

    Merci de ne pas montrer de document, monsieur Corbière.

    M. Alexis Corbière

  • partager

    Madame, il s’agit d’un dossier de presse ministériel.

    Mme la présidente

  • partager

    Quand bien même.

    M. Alexis Corbière

  • partager

    C’est dire combien votre bilan est inexistant ! Vous alignez des chiffres sans rapport avec le sujet, montrant que cette loi n’a rien produit, si ce n’est une compilation de faits, comme les 26 000 contrôles que vous avez évoqués et les 836 établissements fermés, ce qui n’a rien à voir avec la loi.

    M. Benjamin Lucas

  • partager

    Eh oui !

    M. Alexis Corbière

  • partager

    Le fait que vous présentiez ces chiffres montre que cet attirail législatif n’apporte en vérité rien de nouveau…

    M. Benjamin Lucas

  • partager

    Il est inutile !

    M. Alexis Corbière

  • partager

    …mais que vous gesticulez pour faire croire que vous avez agi – c’est bien le problème.

    Mme Nadia Hai

  • partager

    Vous n’avez pas écouté Sabrina Agresti-Roubache ! Ce n’est pas bien !

    M. Alexis Corbière

  • partager

    Où en sommes-nous ? Il existe un élément concret : les 30 % de refus d’autorisation d’instruction en famille. J’ai été très assidu aux auditions préparatoires à l’examen du texte. Nous avons entendu des familles qui pratiquent l’IEF. Je le dis sans détours : je suis favorable à l’école publique et à ce que les parents envoient leurs enfants à l’école. Néanmoins, j’ai découvert ceux de nos concitoyens qui, pour de nombreuses raisons, pratiquent l’instruction en famille : leur démarche n’a rien à voir avec l’islamisme radical. Rien ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)

    Mme Anne-Laure Blin

  • partager

    Ah ! Lui-même le dit !

    Mme Nadia Hai

  • partager

    Ce n’est pas ce que nous avons dit !

    M. Alexis Corbière

  • partager

    Vous n’avez pas démontré le contraire. Or ces pauvres familles ont été les victimes de votre histoire tendant à faire croire que c’était le cas.

    M. François Cormier-Bouligeon

  • partager

    Tartuffe !

    M. Alexis Corbière

  • partager

    Et aujourd’hui vous agitez des chiffres qui n’ont aucun lien avec le sujet ! On peut être pour ou contre l’instruction en famille – pour ma part, j’étais favorable au renforcement du contrôle de l’éducation nationale sur ces familles –,…

    M. François Cormier-Bouligeon

  • partager

    Mais quel hypocrite !

    M. Alexis Corbière

  • partager

    …mais cela n’a rien à voir avec l’islamisme radical ! Ce résultat est honteux (Mme Nadia Hai proteste), il montre bien que vous agitez des thèmes et des chiffres mais que, concrètement, vous n’avez rien.

    Mme Caroline Parmentier

  • partager

    Il a raison !

    M. Alexis Corbière

  • partager

    Je termine – Mme Simonnet y reviendra – avec le scandale du fonds Marianne. Honte à vous ! Honte à vous, et vous nous devez des comptes ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) Nous apprenons par la presse que 2,7 millions d’euros ont été détournés au profit d’une fumeuse association pour l’union des sociétés d’éducation physique et de préparation militaire.

    M. Arnaud Le Gall

  • partager

    Entre copains…

    Mme la présidente

  • partager

    Merci de conclure, cher collègue !

    M. Alexis Corbière

  • partager

    Un militant qu’on connaît très bien, proche du Gouvernement, a ainsi touché un salaire confortable pour répandre l’idéologie macroniste. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) Nous combattons le macronisme et nous ne nous laisserons pas impressionner par vos textes fumeux ou, une fois de plus, par votre faux bilan. (M. François Cormier-Bouligeon proteste.)

    Mme la présidente

  • partager

    Merci.

    M. Alexis Corbière

  • partager

    En particulier M. Cormier-Bouligeon, ce provocateur systématique, devrait avoir honte de son attitude, et du mauvais… (Mme la présidente coupe le micro de l’orateur. – Les députés du groupe LFI-NUPES, certains debout, applaudissent vivement. – M. Benjamin Lucas et Mme Caroline Parmentier applaudissent également.)

    Mme la présidente

  • partager

    Cher collègue, vous avez dépassé votre temps de parole. Je vous remercie.
    La parole est à Mme Anne-Laure Blin. (Exclamations continues sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Alexis Corbière

  • partager

    Donnez-nous des chiffres !

    Mme la présidente

  • partager

    S’il vous plaît, mes chers collègues. La parole est à Mme Anne-Laure Blin, et à elle seule.

    M. Alexis Corbière

  • partager

    On veut des comptes ! Cormier-Bouligeon a dû en profiter !

    Mme la présidente

  • partager

    Si vous voulez vous parler, sortez de l’hémicycle ! La parole est à Mme Blin.

    Mme Anne-Laure Blin

  • partager

    Depuis plusieurs décennies,…

    M. François Cormier-Bouligeon

  • partager

    Je demande la parole, je viens d’être mis en cause !

    Mme la présidente

  • partager

    Je suis désolée, c’est Mme Blin qui a la parole, c’est ainsi que notre assemblée fonctionne !

    M. François Cormier-Bouligeon

  • partager

    Vous avez entendu, madame la présidente, j’ai été mis en cause personnellement !

    Mme la présidente

  • partager

    Dans ce cas, vous ferez un rappel au règlement. J’ai déjà donné la parole à Mme Blin, aussi devrez-vous attendre la fin de son intervention avant que je ne vous laisse vous exprimer à votre tour. (M. Alexis Corbière proteste.)

    M. François Cormier-Bouligeon

  • partager

    Vous allez en répondre, Corbière !

    M. Alexis Corbière

  • partager

    Je suis menacé par M. Cormier-Bouligeon, qui est un provocateur !

    M. François Cormier-Bouligeon

  • partager

    Moi, je suis honnête !

    Mme la présidente

  • partager

    S’il vous plaît, mes chers collègues, veuillez baisser d’un ton ! Vous aurez la parole tout à l’heure pour des rappels au règlement si vous le souhaitez. Madame Blin, vous seule avez la parole.
    La parole est à Mme Anne-Laure Blin.

    Mme Anne-Laure Blin (LR)

  • partager

    Depuis plusieurs décennies, la France vit sous la menace terroriste islamiste ; notre pays est l’un des plus menacés. L’attaque n’est plus seulement exogène, elle est aussi endogène car les terroristes islamistes naissent, grandissent, vivent et frappent sur notre territoire. C’est bien contre ces deux menaces que nous devions lutter ; la loi confortant le respect des principes de la République devait y contribuer. Que pouvons-nous en dire, deux ans après son adoption ?
    Si le Président de la République, aux Mureaux, avait dénoncé avec une certaine fermeté le séparatisme ; si le Gouvernement et les parlementaires de l’époque semblaient enfin oser nommer les problèmes, le texte est tout de même resté sans grand effet.
    Pourquoi ? Parce que certains sujets ont été éludés, à commencer par les prisons, pour lesquelles nous constatons une absence totale d’investissements. Elles sont pourtant un élément central du séparatisme et l’un des plus fertiles terreaux de la radicalisation depuis une trentaine d’années. La loi ne prévoit rien non plus au sujet de l’immigration – et ce n’est pas la récente annonce par le Gouvernement du report de son projet de loi qui me contredira. De même, elle ne prévoit rien concernant la radicalisation dans l’école publique, où le nombre de signalements d’atteintes à la laïcité ne cesse d’augmenter. Fin septembre, le comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) pointait un regain d’intérêt pour le port du qamis ou de l’abaya ; et sur les réseaux sociaux, les vidéos se multiplient pour encourager les jeunes à contourner la loi de 2004.
    La loi ne prévoit rien non plus concernant les associations sportives, pourtant clairement en proie au prosélytisme religieux et au communautarisme. Madame la secrétaire d’État, dois-je vous rappeler le flottement qui avait régné au sein du Gouvernement l’an dernier, lorsque nous avions évoqué, dans cette enceinte, l’interdiction du port du voile lors des compétitions sportives ?

    Mme Caroline Parmentier

  • partager

    Eh oui !

    Mme Anne-Laure Blin

  • partager

    Il n’y a rien non plus pour lutter contre les séparatismes rampants à l’université : certains présidents sont pourtant toujours confrontés à la multiplication des prières dans les couloirs et dans les salles de cours…

    Mme Caroline Parmentier

  • partager

    Tout est normal !

    Mme Nadia Hai

  • partager

    C’est un fantasme d’extrême droite !

    Mme Anne-Laure Blin

  • partager

    …comme à Sorbonne Paris Nord, Reims ou Toulouse I ; des réunions y sont organisées, dont les participants sont filtrés en fonction de leur sexe ou de leur couleur de peau.

    Mme Caroline Parmentier

  • partager

    Tout est normal !

    Mme Anne-Laure Blin

  • partager

    Il s’agit pourtant bien de séparatisme ! C’est peut-être pour cela qu’on parle désormais davantage de wokisme, terme plus enjôleur, plus politiquement correct et bien plus à la mode.
    Je crains que les objectifs de cette loi n’aient pas été atteints, malgré un magnifique affichage. Ce sont toujours de vaines paroles, même quand vous évoquez les moyens que vous lui avez consacrés. La presse a ainsi révélé, il y a quelques jours, l’utilisation douteuse des subventions du fonds Marianne, laquelle n’a pas été contrôlée.

    Mme Caroline Parmentier

  • partager

    Vous devriez avoir honte !

    M. Arnaud Le Gall

  • partager

    Nous devons être les seuls, ici, à ne pas avoir touché d’argent provenant du fonds Marianne…

    Mme Anne-Laure Blin

  • partager

    Ce fonds, de plus de 2 millions d’euros, visait à financer des associations ou des personnes menant des actions de promotion des valeurs de la République et de lutte contre les discours séparatistes, notamment en ligne. Madame la secrétaire d’État, aurons-nous droit à plus de transparence à ce sujet ?

    M. Benjamin Lucas

  • partager

    Ce n’est pas leur genre !

    Mme Anne-Laure Blin

  • partager

    Dix-sept dossiers seulement ont été retenus et quatre associations se partagent 1,3 million d’euros. À qui ces fonds ont-ils été versés et pour quelles actions ? Il me semble nécessaire de répondre devant nous à ces questions.
    Je ne peux pas terminer mon intervention sans évoquer le sacrifice des libertés individuelles et des libertés fondamentales imposé par ce texte. Deux ans plus tard, je continue à dire que le Gouvernement a sacrifié la liberté d’éducation des familles en interdisant l’instruction en famille.

    Un député du groupe RN

  • partager

    C’est clair !

    Mme Anne-Laure Blin

  • partager

    Vous me rétorquerez que ce n’est pas une interdiction, mais un régime d’autorisation : cela revient au même. Lorsque l’on examine les pratiques sur le terrain, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Les chiffres accessibles, devrais-je préciser, car malgré plusieurs demandes, ni le directeur général de l’enseignement scolaire (DGESCO) ni le ministre de l’éducation nationale ne m’ont communiqué de chiffres officiels.

    Mme Caroline Parmentier

  • partager

    Scandaleux ! Quel Gouvernement !

    Mme Anne-Laure Blin

  • partager

    Peut-être réservez-vous à la représentation nationale la primeur des chiffres des rentrées scolaires depuis 2019 ? En tout état de cause, lors de la dernière rentrée, les refus d’autorisation ont été massifs et inégalitaires sur le territoire. Le flou qui entoure l’efficacité de cette mesure démontre à l’évidence qu’elle était clairement éloignée de la cible.
    Notre impératif pour les Français consiste à placer des garde-fous, des digues, pour éliminer toutes les menaces qui peuvent gangrener, lentement mais sûrement, la société ; toutes les menaces qui font perdre à la France son visage ; toutes les menaces qui, petit à petit, nous font penser que la France ne sera plus la France. Madame la secrétaire d’État, vous n’avez pas le droit à l’erreur : le « en même temps » n’a pas sa place en ce domaine. Avec cette loi, nous y sommes pourtant, les deux pieds dedans ! Je le regrette vivement. (Mmes Caroline Colombier et Caroline Parmentier applaudissent.)

    Mme Caroline Parmentier

  • partager

    Très bien !

    Rappels au règlement

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. François Cormier-Bouligeon, pour un rappel au règlement.

    M. Alexis Corbière

  • partager

    Faites attention aux provocations !

    M. François Cormier-Bouligeon

  • partager

    Il se fonde sur l’article relatif aux mises en cause personnelles dans l’hémicycle.

    Mme Danielle Simonnet

  • partager

    Quel est son numéro ?

    M. François Cormier-Bouligeon

  • partager

    C’est l’article 70. En descendant de la tribune, notre collègue Corbière, qui venait de parler d’un fonds – sur lequel Mme la secrétaire d’État reviendra peut-être –, m’a personnellement mis en cause en disant : « M. Cormier-Bouligeon a sûrement touché de l’argent de ce fonds. » – j’espère que cela figure au compte rendu de la séance.

    Mme Danielle Simonnet

  • partager

    Ce n’est pas ce que nous avons entendu !

    M. Alexis Corbière

  • partager

    C’est faux, je n’ai jamais dit ça !

    M. François Cormier-Bouligeon

  • partager

    Il l’a dit juste avant l’intervention de notre collègue Blin. (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Madame la présidente, je veux rappeler que je suis extrêmement sourcilleux et vétilleux quant à mon intégrité personnelle. Je n’ai de revenus que mon indemnité parlementaire, monsieur Corbière ; cette information est publique.

    M. Alexis Corbière

  • partager

    Vous êtes un provocateur, je n’ai pas tenu les propos que vous me prêtez !

    M. François Cormier-Bouligeon

  • partager

    Issu d’une famille modeste et député de la première circonscription du Cher, représentant de familles modestes, je tiens à mon intégrité, parce qu’elle fait de moi un député modèle, insoupçonnable.

    M. Alexis Corbière

  • partager

    Taisez-vous, vous n’avez aucune intégrité morale !

    M. François Cormier-Bouligeon

  • partager

    Et vous, monsieur Corbière, qui avez été mis en cause dans des affaires liées au financement de la campagne de M. Mélenchon, je vous interdis de remettre en cause mon intégrité…

    Mme la présidente

  • partager

    Je vous remercie, cher collègue. (Le micro de l’orateur est coupé.)

    M. François Cormier-Bouligeon

  • partager

    Je souhaite que le bureau de l’Assemblée soit saisi de cette mise en cause. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

  • partager

    C’est noté au compte rendu et votre rappel au règlement est terminé. La parole est à M. Alexis Corbière, pour un rappel au règlement. Sur quel fondement, cher collègue ?

    M. Alexis Corbière

  • partager

    On va calmer les choses. Monsieur Cormier-Bouligeon, vous avez profité du contexte d’attaques créé par l’examen de cette loi pour régulièrement m’insulter. Voilà ce que j’ai dit !

    M. François Cormier-Bouligeon

  • partager

    Non, il a parlé du fonds Marianne !

    M. Alexis Corbière

  • partager

    Monsieur Cormier-Bouligeon, j’ai dit, précisément, que vous aviez profité du contexte. Je n’ai jamais prononcé la phrase que vous avez mentionnée.
    Par ailleurs, vous avez parlé de votre intégrité ; or j’affirme que vous n’avez pas d’intégrité morale puisqu’à plusieurs reprises vous nous avez traités d’islamistes et d’islamo-gauchistes,…

    M. Julien Odoul

  • partager

    C’est pourtant bien vrai !

    M. Alexis Corbière

  • partager

    …avec une haine systématique.
    Vos amis politiques sont ceux qui ont touché des subventions du fonds Marianne : je ne dis pas autre chose ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.) Les mêmes qui nous donnent des leçons sont financés par des fonds publics, par le Gouvernement ; cela m’insupporte, moi qui suis issu d’un milieu modeste et qui veille à la bonne utilisation de l’argent public. Voilà ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

  • partager

    Ces rappels au règlement ayant été faits, nous allons reprendre nos débats.

    M. François Cormier-Bouligeon

  • partager

    Vous reculez parce que vous avez peur, Corbière ! (Protestations et rires sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme Caroline Parmentier

  • partager

    Madame la présidente, ce n’est pas respectable ! Qu’est-ce que c’est que ce pugilat ? Tumulte !

    Mme la présidente

  • partager

    Chers collègues, je vous invite à reprendre les débats sereinement ; le sujet est suffisamment important. Si vous souhaitez poursuivre vos conversations, je vous invite à le faire en dehors de l’hémicycle.

    Bilan de la loi confortant le respect des principes de la République (suite)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Olivier Falorni.

    M. Olivier Falorni (Dem)

  • partager

    Je voulais parler de la laïcité, joyau de concorde et de paix : ça commence mal. La loi dont il est ici question avait entamé son histoire avec un symbole. En choisissant la date du 9 décembre pour sa présentation en conseil des ministres, le gouvernement de l’époque avait marqué sa volonté de s’inscrire dans la lignée de la loi de séparation des Églises et de l’État de 1905. La référence, manifeste, n’était pas pour me déplaire, bien au contraire…

    Mme Caroline Parmentier

  • partager

    C’est prétentieux !

    M. Olivier Falorni

  • partager

    …tant cette loi constitue, 118 ans après, la clé de voûte de la laïcité, laquelle est devenue à son tour la clé de voûte de la République. Le débat de ce jour nous permet justement de parler de laïcité et je ne vais pas m’en priver.

    Mme Caroline Parmentier

  • partager

    Vous avez été lamentable !

    Mme Caroline Fiat

  • partager

    Tumulte !

    M. Olivier Falorni

  • partager

    La laïcité, joyau de paix et de concorde, n’est pas un glaive mais un bouclier.

    Un député du groupe RN

  • partager

    C’est un glaive contre les catholiques !

    M. Olivier Falorni

  • partager

    Puisqu’elle nous protège, nous devons aussi la protéger. C’est l’une des grandes ambitions de la loi dont nous parlons ce soir. Pendant de trop nombreuses années, la laïcité n’a pas été suffisamment défendue et ses défenseurs n’ont pas été assez entendus. Hélas, elle est toujours frontalement attaquée par les prêcheurs de haine, accompagnés régulièrement, ici et là, de quelques idiots utiles qui ont visiblement oublié ce qu’est l’universalisme républicain.
    La remise en cause de la laïcité prend moins souvent la forme d’une contestation frontale que celle d’une édulcoration sournoise – c’est peut-être le plus inquiétant. Les adjectifs dont certains affublent le mot de laïcité – laquelle devrait être « ouverte », « inclusive » ou « positive » – sont des parasites qui, telle une tique, ne se fixent sur ce substantif que pour mieux le vider de sa propre substance.
    Depuis des années, les accommodements, les renoncements, les petites et les grandes lâchetés, et les aveuglements volontaires se sont accumulés dans l’espoir mortifère d’acheter soit la paix sociale, soit des clientèles électorales et souvent les deux. Le résultat de ce lâche et coupable aveuglement est sous nos yeux : la montée des communautarismes et des séparatismes, l’essor alarmant des fondamentalismes et l’émergence, au cœur même de la communauté nationale, de véritables projets de contre-société intégriste.

    Mme Caroline Parmentier

  • partager

    À qui la faute ?

    M. Olivier Falorni

  • partager

    Le combat pour la laïcité nécessite de l’autorité, mais aussi de la conviction et de la pédagogie, pour donner un sens, un horizon et une espérance.

    M. Benjamin Lucas

  • partager

    La pédagogie, ce n’est pas votre fort !

    M. Olivier Falorni

  • partager

    Il exige aussi de traduire dans les faits la promesse républicaine : il ne peut y avoir de République laïque forte sans une République sociale juste et efficace. Lutter contre le séparatisme, c’est aussi lutter pour l’égalité des chances et contre les ségrégations sociales et territoriales.

    Mme Anne-Laure Blin

  • partager

    Et la loi ?

    M. Olivier Falorni

  • partager

    Georges Clemenceau disait : « […] faut savoir ce qu’on veut ; quand on le veut, il faut avoir le courage de le dire, et, quand on le dit, il faut avoir le courage de le faire. » Si nous voulons que Marianne, abandonnée par tant de renoncements et de lâchetés, redresse la tête, il faut en effet du courage. Cette loi n’en manque pas, face à ce séparatisme, mais aussi face à l’entrisme des ennemis de la République, prêcheurs de haine et promoteurs d’une société fondée sur le rejet de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et de tous nos principes fondamentaux.
    En parlant de courage, je ne peux pas conclure sans parler de tous ceux, dessinateurs, journalistes, écrivains, artistes, enseignants, juges, policiers, citoyens de tous horizons et de toutes professions…

    Mme Anne-Laure Blin

  • partager

    Il fallait y penser avant ! Après, il est trop tard !

    M. Olivier Falorni

  • partager

    …qui se battent depuis des années pour sauver notre modèle républicain au prix de menaces de mort permanentes, voire de leur propre vie.

    Mme Caroline Parmentier

  • partager

    Il faut les défendre et les protéger !

    Mme Caroline Fiat

  • partager

    « Menaces de mort » ? Il fallait ajouter les politiques alors !

    M. Olivier Falorni

  • partager

    Mes chers collègues, au lieu de hurler et de brailler,…

    Mme Caroline Fiat

  • partager

    Le tumulte, il est là-bas ! (Mme Caroline Fiat désigne les bancs où siège le groupe RN.)

    M. Olivier Falorni

  • partager

    …soyons à la hauteur de leur combat pour que vive la République laïque et démocratique. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    Mme Caroline Parmentier

  • partager

    Ce n’est pas gagné !

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Gérard Leseul.

    M. Gérard Leseul (SOC)

  • partager

    Il y a deux ans, lors du vote de la loi confortant le respect des principes de la République – autrement connue sous le nom de loi contre le séparatisme –, le groupe Socialistes et apparentés avait très clairement exprimé non seulement son inquiétude vis-à-vis de ce projet, mais aussi la vive inquiétude de l’ensemble du secteur associatif. L’épreuve du temps n’a fait que renforcer nos craintes.
    Dans un avis de janvier 2021, la Défenseure des droits identifiait déjà un risque d’atteinte à la liberté d’association, notamment par le conditionnement de l’attribution de subventions à la signature d’un contrat d’engagement républicain. Avec cette disposition phare, la loi opère un retournement, en mettant les associations dans une position où il ne leur est plus simplement demandé de ne pas commettre d’infractions, mais aussi de s’engager positivement, explicitement, dans leur finalité comme dans leur organisation, sur des principes qui sont ceux de la puissance publique. Pour la Défenseure des droits, un tel renversement fait courir le risque de dénaturer en partie le statut des associations, qui sont des tiers essentiels entre le citoyen et la puissance publique.
    Durant les discussions, nous vous avions aussi alertés sur la vive inquiétude des collectivités locales quant au risque de confier au pouvoir réglementaire la définition du cadre s’appliquant à toute association leur demandant des subventions.
    Il est possible de s’interroger, globalement, sur l’efficacité réelle de cette loi. Dans le texte, l’emploi du terme séparatisme et la focalisation d’une lutte contre l’islamisation sont prééminents et traduisent probablement une volonté de jouer sur les peurs autant que d’agir réellement. Cette loi n’a fait qu’accompagner, voire hystériser, la hausse du sentiment islamophobe, au risque d’encourager une forme de séparatisme au sens premier du terme, c’est-à-dire un repli sur sa communauté.

    M. Julien Odoul

  • partager

    Ça n’existe pas, l’islamophobie !

    M. Gérard Leseul

  • partager

    Plus d’un tiers des articles de la loi confortant le respect des principes de la République visent à renforcer des dispositifs de contrôle et près d’un quart d’entre eux définissent des peines d’emprisonnement. Si le but réel de cette loi est de garantir le respect des principes républicains, on ne peut que regretter la prééminence des dispositions ajoutant des contraintes et des sanctions, tout comme l’absence de dispositions relatives à la mixité sociale, ainsi qu’à la lutte contre les relégations et les discriminations, qui sont souvent le terreau sur lequel se développent les idéologies radicales amenant au séparatisme.
    Dans un premier bilan de la loi, publié au mois d’octobre 2022, vous écrivez qu’elle « vient donner une nouvelle dimension à la lutte contre les séparatismes, engagée sur tout le territoire depuis fin 2017 ». Vous ajoutez que « les actions conduites depuis début 2018 au titre de cette politique publique ont abouti, au 31 août 2022, aux résultats » rappelés dans l’intervention de notre collègue de la majorité.
    La loi CRPR a été publiée au Journal officiel au mois d’août 2021. Or, dans le bilan que vous dressez de cette loi, vous présentez des chiffres qui correspondent à l’ensemble des actions menées depuis le début de l’année 2018 et jusqu’au 31 août 2022. Cela n’est pas très satisfaisant et ne permet pas de réaliser une évaluation sérieuse de la loi, à moins que vous ne vouliez « cranter » la discussion sur l’immigration, alors que le Président semble désormais vouloir ajourner l’examen du projet de loi.
    En ce qui concerne l’obligation pour les associations de signer un contrat d’engagement républicain, les autorités publiques disposaient déjà de moyens discrétionnaires importants pour couper les financements et pour dissoudre, le cas échéant, certaines associations dont les engagements étaient jugés en inadéquation totale avec les principes de la République. Avec cette loi, vous avez fait le choix de jeter une suspicion généralisée sur les associations pour répondre à quelques cas marginaux. La grande majorité des associations – vous le savez – sont irréprochables et devraient, au contraire, être saluées et félicitées pour leurs actions et leur détermination à tisser et à maintenir les liens sociaux, culturels, intergénérationnels, à l’heure où les pouvoirs publics se désengagent de nos banlieues et de nos territoires périurbains et ruraux. Pis, le contrat d’engagement républicain manque sa cible. En effet, les organisations que vous souhaitiez viser ne sollicitent pas, de manière générale, des subventions ; elles ne sont donc pas concernées par ce contrat.
    Nous n’avons pas été rassurés. Le Mouvement associatif reste très inquiet par la présentation de votre bilan. Je constate que vous utilisez un vocabulaire quasi guerrier, lorsque vous donnez la définition gouvernementale du séparatisme, à la page 4 de votre rapport : « Le séparatisme consiste à affaiblir voire à détruire la communauté nationale […] ». Heureusement que l’on ne retrouve pas cette acception dans le Littré, l’Encyclopædia Universalis ou tout autre dictionnaire sérieux.
    Madame la secrétaire d’État, dans un contexte de tension sociale forte et alors que vous prétendez vouloir conforter le respect des principes de la République, entendrez-vous les associations qui, de façon unanime, continuent de s’opposer au contrat d’engagement républicain ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

    Mme Danielle Simonnet

  • partager

    Bravo !

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Félicie Gérard.

    Mme Félicie Gérard (HOR)

  • partager

    Le débat qui nous mobilise est majeur pour la France et pour la République. La loi confortant le respect des principes de la République, adoptée en 2021, a clarifié ce que nous ne pouvions plus accepter dans notre société. Communément appelée loi séparatisme, ce texte s’inscrit dans la droite ligne du discours prononcé par le Président de la République au mois d’octobre 2020. Il apporte des réponses aux dérives communautaires et au développement de l’islamisme radical dans notre pays, en renforçant le respect des principes républicains et en modifiant la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État.
    Avant d’en dresser le bilan, il convient de rappeler, pour nos compatriotes qui nous écoutent, les grands principes de ce texte. Le premier est le respect des principes républicains par les services publics.

    M. Benjamin Lucas

  • partager

    Vous n’aimez pas les services publics !

    Mme Félicie Gérard

  • partager

    Nous avons été le premier pays au monde à consacrer, il y a plus de cent ans, le principe de laïcité, et l’un des seuls à avoir appliqué la séparation claire de l’Église et de l’État. Ces avancées, qu’aucun citoyen attaché à la République ne remettrait aujourd’hui en question, s’accompagnent nécessairement de la neutralité des services publics.

    M. Benjamin Lucas

  • partager

    On ne peut pas vérifier, il n’y a plus de services publics !

    Mme Félicie Gérard

  • partager

    Cette loi est ainsi venue renforcer le contrôle et la protection des agents publics, mais a également étendu le principe de neutralité aux agents de droit privé des opérateurs de services publics.

    M. Benjamin Lucas

  • partager

    Vous n’aimez pas le service public !

    Mme Félicie Gérard

  • partager

    Par ailleurs, grâce à ce texte, nous avons mieux encadré le travail des associations. Depuis le 1er juillet 1901, la liberté d’association est acquise dans notre pays. Les associations contribuent, au quotidien, à améliorer la vie de nos compatriotes. Dans mes anciennes fonctions d’adjointe au maire, j’ai eu l’occasion de mesurer toute l’importance des associations dans nos territoires. Il est donc essentiel de reconnaître leur utilité sociale.
    Toutefois, personne n’est au-dessus des lois de la République. En instaurant le contrat d’engagement républicain, le Gouvernement affirme, dans tout le territoire, la supériorité des lois et des valeurs de la République. Rien n’est plus précieux que la liberté de conscience, l’égalité, la fraternité, l’absence de violence et le respect de la dignité humaine. Car si les associations ont pour vocation d’œuvrer pour le bien commun et de défendre des causes justes, il est arrivé que certaines d’entre elles s’éloignent de leur mission initiale pour se concentrer sur des objectifs qui n’avaient plus grand-chose à voir avec l’intérêt général.

    M. Benjamin Lucas

  • partager

    Comme le climat ?

    Mme Félicie Gérard

  • partager

    Ces dérives ont pris plusieurs formes, en particulier celle de l’instrumentalisation politique et idéologique. Le séparatisme, le sectarisme, l’extrémisme et le racisme sont autant d’idéologies incompatibles avec la République, autant de dérives qui la mettent en péril.

    Mme Danielle Simonnet

  • partager

    Le sectarisme anti-Alternatiba est incompatible avec la République !

    M. Benjamin Lucas

  • partager

    Mme Simonnet a raison !

    Mme Caroline Fiat

  • partager

    Mme Simonnet a toujours raison !

    Mme Danielle Simonnet

  • partager

    Presque toujours…

    Mme Félicie Gérard

  • partager

    Troisièmement, cette loi renforce le contrôle de l’instruction en famille. Sans l’interdire, car la liberté pédagogique nous importe, la loi renforce l’encadrement de ces dispositifs, afin de lutter contre les dérives sectaires et la déscolarisation des enfants soumis à la radicalisation. La loi inverse ainsi la logique déclarative au profit d’une logique d’autorisation préalable.

    Mme Anne-Laure Blin

  • partager

    Le Gouvernement peut-il donner des chiffres ?

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État chargée de la citoyenneté

  • partager

    Patience !

    Mme Félicie Gérard

  • partager

    La scolarisation des enfants est rendue obligatoire de 3 ans à 16 ans.

    M. Xavier Breton

  • partager

    L’instruction ! Lapsus révélateur…

    Mme Félicie Gérard

  • partager

    Si la fermeture administrative de certains établissements privés hors contrat et la lutte contre les dérives de l’instruction en famille sont essentielles, à l’heure du bilan, il convient néanmoins de souligner certaines limites du dispositif.

    M. Benjamin Lucas

  • partager

    Bravo !

    Mme Félicie Gérard

  • partager

    J’ai eu l’occasion de rencontrer des familles, dans ma circonscription, qui regrettent que des projets pédagogiques structurés soient refusés dans certaines académies, tandis qu’ils sont acceptés dans d’autres. Nous gagnerions tous à préciser l’ensemble des critères que doivent remplir les projets susceptibles d’être acceptés ou non par l’éducation nationale. Cela passera nécessairement par une meilleure définition des « situations propres à l’enfant », critère qui ouvre droit à l’instruction en famille. Nous devrons y travailler dans les mois à venir pour rendre équitables les dispositifs de contrôle dans tous nos territoires et pour toutes les familles.

    Mme Anne-Laure Blin

  • partager

    Exactement !

    Mme Félicie Gérard

  • partager

    Enfin, ce texte renforce le respect de l’égalité entre les femmes et les hommes et la lutte contre la haine en ligne. D’abord, il renforce la lutte contre les mariages forcés, qui sont parmi les injustices les plus graves parce qu’elles contreviennent au principe même de liberté de conscience et à la liberté des femmes de disposer de leur corps. Par ailleurs, la délivrance de certificats de virginité est désormais interdite. Par la création d’un nouveau délit de mise en danger de la vie d’autrui du fait de la diffusion d’informations relatives à la vie privée ou professionnelle, par l’instauration de procédures de blocage des sites malveillants, la loi s’engage pleinement pour la préservation, sur internet, des principes et des valeurs de la République.
    Deux ans plus tard, nous pouvons dresser un bilan positif de ce texte. Les actions menées depuis 2018 au titre de la lutte contre le séparatisme ont abouti à plus de 25 000 opérations de contrôle. Ces contrôles ont entraîné la fermeture de 836 établissements et 551 signalements ont été effectués auprès du procureur de la République. Ces chiffres démontrent à eux seuls l’utilité réelle de cette loi pour lutter contre le séparatisme.

    Mme la présidente

  • partager

    Merci de conclure, chère collègue.

    Mme Félicie Gérard

  • partager

    Dans notre République, ni le séparatisme, ni le communautarisme, ni l’intégrisme n’ont leur place. Ce texte nous rappelle une évidence qui doit nous réunir : la République, que personne ne peut prétendre incarner seul. Chacun d’entre nous porte une part de responsabilité et son avenir dépendra de ce que nous en ferons.

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Benjamin Lucas.

    Mme Caroline Fiat

  • partager

    L’excellent, pour ne pas dire le brillantissime Benjamin Lucas !

    M. Hadrien Clouet

  • partager

    Le meilleur législateur !

    M. Benjamin Lucas (Écolo-NUPES)

  • partager

    Qu’aura été le macronisme, finalement ?

    M. Hadrien Clouet

  • partager

    Ah !

    M. Benjamin Lucas

  • partager

    Le macronisme, c’est une fulgurance qui concrétisa le fantasme de quelques marginaux des deux rives de la vie politique : abolir deux siècles de clivage entre la gauche et la droite pour y substituer une technocratie froide, qui est une forme d’antichambre de l’illibéralisme autoritaire – nous ne l’avons que trop constaté depuis. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Hadrien Clouet

  • partager

    Bravo !

    M. Benjamin Lucas

  • partager

    Pour y parvenir, vous avez fait le vide dans les mots et les concepts. Fini la gauche, fini la droite ! Cela se sera concrétisé dans votre fameux « en même temps », cette défaite de la pensée, cette négation de la réalité politique, de l’histoire de notre démocratie.
    En linguistique, il y a le signifiant et le signifié. En Macronie, la distorsion entre les mots et leur réalité devint une véritable méthode de gouvernement. En fait, c’est non pas McKinsey qui vous inspire, mais Orwell.
    C’est ainsi qu’on voulut faire dire à la laïcité ce qu’elle ne disait pas. Comme on voulut ensuite invoquer la justice pour justifier l’injustice, l’ordre pour le chaos, le progressisme pour la réaction, l’humanisme pour la brutalité. Il en fut de même avec notre devise républicaine. Vous l’avez vidée de sa substance. Où est la liberté dans l’inégalité et la pauvreté ? On n’est pas libre quand on est un étudiant à qui on refuse le repas à 1 euro, un chômeur en fin de droits ou une accompagnante d’élèves en situation de handicap (AESH) méprisée. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Où est l’égalité quand on nie la dignité de chaque citoyen, qui devrait être considéré autrement que comme un « Gaulois réfractaire » parce qu’il défend le droit d’être respecté par ses gouvernants ou d’accéder aux services publics ? (Mme Caroline Fiat et M. Hadrien Clouet applaudissent.)
    Où est la fraternité quand s’installe le vrai séparatisme, celui qui coupe de la société l’infime minorité de privilégiés qui accumule les richesses, accapare les ressources, s’organise une vie en dehors des espaces communs, pour se soigner, se loger, scolariser ses enfants, profiter de son droit à la paresse, bien réel ici, et même pour laisser les autres mourir plus jeunes et travailler sans cesse plus vieux ? (Mêmes mouvements.)
    Alors, comme la politique et l’histoire ont horreur du vide, vous avez comblé le néant absurde que vous aviez créé dans le débat démocratique pour y injecter des concepts fumeux. C’est ainsi que sont nées cette obsession du séparatisme et cette loi visant à illustrer que vous étiez moins « mous » – je reprends la rhétorique du ministre de l’intérieur et des outre-mer – que l’extrême droite. Quel beau programme !
    Quel aura été l’effet de ce texte sur le débat public si ce n’est de le saturer encore davantage des attaques abjectes contre nos compatriotes musulmans, d’amplifier la tension et la haine qui fracturaient déjà la société et le pays ?

    Mme Caroline Fiat

  • partager

    Il a raison !

    M. Hadrien Clouet

  • partager

    C’est vrai !

    M. Benjamin Lucas

  • partager

    Il aura fait de vous des coconstructeurs de Zemmour et des accélérateurs à lepénisme.

    M. François Cormier-Bouligeon

  • partager

    N’importe quoi !

    M. Benjamin Lucas

  • partager

    L’application de cette loi a confirmé les craintes exprimées lors de son adoption. Vous avez fait de ce texte un instrument de brutalisation du monde associatif, de remise en cause inédite de sa liberté, de chantage à la subvention, de criminalisation des mouvements et des collectifs citoyens, écologistes notamment. (Exclamations sur quelques bancs du groupe RE.) Ce matin même, des menaces graves ont été proférées contre la Ligue des droits de l’homme (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Gérard Leseul applaudit également), héritière de combats qui l’honorent et qui font honneur à la République.

    M. François Cormier-Bouligeon

  • partager

    C’est faux ! Elle est en pleine dérive !

    M. Benjamin Lucas

  • partager

    L’engagement républicain, pourtant, c’est la liberté des consciences, c’est une révolte permanente contre l’injustice, contre l’oppression où qu’on la perçoive, c’est la concorde pour préserver notre contrat social. Vous avez aussi fait de vos incantations républicaines une machine à cash pour quelques-uns de vos proches avec le fonds Marianne.

    M. Hadrien Clouet

  • partager

    Cette histoire est scandaleuse !

    M. Benjamin Lucas

  • partager

    Le macronisme restera également dans l’histoire comme un affairisme.

    Mme Caroline Fiat

  • partager

    C’est pas beau !

    M. François Cormier-Bouligeon

  • partager

    Diffamateur !

    M. Benjamin Lucas

  • partager

    L’amour de la République, vous avez renoncé à le susciter. Alors, vous avez voulu artificiellement l’imposer, sans bien en comprendre, du reste, ni les ressorts ni les réalités. Cette loi était, est, et sera une injure à nos valeurs républicaines. Nous aurons à l’abroger.

    M. François Cormier-Bouligeon

  • partager

    Nous n’en avons en effet manifestement pas la même conception !

    Mme Caroline Fiat

  • partager

    Nous, monsieur Cormier-Bouligeon, les valeurs républicaines, nous les connaissons !

    M. Benjamin Lucas

  • partager

    C’est la promesse que nous pouvons faire à la nouvelle génération qui a la certitude qu’elle vivra moins bien que les précédentes, mais qui a soif de fraternité pour répondre aux urgences du présent et relever les grands défis de l’avenir.
    Lors des débats sur la loi de 1905, le grand Jaurès proclamait à cette même tribune, évoquant le travail de la commission dont Aristide Briand était le rapporteur : « Nous ne faisons pas une œuvre de brutalité ; […] nous faisons une œuvre de sincérité » C’est une « œuvre de loyauté, […] qui ne cache aucun piège, qui ne dissimule aucune arrière-pensée, [et] est conforme au […] génie de la France républicaine ». Mais n’est pas Aristide Briand qui veut. Et le président Macron en sera resté à très grande distance. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et SOC.)

    M. François Cormier-Bouligeon

  • partager

    Jaurès aurait honte de ce que vous êtes devenus !

    Mme Caroline Fiat

  • partager

    Vous ne pouvez même pas imaginer ce qu’était Jaurès, monsieur Cormier-Bouligeon !

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Hubert Wulfranc.

    M. Hubert Wulfranc (GDR-NUPES)

  • partager

    Dans le discours qu’il a prononcé aux Mureaux, le 2 octobre 2020, Emmanuel Macron avait annoncé la présentation d’un projet de loi visant à renforcer la laïcité et à consolider les principes républicains. Il avait alors reconnu le recul des services publics, les défaillances des politiques de la ville et du logement, de la mixité sociale et de la politique éducative. Il déclarait ainsi : « Nous avons nous-mêmes construit notre propre séparatisme. C’est celui de nos quartiers, c’est la ghettoïsation que notre République […] a laissé faire […]. Nous avons créé ainsi des quartiers où la promesse de la République n’a plus été tenue […] ».
    Ce discours comportait des constats justes appelant des réponses fortes, mais il convenait de se tenir éloigné des polémiques et des stratégies d’affichage ; or celles-ci ont, hélas ! ponctué l’examen d’une réforme dont les dispositions, pour la plupart à caractère répressif, étaient inutiles et périlleuses.
    Plus d’un an après la promulgation de la loi confortant le respect des principes de la République, dite loi séparatisme, les inquiétudes exprimées lors de l’examen du texte demeurent pleinement légitimes.
    Alors que les députés communistes avaient déploré, dans cet hémicycle, l’absence des mesures sociales pourtant promises par le Président, qui devaient concrétiser la promesse de l’égalité des chances, vous n’avez cessé, depuis, de continuer à démolir notre République sociale, et nous en savons quelque chose – l’actualité en témoigne.
    Nous nous étions également opposés à une loi que nous jugions caractéristique de l’instrumentalisation de la laïcité à des fins politiciennes. Nous n’avons eu de cesse de rappeler que la laïcité voulue par Aristide Briand et Jean Jaurès n’était en aucun cas une négation de la religion, mais bien un élément de concorde – j’y insiste – indispensable à la cohésion nationale. Or, plus d’un an après l’adoption de votre loi, force est de regretter que certaines de ses dispositions, en fragilisant les libertés publiques, ont pour effet d’affaiblir les principes républicains eux-mêmes.
    Je concentrerai mon propos sur les atteintes portées à la liberté d’association…

    M. Benjamin Lucas

  • partager

    Ils n’aiment pas les associations !

    M. Hubert Wulfranc

  • partager

    …par la mise en œuvre du contrat d’engagement républicain, lequel s’apparente surtout, pour les associations, à un contrat de défiance, de suspicion et de contrôle. Nous vous avions alertés, lors de l’examen du texte, sur les possibles dérives du dispositif, compte tenu de la marge d’appréciation subjective laissée à l’administration pour juger du respect de ce contrat et du pouvoir qui lui était octroyé de refuser ou de retirer rétroactivement des subventions, au mépris des droits acquis.
    Or, comme le souligne la présidente du Mouvement associatif, qui réunit la moitié des associations françaises, « ce que nous dénoncions dès le début est en train de se produire dans les faits » : sous prétexte de défendre la laïcité, le contrat d’engagement républicain, au contenu imprécis, vise à fragiliser l’engagement militant.
    Ainsi, la demande de retrait, par le préfet de la Vienne, des subventions attribuées à l’association Alternatiba, mouvement citoyen pour le climat et la justice sociale,…

    M. Hadrien Clouet

  • partager

    C’est scandaleux !

    M. Hubert Wulfranc

  • partager

    …au motif qu’elle organise des ateliers relatifs à la désobéissance civile, souligne les risques de remise en cause de l’activité militante. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.) Rappelons en effet que la Cour européenne des droits de l’homme a affirmé à plusieurs reprises que la désobéissance civile dans un domaine d’intérêt général constitue un des aspects les plus importants du droit de la liberté d’expression.

    M. Benjamin Lucas

  • partager

    Ils n’aiment pas les droits de l’homme – ni la Ligue, ni la Cour !

    M. Hubert Wulfranc

  • partager

    Autre exemple : le planning familial de Chalon-sur-Saône a fait la promotion d’un rassemblement en faveur des droits des femmes qu’il organisait au moyen d’affiches sur lesquelles figurait une femme voilée. Le maire de la ville a décidé de retirer les subventions accordées à l’association, et il a fallu que le tribunal administratif annule cette décision pour que celle-ci ne soit pas spoliée de ses droits. (Mêmes mouvements.)
    Ces affaires démontrent que nous avions raison de souligner les dysfonctionnements que provoquerait le contrat d’engagement républicain.

    Mme Caroline Fiat

  • partager

    Ils n’aiment pas quand nous avons raison !

    M. Hubert Wulfranc

  • partager

    C’est d’ailleurs en raison de ces dysfonctionnements que vingt-cinq associations, dont les principales ONG environnementales et anticorruption, ont déposé un recours devant le Conseil d’État contre le décret instituant ce fameux contrat. (Mêmes mouvements.)
    Nous partageons pleinement leur constat ; nous rappelons solennellement que la vie associative est un pilier de la citoyenneté…

    M. Benjamin Lucas

  • partager

    Exactement !

    M. Hadrien Clouet

  • partager

    C’est vrai !

    M. Hubert Wulfranc

  • partager

    …et nous exprimons de nouveau nos vives préoccupations s’agissant des atteintes portées à la liberté d’association par le contrat d’engagement républicain. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Michel Castellani.

    M. Michel Castellani (LIOT)

  • partager

    Dans notre société bousculée, traversée de tensions, de polémiques et de violences, les principes républicains apparaissent comme de salvatrices valeurs refuges. Dans une société qui se délite, non pas sous l’action de projets contradictoires – lesquels contribuent in fine au débat politique – mais, trop souvent, du fait d’une volonté de domination absolue des esprits et des corps, le respect des valeurs fondatrices de la démocratie devient une ardente obligation.
    La liberté, valeur suprême au plan individuel et collectif, ne devrait finir que là où commence celle des autres.
    La fraternité, si précieuse, devrait nous unir dans notre destin commun, l’humanité ne sachant finalement, face à l’immensité du temps et de l’espace, ni d’où elle vient ni où elle va.
    L’égalité, quant à elle, est toujours plus mise à mal : égalité des sexes, égalité des chances, égalité face à la loi et – on peut toujours rêver – égalité sociale.
    La laïcité, liberté de croire ou pas, de pratiquer ou pas, dans le respect des autres, est bien éloignée des conceptions de ceux dont les convictions deviennent des certitudes prétendument universelles et, en fin de compte, totalitaires.
    Ces libertés, ces principes, actuellement sous tension, méritent tout autant qu’à l’époque des pères fondateurs d’être défendues et, plus que jamais, d’être installées au cœur du jeu collectif, du fonctionnement de nos sociétés. Il s’agit d’un enjeu vital, d’une œuvre toujours remise en cause et toujours recommencée.
    Rappelons-nous la célèbre phrase de Pierre Mendès France : « La République doit se construire sans cesse car nous la concevons éternellement révolutionnaire, à l’encontre de l’inégalité, de l’oppression, de la misère, de la routine, des préjugés, éternellement inachevée tant qu’il reste des progrès à accomplir. » Oui, elle est « éternellement inachevée », car ballottée en permanence par des vents contraires, contradictoires et puissants.
    L’adhésion se gagne aussi, je le dis, par la reconnaissance concrète et totale, la plus concrète et la plus totale possible, de ce que chaque citoyen porte en lui. L’égalité devant la loi est certes, nous l’avons dit, un principe fondamental de justice individuelle et collective. Mais sa traduction dans la structure de l’État nation fournit un cadre inapte à reconnaître et à défendre la diversité culturelle, historique, économique et sociale des territoires qui animent la France et font la richesse de ses réalités profondes. Car il y a les principes et il y a leur application.
    Au-delà de la proclamation de ces principes intangibles s’affrontent deux conceptions de l’État, de la société, de la France : d’un côté, la France centralisatrice, uniformisatrice, hautaine et dominatrice, de l’autre, la France généreuse, celle des terroirs et des droits de l’homme. L’une nous est proche, l’autre nous est étrangère. Car nous sommes tous, peu ou prou, dans notre intimité, dans notre perception des choses, citoyens du monde, citoyens de l’Europe, citoyens de la France et de ce que nous portons intimement en nous : paysages, langue, musique, proverbes, coutumes, qui forment notre environnement historique, familier et immédiat.
    Je parle ici en tant que député, porteur, par définition, de valeurs universelles mais aussi – et c’est tout aussi important – des espoirs et de l’engagement de tant de Corses qui rêvent de vivre dans une société apaisée, ouverte au monde mais riche de sa culture et du sentiment d’être une minuscule mais réelle parcelle de l’humanité.
    Les principes universels doivent rejoindre, inclure et respecter les richesses enracinées dans la terre et dans l’histoire que chacune et chacun porte en soi.
    Aussi ce débat est-il pour nous l’occasion d’affirmer que le cadre de la démocratie réelle n’est pas immuable, que l’égalité, la vraie, ne passe pas par l’uniformité. Que si tout change – la démographie, les paysages, le climat –, eh bien, la structure de l’État peut et doit évoluer également, pour mieux prendre en compte notre diversité et s’en enrichir, non pas pour défaire ou pour dominer mais pour mieux aimer, mieux respecter et mieux valoriser. C’est là un grand défi pour l’avenir. Il est difficile, mais notre devoir est de le réussir. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Nadia Hai.

    Mme Nadia Hai (RE)

  • partager

    En tant qu’élue des Yvelines – cette « terre de combat républicain », pour reprendre les mots du Président de la République –, dans la ville de Trappes d’abord, puis dans celle de Conflans-Sainte-Honorine, c’est avec beaucoup de force et d’émotion que je veux soutenir, au nom du groupe Renaissance, la loi confortant le respect des principes de la République, une loi qui trouve son origine dans le discours que le Président de la République a prononcé en octobre 2020 aux Mureaux.
    À l’heure du bilan, dont ma collègue Sabrina Agresti-Roubache vous a présenté le volet chiffré, il importe de redire ce qu’est cette loi, mais aussi ce qu’elle n’est pas.
    La loi confortant le respect des principes de la République est un rempart législatif face à une triple menace.
    La première menace est l’idéologie islamiste mortifère ; c’est une des menaces majeures. Il est de notre responsabilité à tous, quelles que soient nos divergences politiques, d’œuvrer par tous les moyens pour contrer les germes de cette idéologie là où elle est implantée. L’idéologie islamiste est identifiée, théorisée ; elle porte un projet politico-religieux qui s’incarne dans la vie de tous les jours et se caractérise par des écarts répétés et revendiqués vis-à-vis de nos valeurs républicaines, que ce soit dans le sport ou dans des associations, que cela se manifeste par la déscolarisation des enfants ou par un endoctrinement insidieux qui nie l’égalité et le droit des femmes. C’est une réalité.
    La République est le seul rempart, partout et pour tous.
    C’est donc sur le vecteur associatif que la loi a renforcé le contrôle, pour mieux détecter les dérives et ainsi protéger toutes les autres associations, qui font un travail formidable dans nos territoires. Le contrat d’engagement républicain, préalable à l’attribution de toute subvention publique, et la possibilité de prononcer une dissolution administrative visent les structures qui contreviennent directement aux principes fondamentaux de la République, et à eux seuls.
    La deuxième menace est la haine en ligne. C’est là, nous le savons, que la tragédie de l’assassinat de Samuel Paty a pris sa source. La loi a donc créé un nouveau délit de mise en danger de la vie d’autrui par diffusion d’informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle, pour lutter contre ce phénomène qui, hélas ! a pris de l’ampleur ces dernières années.
    La troisième menace a trait à l’instruction des enfants. Il convenait donc d’accroître le contrôle de l’instruction en famille et des écoles privées hors contrat, afin d’encadrer ce mode de scolarité pour le bien et les intérêts de l’enfant, et d’eux seuls. Car, en matière d’enseignement, la voie à privilégier doit demeurer l’école de la République. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.)
    Ces trois menaces nous désignent l’ennemi à combattre : les fanatismes religieux, politique ou idéologique érigés en dogme ; le rejet des valeurs républicaines érigé en projet politique. C’est pourquoi la loi ne fait pas de distinction entre les différentes formes de séparatisme : elle combat tous les dogmes qui sont un danger pour la République.
    D’ailleurs, aux côtés des groupes fanatiques islamistes radicaux, des groupes d’extrême droite ont fait l’objet de mesures de dissolution grâce à cette loi,…

    M. Alexis Corbière

  • partager

    Ce n’est pas vrai !

    Mme Nadia Hai

  • partager

    …et c’est une immense avancée dans notre droit.

    M. Julien Odoul

  • partager

    Il y a aussi des fanatiques bouddhistes, et ils sont dangereux !

    Mme Nadia Hai

  • partager

    Je veux à présent rappeler ce que cette loi n’est pas.
    Elle n’est pas une entrave aux croyances ou à la pratique des religions. Il ne s’agit pas de demander à nos concitoyens de croire ou de ne pas croire, de croire un peu ou modérément : ce n’est pas l’affaire de la République. N’en déplaise au Rassemblement national, celui qui exclut l’autre à raison de la pratique de sa religion, de sa culture, ou de son identité,…

    M. Julien Odoul

  • partager

    Fake news !

    Mme Nadia Hai

  • partager

    …nos compatriotes peuvent pratiquer leur religion comme la loi les y autorise.
    N’en déplaise également à La France insoumise, qui crée volontairement la confusion entre la lutte contre l’islamisme radical et la pratique de l’islam par des millions de musulmans en France, une confusion qui participe à la stigmatisation d’une partie de nos concitoyens.

    Mme Danielle Simonnet

  • partager

    C’est vous qui les stigmatisez !

    M. Alexis Corbière

  • partager

    Donnez des chiffres et des faits !

    Mme Nadia Hai

  • partager

    Car la loi ne fait pas offense à une communauté entière, bien au contraire. S’attaquer, en responsabilité, à la menace de l’islamisme radical est salvateur pour distinguer toute une communauté de musulmans d’un terrible dévoiement commis en son nom.

    M. François Cormier-Bouligeon

  • partager

    Absolument !

    Mme Nadia Hai

  • partager

    Voilà une injustice qu’il s’agissait aussi de combattre, la loi y a répondu.
    La France insoumise et le Rassemblement national jouent avec les peurs des uns et les inquiétudes des autres. (Exclamations sur les bancs des groupes RN et LFI-NUPES.) Et pourtant, la loi est claire pour celui qui l’étudie sans arrière-pensée politicienne ou clientéliste.

    M. Alexis Corbière

  • partager

    On attend toujours les chiffres, madame Hai !

    Mme Nadia Hai

  • partager

    L’honnêteté que vous devez à nos concitoyens doit être de mise, chers collègues, sinon vous porterez la responsabilité de la division et de la défiance dont vous serez vous-mêmes accablés. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

    M. Bryan Masson

  • partager

    C’est vous qui êtes au pouvoir !

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la citoyenneté.

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État chargée de la citoyenneté

  • partager

    Qu’il me soit permis, en préambule, d’adresser des remerciements sincères au Groupe Renaissance,…

    M. Hadrien Clouet

  • partager

    Pourquoi ses membres ne sont-ils pas venus ?

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    …qui nous permet de dresser, devant la représentation nationale, un premier bilan de la mise en œuvre de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République.

    M. Julien Odoul

  • partager

    Bilan accablant !

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    Avant d’évoquer plus en détail cette loi, je souhaiterais partager avec vous une conviction et quelques constats. Cette conviction qui, j’ose l’espérer, est encore unanimement partagée ici, c’est que la République est notre bien commun le plus précieux. Or notre République est exigeante : elle requiert, plus que d’autres modèles à travers le monde, l’adhésion et l’implication de ses citoyens, mais aussi et surtout de ceux qui les représentent.

    M. Alexis Corbière

  • partager

    Ça, c’est vrai !

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    C’est la pratique éclairée de la citoyenneté qui fonde le socle de la République et qui assure la vitalité de la démocratie.

    M. Alexis Corbière

  • partager

    C’est pour ça que le 49.3 n’est pas républicain ! Il écrase l’Assemblée !

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    C’est le creuset de nos libertés, de nos droits, de nos devoirs. Elle repose sur le civisme et sur la solidarité, sur l’engagement, la fraternité et l’appartenance à la nation – autant de valeurs qui devraient faire consensus au sein de cette assemblée.

    M. François Cormier-Bouligeon

  • partager

    Ce serait bien !

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    Cette conviction étant rappelée, je souhaite partager avec vous quelques constats. Le développement du repli communautaire, puis du séparatisme dans notre société n’est pas un phénomène nouveau. Séparatisme : voilà un mot que nous entendrons à de nombreuses reprises au cours de ce débat. De quoi parlons-nous, quelle définition voulons-nous en donner ? Le séparatisme désigne le mouvement qui considère qu’au nom de convictions religieuses ou politiques, ou au nom d’une cause dont on considère qu’elle transcende toutes les autres, certaines règles deviennent supérieures à celles de la République et doivent prévaloir sur ces dernières. Le séparatisme, c’est la volonté de sortir – y compris par la violence – de la communauté de valeurs qui nous réunit autour de la liberté, de l’égalité, de la fraternité et de la laïcité.

    M. Alexis Corbière

  • partager

    C’est flou !

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    C’est un fait étayé par des éléments tangibles : au cours des vingt dernières années, nous avons été confrontés en France à des pratiques séparatistes de plus en plus affirmées. Ce travail de sape se déploie le plus souvent de façon insidieuse, dans toutes les sphères de la société : dans nos quartiers populaires, dans les services publics, le tissu associatif, les pratiques sportives, mais aussi au sein même de l’école de la République. Des écosystèmes communautaires et séparatistes se sont ainsi progressivement mis en place et développés, trop longtemps dans un sentiment d’impunité totale et parfois de façon très visible, souvent autour d’un lieu de culte, d’une école, d’une librairie, d’associations, etc.
    Dans le même temps et dans la même dynamique, le principe de laïcité, au cœur de notre pacte républicain, subit de plus en plus d’entorses, de contestations, d’attaques. Ici aussi, c’est un fait étayé par des éléments tangibles. Et je souhaite être très claire : refuser de regarder cette réalité en face, s’en accommoder par paresse, par lâcheté, voire – pire – par clientélisme, c’est laisser prospérer ce phénomène et s’en rendre complice.

    M. François Cormier-Bouligeon

  • partager

    Eh oui !

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    En relativiser la portée parce qu’il serait « marginal », c’est ignorer son caractère insidieux et organisé, et refuser de prendre ses responsabilités.
    Car il faut avoir conscience de ce qui se joue et le regarder en face : de tels comportements mènent, à terme, à la désintégration de l’idée même de communauté nationale et mettent profondément en danger le fonctionnement de notre démocratie.

    M. Alexis Corbière

  • partager

    On attend toujours des chiffres !

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    Dans un champ différent mais dans le même ordre d’idées, il est également manifeste que des groupuscules se radicalisent de plus en plus et décident que la défense de leur cause justifie la violence – parfois une violence extrême, comme l’actualité récente nous l’a par exemple montré dans les Deux-Sèvres. Je pourrais également citer les agressions racistes, inqualifiables et insupportables, dont sont victimes certains de nos compatriotes de la part de militants d’ultradroite fanatisés.

    M. Alexis Corbière

  • partager

    Pléonasme !

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    Or aucune cause, aussi légitime soit-elle, ne justifie une telle violence dans un pays démocratique comme la France, où la liberté d’expression est la règle – aucune !

    M. Alexis Corbière

  • partager

    Les lois précédentes permettaient déjà d’agir ! Vous êtes hors sujet !

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    N’en déplaise à certains, que le romantisme révolutionnaire semble aveugler au point d’en oublier les libertés qui sont les nôtres, nous ne sommes ni dans un régime dictatorial ni dans un régime autocratique.

    M. Julien Odoul

  • partager

    C’est le régime du 49.3 !

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    Le champ de la liberté d’expression est large, très large. Il s’arrête aux limites de la loi que vous avez la responsabilité de voter.

    M. Alexis Corbière

  • partager

    Mais quel est le bilan de la loi ? Donnez des chiffres !

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    Ne pas condamner cette violence, c’est là aussi en être complice. Et l’encourager en tant qu’élus est aussi inadmissible que coupable !
    Ce rappel nous conduit très naturellement à l’objet de ce débat : pourquoi cette loi et avec quels résultats ?

    M. Alexis Corbière

  • partager

    Ah, enfin !

    Mme Danielle Simonnet

  • partager

    On attend la réponse !

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    Lors de son discours aux Mureaux, le 2 octobre 2020, le Président de la République nous a appelés à défendre avec force les valeurs de la République, à nous opposer au développement du repli communautaire et du séparatisme sous toutes ses formes. Une stratégie globale de lutte contre le séparatisme en a découlé. Elle visait à entraver toutes les initiatives contraires aux fondements de notre République, à amplifier l’ensemble des actions permettant de donner corps à l’égalité des chances sur tous les territoires et à accompagner la structuration d’un islam de France face aux dérives extrémistes de l’islamisme.
    Jusqu’alors, dans le triangle séparatisme-radicalisation-terrorisme, toutes nos forces étaient concentrées sur la lutte contre le terrorisme et la radicalisation violente, et c’est normal. Avec la loi CRPR, l’État s’est donné les moyens de s’attaquer à la racine du problème : le séparatisme nourrit les individus radicalisés, qui eux-mêmes nourrissent le terrorisme. En un an et demi, cette loi nous a permis de changer d’échelle, en donnant à l’État de nouveaux moyens en matière de réglementation des cultes, dans les champs de l’éducation et du sport, ou dans le domaine de la lutte contre la haine en ligne. Cette loi a aussi permis de désinhiber l’administration et de lui donner des outils pour s’attaquer à tout ce qui peut donner de l’air aux séparatismes : le financement des associations, l’instruction en famille, les écoles privées hors contrat (EPHC). Cette loi a rendu possible un véritable réveil républicain autour de ce sujet – et croyez-moi, nos concitoyens musulmans qui pratiquent leur foi en toute quiétude et dans le respect des valeurs de la République sont les premiers à nous en remercier !

    M. Alexis Corbière

  • partager

    Ah bon ?

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    Les quelques éléments de bilan que je vais vous donner constituent nécessairement une première étape, et pour cause : l’année 2022 constitue la première année pleine d’application de la loi.
    D’abord, à l’issue de cette première année, l’ensemble des textes d’application de la loi ont été pris. S’agissant d’un texte de plus de cent articles, c’est suffisamment rare pour être souligné. Leur mise en œuvre est inégale d’un territoire à l’autre, certains départements étant encore en phase d’appropriation de ces outils ; mais nos services y travaillent, en lien étroit avec les préfets.
    Concernant les éléments de bilan chiffrés,…

    Mme Danielle Simonnet

  • partager

    Ah !

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    …quelques mots d’abord sur la sphère éducative, car la cible principale des séparatistes, ne soyons pas naïfs, c’est notre jeunesse. D’abord, nous avons recadré l’instruction en famille : grâce au passage d’un régime de déclaration à un régime d’autorisation, le nombre de demandes d’instruction en famille a baissé de presque 30 % entre 2021 et 2022 : 58 866 contre 72 369.

    M. Alexis Corbière

  • partager

    Aucun rapport avec l’islam ! C’est une honte !

    M. François Cormier-Bouligeon

  • partager

    Bien sûr que si !

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    Par ailleurs, environ 10 % des demandes ont pu être refusées sur le fondement des dispositions de la loi CRPR.

    M. Xavier Breton

  • partager

    Seulement 10 % ? Cela veut dire que vous attentez aux libertés des 90 % restants ! Et vous en êtes fiers !

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    Disons-le, l’instruction en famille n’est pas un problème en soi.

    M. Gérard Leseul

  • partager

    Elle ne l’a jamais été !

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    C’est l’utilisation qui en est faite par certains, à des fins séparatistes, qui en est un.
    Nous avons également créé une instance départementale chargée de la prévention de l’évitement scolaire. Ces instances sont désormais opérationnelles dans chaque département.
    La loi CRPR permet par ailleurs au préfet de fermer administrativement un établissement privé hors contrat ; auparavant, le recteur devait entamer une procédure judiciaire et l’établissement pouvait rester ouvert jusqu’à la décision du juge. Le premier bilan est positif : sur quarante-sept établissements ciblés, six ont fermé définitivement et cinq autres ont pu faire l’objet de mesures d’entrave, par le biais d’une fermeture temporaire.
    La loi CRPR a également étendu les motifs de dissolution des associations et groupements de fait. En 2022, nous avons ainsi pu prononcer la dissolution administrative de cinq structures adhérant à l’idéologie islamiste radicale ou à une idéologie extrémiste provoquant ou organisant des activités violentes.
    À travers la loi CRPR, nous avons également souhaité accroître la transparence de la vie associative, des cultes et de leur financement. Je citerai ici trois dispositions importantes qui ont été prises.
    En premier lieu, l’instauration d’un CER, préalable à toute subvention publique. Je le rappelle pour couper court aux critiques que j’anticipe sur quelques bancs de cet hémicycle : la liberté d’association est évidemment un principe fondamental que nous chérissons tous, mais l’argent du contribuable n’a pas vocation à financer des actions qui tournent le dos aux valeurs de la République, voire qui les combattent. Nos concitoyens le comprennent très bien et je mets au défi quiconque dans cette assemblée de justifier le contraire.

    M. François Cormier-Bouligeon

  • partager

    Eh oui !

    M. Alexis Corbière

  • partager

    Parlez-nous du fonds Marianne !

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    Par ailleurs, l’argent est le nerf de la guerre, nous le savons tous, et les préfets disposent désormais d’un pouvoir de contrôle et de fermeture des fonds de dotation, qui sont l’un des principaux vecteurs de financement des mouvances islamistes. En 2022, quatre fonds de dotation ont ainsi fait l’objet d’une mesure de suspension, et quatre procédures de dissolution ont été engagées. Un suivi national des fonds de dotation est en cours de mise en place au ministère de l’intérieur.
    Enfin, toute association exerçant un culte doit désormais obligatoirement déclarer les financements qu’elle reçoit, directement ou indirectement, de l’étranger. Cette mesure est entrée en vigueur le 25 avril 2022, et le ministère de l’intérieur entretient un dialogue constant à ce sujet avec les représentants des cultes. Ses services vont par ailleurs se doter d’un pôle d’analyse spécialisé pour contrôler ces fonds de dotation.
    La loi CRPR a également conforté le principe de laïcité, notamment dans les services publics. « Si la spiritualité relève du domaine de chacun, la laïcité est notre affaire à tous », a dit le Président de la République dans son discours aux Mureaux. Le déféré-laïcité donne ainsi la possibilité au préfet de demander au juge administratif la suspension de l’exécution des actes des collectivités territoriales portant gravement atteinte aux principes de laïcité et de neutralité des services publics – c’est grâce à cet outil que nous avons pu éviter que les piscines municipales de Grenoble ne deviennent le haut lieu de la baignade en burkini en France.
    Nous déployons des référents laïcité dans toutes les administrations : plus de 2 000 référents ont déjà été nommés, et leur déploiement continue dans les trois fonctions publiques. Nous mettons en œuvre un plan de formation de tous les agents publics : en 2025, 100 % des agents publics seront ainsi formés aux principes de laïcité et de neutralité ; 130 000 agents ont été formés à l’éducation nationale, plus de 40 000 dans les autres administrations. Le dispositif de formation continue à monter en puissance.
    L’application du principe de laïcité aux organismes chargés d’une mission de service public est enfin opérationnelle. Une fiche relative à la mise en conformité des clauses des contrats de la commande publique a été diffusée en août 2022. La mise en conformité est en cours.
    Avant de conclure, je souhaite préciser que, contrairement à ce qui a souvent été dit, la loi CRPR n’est pas un texte contre les cultes, contre un culte en particulier, contre la liberté d’association, ou que sais-je encore.

    Mme Danielle Simonnet

  • partager

    Un peu quand même…

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    C’est d’abord et avant tout une loi de protection pour tous nos concitoyens : protection de nos valeurs et principes républicains, protection de notre cohésion nationale, protection des cultes contre les ingérences, protection de l’idéal associatif contre tout dévoiement, protection de la dignité de la personne humaine.
    Lorsque le législateur introduit le déféré-laïcité, c’est d’abord pour renforcer le principe de laïcité et de neutralité dans les services publics locaux ; lorsqu’il institue le contrat d’engagement républicain, c’est pour éviter que des structures séparatistes ne bénéficient d’argent public ; lorsqu’il instaure le délit de séparatisme, c’est pour protéger les élus et les agents publics contre les menaces ou les violences ; lorsque l’instruction en famille est mieux encadrée, c’est pour éviter les dérives et protéger les enfants.
    C’est pourquoi, avec Gérald Darmanin, notre objectif est clair : que l’ensemble du territoire se mobilise et monte en puissance, pour donner toute leur effectivité aux nouveaux outils mis à disposition par la loi du 24 août 2021. C’est le message que nous délivrons aux préfets et aux services locaux de l’État à chacun de nos déplacements.
    À ceux qui prétendent qu’il n’y a pas de problème de séparatisme dans notre pays et qu’il n’y avait pas besoin d’une loi, je veux répondre qu’il est temps d’en finir avec l’aveuglement et la naïveté ; à ceux-là, je ne ferai pas le plaisir de citer Robespierre ou Saint-Just, de peur de provoquer des pâmoisons.

    M. Hadrien Clouet

  • partager

    Ce n’est pas sympa !

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    À ceux qui pourraient regretter le caractère mesuré des premiers résultats chiffrés, je répondrais que Rome ne s’est pas construite en un jour, et je leur demanderai tout simplement pourquoi ils n’ont pas, à l’époque, voté cette loi.

    M. François Cormier-Bouligeon

  • partager

    Eh oui !

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    Mesdames et messieurs les députés, plus encore que dans les bilans chiffrés, même si ceux-ci sont très encourageants, le véritable acquis de la loi CRPR est à chercher dans l’évolution des mentalités : nous assumons de combattre celles et ceux qui veulent s’en prendre à notre bien le plus sacré. Nous les combattons, certes, mais nous les combattons avec les seules armes du droit. Avec détermination, sans naïveté. Pour reprendre les mots du Président de la République aux Mureaux, nous devons donc « ne céder à aucune facilité, aucun cynisme, dire les choses et accepter aussi que nous sommes face à un défi qui a mis des décennies à se constituer dans notre pays et que nous ne le terrasserons pas en un jour. Mais c’est ensemble que nous devons, dans un réveil républicain, nous opposer à ceux qui veulent nous séparer ».

    M. François Cormier-Bouligeon

  • partager

    Très bien !

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    Mesdames et messieurs les députés, je voudrais finir ce propos avec un message plus personnel. Par trois référendums, ces cinq dernières années, j’ai craint de perdre mon appartenance à la République. Alors, oui, peut-être tient-on plus à ce qu’on a peur de perdre, mais je crois profondément que ce sujet, celui de la défense de nos valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité et de laïcité, devrait nous réunir plutôt que nous opposer. Je crois que le combat contre ceux qui s’y attaquent devrait être un combat transpartisan, un combat qui nous rassemble et qui transcende les postures, les rancunes personnelles et les échéances électorales. Ce combat, menons-le. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

  • partager

    Nous en venons aux questions. Je vous rappelle que la durée des questions ainsi que celle des réponses est limitée à deux minutes, sans droit de réplique.
    La parole est à M. Bertrand Bouyx.

    M. Bertrand Bouyx (RE)

  • partager

    La loi confortant le respect des principes de la République s’attache à garantir que les associations respectent les valeurs républicaines dans les activités qu’elles mènent, conditionnant ainsi l’octroi des financements publics dont elles peuvent bénéficier.
    Depuis la parution du décret d’application de cette loi, le 31 décembre 2021, les associations et fondations sollicitant une subvention publique ou un agrément de l’État doivent signer un contrat d’engagement républicain par lequel elles s’engagent à respecter les principes de liberté, d’égalité, de fraternité et de dignité de la personne humaine ainsi que les symboles de la République, à ne pas remettre en cause la laïcité au sein de la République et à s’abstenir de toute action portant atteinte à l’ordre public. Si tel n’est pas le cas, l’autorité publique pourra exiger le retrait des subventions versées, contraignant l’association à restituer les sommes perçues depuis le manquement au contrat d’engagement.
    Pourriez-vous nous faire un point d’étape sur l’instauration de ces contrats ? Par ailleurs, comment assurez-vous la cohérence de la lutte contre le séparatisme et la promotion de la laïcité alors que les agréments sont attribués différemment selon le ministère ou l’échelon territorial sollicité ? Enfin, comment assurer la formation de l’ensemble des agents publics sur la laïcité de manière à avoir, sur tout le territoire, un même niveau d’interprétation et de compréhension de ses principes et de ses enjeux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme la secrétaire d’État.

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    Le dispositif du contrat d’engagement républicain est entré en vigueur le 1er janvier 2022. Depuis cette date, les associations et fondations sollicitant des subventions publiques doivent préalablement y souscrire. Il permet aux autorités administratives de refuser la délivrance de subventions en cas de refus de souscription à ce contrat et de procéder au retrait de celles ayant été versées en cas de non-respect de ses dispositions.
    L’année 2022 – première année d’application – a été consacrée au déploiement de ce dispositif auprès des différentes autorités administratives concernées. Des instructions ont été adressées aux services déconcentrés de l’État et des échanges ont également eu lieu avec les associations représentatives des élus locaux, afin de s’assurer d’une application cohérente sur l’ensemble du territoire. C’est un engagement que nous avions pris, notamment auprès du Mouvement associatif, dès l’élaboration de cette loi. Un guide a également été élaboré.
    Cette étape d’installation du dispositif et d’information étant désormais passée, une grande campagne de remontée d’informations relatives à d’éventuels refus ou retraits de subventions pour des motifs tenant au respect du contrat d’engagement républicain sera organisée dès cette année, puis aura lieu annuellement. À ce stade, les contentieux liés à des retraits de subventions publiques pour non-respect du CER sont très limités.
    Vous m’avez également interrogée sur la cohérence entre les dispositions de cette loi et l’attribution de subventions et d’agréments selon des critères différents suivant les ministères. Je comprends votre questionnement, étant donné que différents ministères délivrent en effet des agréments sectoriels. Cependant, un tronc commun de conditions à la délivrance de tout agrément est établi à l’article 25-1 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, article que la loi CRPR a modifié. La souscription du CER constitue donc un prérequis à la délivrance de tout agrément, fût-il sectoriel, et la méconnaissance de ce contrat entraîne le retrait de l’agrément en question.
    Le dispositif du contrat d’engagement républicain constitue ainsi un levier d’action commun dans le cadre de la lutte contre toutes les formes de séparatisme.

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. François Cormier-Bouligeon.

    M. François Cormier-Bouligeon (RE)

  • partager

    C’est 115 ans jour pour jour après la promulgation de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État que le projet de loi confortant le respect des principes de la République a été présenté. Faisant suite au discours du Président de la République aux Mureaux, le 2 octobre 2020, l’ambition de ce texte était d’agir contre ceux qui veulent déstabiliser la République,…

    M. Alexis Corbière

  • partager

    Le Gouvernement !

    M. François Cormier-Bouligeon

  • partager

    …ses valeurs et ses principes, notamment celui de laïcité. Cette loi a ainsi pour objectif de renforcer la cohésion nationale, sujet qui demeure d’une brûlante actualité, les atteintes à la laïcité s’étant multipliées ces dernières années.
    Ces atteintes se sont multipliées d’abord parce que la laïcité est parfois mal comprise, ayant été dévoyée par l’extrême droite de Mme Le Pen.

    M. Frédéric Falcon

  • partager

    Ça faisait longtemps !

    M. François Cormier-Bouligeon

  • partager

    Non, la laïcité n’est pas l’opposition aux religions, et encore moins à une religion en particulier. La laïcité est la transcription dans le droit de la liberté absolue de conscience,…

    M. Julien Odoul

  • partager

    De neutralité de conscience !

    M. Xavier Breton

  • partager

    Ça, c’était avant !

    M. François Cormier-Bouligeon

  • partager

    …héritage précieux des philosophes des Lumières.
    Ces atteintes se sont multipliées ensuite parce qu’une entreprise de démolition de la laïcité et des principes républicains est à l’œuvre dans les réseaux communautaristes avec, nous l’avons hélas vu cet après-midi, la complicité de la Mélenchonie.

    Mme Danielle Simonnet

  • partager

    Sur quels faits fondez-vous ces mensonges ?

    M. François Cormier-Bouligeon

  • partager

    Or avec la famille et l’école, le tissu associatif, particulièrement dans le sport, doit être un acteur majeur d’initiation, d’apprentissage et de transmission des valeurs et des principes républicains. C’est pourquoi l’article 12 de la loi confortant le respect des principes de la République a introduit le contrat d’engagement républicain, lequel a été validé par le Conseil constitutionnel.
    Qui peut le craindre ? Qui peut craindre le respect des principes républicains, sinon, précisément, les séparatistes et les communautaristes, qu’ils le soient par conviction ou par clientélisme électoral ?
    Un an après son entrée en vigueur, pouvez-vous nous dresser le bilan de l’application de ce contrat ? Et pouvez-vous nous préciser le taux de souscription au CER en général et en particulier s’agissant des 300 000 clubs et associations sportives ?

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme la secrétaire d’État.

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    Je l’ai déjà rappelé, le principe que nous suivons est simple : la liberté d’association est une évidence, mais l’argent public n’a pas à financer des associations qui ne respectent pas les valeurs de la République.
    Le premier élément important à retenir est que toutes les associations, au moment où elles demandent une subvention, doivent souscrire au contrat d’engagement républicain. Ainsi, désormais, 100 % des associations ayant reçu une subvention ont souscrit à ce contrat.

    M. François Cormier-Bouligeon

  • partager

    Très bien !

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    À cet égard, je rappelle qu’une subvention n’est pas octroyée de droit, si bien qu’une association qui refuserait de souscrire au contrat d’engagement républicain devrait se la voir refuser par l’autorité compétente. Précisons qu’à l’heure actuelle, ce sont tout de même 6,5 milliards d’euros qui sont distribués aux différentes associations chaque année.
    Le dispositif du CER étant opérationnel depuis avril 2022, nous n’aurons le recul suffisant pour l’évaluer que dans quelques mois, lorsque nous commencerons à avoir les retours des préfectures. Pour l’heure, une action associative a été dénoncée par le préfet concerné : elle concerne Alternatiba, qui avait reçu une subvention pour assurer une formation en désobéissance civile. Le recours n’a pas encore été jugé.

    M. Alexis Corbière

  • partager

    C’est dire si on est loin des objectifs initiaux !

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    Par ailleurs, vous évoquez la laïcité et le travail à mener au sein des services publics pour faire respecter ce principe. Dans ce domaine également, les choses ont énormément évolué, étant donné que l’objectif est de former 100 % des agents publics d’ici à 2025. Je l’ai dit tout à l’heure, nous avons déjà nommé 2 000 référents laïcité dans les différentes administrations et le plan de formation a d’ores et déjà démarré.
    J’ajoute que le déféré-laïcité nous a permis d’aller au bout de notre démarche d’annulation de l’autorisation du burkini dans le règlement intérieur d’une piscine municipale de Grenoble. En définitive, ce dispositif servira à établir une jurisprudence : ce qu’il faut retenir, c’est que grâce au déféré, un acte ou une décision annulé ne pourra être réitéré.

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Nicole Dubré-Chirat.

    Mme Nicole Dubré-Chirat (RE)

  • partager

    Dans la mesure où vous avez déjà répondu à la première question que je souhaitais vous poser, madame la secrétaire d’État, je passerai directement à la seconde.
    Cette loi en faveur de la liberté de culte et de la laïcité, dont j’ai été la rapporteure pour le chapitre III du titre Ier, dote les services de l’État d’outils destinés à préserver notre modèle républicain et à lutter contre les séparatismes et les atteintes à la citoyenneté. L’action de notre majorité était attendue par nos concitoyens, par les collectivités territoriales et par les élus locaux ; ces derniers disposent désormais d’un cadre clair et sécurisant. Les acteurs locaux sont d’ailleurs fortement mobilisés dans les territoires, avec la création d’instances de dialogue et de travail renouvelées avec les pouvoirs publics comme le Forif – Forum de l’islam de France –, ce qui est positif.
    Certaines des mesures de la loi CRPR concernent les associations mixtes relevant de la loi de 1907, lesquelles exercent des activités à la fois cultuelles et culturelles et se distinguent des associations relevant de la loi de 1905, qui exercent une activité exclusivement cultuelle. S’agissant de ces associations mixtes, seules les manifestations non cultuelles peuvent bénéficier de subventions publiques, qu’il s’agisse d’événements culturels ou d’activités éducatives ou sociales directement organisés dans les lieux de culte. La loi exige désormais que l’association en question tienne une comptabilité spécifique pour ses activités cultuelles, avec un compte bancaire dédié. Le but est de parvenir à différencier ce qui relève du culturel de ce qui relève du cultuel : cette disposition donne tout son sens à l’engagement que nous avons pris. Comment évaluez-vous les règles s’appliquant aux associations mixtes ? Permettent-elles de mieux délimiter leurs activités cultuelles et leurs activités culturelles tout en réduisant l’insécurité juridique ?
    S’agissant de l’école et de sa protection contre toutes les formes d’extrémisme, vous avez indiqué que la démarche s’inscrit dans un temps plus long. Les mesures contenues dans la loi CRPR permettent le contrôle des établissements sous contrat, disposition à même de rassurer les familles. En effet, certaines considèrent que l’État n’agit pas assez et nous accusent d’insuffisances dans le traitement des écoles coraniques accueillant des mineurs. Les résultats sont néanmoins significatifs et je tiens à cet égard à souligner la forte mobilisation du Gouvernement, ainsi que la réactivité des préfectures, en lien avec le CIPDR.

    Mme la présidente

  • partager

    Veuillez conclure, chère collègue.

    Mme Nicole Dubré-Chirat

  • partager

    Vous avez indiqué que les contrôles ne peuvent viser que les structures séparatistes accueillant plus de sept enfants pendant plus de quinze jours. Comment avez-vous repéré, recensé et surveillé ces petites structures ?

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme la secrétaire d’État.

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    En ce qui concerne les règles s’appliquant aux associations mixtes, le ministre de l’intérieur et des outre-mer a adressé aux préfets, le 15 mars 2022, une instruction leur demandant de lancer une grande concertation territoriale avec les cultes et d’accompagner les associations qui, dans leur immense majorité, souhaitent pleinement respecter les lois de la République. Nous sommes encore dans une phase d’installation de la loi, puisque l’obligation de transmission des comptes annuels s’appliquera pour la première fois pour l’exercice 2023 – ces comptes ne seront donc rendus qu’en 2024.
    Beaucoup d’associations ont néanmoins déjà commencé un travail de clarification de leurs activités, ce qui conduira nombre d’entre elles à opter pour une séparation entre une structure relevant de la loi de 1905 et une structure relevant de la loi de 1901.
    Au-delà de cette disposition, dans un objectif de transparence, plusieurs mesures ont été prises vis-à-vis des associations cultuelles, lesquelles doivent désormais déclarer cette qualité tous les cinq ans auprès du préfet si elles souhaitent bénéficier des avantages propres à cette catégorie. Elles doivent également faire figurer leur qualité cultuelle dans leur objet social et déclarer les avantages et ressources qu’elles reçoivent directement ou indirectement de l’étranger dès lors que leur montant ou leur valorisation cumulée est supérieur à 15 300 euros.
    Toutes ces mesures sont entrées en vigueur en avril 2022 grâce à la loi CRPR. Nous avons malheureusement constaté que les associations gérant des lieux de culte musulmans tendent de manière manifeste à sous-déclarer leurs avantages et ressources : les services de l’État sont pleinement mobilisés et portent un regard attentif à ce sujet, ce dont je les remercie.

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Marie-France Lorho.

    Mme Marie-France Lorho (RN)

  • partager

    Avant la promulgation de la loi CRPR, l’article L. 131-2 du code de l’éducation disposait que « l’instruction obligatoire peut être donnée soit dans les établissements ou écoles publics ou privés, soit dans les familles par les parents, ou l’un d’entre eux, ou toute personne de leur choix ». D’un régime purement déclaratoire, l’instruction en famille se voit soumise depuis la rentrée de septembre 2022 à l’octroi d’une autorisation préalable délivrée pour chaque année scolaire par l’État. En septembre 2022, j’ai donc déposé une proposition de loi pour rétablir le droit à l’instruction en famille.
    Il est toujours intéressant d’observer et de comprendre les raisons d’un gouvernement qui revient sur une liberté accordée aux citoyens avant lui. Car lorsqu’on analyse la réalité de l’instruction en famille en France, on peine à comprendre les raisons de son changement de régime.
    Selon le rapport de la direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO), plus de 98 % des enfants instruits en famille satisfont les attendus du socle commun de connaissances.
    De plus, le principe de la liberté d’enseignement figure au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. Dans sa décision du 19 juillet 2017, le Conseil d’État a jugé que ce principe implique « le droit pour les parents de choisir, pour leurs enfants, des méthodes éducatives alternatives à celles proposées par le système scolaire public, y compris l’instruction au sein de la famille ». Quant au Conseil constitutionnel, il est intéressant d’observer que, saisi de la constitutionnalité de la loi CRPR, il a omis de se prononcer sur sa conformité avec le principe de la liberté d’enseignement.
    Notons enfin que les derniers classements mondiaux établis par le Pisa – Programme international pour le suivi des acquis des élèves –, parus en 2019, placent le système scolaire français respectivement aux vingt-quatrième, vingt-cinquième et vingt-sixième rangs sur soixante-dix-neuf ou soixante-dix-huit pays. Nous comprenons donc d’autant moins pourquoi le Gouvernement a réformé sur les règles relatives à l’instruction en famille.
    Je souhaiterais donc connaître les raisons ayant conduit à revenir sur ce régime plus que contrôlé et si important pour de nombreuses familles. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme la secrétaire d’État.

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    Je vais d’abord répondre à ce qui a été dit par certains orateurs dans les interventions qui ont ouvert ce débat. Je regrette que Marine Le Pen n’ait pas voté la loi CRPR, qui met à notre disposition tous les outils nécessaires pour lutter contre les séparatismes. Sans cette loi, nous verrions encore certaines mosquées accueillir des prêcheurs radicaux.

    M. Alexis Corbière

  • partager

    C’est faux !

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    Sans cette loi, sept lieux de culte pratiquant un islam radical seraient encore ouverts.

    M. Alexis Corbière

  • partager

    Ce n’est pas vrai, madame ! On fermait des lieux de culte avant !

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    Sans cette loi, onze établissements hors contrat continueraient à former nos enfants à un islam radical. Sans cette loi, huit fonds de dotation continueraient à alimenter un islam radical.
    Concernant l’instruction dans la famille, je rappelle que la règle est l’inscription dans un établissement scolaire, public ou privé, et l’exception l’instruction dans la famille. Cette exception peut être ouverte à l’une des cinq conditions suivantes affectant l’élève : état de santé ; pratique sportive ou culturelle à haut niveau ; itinérance ou éloignement d’un établissement scolaire ; situation propre justifiant un projet éducatif particulier ; menace à l’intégrité physique ou morale de l’élève dans son établissement scolaire. Grâce à la loi CRPR, 100 % des élèves instruits en famille ont été contrôlés.

    M. Alexis Corbière

  • partager

    C’est faux ! 30 % ne sont pas contrôlés !

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    Je confirme que ce sont bien 100 % des élèves.
    Grâce à un numéro d’identification national, il est possible d’identifier les élèves qui ne seraient ni inscrits dans un établissement scolaire ni instruits dans la famille. Le nombre de demandes d’instruction dans la famille est passé de 72 000 à 48 000. Je reviendrai sur les motifs de ces demandes.

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Julien Odoul.

    M. Julien Odoul (RN)

  • partager

    Le 16 octobre 2020, M. Samuel Paty, professeur de la République française, était assassiné, décapité par un islamiste devant son établissement. Depuis cette triste date, rien n’a changé dans un océan de lâcheté. Votre petite loi de carnaval n’a rien conforté, rien fait respecter, et votre bilan est accablant. Combien de mosquées radicales ont-elles été fermées depuis deux ans et demi ? Zéro !

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    Sept !

    M. Julien Odoul

  • partager

    Combien d’étrangers fichés S pour radicalisation ont-ils été expulsés ? Zéro ! Combien de prêcheurs de haine étrangers ont-ils été expulsés ? Zéro ! Combien d’idéologies islamistes ont-elles été interdites dans notre pays ? Zéro ! Dans le même temps, les menaces et les intimidations contre les professeurs ont explosé : de la Gironde à l’Alsace, des enseignants sont menacés du même sort que Samuel Paty après avoir présenté des caricatures de Mahomet ou abordé la Shoah. Les atteintes à la laïcité, cible d’attaques islamistes, se multiplient dans nos établissements : 313 atteintes à la laïcité rien que pour le mois de septembre 2022. Sur les réseaux sociaux, le harcèlement islamiste se développe. Dans l’espace public, le voile – totem de l’islam politique – se développe partout. Selon une récente étude de l’Insee, la proportion de femmes musulmanes portant le voile en France est passée de 18 % à 26 % en dix ans.
    Madame la secrétaire d’État, au regard de cet état de fait et de votre bilan accablant, allez-vous, une bonne fois pour toutes, arrêter de faire semblant et attaquer l’« hydre islamiste », comme y appelait le Président de la République il y a quelques années ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme la secrétaire d’État.

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    Je regrette que vous n’ayez pas de question, mais cela se comprend : votre présidente n’a pas voté la loi.

    M. Bryan Masson

  • partager

    Le disque est rayé !

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    Vous me demandez combien de lieux de culte ont été fermés : sept lieux de culte où l’islam radical était pratiqué l’ont été. Sans cette loi, nous n’aurions pas pu le faire.

    Mme Danielle Simonnet

  • partager

    C’est faux !

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    Sans cette loi, des centaines d’enfants seraient encore éduqués selon des principes voulant par exemple que les femmes soient soumises à leur mari, auquel elles devraient obéir au doigt et à l’œil.

    M. Bryan Masson

  • partager

    Ces pratiques existent partout en France, et de plus en plus !

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    Sans celle loi, il n’y aurait pas de formation à la laïcité dans les services publics, qui continueraient à être gangrenés par l’islam radical. Voilà la réalité !

    M. François Cormier-Bouligeon

  • partager

    C’est ce qu’ils veulent !

    M. Alexis Corbière

  • partager

    C’est faux, archifaux !

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    Si vous étiez honnête, vous salueriez la fermeture de ces sept lieux de culte, de onze établissements hors contrat et de huit fonds de dotation qui alimentaient l’islam radical. Plusieurs millions d’euros ont ainsi été récupérés et ne vous en déplaise, nous allons continuer !

    M. François Cormier-Bouligeon

  • partager

    Très bien !

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Danielle Simonnet.

    Mme Danielle Simonnet (LFI-NUPES)

  • partager

    Dans le cadre de la loi « séparatisme », vous avez lancé une véritable campagne de suspicion contre les associations en leur imposant la signature du contrat d’engagement républicain, comme si le terrorisme et la diffusion d’un fondamentalisme religieux avaient un rapport avec nos associations, pilier fondamental de notre République.

    M. François Cormier-Bouligeon

  • partager

    De quoi avez-vous peur ?

    Mme Danielle Simonnet

  • partager

    L’objectif de votre loi est d’organiser une forme de suspicion à l’égard de nos concitoyens de confession musulmane – réelle ou supposée. C’est pourtant contraire aux principes républicains : en République, le peuple est un et indivisible.
    Le seul exemple d’association n’ayant pas respecté le contrat d’engagement républicain fourni par votre rapport est celui d’Alternatiba. Quel rapport avec l’islamisme radical ?

    M. Alexis Corbière

  • partager

    Aucun !

    Mme Danielle Simonnet

  • partager

    Quels dangers une formation aux actions non violentes pour le climat représente-t-elle pour la République ?

    M. Gérard Leseul

  • partager

    Aucun !

    Mme Danielle Simonnet

  • partager

    Qu’est-ce qui vous gêne ? Peut-être s’agit-il des actions contre Lafarge, entreprise productrice de ciment la plus polluante et poursuivie pour avoir financé Daech ? Je note que le président Macron a toujours été bien silencieux sur ce sujet. On s’interroge. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Combien d’associations ont-elles refusé de signer le contrat d’engagement républicain, non par désaccord avec les principes républicains mais par refus de cette soumission, contraire à l’esprit de la République et à la loi de 1901 sur les libertés associatives ?

    M. François Cormier-Bouligeon

  • partager

    De quoi avez-vous peur ?

    Mme Danielle Simonnet

  • partager

    Combien d’associations ont-elles perdu des subventions du fait de décisions préfectorales ?
    Le contraste est saisissant avec le scandale du fonds Marianne, créé pour lutter contre le séparatisme après l’assassinat odieux de Samuel Paty. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Une seule association aurait ainsi obtenu 335 000 euros à elle seule, soit 15 % du total des fonds alloués,…

    Mme Andrée Taurinya

  • partager

    Un pognon de dingue !

    Mme Danielle Simonnet

  • partager

    …pour la réalisation de quelques vidéos dont la plupart ont été vues moins de cent fois. Deux dirigeants de cette association, Mohamed Sifaoui et Cyril Karunagaran, ont empoché à eux deux 120 000 euros de salaire.

    M. François Cormier-Bouligeon

  • partager

    Et les salaires chez les Insoumis ?

    Mme la présidente

  • partager

    Merci de conclure, chère collègue.

    Mme Danielle Simonnet

  • partager

    La famille de Samuel Paty est scandalisée. Quelles décisions allez-vous prendre à la suite de ce scandale pour faire en sorte que ces fonds soient remboursés et ces profiteurs poursuivis et jugés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme la secrétaire d’État.

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    Je veux d’abord souligner l’extraordinaire travail mené par le comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation. Avant la mort de Samuel Paty et le discours des Mureaux, il n’y avait pas de contre-discours républicains en face des discours radicaux.

    M. Alexis Corbière

  • partager

    C’est une blague ?

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    Le risque d’attaque terroriste reste très élevé, M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer l’a rappelé ce matin. Parmi les quarante-sept projets d’attentat déjoués, la plupart étaient le fait d’islamistes radicaux.

    M. Alexis Corbière

  • partager

    Aucun rapport, il s’agit du ministère de l’intérieur !

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    C’est bien le ministère de l’intérieur qui s’occupe de cette loi.
    Je rappelle que sur les soixante et onze associations candidates à l’appel à projets du fonds Marianne, dix-sept ont finalement été retenues pour un montant total de 2 millions.

    M. Alexis Corbière

  • partager

    2,5 millions !

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    Elles ont produit plus de 2 000 contenus diffusés auprès de plusieurs millions d’internautes présents sur les réseaux sociaux.

    M. Alexis Corbière

  • partager

    C’est faux !

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    L’un des contenus a d’ailleurs été visionné plus de 5 millions de fois. Cette production de discours républicain a donc été une grande réussite.

    M. François Cormier-Bouligeon

  • partager

    Excellent ! Cela vous gêne ?

    M. Alexis Corbière

  • partager

    Cela me choque !

    M. François Cormier-Bouligeon

  • partager

    Vous n’aimez pas la République !

    Mme la présidente

  • partager

    Merci d’écouter Mme la secrétaire d’État.

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    Des interrogations sont apparues sur l’utilisation des subventions allouées par le fonds Marianne.
    Dès qu’elles ont été portées à ma connaissance, j’ai demandé au CIPDR d’enquêter sur l’utilisation des fonds par l’association en cause. Les éléments transmis nous ont conduits à missionner, le 29 mars, l’Inspection générale de l’administration afin que toute la lumière soit faite sur cette association. Je vous demande de ne pas jeter l’opprobre sur les dix-sept associations, qui ont fait un excellent travail.

    M. Alexis Corbière

  • partager

    Heureusement que les Insoumis sont vigilants, sinon l’affaire aurait été couverte !

    M. François Cormier-Bouligeon

  • partager

    Faites donc le même travail chez vous !

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    Le préfet Gravel a transmis, sur le fondement de l’article 40…

    Mme la présidente

  • partager

    Madame la secrétaire d’État, vous avez excédé votre temps de parole.
    La parole est à Mme Andrée Taurinya.

    Mme Andrée Taurinya (LFI-NUPES)

  • partager

    De la dissolution du Collectif contre l’islamophobie en France à celle des Soulèvements de la Terre, il y a une continuité. Elle s’est cristallisée dans la loi confortant le respect des principes de la République, dite loi « séparatisme », utilisée pour faire la guerre au Mouvement associatif sous prétexte de lutter contre le terrorisme.

    Mme Émilie Bonnivard

  • partager

    Carrément !

    Mme Andrée Taurinya

  • partager

    C’est ainsi que le gouvernement précédent avait tenté de dissoudre un groupe antifasciste lyonnais et environs, le Gale, avant que le Conseil d’État ne suspende heureusement cette décision. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Cet arsenal répressif est aujourd’hui utilisé contre le mouvement écologiste après le maintien du désordre que vous avez provoqué dans les Deux-Sèvres.

    Mme Émilie Bonnivard

  • partager

    J’espère que l’association sera dissoute, ils sont dangereux !

    Mme Andrée Taurinya

  • partager

    Opposés à la construction mortifère des mégabassines, ces militants ont pâti de vos décisions, qui les ont blessés, allant jusqu’à provoquer le coma de deux d’entre eux. Votre chasse aux ennemis de la République semble n’avoir aucune limite. Prenez garde : abuser de la rhétorique de l’ennemi de l’intérieur entraîne notre pays dans un moment préfasciste. M. Darmanin a déclaré qu’il ne céderait rien au terrorisme intellectuel, mais de quel terrorisme parle-t-il ? Vous dites qu’il existe une complicité évidente entre des gens qui sont entrés à l’Assemblée nationale et des mouvements d’extrême gauche qui terrorisent. Vous allez jusqu’à proposer de dissoudre la Ligue des droits de l’homme, après avoir asséché ses financements.

    Mme Danielle Simonnet

  • partager

    C’est une honte !

    Mme Andrée Taurinya

  • partager

    À quand le retour de la rétention préventive ? Vous ne tenez plus que par la matraque et le déshonneur.

    M. François Cormier-Bouligeon

  • partager

    Quel délire ! C’est n’importe quoi !

    M. Lionel Royer-Perreaut

  • partager

    Les mots ont un sens !

    Mme Andrée Taurinya

  • partager

    Ma question est simple : cette loi scélérate, qui, prétendument, conforte les principes républicains, sera-t-elle utilisée pour dissoudre l’association Les Soulèvements de la Terre dont les membres participent à des actions de désobéissance civile ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme Émilie Bonnivard

  • partager

    J’applaudirai lorsque la dissolution sera prononcée ! Qui sont les fascistes, on se le demande !

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme la secrétaire d’État.

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    Vous êtes à côté du sujet.

    M. François Cormier-Bouligeon

  • partager

    Ils sont à côté de la plaque, tout le temps !

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    Le débat porte sur la loi CRPR et vous parlez de Sainte-Soline, alors qu’aucune association impliquée dans les manifestations de Sainte-Soline n’a été dissoute sur le fondement de la loi CRPR. En 2022, cinq associations ont été dissoutes : deux de mouvance salafiste, une d’ultradroite, une d’ultragauche et une de supporters ultras du PSG. Voilà la réalité.
    Des associations qui prônent la violence pour défendre une cause…

    Mme Andrée Taurinya

  • partager

    Elles prônent la désobéissance civile, ce n’est pas la même chose !

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    Si, elles ont prôné la violence ! Leurs militants sont arrivés avec des haches, des cocktails Molotov et des boules de pétanque…

    Mme Émilie Bonnivard

  • partager

    Eh oui ! C’est ça, la désobéissance civile ?

    Mme Danielle Simonnet

  • partager

    Qui est dans le coma ?

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    …parce qu’ils ont été appelés à venir avec des outils qui ne servent pas à se promener dans un champ avec des poussettes.

    M. François Cormier-Bouligeon

  • partager

    Ce sont les méthodes de l’extrême gauche mélenchoniste !

    Mme Andrée Taurinya

  • partager

    C’est un mensonge !

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    Si, en tant que députée, vous, qui votez la loi, défendez le fait d’aller à une manifestation interdite alors que, de toute évidence, c’est interdit par la loi ; si vous défendez des associations qui prônent la violence, alors, effectivement, vous n’êtes pas à la hauteur de votre fonction de députée. (Vives protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Pierre Cordier

  • partager

    Il ne faut pas dire cela, madame la secrétaire d’État !

    M. Maxime Minot

  • partager

    C’est léger !

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Xavier Breton.

    M. Xavier Breton (LR)

  • partager

    Je souhaite vous interroger sur la mise en œuvre du régime d’autorisation d’instruction dans la famille prévu par la loi confortant le respect des principes de la République. J’associe Mme Émilie Bonnivard à ma question, car elle travaille beaucoup sur ce sujet.
    La substitution du régime de déclaration par le régime d’autorisation prévu par la loi a constitué un recul grave pour une liberté fondamentale. Sous prétexte de lutte contre l’islamisme radical, vous soumettez désormais les familles à une autorisation préalable délivrée par les académies. De nombreux parents d’élèves se sont vu refuser cette autorisation alors que la situation de leurs enfants répond aux critères prévus par la loi. Au moins la moitié des nouvelles demandes sont refusées à des familles qui pratiquaient déjà l’instruction dans la famille et qui devraient donc pouvoir continuer à le faire. Les conséquences de ce refus sont désastreuses : fratries séparées, enfants en difficulté scolaire, etc. Les parents d’élèves témoignent également de difficultés à obtenir les motifs explicites du refus d’autorisation. Ils s’inquiètent du manque de transparence des décisions de l’éducation nationale.
    Aussi comprendrez-vous que nous ayons besoin de transparence sur le nombre d’autorisations enregistrées ; de transparence sur le nombre de refus, avant et après recours, en en précisant les motifs ; de transparence sur la répartition de ces chiffres par académie ; de transparence sur le nombre de contrôles effectués par les autorités académiques ; de transparence sur le nombre de cas répondant explicitement aux critères inscrits dans la loi dite de lutte contre le séparatisme, qui vise à lutter contre l’islamisme radical.
    Malgré nos questions, nous n’avons aucune réponse. On peut douter que vous souhaitiez la transparence quand vous affichez comme une victoire, un trophée, le recul de 30 % de l’instruction en famille, sans distinguer les cas qui relèvent de la lutte contre l’islamisme radical, qui sont en fait très minoritaires – ils représenteraient un cas sur dix, d’après ce que j’ai compris –, de l’immense majorité des cas, qui relèvent, eux, de votre combat laïciste et étatiste contre la liberté de l’éducation.

    M. François Cormier-Bouligeon

  • partager

    Laïciste, un mot de l’extrême droite !

    M. Xavier Breton

  • partager

    Madame la secrétaire d’État, êtes-vous prête à la transparence que nous demandons ? (Mme Marie-France Lorho applaudit.)

    Mme Caroline Fiat

  • partager

    Je souhaite faire un rappel au règlement !

    Mme la présidente

  • partager

    Peut-on laisser Mme la secrétaire d’État répondre auparavant ?

    Mme Caroline Fiat

  • partager

    Non !

    Rappels au règlement

    Mme la présidente

  • partager

    Madame Fiat, quel est le fondement de votre rappel au règlement ?

    Mme Caroline Fiat

  • partager

    Il se fonde sur l’alinéa 3 de l’article 70 du règlement, qui prévoit des peines disciplinaires pour tout membre de l’Assemblée qui « adresse à un ou plusieurs de ses collègues des injures, provocations ou menaces ».
    Un membre du Gouvernement, qui est nommé, ne peut en aucun cas insulter ceux de nos concitoyens qui nous ont élus en déclarant que nous ne valons rien comme députés, que nous ne méritons pas d’exercer cette fonction. C’est totalement inadmissible !

    M. François Cormier-Bouligeon

  • partager

    Qui a dit cela ?

    Mme Caroline Fiat

  • partager

    Mme la secrétaire d’État vient de le dire. Arrêtez vos provocations !

    M. François Cormier-Bouligeon

  • partager

    Vous affabulez !

    M. Maxime Minot

  • partager

    Si, la secrétaire d’État l’a bien dit !

    Mme Caroline Fiat

  • partager

    Monsieur Cormier-Bouligeon, je n’entrerai pas dans votre jeu. Il est hors de question qu’un membre du Gouvernement prétende juger de ma légitimité de députée.

    Mme Émilie Bonnivard

  • partager

    Quand on contrevient à la loi, on s’expose à ce genre de questions…

    Mme Caroline Fiat

  • partager

    C’est une insulte envers les électeurs qui nous ont amenés ici ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. François Cormier-Bouligeon

  • partager

    Affabulation !

    Mme la présidente

  • partager

    Madame Fiat, vous savez parfaitement, parce que vous connaissez très bien le règlement de notre assemblée – mieux que moi, j’en suis certaine –, que celui-ci ne prévoit pas de sanctions contre les membres du Gouvernement. (Mme Caroline Fiat proteste.)

    M. François Cormier-Bouligeon

  • partager

    Ça ne la dérange pas !

    M. Xavier Breton

  • partager

    Les membres du Gouvernement, qui se permettent des bras d’honneur !

    Mme Nadège Abomangoli

  • partager

    C’est la jurisprudence bras d’honneur !

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Maxime Minot, pour un rappel au règlement.

    M. Maxime Minot

  • partager

    Il se fonde également sur l’article 70, alinéa 3, du règlement. Si je n’ai pas pour habitude de défendre les députés de La France insoumise…

    M. François Cormier-Bouligeon

  • partager

    En revanche, ceux du Rassemblement national…

    M. Pierre Cordier

  • partager

    Ça suffit !

    M. Maxime Minot

  • partager

    Prenez le micro, monsieur Cormier-Bouligeon ! Vous êtes connu pour votre liberté de parole, mais hors micro. Assumez vos propos !
    Je soutiens la cause de Mme Fiat. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et SOC.) Je trouve inadmissible d’entendre un membre du Gouvernement déclarer qu’une députée ne mérite pas d’exercer cette fonction, en particulier quand c’est dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale. Je rappelle que nous avons été élus, quand d’autres sont nommés à leur poste ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN et sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

    3. Bilan de la loi confortant le respect des principes de la République (suite)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme la secrétaire d’État, pour répondre à la question de M. Breton.

    Mme Caroline Fiat

  • partager

    Auparavant, elle pourrait s’excuser !

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    Monsieur le député, accordons-nous sur le fait que l’instruction en famille est justifiée quand elle permet à un jeune de pratiquer une activité sportive ou culturelle, parce qu’il rencontre des difficultés pour trouver un établissement scolaire proche de chez lui, mais non quand elle vise à transmettre des discours radicaux.
    Vous affirmez que certaines familles n’ont pas été autorisées à poursuivre l’instruction en famille, qu’elles pratiquaient pourtant légalement jusque-là. C’est inexact, puisque le renouvellement de l’instruction en famille est de droit dès lors que l’enfant concerné en bénéficiait l’année précédente et que le contrôle a débouché sur un avis positif – c’est-à-dire n’a pas mis en lumière de difficultés particulières.
    Quant aux chiffres, comme je l’indiquais tout à l’heure, 6 000 refus d’autorisation ont été prononcés, dont environ la moitié pour des demandes fondées sur le quatrième motif prévu par la loi – demandes qui ne sont pas toutes expliquées par le séparatisme.
    Les refus motivés par le séparatisme occupent effectivement une place marginale, mais encore une fois, le principe d’autorisation préalable n’empêche pas ceux qui ont besoin de l’instruction en famille d’y recourir. Ceux qui peuvent y avoir droit y ont droit. Ce principe ne leur crée aucune difficulté et je ne vois pas pourquoi il est contesté.

    M. Xavier Breton

  • partager

    Je vous enverrai les familles concernées, en espérant que cette fois, vous les recevrez – elles le demandent en vain depuis des mois.

    Mme Caroline Fiat

  • partager

    Incroyable ! Aucune excuse ! Apparemment, je ne mérite pas d’être députée ! Les membres du Gouvernement peuvent faire des bras d’honneur, insulter…

    M. François Cormier-Bouligeon

  • partager

    Quel cinéma, madame Fiat !

    Mme Caroline Fiat

  • partager

    C’est vous qui dites ça ? Pourtant, en la matière, j’aurais beaucoup à apprendre de vous !

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Gérard Leseul.

    M. Gérard Leseul (SOC)

  • partager

    Madame la secrétaire d’État, vous avez évoqué le bilan de la loi selon la puissance publique, en nous communiquant quelques maigres chiffres, qui ne nous permettent toujours pas d’apprécier réellement l’intérêt de votre loi. Pourtant, si je vous entends bien, sans celle-ci, la France serait à feu et à sang, totalement islamisée, et les services publics gangrenés. Permettez-moi de ne pas y croire. Il n’y avait pas besoin de cette loi pour agir.
    J’appelle de nouveau votre attention sur les effets constatés de ce texte sur les associations. Le contrat d’engagement républicain traduit une logique de défiance envers elles, mais surtout une profonde méconnaissance de leur rôle, car loin d’être une menace pour la République, elles font vivre ses principes, ses valeurs, au quotidien et accompagnent leur évolution.
    Je m’étonne, avec toutes les bonnes intentions que vous nous avez rappelées tout à l’heure, que le Gouvernement et celui qui l’a précédé n’aient pas convaincu le milieu associatif et ses mouvements. Un an après l’entrée en vigueur de la loi, on constate déjà une utilisation problématique de ce texte par les pouvoirs publics qui l’interprètent, et parfois le surinterprètent, avec des différences très notables d’une ville à l’autre, voire d’un ministère à l’autre. La pratique dépend grandement de la personne aux responsabilités publiques, ce qui place les associations face à une forme d’arbitraire extrêmement problématique.
    Plusieurs collègues ont d’ailleurs très pertinemment rappelé les cas d’Alternatiba ou celui du planning familial de Chalon-sur-Saône. En effet, dans plusieurs cas, le contrat d’engagement républicain a été utilisé pour empêcher des actions d’associations, notamment environnementales ou défendant des droits, des causes, ce qui affecte leur capacité à faire vivre le débat et illustre à quel point le rôle des associations est mal compris par certains. Rappelons-le, elles ne sont pas là pour faire plaisir aux pouvoirs publics.
    Par ailleurs, à côté de l’insécurité financière qu’il crée, le contrat d’engagement républicain est aussi une source d’insécurité juridique. Pourtant, un outil coconstruit par l’État, les collectivités territoriales et les associations, la charte des engagements réciproques, existe depuis vingt ans et il est préférable de proposer un pacte de confiance plutôt qu’un esprit de défiance. Les associations attendent un geste de la part de l’État. Quand comptez-vous répondre à leur demande en reprenant le contrat d’engagement républicain pour coconstruire avec le secteur associatif ?

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme la secrétaire d’État.

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    Je vous remercie pour le caractère constructif de votre question. On peut être en désaccord et se respecter. Le CER est un outil récent, ses dispositions ne sont pleinement opérationnelles que depuis avril 2022 ; nous manquons encore de recul sur leur application. Comme évoqué tout à l’heure, un recours contre le décret d’application a été déposé devant le Conseil d’État, mais n’a pas encore été jugé. Plusieurs contentieux ont en outre été engagés localement concernant le CER. La jurisprudence permettra de clarifier ce que la loi autorise et ce qu’elle n’autorise pas.
    Enfin, l’État doit encore accompagner les autorités locales pour qu’elles se saisissent correctement de ce contrat et de ce qu’il autorise. Nous aurons intérêt à dresser tous ensemble un bilan dans quelques mois, une fois que cette loi aura réellement été appliquée, et de manière équitable, dans l’ensemble des territoires.
    D’un point de vue plus juridique, le Conseil constitutionnel, vers lequel beaucoup de regards se tournent en ce moment, a reconnu explicitement dans sa décision du 13 août 2021 que le contrat d’engagement républicain ne porte pas d’atteinte au principe de la liberté d’association, auquel nous sommes tous très attachés. Les associations sont libres, mais les financements publics n’ont pas à alimenter celles qui ne respectent pas les lois, les valeurs et les principes de la République.

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Christophe Plassard.

    M. Christophe Plassard (HOR)

  • partager

    Depuis 2012, les attentats islamiques ont causé la mort de 271 personnes et fait près de 1 200 blessés en France. En dehors de ces attaques tragiques, auxquelles nous n’étions le plus souvent pas préparés, les ravages causés par la radicalisation, dont le séparatisme, touchent notre pays au quotidien. En juin 2019, dans un rapport d’information sur les services publics face à la radicalisation, les députés Éric Diard et Éric Poulliat alertaient la représentation nationale sur la radicalisation dans le milieu sportif, qui est pourtant le lieu emblématique de l’intégration et de l’apprentissage des règles du vivre-ensemble. Ils citaient une note du service central de renseignement territorial qui rapportait dès 2015 que de façon délibérée, certains fidèles musulmans aux pratiques radicales investissent le terrain social et sportif – notamment certaines salles de sport et équipes sportives – afin d’exercer sur leur coreligionnaires des pressions et de les amener à adhérer à leur philosophie rigoriste. Afin de mieux lutter contre la radicalisation dans le sport, une des préconisations de leur rapport était de redonner au préfet la compétence pour délivrer l’agrément aux associations sportives, même si celles-ci sont déjà affiliées à une fédération. En effet, actuellement, il suffit pour un club d’être affilié à une fédération agréée pour bénéficier de cet agrément en cascade, à charge pour les fédérations de contrôler les clubs, alors qu’elles n’en ont pas forcément les moyens.
    À moins de 500 jours de l’ouverture des Jeux olympiques, allez-vous rendre aux préfets cette compétence qui leur a été retirée par une ordonnance prise sous la présidence de M. Hollande ? Quelle action le Gouvernement entreprend-il pour protéger les Jeux olympiques de cette menace bien réelle ? Un amendement visant à revenir sur cette ordonnance avait été adopté par notre assemblée en première lecture du projet de loi CRPR, avant que la disposition ne soit supprimée par le Sénat. Ne faudrait-il pas l’étudier de nouveau ?

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme la secrétaire d’État.

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    Vous faites référence aux travaux de MM. Diard et Poulliat, dont je salue l’implication sur les questions de radicalisation dans le sport. Vous noterez que leur rapport, rédigé en 2019, précède l’élaboration du projet de loi CRPR. À l’époque, après discussion avec M. Poulliat, qui était l’un des rapporteurs de ce texte, le Gouvernement n’avait pas repris sa recommandation, lui préférant un dispositif beaucoup plus efficace, le contrat d’engagement républicain.
    Plutôt que de demander aux préfets de délivrer l’agrément aux associations sportives, ce qui les noierait sous la charge de travail, nous leur donnons les moyens d’agir de façon ciblée, sans alourdir leur travail ni compliquer la vie des centaines de milliers d’associations sportives qui ne posent problème à personne. Pour résumer, nous avons désormais les moyens de lutter contre l’entrisme séparatiste dans le sport sans revenir sur l’allégement des procédures administratives.

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Christophe Naegelen.

    M. Christophe Naegelen (LIOT)

  • partager

    La récente réforme de l’instruction en famille dans la loi confortant le respect des principes de la République a apporté des changements significatifs à la pratique de celle-ci, suscitant des débats et des controverses. Même si nous pouvons entendre certains des arguments en faveur d’un encadrement renforcé, d’un contrôle accru et de davantage de réglementation, cela pose la question de la liberté éducative des parents.
    En effet, la réforme peut conduire à la stigmatisation des familles pratiquant l’IEF, voire à des discriminations à leur encontre. Les contrôles renforcés instaurés par la réforme peuvent être perçus comme une atteinte à la confiance envers ces familles. Certains parents peuvent se sentir contraints dans leurs choix éducatifs. Il faut donc s’interroger sur l’efficacité de la réforme et ses conséquences en matière de liberté éducative des parents. Il importe de poursuivre le dialogue, afin de trouver un équilibre entre la nécessité de garantir une éducation de qualité pour tous les enfants et le respect des choix éducatifs des familles.
    Madame la secrétaire d’État, combien de contrôles ont-ils été effectués en 2022 ? Quel est le pourcentage d’irrégularités dans la pratique de l’IEF signalé par les autorités académiques ? Enfin, disposez-vous de données actualisées quant au nombre d’enfants instruits en famille ? (Mme Emmanuelle Ménard applaudit.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme la secrétaire d’État.

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    J’ai déjà répondu à certains éléments de votre question concernant l’instruction en famille. Tout d’abord, avec ce texte, il s’agissait d’identifier les élèves instruits en famille qui étaient entièrement sortis du système républicain. Je l’ai dit à plusieurs reprises, s’ils ne représentaient que quelques dixièmes de pour cent des élèves bénéficiant de l’IEF, c’est-à-dire quelques dizaines ou centaines de personnes, ils existaient. Le système d’identification des élèves, le système d’autorisation a priori, et le contrôle systématique ont permis de gagner en visibilité sur ce point.
    Comme indiqué tout à l’heure, nous avons contrôlé l’ensemble des familles pour lesquelles une demande d’autorisation d’instruction en famille a été déposée, que les enfants concernés aient bénéficié ou non de l’IEF l’année précédente. Pour relativiser votre inquiétude, je rappelle aussi que nous n’avons instauré qu’une autorisation préalable, et non une interdiction ou une stigmatisation de l’IEF.
    Dans d’autres pays, l’instruction en famille est beaucoup plus encadrée. C’est le cas notamment en Allemagne, où elle est interdite, sauf cas exceptionnels, pour une raison médicale par exemple, en Croatie où elle est aussi interdite, sauf également pour raison médicale, en Suède, où elle est autorisée uniquement pour les familles itinérantes, et en Espagne, où la Constitution évoque l’éducation obligatoire et la scolarisation.

    M. Christophe Naegelen

  • partager

    Mais nous vivons en France.

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    Oui, et c’est une grande chance de vivre en France,…

    M. Xavier Breton

  • partager

    On attend toujours les chiffres !

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    … où l’instruction en famille est simplement encadrée et où ceux qui sont légitimes à instruire leurs enfants en famille peuvent le faire – pour des raisons médicales, de pratiques sportives ou culturelles, mais également quand l’élève est harcelé à l’école ou pour ceux qui ont un projet particulier et peuvent le justifier lors des contrôles.

    M. Xavier Breton

  • partager

    Toujours pas de chiffres !

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    Ce n’est pas le cas pour ceux dont le but est séparatiste.

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.

    Mme Emmanuelle Ménard (NI)

  • partager

    Madame la secrétaire d’État, vous avez présenté 2022 comme l’année du réveil républicain, avec 3 000 contrôles et 187 établissements fermés, dont sept mosquées et onze écoles. Réveil indispensable puisque la France a échappé à trente-neuf attentats en cinq ans et que quatre-vingt-dix neuf mosquées et salles de prière, sur les 2 623 répertoriées dans notre pays, sont soupçonnées d’accueillir des prêches séparatistes. Ces chiffres en disent long sur les moyens mis en œuvre et les résultats, malheureusement encore insuffisants. Le fonds Marianne, lancé à l’époque par Marlène Schiappa et doté de 2,5 millions d’euros, devait contribuer à améliorer les choses en défendant les valeurs de la République.
    À force d’insister, nous avons fini par obtenir la liste des associations bénéficiaires de ce fonds : dix-sept lauréats, dont trois se partagent pas moins de 1 million d’euros. L’Union des sociétés d’éducation physique et de préparation militaire retient plus particulièrement notre attention puisqu’à elle seule, elle a capté 355 000 euros de subventions – une somme rondelette, vous l’avouerez, en complet décalage avec les résultats très relatifs de cette association, qui devait infiltrer la toile pour y débusquer les radicalisés en tous genres. Son profil Facebook est riche de cinq amis, son compte YouTube est plus que maigrichon et la majorité de ses vidéos n’atteignent pas 100 vues. Enfin, seules 138 personnes sont abonnées à son compte Instagram.
    Le fonds Marianne a-t-il vraiment servi les intérêts de la République ? L’utilisation de cet argent ne méritait-il pas plus d’attention après l’expérience désastreuse – pour ne pas dire le fiasco – du premier centre de prévention, d’insertion et de citoyenneté, qui s’est retrouvé sans pensionnaires alors qu’il employait vingt-sept personnes, pour un coût annuel de fonctionnement avoisinant les 2,5 millions d’euros, et dont l’absence totale de résultats avait été dénoncée dans un rapport du Sénat en 2017 ? (M. Christophe Naegelen applaudit.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme la secrétaire d’État.

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    Vos questions vont me permettre de compléter ma réponse sur le fonds Marianne. Tout d’abord, rappelons qu’il ne faut pas jeter l’opprobre sur toutes les associations. Sur les dix-sept associations, seize ont fait l’objet d’un contrôle, ne posent pas de problème et réalisent des millions de vues en diffusant un contre-discours républicain. Dans le cadre de la lutte contre la radicalisation, nous avons intérêt à soutenir ces initiatives.
    Je le répète, les contrôles sont forcément effectués a posteriori puisqu’on demande aux associations de produire du contenu – on vérifie ensuite que l’argent versé l’a bien été pour produire et diffuser du contenu. S’agissant de l’association que vous évoquez, les éléments qui nous ont été transmis m’ont amenée à solliciter une enquête de l’Inspection générale de l’administration et à demander au préfet Gravel de saisir la procureure de la République sur le fondement de l’article 40 afin qu’une enquête judiciaire soit diligentée sur cette association. Si les fonds de l’État ont été dépensés de manière incorrecte, les sanctions seront à la hauteur de l’importance – symbolique – du fonds Marianne.
    Enfin, madame la députée, vous regrettez les résultats relatifs de la loi. Dans votre département, ils sont pourtant particulièrement édifiants : fermeture des salles de cours et, en urgence, pour absence de déclaration, de salles de classe de l’Institut Tawakkoul à Montpellier ; fermeture de locaux de l’association Un avenir prometteur, émanation du mouvement sectaire frériste Al-Qubaysiyat ; fermeture de la salle de prière du centre multiculturel d’Occitanie à Montpellier au titre de la sécurité des bâtiments ; interruption par arrêté préfectoral du fonctionnement de l’institut Al Cham, contrôlé en tant qu’établissement recevant du public (ERP).

    Mme Emmanuelle Ménard

  • partager

    C’est grâce au préfet, pas aux associations !

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    Je salue effectivement l’action exceptionnelle du préfet dans votre département.

    Mme Emmanuelle Ménard

  • partager

    Moi aussi !

    Mme Sonia Backès, secrétaire d’État

  • partager

    Mais il s’est appuyé sur les dispositions de la loi CRPR. Sans la loi, il n’aurait pas pu le faire. Nous pouvons donc tous saluer les résultats déjà exceptionnels de cette loi, qui ne fait que commencer à produire ses effets – et bien sûr, les résultats du préfet Moutouh.

    Mme Emmanuelle Ménard

  • partager

    Ce n’était pas ma question !

    Mme la présidente

  • partager

    Le débat est clos.

    4. Ordre du jour de la prochaine séance

    Mme la présidente

  • partager

    Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
    Débat sur le thème : « Contre le recul de la culture scientifique à l’école, au sein de l’État et dans nos politiques publiques. »
    La séance est levée.

    (La séance est levée à dix-neuf heures vingt.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra