XVIe législature
Session ordinaire de 2022-2023

Première séance du mercredi 11 janvier 2023

Sommaire détaillé
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Première séance du mercredi 11 janvier 2023

Présidence de Mme Naïma Moutchou
vice-présidente

Mme la présidente

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quinze heures.)

    1. Aides publiques aux entreprises

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle le débat sur les aides publiques aux entreprises. La conférence des présidents a décidé d’organiser ce débat en deux parties : dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, puis le Gouvernement ; dans un second temps, nous procéderons à une séance de questions-réponses.
    La parole est à M. François Ruffin.

    M. François Ruffin (LFI-NUPES)

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    Hier après-midi, Mme la Première ministre, Élisabeth Borne, est apparue derrière son pupitre et, comme une juge, elle a prononcé sa sentence : ce sera deux ans. Deux ans de plus pour les auxiliaires de vie, pour les agents d’entretien, pour les caristes et pour toutes celles et tous ceux à qui le Président Macron promettait qu’« il nous faudra nous rappeler aussi que notre pays, aujourd’hui, tient tout entier sur des femmes et des hommes que nos économies reconnaissent et rémunèrent si mal ». Qu’a-t-il fait pour eux depuis ? Rien. Qu’a-t-il fait pour augmenter le salaire des manutentionnaires ou des ouvriers du secteur agroalimentaire ? Rien. Au contraire : c’est avant tout leur pouvoir de vivre que l’inflation vient rogner.
    Et maintenant, la double peine : il faudra travailler jusqu’à 64 ans. Alors que, dans tous ces métiers, on s’est déjà fait opérer des épaules ou des genoux avant d’atteindre la soixantaine, qu’on a déjà les poignets usés, le dos brisé ou, pour d’autres, comme les soignants et les enseignants, le cerveau épuisé, ce sera donc 64 ans.
    Suis-je hors sujet, monsieur Lescure ?

    M. Romain Daubié

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    Oui !

    M. François Ruffin

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    Mes propos n’auraient-ils aucun lien avec les aides aux entreprises dont nous sommes censés parler aujourd’hui ? Il n’y aurait aucun rapport ? Mais c’est précisément vous, le Gouvernement et le Président de la République, qui faites ce lien. Qu’on lise ce que j’appelle le programme caché de Macron, c’est-à-dire le programme de stabilité pour la période 2022-2027 que vous avez adressé à la Commission européenne en juillet dernier – ce n’est pas un régal de littérature, mais citons-le tout de même. Dès le deuxième paragraphe, vous promettez à Bruxelles une « baisse des impôts de production dès 2023 ». Baisse des impôts de production : l’expression revient dans le document comme une obsession, à quinze reprises.
    À la page 56, vous vous faites plus explicite en indiquant : « afin de renforcer la compétitivité des entreprises […], le Gouvernement continuera d’alléger et de simplifier la fiscalité des entreprises. […] Le Gouvernement proposera une suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) dès la loi de finances pour 2023. » C’est fait. C’est voté.

    M. Mickaël Bouloux

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    C’était une mauvaise idée !

    M. François Ruffin

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    Plus précisément, cette mesure – une bagatelle à 8 milliards d’euros –, nous ne l’avons pas votée, puisqu’elle faisait partie du paquet de dispositions adoptées grâce aux 49.3. Mais comment financer cette baisse des impôts de production ? Le programme de stabilité que vous avez rédigé précise clairement que « la maîtrise des dépenses publiques repose principalement sur des réformes structurelles, la réforme des retraites notamment ».
    Nous y voilà. C’est écrit noir sur blanc : vous allez prendre sur les retraites des gens pour donner aux entreprises. Ce recours au principe des vases communicants n’a rien de nouveau. Il s’inscrit même dans une certaine continuité. Le programme de stabilité mentionne ainsi les cadeaux déjà accordés précédemment : « l’année 2021 a été marquée par la […] réduction des impôts de production (– 9 milliards d’euros […]) [et] la nouvelle baisse du taux de l’impôt sur les sociétés (– 3,7 milliards d’euros) ».
    Ces sommes sont donc destinées aux entreprises. Mais auxquelles ? Parler des entreprises, en effet, c’est comme parler des poissons : on y trouve aussi bien les requins que les sardines. Alors à qui ces 13 milliards de cadeaux fiscaux ont-ils profité ? Aux très petites entreprises (TPE) et aux petites et moyennes entreprises (PME) ? Très peu. Ces aides ont représenté moins de 1 % de la valeur ajoutée des boulangers et des bouchers, soit 940 euros en moyenne. Elles ont en revanche constitué 1,5 % de la valeur ajoutée des plus grosses entreprises, pour une moyenne supérieure à 9 millions d’euros.
    On arrose ainsi les entreprises avec des dizaines, voire des centaines de milliards d’euros, à tel point qu’un ancien cadre du Medef estime que l’État « est devenu un puissant dealer de subventions, un narcotique auquel les entreprises françaises aiment se shooter ». Plus de 30 % du budget de l’État, soit 6 % à 8 % du PIB, sont consacrés à ces aides publiques. C’est trois fois le budget de l’éducation et vingt fois celui de la justice. Même sans prendre en considération le covid et la guerre en Ukraine, ces subventions explosent, sans que l’État cible ou conditionne les aides versées. Parmi les entreprises, ce sont ainsi les requins qui ramassent la mise.
    Ces chiffres, ces mesures et ces sigles – crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), crédit d’impôt recherche (CIR), crédit d’impôt innovation (CII), CVAE –, la plupart des Françaises et des Français ne les connaissent pas. Mais ils en ressentent l’injustice et ils en éprouvent l’indécence. Avant-hier, les firmes du CAC40 ont versé à leurs actionnaires 80 milliards d’euros de dividendes, dont les deux tiers bénéficieront non pas aux 10 %, ni même aux 1 %, mais bien aux 0,1 % des familles les plus riches : c’est à elles, c’est à ces firmes que l’État distribue près de 200 milliards d’euros. Et il faudrait que l’assistante maternelle, le couvreur, l’employé travaillent deux années de plus, pour combler un déficit dix à vingt fois inférieur à ce montant !
    Vous organisez le gavage des uns par le rationnement des autres. C’est pour cette raison que, reprenant les mots de Jaurès, nous appelons les Français à se réveiller contre « les cupidités serviles ». (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Stéphane Viry.

    M. Stéphane Viry (LR)

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    Sur proposition du groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale, nous évoquons cet après-midi les aides publiques aux entreprises. En cette période marquée par des difficultés majeures pour de nombreux artisans et commerçants, le sujet revêt une résonance toute particulière. Comment, en effet, ne pas penser à cet instant aux boulangers, aux bouchers-charcutiers et à de nombreux autres professionnels touchés de plein fouet par la hausse exponentielle du coût de l’énergie et, dans certains cas, confrontés à une impasse dans leur activité quotidienne ?
    Comme de nombreux parlementaires, je suis quotidiennement interpellé par ces professionnels, qui lancent un véritable appel au secours. Je me dois de souligner, à cet égard, que les dispositifs créés par le Gouvernement sont bien souvent trop restrictifs et trop compliqués. Le Président de la République en convient lui-même. Toutefois, comment pourrions-nous laisser entendre que ces femmes et ces hommes, ces entrepreneurs qui se lèvent tôt chaque jour pour nous nourrir et pour faire vivre la France, qui fournissent des services indispensables, seraient les profiteurs d’un système – si tant est, d’ailleurs, qu’ils réalisent le moindre profit ?
    En matière d’aides publiques aux entreprises, il me semble utile de rappeler deux principes. Le premier réside dans la définition même de l’aide : selon le dictionnaire Larousse, le terme désigne le fait de « donner une assistance momentanée » ou de porter un « secours financier » temporaire à des entreprises ou à des industries. Le second principe est dérivé du droit européen : on ne peut pas faire ce qu’on veut. L’article 107 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) interdit en principe les aides publiques aux entreprises, au motif qu’elles sont susceptibles de fausser la libre concurrence et donc le fonctionnement du marché intérieur.
    Soyons donc clairs, chers collègues : je ne souhaite pas que le débat qui nous occupe cet après-midi soit l’occasion de tirer à boulets rouges sur les entreprises ni sur celles et ceux qui font vivre tant de nos compatriotes et qui continueront de le faire demain. Les entreprises font l’économie, les entrepreneurs font la croissance et leur activité permet de financer notre système social redistributif.
    Les aides publiques ont un double objectif : soutenir celles et ceux qui en ont besoin à un moment donné, et investir pour l’avenir afin d’assurer la compétitivité des entreprises. Par ailleurs, l’essor de la responsabilité sociale des entreprises (RSE), de la notation sociale ou environnementale, ou encore de la labellisation a accru ces dernières années la pression sur les entreprises pour les inciter à adopter un comportement vertueux. Cette évolution coïncide avec la volonté de faire en sorte que les acteurs privés agissent au service de l’intérêt général. C’est notamment grâce aux aides publiques que la France est le pays émettant le moins de CO2 par euro de PIB produit, ce dont nous pouvons être fiers, même si de nombreux efforts restent à faire.
    Un autre point mérite d’être évoqué à ce stade du débat, parce qu’il est trop souvent occulté. Il s’agit de l’importance des territoires. Les entreprises, particulièrement les entreprises de taille intermédiaire (ETI), les PME ou les TPE, fonctionnent en réseau sur des bassins d’activités et d’emploi. Même si la part du soutien apporté par les collectivités territoriales est minoritaire par rapport au total des aides publiques versées, leur participation joue un rôle important, voire crucial, dans la mise en œuvre des politiques de transition énergétique, de recyclage des déchets, de mise en place de l’économie circulaire ou, tout simplement, d’activités économiques en réseau. Les aides de l’État sont quant à elles fortement territorialisées.
    Vous l’aurez compris, j’estime que ce débat doit porter sur la façon dont nous, parlementaires et membres du Gouvernement, pouvons aider les acteurs économiques de nos territoires à faire face aux enjeux d’aujourd’hui et de demain, et à aller de l’avant pour renouer avec la liberté d’entreprendre. Je ne souhaite pas que nos échanges se limitent à la dénonciation d’un prétendu gavage des actionnaires du CAC40 – accusation qui constitue le fonds de commerce de certains, qui semblent hélas préférer la démagogie à l’analyse réaliste du tissu économique. Soyons clairs : sans un interventionnisme raisonné de la part de l’État et des collectivités territoriales par le biais d’aides publiques parfois soumises à conditions, de nombreux secteurs, déjà en difficulté, auraient désormais totalement disparu.
    La question n’est pas récente, comme en témoignent les nombreux rapports remis par le Parlement, la Cour des comptes et les inspections générales sur les aides aux entreprises et leur conditionnalité. J’ai moi-même présidé, il y a quelques mois, une mission d’information dont le rapport final contient vingt-trois propositions, visant notamment à subordonner le versement des aides publiques aux entreprises au respect d’un certain nombre de finalités. Il est clair que tout versement d’une aide publique doit être précédé de la vérification du respect, par l’entreprise bénéficiaire, de ses obligations sociales, fiscales et environnementales. Nous devons garantir à nos concitoyens que le versement des aides publiques est assorti de conditions et soumis au respect de certains principes et exigences, comme l’égalité entre les femmes et les hommes ou le partage de la valeur. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Romain Daubié.

    M. Romain Daubié (Dem)

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    Nous débattons cet après-midi des aides publiques aux entreprises qui, le plus souvent, accompagnent la création et le développement des entreprises, ou soutiennent des entreprises en difficulté. Ces aides représentant un montant de 140 milliards, il est parfaitement normal d’en évaluer la pertinence, d’autant que le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a annoncé la semaine dernière qu’il présenterait un projet de loi visant à faire de la France la première nation industrielle verte d’Europe.
    Une telle loi est nécessaire, tant notre pays souffre, à de trop rares exceptions près, d’un lent mouvement de désindustrialisation. Entre 1974 et aujourd’hui, la part de l’industrie dans le PIB a baissé de 25 % à 13,4 % et sa part dans l’emploi total a chuté de 25 % à 10,4 %. Les branches de l’industrie lourde, du textile et de la métallurgie, qui étaient autrefois les moteurs du développement des régions du Nord et de l’Est, ont quasiment disparu.
    Cette tendance n’est pas propre à la France. On peut ainsi, schématiquement, dégager deux groupes de pays : d’une part, l’Allemagne, le Japon et la Corée du Sud, où la désindustrialisation a été contenue grâce à une montée en gamme des produits ; et, d’autre part, la France, le Royaume-Uni, les États-Unis ou l’Italie, où la désindustrialisation a été rapide. Ce mouvement s’est aggravé depuis les années 2000. Le taux de marge des industries françaises ne leur permet plus d’investir massivement et leurs produits se sont trouvés trop souvent déclassés. Seule la compétitivité-prix a pu être partiellement sauvegardée, moyennant des efforts sur les marges.
    La conséquence majeure de ce phénomène est un effondrement des exportations, qui accroît le déficit de la balance commerciale. Concrètement, le renouveau industriel de la France passera par l’activation de deux leviers publics : la fiscalité et les aides directes aux entreprises, orientées en fonction de nos objectifs en matière de transition écologique, de développement et d’innovation. Le renouvellement des centrales nucléaires constituera une occasion majeure d’intensifier l’industrialisation des territoires concernés. Je pense par exemple, dans ma circonscription, au parc industriel de la plaine de l’Ain, qui s’est développé autour de la centrale nucléaire de Bugey, laquelle a joué un rôle de locomotive pour créer de la valeur ajoutée dans cette zone. En cette période de vœux, je forme d’ailleurs le souhait, monsieur le ministre délégué, qu’un EPR – réacteur pressurisé européen – de deuxième génération soit installé dans ce secteur et irrigue l’industrie locale pendant de très longues décennies.
    Un rapport parlementaire paru en 2021 estimait à 1 847 le nombre d’aides aux entreprises existant en France, pour un montant de 140 milliards d’euros. Il ressort des travaux effectués dans le cadre de cette mission d’information que l’évaluation des aides publiques aux entreprises pourrait être améliorée et que la création d’un office parlementaire commun d’évaluation des aides publiques nationales aux entreprises permettrait aux parlementaires de contribuer, à leur niveau, à la lisibilité et à l’efficacité de la dépense publique.
    L’autre versant est l’allégement de la fiscalité – une nécessité qui a bien été prise en considération par l’exécutif sous cette législature et la précédente, puisque l’impôt sur les sociétés a été ramené à 25 % et que la CVAE sera prochainement supprimée, pour ne mentionner que ces deux exemples. Les impôts de production représentent 4,5 % du PIB en France, contre 0,7 % en Allemagne. Les charges sociales sont en outre les principaux freins à la croissance. D’une part, les impôts de production agissent comme une taxe à l’exportation, puisqu’ils touchent les biens fabriqués localement mais pas les biens importés, à l’inverse de la TVA, qui s’applique à tous les produits. D’autre part, le coût du travail ne permet pas à la France de produire de manière compétitive. En raison des distorsions économiques qu’ils entraînent sur toute la chaîne de valeur, les impôts de production sont les plus nocifs. L’industrie, qui acquittait avant la crise 19,2 % de leur montant alors qu’elle n’est à l’origine que de 13,6 % de la valeur ajoutée créée, en est la première victime.
    J’aimerais d’ailleurs appeler votre attention sur le cas particulier de la contribution sociale de solidarité des sociétés, dite C3S, qui empoisonne particulièrement la vie des entreprises puisqu’elle taxe le chiffre d’affaires et non la valeur ajoutée.
    La C3S crée donc un effet de cascade dans la mesure où chaque produit est de nouveau taxé s’il entre dans la composition d’un autre produit plus abouti, confectionné par une autre entreprise. En ce sens, la C3S est une taxe sur la taxe qui peut inciter les sociétés à se tourner vers des fournisseurs étrangers. La C3S, dont le taux réel est estimé à 0,11 %, comporte cependant un effet prix moyen augmentant les coûts globaux des biens fabriqués de 0,19 %. En somme, elle opère comme un droit de douane négatif s’appliquant aux biens produits nationalement, au bénéfice de ceux qui sont fabriqués à l’étranger.
    En conclusion, les dépenses fiscales et les aides publiques directes aux entreprises seront donc les deux leviers publics de notre réindustrialisation. Elles doivent être combinées pour nous permettre d’atteindre nos objectifs économiques, climatiques et sociaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Brun.

    M. Philippe Brun (SOC)

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    Le débat qui nous est proposé en ce début d’après-midi est ô combien important. Pourtant nous le menons à l’aveugle. En effet, il n’existe aucun document administratif qui unifie 1’ensemble des aides aux entreprises, aucun cadre harmonisé pour permettre une discussion démocratique de qualité ni une comparaison internationale efficace. Alors que le chiffre de 140 milliards avait été évoqué pour 2018, le ministre Bruno Le Maire nous expliquait, lors de la présentation du projet de loi de finances (PLF) pour 2023, que « les chiffres étaient trop difficiles à articuler », selon les termes de ses services.
    Heureusement, des économistes du Clersé, le Centre lillois d’études et de recherches sociologiques et économiques, unité mixte de recherche de l’université de Lille et du CNRS, le Centre national de la recherche scientifique, nous ont éclairés, estimant ces aides à plus de 157 milliards d’euros en 2019, soit 30 % du budget de l’État, un montant qui a augmenté de façon spectaculaire depuis le début des années 2000 – elles s’élevaient alors à environ 30 milliards. Nous comprenons mieux l’opacité de nos gouvernants. On a dépensé, comme dirait le Président de la République, « un pognon de dingue » pour des résultats médiocres.
    Ils sont médiocres, tout d’abord, du point de vue environnemental. Car, en ne conditionnant pas la plupart de ces aides, l’État se prive d’un levier puissant de transformation de notre économie. Ainsi, selon le Réseau action climat, on compte, parmi les aides aux entreprises, 67 milliards d’euros de dépenses néfastes pour le climat et la biodiversité.
    Ils sont médiocres, ensuite, du point de vue de l’efficacité économique. Les rapports se succèdent pour montrer que les aides publiques ne permettent pas d’enrayer la désindustrialisation.
    Ces aides sont également inefficaces sur le plan fiscal : non seulement leur poids sur le budget de l’État s’élève à plus de 30 milliards mais elles réduisent aussi considérablement ses recettes : nous renonçons à des prélèvements qui sont dus à l’État et privons également de recettes la sécurité sociale – à hauteur de 65 milliards en 2019 par exemple. Défiscalisation et désocialisation sont devenues l’alpha et l’oméga de la politique économique du Gouvernement.
    En matière d’innovation, nous constatons la même inefficacité : les aides sont passées de 3 milliards par an en 2010 à près de 10 milliards aujourd’hui. Ces montants placent la France parmi les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) dont le niveau de soutien public à l’innovation est le plus haut. Pourtant, dans le même temps, la France continue de sous-investir dans la science. La part du PIB consacrée aux dépenses de R&D, recherche et développement, est en baisse depuis 2014, passant de 2,28 % à 2,19 %, ce qui nous place en quinzième position dans les comparaisons internationales. Nous décrochons – je rappelle qu’en 2000, nous figurions en neuvième position.
    Ainsi, les aides publiques financent 28 % des dépenses de R&D en France contre 12 % en moyenne pour l’OCDE. La perfusion administrée à notre recherche présente manifestement une fuite. En effet, 1 euro d’aide fiscale induit 0,34 euro de dépense en France contre 3 euros dans certains pays. Notre effet levier est nul et même négatif.
    Enfin, grâce au crédit d’impôt recherche, environ un tiers des dépenses de R&D déclarées par les entreprises sont prises en charge par la puissance publique. C’est la première niche fiscale de France.
    Nous connaissons pourtant les causes de cet échec. L’efficacité des aides fiscales décroît de façon inversement proportionnelle à la taille des entreprises. Pour chaque euro d’aide fiscale reçue, les petites entreprises investissent plus de 1,4 euro dans la R&D, les moyennes entreprises 1 euro et les grandes entreprises seulement 0,4 euro. Pourtant, nous nous entêtons à offrir une niche fiscale aux grandes entreprises pour un résultat nul.
    Nous visons mal. La Banque de France elle-même le reconnaît dans son rapport de 2022 sur le crédit d’impôt innovation :  les conséquences positives des subventions sont extrêmement difficiles à évaluer car l’effet d’aubaine est massif. Autrement dit, un grand nombre d’entreprises qui connaissent le succès grâce à ce soutien l’auraient aussi rencontré sans lui. Comme toujours, le coût est public et le gain privé.
    Les aides aux entreprises ressemblent bien souvent à un cadeau, sans portée stratégique ni efficacité économique. Nous nous entêtons à arroser des entreprises qui poussent très bien toutes seules.
    Le plus scandaleux, c’est que ce sont les ménages qui paient la facture alors qu’ils n’en voient même pas les effets sur l’innovation dans le pays ni sur l’emploi. Les études sont claires. La diminution des prélèvements sur les entreprises a été compensée par un accroissement de ceux opérés sur les ménages – j’ajouterais, à la lumière de la politique fiscale du premier quinquennat : sur les ménages les plus modestes.
    Alors ayons le courage de corriger le tir. Améliorons tout d’abord le suivi et la lisibilité des aides financières actuelles, notamment en corrigeant les doublons entre collectivités. Favorisons et utilisons plus efficacement la commande publique car elle permet à l’État d’orienter la production et d’enrichir la nation tout entière en engendrant une contrepartie matérielle.
    Ce débat aura au moins le mérite de mettre en lumière un pan caché du budget de l’État, un État providence bis comme le disait Dominique Méda, un État providence que l’on n’accuse jamais de pratiquer l’assistanat. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES et GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Xavier Albertini.

    M. Xavier Albertini (HOR)

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    Les aides publiques aux entreprises : voilà un très vaste sujet de débat auquel nous invitent nos collègues LFI-NUPES. Cette thématique est si large que chacun d’entre nous pourra confortablement rester dans son couloir, quitte à se caricaturer. Certains diront que ces aides sont indues et représentent un détournement du bien commun, d’autres qu’elles sont essentielles pour accompagner la croissance de nos entreprises. Finalement, il y aura une part de vrai dans chacun de nos exposés respectifs.
    Qu’est-ce qu’une aide publique ? Est-ce une subvention ou une facilité accordée comme une garantie financière ? Est-ce un apport d’assistance technique ou un crédit d’impôt ?
    Et que désigne-t-on quand on emploie la notion d’entreprise ? Une EURL, une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, une SAS, une société par actions simplifiée, une SA, une société anonyme ? Le commerce employant dix salariés ou la holding cotée en Bourse ?
    Nous pouvons donc aborder absolument tout dans ce débat sans risquer le hors-sujet mais, justement, l’étendue de la question limite la confrontation des idées et l’émergence de solutions partagées – permettez-moi à cet instant de le regretter.
    La définition du périmètre des aides publiques aux entreprises, et, partant, de leur coût pour les finances publiques, est toujours très difficile à apprécier et à appréhender. Ces aides peuvent prendre la forme de subventions, de garanties financières, de prises de participation ou encore d’exonérations fiscales et/ou sociales.
    Selon le rapport le plus récent sur le sujet, publié en octobre 2022 par l’Ires, l’Institut de recherches économiques et sociales, intitulé « Un capitalisme sous perfusion », et commandé par la CGT – vous le voyez, je ne m’interdis aucune bonne lecture –, il existe en France plus de 2 000 dispositifs de soutien, pour un montant avoisinant les 160 milliards par an. Je précise que ce chiffre ne prend pas en compte le plan de soutien aux entreprises lancé lors de la crise sanitaire.
    Certains penseront, et l’exprimeront haut et fort dans l’hémicycle, que ces centaines de milliards d’euros d’argent public devraient être investis exclusivement dans les politiques publiques et que nos écoles, nos tribunaux, nos hôpitaux, nos commissariats ou encore nos casernes en ont cruellement besoin.
    Ce raisonnement manichéen est une erreur. Il me semble au contraire que les aides ciblées vers des secteurs d’innovation, de production ou de réindustrialisation, qu’ils soient en difficulté, en mutation ou en devenir, représentent un transfert de richesse – pour reprendre l’expression consacrée de l’Inspection générale des finances (IGF) – essentiel pour notre compétitivité et notre prospérité, celle-ci étant synonyme de progrès pour chacun d’entre nous.
    Pourtant, ne soyons pas naïfs mais, au contraire, ambitieux. Chaque euro dépensé par la Collectivité est un investissement. Je parle de collectivité avec un grand C car, aujourd’hui, de multiples acteurs publics financent, de la plus petite intercommunalité à l’Union européenne. C’est sur ce point que nous avons d’immenses progrès à réaliser, s’agissant d’abord de la lisibilité des aides proposées et de leur contrôle, ensuite de l’évaluation des dispositifs.
    La nécessité d’une limitation du nombre d’interlocuteurs chargés de renseigner, d’accompagner et d’orienter les entrepreneurs semble évidente. Pourtant – nous le savons, pour en avoir des exemples concrets dans nos circonscriptions –, obtenir un panorama d’ensemble des aides et des conditions d’éligibilité revient à se lancer dans une véritable chasse au trésor. Soyons capables d’instituer des guichets uniques dans nos territoires en collaboration, par exemple, avec les chambres consulaires. C’est une question d’équité. Une ETI disposera toujours de la ressource interne pour démêler les procédures, il n’en va pas de même pour l’artisan ou la petite entreprise.
    Au moment de la crise du covid-19, nous avons été confrontés dans nos territoires à ces difficultés lorsque nous avons souhaité aider à monter leurs dossiers des entrepreneurs se débattant avec la complexité des procédures. S’agissant de la conditionnalité des aides, nous avons tendance à penser que l’objectif premier est de ne pas complexifier les dispositifs ni de créer des usines à gaz en ajoutant des critères étrangers à l’objet de l’aide. Le pendant de cette souplesse est le contrôle, assorti de sanctions dissuasives. La délinquance en col blanc reste de la délinquance.
    Enfin, il faut systématiquement évaluer l’impact et l’efficacité des dispositifs d’aides. Il ne doit y avoir aucun tabou à ce sujet. Chaque euro d’argent public ne doit pas être dépensé mais investi. Cessons d’empiler les aides, rendons-les plus adaptables en fonction de la conjoncture. Il s’agit là avant tout d’inviter l’administration à se décorseter.
    Les entrepreneurs sont des femmes et des hommes qui n’attendent pas qu’on les prenne par la main ni qu’on leur mâche la tâche. Les aides ne sont ni une recette, ni un gain, ni un dû. La très grande majorité des entrepreneurs s’en passent quand ils le peuvent car recevoir des aides particulières n’est pas dans leur ADN. Ils ne souhaitent pas développer leur activité avec des subsides publics mais par leur travail, leur créativité, leur abnégation et, d’une certaine manière, leur génie.
    Cependant, il est du devoir de l’État, principalement, de prévoir non des parachutes mais des amortisseurs en cas de turbulences. La politique de relance précoce et résolue menée dès le printemps 2020 a permis à la France de redémarrer économiquement plus vite que l’ensemble de ses voisins européens. C’est un bon exemple.
    Au groupe Horizons et apparentés, nous pensons que les aides publiques aux entreprises ne sont pas un transfert de richesse indu mais un investissement ambitieux pour l’avenir de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Christine Arrighi.

    Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES)

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    Le recensement opéré à l’Assemblée nationale sous la précédente législature fait apparaître entre 1 800 et 2 000 dispositifs de soutien aux entreprises, qu’il s’agisse d’aides directes, d’annulations de dettes fiscales ou sociales, d’exonérations partielles ou totales de cotisations sociales ou encore de niches fiscales. La difficulté d’obtenir un chiffrage exact des dispositifs d’aide aux entreprises complique l’évaluation précise et à jour de leurs montants.
    Si les objectifs poursuivis par les mesures de soutien aux entreprises peuvent être justifiés selon le contexte – on l’observe tout particulièrement en ce moment –, les questionnements relatifs à l’efficacité de ces aides ainsi qu’à notre capacité à en assurer le contrôle sont tout aussi pertinents, notamment en raison de la situation actuelle de nos finances publiques. Sans caricaturer, nous disons oui aux aides mais également oui au contrôle.
    En 2007, selon un rapport de l’Inspection générale des finances, le montant des aides aux entreprises représentait 65 milliards. Pour 2018, le ministre de l’action et des comptes publics l’évaluait à 140 milliards. Selon le rapport de l’Ires cité par l’orateur précédent, ces aides atteindraient entre 200 et 205 milliards d’euros en 2019, soit l’équivalent de 8,4 % du PIB ou encore 41 % du budget de l’État. L’essentiel provient de niches fiscales, à hauteur de 109 milliards, des allègements de cotisations sociales – 64 milliards – et des dépenses budgétaires – 32 milliards.
    Les aides aux entreprises constituent ainsi le premier poste de dépense de l’État, devant l’éducation nationale et loin devant les 70 milliards d’aides sociales qui représentent 3 % du PIB. Le silence relatif sur cette augmentation contraste d’ailleurs significativement avec le battage médiatique à propos des aides sociales et de leur coût.
    Par ailleurs, si les aides aux entreprises ont augmenté, ont-elles été conditionnées au respect d’un certain nombre de critères sociaux, fiscaux ou écologiques ? La réponse est non, à l’évidence, ce qu’a confirmé le rapport de la mission d’information commune sur la conditionnalité des aides publiques aux entreprises de 2021 – n’est-ce pas, monsieur Viry ?
    D’ailleurs, plusieurs exemples illustrent ce gâchis. C’est le cas du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Les travaux menés par France Stratégie montrent qu’il a été extrêmement coûteux au regard du faible nombre d’emplois créés ou sauvegardés. De même, d’après les premières analyses portant sur sa transformation en allègement de cotisations sociales, cette baisse de cotisations salariales, dont les effets étaient censés être positifs, n’a pas produit les résultats espérés.
    Autre exemple, le coût du crédit d’impôt recherche, longuement évoqué tout à l’heure et devenu la première niche fiscale en France, dépasse les 7 milliards d’euros en 2022, pour un résultat très contrasté – pour le moins. Selon l’OCDE, « le crédit d’impôt recherche est l’un des soutiens publics à la recherche et au développement les plus généreux de tous les pays de l’OCDE ».
    Mes chers collègues, toutes ces données permettent donc de largement relativiser l’image de l’entrepreneur que certains d’entre vous véhiculent ici : un solitaire écrasé de charges. La solidarité nationale joue un rôle fondamental dans le succès des entreprises, la mise en place de mécanismes de régulation des tarifs de l’énergie en cette période de crise en témoigne à son tour. Les entreprises ne profitent pas du système, monsieur Viry : c’est le système qui est défaillant et qui doit être adapté.
    En effet, les soutiens publics majeurs que j’ai évoqués devraient justifier de demander des garanties de la part des entreprises en contrepartie des aides accordées. Cette conditionnalité relève fondamentalement d’un choix politique, en l’occurrence de l’orientation économique, sociale et environnementale que nous souhaitons donner à la dépense publique et au tissu économique ; elle permet de peser sur les choix stratégiques des acteurs économiques en faveur d’un avenir plus durable, plus écologique ; cela s’appelle la planification.
    C’est dans cet esprit que les parlementaires ont adopté l’article 9 de la loi de finances rectificative du 25 avril 2020, qui a permis à Air France de bénéficier de deux dispositifs d’aide généreux pour un montant de 7 milliards, en contrepartie de l’obligation d’intégrer « pleinement et de manière exemplaire les objectifs de responsabilité sociale, sociétale et environnementale dans [sa] stratégie, notamment en matière de lutte contre le changement climatique ». Même si cet engagement n’a pas été respecté par l’entreprise, il n’en demeure pas moins qu’il est inscrit explicitement dans la loi – je reviendrai bientôt sur le sujet du contrôle du respect des engagements pris. De plus, la conditionnalité des aides offre la possibilité de vérifier l’efficacité de la dépense publique et de mesurer son impact économique, social et environnemental ; elle démontre plus que jamais, dans ce contexte de crise et de défiance sociale, la capacité du politique que nous sommes à définir et à impulser un changement de modèle. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES et GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Pierre Dharréville.

    M. Pierre Dharréville (GDR-NUPES)

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    « Chaque euro compte pour un État qui a 3 000 milliards d’euros de dettes », a déclaré hier M. Bruno Le Maire. Voilà donc le message du Gouvernement à celles et ceux qui vivent de leur travail. Ils le savent bien d’ailleurs, tant ils sont nombreux à connaître des fins de mois toujours plus difficiles. Mais votre ministre de tutelle, monsieur le ministre délégué, a oublié de leur dire que chaque euro ne compte pas pareil : pour certains euros, on ne compte plus. Pourtant, si un euro compte, imaginez 156 milliards d’euros… Ce sont les bénéfices records réalisés par l’ensemble des entreprises du CAC40 en 2021, dont plus de la moitié reversée ou plutôt déversée sur les actionnaires, soit 80 milliards d’euros, 10 milliards de plus que l’année précédente.

    Mme Clémence Guetté

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    C’est scandaleux !

    M. Pierre Dharréville

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    Feu d’artifice et cascade de champagne ! Et il faudrait être fier que des gens soient si riches… Combien d’argent public a été accordé aux entreprises par un État pour qui chaque euro compte ? En 2019, 160 milliards d’euros, soit la moitié du budget des pensions de retraite, le double du budget de l’éducation nationale. Pour certaines, cela pouvait sans doute s’entendre, mais sur ces 160 milliards, combien pour les entreprises du CAC40, rarement en reste dans le partage du gâteau et qui ont dû en capter une part considérable ? Selon l’observatoire des multinationales, 100 % des groupes du CAC40 ont bénéficié d’aides publiques… et ce sans condition. C’est mieux qu’à la Française des jeux : 100 % de ceux qui ont tenté leur chance ont gagné. Alors, on ne compte plus, on n’y arrive plus, on fait péter le compteur quand il s’agit des dividendes : 80 milliards d’euros, provenant pour partie de l’argent public.
    C’est pour cela qu’il faut travailler plus, plus longtemps, plus souvent, se serrer la ceinture : permettre ce partage des richesses… réservé à quelques-uns ! Les aides de l’État aux entreprises augmentent d’année en année, sur fond de discours qui tend à discréditer l’impôt et la cotisation, présentés comme étant par nature illégitimes et abusifs. Son obsession de la foire aux exonérations, votre ministre ne s’en cache pas, monsieur Lescure, il la formule à sa façon : « Il faut, dit-il, baisser les prélèvements obligatoires », baisser ce qu’il appelle « les impôts de production » et ce qu’il nomme « le coût du travail ». Or, parmi ce qu’il veut baisser, il y a de vrais morceaux de retraite des ouvriers, des employés, de bien d’autres salariés, de celles et ceux qui vivent de leur travail.
    Toujours plus de cadeaux pour la finance, toujours plus de sacrifices pour le monde du travail. C’est une réalité et c’est une vieille histoire, monsieur le ministre délégué. Vous m’expliquerez que c’est du passé, qu’il ne faut pas faire de manichéisme… Mais c’est vous qui rendez chaque jour cette vieille histoire plus moderne, plus contemporaine. Toujours plus de ces euros qui ne comptent pas pareil selon que vous êtes puissant ou misérable : pour alimenter la finance, toujours prendre soit sur les salaires, soit sur la protection sociale, soit sur les services publics. Vous persistez dans vos choix. Pourtant, ces vieilles recettes ont fait la démonstration de leur inefficacité, et si souvent de leur nocivité sur notre pacte social, sur notre promesse républicaine et sur nos vies !
    Cette manne financière ne cesse de grever les budgets de l’État et organise l’impuissance publique en réduisant les capacités des services publics et la protection des plus fragiles : l’hôpital public est au plus mal, l’éducation nationale manque d’enseignants, la justice souffre… Avec eux, vous et votre ministre êtes tout sauf généreux. En 2019, la Cour des comptes estimait à 91 milliards d’euros le montant des exonérations de cotisations sociales, en principe compensées sur le budget de l’État, donc financées par l’impôt. Cependant, il paraît que chaque euro compte.
    J’en viens aux aides directes, monsieur le ministre délégué. Que l’État choisisse de soutenir des projets, des secteurs et des entreprises n’est pas problématique en soi, mais c’est la façon systématique, inconditionnelle, aveugle, avec laquelle il procède qui fait problème. L’intervention publique doit servir à orienter les choix vers les salaires, la formation, la recherche, l’investissement ou encore vers la transition écologique ; pas à payer des milliards de dividendes. Parce que chaque euro compte, n’est-ce pas ? Alors, il faut que ces aides ne soient pas toujours captées par les puissants.
    L’argent public, lorsqu’il s’agit d’intérêts stratégiques, ne devrait pas être systématiquement donné, mais beaucoup plus investi en titres de propriété, en prises de participation, c’est-à-dire en leviers d’intervention dans la gestion des grandes entreprises.
    Monsieur le ministre délégué, quand est-ce qu’on compte les euros pour le monde de la finance ? Quand est-ce qu’on arrête avec l’arrosage automatique ?

    Mme Clémence Guetté

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    Bravo !

    M. Pierre Dharréville

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    Chaque euro compte ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et SOC.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Michel Castellani.

    M. Michel Castellani (LIOT)

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    Remercions le groupe LFI-NUPES d’être à l’initiative de ce débat que j’aborderai, une fois n’est pas coutume, plutôt comme professeur d’économie que comme député – si on peut ainsi segmenter les choses.
    Nous connaissons tous les difficultés extrêmes que nous réserve la conjoncture. La coexistence du ralentissement de la croissance et de la hausse de l’inflation crée de redoutables difficultés pour les responsables de politiques publiques car la stagflation est objectivement un problème énorme. Une politique de relance serait susceptible de pousser la croissance et de réduire le chômage, mais au risque probable de doper l’inflation, et une politique de refroidissement obtiendrait probablement des résultats inverses. Par conséquent, dans pareil contexte, le soutien aux entreprises revêt une importance vitale car il constitue une politique contracyclique que l’on peut trouver vertueuse, insufflant de l’oxygène sans impact inflationniste direct et surtout parce qu’il se révèle, en ce climat peu porteur, indispensable à la vitalité du tissu entrepreneurial. Déjà, on le sait, les aides que le Gouvernement avait décidées en pleine crise covid, et que le groupe LIOT a systématiquement soutenues, se sont révélées indispensables en empêchant un effondrement, qui sans elles aurait été inévitable. Le contexte actuel est certes moins tendu, mais le soutien à l’économie apparaît tout de même essentiel.
    La simple évocation du déficit commercial, de près de 160 milliards, suffit à illustrer la nécessité de renforcer la capacité productive et l’exigence d’un effort de réindustrialisation. Reste que l’état des finances publiques s’impose à nous : 3 000 milliards d’endettement, levés en partie à taux variables et souscrits en majorité par des non-résidents. Cela réduit de façon drastique les marges de manœuvre, d’autant plus que les plus de 50 milliards de charges d’intérêt constituent une hémorragie supplémentaire. La nécessité est donc grande de cibler les aides, c’est-à-dire de les ajuster en faveur de l’emploi et de la production de richesse en mettant du mieux possible de côté les passagers clandestins et en visant au maximum l’effet de levier. Toutes choses pas très simples mais inévitables, et que nous appelons de nos vœux. Le but de la politique publique, comme vient de le dire Pierre Darrhéville, devrait évidemment être aussi d’orienter toujours davantage la machine économique vers la solidarité sociale et la transition écologique, plus largement vers le développement durable.
    Un autre aspect de la politique publique, lui aussi essentiel, est pour nous la territorialisation des aides. En effet, une des raisons d’être du groupe LIOT réside dans la prise en compte des réalités et des différenciations régionales. L’outre-mer, par exemple, a des problématiques particulières que nous soulevons régulièrement. Et les territoires métropolitains eux-mêmes sont de niveaux de vitalité économique et sociale très inégaux : il est des régions centrales motrices, à secteur secondaire relativement puissant, et des territoires périphériques fragiles et désindustrialisés. Ainsi, les PIB globaux des régions vont de 800 milliards d’euros en Île-de-France à 10 milliards pour la Corse, soit en PIB par habitant, le révélateur des richesses produites, respectivement de 59 000 euros à 27 000 euros.
    Les richesses par habitant produites en Corse sont près d’un quart inférieures à la moyenne française, une donnée qui en dit long sur les erreurs, sur les abandons, sur les retards et les insuffisances dans la gestion passée de cette île. Quand nous avons débattu des aides conjoncturelles, j’avais déposé une série d’amendements conformes au vœu unanime des élus corses, qui préconisaient une adaptation aux conditions dégradées. Nous en sommes restés aux aides indifférenciées. Je voudrais donc attirer plus particulièrement l’attention du Gouvernement sur l’utilité qu’il y aurait à prendre en compte la diversité des conditions économiques et sociales, notamment s’agissant des territoires métropolitains les plus fragiles et de l’outre-mer.
    Je voudrais en outre revenir sur une question plus particulière : j’ai au mois de juillet demandé, par courrier, à Bercy de bien vouloir me transmettre l’état des comptes régionaux de la Corse, demande que j’ai réitérée lors de la réunion de Beauvau, et je n’ai pour l’heure obtenu aucune réponse. M. Bruno Le Maire que vous représentez ici sait mieux que quiconque que l’on ne peut établir un projet de statut fiscal sans connaître la respiration financière du territoire concerné, quel qu’il soit. Ce projet est pourtant un point vital dans les discussions que nous souhaitons reprendre rapidement avec le Gouvernement. Je demande donc par votre entremise une nouvelle fois à votre ministre de tutelle de bien vouloir faire établir par ses services la matrice des agrégats et des flux financiers, et de bien vouloir me les transmettre. Ces comptes régionaux seront certainement aussi utiles au Gouvernement qu’aux élus de la Corse.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Xavier Roseren.

    M. Xavier Roseren (RE)

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    Les oppositions critiquent la stratégie du Gouvernement sur les aides publiques aux entreprises. Je vais pour ma part m’attacher à vous démontrer, mes chers collègues, à quel point elles sont vitales pour la France.
    En 2018, un rapport parlementaire estimait que l’ensemble des aides publiques aux entreprises représentait un coût total de 140 milliards par an, soit le premier poste du budget de l’État, et la plateforme aides-entreprises.fr répertorie près de 2 000 aides publiques financières. Ainsi, le Gouvernement l’assume : sa priorité est le développement de nos entreprises et de notre industrie.
    En tant que rapporteur spécial de la mission Économie et en particulier du programme Développement des entreprises et régulations, j’ai à cœur de défendre l’activité économique. Depuis plusieurs années, nous faisons face à un contexte économique bouleversé par la crise covid et maintenant par la guerre en Ukraine. Aussi, plus que jamais, les aides pour protéger nos entreprises sont-elles nombreuses et nécessaires. Elles ont permis de faire face à l’urgence à plusieurs reprises. Ainsi, durant l’épidémie covid, l’État a mis en place plusieurs dispositifs afin d’aider et d’accompagner au mieux les entreprises : prêts garantis par l’État – PGE –, Fonds de solidarité, report des cotisations sociales et chômage partiel. Par la politique du « quoi qu’il en coûte », les aides ont été massives et déployées très rapidement ; le Gouvernement n’a cessé de les améliorer pour tenir compte du préjudice subi par les professionnels. Autre situation d’urgence critique depuis : l’envolée des prix de l’énergie. À nouveau, les aides publiques sont au rendez-vous afin d’en limiter les conséquences sur les finances des entreprises. Ces aides ont évolué pour répondre aux besoins de toutes les entreprises : je pense en particulier aux PME, aux TPE et aux artisans. Ces derniers sont aujourd’hui, grâce à ces nouveaux mécanismes d’aide, les mieux protégés d’Europe.
    À ce jour, les dispositifs d’aides sont aboutis avec, pour les particuliers et une partie des TPE, le bouclier tarifaire et, pour les autres, l’amortisseur électricité, auquel s’ajoute l’instauration du guichet d’aide au paiement des factures d’électricité et de gaz.
    Les aides publiques servent aussi à préparer l’avenir de nos entreprises. Après la crise sanitaire, l’objectif était de relancer rapidement l’économie française. Ainsi, un plan de relance exceptionnel de 100 milliards a été déployé, articulé autour de trois volets : la transition écologique, la compétitivité et la cohésion des territoires. Doté d’un budget total de 34 milliards, le volet relatif à la compétitivité des entreprises vise à accroître notre indépendance technologique et à créer de l’emploi de façon durable.
    Le plan France 2030, quant à lui, représente un investissement de 54 milliards sur cinq ans, dont 20 milliards en 2023. Comptant une cinquantaine d’appels à projets, il se donne dix objectifs pour mieux produire, mieux vivre et mieux comprendre le monde. Entre autres, il vise à décarboner notre industrie, à produire près de 2 millions de véhicules électriques et hybrides d’ici à 2030 et à faire de notre pays le leader de l’hydrogène vert. Ainsi, les aides publiques préparent nos entreprises au monde de demain.
    Outre ces aides exceptionnelles, les aides publiques structurelles ont fait leur preuve pour soutenir le développement de notre économie, notamment en favorisant la création et la reprise d’entreprise. Mais au-delà des aides, qui font partie d’une stratégie globale du Gouvernement, c’est toute une politique à destination des entreprises que la majorité a engagée depuis 2017.
    Depuis cinq ans, le Président de la République a fait des réductions d’impôts l’un des totems politiques de son action. Depuis 2017, nous avons en effet baissé les impôts de 54 milliards, dont la moitié concerne les entreprises.

    Mme Clémence Guetté

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    On avait remarqué !

    M. Xavier Roseren

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    Nous avons voté une diminution du taux de l’impôt sur les sociétés, le faisant passer de 33 % à 25 %.

    M. Louis Boyard

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    Quelle fierté !

    M. Xavier Roseren

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    La baisse de 10 milliards d’euros d’impôts de production est historique : elle comprend une réduction de moitié de la CVAE et une diminution de la cotisation foncière des entreprises (CFE) à hauteur de 1,5 milliard. Par ailleurs, cette année, dans le cadre du PLF pour 2023, nous avons voté la suppression totale de la CVAE sur deux ans, soit 8 milliards de baisses d’impôts.

    M. Louis Boyard

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    Mesure demandée par le peuple !

    M. Xavier Roseren

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    En conséquence, la France est redevenue la première nation européenne sur le plan de l’attractivité : 50 000 emplois nets ont été créés dans l’industrie depuis 2017 ; le plein emploi est envisageable à l’horizon 2027.

    Mme Clémence Guetté

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    N’importe quoi !

    M. Xavier Roseren

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    Prochaine étape, le projet de loi de réindustrialisation verte, qui a été annoncé récemment par le ministre Bruno Le Maire. L’objectif est clair : faire de la France la première nation industrielle verte en Europe. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Alexandre Loubet.

    M. Alexandre Loubet (RN)

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    Les entreprises françaises, en particulier les artisans, les commerçants et les industries, sont en train de crever. Une agonie dont les boulangers sont devenus le symbole : près de 80 % d’entre eux risquent la faillite. Au nom des députés du Rassemblement national, je veux ici leur apporter notre plus fidèle soutien.
    En un an, les défaillances d’entreprises ont explosé de 69 % et cette triste évolution va malheureusement s’amplifier en 2023. En effet, les faillites d’entreprises vont exploser car les échéances de remboursement des PGE et des reports de charges approchent. Elles vont exploser car les factures d’électricité et de gaz sont multipliées par deux, trois, quatre, cinq, six, sept, voire plus encore ! Elles vont exploser car les aides qui leur sont proposées sont insuffisantes, complexes, bureaucratiques et donc, bien souvent, inaccessibles.

    M. Antoine Villedieu

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    C’est vrai !

    M. Alexandre Loubet

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    Alors, monsieur le ministre délégué, le contraste entre les discours d’autosatisfaction de votre Gouvernement et la réalité que vivent les entreprises françaises nous amène à nous interroger : relève-t-il de l’incompétence, de la déconnexion des réalités ou d’une volonté de laisser mourir les TPE et les PME pour favoriser les grands groupes ?
    Vos mesurettes contre l’explosion des prix de l’énergie témoignent de ce décalage. Vous invoquez des remèdes à des problèmes dont vous êtes responsables. En proposant le report du paiement des impôts et des cotisations sociales, vous adossez aux entreprises des bombes à retardement.

    M. Nicolas Meizonnet

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    Excellent !

    M. Alexandre Loubet

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    En demandant aux fournisseurs d’énergie de fixer leur tarif à 280 euros par mégawattheure, vous faites payer aux entreprises un prix quatre fois plus élevé que le coût de l’électricité en France. En annonçant un guichet et un amortisseur qui couvriront jusqu’à 40 % des hausses des factures énergétiques, vous laissez les entreprises assumer plus de la moitié de ces hausses tout en dilapidant plus de 100 milliards d’euros d’argent public.
    Plutôt que de créer des usines à gaz qui ne traitent pas le problème à la racine, ayez le courage, monsieur le ministre délégué, de revoir les règles du marché européen de l’énergie !

    M. Emeric Salmon

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    Eh oui !

    M. Alexandre Loubet

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    Non seulement cette décision aura pour effet de baisser massivement la facture des entreprises, mais en plus elle sera indolore pour les finances publiques.

    M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’industrie

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    C’est faux !

    M. Alexandre Loubet

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    L’Espagne et le Portugal l’ont fait : ils paient leur électricité trois fois moins cher qu’en France. Vous le savez, nous vous le répétons et, pourtant, vous ne faites rien. En réalité, vous êtes prisonnier d’une Union européenne dont vous faites passer les intérêts avant ceux de la France et des Français.

    M. Emeric Salmon

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    Eh oui !

    M. Alexandre Loubet

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    Rappelons d’ailleurs que l’Union interdit le principe même des aides publiques aux entreprises et qu’elle impose au gouvernement français d’obtenir une autorisation pour en accorder. Alors qu’il existe près de 2 000 aides publiques aux entreprises dans notre pays, nous déplorons ce saupoudrage qui ne s’inscrit dans aucune stratégie nationale pour créer de la richesse.
    Les députés du Rassemblement national défendent la création d’un fonds souverain français, qui permettrait d’orienter l’épargne des Français vers l’économie réelle et productive et qui développerait des filières de substitution aux principaux secteurs d’importation. À l’inverse, au lieu de soutenir l’emploi et les activités sur notre sol, et malgré un déficit commercial abyssal de plus de 159 milliards d’euros, vous continuez à accorder des aides publiques aux entreprises étrangères ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.) En effet, en refusant de favoriser les productions françaises dans l’attribution des marchés publics, vous subventionnez les importations et les délocalisations.

    M. Nicolas Meizonnet

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    Eh oui !

    M. Alexandre Loubet

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    Monsieur le ministre délégué, nos entreprises, en particulier nos artisans, commerçants et industries, sont en train de crever. Pour les sauver, votre gouvernement doit prôner un patriotisme économique et mener une véritable stratégie industrielle, au lieu de multiplier les aides hors-sol. Pour les sauver, il doit appliquer un prix de l’électricité français, cinq fois moins élevé que le prix européen. Pour les sauver, il doit laisser les entreprises vivre dignement de leur travail.

    M. Emeric Salmon

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    Il a raison !

    M. Alexandre Loubet

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    Votre gouvernement abandonne sciemment nos fleurons nationaux aux puissances étrangères. Le rachat d’Exxelia par un groupe américain la semaine dernière en témoigne. Tout comme j’avais demandé en octobre dernier à Bruno Le Maire d’agir pour sauver cette pépite industrielle – ce que vous n’avez pas fait –, je vous demande aujourd’hui d’agir : n’abandonnez pas les TPE, les PME et les ETI qui font vivre notre pays, n’abandonnez pas les entrepreneurs et les salariés qui créent de la richesse, n’abandonnez pas les femmes et les hommes qui font tenir le pays debout ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. Nicolas Meizonnet

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    Bravo ! Excellent !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Louis Boyard.

    M. Louis Boyard (LFI-NUPES)

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    Où va l’argent ? C’est la question que se posent beaucoup de Français. Malgré les impôts et les taxes qu’ils paient, les RER sont bondés, les hôpitaux s’effondrent, les profs manquent, les étudiants galèrent et les retraités perçoivent des pensions de misère. Les Français vous le demandent donc : où va leur argent ?
    Vous leur répondez que c’est la faute des étrangers, des chômeurs, des fonctionnaires ou encore des pensions de retraite. Pour leur répondre, vous évoquez tout ce qui relève de la dignité humaine, sans jamais citer le véritable scandale d’État : ces 200 milliards d’euros d’aides publiques versées chaque année aux grandes entreprises sans aucune contrepartie ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)
    À quoi correspondent ces 200 milliards ? À près de la moitié du budget de l’État ou à près de trois fois le budget de l’éducation nationale. Où vont ces 200 milliards d’argent public ? Quatre-vingts pour cent atterrissent dans les caisses des très grandes entreprises et de leurs actionnaires. (Mêmes mouvements.)

    M. Alexandre Loubet

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    Et de la gauche !

    M. Louis Boyard

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    Le gâteau pour le CAC40, des miettes pour les petites entreprises, les boulangers et les artisans !
    Quelles sont ces aides aux entreprises ? C’est, par exemple, le CICE qui coûte 20 milliards d’euros à l’État par an depuis 2013, pour à peine une centaine de milliers d’emplois créés. Avec tout cet argent, nous aurions pu financer 500 000 emplois dans la santé et l’éducation, rémunérés 2 000 euros nets par mois. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Je le dis à ceux qui passent des journées entières aux urgences faute de soignants, à ceux dont les enfants n’ont pas de professeurs depuis des mois : les responsables sont ces gouvernements qui s’agenouillent devant les actionnaires tout en piétinant les intérêts du peuple.
    Il y a deux mois, ce sont les mêmes qui ont supprimé la CVAE perçue par les communes ; il y a deux mois, ce sont encore eux qui ont offert des milliards aux grandes entreprises, pour ensuite mentir et affirmer qu’il n’y a pas assez d’argent pour financer les retraites. Ils osent aujourd’hui dire aux Français qu’il n’y a plus de sous et qu’ils devront travailler jusqu’à 64 ans, ou 67 ans, pour combler les caisses de l’État ! Mais ce n’est pas vrai ! Il n’y a pas de problème de financement des retraites ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Mickaël Bouloux applaudit également.)
    Le Gouvernement l’a même reconnu dans un document officiel : cette réforme n’a qu’un seul but, compenser la baisse des impôts pour les plus grosses entreprises.

    Mme Clara Chassaniol

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    C’est faux !

    M. Louis Boyard

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    C’est écrit noir sur blanc dans l’exposé général des motifs du projet de loi de finances pour 2023, à la page 9 du document. Les Français doivent le savoir : vous voulez les faire travailler plus longtemps pour faire des économies qui serviront à gaver les actionnaires de la Société générale, de TotalEnergies ou encore de Carrefour avec l’argent de leurs retraites.
    Mes chers collègues, tout est une question de volonté politique. Pourquoi, vous qui prétendez être les meilleurs amis des entreprises, êtes incapables de venir en aide aux petites et moyennes entreprises ? C’est simple : ce ne sont pas elles que vous cherchez à aider. Je le rappelle : 80 % des aides publiques sont accaparées par les très grandes entreprises. Combien sont-elles, ces multinationales qui, après avoir profité d’aides publiques, ont procédé dans la foulée à des licenciements massifs ? Ford, Goodyear, Continental, Bridgestone, Danone et j’en passe.
    D’une main, le Gouvernement tente d’enterrer le système des retraites parce qu’« il n’y a plus de sous » et, de l’autre, il gave d’argent public les grands groupes, ces profiteurs de crise qui se foutent de l’emploi et ne se soucient que des profits de leurs actionnaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Résultat : les boulangers, les fleuristes, les plombiers ne voient qu’à peine la couleur de ces 200 milliards.
    Alors, oui, j’assume de dire devant vous que ce sont eux que nous devrions aider en priorité, plutôt que Bolloré ou Pouyanné.

    M. Nicolas Meizonnet

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    C’était ton patron, Bolloré !

    M. Louis Boyard

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    Aider les entreprises ? Oui, quand cela est nécessaire, mais pas sans contrepartie et certainement pas sans contrôle social et écologique. Lorsqu’un étudiant crève de faim, il doit, pour toucher sa maigre bourse, justifier de sa situation auprès du Crous, le centre régional des œuvres universitaires et scolaires. Lorsqu’une personne est privée d’emploi, il lui faut aussi, pour bénéficier du RSA ou du chômage, justifier régulièrement de sa situation devant la caisse d’allocations familiales (CAF) ou Pôle emploi. En France, lorsqu’on dépense de l’argent public pour aider les gens, chaque euro est contrôlé ; en revanche, lorsqu’il s’agit d’aider les grands groupes, c’est open bar ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Mme Laurence Maillart-Méhaignerie proteste.)
    De qui se moque-t-on ? Alors que, pour faire des économies, vous voulez imposer aux Français de travailler jusqu’à 64 ans, les entreprises du CAC40, elles, ont reversé près de 80 milliards d’euros à leurs actionnaires. Or toutes avaient reçu des aides publiques. Et si on faisait contribuer ces profits dopés aux aides publiques au financement des retraites plutôt que de reculer l’âge de départ ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme Clémence Guetté

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    Bonne idée !

    M. Antoine Léaument

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    Il est malin !

    M. Louis Boyard

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    Alors oui, je vous le dis, la retraite à 60 ans, c’est possible. Mais il faut que « chacun prenne sa part », comme le dit la Première ministre. Plutôt que de faire trimer les infirmières jusqu’à 64 ans, mettons les actionnaires à contribution et contrôlons les aides publiques ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et SOC.)

    M. Antoine Léaument

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    Bravo ! Il est fort, Boyard ! (Sourires.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’industrie.

    M. Alexandre Loubet

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    Et de la désindustrialisation !

    M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’industrie

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    Pour commencer, je souhaite remercier le groupe LFI-NUPES d’avoir demandé l’inscription de ce débat à l’ordre du jour. Il a donné lieu, dans l’ensemble, à des discussions intéressantes, focalisées sur un sujet extrêmement important, celui de l’utilisation des deniers publics, sans trop de caricatures – à une ou deux exceptions près.
    Je suis, et j’espère que la plupart d’entre vous le sont aussi, très fier du modèle social français,…

    M. Nicolas Meizonnet

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    C’est pour cela qu’il ne faut pas le détruire !

    Mme Sophie Taillé-Polian

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    Mais pour vous, tout va bien !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    …qui fait que la santé, l’éducation, les retraites, la recherche, la petite enfance sont financées grâce aux deniers publics, lesquels – il n’y a pas d’argent magique – proviennent pour l’essentiel de prélèvements obligatoires payés par celles et ceux qui travaillent,…

    Mme Sophie Taillé-Polian

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    Et la TVA ?

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    …les hommes et les femmes qui constituent les entreprises et, bien sûr, par les entreprises elles-mêmes.
    J’ai bien compris qu’au cours des semaines à venir, on allait voir, sur certains bancs, chaque débat ramené à celui des retraites.

    M. Emeric Salmon

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    C’est tout de même important !

    M. Mickaël Bouloux

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    Tous ces sujets sont liés !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Puisqu’ils sont liés, j’aimerais rappeler que, parmi les prélèvements obligatoires, les cotisations retraite sont pour 80 % acquittées par les entreprises. Ces dernières financent donc l’essentiel d’un système auquel nous sommes tous très attachés.

    M. Pierre Dharréville

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    Merci patron !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons engagé une réforme, dont vous aurez tout le temps de discuter ici, visant à pérenniser le système des retraites sans alourdir de manière excessive les prélèvements qui pèsent déjà sur les entreprises et sur les ménages.

    M. Pierre Dharréville

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    Pas de risque, avec vous !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Si nous aidons beaucoup les entreprises, nous prélevons aussi énormément sur leurs revenus.

    M. Pierre Dharréville

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    De moins en moins !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    C’est le choix qui a été fait en France ; si nous dessinions aujourd’hui ensemble un nouveau dispositif de prélèvements et d’aides aux entreprises, sans doute les taxerions-nous et les aiderions-nous beaucoup moins. En tout état de cause, la sédimentation progressive des aides et des prélèvements – dont le nombre est très important, vous l’avez dit –, rend le système actuel assez compliqué, comme l’a dit M. Albertini, y compris quand il s’agit d’en évaluer l’efficacité. Je vous remercie donc de nous donner l’occasion d’ouvrir ce débat.
    Monsieur Dharréville, vous disiez que 100 % des groupes du CAC40 avaient bénéficié d’aides publiques. J’ajoute que 100 % de ces groupes paient leurs impôts en France,…

    Plusieurs députés du groupe LFI-NUPES

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    Non !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    …paient des cotisations sociales et des prélèvements obligatoires, et contribuent ainsi au financement du système de retraite que vous appelez de vos vœux.

    M. Pierre Dharréville

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    Pas suffisamment !

    M. François Ruffin

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    Vous les couvrez, monsieur le ministre délégué !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Les impôts de production mentionnés par monsieur Daubié – notamment la C3S, dont je confirme qu’elle est assez perverse – représentent cette année, malgré les baisses que nous avons votées et que vous décriez, 4,5 % du PIB en France. C’est le deuxième taux le plus élevé de l’Union européenne. Nos entreprises paient trois fois plus d’impôts de production que leurs homologues allemandes. Par ailleurs, je le répète, les cotisations sociales, et notamment les cotisations retraite, représentent plus de 340 milliards, dont les trois quarts sont payés par les entreprises. Il est difficile de comparer précisément les aides accordées par les différents pays européens mais, pour prendre l’exemple des aides d’État, celles-ci se sont montées en France à 53 milliards en 2020, dont 30 milliards d’aides covid dans le cadre du « quoi qu’il en coûte » ; c’est le deuxième plus gros montant d’aides en Europe, après l’Allemagne.

    Mme Christine Arrighi

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    Le problème, ce n’est pas le montant des aides, mais les conditions posées pour en bénéficier !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Si elles sont donc importantes, les aides publiques viennent en partie compenser, il faut le reconnaître, des prélèvements obligatoires qui le sont également. Elles permettent de mener des politiques stratégiques sur lesquelles je reviendrai et qui, de mon point de vue, sont efficaces. Elles constituent aussi un signal fort aux investisseurs, y compris aux investisseurs internationaux – lesquels, ne vous en déplaise, monsieur Loubet, viennent s’installer en France et y créer de l’emploi, y compris chez vous, en Moselle, où des dizaines d’emplois vont être créés par une entreprise allemande productrices de rails, lesquels permettront de reconstruire l’Ukraine.

    M. Alexandre Loubet

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    Je parlais de la commande publique !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Nous continuerons à aider de telles entreprises. Ce qui nous importe, c’est l’emploi et l’investissement en France, et accessoirement la reconstruction de l’Ukraine.

    M. Alexandre Loubet

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    Quinze milliards de déficit commercial avec l’Allemagne !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Ces aides publiques sont donc utiles. Elles contribuent à faire de la France est le pays le plus attractif d’Europe et, je le répète, compensent en partie les hausses d’impôts passées qui nous ont amenés à des niveaux de prélèvements obligatoires insupportables.
    Cela veut-il dire pour autant qu’il ne faut pas évaluer l’efficacité des dépenses publiques ? Bien sûr que non. Comme l’a rappelé M. Viry, nous lancerons dès janvier une revue des dépenses publiques annuelles qui nous permettra d’identifier, avec toutes celles et ceux qui souhaitent y contribuer, les politiques publiques que nous souhaitons rendre plus efficaces. Les assises des finances publiques se tiendront en février 2023 à Bercy. Vous y êtes tous invités ; venez y contribuer, nous vous écouterons.

    Mme Christine Arrighi

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    Cela va prendre du temps !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    J’ai beaucoup entendu parler de conditionnalité des aides publiques. J’ai un scoop pour Mme Arrighi et MM. Dharréville, Brun et Ruffin :…

    M. Louis Boyard

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    Et moi ? (Sourires sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    …mis à part le « quoi qu’il en coûte » – dont j’espère que vous reconnaîtrez qu’il a été très efficace et qu’il a permis de sortir la France de l’ornière dans laquelle la crise sanitaire l’avait jetée, bien mieux qu’ailleurs en Europe et dans le monde –,…

    M. Alexandre Loubet

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    Six cents milliards de dette !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    …les aides publiques sont, pour l’essentiel, soumises à conditions.

    Plusieurs députés du groupe LFI-NUPES

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    Ce n’est pas vrai !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    On peut débattre des critères, mais elles le sont : vous ne pouvez pas bénéficier du crédit d’impôt recherche si vous ne financez pas des dépenses de recherche et d’innovation (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES),…

    M. Antoine Léaument

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    Les dépenses de recherche et d’innovation de la banque et de la grande distribution ?

    M. Pierre Dharréville

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    C’est open bar !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    …et vous ne pouvez pas bénéficier du crédit d’impôt innovation si vous ne financez pas des politiques d’innovation.
    Je reste convaincu que le « quoi qu’il en coûte », voté par la majorité et repoussé par la plupart des groupes d’opposition, était une bonne politique menée au bon moment. Il était indispensable.

    M. Pierre Dharréville

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    C’est vrai.

    Mme Christine Arrighi

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    Mais toutes les entreprises qui en ont bénéficié ont licencié ! Voyez Sanofi !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Depuis, qu’avons-nous fait ? France relance. C’est cette politique qui fait qu’aujourd’hui, la croissance est positive en France alors que le reste de l’Europe est en récession, et que le chômage et l’inflation y sont au plus bas. Ce sont 100 milliards d’euros dont un tiers était fléché vers des dépenses environnementales, madame Arrighi, et dont la plus grande partie visait à améliorer la compétitivité et la cohésion de la France.
    L’évaluation a montré que ces 100 milliards d’euros avaient permis à la France de sortir de l’ornière plus rapidement que par le passé, que France relance avait eu des résultats sur l’activité et sur l’emploi et que le plan avait mené à des réalisations concrètes en matière d’environnement. Actuellement, 18 % des véhicules vendus en France sont soit électriques, soit hybrides rechargeables ; c’est six fois plus qu’avant la crise. France relance a permis d’orienter les dépenses publiques vers des dépenses plus vertes. Vous devriez nous en féliciter et vous en satisfaire.
    France 2030, comme l’a très bien dit le député Xavier Roseren, est un plan doté de 54 milliards pour transformer durablement des secteurs clés de notre économie, avec des priorités stratégiques bien définies. Pas moins de 60 % des fonds engagés, soit 11 milliards d’euros, sont destinés aux PME et 0 % aux grandes entreprises financières. Vous devriez vous en réjouir, monsieur Dharréville.
    À M. Castellani, je rappellerai que 50 % de ces dépenses sont consacrées à la décarbonation de l’économie et de l’industrie. Grâce à France 2030, nous sommes en train de décarboner les cinquante sites les plus émetteurs, non pas en opposant les entreprises et l’argent public, mais les faisant travailler de concert. J’en profite pour préciser que je transmettrai au ministère de l’intérieur sa question sur les comptes régionaux, à laquelle je n’ai pas la réponse.
    Enfin, beaucoup de remarques et de questions, voire de critiques – parfois un peu caricaturales –, ont été formulées s’agissant des aides que nous avons instituées il y a quelques semaines pour lutter contre la crise énergétique. Là encore, M. Roseren les a bien décrites : elles sont efficaces. Hier soir – je ne sais pas si vous étiez là, monsieur Loubet –, nous avons passé deux heures à débattre de la politique énergétique. Rappelons que l’Espagne et le Portugal ne sont pas sortis du marché européen de l’énergie.

    M. Alexandre Loubet

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    Ce n’est pas ce que j’ai dit !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Ils subventionnent le prix de l’énergie d’une manière différente de la nôtre et récupèrent l’équivalent de cette subvention par l’intermédiaire de taxes.

    M. Jocelyn Dessigny

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    Cela s’appelle renégocier !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    On ne paie pas son électricité moins cher en Espagne ou au Portugal qu’en France ; les ordres de prix sont les mêmes,…

    M. Alexandre Loubet

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    Non, cela va du simple au double : 138 euros contre 280 !

    M. Nicolas Meizonnet

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    Ils font mieux pour leurs entreprises !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    …et ils sont bien inférieurs en France à ce qu’ils sont ailleurs en Europe.
    Nous sommes favorables à une conditionnalité intelligente et efficace, et c’est bien ce qui caractérise les aides françaises. Je le répète, le crédit d’impôt recherche est subordonné à l’investissement dans la recherche et le développement. On peut évidemment l’améliorer, et nous nous sommes engagés à le faire ; n’hésitez pas à nous faire des propositions à ce sujet.

    Mme Christine Arrighi

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    Trois rapports lui ont déjà été consacrés !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    N’oubliez pas cependant que le CIR fait désormais partie de la marque France et que c’est grâce à lui que de plus en plus d’investisseurs internationaux viennent y créer de l’emploi et améliorer la compétitivité de l’industrie française.

    Mme Christine Arrighi

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    Évidemment ! Il ne fait l’objet d’aucun contrôle !

    Mme Sophie Taillé-Polian

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    C’est de l’argent facile !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    De même, le bénéfice du crédit d’impôt innovation ou du statut de jeune entreprise innovante, outre que ces dispositifs sont réservés aux PME, est lui aussi soumis à des conditions relatives à l’industrialisation et à la recherche et développement.
    Monsieur Brun, vous parliez du bilan difficile de la France en matière d’innovation. Il est assez ironique que vous ayez pris 2014 comme année de départ : si je ne m’abuse, c’est l’année où votre groupe dominait entièrement la majorité.

    M. Fabien Di Filippo

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    Avec Emmanuel Macron !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Depuis, la France a progressé dans les classements internationaux. Nous sommes désormais classés à la douzième place mondiale en innovation et à la neuvième place en recherche. Cette progression récente a été saluée à Las Vegas dans le cadre du Consumer Electronics Show, où la France est désormais reconnue comme l’un des champions mondiaux de l’innovation.

    M. Philippe Gosselin

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    Las Vegas ! Ce n’est pas rien ! (Sourires sur les bancs des groupes LR et RN.)

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Eh oui, cela ne s’invente pas. Le CES, où la France est le pays le plus présent à l’exclusion des États-Unis, a lieu à Las Vegas depuis des années. Je vous assure, pour avoir été le député de cette circonscription, que ce n’est pas la ville la plus excitante du pays, mais c’est là que ça se passe. (Sourires sur les bancs des groupes RE, RN et LR.)

    M. Philippe Gosselin

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    Si vous le dites !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Comme vous le savez, ce qui se passe à Las Vegas reste à Las Vegas… (Rires.)
    Retenons donc ensemble que la France aide beaucoup et taxe beaucoup ; c’est le modèle social que nous avons choisi ensemble, et il est efficace,…

    Mme Christine Arrighi

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    Comment le savoir si vous ne l’évaluez pas ?

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    …malgré des complexités administratives que je reconnais bien volontiers et que j’aimerais réduire.
    Il est efficace car le chômage et l’innovation sont est au plus bas de la zone euro, car les émissions de gaz à effet serre baissent, car l’innovation accélère. Continuons à travailler en ce sens. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – M. Philippe Gosselin applaudit également.)

    Mme la présidente

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    Nous en venons aux questions. Je rappelle que la durée des questions, comme celle des réponses, est limitée à deux minutes et qu’il n’y a pas de droit de réplique.
    La parole est à Mme Charlotte Leduc.

    Mme Charlotte Leduc (LFI-NUPES)

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    Selon un rapport de l’Ires paru en octobre 2022, les aides publiques aux entreprises représentent environ 156 milliards d’euros par an, soit 25 % de la masse salariale du secteur privé, ce qui équivaut à deux fois le budget de l’éducation nationale et à 33 % du budget de l’État ; ce serait le premier poste budgétaire de l’État si ces aides étaient comptabilisés comme telles. Le soutien aux entreprises a été multiplié par quinze depuis 1980, alors que la richesse produite n’a été multipliée que par quatre au cours de la même période. Les derniers chiffres connus portent sur l’année 2019, c’est-à-dire avant la pandémie et le « quoi qu’il en coûte ». On peut donc estimer sans risque que l’aide publique aux entreprises est encore plus colossale aujourd’hui. Certains économistes parlent déjà de 200 milliards par an.
    Le rapport de l’Ires ne se contente pas de chiffrer le volume global des aides publiques aux entreprises, il essaie également d’évaluer leur efficacité. Et là, grosse surprise ? Pas vraiment. Ces aides n’ont pas fait baisser le coût du travail. Elles ne permettent donc pas d’augmenter la compétitivité-prix. Pire, les chercheurs décèlent un effet d’accoutumance : les entreprises ne voient plus ces aides comme des gains exceptionnels, mais comme une rentrée courante. En outre, un lien fort est établi entre distribution d’aides publiques et distribution de dividendes. Bref, actuellement, les aides publiques finissent dans les poches des actionnaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Ce que nous montrent ces chiffres fous, ce pognon de dingue, c’est que le capitalisme contemporain est un capitalisme de rente où des milliardaires sans talent particulier sont abreuvés d’argent public sans créer de richesse. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et SOC.) Le scandale que représentent les 156 milliards d’aides publiques aux entreprises montre bien que l’État a les moyens d’investir s’il le souhaite. Face à l’inefficacité des dispositifs, ne serait-il pas temps de faire évoluer notre politique ? Pourquoi l’État n’investit-il pas directement dans les services publics et la bifurcation écologique – en passant par des nationalisations, si nécessaire – au lieu de déverser des aides publiques inefficaces et coûteuses ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    Merci, madame Leduc.

    Mme Charlotte Leduc

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    Cette situation montre une fois de plus la nécessité de soumettre les aides à des critères stricts. Je vous en propose un : l’interdiction de distribuer des dividendes pour une entreprise qui touche… (Mme la présidente coupe le micro de l’oratrice, dont le temps de parole est écoulé.  Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué.

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Je crois avoir déjà répondu à plusieurs des questions que vous m’avez posées et qui recoupent certaines critiques déjà émises. Je n’ai vu nulle part ce chiffre de 200 milliards d’euros que vous mentionnez ; en réalité, le montant est plus proche de 150 milliards. C’est trois à quatre fois moins que le budget de la sécurité sociale, dont je rappelle qu’il est en grande partie financé par les entreprises elles-mêmes. Évaluons, évaluons, évaluons ; nous allons continuer à le faire dans le cadre des budgets à venir.

    Mme Clémence Guetté

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    Il faut agir, aussi ! L’État ne fait rien.

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Je ne pense pas que l’État fera seul la transition écologique que vous appelez de vos vœux. Les entreprises sont prêtes à s’associer à lui dans le cadre de la stratégie de décarbonation que nous avons instituée.

    Mme Christine Arrighi

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    Sanofi a licencié ! Air France a licencié ! Vous ne contrôlez rien.

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Je le répète, le bénéfice de France 2030 est soumis à conditions, comme l’était celui de France relance, et nous continuerons à subordonner les aides à la définition de stratégies ambitieuses. C’est ce qui fait que la France reste le pays le plus redistributif d’Europe,…

    M. Fabien Di Filippo

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    Ce n’est pas forcément une bonne chose.

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    …l’un des pays les plus dynamiques du continent et l’un des pays qui fait le plus d’efforts dans la voie de la décarbonation.

    Mme Sophie Taillé-Polian

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    Tout va bien !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. David Guiraud.

    M. David Guiraud (LFI-NUPES)

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    Ce débat sur les aides publiques aux entreprises démontre à quel point le système économique que vous avez construit est basé sur l’injustice, qui met en danger notre pays. À l’heure où vous criez que les caisses sont vides et qu’il va falloir se saigner au travail, rappelons que l’État français, l’un des plus riches du monde, distribuait, avant même la crise du covid, plus de 150 milliards d’euros par an aux grandes entreprises.
    Qui reçoit cette fortune colossale ? Dans votre capitalisme féodal, ce sont les plus proches du pouvoir qui captent les aides. Lorsque l’on fait le compte de vos aides cachées et de vos défiscalisations, on constate que les TPE et les PME paient plus d’impôts sur les sociétés que les très grandes entreprises. En effet, les multinationales et leurs armées d’avocats et de fiscalistes n’ont qu’à pousser la porte des ministères pour être entendus tandis que nos artisans et nos commerçants – les boulangers en sont, en ce moment même, le meilleur exemple – sont seuls, isolés et abandonnés. Ils passent des dizaines de coups de fil et se noient dans la paperasse pour tenter d’obtenir un remboursement de 40 % sur une facture de 10 000 euros… (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Autant dire que leur commerce sera mort dans deux ou trois mois.
    Rendez-vous compte : 170 milliards d’euros de profits pour le CAC40 en 2022 et 80 milliards versés aux actionnaires, qui redistribuent non pas aux acteurs du tissu économique français, mais à leurs enfants ! Pendant ce temps, les TPE et les PME ont perdu 11 points de trésorerie en six mois. Les trois quarts d’entre elles seront contraintes d’augmenter leurs prix en 2022, au détriment de tous les Français ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et SOC.)
    L’économie est pilotée par et pour les rentiers. Il n’y a plus de méritocratie dans notre pays, mais une « héritocratie » ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et SOC.) S’il fallait un exemple de décision qui mène le pays au chaos et à l’instabilité, c’est la transformation du CICE en exonération de charges, soit un coût de 20 milliards d’euros par an, c’est-à-dire le montant du déficit du système de retraite sur dix ans – si l’on en croit les chiffres que vous avancez pour justifier votre réforme des retraites et tuer les Français au boulot !

    Mme la présidente

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    Veuillez conclure, cher collègue.

    M. David Guiraud

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    Il est temps de rétablir de l’ordre dans les comptes publics. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    Merci, monsieur Guiraud, votre temps est écoulé.
    La parole est à M. le ministre délégué.

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Monsieur Guiraud, décidément, nous ne connaissons pas la même France ! (« En effet ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Veuillez, s’il vous plaît, cesser de tout caricaturer !

    Mme Clémence Guetté

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    Mais vous dites que tout va bien, c’est incroyable !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Je passe mes journées dans des entreprises industrielles à discuter… (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Antoine Léaument

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    Avec les patrons !

    Mme la présidente

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    Un peu de calme, chers collègues !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Monsieur le député, à chaque fois que je me rends dans une usine, je rencontre les organisations syndicales. Voulez-vous un scoop ? Aucune d’elles ne m’a parlé de la réforme des retraites ! (Exclamations et rires sur les bancs des groupes LFI-NUPES et SOC.)
    Eh oui !
    De quoi me parlent-elles ? De la crise énergétique, du pouvoir d’achat et des aides ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Antoine Léaument

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    Augmentez les salaires !

    Mme la présidente

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    S’il vous plaît !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Et savez-vous ce qu’elles me disent sur les aides, le « quoi qu’il en coûte » et le plan France relance ? « Merci, continuez ! »

    M. Louis Boyard

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    Tout le monde vous aime, monsieur le ministre délégué, vous êtes parfait !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Alors je vous en prie, calmez-vous un peu sur le capitalisme féodal comme modèle de l’économie française ! Je le répète, notre économie est la plus redistributive en Europe et l’une des trois premières au monde en matière de taxation des entreprises. Elle possède par ailleurs, ce dont je suis très fier, un modèle social unique, que nous souhaitons pérenniser. Ne caricaturez donc pas les ministres et les députés !

    Mme Christine Arrighi

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    Ne vous caricaturez pas vous-même !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Le capitalisme féodal en France ? Franchement, non. Nous ne vivons pas dans le même pays ! Celui que je connais travaille et investit. Très souvent, les salariés et les dirigeants d’entreprise y sont unis et cherchent ensemble à obtenir des protections supplémentaires.

    Mme Christine Arrighi

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    Le paradis macronien, ça n’existe pas !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Ce n’est pas un pays dans lequel l’embrasement est à tous les coins de rue (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES) et j’espère que cela continuera comme cela, malgré la volonté de certains et de certaines de souffler sur les braises ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme Clémence Guetté

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    On n’en veut pas de votre réforme des retraites !

    Mme Charlotte Leduc

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    Qui souffle sur les braises ? C’est vous qui défendez cette réforme !

    Mme la présidente

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    Chers collègues, s’il vous plaît !
    La parole est à M. Fabien Di Filippo.

    M. Fabien Di Filippo (LR)

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    La période du « quoi qu’il en coûte » préélectoral a engendré une profusion d’aides et de dépense d’argent public à crédit, ainsi que l’inflation. Les précédents orateurs l’ont dit, 157 milliards d’aides ont été distribuées aux entreprises en 2019, soit un tiers du budget de l’État – 32 milliards sous forme de subventions directes, 125 milliards sous forme de niches fiscales. Si ces aides n’existaient pas, 461 milliards seraient payés par les entreprises sous forme de prélèvements, soit un cinquième de la richesse nationale. Un record européen !
    Vous l’avez souligné vous-même, monsieur le ministre délégué, le choix de votre gouvernement est de taxer beaucoup pour aider beaucoup. Or ces aides sont complexes, difficilement accessibles, instables, inéquitables et parfois inefficaces. D’où ma première question : comment comptez-vous les simplifier ? Réduire les prélèvements opérés par l’État permettrait de diminuer le nombre de dispositifs, actuellement proche de 2 000 ! L’enjeu est triple : la lisibilité des dispositifs pour le chef d’entreprise, la capacité pour lui de vivre des fruits de son travail et uniquement de ceux-ci, et l’attractivité de la France pour les investissements français et étrangers.
    Ma deuxième question concerne l’apprentissage. L’objectif du Gouvernement est d’atteindre le chiffre de 1 million d’apprentis à la fin du quinquennat. Ils étaient 800 000 en 2022, mais ce chiffre est trompeur compte tenu du taux d’abandon des contrats d’apprentissage : 30 % d’entre eux sont abandonnés avant la fin du contrat et 53 % des ruptures à l’initiative des élèves sont justifiées par le manque d’activités formatrices. Auparavant, les aides aux entreprises étaient subordonnées à l’obligation pour le tuteur de consacrer une certaine période de formation à son apprenti. Ne devraient-elles pas l’être de nouveau, ce qui permettrait de réduire le nombre de procédures prud’homales et d’améliorer le taux de réussite des contrats d’apprentissage ?
    Enfin, monsieur le ministre délégué, permettez-moi de vous interroger sur le dispositif d’aide aux TPE face à la hausse du prix de l’électricité. Avec le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, Bruno Le Maire, vous avez annoncé le plafonnement du prix du mégawattheure à 280 euros pour les entreprises de moins de dix salariés, mais il s’agit là d’un tarif annuel moyen, qui inquiète fortement les boulangers. En effet, un grand nombre d’entre eux s’organisent aujourd’hui pour cuire leur pain la nuit pendant les heures creuses. Ils craignent donc un lissage des prix par le haut, qui serait contre-productif. ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

    M. Pierre Cordier

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    C’est vrai !

    Mme la présidente

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    Merci, cher collègue.

    M. Fabien Di Filippo

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    Pouvez-vous leur donner davantage de garanties ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué.

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Il y a beaucoup de questions dans votre intervention, monsieur Di Filippo ! Vous avez subrepticement glissé que la préférence pour l’impôt était le fait de notre gouvernement. En France, on taxe plus qu’ailleurs, mais, rappelons-le, c’est notre majorité qui a appliqué une baisse d’impôts sans précédent, de 50 milliards, bénéficiant pour moitié aux entreprises et pour moitié aux ménages – vous avez voté contre ! « Ce n’est qu’un début, continuons le combat », comme diraient certains. Reste que c’est notre gouvernement qui a réduit les impôts dans de telles proportions !
    Je partage votre volonté de simplifier les dispositifs. Nous le ferons notamment dans le cadre du plan France 2030, dont nous souhaitons que les mesures soient plus efficaces.
    En ce qui concerne l’apprentissage, je vous avoue que je n’ai pas tout à fait saisi votre question. Je serai heureux d’y répondre par écrit si vous voulez bien me la transmettre. (M. Fabien Di Filippo acquiesce.) Soulignons toutefois que nous avons plus d’apprentis aujourd’hui en France que nous n’en avons jamais eus, et deux fois plus qu’il y a cinq ans. Ils sont 700 000 et seront bientôt un million. Il y a aujourd’hui plus d’apprentis en France qu’en Allemagne. C’est l’un des principaux succès du quinquennat précédent.

    M. Fabien Di Filippo

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    Mais il y a plus d’abandons !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    On peut sans doute améliorer le système et je suis prêt à me pencher sur la question que vous soulevez, mais convenons ensemble que l’apprentissage est aujourd’hui un succès dans notre pays, ce dont je suis très fier à titre personnel.
    Quant au bouclier tarifaire, le plafonnement du prix du mégawattheure à 280 euros pour les entreprises de moins de dix salariés concerne en effet une moyenne sur l’année. Il est cumulable avec l’amortisseur et le guichet. Le montant réel des factures se situera donc évidemment au-dessous. Quant aux boulangers qui ont souscrit des contrats en heures creuses, ils ne se verront évidemment pas appliquer un prix du mégawattheure à 280 euros. Ces contrats permettent à une partie d’entre eux de bénéficier de tarifs préférentiels et c’est tant mieux !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Pascal Lecamp.

    M. Pascal Lecamp (Dem)

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    Les aides publiques aux entreprises doivent permettre de maintenir leur viabilité face aux fluctuations conjoncturelles, de soutenir leur compétitivité globale et de garantir l’emploi. Depuis 2020, avec votre gouvernement, monsieur le ministre, elles ont été au rendez-vous. Je m’inscris donc en faux s’agissant de l’explosion des défaillances de PGE annoncée pour 2023 par notre collègue Alexandre Loubet. Ce matin, la commission des finances a auditionné le directeur général de la Banque publique d’investissement, BPIFrance, qui gère la plupart des PGE. Nicolas Dufourcq a annoncé un taux de sinistralité inférieur à 4 %. Ce que vous dites n’est pas vrai, monsieur Loubet !
    Nous connaissons les écueils des aides publiques, mis en exergue durant l’épidémie de covid. Il s’agit notamment des effets d’aubaine ou de la fraude, et surtout du manque d’information. Les entreprises sont souvent éligibles à des aides dont elles ignorent l’existence. On l’imagine aisément, un entrepreneur confronté à des difficultés financières n’a pas forcément un rapport facile avec l’État et ses représentants. Nous avons la responsabilité de nous assurer que l’action publique en faveur des entreprises atteint chaque TPE et chaque PME, y compris dans les zones rurales et là où les gens sont moins à l’aise avec les démarches administratives. Les aides doivent aussi, ce qui n’est pas souvent le cas, être adaptées aux besoins qui ne rentrent pas forcément dans les cases. Il y a encore trop de laissés-pour-compte. Les aides ne vont pas toujours au bon endroit.
    Les conseillers départementaux à la sortie de crise des directions départementales des finances publiques (DDFIP), désignés en 2021 dans le cadre du plan d’accompagnement aux entreprises fragilisées par la pandémie pour leur offrir un soutien personnalisé, pourraient constituer une solution intéressante, réactive et rationnelle. Même s’ils ne sont pas encore bien identifiés, malgré les efforts consentis pour travailler localement avec les chambres consulaires, ces points de contact permettent d’orienter les entrepreneurs qui font face à l’inflation. Pensez-vous utile de pérenniser ce dispositif et d’amplifier temporairement son déploiement en fonction des besoins des départements ? Quels sont aujourd’hui les retours des entreprises qui bénéficient de l’accompagnement des conseillers départementaux à la sortie de crise ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué.

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Je vous remercie pour cette question, monsieur Lecamp, mais aussi d’avoir précisé que la situation des PGE est satisfaisante à ce stade. Les taux de défaut sont même inférieurs à ceux qui avaient été anticipés.

    M. Jocelyn Dessigny

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    Attendez un peu, nous n’avons pas encore les chiffres de fin 2022 !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Pour l’instant, la situation est bonne !

    M. Jocelyn Dessigny

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    Pour l’instant !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Évidemment, on peut passer son temps à voir le verre à moitié vide, mais les PGE ont permis d’accompagner l’économie française pendant la crise et, je le répète, les taux de défaut sont inférieurs aux prévisions, ce dont nous devrions tous nous réjouir.
    Vous avez raison, monsieur Lecamp, les conseillers départementaux à la sortie de crise ont une action très efficace. J’espère que nous sortirons tôt ou tard de la crise, ce qui réduira du même coup leur utilité. D’ici là, nous maintiendrons évidemment ce dispositif extrêmement utile, qui complète de manière opportune le système d’accompagnement existant. Celui-ci comprend d’abord les chambres consulaires, qui sont mobilisées pour informer les entreprises sur les aides auxquelles elles ont droit. Elles nous ont beaucoup aidés pendant la crise sanitaire et continuent de le faire pendant la crise énergétique. Les commissaires aux restructurations et à la prévention des difficultés en entreprises (CRP) permettent également de soutenir les entreprises en difficulté, généralement de taille plus importante, dont les effectifs sont situés entre cinquante et quelques centaines d’employés. Enfin, le comité interministériel de restructuration industrielle (Ciri), situé à Bercy, aide les plus grosses entreprises.
    Au total, nous disposons d’un dispositif complet, qui permet d’accompagner les entreprises de manière efficace et utile, ce dont elles attestent régulièrement. N’hésitez cependant pas à nous faire connaître les difficultés spécifiques rencontrées dans vos territoires.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Mickaël Bouloux.

    M. Mickaël Bouloux (SOC)

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    Déjà sous la présidence Hollande, Emmanuel Macron s’était fait remarquer pour sa politique obstinément tournée vers les entreprises, à travers notamment l’instauration du CICE. À l’époque, le dispositif représentait autour de 20 milliards annuels d’aides aux entreprises, sans condition. Le CICE préfigurait l’axe actuel de la politique du Gouvernement en matière d’aide aux entreprises : « un pognon de dingue », qui crée un effet d’aubaine et qui ne participe en rien à l’amélioration du pouvoir d’achat des Français.

    M. Pierre Cordier

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    Il est bon de rappeler qu’Emmanuel Macron était ministre de François Hollande !

    M. Mickaël Bouloux

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    Ma question porte sur le crédit d’impôt recherche. Avec un coût estimé à 7 milliards en 2023, en constante augmentation, le CIR sert à financer les programmes de recherche et d’innovation des entreprises, mais aussi, ce qui paraît moins légitime, leurs opérations de communication et de sous-traitance ou leurs frais d’assurance. Il existe en outre une fraude au CIR, qui n’est pas sans conséquences sur nos finances publiques, mais qui ne fait l’objet d’aucune évaluation sérieuse.
    Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, le groupe Socialistes et apparentés et les autres groupes de la NUPES avaient déposé plusieurs amendements visant à mieux encadrer le CIR et à le diriger vers des objectifs de transition écologique. Tous ont été balayés d’un revers de la main, avant même leur examen, lors de l’adoption brutale du projet de loi de finances par la procédure du 49.3.
    En tant que rapporteur spécial du budget de la recherche, j’ai mené de nombreuses auditions et je me suis forgé une conviction : le CIR doit être profondément réformé. Il faut verdir ses objectifs, évaluer précisément ses effets sur l’innovation et l’investissement et prévoir des procédures de contrôle strictes pour mesurer sérieusement les phénomènes de fraude.
    Le Gouvernement saisira-t-il la Cour des comptes pour obtenir des évolutions en ce sens ? La direction générale des finances publiques (DGFIP) dispose-t-elle déjà d’évaluations ? Si c’est le cas, quand seront-elles rendues publiques ? Si ce n’est pas le cas, le Gouvernement lancera-t-il rapidement une telle démarche ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué.

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Beaucoup de choses ont déjà été dites sur le CIR. Je le répète, nous sommes prêts à évaluer ce dispositif dans le détail afin d’en mesurer l’efficacité et nous le ferons dans le cadre du prochain projet de loi de finances. Mais, ne l’oublions pas, les investisseurs internationaux qui envisagent de s’installer en France y sont fortement incités par le CIR. Le dispositif rend la France compétitive car il réduit les coûts d’un ingénieur, d’un laboratoire ou d’un système de recherche pour les entreprises. Sans doute existe-t-il des abus. Quant aux fraudes, j’espère que la justice fait son travail pour les sanctionner.
    En tout état de cause, nous sommes prêts à évaluer l’efficacité du CIR. Veillons cependant à ne pas bouleverser un dispositif dont je suis convaincu qu’il a fait ses preuves car il renforce l’attractivité de la France, en particulier dans des secteurs innovants.
    Vous parlez d’en subordonner le bénéfice à des investissements verts ; pour ma part, je me méfie de l’utilisation d’un même instrument pour deux objectifs. Le crédit d’impôt recherche vise avant tout à encourager la recherche et l’innovation : concentrons-le à cette fin.
    Faut-il par ailleurs envisager des crédits d’impôt destinés à renforcer le verdissement de l’industrie ? J’y suis personnellement favorable et nous pourrions le faire en supprimant certaines niches fiscales qui permettent – à l’inverse – de préserver des activités dommageables à l’environnement. Nous en discuterons dans le cadre de l’examen du projet de loi « industrie verte », dont Bruno Le Maire a annoncé le dépôt prochain ; la phase de concertation est en cours et n’hésitez pas à nous envoyer vos idées…

    Mme Christine Arrighi

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    Des idées, on n’en manque pas !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    …quant à la manière de mieux inciter les entreprises françaises à verdir leur activité grâce à des crédits d’impôt – pourquoi pas ? N’oubliez tout de même pas que les États-Unis ont annoncé un plan de verdissement de leur économie très puissant et très efficace, et nous devons en tenir compte dans nos réflexions car c’est la compétitivité du territoire français qui est en jeu.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Frédéric Valletoux.

    M. Frédéric Valletoux (HOR)

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    Le prêt garanti par l’État, que je vais évoquer à mon tour, constitue un dispositif exceptionnel que le Gouvernement a instauré il y a bientôt trois ans, non pour des raisons électorales, comme certains l’ont dit, mais parce que la pandémie touchait notre pays comme l’ensemble de la planète. Il a permis de soutenir, à hauteur de 300 milliards d’euros, le financement bancaire en faveur d’entreprises fragilisées par la crise. Entre mars 2020 et juin 2022, plus de 700 000 prêts garantis par l’État ont été accordés par les banques, pour un montant total dépassant 143 milliards d’euros ; ils ont permis à de nombreuses entreprises de tenir le coup pendant la pandémie et de renflouer leur trésorerie à des conditions avantageuses. Reçu comme une bouée de sauvetage par plus de 690 000 sociétés qui l’ont souscrit, le PGE s’est aussi avéré être un facilitateur de croissance, que ce soit pour les entreprises de taille intermédiaire ou pour les TPE et les PME.
    Dès le début de l’année 2021, 45 % des PGE ont commencé à être remboursés et une grosse vague d’entreprises a entamé le paiement de leur échéance à partir du printemps 2022. Néanmoins, nombreuses sont les TPE et les PME, notamment dans les secteurs de la construction et de l’hébergement-restauration, qui sont confrontées à des difficultés de remboursement ; c’est d’autant plus le cas en ce moment, alors que la conjoncture économique a tendance à se tendre. S’il est indéniable que les pouvoirs publics ont massivement accompagné les entreprises et que le PGE s’érige en bouclier économique efficace, certains chefs d’entreprise font face à des mensualités encore trop importantes. Vous avez obtenu de la Commission européenne, en juin dernier, la possibilité pour les TPE et les PME de prolonger leur PGE de cinq à dix ans, et je salue cette avancée ; cependant, à ce jour, 9 % d’entre elles redoutent de ne plus être en mesure de rembourser leur prêt, selon le dernier baromètre trimestriel de BPIFrance.
    Face aux difficultés rencontrées par certaines TPE et PME, quelles sont les mesures envisagées par le Gouvernement pour aider ces entreprises qui subissent une nette détérioration de leur trésorerie ? Et de manière plus générale – mais vous avez déjà apporté une réponse à ce sujet –, quel bilan pouvez-vous faire du PGE ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué.

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Merci de votre question, monsieur le député Valletoux, qui complète certaines remarques précédentes. Le PGE a fonctionné : il est venu soutenir les entreprises qui se trouvaient dans une situation très difficile du fait de la crise de la covid – fermeture administrative pour beaucoup d’entre elles, disparition des clients pour la plupart –, et leur a permis de passer cette période délicate. Vous l’avez dit, les remboursements sont en cours et se déroulent plutôt bien. Les reports de charges ont eux aussi permis d’alléger la trésorerie des entreprises : sur les 28 milliards d’euros de reports de charges, 14 milliards ont déjà été remboursés. S’agissant des PGE, 40 milliards avaient été remboursés à la fin du mois d’août – je découvre que les chiffres dont je dispose sont un peu anciens et j’espère que nous en avons de plus récents.
    Je le répète : globalement, nous n’avons pas de craintes fortes à ce sujet. En moyenne, le taux de défaut devrait sans doute atteindre 4 à 5 % ; c’est en tout cas ce que la Banque de France prévoit et c’est en fonction de ce chiffre que nous avons évalué le coût du PGE pour les entreprises – puisque, je le rappelle, le PGE a un coût pour elles. Ces moyennes peuvent cependant dissimuler des cas particuliers, notamment parmi les TPE et les PME, que nous devons soutenir. Je les incite à se rapprocher du Médiateur du crédit, car – vous le savez – nous avons obtenu de la Commission européenne de pouvoir rééchelonner certains PGE sur six à dix ans par son intermédiaire.
    Quant aux entreprises de taille plus importante, elles doivent le cas échéant ouvrir une procédure de conciliation, qui est confidentielle, auprès du tribunal de commerce. Nous ne souhaitons pas rééchelonner de manière générale et automatique l’ensemble des PGE – je vous vois opiner de la tête, monsieur Valletoux. Ce serait à la fois contre-productif et potentiellement très coûteux pour les finances publiques, et cela conduirait surtout à une iniquité entre des entreprises qui vont bien et qui ont intérêt à rembourser leur PGE – nous avons tous intérêt à ce qu’elles le fassent –, et d’autres qui ont besoin d’un traitement particulier que nous continuerons à leur accorder – nous nous y engageons.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.

    Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES)

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    Vous ne cessez de dire que nous vous posons toujours les mêmes questions, mais – pardonnez-nous de le dire –, vos réponses ne sont pas très satisfaisantes ! Je vais formuler la mienne d’une manière un peu différente : en tant que citoyen et en tant que ministre, trouvez-vous normal que d’un côté, quelqu’un qui est au RSA, par exemple, doive justifier de ses revenus au centime près tous les trois mois, pour savoir quelle aide il va toucher ; que dans la moindre association, il faille remplir de nombreux dossiers, passer des heures en dialogue de gestion pour dresser des conventions d’objectifs et de gestion (COG), elles aussi contrôlées au centime près, en tenant compte d’indicateurs tous plus complexes les uns que les autres, confinant parfois à l’absurde ;…

    M. Pierre Cordier

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    On n’est pas dans un conseil départemental ! Ça ne se passe pas du tout de cette manière !

    Mme Sophie Taillé-Polian

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    …que dans un certain nombre de services publics, il soit nécessaire de remplir plusieurs formulaires pour avoir accès à certains moyens et à certaines autorisations, tandis que d’un autre côté, pour ce qui est des aides aux entreprises, on soit dans le flou le plus total ? Ce n’est pas nous qui le disons, mais bien l’Inspection générale des finances, qui ne parvient pas à nous donner une évaluation précise de chacun des 2 000 dispositifs qui sont – plus ou moins – accessibles aux entreprises pour se faire aider.
    Il y a là une question démocratique majeure : que faisons-nous de cet argent public ? Vous pouvez toujours nous répondre que tout va bien, que la France que vous observez est formidable et se porte parfaitement bien – visiblement, nous n’avons pas affaire à la même France ; quoi qu’il en soit, il faut maintenant cesser de donner cet argent public sans aucune justification et sans évaluation précise. C’est une question de justice ! Utilisons l’argent public avec mesure, avec efficacité, pour l’intérêt général, pour la justice sociale et pour la lutte contre les dérèglements climatiques, et arrêtons d’arroser le sable et de subventionner – c’est parfois le cas – les actionnaires ! (Mme Christine Arrighi, M. Léo Walter et Mme Elsa Faucillon applaudissent.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué.

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Votre question, madame la députée Taillé-Polian, comporte deux volets. Vous démontrez d’abord, là encore de manière peut-être un peu caricaturale, une capacité inénarrable à opposer les entreprises, dont vous faites une sorte d’objet ou d’animal magique et malfaisant,…

    Mme Sophie Taillé-Polian

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    Non, nous parlons d’argent public !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    …aux salariés qui en composent la réalité ou aux personnes – vous les avez mentionnées – qui ont besoin d’aides sociales et qui les méritent.

    Mme Christine Arrighi

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    Ce n’est pas du tout ce que nous avons dit ! C’est vous qui caricaturez !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Derrière les entreprises, il y a des employés ;…

    Mme Sophie Taillé-Polian

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    Et derrière un RSA, il y a une personne !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    …derrière ces aides, il y a des investissements et des recrutements.

    Mme Sophie Taillé-Polian

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    Derrière les aides, il y a des êtres humains !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Derrière l’installation en France d’une entreprise américaine – quel gros mot, quelle horreur ! –, il y a aussi des actionnaires – eh oui !

    Mme Sophie Taillé-Polian

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    Ça n’a rien à voir avec ma question ! Répondez-y !

    Mme Émilie Bonnivard

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    Écoutez-le !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Je plaide pour ma part depuis toujours pour qu’on aligne davantage les intérêts des actionnaires et ceux des salariés grâce à l’intéressement, à la participation.
    Quand l’entreprise va bien, il faut permettre aux salariés de bénéficier davantage de primes d’intéressement et de participation, contre lesquelles vous votez systématiquement ! Alors arrêtons d’opposer les méchantes entreprises et les bons salariés :…

    Mme Sophie Taillé-Polian

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    Ce n’est pas ce que j’ai dit !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    …nous avançons tous dans le même sens.

    Mme Sophie Taillé-Polian

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    Vous ne répondez pas !

    Mme la présidente

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    Madame Taillé-Polian, s’il vous plaît.

    Mme Sophie Taillé-Polian

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    Il n’a pas répondu à ma question !

    Mme la présidente