XVIe législature
Session ordinaire de 2022-2023
Séance du mardi 10 janvier 2023
- Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
- 1. Accélération de la production d’énergies renouvelables
- 2. Mesures de soutien face à l’augmentation des coûts de l’énergie
- M. Thierry Benoit (HOR)
- M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’industrie
- Mme Félicie Gérard (HOR)
- M. Roland Lescure, ministre délégué
- M. Thierry Benoit (HOR)
- M. Roland Lescure, ministre délégué
- M. Didier Lemaire (HOR)
- M. Roland Lescure, ministre délégué
- M. Nicolas Thierry (Écolo-NUPES)
- M. Roland Lescure, ministre délégué
- Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES)
- M. Roland Lescure, ministre délégué
- M. Jean-Marc Tellier (GDR-NUPES)
- M. Roland Lescure, ministre délégué
- M. Hubert Wulfranc (GDR)
- M. Roland Lescure, ministre délégué
- M. David Taupiac (LIOT)
- M. Roland Lescure, ministre délégué
- M. David Taupiac (LIOT)
- M. Roland Lescure, ministre délégué
- M. Philippe Dunoyer (RE)
- M. Roland Lescure, ministre délégué
- M. Yannick Haury (RE)
- M. Roland Lescure, ministre délégué
- Mme Caroline Janvier (RE)
- M. Roland Lescure, ministre délégué
- Mme Patricia Lemoine (RE)
- M. Roland Lescure, ministre délégué
- M. Jean-Philippe Tanguy (RN)
- M. Roland Lescure, ministre délégué
- M. Joris Hébrard (RN)
- M. Roland Lescure, ministre délégué
- M. Daniel Grenon (RN)
- M. Roland Lescure, ministre délégué
- M. Matthieu Marchio (RN)
- M. Roland Lescure, ministre délégué
- M. Andy Kerbrat (LFI-NUPES)
- M. Roland Lescure, ministre délégué
- M. Andy Kerbrat (LFI-NUPES)
- M. Roland Lescure, ministre délégué
- Mme Marie-Christine Dalloz (LR)
- M. Roland Lescure, ministre délégué
- Mme Anne-Laure Blin (LR)
- M. Roland Lescure, ministre délégué
- M. Thibault Bazin (LR)
- M. Roland Lescure, ministre délégué
- M. Philippe Bolo (Dem)
- M. Roland Lescure, ministre délégué
- Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC)
- M. Roland Lescure, ministre délégué
- Mme Mélanie Thomin (SOC)
- M. Roland Lescure, ministre délégué
- 3. État de l’école de la République
- Rappel au règlement
- État de l’école de la République (suite)
- M. Pap Ndiaye, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse
- Suspension et reprise de la séance
- Mme Christine Loir (RN)
- M. Pap Ndiaye, ministre
- Mme Lisette Pollet (RN)
- M. Pap Ndiaye, ministre
- Mme Andrée Taurinya (LFI-NUPES)
- M. Pap Ndiaye, ministre
- M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES)
- M. Pap Ndiaye, ministre
- M. Alexandre Portier (LR)
- M. Pap Ndiaye, ministre
- M. Jérôme Guedj (SOC)
- M. Pap Ndiaye, ministre
- M. François Gernigon (HOR)
- M. Pap Ndiaye, ministre
- M. Benjamin Lucas (Écolo-NUPES)
- M. Pap Ndiaye, ministre
- M. Jiovanny William (GDR-NUPES)
- M. Pap Ndiaye, ministre
- M. Paul Molac (LIOT)
- M. Pap Ndiaye, ministre
- M. Robin Reda (RE)
- M. Pap Ndiaye, ministre
- M. Lionel Royer-Perreaut (RE)
- M. Pap Ndiaye, ministre
- M. Bertrand Sorre (RE)
- M. Pap Ndiaye, ministre
- 4. Ordre du jour de la prochaine séance
3e séance
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
Je vais maintenant annoncer le résultat du scrutin sur l’ensemble projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables (nos 443, 526).
Je voudrais vraiment remercier tous les services de l’Assemblée qui ont géré cette panne du système de vote électronique dans des conditions difficiles (Applaudissements sur tous les bancs) et vous, mes chers collègues, pour votre patience. Nous avons d’ores et déjà mis tous les moyens en œuvre pour rechercher les origines de la panne. Quoi qu’il en soit, les résultats du scrutin montrent bien que le système était défaillant.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 562
Nombre de suffrages exprimés 524
Majorité absolue 263
Pour l’adoption 286
Contre 238 (Le projet de loi est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.) La parole est à Mme la ministre de la transition énergétique. Merci à ceux qui sont revenus pour la proclamation des résultats et auxquels je vais dire quelques mots que je pensais prononcer devant un hémicycle un peu plus rempli. (Sourires.) Tout d’abord, je voudrais vous remercier de vous être largement mobilisés sur ce texte qui a suscité des débats importants pour l’avenir énergétique de notre pays et l’atteinte de nos objectifs de développement d’énergies décarbonées. Il s’agit bien de cela : rattraper notre retard pour faire de notre pays la première grande nation à sortir de sa dépendance aux énergies fossiles. Ce projet nous permet de nous inscrire dans la trajectoire très ambitieuse du paquet « climat » européen.
Je voudrais saluer le travail inédit de coconstruction sur ce texte. Au terme de plus de quatre-vingt-dix heures de débats en commission et dans l’hémicycle, l’adoption de 645 amendements, dont près de la moitié venant des commissions… (Mme la ministre est prise d’une quinte de toux.) C’est le courant d’air de l’éolienne ! Prenez votre temps ! Nous aurons eu des rebondissements jusqu’au bout. (Rires sur tous les bancs.) Nous ne sommes pas pressés, ne vous inquiétez pas. (Sourires.) Nous pouvons collectivement être fiers de cet exercice inédit de démocratie parlementaire.
Cette toux est horrible. (Mme la ministre doit de nouveau s’interrompre.) Si vous voulez, je peux lire vos notes, madame la ministre. (Sourires.) Je pense pouvoir dire que ce texte est votre texte. Il contient de nombreuses avancées qui vont permettre de réduire de plusieurs années les délais de développement… (Mme la ministre s’exprime avec beaucoup de difficultés.) Veuillez m’excuser, mais je ne vais pas pouvoir aller plus loin. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – M. Guillaume Kasbarian, président de la commission des affaires économiques, applaudit également.) Merci beaucoup, madame la ministre. Je vais suspendre quelques instants avant la suite de l’ordre du jour. Merci encore, mes chers collègues. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN et sur quelques bancs du groupe RE.) La séance est suspendue. (La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise sous la présidence de Mme Élodie Jacquier-Laforge.) La séance est reprise.
Je voudrais vraiment remercier tous les services de l’Assemblée qui ont géré cette panne du système de vote électronique dans des conditions difficiles (Applaudissements sur tous les bancs) et vous, mes chers collègues, pour votre patience. Nous avons d’ores et déjà mis tous les moyens en œuvre pour rechercher les origines de la panne. Quoi qu’il en soit, les résultats du scrutin montrent bien que le système était défaillant.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 562
Nombre de suffrages exprimés 524
Majorité absolue 263
Pour l’adoption 286
Contre 238 (Le projet de loi est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.) La parole est à Mme la ministre de la transition énergétique. Merci à ceux qui sont revenus pour la proclamation des résultats et auxquels je vais dire quelques mots que je pensais prononcer devant un hémicycle un peu plus rempli. (Sourires.) Tout d’abord, je voudrais vous remercier de vous être largement mobilisés sur ce texte qui a suscité des débats importants pour l’avenir énergétique de notre pays et l’atteinte de nos objectifs de développement d’énergies décarbonées. Il s’agit bien de cela : rattraper notre retard pour faire de notre pays la première grande nation à sortir de sa dépendance aux énergies fossiles. Ce projet nous permet de nous inscrire dans la trajectoire très ambitieuse du paquet « climat » européen.
Je voudrais saluer le travail inédit de coconstruction sur ce texte. Au terme de plus de quatre-vingt-dix heures de débats en commission et dans l’hémicycle, l’adoption de 645 amendements, dont près de la moitié venant des commissions… (Mme la ministre est prise d’une quinte de toux.) C’est le courant d’air de l’éolienne ! Prenez votre temps ! Nous aurons eu des rebondissements jusqu’au bout. (Rires sur tous les bancs.) Nous ne sommes pas pressés, ne vous inquiétez pas. (Sourires.) Nous pouvons collectivement être fiers de cet exercice inédit de démocratie parlementaire.
Cette toux est horrible. (Mme la ministre doit de nouveau s’interrompre.) Si vous voulez, je peux lire vos notes, madame la ministre. (Sourires.) Je pense pouvoir dire que ce texte est votre texte. Il contient de nombreuses avancées qui vont permettre de réduire de plusieurs années les délais de développement… (Mme la ministre s’exprime avec beaucoup de difficultés.) Veuillez m’excuser, mais je ne vais pas pouvoir aller plus loin. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – M. Guillaume Kasbarian, président de la commission des affaires économiques, applaudit également.) Merci beaucoup, madame la ministre. Je vais suspendre quelques instants avant la suite de l’ordre du jour. Merci encore, mes chers collègues. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN et sur quelques bancs du groupe RE.) La séance est suspendue. (La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise sous la présidence de Mme Élodie Jacquier-Laforge.) La séance est reprise.
L’ordre du jour appelle les questions sur la mise en œuvre des mesures de soutien face à l’augmentation des coûts de l’énergie. La conférence des présidents a fixé à deux minutes la durée maximale de chaque question et de chaque réponse.
La parole est à M. Thierry Benoit. Il y a quelques mois, les Français et plus particulièrement des entrepreneurs – artisans, commerçants, dirigeants de très petites entreprises (TPE) et de petites et moyennes entreprises (PME) – ont découvert l’explosion du prix de l’énergie et les difficultés à négocier avec les fournisseurs d’énergie. Au passage, je voudrais dénoncer ici les pratiques abusives, inadmissibles, déloyales et même scandaleuses de certains fournisseurs – dans nos circonscriptions, on parle notamment d’EDF et de TotalEnergies, mais je ne vais pas dresser toute la liste.
Depuis quelque temps, le Gouvernement s’est mobilisé et a proposé le recours à divers acteurs et dispositifs : le bouclier tarifaire, le guichet de l’aide gaz et électricité, l’amortisseur électricité, le médiateur national de l’énergie, le conseiller départemental à la sortie de crise, le commissaire aux restructurations et à la prévention des difficultés des entreprises (CRP). Enfin, il a annoncé un prix moyen de 280 euros le mégawattheure. Craignant que cette annonce ne fasse illusion, je voudrais vous poser cette première question : pour le Gouvernement qu’est-ce qu’un prix prohibitif permettant à une entreprise de résilier son contrat ?
Ma deuxième question concerne l’Europe. Allons-nous avoir enfin, comme lors de la crise sanitaire du covid-19, un plan européen qui nous permettrait de dire aux Français que l’Europe est la solution et non pas le problème ? Pour le moment, la situation est la suivante : les Espagnols et les Portugais font cavaliers seuls, tandis que la France paie le prix fort par solidarité.
Dernière question : quel est le rôle de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) dans cette affaire et qu’en dit Mme Wargon ? La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’industrie. Merci, monsieur Benoit, pour cette question qui me permet de vous rappeler que l’État et le Gouvernement font un effort historique pour soutenir à la fois les ménages et les entreprises face à une crise énergétique tout aussi historique.
Nous allons beaucoup parler d’énergie et d’entreprises dans les deux heures qui viennent. N’oublions pas que nous subissons un choc historique dont nous devons malheureusement partager la douleur : les ménages supportent une inflation plus élevée que celle à laquelle ils étaient habitués depuis vingt ans ; les entreprises souffrent en raison de lourdes factures énergétiques ; l’État a fait sa part du travail en instaurant un bouclier énergétique, qui a permis d’afficher en France l’inflation la plus basse d’Europe, et en accordant des aides aux TPE, PME et grandes entreprises, ainsi que vous l’avez rappelé. La France est l’État qui aide le plus les entreprises.
Il n’en reste pas moins que certaines entreprises sont fragilisées. Sous l’égide du Président de la République, Bruno Le Maire et moi-même avons donc annoncé une dernière mesure aux fournisseurs d’énergie vendredi : le prix du mégawattheure ne doit pas dépasser 280 euros pour les TPE qui ne bénéficiaient pas du tarif réglementé de vente (TRV). Ces entreprises peuvent aussi bénéficier de l’amortisseur électricité, ce qui peut réduire encore de 50 euros le prix du mégawattheure. Si elles sont énergo-intensives comme le sont les boulangers, elles peuvent aussi profiter du bouclier tarifaire.
Conscients que tout cela est un peu complexe, nous avons mis en place les aides directes et confié à des personnes sur le terrain le soin de conseiller les entreprises. Mais nous mettons aussi tout en œuvre au plan national pour les aider à passer cette crise sans trop de douleur. Je reconnais que celle-ci existe – le prix de la baguette a augmenté tout comme celui de la galette des rois –, mais les consommateurs, les entrepreneurs et l’État partagent le coût.
J’aurai sans doute l’occasion de revenir sur l’Europe un peu plus tard dans la soirée, mais je signale d’ores et déjà que tout ce que nous faisons est régi par les aides d’État européennes que nous avons adaptées pour aider nos entreprises. La parole est à Mme Félicie Gérard. Depuis maintenant plusieurs mois, les entreprises et, singulièrement, les TPE et PME, subissent de plein fouet les conséquences des crises énergétiques et géopolitiques combinées, et supportent des hausses parfois insoutenables du prix de l’énergie. Dès les premiers signes de cette crise énergétique. Nous avons, Gouvernement et Parlement, agi pour tenter de contenir ces hausses. Des dispositifs successifs ont été adoptés et améliorés au fil des mois, en permettant de contenir les coûts de manière plus efficace que nos voisins européens. Dès ce mois de janvier, l’amortisseur électricité vient ainsi compléter le bouclier tarifaire existant. Ces dispositifs sont bienvenus car ils permettent une prise en charge par l’État de jusqu’à 40 % de la hausse des factures que subissent les entreprises. Il nous faudra néanmoins les évaluer rapidement pour en mesurer l’efficacité réelle.
Le Président de la République a aussi annoncé jeudi dernier que le Gouvernement demanderait prochainement aux fournisseurs d’électricité de revoir les contrats comprenant des tarifs situés au-dessus des prix de référence fixés par la CRE.
Mais ces dispositifs restent encore largement méconnus de bon nombre de petites entreprises se sentant démunies face à ces hausses sans autre interlocuteur qu’un énième numéro vert. L’un des enjeux des jours à venir sera donc de faire connaître ces dispositifs dans nos circonscriptions. Pour cela, si notre mobilisation en tant que parlementaires est essentielle aux côtés des collectivités locales, l’État doit, lui aussi, déployer des dispositifs d’information et d’accompagnement au plus près des besoins des territoires, afin de s’assurer de l’efficacité des dispositifs de soutien créés.
Quels dispositifs le Gouvernement met-il en place pour informer et accompagner – j’insiste sur ce dernier terme, car il faut aller bien au-delà de l’information – les entreprises de notre territoire ? La parole est à M. le ministre délégué. Merci, madame Gérard, de me donner l’occasion de détailler la manière dont le Gouvernement compte accompagner et informer les entreprises. Suivant les instructions du Président de la République, dès vendredi, Bruno Le Maire, Olivia Grégoire et moi-même avons convoqué à Bercy les fournisseurs d’énergie qui se tiennent prêts d’ores et déjà à revoir les contrats des TPE. Le premier message très important à leur transmettre est de les inciter à se manifester auprès de leurs fournisseurs car ces derniers ne savent pas si elles comptent neuf, dix ou onze salariés. Elles doivent leur adresser un formulaire, disponible sur le site economie.gouv.fr. Il leur suffit d’attester sur l’honneur que leur société appartient bien à la catégorie des TPE, qu’à ce titre, elles ont le droit de bénéficier d’un prix de l’électricité limité à 280 euros par mégawattheure et cette mesure leur sera appliquée.
En outre, dans chaque département, un conseiller de la direction générale des finances publiques (DGFIP) sera là pour aider les entreprises dans leurs démarches. Ils effectueront des tournées pour se rendre eux-mêmes auprès d’elles et les sensibiliser à ces aides. Bien évidemment, les chambres de commerce et de l’industrie (CCI) et les chambres des métiers et de l’artisanat (CMA) conseilleront leurs membres sur tous les dispositifs d’aides, lesquels, je le reconnais, peuvent parfois paraître complexes. Les entreprises bénéficieront donc bel et bien d’un accompagnement. La parole est à M. Thierry Benoit. Je vais poser la question que mon collègue Jérémie Patrier-Leitus, que vous voudrez bien excuser, comptait vous adresser. Il se félicite tout d’abord de l’accord que le Gouvernement a pu trouver le 6 janvier dernier avec les énergéticiens sur un prix moyen du mégawattheure limité à 280 euros. Il se préoccupe néanmoins du cas des artisans, des boulangers et des TPE et voudrait appeler l’attention du Gouvernement sur la situation des copropriétés dont certaines ont vu leur budget exploser du fait de l’augmentation des prix de l’énergie.
Il se réjouit qu’un plafond similaire à celui appliqué aux TPE soit étudié pour les copropriétés ou les bailleurs de logements collectifs ayant souscrit des abonnements de fourniture d’énergie trop élevés. Il vous demande de bien vouloir détailler les modalités de contrôle qui seront mises en œuvre pour assurer que ce tarif garanti sera respecté par l’ensemble des fournisseurs d’électricité.
Par ailleurs, il aimerait savoir si vous envisagez d’étendre le bénéfice de cette mesure aux PME de manière simple, sans qu’elles aient besoin de renégocier leur contrat au cas par cas.
Troisième question : ce tarif de 280 euros par mégawattheure sera-t-il une moyenne lissée sur l’ensemble de l’année 2023 ou s’agit-il d’un plafond appliqué du mois de janvier au mois de décembre 2023 ?
Dernière question, monsieur le ministre : pouvez-vous nous donner des précisions sur la manière dont ces mesures seront financées ? Quelle sera la part de réduction réellement prise en charge par les énergéticiens ? La parole est à M. le ministre délégué. Vous remercierez M. Jérémie Patrier-Leitus pour ses questions. Ces 280 euros correspondent à une moyenne sur l’année. Vous savez en effet que les prix intègrent des tarifs d’hiver et des tarifs d’été, des tarifs d’heures creuses et des tarifs heures pleines. C’est à partir de l’estimation de cette moyenne annuelle que le fournisseur calculera le tarif moyen appliqué aux TPE afin que celui-ci soit inférieur dès le début de l’année à 280 euros.
Pour ce qui concerne l’extension du dispositif aux PME, j’aimerais renvoyer à la dernière question posée : qui paie et comment paie-t-on ? Ce plafonnement va coûter beaucoup d’argent, il faut que nous en soyons bien conscients et, avant de l’appliquer à d’autres catégories d’entreprises, il faut évaluer les dispositifs qui bénéficient déjà aux PME et aux entreprises industrielles que je connais bien.
S’agissant des copropriétés, je vous indique que trois décrets relatifs à l’application du bouclier tarifaire à l’habitat collectif ont été publiés le 31 décembre 2022. Ils concernent le bouclier tarifaire collectif sur l’électricité au titre de la fin de 2022, le bouclier tarifaire sur le gaz pour 2023 et le bouclier tarifaire collectif sur l’électricité pour 2023. Les choses paraissent claires mais si votre collègue souhaite obtenir des réponses complémentaires, il pourra bien sûr s’adresser à mon collègue Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement. La parole est à M. Didier Lemaire. Je souhaite tout d’abord remercier le Gouvernement pour l’ensemble des dispositifs mis en place, pour sa réactivité et pour sa capacité à s’adapter en permanence afin d’aider les entreprises et nos concitoyens à faire face à cette hausse inédite des prix de l’énergie.
Je souhaite, monsieur le ministre délégué, vous interroger au sujet de la situation des fonds de dotation. Organismes privés non lucratifs concourant à une mission d’intérêt général, ils sont confrontés à des problèmes similaires à ceux que rencontrent les copropriétés avec le chauffage collectif. Ils sont généralement adossés à des associations relevant du champ de l’économie sociale et solidaire dans les domaines du handicap ou de l’insertion, comme c’est le cas de l’APEI Sud Alsace – Association de parents et d’amis de personnes handicapées mentales du Sud Alsace – fondée en 1971.
Le fonds de dotation APEI Sud Alsace qui lui est associé est propriétaire de bâtiments qui abritent tant les activités de l’association que des logements. Il supporte l’ensemble des charges énergétiques. Son président m’a interpellé sur le contrat de gaz qui vient d’être renouvelé car il a constaté une multiplication par quatre du tarif du mégawattheure, lequel est passé de 40 euros à plus de 160. Or il semble que les fonds de dotation ne peuvent bénéficier d’aucune des aides mises en place par l’État ces derniers mois : c’est pourquoi j’aimerais savoir, monsieur le ministre, ce que le Gouvernement compte faire pour eux. Les associations assurent le maillage social de notre territoire et doivent, à ce titre, je suis sûr que vous en conviendrez, bénéficier de protections tarifaires. La parole est à M. le ministre délégué. Effectivement, monsieur Lemaire, il n’y a pas de raison pour que les associations ne bénéficient pas du dispositif d’aide mis en place. Je vous confirme qu’elles seront éligibles, tout comme les fonds de dotation, à l’amortisseur visant à limiter la hausse des factures. L’augmentation que connaît le fonds de dotation que vous évoquez me paraît importante mais les tarifs en question ne sont pas non plus prohibitifs pour reprendre le terme employé par Thierry Benoit. D’autres entités font malheureusement face à des augmentations bien plus sévères. Si vous avez besoin de précisions sur ce cas, nous serons très heureux de vous fournir des informations détaillées. La parole est à M. Nicolas Thierry. Depuis plus d’un an, nous traversons une crise énergétique d’une ampleur égale sinon supérieure à celle du premier choc pétrolier de 1973. Elle s’annonce durable mais aurait pu être anticipée voire évitée, grâce à l’activation de trois leviers : la sobriété, l’efficacité énergétique et le développement massif des énergies renouvelables. Ce constat est posé depuis longtemps et des objectifs ont été fixés en conséquence. Le Grenelle de l’environnement proposait ainsi dès 2007 une trajectoire cohérente. Rappelons, à cet égard, un fait dont on ne parle pas assez : si nous avions atteint un seul de ses objectifs, celui qui a trait à la rénovation des bâtiments, nous ne serions aujourd’hui plus dépendants du gaz russe. Nous sommes ici très loin de ce que certains appellent l’écologie punitive.
À force d’actions non engagées, d’objectifs non tenus, de manque d’ambition, de renoncements, nous sommes au pied du mur, ce qui nous place dans l’obligation d’agir dans l’urgence en tentant de limiter la casse par un bouclier tarifaire. Or celui-ci présente plusieurs écueils : il n’incite pas à réduire la consommation d’énergie et subventionne autant les besoins vitaux des plus modestes que l’énergie superflue consommée par les plus aisés. Les foyers qui peinent à chauffer leur logement reçoivent un accompagnement financier inférieur à ceux qui chauffent leur piscine en hiver, en raison du choix que vous avez fait d’accompagner toutes les dépenses énergétiques, sans aucune distinction, ce qui est pour le moins paradoxal quand on affiche un objectif de sobriété.
Il nous paraît pourtant absolument nécessaire de distinguer l’énergie dite vitale, utilisée notamment pour se chauffer, se laver et manger, de l’énergie dite superflue. C’est pourquoi le groupe Écologiste-NUPES propose une autre solution reposant sur un principe simple : en dessous d’un certain seuil correspondant à la consommation moyenne d’un foyer français, tous les ménages bénéficieraient d’un prix fortement administré, inférieur au tarif du bouclier actuel, ce qui permettrait de protéger ceux qui en ont le plus besoin ; au-delà de ce seuil, toute consommation serait facturée au prix du marché, ce qui serait puissamment désincitatif. Cette proposition, je le précise, s’inspire de l’économiste Jean Pisani-Ferry.
Ma question sera simple : le Gouvernement est-il prêt à faire évoluer l’actuel bouclier tarifaire pour aller dans le sens d’une plus grande justice écologique et sociale ? La parole est à M. le ministre délégué. J’ai du mal à adhérer à votre analyse de notre dépendance au gaz russe dans le contexte du conflit en Ukraine : comment imaginer que la seule isolation thermique des bâtiments aurait permis à l’Europe d’être complètement préservée d’un choc de même ampleur que la crise des années soixante-dix, choc dont on sait l’impact sur les ménages et sur nos industries – je le constate au jour le jour ? Ce sont les chiffres ! Parmi les réponses à cette crise, vous avez mentionné la sobriété. À ce sujet, je tiens à saluer l’ensemble des acteurs qui en ont fait preuve. Comme vous le savez, la consommation de gaz et d’électricité a baissé ces dernières semaines de près de 10 % et, dans l’industrie, cette diminution atteint près de 20 %. Les efforts de sobriété ont donc été faits et je ne doute pas qu’ils devront être poursuivis, car la hausse des prix de l’énergie semble malheureusement durable, même si j’espère, comme c’est le cas actuellement, que nous retrouverons des niveaux plus raisonnables que ceux que nous avons connus au plus fort de l’été.
Vous avez fait des propositions sur l’application différenciée de tarifs énergétiques, autrement dit sur la manière de mieux partager la douleur entre les différents ménages, et nous sommes bien évidemment prêts à les examiner en détail. J’y vois néanmoins une solution très complexe à mettre en œuvre pour les distributeurs d’énergie, lesquels n’ont pas connaissance du revenu ou de la consommation des ménages, d’autant que gaz et électricité sont distincts l’un de l’autre. J’aimerais disposer d’une estimation de l’impact de cette proposition sur l’inflation globale. Répétons qu’en France, l’inflation est la plus basse de la zone euro. Cela explique d’ailleurs en partie la très bonne résilience de l’économie française face à cette crise historique. J’espère que votre mesure n’aurait pas un effet inflationniste trop marqué. La parole est à Mme Cyrielle Chatelain. Sous la dernière législature, les bailleurs sociaux ont subi une ponction sans précédent sur leur financement du fait de la réduction de loyer de solidarité (RLS) qui a affaibli leur capacité à rénover les logements. Par ailleurs, je confirme ce qu’a dit mon collègue, même si vous avez du mal à le croire : les chiffres sont très clairs, si l’objectif de rénovation des logements fixé dans le Grenelle avait été atteint, la France n’aurait plus été dépendante du gaz russe.
Les bailleurs sociaux subissent, comme tout le monde la hausse des prix de l’énergie, mais ils ont aussi été confrontés aux incertitudes entourant la première version du bouclier tarifaire, qui pénalisait les habitants des immeubles collectifs chauffés au gaz ou à l’électricité. Le manque d’anticipation face à cette crise a créé une grande incompréhension parmi les locataires du parc social. Pour 36 % d’entre eux, ils vivent sous le seuil de pauvreté et ne peuvent pas faire face à une telle hausse des prix.
À la suite des alertes répétées des bailleurs sociaux, le Gouvernement a pris le 31 décembre dernier des mesures détaillant enfin les aides en faveur de l’habitat collectif. C’est une très bonne chose pour l’ensemble des locataires. Les bailleurs sociaux devront néanmoins porter le poids de ce bouclier puisque le versement des aides se fera au mieux deux mois après la fin des périodes d’éligibilité, ce qui va affecter leur trésorerie déjà affaiblie. Alors qu’il est apparu dès le début évident aux propriétaires de maisons individuelles qu’ils seraient protégés, il a fallu aux locataires du parc HLM attendre des mois pour être certains de l’être aussi. Ces difficultés démontrent que ce bouclier tarifaire n’a pas été pensé pour protéger en priorité les ménages les plus fragiles.
Comme mon collègue Nicolas Thierry l’a rappelé, le bouclier tarifaire subventionne de la même manière l’énergie superflue consommée par les plus aisés et les besoins vitaux des plus modestes. Or les volumes d’énergie consommés sont bien plus importants chez les ménages les plus aisés : les 10 % de Français les plus aisés consomment quatre fois plus que les ménages les moins riches. Veuillez conclure, je vous prie. Ce sont donc les ménages les plus riches qui ont davantage bénéficié de ce bouclier tarifaire. Monsieur le ministre délégué, je vous poserai la même question que mon collègue : êtes-vous prêt à faire évoluer ce bouclier tarifaire pour qu’il soit plus juste et protège pleinement l’ensemble des Français les plus pauvres ? La parole est à M. le ministre délégué. Vous pouvez nous tenir responsables de tous les maux du monde mais le Grenelle de l’environnement remonte à 2007. Nous sommes comptables des mesures prises sous la majorité à laquelle j’ai eu l’honneur d’appartenir lors de la dernière législature. Votre parti était membre de la précédente. Merci de revenir vers les responsables de l’époque… Emmanuel Macron était à l’Élysée sous François Hollande, non ? …s’agissant des efforts insuffisants qui ont été consentis en matière de rénovation des passoires thermiques, processus que nous avons fortement accéléré, y compris d’un point de vue réglementaire. Vos collègues, moins nombreux sous la législature précédente, nous demandaient régulièrement l’interdiction progressive de la location de ces passoires et c’est cette majorité qui a mis en œuvre cette mesure, sur la base de propositions de ce gouvernement.
En ce qui concerne l’impact sur la justice sociale et les inégalités des mesures que nous avons engagées, reconnaissez tout de même que la France est championne d’Europe sur un point : le pouvoir d’achat continue d’augmenter depuis trois ans malgré la crise sanitaire et la crise énergétique. Reconnaissez aussi, cela a été salué par les plus grands organismes, que la pauvreté a moins augmenté dans notre pays, elle n’a même pas augmenté, à l’issue de la crise sanitaire, grâce également aux mesures prises par ce Gouvernement. Reconnaissez, enfin, tous les chiffres le prouvent, que la croissance économique, le chômage, l’emploi se tiennent bien mieux en France que partout ailleurs en Europe, là encore grâce à ces mesures. Nous pouvons réfléchir à des mesures supplémentaires, mais je crains que nous n’en arrivions à complexifier un système qui, cela a été rappelé sur d’autres bancs, n’a pas besoin de l’être.
Reconnaissons avant tout que ce qui a été réalisé jusqu’à présent fonctionne plutôt bien, y compris pour les immeubles collectifs puisque des décrets ont été publiés le 31 décembre dernier : ils sont bien concernés par tous les dispositifs. La parole est à M. Jean-Marc Tellier. Monsieur le ministre délégué, il serait absurde de dire que vous n’avez rien fait pour affronter la crise des prix de l’énergie ; mais il est juste de dire que vous avez fait n’importe quoi. Chez moi, dans le Pas-de-Calais, les PME, les petites et moyennes industries (PMI), les boulangers, les commerçants, vous alertent depuis des mois sur l’usine à gaz que vous avez instaurée pour affronter la crise qui frappe durement l’économie réelle. Chez moi, dans le Pas-de-Calais, plus d’un mois à peine après l’inscription de la baguette au patrimoine immatériel de l’humanité par l’Unesco, les boulangers vous demandent de les protéger dans les actes. Certains ont vu leur facture d’électricité multipliée par quatre ou cinq. Chez moi, dans le Pas-de-Calais, les collectivités locales s’inquiètent de l’explosion des tarifs de l’électricité et du gaz et vous demandent des mesures fortes, afin de ne pas être contraintes de laisser exploser les tarifs, voire de fermer des services publics locaux. La multiplication des guichets d’aide et des dispositifs est non seulement coûteuse pour les finances publiques, mais aussi inefficace.
Vous avez renoncé à contraindre les énergéticiens et à réformer le marché européen de l’énergie. Nous avons pourtant besoin de revenir à des tarifs réglementés de vente de l’électricité et du gaz pour l’ensemble des ménages, des entreprises et des collectivités locales, et de rompre avec la logique libérale. Monsieur le ministre délégué, entendez-vous profiter du précédent de l’Espagne et du Portugal pour exiger de l’Europe qu’elle protège ? C’est urgent. La parole est à M. le ministre délégué. Je vous remercie, monsieur le député, pour vos questions, notamment la dernière, qui me permettent de préciser certains points. Non, l’Espagne et le Portugal ne sont pas sortis du marché européen et, non, les Espagnols et les Portugais ne sont pas complètement exemptés, loin de là, des hausses du prix de l’énergie observées partout en Europe du fait de la guerre en Ukraine. Regardez la facture d’un ménage espagnol dont le prix facial est effectivement plus faible mais qui, en contrepartie, paie une taxe importante. Au final, il n’y a pas d’argent magique : l’Ukraine est en guerre, le coût de l’énergie a augmenté, l’Espagne et le Portugal, comme la France, doivent en payer les frais.
Je le répète, grâce aux mesures du Gouvernement, l’inflation en France est la plus faible d’Europe, y compris si on la compare à celle observée en Espagne et au Portugal. C’est vrai dans le Pas-de-Calais, en Seine-et-Marne, comme partout en France : notre pays est mieux protégé qu’un autre. C’est faux ! Nous aidons tous les boulangers qui ont pu, à raison, se plaindre des hausses importantes de leurs factures. Nous le faisons grâce à la possibilité de cumuler le bouclier à 280 euros par mégawattheure, l’amortisseur électricité et le guichet d’aide au paiement des factures ; des agents sont prêts, sur le terrain, à les aider. J’ajoute que la baguette a augmenté en France, tout comme la galette ou les pâtisseries. Nous sommes malheureusement en train de partager les coûts d’une crise importante. J’en appelle à la solidarité nationale, y compris, vous l’avez évoqué, aux fournisseurs d’énergie que nous avons convoqués plusieurs fois à Bercy. En réalité, ils paient une bonne partie de la note, à travers tout d’abord une contribution exceptionnelle sur les profits que la présente majorité a votée et qui leur coûte quelques milliards d’euros et, ensuite, parce qu’ils vont devoir payer une partie du coût du bouclier à 280 euros. La parole est à M. Hubert Wulfranc. Certes, le bouclier tarifaire a été prolongé jusqu’au 30 juin prochain. Vous admettrez toutefois qu’il est objectivement beaucoup moins protecteur désormais, puisque les particuliers subissent une hausse des tarifs de 15 % sur le gaz depuis le 1er janvier et de 15 % sur l’électricité à partir du 1er février prochain. Certes, 40 % des foyers les plus modestes, soit 12 millions de ménages, ont bénéficié d’une allocation de 100 ou de 200 euros en décembre et une aide exceptionnelle a par ailleurs été consentie aux ménages modestes se chauffant au fioul ou principalement au bois. Si ces mesures sont bien évidemment nécessaires, elles s’inscrivent dans une logique de coup par coup qui soulage un peu les intéressés mais ne règle rien sur le fond.
L’instauration du chèque énergie, dispositif qui a désormais une historicité, n’a pas empêché l’an passé une hausse préoccupante des difficultés de paiement des factures d’énergie pour un quart des Français. L’explosion des stratégies de restriction de chauffage, en réalité ce qu’on appelle élégamment la « sobriété subie », a bondi de 50 % en 2020 et de 60 % en 2021. Lors des débats budgétaires, les députés communistes ont insisté sur la nécessité de revaloriser le montant du chèque énergie, qui concerne 5,8 millions de ménages, afin de leur permettre d’accéder à un niveau normal de consommation d’énergie.
Afin de sortir les ménages de leur situation de précarité énergétique, êtes-vous prêts à augmenter le niveau global du chèque énergie et à indexer par la suite son montant sur l’évolution des tarifs réglementés de vente, plutôt que d’accorder des aides exceptionnelles ? La parole est à M. le ministre délégué. Vous l’avez évoqué rapidement mais c’est important de le rappeler, malgré la hausse de 15 % des tarifs de l’électricité et du gaz votée dans cet hémicycle, qui maintient un bouclier énergétique unique en Europe, les Français paient l’énergie à des tarifs qui n’ont aucune commune mesure avec ceux appliqués en Allemagne, au Royaume-Uni ou ailleurs, où l’énergie a augmenté d’un facteur cinq pour les ménages, qu’ils soient modestes ou non.
La France a institué un dispositif de protection très fort. Vous l’avez rappelé, il a été complété par le bouclier tarifaire qui est maintenu jusqu’au 30 juin. Le Parlement, potentiellement à l’occasion de l’examen d’un projet de loi de finances rectificative, pourra éventuellement évoquer d’autres dispositifs. Actuellement, nous le constatons dans les résultats macroéconomiques de la France, les consommateurs et les TPE sont très bien protégés ; c’est un peu plus compliqué pour les grandes entreprises, mais elles le sont également. J’en veux pour preuve une inflation historiquement faible par rapport à n’importe quel autre pays européen, un revenu des ménages qui s’est stabilisé en fin d’année et qui reste en hausse par rapport à la période de la crise sanitaire – nous sommes le seul pays d’Europe dans ce cas –, une croissance en progression et un chômage qui continue de baisser. La parole est à M. David Taupiac. Faute d’anticipation du Gouvernement, les conséquences de la crise énergétique placent les TPE et les PME dans une situation d’extrême péril. Dans le Gers, si les 155 boulangeries sont les plus touchées, il faut y ajouter les bouchers, les conserveurs, les brasseurs, les restaurateurs, les éleveurs et toutes les petites entreprises ayant des activités productives.
La séquence d’annonces successives à l’emporte-pièce ces derniers jours a ajouté à une situation déjà chaotique une complexité qui ne fait qu’exacerber la colère et le mécontentement. Ainsi, certaines boulangeries gersoises ayant également une activité pâtisserie qui leur fait franchir le seuil de dix salariés, sont exclues des dernières annonces, ce qui est injuste et inacceptable. Car si les TPE et les PME irriguent économiquement les territoires ruraux, les boulangers en sont le cœur : une boulangerie qui ferme, c’est un village qui meurt.
C’est pourquoi je poserai quatre questions : le bouclier tarifaire fixé à 280 euros par mégawattheure inclut-il la totalité des aides existantes, amortisseur et guichet ? Cela correspond-il au prix fournisseur ou au prix total pour l’entreprise, incluant le coût d’acheminement ? Dans la mesure où le contrôle des effets des prix de l’énergie passe, à court terme, par l’utilisation de la dette publique, pourquoi ne pas demander une dérogation temporaire, à l’instar de l’Espagne et du Portugal, qui pourront s’affranchir exceptionnellement du marché énergétique européen pour les douze prochains mois au moins ? Enfin, alors que le prix de l’eau s’annonce comme la prochaine étape des symptômes d’une crise qui s’étend, il y a urgence à repenser en profondeur la réforme du marché européen de l’énergie. En la réinvestissant comme un bien commun et une ressource stratégique, sa gestion et sa régulation doivent être confiées à la puissance publique et non à un marché volatil, soumis aux spéculateurs. Quelle est votre vision à long terme à ce sujet ? La parole est à M. le ministre délégué. Je vous rejoins sur le fait que les boulangers, les brasseurs, les bouchers et tous les artisans, de votre beau département notamment, doivent être aidés et nous le faisons. Ils sont tous concernés par les dispositifs annoncés : soit par le tarif réglementé pour ceux qui consomment moins de 36 kilovoltampères, soit par le tarif de 280 euros le mégawattheure mentionné par le Président de la République la semaine dernière pour les autres. Pour répondre à votre question, ce tarif s’entend hors coût d’approvisionnement mais peut, en revanche, être cumulé avec les autres dispositifs d’aide que sont l’amortisseur et le guichet pour les entreprises dont la facture a fortement augmenté. Au total, ces aides sont très importantes : un plafond à 280 euros le mégawattheure, je le répète, un amortisseur dont l’ordre de grandeur est de 50 euros le mégawattheure et le guichet qui dépendra de la consommation effective des TPE que vous évoquez.
Pour ce qui est de la réforme du marché européen, nous partageons votre diagnostic, vous le savez. Nous souhaitons le réformer en profondeur et les discussions progressent : nous avons déjà obtenu quelques victoires, telles que celle concernant les achats groupés de gaz qui seront institués dès ce printemps, ou encore le plafonnement du prix du gaz à 180 euros le mégawattheure. Il nous reste à découpler complètement le prix de l’électricité de celui du gaz : nous y travaillons et je suis sûr que les prochains sommets européens permettront de conclure cette avancée. Très bien ! La parole est à M. David Taupiac, pour poser une seconde question. La crise affecte durement les TPE et les PME, ainsi que les artisans qui disposent souvent d’une trésorerie limitée. Elle touche aussi particulièrement les métiers liés à l’alimentation : bouchers, charcutiers, boulangers, agriculteurs et producteurs. Certains limitent déjà leur activité et suspendent les contrats de leurs salariés. Lorsque l’on passe d’une facture d’électricité de 10 000 euros à 50 000 euros et que les aides d’État la ramènent à 38 000, il reste tout de même un surplus à payer de 28 000 euros – je cite un exemple de Bercy. Il est primordial de protéger activement l’ensemble de ces professionnels ; à défaut, la grande distribution sera la grande gagnante de la crise.
Sur le terrain, je suis sollicité par de nombreux professionnels de tous secteurs, qui pâtissent des effets de seuil et qui ne peuvent pas bénéficier des différents dispositifs d’aide : c’est le cas de ceux qui accueillent de nombreux apprentis, considérés comme des salariés, et qui se voient opposer un refus systématique de la DGFIP. Il m’avait pourtant semblé que Bercy avait annoncé être prêt à se pencher sur tous les dossiers, au cas par cas. Pourriez-vous me confirmer cette volonté et préciser à qui s’adresser ? S’agit-il de la DGFIP ou de la préfecture ?
Deuxième question : pouvez-vous nous indiquer pourquoi le mode de calcul est fondé sur le chiffre d’affaires, qui doit être annuellement inférieur à 2 millions d’euros, et non pas sur les résultats de l’entreprise, ce qui aurait pour conséquence d’atténuer les effets de seuil ?
Troisièmement, nos professionnels demandent de la visibilité sur les évolutions du coût de l’énergie. Pourriez-vous nous préciser les prévisions réalisées par vos services et vous engagez-vous à les diffuser régulièrement ?
Quatrièmement, le remboursement des prêts garantis par l’État (PGE) vient s’ajouter aux charges énergétiques, ce qui rend la situation d’autant plus difficile et achève d’assécher les trésoreries. Une mesure visant à retarder le remboursement de ces prêts est-elle envisageable ?
Enfin, à la suite des PGE, des PGE résilience ont été créés, visant à soutenir les entreprises affectées économiquement par la guerre en Ukraine. Le coût de l’énergie étant très directement lié à cette guerre, les entreprises peuvent-elles y recourir pour couvrir les factures d’électricité ? La parole est à M. le ministre délégué. Je vous remercie pour ces questions qui complètent la précédente. Les aides sont bien calibrées pour couvrir l’ensemble des entreprises de votre département, qu’elles soient très petites, petites, moyennes ou plus grandes. Pour répondre à votre première question, il convient de s’adresser à la DGFIP : le conseiller départemental à la sortie de crise, dont les coordonnées sont disponibles en ligne dans chaque département, est au service des entreprises pour les conseiller sur la meilleure manière d’accéder à l’ensemble des aides.
Vous me demandez aussi pourquoi le calcul se fonde sur le chiffre d’affaires plutôt que sur le résultat : la réponse est que c’est plus simple, cela peut être mesuré tous les mois et permet de moduler les aides au cas par cas et pas seulement sur l’ensemble de l’année : vous comprenez bien que, si nous demandons aux entreprises concernées de revenir vers nous dans un an, avec leurs résultats, pour déterminer si elles sont éligibles ou non à une aide, certaines d’entre elles auront, malheureusement, déjà mis la clef sous la porte. C’est pourquoi nous souhaitons accompagner les entreprises au plus près.
Par ailleurs, le coût de l’énergie est très difficile à prévoir. Après avoir atteint 1 000 euros le mégawattheure cet été, il est redescendu à 150 euros actuellement, soit à peine 50 % de plus que son niveau antérieur à la guerre en Ukraine. Ce prix est très volatil et sa fluctuation dépend largement de l’évolution du conflit – en la matière, nous sommes soumis à des impondérables. Nous espérons que la hausse tarifaire considérable que nous avons connue cet été était exceptionnelle, et qu’elle ne perdurera pas.
La logique est la même concernant les PGE : nous étudions la situation des entreprises au cas par cas, et le Médiateur de l’entreprise est à leur disposition pour les aider. Les conseillers départementaux à la sortie de crise sont aussi là pour accompagner les entreprises dans chaque département. La parole est à M. Philippe Dunoyer. Le bouclier tarifaire de l’électricité occupe une place importante parmi les mesures que le Gouvernement a prises en faveur des ménages, et qui ont contenu l’inflation à un niveau moins élevé que dans le reste de l’Europe. Tous les ménages français en bénéficient, à deux exceptions importantes : la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française en sont exclues. Elles sont les seuls territoires ultramarins à ne pas profiter de la péréquation tarifaire nationale.
En Nouvelle-Calédonie, les tarifs publics de l’électricité étaient déjà près de deux fois supérieurs aux tarifs nationaux il y a un an. Ils ont été revalorisés de 8 % en 2022, et une nouvelle hausse de 3 % aura lieu début 2023. Malgré cela, l’opérateur public et principal producteur, la société Enercal, perd 4 millions d’euros par mois : en effet, ses charges de gestion et de développement, qui n’étaient déjà pas totalement couvertes par les tarifs publics, ont subi l’explosion des prix internationaux du fioul et du charbon. À titre de comparaison, cela équivaudrait pour EDF à perdre l’équivalent de 10 milliards d’euros par an.
La collectivité de Nouvelle-Calédonie, dont c’est la compétence, a apporté à Enercal un soutien financier exceptionnel. Or, rencontrant elle-même de grandes difficultés budgétaires, elle n’a pu mobiliser que 12,5 millions d’euros, ce qui n’est pas à la hauteur du problème. Enercal, qui n’a plus de capacité d’emprunt, estime qu’elle ne pourra plus honorer les commandes de combustible à la mi-2023 au plus tard.
J’en appelle à ce que la solidarité nationale, dont bénéficient les autres territoires d’outre-mer en matière d’électricité, s’applique aussi – au moins partiellement – aux Calédoniens. Je suis conscient que, du fait de la répartition des compétences, la Nouvelle-Calédonie ne peut pas être incluse dans le périmètre de la péréquation nationale ; toutefois, d’autres voies sont possibles comme les subventions, les garanties d’emprunt ou les avances remboursables.
Le Gouvernement est-il prêt à participer au sauvetage du principal opérateur de réseau électrique calédonien, et à étudier les modalités possibles de cette aide ? La parole est à M. le ministre délégué. Je vous remercie pour cette question très précise, à laquelle je me permettrai de répondre en lisant des explications que j’espère tout aussi précises. Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie est seul compétent en matière d’énergie. En conséquence directe de cette spécificité, la Nouvelle-Calédonie est chargée d’assurer la soutenabilité de son modèle de production et de distribution. De fait, comme vous le signalez, les aides qui valent dans l’ensemble du territoire national en matière d’énergie ne s’appliquent pas aux habitants et aux entreprises de Nouvelle-Calédonie.
Je suis toutefois sensible à la situation que vous décrivez et aux difficultés de l’opérateur public d’énergie Enercal, qui ont des incidences directes sur le quotidien des habitants et des entreprises. Je pourrais botter en touche, mais cela ne nous ressemble pas : je vous répondrai donc que ce sujet relève de débats institutionnels entre la France et la Nouvelle-Calédonie, et plus précisément des évolutions nécessaires de la politique énergique locale. De façon plus générale, les conditions de l’équilibre budgétaire de la Nouvelle-Calédonie ont vocation à être traitées dans le cadre des réflexions sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, organisées au sein des groupes de travail qui ont été annoncés par la Première ministre au terme de la convention des partenaires du 28 octobre dernier. Sans douter de la pleine mobilisation des ministres concernés, ni de celle du Président de la République et de la Première ministre, je ne manquerai pas de leur transmettre votre question afin qu’elle soit étudiée dans le cadre qui convient. La parole est à M. Yannick Haury. La semaine dernière, avec M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, vous avez annoncé de nouvelles mesures pour aider les boulangers à faire face à la hausse des prix de l’énergie. Ils traversent en effet de grandes difficultés. Dans chaque circonscription, leur désarroi devant l’augmentation des coûts de fabrication du pain émeut les citoyens comme les élus. La boulangerie est le symbole de la vie ; c’est une spécialité française. Il faut sauver les boulangeries, c’est évident !
Les aides que vous avez eu raison de créer se nomment « amortisseur électricité », « guichet d’aide au paiement des factures d’électricité et de gaz des entreprises », « report des charges », etc. Elles sont judicieuses, mais sont-elles réellement accessibles ? Les boulangers ont raison d’observer qu’ils savent faire le pain – et du bon pain, que tous les Français apprécient –, mais qu’ils n’ont ni le temps de s’approprier ces mesures, ni la formation administrative pour les faire aboutir. Je me fais leur porte-parole, ainsi que celui des artisans, des TPE et des PME, qui sont également confrontés à la hausse du coût de l’énergie : ils demandent que l’accès à ces mesures soit simplifié, et que leur application soit facilitée.
Le Président de la République est intervenu en ce sens, en réaffirmant son soutien aux TPE lors de ses vœux aux boulangers. Il est louable de prendre de bonnes mesures, mais encore faut-il qu’elles soient connues de tous, aisément accessibles et facilement applicables. Vous avez déjà amélioré la situation en diffusant une information au sujet de ces aides, puis en les déployant et en contrôlant leur application, afin que tous les artisans et entrepreneurs qui peuvent y prétendre en bénéficient réellement, sans devoir embaucher un administratif ou prendre des cours de gestion. Pourriez-vous faire le point sur le déploiement de l’ensemble de ces dispositifs de soutien ? La parole est à M. le ministre délégué. Les boulangers et les artisans sont au cœur des territoires : c’est pourquoi nous souhaitons avec ardeur nous assurer qu’ils surmonteront la présente crise sans trop de dommages. Les hausses tarifaires sont importantes ; comme je l’ai expliqué, elles résultent d’une crise qui se déroule aux portes de l’Europe, qui nous coûte à tous, et dont nous devons partager les frais. Le Président de la République l’a annoncé : nous « mettons le paquet » – si vous me permettez l’expression – sur les très petites entreprises, dont les boulangers font partie, en plafonnant les factures à 280 euros le mégawattheure. Ce dispositif est très simple : une fois que les TPE se seront déclarées comme telles auprès de leur fournisseur d’énergie, ce dernier devra s’assurer que leur facture ne dépasse pas 280 euros le mégawattheure. Ces très petites entreprises seront également éligibles à l’amortisseur électricité et au guichet d’aide au paiement des factures d’électricité et de gaz. Le cumul de ces aides induira une réduction très importante des factures pour la plupart des entreprises concernées.
Comment auront-elles connaissance de ces informations ? Tout d’abord par le biais des parlementaires – et je vous engage à les relayer auprès des artisans de vos circonscriptions. En outre, chaque département est doté d’un conseiller à la sortie de crise chargé d’accompagnement les entreprises. Au-delà, ces dernières peuvent recourir aux dispositifs habituels animés par les chambres consulaires, qu’il s’agisse des CCI ou des CMA, dont le rôle est d’aider leurs membres à solliciter ce type d’aides. J’estime que le dispositif est complet, y compris en matière d’accompagnement. Comme je l’ai déjà souligné, la France résiste mieux à la crise qu’aucun autre pays d’Europe. Nous le devons en grande partie à vos efforts et aux dispositions que vous avez adoptées dans le cadre du projet de loi de finances. Le bouclier énergétique, l’amortisseur électricité et le guichet d’aide au paiement des factures d’électricité et de gaz sont autant de mesures très utiles : merci de nous aider à en faire la publicité dans les circonscriptions. La parole est à Mme Caroline Janvier. Le mois dernier, monsieur le ministre délégué, vous détailliez l’ensemble des aides prévues par le Gouvernement pour accompagner les TPE et les PME face à la flambée des prix de l’énergie. Affirmons-le : tout est mis en œuvre pour que chaque problème rencontré trouve une solution et un accompagnement.
Ma question porte sur le dispositif d’aide au paiement des factures d’électricité et de gaz. Une entreprise pourra en bénéficier si elle remplit deux critères cumulatifs : le prix de son énergie doit avoir doublé, et ses dépenses d’énergie doivent représenter plus de 3 % de son chiffre d’affaires pendant la période où elle demande l’aide.
Je comprends la nécessité de fixer un seuil pour accéder aux mesures – comme dans chaque politique de soutien –, mais je déplore que ce dispositif exclue les entreprises dont les dépenses en énergie ont augmenté fortement, mais pas suffisamment pour être éligibles à cette aide. À titre d’exemple, une entreprise de ma circonscription a vu sa facture multipliée par 1,9, ce qui n’était pas suffisant pour qu’elle bénéficie du dispositif. Plutôt que de fixer des seuils, ne serait-il pas préférable d’appliquer une dégressivité des aides en fonction de l’évolution des prix de l’énergie ? Je reconnais que cette méthode serait plus complexe à déployer, mais elle aurait le mérite de répondre à l’ensemble des difficultés et des situations que rencontrent les entreprises. Nous ferions ainsi de l’aide au paiement des factures d’électricité et de gaz un complément bienvenu de l’amortisseur électricité pour l’ensemble des TPE et des PME. La parole est à M. le ministre délégué. Rassurez-vous, madame la députée, l’entreprise à laquelle vous faites référence, dont la facture a augmenté de 90 %, est désormais éligible à l’aide au paiement des factures d’électricité et de gaz. Vous faites partie des parlementaires qui nous ont alertés avec raison : avant le 15 novembre, il fallait que sa facture ait doublé pour qu’une entreprise soit éligible à cette aide. Nous avons réduit ce critère à 50 % d’augmentation – ce qui témoigne, incidemment, de notre capacité d’adaptation.
J’y insiste : nous ne souhaitons pas aider tout le monde ; ce n’est plus le « quoi qu’il en coûte ». Nous souhaitons aider les entreprises qui en ont le plus besoin. Je ne doute pas que c’est le cas de celle que vous avez évoquée : elle y a désormais accès, si ses dépenses d’énergie représentent plus de 3 % de son chiffre d’affaires au mois le mois. Je l’invite à se connecter dès demain au site impots.gouv.fr pour renseigner le simulateur qui lui permettra d’évaluer son aide, et pour remplir le formulaire de demande qui lui permettra de l’obtenir. La parole est à Mme Patricia Lemoine. La crise énergétique que nous traversons depuis de longs mois met à rude épreuve l’ensemble des forces économiques du pays. Pour y faire face, la réponse du Gouvernement est pourtant de taille : plusieurs dispositifs massifs de soutien économique ont été rapidement déployés et sont adaptés en temps réel, offrant aux entreprises une prise en charge par l’État pouvant atteindre 40 % du montant total de leurs factures d’énergie ; s’y ajoute désormais la garantie d’un tarif maximal de 280 euros le mégawattheure pour près de 600 000 TPE et PME.
Malgré la forte médiatisation du sujet et les prises de paroles répétées des pouvoirs publics – que nous relayons systématiquement dans nos territoires –, force est de constater qu’un certain nombre d’entreprises méconnaissent les aides auxquelles elles ont droit. Elles ont le sentiment que l’État ne fait rien pour elles, alors que ces mesures pèsent pour plusieurs dizaines de milliards d’euros dans les finances publiques.
Face à l’enjeu actuel, et compte tenu des conséquences désastreuses qu’auraient des faillites en cascade sur l’économie et l’emploi, il est urgent de renforcer la communication sur l’ensemble de ces aides auprès des publics cibles. De récentes mesures ont été annoncées pour les boulangers, comme la désignation d’un point de contact dans chaque préfecture et d’équipes mobiles. En outre, un courrier sera directement adressé aux entreprises. Ces mesures méritent néanmoins d’être simplifiées et de bénéficier d’un accompagnement renforcé. Une communication peut ainsi être systématisée auprès des relais professionnels que sont les CCI et les CMA, ou encore auprès des experts-comptables, qui sont des intermédiaires essentiels. Quelles mesures sont prises pour faire connaître au mieux les dispositifs qui ont été créés, et que nous soutenons ? La parole est à M. le ministre délégué. Merci, madame la députée, d’avoir rappelé l’ensemble des aides que nous avons créées, amplifiées et simplifiées, et sur lesquelles nous continuons de communiquer. C’est un défi majeur pour les boulangers, les pâtissiers, les bouchers ou autres, qui – je les comprends – ont mieux à faire que de consulter les sites internet du Gouvernement. Je vous engage tous à vous rapprocher des artisans de vos circonscriptions, pour nous aider à communiquer sur ces aides qui, je le répète, sont simples et disponibles.
Nous avons désigné des conseillers à la sortie de crise dans chaque département, pour aider les entreprises et aller à leur rencontre sur le terrain. Les CCI et les CMA apportent également leur concours. Ces modalités, qui ont bien fonctionné pendant la crise sanitaire, doivent être réactivées. Le dispositif d’aide est stabilisé et concerne un public large. Il est progressif et se renforce auprès des plus démunis : les ménages d’abord, puis les TPE. Les grandes entreprises sont également soutenues, mais dans une logique de guichet. Tout cela est désormais très clair et stabilisé. Nous avons besoin de toutes les forces – y compris parlementaires – pour expliquer l’ensemble des aides : je remercie d’ailleurs l’Assemblée nationale d’avoir organisé le présent débat, qui participe à la pédagogie collective. La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy. Mes questions portent sur le contrôle de l’argent des Français et la protection de leur pouvoir d’achat. Qu’en est-il de la juste répercussion de la ristourne et des centaines de millions d’euros qui ont été votés dans l’hémicycle concernant le maintien de prix bas du carburant ? Une étude a-t-elle été menée à ce sujet ? Les documents fournis à l’occasion du projet de loi de finances étaient plutôt inquiétants, en laissant penser que la ristourne n’était pas parfaitement appliquée.
Par ailleurs, Michel-Édouard Leclerc a affirmé, dimanche, que l’embargo sur le gazole russe entraînerait une hausse moyenne du coût du gazole de 10 centimes d’euros en France. Partagez-vous cette évaluation ? Quelles mesures le Gouvernement a-t-il prises pour diminuer les effets de l’embargo sur les consommateurs ? Comment peut-on également s’assurer que cet embargo ne créera pas en France de problèmes d’approvisionnement en matière de carburant ?
Par ailleurs, personne au Gouvernement n’a répondu à nos nombreuses sollicitations, dont celle de notre collègue Ballard, sur les mesures prévues par le Gouvernement pour le 1er juillet prochain, date à laquelle le tarif régulé du gaz sera supprimé par la législation européenne.
De la même façon, Mme Borne n’a jamais répondu à Mme Le Pen qui l’interrogeait sur les conditions tarifaires et d’exécution du contrat de gaz qui nous lie à l’Allemagne. Pourquoi la représentation nationale n’a-t-elle pas accès aux conditions effectives de ce contrat ? Ensuite, pourriez-vous nous expliquer la stratégie de négociation du Gouvernement quant à l’approvisionnement en gaz ? Comment peut-on, en guise de position de négociation initiale, annoncer un prix bloqué à plus de 280 euros le mégawattheure ? En adoptant une telle position de principe, comment voulez-vous négocier les prix à la baisse ?
Pourquoi la solidarité occidentale est-elle si faible lorsqu’il s’agit d’approvisionnement en gaz ? Pourquoi les conditions tarifaires conclues avec les États-Unis ne sont-elles pas plus favorables, alors que nous sommes tous solidaires de l’Ukraine et faisons face ensemble aux répercussions tarifaires du conflit ?
TotalEnergies s’était engagé à étudier l’idée d’une ristourne de 20 centimes sur le fioul ; pourquoi n’a-t-elle pas été appliquée ? Du point de vue de la politique de la concurrence, comment peut-on justifier que TotalEnergies n’ait pas appliqué la ristourne à tous ses concurrents, qui, de ce fait, n’ont pas pu s’approvisionner dans les mêmes conditions ?
Je vous remercie d’éclairer la représentation nationale au sujet de toutes ces questions techniques : elles méritent une réponse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) La parole est à M. le ministre délégué. Merci pour cette liste de questions dont vous reconnaîtrez que toutes n’entrent pas dans le sujet du présent débat – mais peu importe.
Vous m’interrogez sur l’impact de la ristourne. Je peux vous répondre que, depuis la suppression au 1er janvier de la ristourne de 20 centimes – 10 centimes financés par l’État, 10 centimes par le principal distributeur d’énergie –, les prix ont augmenté d’exactement 20 centimes. La ristourne était appliquée, elle ne l’est plus. Vous le savez bien, puisqu’elle avait été votée par l’Assemblée nationale. Elle a été remplacée par un dispositif spécifique destiné à soutenir les gros rouleurs.
Quant aux craintes que vous voulez entretenir quant à l’approvisionnement en carburant, je reconnais bien là la capacité inénarrable de votre parti à jouer sur les peurs des Français. (Protestations sur les bancs du groupe RN.) Il n’y a actuellement aucun problème d’approvisionnement en essence, en fioul ni en gasoil, en France ou ailleurs.
En ce qui concerne le dispositif prenant fin le 1er juillet, nous aurons l’occasion d’en reparler d’ici là ; si je ne m’abuse, le débat d’aujourd’hui concerne les aides à l’énergie dispensées aux ménages et aux entreprises, et j’espère pouvoir vous éclairer autant que possible à ce sujet.
Enfin, concernant vos questions relatives aux contrats intraeuropéens et aux contrats avec le reste du monde, je vous rappelle que les membres de l’Union européenne se sont mis d’accord pour effectuer des achats collectifs de gaz. Vous ne répondez pas aux questions ! J’imagine que vous êtes défavorable à l’idée de négocier avec nos partenaires européens des achats communs de gaz hors d’Europe, mais cela accroîtra le pouvoir de négociation des États européens, nous permettant ainsi de négocier efficacement à la baisse le prix du gaz. Ce n’est pas la question ! C’est ma réponse, monsieur Tanguy. Permettez-moi d’ajouter que la sortie du marché européen de l’énergie que vous préconisez aurait un tout autre impact sur les factures de gaz de nos concitoyens. La parole est à M. Joris Hébrard. Face à l’augmentation des prix de l’énergie, le Gouvernement propose des mesures de soutien nombreuses, mais inadaptées aux particuliers comme aux entreprises. On ne compte plus les exemples relayés par la presse de familles au bord de l’endettement définitif et d’entreprises ayant suspendu leur activité en raison de la flambée des prix énergétiques. Permettez-moi de me faire ce soir le relais de la parole d’une citoyenne de ma circonscription, mère célibataire, dont le Gouvernement a catégorisé en 2021 la profession comme essentielle.
Elle est propriétaire de son logement dans une copropriété où le chauffage est assuré par une chaudière collective et où le paiement de la facture de gaz relève des compétences du syndic. Toutefois, le syndic étant une personne morale, les boucliers tarifaires ne trouvent pas d’application immédiate, conformément à vos décrets relatifs à l’aide en faveur de l’habitat collectif résidentiel face à l’augmentation du prix du gaz naturel. En effet, l’article 8 de ces décrets nos 2022-514 et 2022-1762 stipule : « L’aide […] est versée, sous forme d’avance, par l’Agence de services et de paiement dans un délai qui ne peut excéder 30 jours suivant la réception du dossier complet de la demande. »
Je vous prie maintenant de regarder au-delà du texte. La citoyenne dont je vous parle a toujours payé ses impôts, ses factures, ses charges et ses créances. Désormais, après avoir réglé ses dépenses obligatoires, il ne lui reste plus qu’une somme minimale pour subsister. Elle reçoit le 30 du mois un salaire de 1 800 euros, puis elle paie le 1er du mois 800 euros pour rembourser un emprunt immobilier et le 5 du mois 850 euros de charges à son syndic. En l’espace d’une semaine, 90 % de son revenu a disparu. Elle lui reste 150 euros pour finir le mois, alors que celui-ci commence à peine. Qu’est-ce que le père Noël a offert à sa fille méritante ? Très peu, car le père Noël, lui aussi, attend l’avance de l’Agence de services et de paiement (ASP) qui n’arrive pas. Sa petite entreprise n’est pas couverte non plus par le bouclier tarifaire, et il lui reste si peu pour payer ses employés, car dans cinq mois, selon les informations que nous avons pu obtenir, la régularisation de sa situation aura lieu pour la période de juin à novembre 2022.
Je vous invite à venir rencontrer cette personne pour lui expliquer que, dans les textes, sa situation n’existe pas. Je me ferai un plaisir de vous la présenter. Monsieur le ministre délégué, que comptez-vous faire pour améliorer les conditions de règlement des charges de copropriété relatives à l’énergie, afin que les résidents concernés puissent continuer à se maintenir hors gel sans devoir renoncer à un Noël de plus ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) La parole est à M. le ministre délégué. Je rappelle que trois décrets ont été publiés le 31 décembre 2022, disposant respectivement l’application du bouclier tarifaire collectif pour l’électricité au titre du second semestre 2022 – qui concernera la dame dont vous parlez –, l’application du bouclier tarifaire collectif pour le gaz en 2023 et l’application du bouclier tarifaire collectif pour l’électricité en 2023. Si la question que vous me posez requiert des explications précises sur le logement, je la transmettrai volontiers à mon collège Olivier Klein, qui y répondra dans le détail.
Je regrette bien sûr la situation que vous décrivez. Je vous rappelle que le Gouvernement s’est engagé à mettre en place la contemporanéité des aides sociales, qui permettra d’éviter les régularisations a posteriori . J’attends donc que cette mesure soit votée à l’unanimité, c’est-à-dire sur vos bancs comme sur d’autres. La parole est à M. Daniel Grenon. Le Gouvernement semble avoir entendu la détresse des boulangers, bouchers, charcutiers, traiteurs, restaurateurs, ou encore des responsables de pressing ou de laverie, bref, de quelques centaines de milliers d’entrepreneurs asphyxiés par la hausse considérable du prix des matières premières et par la hausse délirante des prix de l’énergie. Il y a répondu tout au long de la semaine par une pluie d’annonces. Mardi 2 janvier, Mme Borne déclare qu’elle veut accompagner chaque artisan en lui proposant des réponses adaptées et annonce l’organisation de points d’accueil dans chaque préfecture. Mais avec quels moyens humains compte-t-elle accomplir cela, puisque le service public a déserté nos circonscriptions ? Elle annonce aussi un possible report de charges sociales et fiscales pour les boulangers qui justifieraient d’un clair problème de trésorerie. Mais quelle TPE n’a pas de problème de trésorerie ? Elle promet à présent de reporter le remboursement des prêts garantis par l’État et d’étaler le paiement des factures d’énergie. Que résoudront ces mesures ?
L’avant-dernière trouvaille consiste en la possibilité de dénoncer un contrat avec un fournisseur d’énergie sans devoir lui verser d’indemnité. Et ensuite ? Quelle TPE a les moyens de trouver rapidement un autre fournisseur moins cher ? Qui connaît même précisément le prix du kilowattheure, sans parler du mégawattheure, puisque – dernier épisode – le Président de la République a annoncé vendredi le plafonnement du prix de l’électricité à 280 euros le mégawattheure ? Pourtant, le prix de 225 euros par mégawattheure pondéré suffit déjà à étrangler de nombreux artisans comme la fameuse boulangère de Sarlat. De plus, on peut désormais s’attendre à ce que tous les fournisseurs d’électricité alignent leurs tarifs sur le plafond annoncé de 280 euros par mégawattheure : on l’a vu, la libération du marché les a complètement ensauvagés.
Encore des solutions trompeuses et bricolées, symptomatiques de votre pilotage à vue face à cette crise que vous n’avez pas vu venir. Les patrons ne réclament pas un empilement d’aides : ils attendent l’audace promise par Emmanuel Macron. Rendez à la France le contrôle de l’électricité qu’elle produit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) La parole est à M. le ministre délégué. Vous me voyez embarrassé pour vous répondre, car j’ai entendu dans votre intervention beaucoup de remarques, mais peu de questions ! Que vous dire ? Effectivement, nous avons accumulé jour après jour des dispositifs d’aide, afin de nous assurer que les boulangers seraient très bien couverts. Comme vous l’avez dit, leur trésorerie sera soulagée par des reports de paiement de charges et d’impôts ; comme vous l’avez rappelé, nous avons instauré un bouclier tarifaire et forcé la main des distributeurs d’énergie pour qu’ils révisent les termes de leur contrat avec les entreprises qui – elles ne sont pas toutes dans ce cas – avaient été contraintes de le renouveler à l’automne, lorsque les tarifs de l’énergie étaient prohibitifs. Bref, je pense que nous avons fait à peu près tout ce qu’il fallait pour aider les entreprises.
Que vous dire encore ? Que le marché européen nous a permis d’avoir de l’électricité cet hiver, alors que, si nous en étions sortis conformément à vos souhaits, nous en aurions manqué lorsque les réacteurs d’EDF étaient à l’arrêt. C’est faux ! Que vous dire ? Que la France, comme je l’ai rappelé maintes fois, est le pays européen qui s’en sort le mieux, avec l’inflation la plus basse, un taux de chômage en baisse, une croissance et une production industrielle en hausse. Tout ne va pas aussi bien que vous le dites ! Évidemment, la France n’est pas exempte de souffrances. Mais gardez à l’esprit que nous sommes le pays d’Europe qui soutient le mieux ses ménages et ses entreprises de toute taille. Tout cela, c’est grâce à ceux d’entre vous qui ont voté les mesures de soutien : soyez-en fiers ! La parole est à M. Matthieu Marchio. Les mesures dont nous parlons font figure de cautères sur une jambe de bois. Oh ! C’est symptomatique de la Macronie que d’essayer sans succès d’amoindrir les effets délétères des politiques qu’elle promeut elle-même. C’est tout le problème : quand le médecin est à l’origine du mal, il n’est d’aucun secours. Ces politiques dont les Français paient lourdement le prix reposent sur trois doxas : l’ultralibéralisme, qui a détruit le monopole de l’énergie, l’européisme, qui a conduit la France à s’aligner naïvement sur le prétendu modèle allemand et le nihilisme écolo antinucléaire, qui a fait d’un pays autrefois champion de l’énergie une terre soumise aux caprices de la météo.
Je suis élu du Nord. Je vais être clair : mon département crève littéralement de ces politiques. Pourtant, vous refusez d’admettre que votre logiciel est défectueux. En bons technocrates, plutôt que de proposer un changement de paradigme, vous alignez les mesurettes : un guichet par-ci, un chèque par-là, tout cela afin d’éviter une nouvelle explosion de colère.
Le problème, c’est que quand l’État est à ce point désarmé, la parole de ses dirigeants n’a plus de valeur. Le Président de la République en a livré un triste exemple en promettant aux boulangers qu’ils pourraient renégocier avec les fournisseurs leurs contrats jugés prohibitifs. C’était un vœu pieux : le flou a été total quant à la définition d’un tarif prohibitif. Le président Macron vous a pris de court ; l’Élysée avait annoncé un seuil de 220 euros le mégawattheure, qui sera finalement de 280 euros – il y a une légère différence ! Plus pathétique encore, sur le marché européen que vous chérissez, la Commission européenne, gardienne du temple ultralibéral, s’opposera à tout ce qui pourrait s’apparenter à une vente à perte par les fournisseurs. Vous faites donc des promesses que vous êtes incapables de tenir et qui, de surcroît, se heurtent à un système que vous promouvez.
Monsieur le ministre délégué, à quand une sortie du marché européen de l’énergie ? Non ! À quand une reconstruction de nos monopoles français de l’énergie ? Votre dogme de la concurrence libre et non faussée ne marche pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) La parole est à M. le ministre délégué. Non, nous ne sortirons pas du marché européen de l’énergie ! Sans lui, monsieur le député, nous n’aurions pas eu d’électricité cet hiver. (Protestations sur les bancs du groupe RN. – Mme Anne-Laure Blin proteste également.) Une partie des électrons qui nous éclairent ce soir, ne vous en déplaise, viennent d’Allemagne. Cela ne signifie pas pour autant que le marché européen est parfait. Ça, c’est sûr ! Nous sommes en train d’en renégocier les termes, et l’avons déjà fait évoluer. Comme je l’ai rappelé, nous effectuerons dès ce printemps des achats communs de gaz,… Cela n’a rien à voir ! …nous avons plafonné le prix du gaz et nous sommes en train de décorréler le prix de l’énergie de celui du gaz. Rien à voir ! On peut avoir quelqu’un de compétent ? Monsieur Tanguy, merci pour cette remarque qui fait progresser le débat, comme à votre habitude. Vous ferez peut-être le buzz, mais je ne suis pas sûr que vous ayez beaucoup fait avancer le schmilblick. Quel est le rapport entre ce que vous dites et la question ? Aujourd’hui, quarante-quatre réacteurs sur cinquante-six fonctionnent. Il y a quelques mois, c’était à peine la moitié. Je remercie donc les employés d’EDF grâce auxquels le prix de l’énergie a atteint le niveau le plus bas en un an. Mais cela n’a rien à voir ! Vous savez quoi ? Nous exportons actuellement de l’énergie vers d’autres pays d’Europe. Cessez donc de caricaturer le marché européen. Vous dites n’importe quoi ! Qu’est-ce que vous racontez ? Ne vous en déplaise, européiste ou pas, il faut reconnaître que l’Europe est plus forte qu’elle ne l’était à l’époque où nous n’avions pas l’euro, le marché unique et le marché européen de l’énergie.
Pour terminer, monsieur le député du Nord qui aimez à surfer sur les colères des gens – évidemment, c’est là votre fonds de commerce –, je me rends régulièrement dans votre département. J’y vois des entreprises industrielles qui investissent et des organisations syndicales fières de travailler dans l’industrie. L’industrie se relève, ne vous en déplaise. Vous vous êtes nourris de la désindustrialisation de la France. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Et vous l’avez créée ! Elle est de votre fait ! À présent, la réindustrialisation est en marche, et vous allez reculer ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe RN.) La parole est à M. Andy Kerbrat. Je lis la question de ma collègue Alma Dufour, malheureusement souffrante. La semaine dernière, Emmanuel Macron disait : « Nous n’avons pas sauvé les entreprises pendant le Covid pour les voir couler aujourd’hui. » Bruno Le Maire, quant à lui, affirmait qu’il ne fallait pas craindre un « mur de faillites » et que le « quoi qu’il en coûte » était terminé. Qui croire : le docteur Macron ou Mister Le Maire ? Aucun des deux ! Après que les cris d’alarme des boulangers ont été diffusés en boucle sur BFM TV, le Gouvernement s’est empressé de venir à leur chevet, face caméra. Mais qu’en est-il de la majorité des PME et des ETI – entreprises de taille intermédiaire –, notamment dans le secteur de l’industrie, qui n’ont pas fait l’objet d’une telle attention ?
Alma Dufour a reçu un SMS d’un représentant d’une fédération d’entreprises qui lui a donné cette réponse : « Si je devais résumer, les aides ne sont pas à la hauteur de la situation, en particulier pour les entreprises énergo-intensives. L’année 2023 s’annonce très compliquée. On est face au mur de l’énergie. » En réalité, les ETI n’ont quasiment droit à rien. Pour les PME énergo-intensives, les aides ne prennent en charge que 10 % à 20 % du montant de factures qui ont triplé, quadruplé, voire été multipliées par dix.
Prenons l’exemple de Velcorex, l’une des rares entreprises qui produit encore du textile en France. En 2022, sa facture de gaz s’est élevée à 5 millions d’euros sur 22 millions de chiffre d’affaires. Elle n’a touché de l’État que 75 000 euros d’aides, soit 1,5 % de sa facture. Alors qu’elle commence l’année 2023 avec une perte de 3 millions d’euros, elle doit conclure un nouveau contrat d’énergie, pour la modique somme de 1 240 euros le mégawattheure pendant les heures pleines. L’État ne prendra en charge que 12 % de sa facture. Cette entreprise pourrait ne plus avoir que quelques mois à vivre, et Velcorex n’est pas un cas isolé.
Les États-Unis et l’Allemagne subventionnent leur industrie, mais vous continuez de vous voiler la face, de protéger les spéculateurs et de creuser la dette sans pour autant empêcher le désastre. La solution serait simple : il faut sortir du marché de l’électricité avant qu’il ne soit trop tard. Cependant votre vision de l’énergie pour l’avenir est de fermer les yeux en espérant que ça passe. Mais ceux qui ne ferment plus les yeux la nuit, ce sont les salariés et les dirigeants d’entreprises qui ne savent plus comment s’en sortir. Que comptez-vous faire pour éviter la faillite imminente de nos PME et des ETI industrielles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) La parole est à M. le ministre délégué. Monsieur le député, vous souhaiterez un bon rétablissement à Alma Dufour à laquelle je réponds à travers vous que, bien évidemment, nous non plus ne fermions pas l’œil pour aider les entreprises qui font face à une crise exceptionnelle. Vous demanderez à Alma Dufour de nous mettre en contact avec l’entreprise Velcotrex, car les chiffres que vous avez mentionnés me semblent assez exorbitants. En tout cas, ils sont exceptionnels, alors que vous avez dit que ce n’était pas un cas à part : 1 240 euros le mégawattheure, cela me semble beaucoup, même pour des heures pleines en hiver. Les services du ministère examineront ce cas particulier pour établir s’il y a eu un comportement abusif – c’est possible. Nous avons recruté à Bercy une négociatrice qui aide les entreprises, qui sont dans une situation semblable à celle que vous avez mentionnée, à renégocier avec les fournisseurs lorsque les factures sont exorbitantes.
Pour le reste, ce n’est pas sur BFM TV que nous faisons notre politique, monsieur Kerbrat. Comme vous, nous sommes à l’écoute des fédérations professionnelles. Nous les avons consultées régulièrement, et c’est en fonction de leurs besoins que nous avons adapté les dispositifs au fur et à mesure. Ils voulaient un amortisseur : nous l’avons instauré. Les boulangers se sont plaints que cela ne suffisait pas : aussi avons-nous mis en place, pour les TPE, le bouclier énergétique. Je le répète : nous avons désormais un dispositif complet et stabilisé. Les services de l’État concentrés et déconcentrés facilitent l’accès à ces aides aux entreprises. Nous les évaluerons évidemment de manière continue avec vous tous.
Je l’ai dit : la France s’en sort bien mieux que toutes les autres économies en Europe, que l’on considère l’inflation, la croissance, le chômage ou l’emploi,… On avait compris ! …ne vous en déplaise et n’en déplaise aux faiseurs de peur qui se nourrissent des désespoirs. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Nous sommes aux côtés des Français et nous continuerons de l’être. La parole est à M. Andy Kerbrat, pour poser une seconde question. Monsieur le ministre délégué, vous vous félicitez de l’effet de votre politique pour expliquer les bons chiffres des finances des collectivités en 2022, mais la hausse des prix de l’énergie ne se verra que l’année suivante à cause d’un effet d’inertie des contrats d’énergie. En effet, pour la plupart des communes, la facture à payer en 2022 a été établie avec des prix déterminés en 2021, voire avant. Nous connaîtrons, en 2023, une hausse continue et encore supérieure à celle de 2022.
Cela fait courir aux collectivités le risque de la double peine : avec un niveau aussi haut d’épargne brute, la grande majorité d’entre elles ne pourra pas prétendre au 1,5 milliard de soutien, alors que les conséquences de l’inflation subie en 2022 se feront justement le plus sentir dans quelques mois. Qu’avez-vous prévu pour éviter cela ? Trop peu, trop tard, et souvent trop compliqué. En attendant, l’inflation a des effets concrets sur nos services publics, sur nos biens communs, quelle que soit la taille des collectivités.
À Fontenay-sous-Bois, 50 000 habitants, la dépense liée aux fluides va passer de 1,8 million à 3,5 millions d’euros, entraînant la réduction des horaires de bâtiments publics comme les piscines et l’augmentation du coût de certains services comme les cantines. L’inflation fait des ricochets et contourne le bouclier tarifaire. À Champlémy, 350 habitants, la facture pour la salle des fêtes sera salée : elle passera de 200 à 1 000 euros, soit une augmentation de 500 %. Pour son école, qui n’a pas encore pu être rénovée, le chauffage au fioul a augmenté de 50 %, ce qui risque à terme d’avoir des conséquences tragiques pour un établissement déjà menacé de fermeture.
Vous faites de nombreuses annonces : 12 milliards pour les entreprises et les collectivités, un amortisseur électricité, un filet de sécurité. Mais, de même que Macron a appelé le numéro vert pour les boulangers et a constaté que « ça ne marche pas », eh bien, nous avons appelé le numéro des maires, et nous avons constaté que « ça ne marche pas » non plus. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Tant qu’elles n’auront pas de confirmation, les communes se débrouilleront, comme à Nantes, dans ma circonscription, où les villes de la métropole ont constitué un groupement d’achat pour être plus fortes face à la concurrence imposée.
Quand vous résoudrez-vous à bloquer les prix pour protéger les plus petits face à cette crise, à revenir au tarif réglementé pour agir au plus vite et à la source du problème ? Matthias Tavel et moi l’avions proposé par le biais d’un amendement qui a été rejeté lors du débat sur les énergies renouvelables : nous vous invitons à le reprendre. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) La parole est à M. le ministre délégué. Monsieur Kerbrat, pour y avoir assisté, je crois savoir que le projet de loi sur les énergies renouvelables a été adopté à une écrasante majorité par cette assemblée. Oh, écrasante… N’exagérons pas. N’hésitez pas à défendre de nouveau vos propositions lorsqu’il reviendra. Vous le savez, les collectivités territoriales sont aidées. Les plus petites sont éligibles au bouclier tarifaire, comme nos concitoyens. Pour celles qui font face à des hausses de l’inflation particulièrement importantes, sur des propositions formulées dans des amendements du groupe Horizons et apparentés – j’ignore si vous les avez votés –, un filet de sécurité qui les protège a été créé par l’Assemblée nationale. Ce dispositif coûte 1,5 milliard d’euros à la collectivité nationale, à l’État. En outre, elles sont évidemment éligibles à l’amortisseur. Nous avons donc pris des dispositions pour aider les collectivités locales.
Je le dis depuis le début de ce débat : nous faisons face à une guerre aux portes de l’Europe dont nous devons ensemble partager les coûts. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Les ménages supportent actuellement 5 % des coûts totaux, l’État plus de 50 % et les entreprises environ 40 %. Le fardeau est partagé. Reconnaissez-le avec nous : l’État français fait plus que partout ailleurs pour soutenir les entreprises et les ménages face à cette crise historique. Pas du tout ! La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur le ministre délégué, dans sa dernière étude datée du 19 décembre 2022, l’Insee dresse le constat qu’entre janvier 2021 et juin 2022, le revenu moyen disponible est de 720 euros plus bas que ce qu’il aurait été si les prix étaient restés ceux de 2020, principalement sous l’effet de la hausse des prix de l’énergie estimée en moyenne à 18 %. Sans surprise, les ménages les plus modestes ont été les plus touchés, malgré des mesures de soutien aux revenus et la mise en place de boucliers tarifaires. Toujours selon l’Insee, les mesures de soutien aux revenus des ménages déployés par l’État dans ce contexte, tels que le chèque énergie ou le bouclier tarifaire, n’ont que faiblement compensé la hausse des prix.
La Confédération des petites et moyennes entreprises tirait également à la fin de l’année 2022 la sonnette d’alarme, estimant que « 150 000 entreprises [étaient] en danger de mort ». C’est donc tout le tissu entrepreneurial français qui se trouve fragilisé par la crise. Pourtant, le volet de mesures d’urgence mis en œuvre par l’État pèsera au bas mot 45 milliards d’euros dans le budget pour 2023, dégradant durablement l’état de nos comptes.
Ces mesures, bien que nécessaires, ne sont que temporaires et elles ne règlent en rien la question centrale de la fixation des prix de l’énergie. Par ailleurs, de nombreuses filières énergivores telles que l’agroalimentaire et les chaînes agricoles, qui sont tout simplement abandonnées par le Gouvernement, demandent un plan à la hauteur dans un contexte de distorsion de concurrence avec nos partenaires européens.
Le principal constat que nous pouvons tirer est le manque cruel d’anticipation et de planification de notre politique énergétique. Au lieu de prendre le problème à la racine, le Gouvernement a choisi de renouer avec la politique du carnet de chèques qui ne pourra perdurer indéfiniment. Monsieur le ministre délégué, recouvrir les plus beaux paysages français d’éoliennes ne réglera pas le problème. Votre rétropédalage sur le nucléaire est un premier signal encourageant, mais nous ne disposons toujours pas d’un cap clair.
Quelle est votre vision sur le long terme, monsieur le ministre délégué, pour que la France redevienne un fleuron économique et industriel et souveraine sur le plan énergétique ? Je vous remercie de nous apporter une réponse claire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe RN.) La parole est à M. le ministre délégué. Si vous me le permettez, je vous souhaite un bon anniversaire, madame la députée. (Sourires.) Consacrer sa soirée d’anniversaire à débattre à l’Assemblée nationale est un signe très fort de votre engagement. (Applaudissements sur divers bancs.)
Vous l’avez souligné, madame la députée, le pouvoir d’achat des Français, comme ailleurs en Europe, a été affecté par l’inflation. Je tiens à rappeler que, depuis 2019, après une crise sanitaire, la guerre en Ukraine et une crise énergétique, le pouvoir d’achat des Français a été maintenu, contrairement à la plupart des pays d’Europe. Vous l’avez dit, nous le devons à des politiques budgétaires dispendieuses, qui nous coûteront plus de 40 milliards d’euros en 2023, mais qui nous ont permis de préserver le pouvoir d’achat des Français et d’accompagner les entreprises.
Je vous accorde que ces solutions ne sont pas durables : elles permettent de faire face à un choc de court terme, de manière assez efficace me semble-t-il. Cependant, à long terme, il y a d’autres enjeux ; je ne reviendrai pas sur le débat sur les énergies renouvelables car le texte a été voté – très bien voté – par cette assemblée.
Pour ce qui est du nucléaire, vous le savez, nous vous présenterons très prochainement un projet de loi pour l’accélération des investissements. Nous discuterons de l’ensemble des directions de la politique énergétique de la France dans le cadre du projet de loi de programmation, dont nous avions voté le principe au cours de la législature précédente. J’espère qu’il nous permettra de vous convaincre à nouveau qu’il n’y a pas d’avenir pour la France non seulement en dehors de l’Europe, mais aussi en dehors d’un nucléaire fort et dans lequel on investit durablement. Merci pour ces questions. Vive l’énergie renouvelable et l’énergie nucléaire ! La parole est à Mme Anne-Laure Blin. Le Maine-et-Loire est une terre horticole et maraîchère : or nos producteurs sont frappés de plein fouet par la hausse du coût de l’énergie. En effet, ces activités nécessitent l’usage de quantités très importantes de gaz et d’électricité tant pour la production que pour la conservation des productions.
Les horticulteurs et les maraîchers doivent chauffer leurs serres pour faire grandir nos fleurs, nos plants et nos légumes. Ce sont des acteurs incontournables de notre souveraineté alimentaire. Quasiment tous ont été obligés de décaler la culture de certaines variétés ; certains gardent même des serres totalement vides en espérant économiser ainsi de l’énergie, ou ne cultivent plus que les variétés qui supportent les températures très fraîches. D’autres ont dû abandonner une partie de leur production, car ils ne pouvaient pas chauffer toutes leurs serres face à ces hausses de prix. D’autres encore ont dû vider leurs réfrigérateurs et solder leurs produits pour économiser de l’énergie.
Ces hausses généralisées les inquiètent, ainsi que tous les Français. Ces entreprises ont déjà fait face depuis plusieurs années à la crise sanitaire, à l’augmentation des coûts et à la hausse générale des prix des fournitures, des emballages, des engrais ou encore du transport. Elles ont fait depuis des années des investissements pour réduire leur consommation d’énergie et doivent donc, en plus, les rembourser.
Ces problèmes cumulés ont des effets en cascade et le plus inquiétant est que ces entreprises n’ont aucune visibilité sur les prochains mois. Pour tenter de sauver leur affaire, certaines n’ont d’autre choix que de rogner sur leurs bénéfices et de répercuter les hausses sur leurs clients. Mais ces solutions sont provisoires – elles doivent l’être. Si le prix du gaz et de l’électricité reste à un niveau élevé pendant une période très longue, l’existence même du secteur maraîcher et horticole est menacée. Merci de conclure, chère collègue. Monsieur le ministre délégué, les maraîchers et les horticulteurs éprouvent un véritable sentiment de ras-le-bol. Pouvez-vous leur garantir que, demain, la pérennité de leur entreprise sera assurée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – MM. Joris Hébrard et Jean-Philippe Tanguy applaudissent également.) La parole est à M. le ministre délégué. Madame Anne-Laure Blin, je vous remercie de mettre en lumière ces professions qui sont, vous l’avez dit, très affectées par cette crise. Je le répète : elles sont éligibles à l’ensemble des mesures que j’ai présentées ce soir. Le dispositif a été extrêmement simplifié ; il a été amplifié et prolongé. Vraiment, je vous engage à prendre rendez-vous vous-même avec le conseiller départemental à la sortie de crise et à organiser une réunion d’information avec eux. Ils l’ont fait ! Cela ne veut pas dire qu’on échappera à des hausses de prix, évidemment : comme vous l’avez souligné, pour les secteurs électro-intensifs, la situation se traduira sans doute en partie par des hausses de prix. Alors, qu’est-ce qu’on fait ? L’inflation est plus faible en France qu’ailleurs en Europe, mais elle est tout de même présente et reflète des hausses de prix réelles dans un certain nombre de secteurs ; certaines entreprises verront par conséquent l’excédent brut d’exploitation (EBE) diminuer. Nous sommes en train de partager le coût d’une crise extrêmement importante du fait d’une guerre qui est aux portes de l’Europe.
J’espère donc que vous avez pris contact avec le conseiller départemental. Oui, oui. Si ce n’est pas le cas, on vous donnera le numéro de téléphone de celui du Maine-et-Loire afin qu’il organise une réunion d’information avec les horticulteurs de votre département. Votre réponse est trop légère, monsieur le ministre délégué. La parole est à M. Thibault Bazin. À mon tour, je veux vous alerter sur l’insuffisance des mesures de soutien face à l’augmentation des coûts de l’énergie, en particulier de l’électricité. Le problème concerne principalement les entreprises et collectivités de plus de onze agents qui, pour l’instant, ne sont pas éligibles au bouclier tarifaire. Eh oui ! Vous m’objecterez que, depuis le 1er janvier 2023, ces acteurs bénéficient de l’amortisseur électricité. Mais le prix annuel moyen de 180 euros par mégawattheure – qui est d’ailleurs presque équivalent au tarif plafond décidé dans les autres économies européennes – ne s’applique qu’à la moitié des volumes d’électricité consommés. Seul un plafonnement du prix de l’électricité, comme celui instauré par nos voisins européens, permettrait de préserver l’ensemble de nos entreprises et de nos services publics.
Ces constats rappelés, je souhaite appeler votre attention sur le comportement des fournisseurs d’énergie. Nous savons que nous ne surmonterons cette crise que si nous jouons tous le jeu. Fin novembre, une entreprise importante de ma circonscription, Hydro Leduc, a été très fortement incitée par EDF à signer un contrat au tarif de 437 euros par mégawattheure. Or le tarif actuel se situe aux alentours de 250 euros par mégawattheure. En ce début d’année, l’entreprise a donc évidemment demandé à EDF une renégociation du contrat, ce qui lui a été refusé. Soyons concrets : pour Hydro Leduc, dont la consommation électrique annuelle s’élève à 6 gigawattheures, ce refus fera passer la facture de 500 000 à 1 million d’euros !
À l’heure où le Gouvernement promeut la réindustrialisation, cette situation est ubuesque, d’autant que l’État détient 84 % du capital d’EDF. Pouvez-vous vous engager à demander à EDF de renégocier les contrats des entreprises industrielles qui ont été signés pour un tarif qui excède 400 euros par mégawattheure ?
Enfin, comme durant l’épidémie de covid-19, vous avez ouvert un guichet d’aides, auxquelles plusieurs entreprises de ma circonscription, créées en 2022, ne sont pas éligibles. Avez-vous prévu un dispositif subsidiaire pour les entreprises récentes ?
Vous avez déjà pris plusieurs mesures, mais la réponse à la situation reste incomplète. Il faut améliorer encore les dispositifs de soutien. La parole est à M. le ministre délégué. Connaissant votre sérieux budgétaire, monsieur Bazin, j’imagine que si je vous réponds que le « quoi qu’il en coûte » est terminé, vous souscrirez à mes propos. (M. Thibault Bazin sourit.) Nous pourrions décider de signer des chèques en blanc au nom du « quoi qu’il en coûte », afin d’assurer que toutes les factures d’énergie de 2023 restent à leur niveau de 2021, mais cela coûterait des centaines de milliards d’euros et nous placerait dans une position absolument insoutenable.
Aujourd’hui, nous cherchons à partager de manière équilibrée le coût important d’une crise qui nous est imposée par l’extérieur. Les ménages, qui subissent une inflation de 5 % à 6 %, paient une partie de cet écot ; les entreprises, vous l’avez souligné, en paient également une partie, tout comme l’État et les collectivités territoriales. S’agissant du cas particulier que vous m’avez exposé, je répète que Bercy a engagé une négociatrice, qui a déjà permis d’ouvrir les discussions entre plusieurs fournisseurs et entreprises industrielles et énergo-intensives, et d’obtenir une réduction très importante de leurs factures. N’hésitez pas à m’envoyer les éléments relatifs au cas que vous avez évoqué. Néanmoins, l’ensemble des dispositifs instaurés – amortisseur électricité, bouclier tarifaire, guichet d’aides – permettent aujourd’hui d’aider les entreprises françaises. Venez les voir ! J’en rencontre toutes les semaines, madame la députée ! Je recevrai les horticulteurs de votre circonscription si vous le souhaitez, mais je voudrais avant tout que vous organisiez une rencontre avec votre conseiller départemental à la sortie de crise. Venez les voir ! Comme vous, des entreprises, j’en vois tous les jours : si certaines souffrent, d’autres nous remercient pour les aides. Au cours des six dernières semaines, nous avons distribué six fois plus d’aides qu’au cours des six mois précédents. Le dispositif a été simplifié et élargi : dites aux entreprises de vos territoires de faire des simulations sur les sites internet dédiés. Elles l’ont fait ! J’espère que celles-ci vous convaincront – si je n’y suis pas parvenu – que les aides sont efficaces. La parole est à M. Philippe Bolo. Les témoignages de l’inquiétude des entreprises face à l’envolée des prix de l’énergie se multiplient. Plus aucune rencontre n’y échappe : comme d’autres collègues, je suis quotidiennement interpellé sur ce sujet. Les factures de gaz et l’électricité ont été multipliées dans des proportions qui fragilisent l’équilibre économique de trop nombreuses entreprises – TPE, PME, artisans et commerçants. L’avenir est sans visibilité : les trésoreries fondent, obligeant à renoncer à des projets d’investissement ; parfois même, l’option du licenciement de salariés n’est plus exclue. Toutes les économies de charges sont bonnes à prendre pour répondre à la hausse démesurée des factures énergétiques, qui vient balayer des années d’efforts et de travail.
Alors que de nombreuses mesures ont déjà été prises par le Gouvernement, leur application interroge. En effet, les dispositifs existants sont souvent méconnus, voire inconnus : combien d’entreprises sont-elles capables de citer la douzaine de mesures auxquelles elles peuvent prétendre ? En outre, les critères d’éligibilité paraissent inadaptés : la vulnérabilité d’une entreprise face à l’augmentation de sa facture énergétique ne se mesure pas à sa taille, à ses effectifs salariés ou à la puissance de son compteur électrique. D’autres facteurs entrent en jeu dans sa capacité à encaisser – ou non – les augmentations : l’entreprise peut-elle répercuter l’augmentation du prix de l’énergie sur ses prix de vente ? Quelle est la quantité incompressible d’énergie nécessaire à son activité ? Est-elle totalement libérée des conséquences financières de la crise de covid-19, notamment des reports de charges ? Autant de questions qui soulignent le fait que les critères retenus ne permettent pas nécessairement de répondre à certaines causes des difficultés des TPE et PME.
Monsieur le ministre délégué, le plafonnement du prix de l’électricité pour les TPE à une moyenne annuelle de 280 euros par mégawattheure a été récemment décidé. Comment comptez-vous répondre aux demandes des entreprises qui ne répondent pas aux critères d’éligibilité actuels, notamment les TPE mises en danger par l’explosion des factures d’électricité ? Cette nouvelle mesure sera-t-elle cumulable avec l’amortisseur électricité ? La parole est à M. le ministre délégué. Monsieur Bolo, vous avez décrit très précisément la réalité : aujourd’hui, toutes les entreprises françaises ne sont pas sur un pied d’égalité face à la crise. En effet, toutes n’ont pas la même consommation énergétique ou la possibilité de répercuter une partie de la hausse sur leurs prix ; certains secteurs sont plus énergivores, d’autres davantage exposés à la concurrence internationale. Les entreprises sont donc dans des situations très différentes, et c’est la raison pour laquelle je pense que le « quoi qu’il en coûte » est une mauvaise idée : aujourd’hui, je le répète, certaines se portent très bien, et tant mieux ! Elles tirent la croissance. D’autres, en revanche, souffrent : nous devons les aider en instaurant des mesures ciblées – vous les avez listées.
Partout dans le territoire, des fonctionnaires sont présents pour aider les entreprises. En outre, je vous confirme que les TPE éligibles au bouclier tarifaire de 280 euros par mégawattheure pourront également prétendre à l’amortisseur électricité et au guichet d’aides : l’ensemble de ces aides est cumulable afin de tenir compte au mieux de situations très disparates. Si je vous invite à nous alerter sur les imperfections potentielles des dispositifs au fur et à mesure de leur évaluation, je suis convaincu que nous disposons d’un arsenal complet qui nous permettra de surmonter la crise sans trop de heurts. La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel. La guerre en Ukraine et plus de quinze ans de dérégulation du service public de l’énergie en Europe et dans notre pays font éclater à la connaissance de tous une réalité sonnante et trébuchante qui fragilise notre économie et déstabilise notre société : le prix de l’électricité, bien commun essentiel, s’envole au gré des soubresauts de la spéculation des marchés, sans aucun lien avec notre coût de production et dans l’absence totale de transparence.
Le résultat, tout le monde le connaît et le subit. Particuliers, entreprises, collectivités, chacun est assommé par une inflation mortifère. Reconnaissons-le clairement : si le bouclier tarifaire permet de limiter les dégâts pour les particuliers, il n’assure pas la sécurité du reste de l’économie. Du bouclier énergétique à taille variable au filet de sécurité pour les collectivités, les mailles sont de plus en plus lâches et les lacunes se multiplient : boulangers, bouchers, restaurateurs, des milliers d’artisans de TPE et de PME baissent le rideau, ce qui n’est pas sans conséquences pour toute la chaîne de valeur. Les collectivités et les copropriétés sont étranglées. Si les discussions avec les fournisseurs et le tarif bloqué pour certains vont dans le bon sens – nous le reconnaissons –, je crains que les effets ne soient largement insuffisants et que l’économie ne soit lourdement fragilisée, car oublier certains, c’est pénaliser tout le monde.
La piste de l’indispensable régulation du marché de l’énergie est-elle sérieusement étudiée par la Commission européenne ? Une sortie du marché de l’électricité, comme l’ont décidé le Portugal et l’Espagne, est-elle également sur la table, afin de revenir au temps où les TRV et les TRVE – tarifs réglementés de vente de l’électricité – protégeaient à la fois particuliers, entreprises et collectivités ? Si le plafonnement des prix à 280 euros par mégawattheure est utile, ce n’est pas une solution durable pour tous. La parole est à M. le ministre délégué. Bien que vous connaissiez bien le sujet, madame Battistel, je me permets de vous corriger : l’Espagne et le Portugal ne sont pas sortis du marché européen. S’ils subventionnent effectivement très fortement leur énergie en collectant une partie des recettes par le biais de taxes imposées, c’est parce qu’en raison de leur géographie particulière, ils exportent peu d’énergie vers le reste de l’Europe, et en importent peu également. Notre géographie ne nous permet pas d’adopter un modèle similaire.
Depuis longtemps, la France appelle de ses vœux une refonte en profondeur du fonctionnement du marché européen de l’énergie. Si nous avons longtemps prêché dans le désert, depuis quelques mois, en raison de la crise que vous avez rappelée, la Commission européenne, nos partenaires allemands et la quasi-totalité des États membres ont reconnu que les marchés du gaz et de l’électricité fonctionnaient de pair mais, souvent, divergeaient. La guerre en Ukraine a aggravé un peu plus encore cette divergence, mettant en lumière l’inadaptation du dispositif.
Nous avons entamé des discussions, qui ont déjà permis des progrès en matière d’achats groupés et de plafonnement du prix du gaz, mais ce n’est pas facile, car les pays ne sont pas tous aussi dépendants les uns que les autres aux énergies. Nous devrons donc continuer à discuter avec nos partenaires européens, même si, vous le savez, la discussion en Europe prend du temps. N’en déplaise toutefois à certains dans l’hémicycle, je suis convaincu que non seulement l’Europe n’est pas le problème, mais qu’elle représente même une partie de la solution.
Néanmoins, les mesures européennes ne suffiront pas. Nous devons investir massivement dans les énergies renouvelables : c’est l’objet du texte que vous venez d’adopter – en faveur duquel vous avez sûrement voté, madame la députée. Parallèlement, le projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes nous permettra, quant à lui, d’accélérer nos investissements dans l’énergie nucléaire qui, j’en suis convaincu, est une énergie d’avenir.
Nous devons fournir à nos entreprises un volume important d’électricité décarbonée et peu chère : c’est l’objet de la politique du Gouvernement, et j’espère que vous continuerez à nous accompagner dans cette direction. La parole est à Mme Mélanie Thomin. Pour cette nouvelle année, je forme le vœu que le Gouvernement prenne véritablement la mesure du rôle essentiel des élus locaux, qui sont déstabilisés par la hausse du coût de l’énergie. Votre pilotage, monsieur le ministre délégué, désoriente le financement de l’action locale. L’inflation des coûts de l’énergie est un choc dans une crise déjà connue. Si certaines collectivités sont couvertes par le bouclier énergétique, d’autres ne peuvent prétendre qu’à une couverture partielle, au titre de l’amortisseur électricité et du filet de sécurité : le niveau et la persistance de l’inflation ébranlent les communes et l’incertitude attaque le fonctionnement courant et les investissements essentiels, comme les rénovations d’écoles, de routes ou de réseaux d’eau.
Suppression de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises – CVAE –, suppression de la taxe d’habitation, refus d’indexer la DGF – dotation globale de fonctionnement – sur l’inflation, calendrier chaotique de mise en œuvre de l’objectif ZAN – Zéro artificialisation nette –, effets désastreux de la réforme des indicateurs financiers : votre action compromet les ressources des finances locales, pourtant bien gérées par nos élus locaux, notamment dans le Finistère, où les communes rurales ont mandaté une étude sur le sujet. Le constat est sans appel : votre jacobinisme financier leur fera perdre 8 millions d’euros – une trahison, après des années de bonne gestion locale. L’affaiblissement des finances publiques locales est un pas de plus vers la fracture territoriale.
Nous pouvons maintenant nous interroger sur l’exécution des mesures de soutien actuelles face au coût de l’énergie : les critères de perte d’épargne brute et de potentiel fiscal pour prétendre aux aides sont restrictifs, et le cumul des dispositifs demeure une barrière pour les trop nombreuses petites communes rurales qui sont juste au-dessus des seuils du bouclier tarifaire. Monsieur le ministre délégué, pouvez-vous nous indiquer le nombre de communes effectivement bénéficiaires des aides, ainsi que les objectifs et moyens alloués au déploiement des aides auprès des petites collectivités ? La crise actuelle met en lumière vos difficultés à accompagner durablement les finances locales. Dans nos circonscriptions, votre manque de vision est source de rupture. La parole est à M. le ministre délégué. Halte à la caricature ! Face à une crise historique, nous devons être solidaires : c’est ce que vous avez fait, collectivement, en validant la création du filet de sécurité, qui permet d’allouer 1,5 milliard d’euros aux collectivités en difficulté. Je répète que les très petites collectivités sont éligibles au bouclier tarifaire : le nombre exact de collectivités bénéficiaires vous sera transmis ultérieurement par écrit, car je ne peux vous répondre avec précision sur ce point. En matière non seulement de croissance, d’inflation et de chômage, mais aussi de finances locales, la France résiste bien mieux à cette crise historique que tous les pays européens. Je ne supporte plus cette litanie ! Si les collectivités locales font face à des contraintes, l’État fait sa part du travail et continuera de suivre l’évolution des finances locales et des contraintes qui pèsent sur elles. Vous avez également mentionné le ZAN : même si ce n’est pas le cœur du débat aujourd’hui, vous n’êtes pas sans savoir qu’il fait l’objet de nombreux débats et est parfois controversé. Nous continuerons à chercher comment adapter au mieux les dispositions adoptées par le Parlement pour les appliquer efficacement sans compromettre la réindustrialisation de la France. La séance de questions est terminée.
La parole est à M. Thierry Benoit. Il y a quelques mois, les Français et plus particulièrement des entrepreneurs – artisans, commerçants, dirigeants de très petites entreprises (TPE) et de petites et moyennes entreprises (PME) – ont découvert l’explosion du prix de l’énergie et les difficultés à négocier avec les fournisseurs d’énergie. Au passage, je voudrais dénoncer ici les pratiques abusives, inadmissibles, déloyales et même scandaleuses de certains fournisseurs – dans nos circonscriptions, on parle notamment d’EDF et de TotalEnergies, mais je ne vais pas dresser toute la liste.
Depuis quelque temps, le Gouvernement s’est mobilisé et a proposé le recours à divers acteurs et dispositifs : le bouclier tarifaire, le guichet de l’aide gaz et électricité, l’amortisseur électricité, le médiateur national de l’énergie, le conseiller départemental à la sortie de crise, le commissaire aux restructurations et à la prévention des difficultés des entreprises (CRP). Enfin, il a annoncé un prix moyen de 280 euros le mégawattheure. Craignant que cette annonce ne fasse illusion, je voudrais vous poser cette première question : pour le Gouvernement qu’est-ce qu’un prix prohibitif permettant à une entreprise de résilier son contrat ?
Ma deuxième question concerne l’Europe. Allons-nous avoir enfin, comme lors de la crise sanitaire du covid-19, un plan européen qui nous permettrait de dire aux Français que l’Europe est la solution et non pas le problème ? Pour le moment, la situation est la suivante : les Espagnols et les Portugais font cavaliers seuls, tandis que la France paie le prix fort par solidarité.
Dernière question : quel est le rôle de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) dans cette affaire et qu’en dit Mme Wargon ? La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’industrie. Merci, monsieur Benoit, pour cette question qui me permet de vous rappeler que l’État et le Gouvernement font un effort historique pour soutenir à la fois les ménages et les entreprises face à une crise énergétique tout aussi historique.
Nous allons beaucoup parler d’énergie et d’entreprises dans les deux heures qui viennent. N’oublions pas que nous subissons un choc historique dont nous devons malheureusement partager la douleur : les ménages supportent une inflation plus élevée que celle à laquelle ils étaient habitués depuis vingt ans ; les entreprises souffrent en raison de lourdes factures énergétiques ; l’État a fait sa part du travail en instaurant un bouclier énergétique, qui a permis d’afficher en France l’inflation la plus basse d’Europe, et en accordant des aides aux TPE, PME et grandes entreprises, ainsi que vous l’avez rappelé. La France est l’État qui aide le plus les entreprises.
Il n’en reste pas moins que certaines entreprises sont fragilisées. Sous l’égide du Président de la République, Bruno Le Maire et moi-même avons donc annoncé une dernière mesure aux fournisseurs d’énergie vendredi : le prix du mégawattheure ne doit pas dépasser 280 euros pour les TPE qui ne bénéficiaient pas du tarif réglementé de vente (TRV). Ces entreprises peuvent aussi bénéficier de l’amortisseur électricité, ce qui peut réduire encore de 50 euros le prix du mégawattheure. Si elles sont énergo-intensives comme le sont les boulangers, elles peuvent aussi profiter du bouclier tarifaire.
Conscients que tout cela est un peu complexe, nous avons mis en place les aides directes et confié à des personnes sur le terrain le soin de conseiller les entreprises. Mais nous mettons aussi tout en œuvre au plan national pour les aider à passer cette crise sans trop de douleur. Je reconnais que celle-ci existe – le prix de la baguette a augmenté tout comme celui de la galette des rois –, mais les consommateurs, les entrepreneurs et l’État partagent le coût.
J’aurai sans doute l’occasion de revenir sur l’Europe un peu plus tard dans la soirée, mais je signale d’ores et déjà que tout ce que nous faisons est régi par les aides d’État européennes que nous avons adaptées pour aider nos entreprises. La parole est à Mme Félicie Gérard. Depuis maintenant plusieurs mois, les entreprises et, singulièrement, les TPE et PME, subissent de plein fouet les conséquences des crises énergétiques et géopolitiques combinées, et supportent des hausses parfois insoutenables du prix de l’énergie. Dès les premiers signes de cette crise énergétique. Nous avons, Gouvernement et Parlement, agi pour tenter de contenir ces hausses. Des dispositifs successifs ont été adoptés et améliorés au fil des mois, en permettant de contenir les coûts de manière plus efficace que nos voisins européens. Dès ce mois de janvier, l’amortisseur électricité vient ainsi compléter le bouclier tarifaire existant. Ces dispositifs sont bienvenus car ils permettent une prise en charge par l’État de jusqu’à 40 % de la hausse des factures que subissent les entreprises. Il nous faudra néanmoins les évaluer rapidement pour en mesurer l’efficacité réelle.
Le Président de la République a aussi annoncé jeudi dernier que le Gouvernement demanderait prochainement aux fournisseurs d’électricité de revoir les contrats comprenant des tarifs situés au-dessus des prix de référence fixés par la CRE.
Mais ces dispositifs restent encore largement méconnus de bon nombre de petites entreprises se sentant démunies face à ces hausses sans autre interlocuteur qu’un énième numéro vert. L’un des enjeux des jours à venir sera donc de faire connaître ces dispositifs dans nos circonscriptions. Pour cela, si notre mobilisation en tant que parlementaires est essentielle aux côtés des collectivités locales, l’État doit, lui aussi, déployer des dispositifs d’information et d’accompagnement au plus près des besoins des territoires, afin de s’assurer de l’efficacité des dispositifs de soutien créés.
Quels dispositifs le Gouvernement met-il en place pour informer et accompagner – j’insiste sur ce dernier terme, car il faut aller bien au-delà de l’information – les entreprises de notre territoire ? La parole est à M. le ministre délégué. Merci, madame Gérard, de me donner l’occasion de détailler la manière dont le Gouvernement compte accompagner et informer les entreprises. Suivant les instructions du Président de la République, dès vendredi, Bruno Le Maire, Olivia Grégoire et moi-même avons convoqué à Bercy les fournisseurs d’énergie qui se tiennent prêts d’ores et déjà à revoir les contrats des TPE. Le premier message très important à leur transmettre est de les inciter à se manifester auprès de leurs fournisseurs car ces derniers ne savent pas si elles comptent neuf, dix ou onze salariés. Elles doivent leur adresser un formulaire, disponible sur le site economie.gouv.fr. Il leur suffit d’attester sur l’honneur que leur société appartient bien à la catégorie des TPE, qu’à ce titre, elles ont le droit de bénéficier d’un prix de l’électricité limité à 280 euros par mégawattheure et cette mesure leur sera appliquée.
En outre, dans chaque département, un conseiller de la direction générale des finances publiques (DGFIP) sera là pour aider les entreprises dans leurs démarches. Ils effectueront des tournées pour se rendre eux-mêmes auprès d’elles et les sensibiliser à ces aides. Bien évidemment, les chambres de commerce et de l’industrie (CCI) et les chambres des métiers et de l’artisanat (CMA) conseilleront leurs membres sur tous les dispositifs d’aides, lesquels, je le reconnais, peuvent parfois paraître complexes. Les entreprises bénéficieront donc bel et bien d’un accompagnement. La parole est à M. Thierry Benoit. Je vais poser la question que mon collègue Jérémie Patrier-Leitus, que vous voudrez bien excuser, comptait vous adresser. Il se félicite tout d’abord de l’accord que le Gouvernement a pu trouver le 6 janvier dernier avec les énergéticiens sur un prix moyen du mégawattheure limité à 280 euros. Il se préoccupe néanmoins du cas des artisans, des boulangers et des TPE et voudrait appeler l’attention du Gouvernement sur la situation des copropriétés dont certaines ont vu leur budget exploser du fait de l’augmentation des prix de l’énergie.
Il se réjouit qu’un plafond similaire à celui appliqué aux TPE soit étudié pour les copropriétés ou les bailleurs de logements collectifs ayant souscrit des abonnements de fourniture d’énergie trop élevés. Il vous demande de bien vouloir détailler les modalités de contrôle qui seront mises en œuvre pour assurer que ce tarif garanti sera respecté par l’ensemble des fournisseurs d’électricité.
Par ailleurs, il aimerait savoir si vous envisagez d’étendre le bénéfice de cette mesure aux PME de manière simple, sans qu’elles aient besoin de renégocier leur contrat au cas par cas.
Troisième question : ce tarif de 280 euros par mégawattheure sera-t-il une moyenne lissée sur l’ensemble de l’année 2023 ou s’agit-il d’un plafond appliqué du mois de janvier au mois de décembre 2023 ?
Dernière question, monsieur le ministre : pouvez-vous nous donner des précisions sur la manière dont ces mesures seront financées ? Quelle sera la part de réduction réellement prise en charge par les énergéticiens ? La parole est à M. le ministre délégué. Vous remercierez M. Jérémie Patrier-Leitus pour ses questions. Ces 280 euros correspondent à une moyenne sur l’année. Vous savez en effet que les prix intègrent des tarifs d’hiver et des tarifs d’été, des tarifs d’heures creuses et des tarifs heures pleines. C’est à partir de l’estimation de cette moyenne annuelle que le fournisseur calculera le tarif moyen appliqué aux TPE afin que celui-ci soit inférieur dès le début de l’année à 280 euros.
Pour ce qui concerne l’extension du dispositif aux PME, j’aimerais renvoyer à la dernière question posée : qui paie et comment paie-t-on ? Ce plafonnement va coûter beaucoup d’argent, il faut que nous en soyons bien conscients et, avant de l’appliquer à d’autres catégories d’entreprises, il faut évaluer les dispositifs qui bénéficient déjà aux PME et aux entreprises industrielles que je connais bien.
S’agissant des copropriétés, je vous indique que trois décrets relatifs à l’application du bouclier tarifaire à l’habitat collectif ont été publiés le 31 décembre 2022. Ils concernent le bouclier tarifaire collectif sur l’électricité au titre de la fin de 2022, le bouclier tarifaire sur le gaz pour 2023 et le bouclier tarifaire collectif sur l’électricité pour 2023. Les choses paraissent claires mais si votre collègue souhaite obtenir des réponses complémentaires, il pourra bien sûr s’adresser à mon collègue Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement. La parole est à M. Didier Lemaire. Je souhaite tout d’abord remercier le Gouvernement pour l’ensemble des dispositifs mis en place, pour sa réactivité et pour sa capacité à s’adapter en permanence afin d’aider les entreprises et nos concitoyens à faire face à cette hausse inédite des prix de l’énergie.
Je souhaite, monsieur le ministre délégué, vous interroger au sujet de la situation des fonds de dotation. Organismes privés non lucratifs concourant à une mission d’intérêt général, ils sont confrontés à des problèmes similaires à ceux que rencontrent les copropriétés avec le chauffage collectif. Ils sont généralement adossés à des associations relevant du champ de l’économie sociale et solidaire dans les domaines du handicap ou de l’insertion, comme c’est le cas de l’APEI Sud Alsace – Association de parents et d’amis de personnes handicapées mentales du Sud Alsace – fondée en 1971.
Le fonds de dotation APEI Sud Alsace qui lui est associé est propriétaire de bâtiments qui abritent tant les activités de l’association que des logements. Il supporte l’ensemble des charges énergétiques. Son président m’a interpellé sur le contrat de gaz qui vient d’être renouvelé car il a constaté une multiplication par quatre du tarif du mégawattheure, lequel est passé de 40 euros à plus de 160. Or il semble que les fonds de dotation ne peuvent bénéficier d’aucune des aides mises en place par l’État ces derniers mois : c’est pourquoi j’aimerais savoir, monsieur le ministre, ce que le Gouvernement compte faire pour eux. Les associations assurent le maillage social de notre territoire et doivent, à ce titre, je suis sûr que vous en conviendrez, bénéficier de protections tarifaires. La parole est à M. le ministre délégué. Effectivement, monsieur Lemaire, il n’y a pas de raison pour que les associations ne bénéficient pas du dispositif d’aide mis en place. Je vous confirme qu’elles seront éligibles, tout comme les fonds de dotation, à l’amortisseur visant à limiter la hausse des factures. L’augmentation que connaît le fonds de dotation que vous évoquez me paraît importante mais les tarifs en question ne sont pas non plus prohibitifs pour reprendre le terme employé par Thierry Benoit. D’autres entités font malheureusement face à des augmentations bien plus sévères. Si vous avez besoin de précisions sur ce cas, nous serons très heureux de vous fournir des informations détaillées. La parole est à M. Nicolas Thierry. Depuis plus d’un an, nous traversons une crise énergétique d’une ampleur égale sinon supérieure à celle du premier choc pétrolier de 1973. Elle s’annonce durable mais aurait pu être anticipée voire évitée, grâce à l’activation de trois leviers : la sobriété, l’efficacité énergétique et le développement massif des énergies renouvelables. Ce constat est posé depuis longtemps et des objectifs ont été fixés en conséquence. Le Grenelle de l’environnement proposait ainsi dès 2007 une trajectoire cohérente. Rappelons, à cet égard, un fait dont on ne parle pas assez : si nous avions atteint un seul de ses objectifs, celui qui a trait à la rénovation des bâtiments, nous ne serions aujourd’hui plus dépendants du gaz russe. Nous sommes ici très loin de ce que certains appellent l’écologie punitive.
À force d’actions non engagées, d’objectifs non tenus, de manque d’ambition, de renoncements, nous sommes au pied du mur, ce qui nous place dans l’obligation d’agir dans l’urgence en tentant de limiter la casse par un bouclier tarifaire. Or celui-ci présente plusieurs écueils : il n’incite pas à réduire la consommation d’énergie et subventionne autant les besoins vitaux des plus modestes que l’énergie superflue consommée par les plus aisés. Les foyers qui peinent à chauffer leur logement reçoivent un accompagnement financier inférieur à ceux qui chauffent leur piscine en hiver, en raison du choix que vous avez fait d’accompagner toutes les dépenses énergétiques, sans aucune distinction, ce qui est pour le moins paradoxal quand on affiche un objectif de sobriété.
Il nous paraît pourtant absolument nécessaire de distinguer l’énergie dite vitale, utilisée notamment pour se chauffer, se laver et manger, de l’énergie dite superflue. C’est pourquoi le groupe Écologiste-NUPES propose une autre solution reposant sur un principe simple : en dessous d’un certain seuil correspondant à la consommation moyenne d’un foyer français, tous les ménages bénéficieraient d’un prix fortement administré, inférieur au tarif du bouclier actuel, ce qui permettrait de protéger ceux qui en ont le plus besoin ; au-delà de ce seuil, toute consommation serait facturée au prix du marché, ce qui serait puissamment désincitatif. Cette proposition, je le précise, s’inspire de l’économiste Jean Pisani-Ferry.
Ma question sera simple : le Gouvernement est-il prêt à faire évoluer l’actuel bouclier tarifaire pour aller dans le sens d’une plus grande justice écologique et sociale ? La parole est à M. le ministre délégué. J’ai du mal à adhérer à votre analyse de notre dépendance au gaz russe dans le contexte du conflit en Ukraine : comment imaginer que la seule isolation thermique des bâtiments aurait permis à l’Europe d’être complètement préservée d’un choc de même ampleur que la crise des années soixante-dix, choc dont on sait l’impact sur les ménages et sur nos industries – je le constate au jour le jour ? Ce sont les chiffres ! Parmi les réponses à cette crise, vous avez mentionné la sobriété. À ce sujet, je tiens à saluer l’ensemble des acteurs qui en ont fait preuve. Comme vous le savez, la consommation de gaz et d’électricité a baissé ces dernières semaines de près de 10 % et, dans l’industrie, cette diminution atteint près de 20 %. Les efforts de sobriété ont donc été faits et je ne doute pas qu’ils devront être poursuivis, car la hausse des prix de l’énergie semble malheureusement durable, même si j’espère, comme c’est le cas actuellement, que nous retrouverons des niveaux plus raisonnables que ceux que nous avons connus au plus fort de l’été.
Vous avez fait des propositions sur l’application différenciée de tarifs énergétiques, autrement dit sur la manière de mieux partager la douleur entre les différents ménages, et nous sommes bien évidemment prêts à les examiner en détail. J’y vois néanmoins une solution très complexe à mettre en œuvre pour les distributeurs d’énergie, lesquels n’ont pas connaissance du revenu ou de la consommation des ménages, d’autant que gaz et électricité sont distincts l’un de l’autre. J’aimerais disposer d’une estimation de l’impact de cette proposition sur l’inflation globale. Répétons qu’en France, l’inflation est la plus basse de la zone euro. Cela explique d’ailleurs en partie la très bonne résilience de l’économie française face à cette crise historique. J’espère que votre mesure n’aurait pas un effet inflationniste trop marqué. La parole est à Mme Cyrielle Chatelain. Sous la dernière législature, les bailleurs sociaux ont subi une ponction sans précédent sur leur financement du fait de la réduction de loyer de solidarité (RLS) qui a affaibli leur capacité à rénover les logements. Par ailleurs, je confirme ce qu’a dit mon collègue, même si vous avez du mal à le croire : les chiffres sont très clairs, si l’objectif de rénovation des logements fixé dans le Grenelle avait été atteint, la France n’aurait plus été dépendante du gaz russe.
Les bailleurs sociaux subissent, comme tout le monde la hausse des prix de l’énergie, mais ils ont aussi été confrontés aux incertitudes entourant la première version du bouclier tarifaire, qui pénalisait les habitants des immeubles collectifs chauffés au gaz ou à l’électricité. Le manque d’anticipation face à cette crise a créé une grande incompréhension parmi les locataires du parc social. Pour 36 % d’entre eux, ils vivent sous le seuil de pauvreté et ne peuvent pas faire face à une telle hausse des prix.
À la suite des alertes répétées des bailleurs sociaux, le Gouvernement a pris le 31 décembre dernier des mesures détaillant enfin les aides en faveur de l’habitat collectif. C’est une très bonne chose pour l’ensemble des locataires. Les bailleurs sociaux devront néanmoins porter le poids de ce bouclier puisque le versement des aides se fera au mieux deux mois après la fin des périodes d’éligibilité, ce qui va affecter leur trésorerie déjà affaiblie. Alors qu’il est apparu dès le début évident aux propriétaires de maisons individuelles qu’ils seraient protégés, il a fallu aux locataires du parc HLM attendre des mois pour être certains de l’être aussi. Ces difficultés démontrent que ce bouclier tarifaire n’a pas été pensé pour protéger en priorité les ménages les plus fragiles.
Comme mon collègue Nicolas Thierry l’a rappelé, le bouclier tarifaire subventionne de la même manière l’énergie superflue consommée par les plus aisés et les besoins vitaux des plus modestes. Or les volumes d’énergie consommés sont bien plus importants chez les ménages les plus aisés : les 10 % de Français les plus aisés consomment quatre fois plus que les ménages les moins riches. Veuillez conclure, je vous prie. Ce sont donc les ménages les plus riches qui ont davantage bénéficié de ce bouclier tarifaire. Monsieur le ministre délégué, je vous poserai la même question que mon collègue : êtes-vous prêt à faire évoluer ce bouclier tarifaire pour qu’il soit plus juste et protège pleinement l’ensemble des Français les plus pauvres ? La parole est à M. le ministre délégué. Vous pouvez nous tenir responsables de tous les maux du monde mais le Grenelle de l’environnement remonte à 2007. Nous sommes comptables des mesures prises sous la majorité à laquelle j’ai eu l’honneur d’appartenir lors de la dernière législature. Votre parti était membre de la précédente. Merci de revenir vers les responsables de l’époque… Emmanuel Macron était à l’Élysée sous François Hollande, non ? …s’agissant des efforts insuffisants qui ont été consentis en matière de rénovation des passoires thermiques, processus que nous avons fortement accéléré, y compris d’un point de vue réglementaire. Vos collègues, moins nombreux sous la législature précédente, nous demandaient régulièrement l’interdiction progressive de la location de ces passoires et c’est cette majorité qui a mis en œuvre cette mesure, sur la base de propositions de ce gouvernement.
En ce qui concerne l’impact sur la justice sociale et les inégalités des mesures que nous avons engagées, reconnaissez tout de même que la France est championne d’Europe sur un point : le pouvoir d’achat continue d’augmenter depuis trois ans malgré la crise sanitaire et la crise énergétique. Reconnaissez aussi, cela a été salué par les plus grands organismes, que la pauvreté a moins augmenté dans notre pays, elle n’a même pas augmenté, à l’issue de la crise sanitaire, grâce également aux mesures prises par ce Gouvernement. Reconnaissez, enfin, tous les chiffres le prouvent, que la croissance économique, le chômage, l’emploi se tiennent bien mieux en France que partout ailleurs en Europe, là encore grâce à ces mesures. Nous pouvons réfléchir à des mesures supplémentaires, mais je crains que nous n’en arrivions à complexifier un système qui, cela a été rappelé sur d’autres bancs, n’a pas besoin de l’être.
Reconnaissons avant tout que ce qui a été réalisé jusqu’à présent fonctionne plutôt bien, y compris pour les immeubles collectifs puisque des décrets ont été publiés le 31 décembre dernier : ils sont bien concernés par tous les dispositifs. La parole est à M. Jean-Marc Tellier. Monsieur le ministre délégué, il serait absurde de dire que vous n’avez rien fait pour affronter la crise des prix de l’énergie ; mais il est juste de dire que vous avez fait n’importe quoi. Chez moi, dans le Pas-de-Calais, les PME, les petites et moyennes industries (PMI), les boulangers, les commerçants, vous alertent depuis des mois sur l’usine à gaz que vous avez instaurée pour affronter la crise qui frappe durement l’économie réelle. Chez moi, dans le Pas-de-Calais, plus d’un mois à peine après l’inscription de la baguette au patrimoine immatériel de l’humanité par l’Unesco, les boulangers vous demandent de les protéger dans les actes. Certains ont vu leur facture d’électricité multipliée par quatre ou cinq. Chez moi, dans le Pas-de-Calais, les collectivités locales s’inquiètent de l’explosion des tarifs de l’électricité et du gaz et vous demandent des mesures fortes, afin de ne pas être contraintes de laisser exploser les tarifs, voire de fermer des services publics locaux. La multiplication des guichets d’aide et des dispositifs est non seulement coûteuse pour les finances publiques, mais aussi inefficace.
Vous avez renoncé à contraindre les énergéticiens et à réformer le marché européen de l’énergie. Nous avons pourtant besoin de revenir à des tarifs réglementés de vente de l’électricité et du gaz pour l’ensemble des ménages, des entreprises et des collectivités locales, et de rompre avec la logique libérale. Monsieur le ministre délégué, entendez-vous profiter du précédent de l’Espagne et du Portugal pour exiger de l’Europe qu’elle protège ? C’est urgent. La parole est à M. le ministre délégué. Je vous remercie, monsieur le député, pour vos questions, notamment la dernière, qui me permettent de préciser certains points. Non, l’Espagne et le Portugal ne sont pas sortis du marché européen et, non, les Espagnols et les Portugais ne sont pas complètement exemptés, loin de là, des hausses du prix de l’énergie observées partout en Europe du fait de la guerre en Ukraine. Regardez la facture d’un ménage espagnol dont le prix facial est effectivement plus faible mais qui, en contrepartie, paie une taxe importante. Au final, il n’y a pas d’argent magique : l’Ukraine est en guerre, le coût de l’énergie a augmenté, l’Espagne et le Portugal, comme la France, doivent en payer les frais.
Je le répète, grâce aux mesures du Gouvernement, l’inflation en France est la plus faible d’Europe, y compris si on la compare à celle observée en Espagne et au Portugal. C’est vrai dans le Pas-de-Calais, en Seine-et-Marne, comme partout en France : notre pays est mieux protégé qu’un autre. C’est faux ! Nous aidons tous les boulangers qui ont pu, à raison, se plaindre des hausses importantes de leurs factures. Nous le faisons grâce à la possibilité de cumuler le bouclier à 280 euros par mégawattheure, l’amortisseur électricité et le guichet d’aide au paiement des factures ; des agents sont prêts, sur le terrain, à les aider. J’ajoute que la baguette a augmenté en France, tout comme la galette ou les pâtisseries. Nous sommes malheureusement en train de partager les coûts d’une crise importante. J’en appelle à la solidarité nationale, y compris, vous l’avez évoqué, aux fournisseurs d’énergie que nous avons convoqués plusieurs fois à Bercy. En réalité, ils paient une bonne partie de la note, à travers tout d’abord une contribution exceptionnelle sur les profits que la présente majorité a votée et qui leur coûte quelques milliards d’euros et, ensuite, parce qu’ils vont devoir payer une partie du coût du bouclier à 280 euros. La parole est à M. Hubert Wulfranc. Certes, le bouclier tarifaire a été prolongé jusqu’au 30 juin prochain. Vous admettrez toutefois qu’il est objectivement beaucoup moins protecteur désormais, puisque les particuliers subissent une hausse des tarifs de 15 % sur le gaz depuis le 1er janvier et de 15 % sur l’électricité à partir du 1er février prochain. Certes, 40 % des foyers les plus modestes, soit 12 millions de ménages, ont bénéficié d’une allocation de 100 ou de 200 euros en décembre et une aide exceptionnelle a par ailleurs été consentie aux ménages modestes se chauffant au fioul ou principalement au bois. Si ces mesures sont bien évidemment nécessaires, elles s’inscrivent dans une logique de coup par coup qui soulage un peu les intéressés mais ne règle rien sur le fond.
L’instauration du chèque énergie, dispositif qui a désormais une historicité, n’a pas empêché l’an passé une hausse préoccupante des difficultés de paiement des factures d’énergie pour un quart des Français. L’explosion des stratégies de restriction de chauffage, en réalité ce qu’on appelle élégamment la « sobriété subie », a bondi de 50 % en 2020 et de 60 % en 2021. Lors des débats budgétaires, les députés communistes ont insisté sur la nécessité de revaloriser le montant du chèque énergie, qui concerne 5,8 millions de ménages, afin de leur permettre d’accéder à un niveau normal de consommation d’énergie.
Afin de sortir les ménages de leur situation de précarité énergétique, êtes-vous prêts à augmenter le niveau global du chèque énergie et à indexer par la suite son montant sur l’évolution des tarifs réglementés de vente, plutôt que d’accorder des aides exceptionnelles ? La parole est à M. le ministre délégué. Vous l’avez évoqué rapidement mais c’est important de le rappeler, malgré la hausse de 15 % des tarifs de l’électricité et du gaz votée dans cet hémicycle, qui maintient un bouclier énergétique unique en Europe, les Français paient l’énergie à des tarifs qui n’ont aucune commune mesure avec ceux appliqués en Allemagne, au Royaume-Uni ou ailleurs, où l’énergie a augmenté d’un facteur cinq pour les ménages, qu’ils soient modestes ou non.
La France a institué un dispositif de protection très fort. Vous l’avez rappelé, il a été complété par le bouclier tarifaire qui est maintenu jusqu’au 30 juin. Le Parlement, potentiellement à l’occasion de l’examen d’un projet de loi de finances rectificative, pourra éventuellement évoquer d’autres dispositifs. Actuellement, nous le constatons dans les résultats macroéconomiques de la France, les consommateurs et les TPE sont très bien protégés ; c’est un peu plus compliqué pour les grandes entreprises, mais elles le sont également. J’en veux pour preuve une inflation historiquement faible par rapport à n’importe quel autre pays européen, un revenu des ménages qui s’est stabilisé en fin d’année et qui reste en hausse par rapport à la période de la crise sanitaire – nous sommes le seul pays d’Europe dans ce cas –, une croissance en progression et un chômage qui continue de baisser. La parole est à M. David Taupiac. Faute d’anticipation du Gouvernement, les conséquences de la crise énergétique placent les TPE et les PME dans une situation d’extrême péril. Dans le Gers, si les 155 boulangeries sont les plus touchées, il faut y ajouter les bouchers, les conserveurs, les brasseurs, les restaurateurs, les éleveurs et toutes les petites entreprises ayant des activités productives.
La séquence d’annonces successives à l’emporte-pièce ces derniers jours a ajouté à une situation déjà chaotique une complexité qui ne fait qu’exacerber la colère et le mécontentement. Ainsi, certaines boulangeries gersoises ayant également une activité pâtisserie qui leur fait franchir le seuil de dix salariés, sont exclues des dernières annonces, ce qui est injuste et inacceptable. Car si les TPE et les PME irriguent économiquement les territoires ruraux, les boulangers en sont le cœur : une boulangerie qui ferme, c’est un village qui meurt.
C’est pourquoi je poserai quatre questions : le bouclier tarifaire fixé à 280 euros par mégawattheure inclut-il la totalité des aides existantes, amortisseur et guichet ? Cela correspond-il au prix fournisseur ou au prix total pour l’entreprise, incluant le coût d’acheminement ? Dans la mesure où le contrôle des effets des prix de l’énergie passe, à court terme, par l’utilisation de la dette publique, pourquoi ne pas demander une dérogation temporaire, à l’instar de l’Espagne et du Portugal, qui pourront s’affranchir exceptionnellement du marché énergétique européen pour les douze prochains mois au moins ? Enfin, alors que le prix de l’eau s’annonce comme la prochaine étape des symptômes d’une crise qui s’étend, il y a urgence à repenser en profondeur la réforme du marché européen de l’énergie. En la réinvestissant comme un bien commun et une ressource stratégique, sa gestion et sa régulation doivent être confiées à la puissance publique et non à un marché volatil, soumis aux spéculateurs. Quelle est votre vision à long terme à ce sujet ? La parole est à M. le ministre délégué. Je vous rejoins sur le fait que les boulangers, les brasseurs, les bouchers et tous les artisans, de votre beau département notamment, doivent être aidés et nous le faisons. Ils sont tous concernés par les dispositifs annoncés : soit par le tarif réglementé pour ceux qui consomment moins de 36 kilovoltampères, soit par le tarif de 280 euros le mégawattheure mentionné par le Président de la République la semaine dernière pour les autres. Pour répondre à votre question, ce tarif s’entend hors coût d’approvisionnement mais peut, en revanche, être cumulé avec les autres dispositifs d’aide que sont l’amortisseur et le guichet pour les entreprises dont la facture a fortement augmenté. Au total, ces aides sont très importantes : un plafond à 280 euros le mégawattheure, je le répète, un amortisseur dont l’ordre de grandeur est de 50 euros le mégawattheure et le guichet qui dépendra de la consommation effective des TPE que vous évoquez.
Pour ce qui est de la réforme du marché européen, nous partageons votre diagnostic, vous le savez. Nous souhaitons le réformer en profondeur et les discussions progressent : nous avons déjà obtenu quelques victoires, telles que celle concernant les achats groupés de gaz qui seront institués dès ce printemps, ou encore le plafonnement du prix du gaz à 180 euros le mégawattheure. Il nous reste à découpler complètement le prix de l’électricité de celui du gaz : nous y travaillons et je suis sûr que les prochains sommets européens permettront de conclure cette avancée. Très bien ! La parole est à M. David Taupiac, pour poser une seconde question. La crise affecte durement les TPE et les PME, ainsi que les artisans qui disposent souvent d’une trésorerie limitée. Elle touche aussi particulièrement les métiers liés à l’alimentation : bouchers, charcutiers, boulangers, agriculteurs et producteurs. Certains limitent déjà leur activité et suspendent les contrats de leurs salariés. Lorsque l’on passe d’une facture d’électricité de 10 000 euros à 50 000 euros et que les aides d’État la ramènent à 38 000, il reste tout de même un surplus à payer de 28 000 euros – je cite un exemple de Bercy. Il est primordial de protéger activement l’ensemble de ces professionnels ; à défaut, la grande distribution sera la grande gagnante de la crise.
Sur le terrain, je suis sollicité par de nombreux professionnels de tous secteurs, qui pâtissent des effets de seuil et qui ne peuvent pas bénéficier des différents dispositifs d’aide : c’est le cas de ceux qui accueillent de nombreux apprentis, considérés comme des salariés, et qui se voient opposer un refus systématique de la DGFIP. Il m’avait pourtant semblé que Bercy avait annoncé être prêt à se pencher sur tous les dossiers, au cas par cas. Pourriez-vous me confirmer cette volonté et préciser à qui s’adresser ? S’agit-il de la DGFIP ou de la préfecture ?
Deuxième question : pouvez-vous nous indiquer pourquoi le mode de calcul est fondé sur le chiffre d’affaires, qui doit être annuellement inférieur à 2 millions d’euros, et non pas sur les résultats de l’entreprise, ce qui aurait pour conséquence d’atténuer les effets de seuil ?
Troisièmement, nos professionnels demandent de la visibilité sur les évolutions du coût de l’énergie. Pourriez-vous nous préciser les prévisions réalisées par vos services et vous engagez-vous à les diffuser régulièrement ?
Quatrièmement, le remboursement des prêts garantis par l’État (PGE) vient s’ajouter aux charges énergétiques, ce qui rend la situation d’autant plus difficile et achève d’assécher les trésoreries. Une mesure visant à retarder le remboursement de ces prêts est-elle envisageable ?
Enfin, à la suite des PGE, des PGE résilience ont été créés, visant à soutenir les entreprises affectées économiquement par la guerre en Ukraine. Le coût de l’énergie étant très directement lié à cette guerre, les entreprises peuvent-elles y recourir pour couvrir les factures d’électricité ? La parole est à M. le ministre délégué. Je vous remercie pour ces questions qui complètent la précédente. Les aides sont bien calibrées pour couvrir l’ensemble des entreprises de votre département, qu’elles soient très petites, petites, moyennes ou plus grandes. Pour répondre à votre première question, il convient de s’adresser à la DGFIP : le conseiller départemental à la sortie de crise, dont les coordonnées sont disponibles en ligne dans chaque département, est au service des entreprises pour les conseiller sur la meilleure manière d’accéder à l’ensemble des aides.
Vous me demandez aussi pourquoi le calcul se fonde sur le chiffre d’affaires plutôt que sur le résultat : la réponse est que c’est plus simple, cela peut être mesuré tous les mois et permet de moduler les aides au cas par cas et pas seulement sur l’ensemble de l’année : vous comprenez bien que, si nous demandons aux entreprises concernées de revenir vers nous dans un an, avec leurs résultats, pour déterminer si elles sont éligibles ou non à une aide, certaines d’entre elles auront, malheureusement, déjà mis la clef sous la porte. C’est pourquoi nous souhaitons accompagner les entreprises au plus près.
Par ailleurs, le coût de l’énergie est très difficile à prévoir. Après avoir atteint 1 000 euros le mégawattheure cet été, il est redescendu à 150 euros actuellement, soit à peine 50 % de plus que son niveau antérieur à la guerre en Ukraine. Ce prix est très volatil et sa fluctuation dépend largement de l’évolution du conflit – en la matière, nous sommes soumis à des impondérables. Nous espérons que la hausse tarifaire considérable que nous avons connue cet été était exceptionnelle, et qu’elle ne perdurera pas.
La logique est la même concernant les PGE : nous étudions la situation des entreprises au cas par cas, et le Médiateur de l’entreprise est à leur disposition pour les aider. Les conseillers départementaux à la sortie de crise sont aussi là pour accompagner les entreprises dans chaque département. La parole est à M. Philippe Dunoyer. Le bouclier tarifaire de l’électricité occupe une place importante parmi les mesures que le Gouvernement a prises en faveur des ménages, et qui ont contenu l’inflation à un niveau moins élevé que dans le reste de l’Europe. Tous les ménages français en bénéficient, à deux exceptions importantes : la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française en sont exclues. Elles sont les seuls territoires ultramarins à ne pas profiter de la péréquation tarifaire nationale.
En Nouvelle-Calédonie, les tarifs publics de l’électricité étaient déjà près de deux fois supérieurs aux tarifs nationaux il y a un an. Ils ont été revalorisés de 8 % en 2022, et une nouvelle hausse de 3 % aura lieu début 2023. Malgré cela, l’opérateur public et principal producteur, la société Enercal, perd 4 millions d’euros par mois : en effet, ses charges de gestion et de développement, qui n’étaient déjà pas totalement couvertes par les tarifs publics, ont subi l’explosion des prix internationaux du fioul et du charbon. À titre de comparaison, cela équivaudrait pour EDF à perdre l’équivalent de 10 milliards d’euros par an.
La collectivité de Nouvelle-Calédonie, dont c’est la compétence, a apporté à Enercal un soutien financier exceptionnel. Or, rencontrant elle-même de grandes difficultés budgétaires, elle n’a pu mobiliser que 12,5 millions d’euros, ce qui n’est pas à la hauteur du problème. Enercal, qui n’a plus de capacité d’emprunt, estime qu’elle ne pourra plus honorer les commandes de combustible à la mi-2023 au plus tard.
J’en appelle à ce que la solidarité nationale, dont bénéficient les autres territoires d’outre-mer en matière d’électricité, s’applique aussi – au moins partiellement – aux Calédoniens. Je suis conscient que, du fait de la répartition des compétences, la Nouvelle-Calédonie ne peut pas être incluse dans le périmètre de la péréquation nationale ; toutefois, d’autres voies sont possibles comme les subventions, les garanties d’emprunt ou les avances remboursables.
Le Gouvernement est-il prêt à participer au sauvetage du principal opérateur de réseau électrique calédonien, et à étudier les modalités possibles de cette aide ? La parole est à M. le ministre délégué. Je vous remercie pour cette question très précise, à laquelle je me permettrai de répondre en lisant des explications que j’espère tout aussi précises. Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie est seul compétent en matière d’énergie. En conséquence directe de cette spécificité, la Nouvelle-Calédonie est chargée d’assurer la soutenabilité de son modèle de production et de distribution. De fait, comme vous le signalez, les aides qui valent dans l’ensemble du territoire national en matière d’énergie ne s’appliquent pas aux habitants et aux entreprises de Nouvelle-Calédonie.
Je suis toutefois sensible à la situation que vous décrivez et aux difficultés de l’opérateur public d’énergie Enercal, qui ont des incidences directes sur le quotidien des habitants et des entreprises. Je pourrais botter en touche, mais cela ne nous ressemble pas : je vous répondrai donc que ce sujet relève de débats institutionnels entre la France et la Nouvelle-Calédonie, et plus précisément des évolutions nécessaires de la politique énergique locale. De façon plus générale, les conditions de l’équilibre budgétaire de la Nouvelle-Calédonie ont vocation à être traitées dans le cadre des réflexions sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, organisées au sein des groupes de travail qui ont été annoncés par la Première ministre au terme de la convention des partenaires du 28 octobre dernier. Sans douter de la pleine mobilisation des ministres concernés, ni de celle du Président de la République et de la Première ministre, je ne manquerai pas de leur transmettre votre question afin qu’elle soit étudiée dans le cadre qui convient. La parole est à M. Yannick Haury. La semaine dernière, avec M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, vous avez annoncé de nouvelles mesures pour aider les boulangers à faire face à la hausse des prix de l’énergie. Ils traversent en effet de grandes difficultés. Dans chaque circonscription, leur désarroi devant l’augmentation des coûts de fabrication du pain émeut les citoyens comme les élus. La boulangerie est le symbole de la vie ; c’est une spécialité française. Il faut sauver les boulangeries, c’est évident !
Les aides que vous avez eu raison de créer se nomment « amortisseur électricité », « guichet d’aide au paiement des factures d’électricité et de gaz des entreprises », « report des charges », etc. Elles sont judicieuses, mais sont-elles réellement accessibles ? Les boulangers ont raison d’observer qu’ils savent faire le pain – et du bon pain, que tous les Français apprécient –, mais qu’ils n’ont ni le temps de s’approprier ces mesures, ni la formation administrative pour les faire aboutir. Je me fais leur porte-parole, ainsi que celui des artisans, des TPE et des PME, qui sont également confrontés à la hausse du coût de l’énergie : ils demandent que l’accès à ces mesures soit simplifié, et que leur application soit facilitée.
Le Président de la République est intervenu en ce sens, en réaffirmant son soutien aux TPE lors de ses vœux aux boulangers. Il est louable de prendre de bonnes mesures, mais encore faut-il qu’elles soient connues de tous, aisément accessibles et facilement applicables. Vous avez déjà amélioré la situation en diffusant une information au sujet de ces aides, puis en les déployant et en contrôlant leur application, afin que tous les artisans et entrepreneurs qui peuvent y prétendre en bénéficient réellement, sans devoir embaucher un administratif ou prendre des cours de gestion. Pourriez-vous faire le point sur le déploiement de l’ensemble de ces dispositifs de soutien ? La parole est à M. le ministre délégué. Les boulangers et les artisans sont au cœur des territoires : c’est pourquoi nous souhaitons avec ardeur nous assurer qu’ils surmonteront la présente crise sans trop de dommages. Les hausses tarifaires sont importantes ; comme je l’ai expliqué, elles résultent d’une crise qui se déroule aux portes de l’Europe, qui nous coûte à tous, et dont nous devons partager les frais. Le Président de la République l’a annoncé : nous « mettons le paquet » – si vous me permettez l’expression – sur les très petites entreprises, dont les boulangers font partie, en plafonnant les factures à 280 euros le mégawattheure. Ce dispositif est très simple : une fois que les TPE se seront déclarées comme telles auprès de leur fournisseur d’énergie, ce dernier devra s’assurer que leur facture ne dépasse pas 280 euros le mégawattheure. Ces très petites entreprises seront également éligibles à l’amortisseur électricité et au guichet d’aide au paiement des factures d’électricité et de gaz. Le cumul de ces aides induira une réduction très importante des factures pour la plupart des entreprises concernées.
Comment auront-elles connaissance de ces informations ? Tout d’abord par le biais des parlementaires – et je vous engage à les relayer auprès des artisans de vos circonscriptions. En outre, chaque département est doté d’un conseiller à la sortie de crise chargé d’accompagnement les entreprises. Au-delà, ces dernières peuvent recourir aux dispositifs habituels animés par les chambres consulaires, qu’il s’agisse des CCI ou des CMA, dont le rôle est d’aider leurs membres à solliciter ce type d’aides. J’estime que le dispositif est complet, y compris en matière d’accompagnement. Comme je l’ai déjà souligné, la France résiste mieux à la crise qu’aucun autre pays d’Europe. Nous le devons en grande partie à vos efforts et aux dispositions que vous avez adoptées dans le cadre du projet de loi de finances. Le bouclier énergétique, l’amortisseur électricité et le guichet d’aide au paiement des factures d’électricité et de gaz sont autant de mesures très utiles : merci de nous aider à en faire la publicité dans les circonscriptions. La parole est à Mme Caroline Janvier. Le mois dernier, monsieur le ministre délégué, vous détailliez l’ensemble des aides prévues par le Gouvernement pour accompagner les TPE et les PME face à la flambée des prix de l’énergie. Affirmons-le : tout est mis en œuvre pour que chaque problème rencontré trouve une solution et un accompagnement.
Ma question porte sur le dispositif d’aide au paiement des factures d’électricité et de gaz. Une entreprise pourra en bénéficier si elle remplit deux critères cumulatifs : le prix de son énergie doit avoir doublé, et ses dépenses d’énergie doivent représenter plus de 3 % de son chiffre d’affaires pendant la période où elle demande l’aide.
Je comprends la nécessité de fixer un seuil pour accéder aux mesures – comme dans chaque politique de soutien –, mais je déplore que ce dispositif exclue les entreprises dont les dépenses en énergie ont augmenté fortement, mais pas suffisamment pour être éligibles à cette aide. À titre d’exemple, une entreprise de ma circonscription a vu sa facture multipliée par 1,9, ce qui n’était pas suffisant pour qu’elle bénéficie du dispositif. Plutôt que de fixer des seuils, ne serait-il pas préférable d’appliquer une dégressivité des aides en fonction de l’évolution des prix de l’énergie ? Je reconnais que cette méthode serait plus complexe à déployer, mais elle aurait le mérite de répondre à l’ensemble des difficultés et des situations que rencontrent les entreprises. Nous ferions ainsi de l’aide au paiement des factures d’électricité et de gaz un complément bienvenu de l’amortisseur électricité pour l’ensemble des TPE et des PME. La parole est à M. le ministre délégué. Rassurez-vous, madame la députée, l’entreprise à laquelle vous faites référence, dont la facture a augmenté de 90 %, est désormais éligible à l’aide au paiement des factures d’électricité et de gaz. Vous faites partie des parlementaires qui nous ont alertés avec raison : avant le 15 novembre, il fallait que sa facture ait doublé pour qu’une entreprise soit éligible à cette aide. Nous avons réduit ce critère à 50 % d’augmentation – ce qui témoigne, incidemment, de notre capacité d’adaptation.
J’y insiste : nous ne souhaitons pas aider tout le monde ; ce n’est plus le « quoi qu’il en coûte ». Nous souhaitons aider les entreprises qui en ont le plus besoin. Je ne doute pas que c’est le cas de celle que vous avez évoquée : elle y a désormais accès, si ses dépenses d’énergie représentent plus de 3 % de son chiffre d’affaires au mois le mois. Je l’invite à se connecter dès demain au site impots.gouv.fr pour renseigner le simulateur qui lui permettra d’évaluer son aide, et pour remplir le formulaire de demande qui lui permettra de l’obtenir. La parole est à Mme Patricia Lemoine. La crise énergétique que nous traversons depuis de longs mois met à rude épreuve l’ensemble des forces économiques du pays. Pour y faire face, la réponse du Gouvernement est pourtant de taille : plusieurs dispositifs massifs de soutien économique ont été rapidement déployés et sont adaptés en temps réel, offrant aux entreprises une prise en charge par l’État pouvant atteindre 40 % du montant total de leurs factures d’énergie ; s’y ajoute désormais la garantie d’un tarif maximal de 280 euros le mégawattheure pour près de 600 000 TPE et PME.
Malgré la forte médiatisation du sujet et les prises de paroles répétées des pouvoirs publics – que nous relayons systématiquement dans nos territoires –, force est de constater qu’un certain nombre d’entreprises méconnaissent les aides auxquelles elles ont droit. Elles ont le sentiment que l’État ne fait rien pour elles, alors que ces mesures pèsent pour plusieurs dizaines de milliards d’euros dans les finances publiques.
Face à l’enjeu actuel, et compte tenu des conséquences désastreuses qu’auraient des faillites en cascade sur l’économie et l’emploi, il est urgent de renforcer la communication sur l’ensemble de ces aides auprès des publics cibles. De récentes mesures ont été annoncées pour les boulangers, comme la désignation d’un point de contact dans chaque préfecture et d’équipes mobiles. En outre, un courrier sera directement adressé aux entreprises. Ces mesures méritent néanmoins d’être simplifiées et de bénéficier d’un accompagnement renforcé. Une communication peut ainsi être systématisée auprès des relais professionnels que sont les CCI et les CMA, ou encore auprès des experts-comptables, qui sont des intermédiaires essentiels. Quelles mesures sont prises pour faire connaître au mieux les dispositifs qui ont été créés, et que nous soutenons ? La parole est à M. le ministre délégué. Merci, madame la députée, d’avoir rappelé l’ensemble des aides que nous avons créées, amplifiées et simplifiées, et sur lesquelles nous continuons de communiquer. C’est un défi majeur pour les boulangers, les pâtissiers, les bouchers ou autres, qui – je les comprends – ont mieux à faire que de consulter les sites internet du Gouvernement. Je vous engage tous à vous rapprocher des artisans de vos circonscriptions, pour nous aider à communiquer sur ces aides qui, je le répète, sont simples et disponibles.
Nous avons désigné des conseillers à la sortie de crise dans chaque département, pour aider les entreprises et aller à leur rencontre sur le terrain. Les CCI et les CMA apportent également leur concours. Ces modalités, qui ont bien fonctionné pendant la crise sanitaire, doivent être réactivées. Le dispositif d’aide est stabilisé et concerne un public large. Il est progressif et se renforce auprès des plus démunis : les ménages d’abord, puis les TPE. Les grandes entreprises sont également soutenues, mais dans une logique de guichet. Tout cela est désormais très clair et stabilisé. Nous avons besoin de toutes les forces – y compris parlementaires – pour expliquer l’ensemble des aides : je remercie d’ailleurs l’Assemblée nationale d’avoir organisé le présent débat, qui participe à la pédagogie collective. La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy. Mes questions portent sur le contrôle de l’argent des Français et la protection de leur pouvoir d’achat. Qu’en est-il de la juste répercussion de la ristourne et des centaines de millions d’euros qui ont été votés dans l’hémicycle concernant le maintien de prix bas du carburant ? Une étude a-t-elle été menée à ce sujet ? Les documents fournis à l’occasion du projet de loi de finances étaient plutôt inquiétants, en laissant penser que la ristourne n’était pas parfaitement appliquée.
Par ailleurs, Michel-Édouard Leclerc a affirmé, dimanche, que l’embargo sur le gazole russe entraînerait une hausse moyenne du coût du gazole de 10 centimes d’euros en France. Partagez-vous cette évaluation ? Quelles mesures le Gouvernement a-t-il prises pour diminuer les effets de l’embargo sur les consommateurs ? Comment peut-on également s’assurer que cet embargo ne créera pas en France de problèmes d’approvisionnement en matière de carburant ?
Par ailleurs, personne au Gouvernement n’a répondu à nos nombreuses sollicitations, dont celle de notre collègue Ballard, sur les mesures prévues par le Gouvernement pour le 1er juillet prochain, date à laquelle le tarif régulé du gaz sera supprimé par la législation européenne.
De la même façon, Mme Borne n’a jamais répondu à Mme Le Pen qui l’interrogeait sur les conditions tarifaires et d’exécution du contrat de gaz qui nous lie à l’Allemagne. Pourquoi la représentation nationale n’a-t-elle pas accès aux conditions effectives de ce contrat ? Ensuite, pourriez-vous nous expliquer la stratégie de négociation du Gouvernement quant à l’approvisionnement en gaz ? Comment peut-on, en guise de position de négociation initiale, annoncer un prix bloqué à plus de 280 euros le mégawattheure ? En adoptant une telle position de principe, comment voulez-vous négocier les prix à la baisse ?
Pourquoi la solidarité occidentale est-elle si faible lorsqu’il s’agit d’approvisionnement en gaz ? Pourquoi les conditions tarifaires conclues avec les États-Unis ne sont-elles pas plus favorables, alors que nous sommes tous solidaires de l’Ukraine et faisons face ensemble aux répercussions tarifaires du conflit ?
TotalEnergies s’était engagé à étudier l’idée d’une ristourne de 20 centimes sur le fioul ; pourquoi n’a-t-elle pas été appliquée ? Du point de vue de la politique de la concurrence, comment peut-on justifier que TotalEnergies n’ait pas appliqué la ristourne à tous ses concurrents, qui, de ce fait, n’ont pas pu s’approvisionner dans les mêmes conditions ?
Je vous remercie d’éclairer la représentation nationale au sujet de toutes ces questions techniques : elles méritent une réponse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) La parole est à M. le ministre délégué. Merci pour cette liste de questions dont vous reconnaîtrez que toutes n’entrent pas dans le sujet du présent débat – mais peu importe.
Vous m’interrogez sur l’impact de la ristourne. Je peux vous répondre que, depuis la suppression au 1er janvier de la ristourne de 20 centimes – 10 centimes financés par l’État, 10 centimes par le principal distributeur d’énergie –, les prix ont augmenté d’exactement 20 centimes. La ristourne était appliquée, elle ne l’est plus. Vous le savez bien, puisqu’elle avait été votée par l’Assemblée nationale. Elle a été remplacée par un dispositif spécifique destiné à soutenir les gros rouleurs.
Quant aux craintes que vous voulez entretenir quant à l’approvisionnement en carburant, je reconnais bien là la capacité inénarrable de votre parti à jouer sur les peurs des Français. (Protestations sur les bancs du groupe RN.) Il n’y a actuellement aucun problème d’approvisionnement en essence, en fioul ni en gasoil, en France ou ailleurs.
En ce qui concerne le dispositif prenant fin le 1er juillet, nous aurons l’occasion d’en reparler d’ici là ; si je ne m’abuse, le débat d’aujourd’hui concerne les aides à l’énergie dispensées aux ménages et aux entreprises, et j’espère pouvoir vous éclairer autant que possible à ce sujet.
Enfin, concernant vos questions relatives aux contrats intraeuropéens et aux contrats avec le reste du monde, je vous rappelle que les membres de l’Union européenne se sont mis d’accord pour effectuer des achats collectifs de gaz. Vous ne répondez pas aux questions ! J’imagine que vous êtes défavorable à l’idée de négocier avec nos partenaires européens des achats communs de gaz hors d’Europe, mais cela accroîtra le pouvoir de négociation des États européens, nous permettant ainsi de négocier efficacement à la baisse le prix du gaz. Ce n’est pas la question ! C’est ma réponse, monsieur Tanguy. Permettez-moi d’ajouter que la sortie du marché européen de l’énergie que vous préconisez aurait un tout autre impact sur les factures de gaz de nos concitoyens. La parole est à M. Joris Hébrard. Face à l’augmentation des prix de l’énergie, le Gouvernement propose des mesures de soutien nombreuses, mais inadaptées aux particuliers comme aux entreprises. On ne compte plus les exemples relayés par la presse de familles au bord de l’endettement définitif et d’entreprises ayant suspendu leur activité en raison de la flambée des prix énergétiques. Permettez-moi de me faire ce soir le relais de la parole d’une citoyenne de ma circonscription, mère célibataire, dont le Gouvernement a catégorisé en 2021 la profession comme essentielle.
Elle est propriétaire de son logement dans une copropriété où le chauffage est assuré par une chaudière collective et où le paiement de la facture de gaz relève des compétences du syndic. Toutefois, le syndic étant une personne morale, les boucliers tarifaires ne trouvent pas d’application immédiate, conformément à vos décrets relatifs à l’aide en faveur de l’habitat collectif résidentiel face à l’augmentation du prix du gaz naturel. En effet, l’article 8 de ces décrets nos 2022-514 et 2022-1762 stipule : « L’aide […] est versée, sous forme d’avance, par l’Agence de services et de paiement dans un délai qui ne peut excéder 30 jours suivant la réception du dossier complet de la demande. »
Je vous prie maintenant de regarder au-delà du texte. La citoyenne dont je vous parle a toujours payé ses impôts, ses factures, ses charges et ses créances. Désormais, après avoir réglé ses dépenses obligatoires, il ne lui reste plus qu’une somme minimale pour subsister. Elle reçoit le 30 du mois un salaire de 1 800 euros, puis elle paie le 1er du mois 800 euros pour rembourser un emprunt immobilier et le 5 du mois 850 euros de charges à son syndic. En l’espace d’une semaine, 90 % de son revenu a disparu. Elle lui reste 150 euros pour finir le mois, alors que celui-ci commence à peine. Qu’est-ce que le père Noël a offert à sa fille méritante ? Très peu, car le père Noël, lui aussi, attend l’avance de l’Agence de services et de paiement (ASP) qui n’arrive pas. Sa petite entreprise n’est pas couverte non plus par le bouclier tarifaire, et il lui reste si peu pour payer ses employés, car dans cinq mois, selon les informations que nous avons pu obtenir, la régularisation de sa situation aura lieu pour la période de juin à novembre 2022.
Je vous invite à venir rencontrer cette personne pour lui expliquer que, dans les textes, sa situation n’existe pas. Je me ferai un plaisir de vous la présenter. Monsieur le ministre délégué, que comptez-vous faire pour améliorer les conditions de règlement des charges de copropriété relatives à l’énergie, afin que les résidents concernés puissent continuer à se maintenir hors gel sans devoir renoncer à un Noël de plus ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) La parole est à M. le ministre délégué. Je rappelle que trois décrets ont été publiés le 31 décembre 2022, disposant respectivement l’application du bouclier tarifaire collectif pour l’électricité au titre du second semestre 2022 – qui concernera la dame dont vous parlez –, l’application du bouclier tarifaire collectif pour le gaz en 2023 et l’application du bouclier tarifaire collectif pour l’électricité en 2023. Si la question que vous me posez requiert des explications précises sur le logement, je la transmettrai volontiers à mon collège Olivier Klein, qui y répondra dans le détail.
Je regrette bien sûr la situation que vous décrivez. Je vous rappelle que le Gouvernement s’est engagé à mettre en place la contemporanéité des aides sociales, qui permettra d’éviter les régularisations a posteriori . J’attends donc que cette mesure soit votée à l’unanimité, c’est-à-dire sur vos bancs comme sur d’autres. La parole est à M. Daniel Grenon. Le Gouvernement semble avoir entendu la détresse des boulangers, bouchers, charcutiers, traiteurs, restaurateurs, ou encore des responsables de pressing ou de laverie, bref, de quelques centaines de milliers d’entrepreneurs asphyxiés par la hausse considérable du prix des matières premières et par la hausse délirante des prix de l’énergie. Il y a répondu tout au long de la semaine par une pluie d’annonces. Mardi 2 janvier, Mme Borne déclare qu’elle veut accompagner chaque artisan en lui proposant des réponses adaptées et annonce l’organisation de points d’accueil dans chaque préfecture. Mais avec quels moyens humains compte-t-elle accomplir cela, puisque le service public a déserté nos circonscriptions ? Elle annonce aussi un possible report de charges sociales et fiscales pour les boulangers qui justifieraient d’un clair problème de trésorerie. Mais quelle TPE n’a pas de problème de trésorerie ? Elle promet à présent de reporter le remboursement des prêts garantis par l’État et d’étaler le paiement des factures d’énergie. Que résoudront ces mesures ?
L’avant-dernière trouvaille consiste en la possibilité de dénoncer un contrat avec un fournisseur d’énergie sans devoir lui verser d’indemnité. Et ensuite ? Quelle TPE a les moyens de trouver rapidement un autre fournisseur moins cher ? Qui connaît même précisément le prix du kilowattheure, sans parler du mégawattheure, puisque – dernier épisode – le Président de la République a annoncé vendredi le plafonnement du prix de l’électricité à 280 euros le mégawattheure ? Pourtant, le prix de 225 euros par mégawattheure pondéré suffit déjà à étrangler de nombreux artisans comme la fameuse boulangère de Sarlat. De plus, on peut désormais s’attendre à ce que tous les fournisseurs d’électricité alignent leurs tarifs sur le plafond annoncé de 280 euros par mégawattheure : on l’a vu, la libération du marché les a complètement ensauvagés.
Encore des solutions trompeuses et bricolées, symptomatiques de votre pilotage à vue face à cette crise que vous n’avez pas vu venir. Les patrons ne réclament pas un empilement d’aides : ils attendent l’audace promise par Emmanuel Macron. Rendez à la France le contrôle de l’électricité qu’elle produit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) La parole est à M. le ministre délégué. Vous me voyez embarrassé pour vous répondre, car j’ai entendu dans votre intervention beaucoup de remarques, mais peu de questions ! Que vous dire ? Effectivement, nous avons accumulé jour après jour des dispositifs d’aide, afin de nous assurer que les boulangers seraient très bien couverts. Comme vous l’avez dit, leur trésorerie sera soulagée par des reports de paiement de charges et d’impôts ; comme vous l’avez rappelé, nous avons instauré un bouclier tarifaire et forcé la main des distributeurs d’énergie pour qu’ils révisent les termes de leur contrat avec les entreprises qui – elles ne sont pas toutes dans ce cas – avaient été contraintes de le renouveler à l’automne, lorsque les tarifs de l’énergie étaient prohibitifs. Bref, je pense que nous avons fait à peu près tout ce qu’il fallait pour aider les entreprises.
Que vous dire encore ? Que le marché européen nous a permis d’avoir de l’électricité cet hiver, alors que, si nous en étions sortis conformément à vos souhaits, nous en aurions manqué lorsque les réacteurs d’EDF étaient à l’arrêt. C’est faux ! Que vous dire ? Que la France, comme je l’ai rappelé maintes fois, est le pays européen qui s’en sort le mieux, avec l’inflation la plus basse, un taux de chômage en baisse, une croissance et une production industrielle en hausse. Tout ne va pas aussi bien que vous le dites ! Évidemment, la France n’est pas exempte de souffrances. Mais gardez à l’esprit que nous sommes le pays d’Europe qui soutient le mieux ses ménages et ses entreprises de toute taille. Tout cela, c’est grâce à ceux d’entre vous qui ont voté les mesures de soutien : soyez-en fiers ! La parole est à M. Matthieu Marchio. Les mesures dont nous parlons font figure de cautères sur une jambe de bois. Oh ! C’est symptomatique de la Macronie que d’essayer sans succès d’amoindrir les effets délétères des politiques qu’elle promeut elle-même. C’est tout le problème : quand le médecin est à l’origine du mal, il n’est d’aucun secours. Ces politiques dont les Français paient lourdement le prix reposent sur trois doxas : l’ultralibéralisme, qui a détruit le monopole de l’énergie, l’européisme, qui a conduit la France à s’aligner naïvement sur le prétendu modèle allemand et le nihilisme écolo antinucléaire, qui a fait d’un pays autrefois champion de l’énergie une terre soumise aux caprices de la météo.
Je suis élu du Nord. Je vais être clair : mon département crève littéralement de ces politiques. Pourtant, vous refusez d’admettre que votre logiciel est défectueux. En bons technocrates, plutôt que de proposer un changement de paradigme, vous alignez les mesurettes : un guichet par-ci, un chèque par-là, tout cela afin d’éviter une nouvelle explosion de colère.
Le problème, c’est que quand l’État est à ce point désarmé, la parole de ses dirigeants n’a plus de valeur. Le Président de la République en a livré un triste exemple en promettant aux boulangers qu’ils pourraient renégocier avec les fournisseurs leurs contrats jugés prohibitifs. C’était un vœu pieux : le flou a été total quant à la définition d’un tarif prohibitif. Le président Macron vous a pris de court ; l’Élysée avait annoncé un seuil de 220 euros le mégawattheure, qui sera finalement de 280 euros – il y a une légère différence ! Plus pathétique encore, sur le marché européen que vous chérissez, la Commission européenne, gardienne du temple ultralibéral, s’opposera à tout ce qui pourrait s’apparenter à une vente à perte par les fournisseurs. Vous faites donc des promesses que vous êtes incapables de tenir et qui, de surcroît, se heurtent à un système que vous promouvez.
Monsieur le ministre délégué, à quand une sortie du marché européen de l’énergie ? Non ! À quand une reconstruction de nos monopoles français de l’énergie ? Votre dogme de la concurrence libre et non faussée ne marche pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) La parole est à M. le ministre délégué. Non, nous ne sortirons pas du marché européen de l’énergie ! Sans lui, monsieur le député, nous n’aurions pas eu d’électricité cet hiver. (Protestations sur les bancs du groupe RN. – Mme Anne-Laure Blin proteste également.) Une partie des électrons qui nous éclairent ce soir, ne vous en déplaise, viennent d’Allemagne. Cela ne signifie pas pour autant que le marché européen est parfait. Ça, c’est sûr ! Nous sommes en train d’en renégocier les termes, et l’avons déjà fait évoluer. Comme je l’ai rappelé, nous effectuerons dès ce printemps des achats communs de gaz,… Cela n’a rien à voir ! …nous avons plafonné le prix du gaz et nous sommes en train de décorréler le prix de l’énergie de celui du gaz. Rien à voir ! On peut avoir quelqu’un de compétent ? Monsieur Tanguy, merci pour cette remarque qui fait progresser le débat, comme à votre habitude. Vous ferez peut-être le buzz, mais je ne suis pas sûr que vous ayez beaucoup fait avancer le schmilblick. Quel est le rapport entre ce que vous dites et la question ? Aujourd’hui, quarante-quatre réacteurs sur cinquante-six fonctionnent. Il y a quelques mois, c’était à peine la moitié. Je remercie donc les employés d’EDF grâce auxquels le prix de l’énergie a atteint le niveau le plus bas en un an. Mais cela n’a rien à voir ! Vous savez quoi ? Nous exportons actuellement de l’énergie vers d’autres pays d’Europe. Cessez donc de caricaturer le marché européen. Vous dites n’importe quoi ! Qu’est-ce que vous racontez ? Ne vous en déplaise, européiste ou pas, il faut reconnaître que l’Europe est plus forte qu’elle ne l’était à l’époque où nous n’avions pas l’euro, le marché unique et le marché européen de l’énergie.
Pour terminer, monsieur le député du Nord qui aimez à surfer sur les colères des gens – évidemment, c’est là votre fonds de commerce –, je me rends régulièrement dans votre département. J’y vois des entreprises industrielles qui investissent et des organisations syndicales fières de travailler dans l’industrie. L’industrie se relève, ne vous en déplaise. Vous vous êtes nourris de la désindustrialisation de la France. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Et vous l’avez créée ! Elle est de votre fait ! À présent, la réindustrialisation est en marche, et vous allez reculer ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe RN.) La parole est à M. Andy Kerbrat. Je lis la question de ma collègue Alma Dufour, malheureusement souffrante. La semaine dernière, Emmanuel Macron disait : « Nous n’avons pas sauvé les entreprises pendant le Covid pour les voir couler aujourd’hui. » Bruno Le Maire, quant à lui, affirmait qu’il ne fallait pas craindre un « mur de faillites » et que le « quoi qu’il en coûte » était terminé. Qui croire : le docteur Macron ou Mister Le Maire ? Aucun des deux ! Après que les cris d’alarme des boulangers ont été diffusés en boucle sur BFM TV, le Gouvernement s’est empressé de venir à leur chevet, face caméra. Mais qu’en est-il de la majorité des PME et des ETI – entreprises de taille intermédiaire –, notamment dans le secteur de l’industrie, qui n’ont pas fait l’objet d’une telle attention ?
Alma Dufour a reçu un SMS d’un représentant d’une fédération d’entreprises qui lui a donné cette réponse : « Si je devais résumer, les aides ne sont pas à la hauteur de la situation, en particulier pour les entreprises énergo-intensives. L’année 2023 s’annonce très compliquée. On est face au mur de l’énergie. » En réalité, les ETI n’ont quasiment droit à rien. Pour les PME énergo-intensives, les aides ne prennent en charge que 10 % à 20 % du montant de factures qui ont triplé, quadruplé, voire été multipliées par dix.
Prenons l’exemple de Velcorex, l’une des rares entreprises qui produit encore du textile en France. En 2022, sa facture de gaz s’est élevée à 5 millions d’euros sur 22 millions de chiffre d’affaires. Elle n’a touché de l’État que 75 000 euros d’aides, soit 1,5 % de sa facture. Alors qu’elle commence l’année 2023 avec une perte de 3 millions d’euros, elle doit conclure un nouveau contrat d’énergie, pour la modique somme de 1 240 euros le mégawattheure pendant les heures pleines. L’État ne prendra en charge que 12 % de sa facture. Cette entreprise pourrait ne plus avoir que quelques mois à vivre, et Velcorex n’est pas un cas isolé.
Les États-Unis et l’Allemagne subventionnent leur industrie, mais vous continuez de vous voiler la face, de protéger les spéculateurs et de creuser la dette sans pour autant empêcher le désastre. La solution serait simple : il faut sortir du marché de l’électricité avant qu’il ne soit trop tard. Cependant votre vision de l’énergie pour l’avenir est de fermer les yeux en espérant que ça passe. Mais ceux qui ne ferment plus les yeux la nuit, ce sont les salariés et les dirigeants d’entreprises qui ne savent plus comment s’en sortir. Que comptez-vous faire pour éviter la faillite imminente de nos PME et des ETI industrielles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) La parole est à M. le ministre délégué. Monsieur le député, vous souhaiterez un bon rétablissement à Alma Dufour à laquelle je réponds à travers vous que, bien évidemment, nous non plus ne fermions pas l’œil pour aider les entreprises qui font face à une crise exceptionnelle. Vous demanderez à Alma Dufour de nous mettre en contact avec l’entreprise Velcotrex, car les chiffres que vous avez mentionnés me semblent assez exorbitants. En tout cas, ils sont exceptionnels, alors que vous avez dit que ce n’était pas un cas à part : 1 240 euros le mégawattheure, cela me semble beaucoup, même pour des heures pleines en hiver. Les services du ministère examineront ce cas particulier pour établir s’il y a eu un comportement abusif – c’est possible. Nous avons recruté à Bercy une négociatrice qui aide les entreprises, qui sont dans une situation semblable à celle que vous avez mentionnée, à renégocier avec les fournisseurs lorsque les factures sont exorbitantes.
Pour le reste, ce n’est pas sur BFM TV que nous faisons notre politique, monsieur Kerbrat. Comme vous, nous sommes à l’écoute des fédérations professionnelles. Nous les avons consultées régulièrement, et c’est en fonction de leurs besoins que nous avons adapté les dispositifs au fur et à mesure. Ils voulaient un amortisseur : nous l’avons instauré. Les boulangers se sont plaints que cela ne suffisait pas : aussi avons-nous mis en place, pour les TPE, le bouclier énergétique. Je le répète : nous avons désormais un dispositif complet et stabilisé. Les services de l’État concentrés et déconcentrés facilitent l’accès à ces aides aux entreprises. Nous les évaluerons évidemment de manière continue avec vous tous.
Je l’ai dit : la France s’en sort bien mieux que toutes les autres économies en Europe, que l’on considère l’inflation, la croissance, le chômage ou l’emploi,… On avait compris ! …ne vous en déplaise et n’en déplaise aux faiseurs de peur qui se nourrissent des désespoirs. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Nous sommes aux côtés des Français et nous continuerons de l’être. La parole est à M. Andy Kerbrat, pour poser une seconde question. Monsieur le ministre délégué, vous vous félicitez de l’effet de votre politique pour expliquer les bons chiffres des finances des collectivités en 2022, mais la hausse des prix de l’énergie ne se verra que l’année suivante à cause d’un effet d’inertie des contrats d’énergie. En effet, pour la plupart des communes, la facture à payer en 2022 a été établie avec des prix déterminés en 2021, voire avant. Nous connaîtrons, en 2023, une hausse continue et encore supérieure à celle de 2022.
Cela fait courir aux collectivités le risque de la double peine : avec un niveau aussi haut d’épargne brute, la grande majorité d’entre elles ne pourra pas prétendre au 1,5 milliard de soutien, alors que les conséquences de l’inflation subie en 2022 se feront justement le plus sentir dans quelques mois. Qu’avez-vous prévu pour éviter cela ? Trop peu, trop tard, et souvent trop compliqué. En attendant, l’inflation a des effets concrets sur nos services publics, sur nos biens communs, quelle que soit la taille des collectivités.
À Fontenay-sous-Bois, 50 000 habitants, la dépense liée aux fluides va passer de 1,8 million à 3,5 millions d’euros, entraînant la réduction des horaires de bâtiments publics comme les piscines et l’augmentation du coût de certains services comme les cantines. L’inflation fait des ricochets et contourne le bouclier tarifaire. À Champlémy, 350 habitants, la facture pour la salle des fêtes sera salée : elle passera de 200 à 1 000 euros, soit une augmentation de 500 %. Pour son école, qui n’a pas encore pu être rénovée, le chauffage au fioul a augmenté de 50 %, ce qui risque à terme d’avoir des conséquences tragiques pour un établissement déjà menacé de fermeture.
Vous faites de nombreuses annonces : 12 milliards pour les entreprises et les collectivités, un amortisseur électricité, un filet de sécurité. Mais, de même que Macron a appelé le numéro vert pour les boulangers et a constaté que « ça ne marche pas », eh bien, nous avons appelé le numéro des maires, et nous avons constaté que « ça ne marche pas » non plus. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Tant qu’elles n’auront pas de confirmation, les communes se débrouilleront, comme à Nantes, dans ma circonscription, où les villes de la métropole ont constitué un groupement d’achat pour être plus fortes face à la concurrence imposée.
Quand vous résoudrez-vous à bloquer les prix pour protéger les plus petits face à cette crise, à revenir au tarif réglementé pour agir au plus vite et à la source du problème ? Matthias Tavel et moi l’avions proposé par le biais d’un amendement qui a été rejeté lors du débat sur les énergies renouvelables : nous vous invitons à le reprendre. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) La parole est à M. le ministre délégué. Monsieur Kerbrat, pour y avoir assisté, je crois savoir que le projet de loi sur les énergies renouvelables a été adopté à une écrasante majorité par cette assemblée. Oh, écrasante… N’exagérons pas. N’hésitez pas à défendre de nouveau vos propositions lorsqu’il reviendra. Vous le savez, les collectivités territoriales sont aidées. Les plus petites sont éligibles au bouclier tarifaire, comme nos concitoyens. Pour celles qui font face à des hausses de l’inflation particulièrement importantes, sur des propositions formulées dans des amendements du groupe Horizons et apparentés – j’ignore si vous les avez votés –, un filet de sécurité qui les protège a été créé par l’Assemblée nationale. Ce dispositif coûte 1,5 milliard d’euros à la collectivité nationale, à l’État. En outre, elles sont évidemment éligibles à l’amortisseur. Nous avons donc pris des dispositions pour aider les collectivités locales.
Je le dis depuis le début de ce débat : nous faisons face à une guerre aux portes de l’Europe dont nous devons ensemble partager les coûts. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Les ménages supportent actuellement 5 % des coûts totaux, l’État plus de 50 % et les entreprises environ 40 %. Le fardeau est partagé. Reconnaissez-le avec nous : l’État français fait plus que partout ailleurs pour soutenir les entreprises et les ménages face à cette crise historique. Pas du tout ! La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur le ministre délégué, dans sa dernière étude datée du 19 décembre 2022, l’Insee dresse le constat qu’entre janvier 2021 et juin 2022, le revenu moyen disponible est de 720 euros plus bas que ce qu’il aurait été si les prix étaient restés ceux de 2020, principalement sous l’effet de la hausse des prix de l’énergie estimée en moyenne à 18 %. Sans surprise, les ménages les plus modestes ont été les plus touchés, malgré des mesures de soutien aux revenus et la mise en place de boucliers tarifaires. Toujours selon l’Insee, les mesures de soutien aux revenus des ménages déployés par l’État dans ce contexte, tels que le chèque énergie ou le bouclier tarifaire, n’ont que faiblement compensé la hausse des prix.
La Confédération des petites et moyennes entreprises tirait également à la fin de l’année 2022 la sonnette d’alarme, estimant que « 150 000 entreprises [étaient] en danger de mort ». C’est donc tout le tissu entrepreneurial français qui se trouve fragilisé par la crise. Pourtant, le volet de mesures d’urgence mis en œuvre par l’État pèsera au bas mot 45 milliards d’euros dans le budget pour 2023, dégradant durablement l’état de nos comptes.
Ces mesures, bien que nécessaires, ne sont que temporaires et elles ne règlent en rien la question centrale de la fixation des prix de l’énergie. Par ailleurs, de nombreuses filières énergivores telles que l’agroalimentaire et les chaînes agricoles, qui sont tout simplement abandonnées par le Gouvernement, demandent un plan à la hauteur dans un contexte de distorsion de concurrence avec nos partenaires européens.
Le principal constat que nous pouvons tirer est le manque cruel d’anticipation et de planification de notre politique énergétique. Au lieu de prendre le problème à la racine, le Gouvernement a choisi de renouer avec la politique du carnet de chèques qui ne pourra perdurer indéfiniment. Monsieur le ministre délégué, recouvrir les plus beaux paysages français d’éoliennes ne réglera pas le problème. Votre rétropédalage sur le nucléaire est un premier signal encourageant, mais nous ne disposons toujours pas d’un cap clair.
Quelle est votre vision sur le long terme, monsieur le ministre délégué, pour que la France redevienne un fleuron économique et industriel et souveraine sur le plan énergétique ? Je vous remercie de nous apporter une réponse claire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe RN.) La parole est à M. le ministre délégué. Si vous me le permettez, je vous souhaite un bon anniversaire, madame la députée. (Sourires.) Consacrer sa soirée d’anniversaire à débattre à l’Assemblée nationale est un signe très fort de votre engagement. (Applaudissements sur divers bancs.)
Vous l’avez souligné, madame la députée, le pouvoir d’achat des Français, comme ailleurs en Europe, a été affecté par l’inflation. Je tiens à rappeler que, depuis 2019, après une crise sanitaire, la guerre en Ukraine et une crise énergétique, le pouvoir d’achat des Français a été maintenu, contrairement à la plupart des pays d’Europe. Vous l’avez dit, nous le devons à des politiques budgétaires dispendieuses, qui nous coûteront plus de 40 milliards d’euros en 2023, mais qui nous ont permis de préserver le pouvoir d’achat des Français et d’accompagner les entreprises.
Je vous accorde que ces solutions ne sont pas durables : elles permettent de faire face à un choc de court terme, de manière assez efficace me semble-t-il. Cependant, à long terme, il y a d’autres enjeux ; je ne reviendrai pas sur le débat sur les énergies renouvelables car le texte a été voté – très bien voté – par cette assemblée.
Pour ce qui est du nucléaire, vous le savez, nous vous présenterons très prochainement un projet de loi pour l’accélération des investissements. Nous discuterons de l’ensemble des directions de la politique énergétique de la France dans le cadre du projet de loi de programmation, dont nous avions voté le principe au cours de la législature précédente. J’espère qu’il nous permettra de vous convaincre à nouveau qu’il n’y a pas d’avenir pour la France non seulement en dehors de l’Europe, mais aussi en dehors d’un nucléaire fort et dans lequel on investit durablement. Merci pour ces questions. Vive l’énergie renouvelable et l’énergie nucléaire ! La parole est à Mme Anne-Laure Blin. Le Maine-et-Loire est une terre horticole et maraîchère : or nos producteurs sont frappés de plein fouet par la hausse du coût de l’énergie. En effet, ces activités nécessitent l’usage de quantités très importantes de gaz et d’électricité tant pour la production que pour la conservation des productions.
Les horticulteurs et les maraîchers doivent chauffer leurs serres pour faire grandir nos fleurs, nos plants et nos légumes. Ce sont des acteurs incontournables de notre souveraineté alimentaire. Quasiment tous ont été obligés de décaler la culture de certaines variétés ; certains gardent même des serres totalement vides en espérant économiser ainsi de l’énergie, ou ne cultivent plus que les variétés qui supportent les températures très fraîches. D’autres ont dû abandonner une partie de leur production, car ils ne pouvaient pas chauffer toutes leurs serres face à ces hausses de prix. D’autres encore ont dû vider leurs réfrigérateurs et solder leurs produits pour économiser de l’énergie.
Ces hausses généralisées les inquiètent, ainsi que tous les Français. Ces entreprises ont déjà fait face depuis plusieurs années à la crise sanitaire, à l’augmentation des coûts et à la hausse générale des prix des fournitures, des emballages, des engrais ou encore du transport. Elles ont fait depuis des années des investissements pour réduire leur consommation d’énergie et doivent donc, en plus, les rembourser.
Ces problèmes cumulés ont des effets en cascade et le plus inquiétant est que ces entreprises n’ont aucune visibilité sur les prochains mois. Pour tenter de sauver leur affaire, certaines n’ont d’autre choix que de rogner sur leurs bénéfices et de répercuter les hausses sur leurs clients. Mais ces solutions sont provisoires – elles doivent l’être. Si le prix du gaz et de l’électricité reste à un niveau élevé pendant une période très longue, l’existence même du secteur maraîcher et horticole est menacée. Merci de conclure, chère collègue. Monsieur le ministre délégué, les maraîchers et les horticulteurs éprouvent un véritable sentiment de ras-le-bol. Pouvez-vous leur garantir que, demain, la pérennité de leur entreprise sera assurée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – MM. Joris Hébrard et Jean-Philippe Tanguy applaudissent également.) La parole est à M. le ministre délégué. Madame Anne-Laure Blin, je vous remercie de mettre en lumière ces professions qui sont, vous l’avez dit, très affectées par cette crise. Je le répète : elles sont éligibles à l’ensemble des mesures que j’ai présentées ce soir. Le dispositif a été extrêmement simplifié ; il a été amplifié et prolongé. Vraiment, je vous engage à prendre rendez-vous vous-même avec le conseiller départemental à la sortie de crise et à organiser une réunion d’information avec eux. Ils l’ont fait ! Cela ne veut pas dire qu’on échappera à des hausses de prix, évidemment : comme vous l’avez souligné, pour les secteurs électro-intensifs, la situation se traduira sans doute en partie par des hausses de prix. Alors, qu’est-ce qu’on fait ? L’inflation est plus faible en France qu’ailleurs en Europe, mais elle est tout de même présente et reflète des hausses de prix réelles dans un certain nombre de secteurs ; certaines entreprises verront par conséquent l’excédent brut d’exploitation (EBE) diminuer. Nous sommes en train de partager le coût d’une crise extrêmement importante du fait d’une guerre qui est aux portes de l’Europe.
J’espère donc que vous avez pris contact avec le conseiller départemental. Oui, oui. Si ce n’est pas le cas, on vous donnera le numéro de téléphone de celui du Maine-et-Loire afin qu’il organise une réunion d’information avec les horticulteurs de votre département. Votre réponse est trop légère, monsieur le ministre délégué. La parole est à M. Thibault Bazin. À mon tour, je veux vous alerter sur l’insuffisance des mesures de soutien face à l’augmentation des coûts de l’énergie, en particulier de l’électricité. Le problème concerne principalement les entreprises et collectivités de plus de onze agents qui, pour l’instant, ne sont pas éligibles au bouclier tarifaire. Eh oui ! Vous m’objecterez que, depuis le 1er janvier 2023, ces acteurs bénéficient de l’amortisseur électricité. Mais le prix annuel moyen de 180 euros par mégawattheure – qui est d’ailleurs presque équivalent au tarif plafond décidé dans les autres économies européennes – ne s’applique qu’à la moitié des volumes d’électricité consommés. Seul un plafonnement du prix de l’électricité, comme celui instauré par nos voisins européens, permettrait de préserver l’ensemble de nos entreprises et de nos services publics.
Ces constats rappelés, je souhaite appeler votre attention sur le comportement des fournisseurs d’énergie. Nous savons que nous ne surmonterons cette crise que si nous jouons tous le jeu. Fin novembre, une entreprise importante de ma circonscription, Hydro Leduc, a été très fortement incitée par EDF à signer un contrat au tarif de 437 euros par mégawattheure. Or le tarif actuel se situe aux alentours de 250 euros par mégawattheure. En ce début d’année, l’entreprise a donc évidemment demandé à EDF une renégociation du contrat, ce qui lui a été refusé. Soyons concrets : pour Hydro Leduc, dont la consommation électrique annuelle s’élève à 6 gigawattheures, ce refus fera passer la facture de 500 000 à 1 million d’euros !
À l’heure où le Gouvernement promeut la réindustrialisation, cette situation est ubuesque, d’autant que l’État détient 84 % du capital d’EDF. Pouvez-vous vous engager à demander à EDF de renégocier les contrats des entreprises industrielles qui ont été signés pour un tarif qui excède 400 euros par mégawattheure ?
Enfin, comme durant l’épidémie de covid-19, vous avez ouvert un guichet d’aides, auxquelles plusieurs entreprises de ma circonscription, créées en 2022, ne sont pas éligibles. Avez-vous prévu un dispositif subsidiaire pour les entreprises récentes ?
Vous avez déjà pris plusieurs mesures, mais la réponse à la situation reste incomplète. Il faut améliorer encore les dispositifs de soutien. La parole est à M. le ministre délégué. Connaissant votre sérieux budgétaire, monsieur Bazin, j’imagine que si je vous réponds que le « quoi qu’il en coûte » est terminé, vous souscrirez à mes propos. (M. Thibault Bazin sourit.) Nous pourrions décider de signer des chèques en blanc au nom du « quoi qu’il en coûte », afin d’assurer que toutes les factures d’énergie de 2023 restent à leur niveau de 2021, mais cela coûterait des centaines de milliards d’euros et nous placerait dans une position absolument insoutenable.
Aujourd’hui, nous cherchons à partager de manière équilibrée le coût important d’une crise qui nous est imposée par l’extérieur. Les ménages, qui subissent une inflation de 5 % à 6 %, paient une partie de cet écot ; les entreprises, vous l’avez souligné, en paient également une partie, tout comme l’État et les collectivités territoriales. S’agissant du cas particulier que vous m’avez exposé, je répète que Bercy a engagé une négociatrice, qui a déjà permis d’ouvrir les discussions entre plusieurs fournisseurs et entreprises industrielles et énergo-intensives, et d’obtenir une réduction très importante de leurs factures. N’hésitez pas à m’envoyer les éléments relatifs au cas que vous avez évoqué. Néanmoins, l’ensemble des dispositifs instaurés – amortisseur électricité, bouclier tarifaire, guichet d’aides – permettent aujourd’hui d’aider les entreprises françaises. Venez les voir ! J’en rencontre toutes les semaines, madame la députée ! Je recevrai les horticulteurs de votre circonscription si vous le souhaitez, mais je voudrais avant tout que vous organisiez une rencontre avec votre conseiller départemental à la sortie de crise. Venez les voir ! Comme vous, des entreprises, j’en vois tous les jours : si certaines souffrent, d’autres nous remercient pour les aides. Au cours des six dernières semaines, nous avons distribué six fois plus d’aides qu’au cours des six mois précédents. Le dispositif a été simplifié et élargi : dites aux entreprises de vos territoires de faire des simulations sur les sites internet dédiés. Elles l’ont fait ! J’espère que celles-ci vous convaincront – si je n’y suis pas parvenu – que les aides sont efficaces. La parole est à M. Philippe Bolo. Les témoignages de l’inquiétude des entreprises face à l’envolée des prix de l’énergie se multiplient. Plus aucune rencontre n’y échappe : comme d’autres collègues, je suis quotidiennement interpellé sur ce sujet. Les factures de gaz et l’électricité ont été multipliées dans des proportions qui fragilisent l’équilibre économique de trop nombreuses entreprises – TPE, PME, artisans et commerçants. L’avenir est sans visibilité : les trésoreries fondent, obligeant à renoncer à des projets d’investissement ; parfois même, l’option du licenciement de salariés n’est plus exclue. Toutes les économies de charges sont bonnes à prendre pour répondre à la hausse démesurée des factures énergétiques, qui vient balayer des années d’efforts et de travail.
Alors que de nombreuses mesures ont déjà été prises par le Gouvernement, leur application interroge. En effet, les dispositifs existants sont souvent méconnus, voire inconnus : combien d’entreprises sont-elles capables de citer la douzaine de mesures auxquelles elles peuvent prétendre ? En outre, les critères d’éligibilité paraissent inadaptés : la vulnérabilité d’une entreprise face à l’augmentation de sa facture énergétique ne se mesure pas à sa taille, à ses effectifs salariés ou à la puissance de son compteur électrique. D’autres facteurs entrent en jeu dans sa capacité à encaisser – ou non – les augmentations : l’entreprise peut-elle répercuter l’augmentation du prix de l’énergie sur ses prix de vente ? Quelle est la quantité incompressible d’énergie nécessaire à son activité ? Est-elle totalement libérée des conséquences financières de la crise de covid-19, notamment des reports de charges ? Autant de questions qui soulignent le fait que les critères retenus ne permettent pas nécessairement de répondre à certaines causes des difficultés des TPE et PME.
Monsieur le ministre délégué, le plafonnement du prix de l’électricité pour les TPE à une moyenne annuelle de 280 euros par mégawattheure a été récemment décidé. Comment comptez-vous répondre aux demandes des entreprises qui ne répondent pas aux critères d’éligibilité actuels, notamment les TPE mises en danger par l’explosion des factures d’électricité ? Cette nouvelle mesure sera-t-elle cumulable avec l’amortisseur électricité ? La parole est à M. le ministre délégué. Monsieur Bolo, vous avez décrit très précisément la réalité : aujourd’hui, toutes les entreprises françaises ne sont pas sur un pied d’égalité face à la crise. En effet, toutes n’ont pas la même consommation énergétique ou la possibilité de répercuter une partie de la hausse sur leurs prix ; certains secteurs sont plus énergivores, d’autres davantage exposés à la concurrence internationale. Les entreprises sont donc dans des situations très différentes, et c’est la raison pour laquelle je pense que le « quoi qu’il en coûte » est une mauvaise idée : aujourd’hui, je le répète, certaines se portent très bien, et tant mieux ! Elles tirent la croissance. D’autres, en revanche, souffrent : nous devons les aider en instaurant des mesures ciblées – vous les avez listées.
Partout dans le territoire, des fonctionnaires sont présents pour aider les entreprises. En outre, je vous confirme que les TPE éligibles au bouclier tarifaire de 280 euros par mégawattheure pourront également prétendre à l’amortisseur électricité et au guichet d’aides : l’ensemble de ces aides est cumulable afin de tenir compte au mieux de situations très disparates. Si je vous invite à nous alerter sur les imperfections potentielles des dispositifs au fur et à mesure de leur évaluation, je suis convaincu que nous disposons d’un arsenal complet qui nous permettra de surmonter la crise sans trop de heurts. La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel. La guerre en Ukraine et plus de quinze ans de dérégulation du service public de l’énergie en Europe et dans notre pays font éclater à la connaissance de tous une réalité sonnante et trébuchante qui fragilise notre économie et déstabilise notre société : le prix de l’électricité, bien commun essentiel, s’envole au gré des soubresauts de la spéculation des marchés, sans aucun lien avec notre coût de production et dans l’absence totale de transparence.
Le résultat, tout le monde le connaît et le subit. Particuliers, entreprises, collectivités, chacun est assommé par une inflation mortifère. Reconnaissons-le clairement : si le bouclier tarifaire permet de limiter les dégâts pour les particuliers, il n’assure pas la sécurité du reste de l’économie. Du bouclier énergétique à taille variable au filet de sécurité pour les collectivités, les mailles sont de plus en plus lâches et les lacunes se multiplient : boulangers, bouchers, restaurateurs, des milliers d’artisans de TPE et de PME baissent le rideau, ce qui n’est pas sans conséquences pour toute la chaîne de valeur. Les collectivités et les copropriétés sont étranglées. Si les discussions avec les fournisseurs et le tarif bloqué pour certains vont dans le bon sens – nous le reconnaissons –, je crains que les effets ne soient largement insuffisants et que l’économie ne soit lourdement fragilisée, car oublier certains, c’est pénaliser tout le monde.
La piste de l’indispensable régulation du marché de l’énergie est-elle sérieusement étudiée par la Commission européenne ? Une sortie du marché de l’électricité, comme l’ont décidé le Portugal et l’Espagne, est-elle également sur la table, afin de revenir au temps où les TRV et les TRVE – tarifs réglementés de vente de l’électricité – protégeaient à la fois particuliers, entreprises et collectivités ? Si le plafonnement des prix à 280 euros par mégawattheure est utile, ce n’est pas une solution durable pour tous. La parole est à M. le ministre délégué. Bien que vous connaissiez bien le sujet, madame Battistel, je me permets de vous corriger : l’Espagne et le Portugal ne sont pas sortis du marché européen. S’ils subventionnent effectivement très fortement leur énergie en collectant une partie des recettes par le biais de taxes imposées, c’est parce qu’en raison de leur géographie particulière, ils exportent peu d’énergie vers le reste de l’Europe, et en importent peu également. Notre géographie ne nous permet pas d’adopter un modèle similaire.
Depuis longtemps, la France appelle de ses vœux une refonte en profondeur du fonctionnement du marché européen de l’énergie. Si nous avons longtemps prêché dans le désert, depuis quelques mois, en raison de la crise que vous avez rappelée, la Commission européenne, nos partenaires allemands et la quasi-totalité des États membres ont reconnu que les marchés du gaz et de l’électricité fonctionnaient de pair mais, souvent, divergeaient. La guerre en Ukraine a aggravé un peu plus encore cette divergence, mettant en lumière l’inadaptation du dispositif.
Nous avons entamé des discussions, qui ont déjà permis des progrès en matière d’achats groupés et de plafonnement du prix du gaz, mais ce n’est pas facile, car les pays ne sont pas tous aussi dépendants les uns que les autres aux énergies. Nous devrons donc continuer à discuter avec nos partenaires européens, même si, vous le savez, la discussion en Europe prend du temps. N’en déplaise toutefois à certains dans l’hémicycle, je suis convaincu que non seulement l’Europe n’est pas le problème, mais qu’elle représente même une partie de la solution.
Néanmoins, les mesures européennes ne suffiront pas. Nous devons investir massivement dans les énergies renouvelables : c’est l’objet du texte que vous venez d’adopter – en faveur duquel vous avez sûrement voté, madame la députée. Parallèlement, le projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes nous permettra, quant à lui, d’accélérer nos investissements dans l’énergie nucléaire qui, j’en suis convaincu, est une énergie d’avenir.
Nous devons fournir à nos entreprises un volume important d’électricité décarbonée et peu chère : c’est l’objet de la politique du Gouvernement, et j’espère que vous continuerez à nous accompagner dans cette direction. La parole est à Mme Mélanie Thomin. Pour cette nouvelle année, je forme le vœu que le Gouvernement prenne véritablement la mesure du rôle essentiel des élus locaux, qui sont déstabilisés par la hausse du coût de l’énergie. Votre pilotage, monsieur le ministre délégué, désoriente le financement de l’action locale. L’inflation des coûts de l’énergie est un choc dans une crise déjà connue. Si certaines collectivités sont couvertes par le bouclier énergétique, d’autres ne peuvent prétendre qu’à une couverture partielle, au titre de l’amortisseur électricité et du filet de sécurité : le niveau et la persistance de l’inflation ébranlent les communes et l’incertitude attaque le fonctionnement courant et les investissements essentiels, comme les rénovations d’écoles, de routes ou de réseaux d’eau.
Suppression de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises – CVAE –, suppression de la taxe d’habitation, refus d’indexer la DGF – dotation globale de fonctionnement – sur l’inflation, calendrier chaotique de mise en œuvre de l’objectif ZAN – Zéro artificialisation nette –, effets désastreux de la réforme des indicateurs financiers : votre action compromet les ressources des finances locales, pourtant bien gérées par nos élus locaux, notamment dans le Finistère, où les communes rurales ont mandaté une étude sur le sujet. Le constat est sans appel : votre jacobinisme financier leur fera perdre 8 millions d’euros – une trahison, après des années de bonne gestion locale. L’affaiblissement des finances publiques locales est un pas de plus vers la fracture territoriale.
Nous pouvons maintenant nous interroger sur l’exécution des mesures de soutien actuelles face au coût de l’énergie : les critères de perte d’épargne brute et de potentiel fiscal pour prétendre aux aides sont restrictifs, et le cumul des dispositifs demeure une barrière pour les trop nombreuses petites communes rurales qui sont juste au-dessus des seuils du bouclier tarifaire. Monsieur le ministre délégué, pouvez-vous nous indiquer le nombre de communes effectivement bénéficiaires des aides, ainsi que les objectifs et moyens alloués au déploiement des aides auprès des petites collectivités ? La crise actuelle met en lumière vos difficultés à accompagner durablement les finances locales. Dans nos circonscriptions, votre manque de vision est source de rupture. La parole est à M. le ministre délégué. Halte à la caricature ! Face à une crise historique, nous devons être solidaires : c’est ce que vous avez fait, collectivement, en validant la création du filet de sécurité, qui permet d’allouer 1,5 milliard d’euros aux collectivités en difficulté. Je répète que les très petites collectivités sont éligibles au bouclier tarifaire : le nombre exact de collectivités bénéficiaires vous sera transmis ultérieurement par écrit, car je ne peux vous répondre avec précision sur ce point. En matière non seulement de croissance, d’inflation et de chômage, mais aussi de finances locales, la France résiste bien mieux à cette crise historique que tous les pays européens. Je ne supporte plus cette litanie ! Si les collectivités locales font face à des contraintes, l’État fait sa part du travail et continuera de suivre l’évolution des finances locales et des contraintes qui pèsent sur elles. Vous avez également mentionné le ZAN : même si ce n’est pas le cœur du débat aujourd’hui, vous n’êtes pas sans savoir qu’il fait l’objet de nombreux débats et est parfois controversé. Nous continuerons à chercher comment adapter au mieux les dispositions adoptées par le Parlement pour les appliquer efficacement sans compromettre la réindustrialisation de la France. La séance de questions est terminée.
L’ordre du jour appelle le débat sur l’état de l’école de la République. La conférence des présidents a décidé d’organiser ce débat en deux parties : dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, puis le Gouvernement ; dans un second temps, nous procéderons à une séance de questions-réponses.
La parole est à M. Roger Chudeau. Je commencerai, madame la présidente, par vous faire part de mon indignation concernant le sort réservé par cette législature au sujet de l’école. L’application du 49.3 nous a privés d’examiner la mission budgétaire Enseignement scolaire , laquelle représente pas moins de 82 milliards d’euros ; voilà désormais que nous entamons à vingt-trois heures quinze et à 30 députés, alors que nous étions 500 il y a deux heures, ce débat portant sur une question cruciale pour l’avenir de la République et de la nation. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
En effet, la question éducative a toujours été considérée par la République comme l’acmé de son projet. Condorcet, les lois scolaires, la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, le programme du Conseil national de la Résistance (CNR) ont façonné notre école, jadis l’une des meilleures au monde. Aujourd’hui, la nation s’interroge : que reste-t-il des promesses et des ambitions de l’école républicaine ? Notre système éducatif est-il en mesure de relever les défis des cinquante prochaines années ? La France lui consacre une part importante de sa richesse : presque 7 % du PIB, soit quelque 82 milliards d’euros. Or, paradoxalement, les performances des élèves s’effondrent. Aussi bien le cycle des évaluations disciplinaires réalisées sur échantillons (Cedre) par l’éducation nationale que les enquêtes internationales – le Programme international pour le suivi des acquis des élèves (Pisa), le Programme international de recherche en lecture scolaire (Pirls), les Tendances dans l’étude des mathématiques et des sciences (Timss) – mettent en évidence cette dégradation constante. Le niveau baisse, c’est peu de le dire ! Quant à l’ascenseur social que constituait le mérite scolaire, il est bloqué depuis les années 1970.
Ces constats n’ont cependant eu aucune influence sur les politiques élaborées, ces dernières décennies, par les majorités successives. Il est temps d’établir devant les Français la part de responsabilité de chacune dans ce désastre – car il ne s’agit pas d’une question d’organisation, comme le prétend le chef de l’État, mais d’une crise systémique profonde et qui, je le répète, implique directement les choix opérés depuis trente ans. J’affirme ici que le délabrement du système éducatif résulte du compromis historique implicitement scellé, à l’issue de la crise de 1968 (« Ah, quand même ! » sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES) , entre droite et gauche : à la première, le régalien et l’économie ; l’éducation et la culture à la seconde,… Merci de le reconnaître, monsieur Chudeau : la culture, c’est nous ! …qui a toujours prétendu à une sorte d’hégémonie intellectuelle dans ces matières. Pourtant, son exercice du pouvoir a abouti à une déconstruction méthodique de l’école. Qu’on en juge : la loi du 10 juillet 1989 d’orientation sur l’éducation, dite loi Jospin, place l’élève au centre du système éducatif – affirmation tautologique à première vue, mais fondamentale pour l’épistémologie de l’éducation. L’élève étant supposément, désormais, « l’acteur de son propre apprentissage », c’en était fait de la transmission, fondement de tout acte éducatif. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Au nom d’un pédagogisme ravageur, la gauche n’a vu dans la transmission du savoir et de l’héritage civilisationnel qu’un instrument de domination, de domestication, d’assignation ; l’Université, chargée de la formation des jeunes professeurs, leur a massivement inculqué cette conception insensée. Dans le même temps, l’ascenseur social, le mérite et l’élitisme républicains faisaient également l’objet d’attaques systématiques. L’origine géographique, sociale, voire ethnique de certains élèves devrait, selon le principe de la discrimination positive, déterminer leur admission en classe préparatoire aux grandes écoles (CPGE). Mais non ! N’importe quoi ! En 2014, Mme Vallaud-Belkacem supprimait d’ailleurs les bourses au mérite, que M. Blanquer, soit dit en passant, n’a pas rétablies.
Quant aux résultats des examens nationaux, ils relèvent de l’escroquerie : lisez une copie de brevet ou de bac, vous serez édifiés. De nos bacheliers pleins de superbe, 50 % échouent à leur première année de fac ! Enfin, le début de la paupérisation du corps enseignant n’est pas difficile à situer dans le temps : en 1980, un professeur gagnait 2,6 fois le Smic, contre 1,6 fois aujourd’hui. Après 1980, qui était au pouvoir ? (« La gauche ! » sur quelques bancs du groupe RN.) Les choix idéologiques et politiques de cette période se révèlent donc catastrophiques. Pour sa part, à quelques exceptions près, la droite, largement victime du syndrome de Stockholm, s’est refusée, par paresse et mépris, à considérer l’éducation autrement que comme une source d’embarras politiques et de dépenses budgétaires excessives – je pense par exemple aux 90 000 emplois supprimés par la révision générale des politiques publiques (RGPP).
Cet effondrement silencieux a été masqué par une avalanche de réformes jamais achevées, jamais évaluées, abandonnées à chaque changement de ministre : pour s’en convaincre, il n’est que de lire dans Le Monde la dernière tribune de M. Ndiaye, qui découvre soudain, lui aussi, la nécessité de réformer l’école. Monsieur le ministre, vous faites grand cas de l’augmentation de votre budget, vous répétez comme un mantra… Merci de conclure, cher collègue. …que le primaire est prioritaire, vous affirmez défendre la laïcité. Tout cela n’est que poudre aux yeux : l’inflation dévore vos crédits, rien de sérieux n’est entrepris au profit de l’école primaire, et vos actions en faveur de la laïcité sont entachées d’ambiguïté, de procrastination – vous ne voulez manifestement pas vous attaquer au problème. Cependant que le système éducatif se retrouve à bout de souffle, déclassé, voué à des réformes superficielles et sans lendemain, nous n’avons aucune confiance dans votre capacité à restaurer notre école. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) La parole est à M. Alexis Corbière. En une période où l’on parle beaucoup de la République – principe, symbole, programme –, vous savez mieux que quiconque, monsieur le ministre, qu’à travers l’histoire de notre pays, elle s’est matérialisée au sein de l’école. L’école constitue le socle de la République ; si celle-ci s’est imposée à la fin du XIXe siècle, c’est grâce à l’énergique initiative qui a permis l’implantation dans nombre de communes d’une école publique au programme éducatif républicain, social, laïque. C’est vrai ! Exactement ! Il est temps de continuer à faire vivre cet idéal. J’ai entendu un collègue citer 89 ; vous me permettrez d’évoquer 93, pas seulement parce que ce numéro est celui du département de Seine-Saint-Denis, où se situe ma circonscription, mais parce qu’en 1793, le grand révolutionnaire que fut Danton déclarait : « C’est à vous, républicains célèbres, que j’en appelle ; mettez ici tout le feu de votre imagination, mettez-y toute l’énergie de votre caractère, c’est le peuple qu’il faut doter de l’éducation nationale. Quand vous semez dans le vaste champ de la République, vous ne devez pas compter le prix de cette semence. Après le pain, l’éducation est le premier besoin du peuple. » (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES et RN.) La République n’est faible, aujourd’hui, que parce que son école est attaquée. Durant le précédent quinquennat, un ministre avait lancé dans le débat public le mot « séparatisme ». J’affirme ici que, dans ce pays, il existe bien un séparatisme : le séparatisme scolaire. (Mme Raquel Garrido applaudit.) Exactement ! Selon le département, la ville, le quartier, l’école publique, la qualité de l’enseignement ne sont pas les mêmes ; telle est la dégradation du système que pour nos enfants, le fait même d’être scolarisé dans le public influe sur cette qualité. Monsieur le ministre, il vous faudrait prendre à bras-le-corps ce problème évoqué dans certaines de vos interviews : l’école publique subit la rude concurrence de l’école privée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Il a raison, ça suffit ! Bien que celle-ci soit confessionnelle, nos concitoyens, souvent, ne la choisissent pas en raison de leurs convictions spirituelles, ce qui constitue un motif respectable, mais parce que les plus aisés s’y concentrent. (« C’est vrai ! » sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES. – Protestations sur quelques bancs du groupe RN.) Bravo, Corbière ! Vous n’ignorez pas les nombreuses études publiées à ce sujet ; un chercheur du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) a ainsi établi récemment, dans une tribune passionnante, que, parmi les 10 % de collèges ayant l’indice de position sociale (IPS) le plus bas, seuls 3 % sont privés, contre 61 % parmi les 10 % de collèges possédant l’IPS le plus élevé. (Mme Anne-Laure Blin s’exclame.) Eh oui ! Je le répète, il s’est ainsi créé progressivement, financée par des fonds publics, une concurrence au service public – un peu comme si l’État, tout en entretenant les bus et les tramways, donnait de l’argent aux entreprises de taxis. Exactement ! L’école privée rend service ! Pendant ce temps, les hussards de la République sont souvent devenus des Uber de la République ;… C’est bien, ça, comme formule ! …autrement dit, notre école s’est précarisée. Les enseignants, mal rémunérés,… Ça, c’est la gauche ! …voyant s’éroder leur pouvoir d’achat, seront en grève, entre autres pour cette raison, le 17 janvier. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.) Monsieur le ministre, répondez à leurs revendications !
Les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH), qui nous sont précieux, si nécessaires, qui ont l’honneur de s’occuper des enfants dont les difficultés sont les plus grandes, se retrouvent désormais confrontés à la précarité : voilà qui déshonore l’institution. Monsieur le ministre, quand soutiendrez-vous ce corps des AESH ? Quand donnerez-vous aux femmes qui le composent essentiellement un salaire digne, ainsi qu’une vraie formation, afin que les enfants en difficulté n’aient pas à subir une double peine ?
Enfin, savez-vous que l’enseignement professionnel, ce joyau de notre système éducatif, ne concerne pas moins de 27 % des lycéens ? Je suis persuadé, je le dis sans aucun mépris, que dans cet hémicycle, nous trouverions peu de parents dont un enfant suit cette voie… Moi, j’en ai un ! (Quelques députés du groupe RN lèvent la main pour signifier qu’ils sont également dans ce cas.) Eh bien, bravo, madame ! Avant d’être élu député, j’ai eu l’honneur d’enseigner vingt ans au sein d’un lycée professionnel. Ces enfants doivent bénéficier de la protection qu’il convient d’accorder à l’enseignement professionnel ; encore une fois, ce n’est pas un à-côté ! J’aurais souhaité, monsieur le ministre, que vous accomplissiez cette tâche, et je vois d’un mauvais œil le fait que vous partagiez avec le ministre du travail la tutelle de Mme Grandjean. Les lycéens professionnels sont des élèves à part entière (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES) ,… Exactement ! …c’est pourquoi nous devons rejeter la réforme visant à généraliser leur formation en entreprise : les patrons n’ont pas besoin d’élèves, dont ils ne sauront que faire ! Merci de conclure, cher collègue. Encore une fois, je sais de quoi je parle : ces lycéens ont besoin d’acquérir la culture générale qui leur permettra de devenir des ouvriers, des techniciens, de grande qualité ! Défendre l’école, c’est défendre la République : pour l’instant, monsieur le ministre, le compte n’y est pas. (Mmes et MM. les députés du groupe LFI-NUPES se lèvent et applaudissent vivement. – Mme Elsa Faucillon et M. Benjamin Lucas applaudissent également.) La parole est à Mme Annie Genevard. Dans le cadre de cette semaine de contrôle de l’Assemblée nationale, le débat de ce soir porte sur l’état de l’école de la République. Nul doute que beaucoup de nos interventions brosseront un panorama de ses difficultés, concernant lesquelles le Parlement est dans son rôle en demandant des comptes à ceux qui en ont la responsabilité.
Pour ma part, je n’aborderai qu’un seul point : l’apprentissage de la lecture. Ceux qui me connaissent ne s’étonneront pas de ce choix, compte tenu de mes multiples interventions et propositions ayant trait à ce sujet d’une importance capitale. Nous ne pouvons fermer les yeux plus longtemps. Vous l’avez dit vous-même, monsieur le ministre : 27 % des élèves qui entrent au collège n’ont pas le niveau requis en français. Il y a là le ferment d’un gâchis humain considérable. Si nous élargissons la perspective, sur soixante-dix-neuf pays évalués par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la France, en matière de compréhension de l’écrit, occupe le vingt-troisième rang.
Nous vivons une situation singulière : chacun connaît les causes, l’ampleur et la gravité du problème, chacun en mesure les conséquences, nul ne peut en ignorer les solutions ; pourtant, il ne se passe rien. J’en veux pour preuve la note d’alerte particulièrement préoccupante publiée le 25 octobre 2022 par le Conseil scientifique de l’éducation nationale (CSEN) : elle déplore que le guide Pour enseigner la lecture et l’écriture au CP , dit guide orange, paru en 2019, soit insuffisamment diffusé ; elle s’alarme qu’« en l’absence de formation, certains enseignants adoptent des pédagogies à départ global totalement inacceptables au regard des connaissances scientifiques actuelles ».
Selon une étude en cours menée par le sociologue Jérôme Deauvieau sur un échantillon de 16 149 enseignants de cours préparatoire (CP), moins de 1 % d’entre eux utilisent la méthode recommandée par le Conseil scientifique, celle qui se montre pourtant indéniablement la plus efficace – surtout pour les enfants des familles les moins aisées. Bravo. Alors que les sciences cognitives nous ont beaucoup appris, il est particulièrement dommageable que les méthodes d’apprentissage fassent toujours l’objet de conflits idéologiques indifférents aux faits. Il est démontré que les méthodes pédagogiques fondées sur l’apprentissage des correspondances entre graphème et phonème, souvent présentées comme le B.A.-BA, et le décodage des mots, conduisent aux meilleures performances des élèves alors que les méthodes dites mixtes ou à départ global compliquent l’apprentissage de la lecture et sont porteuses de confusion dans l’esprit des enfants. Dans une indifférence coupable, on ruine les chances de milliers d’élèves de mener une scolarité normale, spécialement dans les milieux les plus fragiles socialement. Je n’hésite pas à le dire, c’est un véritable scandale d’État.
Les solutions sont connues pourtant ; elles sont parfaitement établies dans le guide orange que j’évoquais. Hélas, et c’est toujours là que le bât blesse, la mise en application de celui-ci est catastrophiquement faible. On sait ce qu’il faut faire mais on ne le fait pas et l’État n’exige rien. Le déclin du niveau de lecture est manifestement lié à un déficit de formation initiale et continue des enseignants ainsi qu’à la subsistance de nombreux manuels scolaires relayant des méthodes d’apprentissage peu efficaces et souvent obsolètes.
Les propositions que je vais faire pour remédier à cette situation sont souvent évoquées. Il est urgent de s’assurer d’abord que les meilleures méthodes d’apprentissage sont certifiées et intégrées à la formation initiale des enseignants et surtout, monsieur le ministre, que l’on en contrôle la maîtrise par les enseignants eux-mêmes. Deuxièmement, sur le modèle du plan de formation à la laïcité lancé l’année dernière par le ministère, un plan de formation de l’ensemble des enseignants de cours préparatoire, des inspecteurs de l’éducation nationale et des conseillers pédagogiques aux méthodes certifiées d’apprentissage de la lecture devrait être lancé dès que possible, avant la prochaine rentrée scolaire. Une fois cette formation assurée, tout refus caractérisé de mettre en œuvre les méthodes d’apprentissage certifiées devrait être sanctionné. De surcroît, afin d’inciter les manuels scolaires à diffuser les meilleures méthodes d’apprentissage, il faudrait les labelliser. Sans ce label de qualité, les manuels scolaires ne devraient pas être éligibles à un financement public.
Ce qui se joue en cours préparatoire est capital. Il s’agit d’offrir la liberté de lire – ce sont encore les mots du Conseil scientifique de l’éducation nationale – et avec elle la liberté de découvrir et de penser. Monsieur le ministre, serez-vous le ministre qui aura le courage de mener ce combat, le plus beau et le plus salutaire ? Sachez en tout cas que le groupe Les Républicains sera à vos côtés si vous décidez de le mener. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) La parole est à Mme Géraldine Bannier. Je commencerai par remercier l’oratrice précédente d’avoir parlé de lecture ; c’est évidemment un sujet important. Je tiens à rappeler en préambule un fait incontournable : l’école évolue continûment. Elle n’est pas déconnectée de la société, comme certains semblent le croire, mais les deux sont parfaitement imbriquées. Elle en est le reflet et même, puisqu’elle reçoit les jeunes qui en feront l’avenir, le cœur battant, l’endroit où l’on peut quasiment prévoir ce que sera la société de demain.
L’école s’est démocratisée tout au long du XXe siècle. Les collèges ont accueilli de plus en plus de jeunes depuis 1963 et se sont fondus dans le collège unique en 1975. Cela a permis à des talents d’accéder aux études quand, auparavant, le lieu de naissance et la profession des parents déterminaient l’avenir des enfants, quelles que fussent leurs aptitudes. L’école s’est aussi faite inclusive, accueillant en milieu ordinaire – expression révélatrice – les enfants en situation de handicap. Ce sont là de très nets progrès, qui se poursuivent et qu’il ne faut pas oublier. Attention toutefois à bien offrir à chacun une solution adaptée à ses besoins car l’intégration dans une classe de vingt-cinq élèves n’est pas la solution unique.
L’école d’aujourd’hui est néanmoins pointée du doigt, parfois à juste raison. Les classements Pisa, s’ils ne sont pas l’alpha et l’oméga de la mesure de la réussite scolaire, montrent toutefois que notre système cale. Les élèves français sont dans la moyenne européenne, autant en difficulté en mathématiques qu’en français. Surtout, le système français est celui, en Europe, qui réduit le plus mal les inégalités. Autant dire que c’est le cœur de notre devise républicaine que ce triste constat met à mal. Il n’est pas interdit à un jeune de milieu défavorisé géographiquement ou socialement de réussir : il y a pour cela les quotas, les cordées de la réussite et les classes préparatoires, certes élitistes, mais pas totalement fermées aux talents. Mais pour l’avoir vécu, j’ajouterai que le parcours reste celui d’un éternel retard à rattraper.
Parce qu’à la maison, on n’a pas accès aux livres ou à la musique, parce qu’on se couche tard, parce qu’on ne part pas en vacances à l’étranger pour maîtriser les langues, parce qu’on n’a pas de quoi s’offrir des cours privés et, enfin, parce qu’on a intégré l’idée que, puisqu’on a des bras, on pourra bien réussir sans l’école, et que tout le monde dans la famille a fait sans. L’ascenseur social qu’est l’école reste difficile à emprunter, parce qu’étranger. Il faut clairement poursuivre une politique très volontariste en faveur de la mixité des publics accueillis, du partage d’expériences et de la mobilité, facilitant l’accès des plus fragiles aux dispositifs sportifs et culturels – sous peine que se creuse encore un fossé social déjà trop marqué et perçu dès le plus jeune âge par les enfants.
Une autre évolution majeure de ces dernières décennies me paraît se résumer dans le seul mot d’autorité, mot tabou, désuet sans doute, mais si central dans ce qu’est devenue l’école d’aujourd’hui. Au modèle des maîtres qui tapaient sur les doigts ou faisaient faire des tours de cour aux récalcitrants – époque heureusement révolue – s’est substitué un modèle inverse. Le professeur qui sanctionne est prié par un mot des parents de retirer la punition, sommé de récupérer en classe un élève pourtant exclu ; il doit justifier le contenu de ses cours et peut recevoir des menaces de mort – la chose se développe, hélas, dans les cas les plus extrêmes. Le respect dont jouissait le hussard de la République sur son piédestal, qui déjà à l’époque n’était même pas trop payé, n’est plus tout à fait là. Le manque de respect commence par la faiblesse des salaires ! Le choix politique, il y a quelques années, de pointer les vacances des enseignants et leur supposée semaine de 18 heures n’a pas aidé. Résultat : l’enseignant qui consacre ses jours, soirées et week-ends compris, à corriger ses copies et à imaginer ses cours, parfois entre deux portes et au beau milieu de ses occupations familiales, qui voit une centaine d’adolescents par jour, côtoie les parents et récupère de l’énergie pendant les pauses – également destinées à préparer de nouveaux cours, avec une technologie qui évolue sans cesse – se décourage. Il n’est pas bien vu par la société, pas soutenu, il est payé bien en dessous de la moyenne européenne et reste toujours à former ! Les élèves lui disent : « Prof, on ne fera pas… C’est un sale boulot. »
Le tableau n’est pas bien réjouissant mais il reflète la réalité des établissements, là où l’on vit l’école au présent, où l’on est confronté aux sujets bien connus de la laïcité, du harcèlement et des réseaux sociaux sans avoir nécessairement à dire au professeur de s’en occuper. Car l’enseignant sait ce qu’il a à faire. Il sait que sa mission, chevillée au corps, est de transmettre au plus grand nombre les bases nécessaires pour réussir dans la vie en même temps qu’un bagage civique qui permette au mieux la formation d’un jeune citoyen inséré et bien dans sa vie. Je vois là, avec mon expérience, la première urgence de tout politique qui souhaiterait améliorer le système : soutenir les professeurs, leur redonner le rôle central dans la société qu’ils n’ont plus ; rappeler que l’école est un lieu de respect et d’apprentissage à sacraliser encore et toujours. Payez-les correctement ! On est loin d’une énième réforme du système ou de dispositifs technocratiques imaginés en retard par ceux qui ne sont plus sur les bancs de l’école, mais n’est-ce pas là l’essentiel ? (Mme Agnès Carel applaudit.) La parole est à Mme Isabelle Santiago. L’histoire de la République est liée à celle de l’école. Déjà pendant la Révolution française, des voix s’élevaient pour qu’on donne au peuple l’instruction nécessaire à son émancipation. L’état de notre école, qui a jadis fait notre fierté, laisse à désirer et son fonctionnement contribue à creuser les inégalités. Votre gouvernement y contribue, monsieur le ministre, en lançant une cacophonie de réformes qui se contredisent sans cesse ; il n’y a qu’à voir le traitement des mathématiques dans le tronc commun de la réforme du baccalauréat et le recul de la part des jeunes filles dans la filière scientifique. Nous avions bien alerté – certes, c’était hier –, mais on nous répondait lors des questions au Gouvernement que tout allait bien. In fine , les mathématiques ont été réintégrées au tronc commun.
Dans ce contexte, mon propos portera sur un thème qui m’est cher : faire réussir les plus fragiles. C’est en tant qu’ancienne vice-présidente du département du Val-de-Marne pendant onze ans, chargée de la protection de l’enfance et de la prévention spécialisée, que je vous le dis.
Prenons tout d’abord la question de l’orientation. En France, la voie professionnelle est injustement dévalorisée depuis des années, privant notre nation de personnel qualifié dans différents métiers en tension, dont certains ont une très haute valeur ajoutée. L’aide à l’orientation reste notoirement insuffisante et pénalise les élèves dont l’environnement familial n’est pas favorable à la découverte de tous les possibles. Par exemple, les 54 heures annuelles d’aide à l’orientation ne sont en général pas assurées. Pourtant nous le savons : un meilleur accompagnement permettrait de réduire le nombre d’échecs, trop nombreux, et le sentiment de dépréciation éprouvé par les élèves.
Pour faire réussir tous les enfants, l’école a également besoin d’excellents professeurs, ces hussards noirs qui font notre République. Alors qu’il faudrait renforcer l’attractivité du métier d’enseignant, vous continuez de saborder une profession déjà trop précaire, à travers notamment les job datings
La parole est à M. Roger Chudeau. Je commencerai, madame la présidente, par vous faire part de mon indignation concernant le sort réservé par cette législature au sujet de l’école. L’application du 49.3 nous a privés d’examiner la mission budgétaire Enseignement scolaire , laquelle représente pas moins de 82 milliards d’euros ; voilà désormais que nous entamons à vingt-trois heures quinze et à 30 députés, alors que nous étions 500 il y a deux heures, ce débat portant sur une question cruciale pour l’avenir de la République et de la nation. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
En effet, la question éducative a toujours été considérée par la République comme l’acmé de son projet. Condorcet, les lois scolaires, la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, le programme du Conseil national de la Résistance (CNR) ont façonné notre école, jadis l’une des meilleures au monde. Aujourd’hui, la nation s’interroge : que reste-t-il des promesses et des ambitions de l’école républicaine ? Notre système éducatif est-il en mesure de relever les défis des cinquante prochaines années ? La France lui consacre une part importante de sa richesse : presque 7 % du PIB, soit quelque 82 milliards d’euros. Or, paradoxalement, les performances des élèves s’effondrent. Aussi bien le cycle des évaluations disciplinaires réalisées sur échantillons (Cedre) par l’éducation nationale que les enquêtes internationales – le Programme international pour le suivi des acquis des élèves (Pisa), le Programme international de recherche en lecture scolaire (Pirls), les Tendances dans l’étude des mathématiques et des sciences (Timss) – mettent en évidence cette dégradation constante. Le niveau baisse, c’est peu de le dire ! Quant à l’ascenseur social que constituait le mérite scolaire, il est bloqué depuis les années 1970.
Ces constats n’ont cependant eu aucune influence sur les politiques élaborées, ces dernières décennies, par les majorités successives. Il est temps d’établir devant les Français la part de responsabilité de chacune dans ce désastre – car il ne s’agit pas d’une question d’organisation, comme le prétend le chef de l’État, mais d’une crise systémique profonde et qui, je le répète, implique directement les choix opérés depuis trente ans. J’affirme ici que le délabrement du système éducatif résulte du compromis historique implicitement scellé, à l’issue de la crise de 1968 (« Ah, quand même ! » sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES) , entre droite et gauche : à la première, le régalien et l’économie ; l’éducation et la culture à la seconde,… Merci de le reconnaître, monsieur Chudeau : la culture, c’est nous ! …qui a toujours prétendu à une sorte d’hégémonie intellectuelle dans ces matières. Pourtant, son exercice du pouvoir a abouti à une déconstruction méthodique de l’école. Qu’on en juge : la loi du 10 juillet 1989 d’orientation sur l’éducation, dite loi Jospin, place l’élève au centre du système éducatif – affirmation tautologique à première vue, mais fondamentale pour l’épistémologie de l’éducation. L’élève étant supposément, désormais, « l’acteur de son propre apprentissage », c’en était fait de la transmission, fondement de tout acte éducatif. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Au nom d’un pédagogisme ravageur, la gauche n’a vu dans la transmission du savoir et de l’héritage civilisationnel qu’un instrument de domination, de domestication, d’assignation ; l’Université, chargée de la formation des jeunes professeurs, leur a massivement inculqué cette conception insensée. Dans le même temps, l’ascenseur social, le mérite et l’élitisme républicains faisaient également l’objet d’attaques systématiques. L’origine géographique, sociale, voire ethnique de certains élèves devrait, selon le principe de la discrimination positive, déterminer leur admission en classe préparatoire aux grandes écoles (CPGE). Mais non ! N’importe quoi ! En 2014, Mme Vallaud-Belkacem supprimait d’ailleurs les bourses au mérite, que M. Blanquer, soit dit en passant, n’a pas rétablies.
Quant aux résultats des examens nationaux, ils relèvent de l’escroquerie : lisez une copie de brevet ou de bac, vous serez édifiés. De nos bacheliers pleins de superbe, 50 % échouent à leur première année de fac ! Enfin, le début de la paupérisation du corps enseignant n’est pas difficile à situer dans le temps : en 1980, un professeur gagnait 2,6 fois le Smic, contre 1,6 fois aujourd’hui. Après 1980, qui était au pouvoir ? (« La gauche ! » sur quelques bancs du groupe RN.) Les choix idéologiques et politiques de cette période se révèlent donc catastrophiques. Pour sa part, à quelques exceptions près, la droite, largement victime du syndrome de Stockholm, s’est refusée, par paresse et mépris, à considérer l’éducation autrement que comme une source d’embarras politiques et de dépenses budgétaires excessives – je pense par exemple aux 90 000 emplois supprimés par la révision générale des politiques publiques (RGPP).
Cet effondrement silencieux a été masqué par une avalanche de réformes jamais achevées, jamais évaluées, abandonnées à chaque changement de ministre : pour s’en convaincre, il n’est que de lire dans Le Monde la dernière tribune de M. Ndiaye, qui découvre soudain, lui aussi, la nécessité de réformer l’école. Monsieur le ministre, vous faites grand cas de l’augmentation de votre budget, vous répétez comme un mantra… Merci de conclure, cher collègue. …que le primaire est prioritaire, vous affirmez défendre la laïcité. Tout cela n’est que poudre aux yeux : l’inflation dévore vos crédits, rien de sérieux n’est entrepris au profit de l’école primaire, et vos actions en faveur de la laïcité sont entachées d’ambiguïté, de procrastination – vous ne voulez manifestement pas vous attaquer au problème. Cependant que le système éducatif se retrouve à bout de souffle, déclassé, voué à des réformes superficielles et sans lendemain, nous n’avons aucune confiance dans votre capacité à restaurer notre école. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) La parole est à M. Alexis Corbière. En une période où l’on parle beaucoup de la République – principe, symbole, programme –, vous savez mieux que quiconque, monsieur le ministre, qu’à travers l’histoire de notre pays, elle s’est matérialisée au sein de l’école. L’école constitue le socle de la République ; si celle-ci s’est imposée à la fin du XIXe siècle, c’est grâce à l’énergique initiative qui a permis l’implantation dans nombre de communes d’une école publique au programme éducatif républicain, social, laïque. C’est vrai ! Exactement ! Il est temps de continuer à faire vivre cet idéal. J’ai entendu un collègue citer 89 ; vous me permettrez d’évoquer 93, pas seulement parce que ce numéro est celui du département de Seine-Saint-Denis, où se situe ma circonscription, mais parce qu’en 1793, le grand révolutionnaire que fut Danton déclarait : « C’est à vous, républicains célèbres, que j’en appelle ; mettez ici tout le feu de votre imagination, mettez-y toute l’énergie de votre caractère, c’est le peuple qu’il faut doter de l’éducation nationale. Quand vous semez dans le vaste champ de la République, vous ne devez pas compter le prix de cette semence. Après le pain, l’éducation est le premier besoin du peuple. » (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES et RN.) La République n’est faible, aujourd’hui, que parce que son école est attaquée. Durant le précédent quinquennat, un ministre avait lancé dans le débat public le mot « séparatisme ». J’affirme ici que, dans ce pays, il existe bien un séparatisme : le séparatisme scolaire. (Mme Raquel Garrido applaudit.) Exactement ! Selon le département, la ville, le quartier, l’école publique, la qualité de l’enseignement ne sont pas les mêmes ; telle est la dégradation du système que pour nos enfants, le fait même d’être scolarisé dans le public influe sur cette qualité. Monsieur le ministre, il vous faudrait prendre à bras-le-corps ce problème évoqué dans certaines de vos interviews : l’école publique subit la rude concurrence de l’école privée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Il a raison, ça suffit ! Bien que celle-ci soit confessionnelle, nos concitoyens, souvent, ne la choisissent pas en raison de leurs convictions spirituelles, ce qui constitue un motif respectable, mais parce que les plus aisés s’y concentrent. (« C’est vrai ! » sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES. – Protestations sur quelques bancs du groupe RN.) Bravo, Corbière ! Vous n’ignorez pas les nombreuses études publiées à ce sujet ; un chercheur du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) a ainsi établi récemment, dans une tribune passionnante, que, parmi les 10 % de collèges ayant l’indice de position sociale (IPS) le plus bas, seuls 3 % sont privés, contre 61 % parmi les 10 % de collèges possédant l’IPS le plus élevé. (Mme Anne-Laure Blin s’exclame.) Eh oui ! Je le répète, il s’est ainsi créé progressivement, financée par des fonds publics, une concurrence au service public – un peu comme si l’État, tout en entretenant les bus et les tramways, donnait de l’argent aux entreprises de taxis. Exactement ! L’école privée rend service ! Pendant ce temps, les hussards de la République sont souvent devenus des Uber de la République ;… C’est bien, ça, comme formule ! …autrement dit, notre école s’est précarisée. Les enseignants, mal rémunérés,… Ça, c’est la gauche ! …voyant s’éroder leur pouvoir d’achat, seront en grève, entre autres pour cette raison, le 17 janvier. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.) Monsieur le ministre, répondez à leurs revendications !
Les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH), qui nous sont précieux, si nécessaires, qui ont l’honneur de s’occuper des enfants dont les difficultés sont les plus grandes, se retrouvent désormais confrontés à la précarité : voilà qui déshonore l’institution. Monsieur le ministre, quand soutiendrez-vous ce corps des AESH ? Quand donnerez-vous aux femmes qui le composent essentiellement un salaire digne, ainsi qu’une vraie formation, afin que les enfants en difficulté n’aient pas à subir une double peine ?
Enfin, savez-vous que l’enseignement professionnel, ce joyau de notre système éducatif, ne concerne pas moins de 27 % des lycéens ? Je suis persuadé, je le dis sans aucun mépris, que dans cet hémicycle, nous trouverions peu de parents dont un enfant suit cette voie… Moi, j’en ai un ! (Quelques députés du groupe RN lèvent la main pour signifier qu’ils sont également dans ce cas.) Eh bien, bravo, madame ! Avant d’être élu député, j’ai eu l’honneur d’enseigner vingt ans au sein d’un lycée professionnel. Ces enfants doivent bénéficier de la protection qu’il convient d’accorder à l’enseignement professionnel ; encore une fois, ce n’est pas un à-côté ! J’aurais souhaité, monsieur le ministre, que vous accomplissiez cette tâche, et je vois d’un mauvais œil le fait que vous partagiez avec le ministre du travail la tutelle de Mme Grandjean. Les lycéens professionnels sont des élèves à part entière (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES) ,… Exactement ! …c’est pourquoi nous devons rejeter la réforme visant à généraliser leur formation en entreprise : les patrons n’ont pas besoin d’élèves, dont ils ne sauront que faire ! Merci de conclure, cher collègue. Encore une fois, je sais de quoi je parle : ces lycéens ont besoin d’acquérir la culture générale qui leur permettra de devenir des ouvriers, des techniciens, de grande qualité ! Défendre l’école, c’est défendre la République : pour l’instant, monsieur le ministre, le compte n’y est pas. (Mmes et MM. les députés du groupe LFI-NUPES se lèvent et applaudissent vivement. – Mme Elsa Faucillon et M. Benjamin Lucas applaudissent également.) La parole est à Mme Annie Genevard. Dans le cadre de cette semaine de contrôle de l’Assemblée nationale, le débat de ce soir porte sur l’état de l’école de la République. Nul doute que beaucoup de nos interventions brosseront un panorama de ses difficultés, concernant lesquelles le Parlement est dans son rôle en demandant des comptes à ceux qui en ont la responsabilité.
Pour ma part, je n’aborderai qu’un seul point : l’apprentissage de la lecture. Ceux qui me connaissent ne s’étonneront pas de ce choix, compte tenu de mes multiples interventions et propositions ayant trait à ce sujet d’une importance capitale. Nous ne pouvons fermer les yeux plus longtemps. Vous l’avez dit vous-même, monsieur le ministre : 27 % des élèves qui entrent au collège n’ont pas le niveau requis en français. Il y a là le ferment d’un gâchis humain considérable. Si nous élargissons la perspective, sur soixante-dix-neuf pays évalués par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la France, en matière de compréhension de l’écrit, occupe le vingt-troisième rang.
Nous vivons une situation singulière : chacun connaît les causes, l’ampleur et la gravité du problème, chacun en mesure les conséquences, nul ne peut en ignorer les solutions ; pourtant, il ne se passe rien. J’en veux pour preuve la note d’alerte particulièrement préoccupante publiée le 25 octobre 2022 par le Conseil scientifique de l’éducation nationale (CSEN) : elle déplore que le guide Pour enseigner la lecture et l’écriture au CP , dit guide orange, paru en 2019, soit insuffisamment diffusé ; elle s’alarme qu’« en l’absence de formation, certains enseignants adoptent des pédagogies à départ global totalement inacceptables au regard des connaissances scientifiques actuelles ».
Selon une étude en cours menée par le sociologue Jérôme Deauvieau sur un échantillon de 16 149 enseignants de cours préparatoire (CP), moins de 1 % d’entre eux utilisent la méthode recommandée par le Conseil scientifique, celle qui se montre pourtant indéniablement la plus efficace – surtout pour les enfants des familles les moins aisées. Bravo. Alors que les sciences cognitives nous ont beaucoup appris, il est particulièrement dommageable que les méthodes d’apprentissage fassent toujours l’objet de conflits idéologiques indifférents aux faits. Il est démontré que les méthodes pédagogiques fondées sur l’apprentissage des correspondances entre graphème et phonème, souvent présentées comme le B.A.-BA, et le décodage des mots, conduisent aux meilleures performances des élèves alors que les méthodes dites mixtes ou à départ global compliquent l’apprentissage de la lecture et sont porteuses de confusion dans l’esprit des enfants. Dans une indifférence coupable, on ruine les chances de milliers d’élèves de mener une scolarité normale, spécialement dans les milieux les plus fragiles socialement. Je n’hésite pas à le dire, c’est un véritable scandale d’État.
Les solutions sont connues pourtant ; elles sont parfaitement établies dans le guide orange que j’évoquais. Hélas, et c’est toujours là que le bât blesse, la mise en application de celui-ci est catastrophiquement faible. On sait ce qu’il faut faire mais on ne le fait pas et l’État n’exige rien. Le déclin du niveau de lecture est manifestement lié à un déficit de formation initiale et continue des enseignants ainsi qu’à la subsistance de nombreux manuels scolaires relayant des méthodes d’apprentissage peu efficaces et souvent obsolètes.
Les propositions que je vais faire pour remédier à cette situation sont souvent évoquées. Il est urgent de s’assurer d’abord que les meilleures méthodes d’apprentissage sont certifiées et intégrées à la formation initiale des enseignants et surtout, monsieur le ministre, que l’on en contrôle la maîtrise par les enseignants eux-mêmes. Deuxièmement, sur le modèle du plan de formation à la laïcité lancé l’année dernière par le ministère, un plan de formation de l’ensemble des enseignants de cours préparatoire, des inspecteurs de l’éducation nationale et des conseillers pédagogiques aux méthodes certifiées d’apprentissage de la lecture devrait être lancé dès que possible, avant la prochaine rentrée scolaire. Une fois cette formation assurée, tout refus caractérisé de mettre en œuvre les méthodes d’apprentissage certifiées devrait être sanctionné. De surcroît, afin d’inciter les manuels scolaires à diffuser les meilleures méthodes d’apprentissage, il faudrait les labelliser. Sans ce label de qualité, les manuels scolaires ne devraient pas être éligibles à un financement public.
Ce qui se joue en cours préparatoire est capital. Il s’agit d’offrir la liberté de lire – ce sont encore les mots du Conseil scientifique de l’éducation nationale – et avec elle la liberté de découvrir et de penser. Monsieur le ministre, serez-vous le ministre qui aura le courage de mener ce combat, le plus beau et le plus salutaire ? Sachez en tout cas que le groupe Les Républicains sera à vos côtés si vous décidez de le mener. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) La parole est à Mme Géraldine Bannier. Je commencerai par remercier l’oratrice précédente d’avoir parlé de lecture ; c’est évidemment un sujet important. Je tiens à rappeler en préambule un fait incontournable : l’école évolue continûment. Elle n’est pas déconnectée de la société, comme certains semblent le croire, mais les deux sont parfaitement imbriquées. Elle en est le reflet et même, puisqu’elle reçoit les jeunes qui en feront l’avenir, le cœur battant, l’endroit où l’on peut quasiment prévoir ce que sera la société de demain.
L’école s’est démocratisée tout au long du XXe siècle. Les collèges ont accueilli de plus en plus de jeunes depuis 1963 et se sont fondus dans le collège unique en 1975. Cela a permis à des talents d’accéder aux études quand, auparavant, le lieu de naissance et la profession des parents déterminaient l’avenir des enfants, quelles que fussent leurs aptitudes. L’école s’est aussi faite inclusive, accueillant en milieu ordinaire – expression révélatrice – les enfants en situation de handicap. Ce sont là de très nets progrès, qui se poursuivent et qu’il ne faut pas oublier. Attention toutefois à bien offrir à chacun une solution adaptée à ses besoins car l’intégration dans une classe de vingt-cinq élèves n’est pas la solution unique.
L’école d’aujourd’hui est néanmoins pointée du doigt, parfois à juste raison. Les classements Pisa, s’ils ne sont pas l’alpha et l’oméga de la mesure de la réussite scolaire, montrent toutefois que notre système cale. Les élèves français sont dans la moyenne européenne, autant en difficulté en mathématiques qu’en français. Surtout, le système français est celui, en Europe, qui réduit le plus mal les inégalités. Autant dire que c’est le cœur de notre devise républicaine que ce triste constat met à mal. Il n’est pas interdit à un jeune de milieu défavorisé géographiquement ou socialement de réussir : il y a pour cela les quotas, les cordées de la réussite et les classes préparatoires, certes élitistes, mais pas totalement fermées aux talents. Mais pour l’avoir vécu, j’ajouterai que le parcours reste celui d’un éternel retard à rattraper.
Parce qu’à la maison, on n’a pas accès aux livres ou à la musique, parce qu’on se couche tard, parce qu’on ne part pas en vacances à l’étranger pour maîtriser les langues, parce qu’on n’a pas de quoi s’offrir des cours privés et, enfin, parce qu’on a intégré l’idée que, puisqu’on a des bras, on pourra bien réussir sans l’école, et que tout le monde dans la famille a fait sans. L’ascenseur social qu’est l’école reste difficile à emprunter, parce qu’étranger. Il faut clairement poursuivre une politique très volontariste en faveur de la mixité des publics accueillis, du partage d’expériences et de la mobilité, facilitant l’accès des plus fragiles aux dispositifs sportifs et culturels – sous peine que se creuse encore un fossé social déjà trop marqué et perçu dès le plus jeune âge par les enfants.
Une autre évolution majeure de ces dernières décennies me paraît se résumer dans le seul mot d’autorité, mot tabou, désuet sans doute, mais si central dans ce qu’est devenue l’école d’aujourd’hui. Au modèle des maîtres qui tapaient sur les doigts ou faisaient faire des tours de cour aux récalcitrants – époque heureusement révolue – s’est substitué un modèle inverse. Le professeur qui sanctionne est prié par un mot des parents de retirer la punition, sommé de récupérer en classe un élève pourtant exclu ; il doit justifier le contenu de ses cours et peut recevoir des menaces de mort – la chose se développe, hélas, dans les cas les plus extrêmes. Le respect dont jouissait le hussard de la République sur son piédestal, qui déjà à l’époque n’était même pas trop payé, n’est plus tout à fait là. Le manque de respect commence par la faiblesse des salaires ! Le choix politique, il y a quelques années, de pointer les vacances des enseignants et leur supposée semaine de 18 heures n’a pas aidé. Résultat : l’enseignant qui consacre ses jours, soirées et week-ends compris, à corriger ses copies et à imaginer ses cours, parfois entre deux portes et au beau milieu de ses occupations familiales, qui voit une centaine d’adolescents par jour, côtoie les parents et récupère de l’énergie pendant les pauses – également destinées à préparer de nouveaux cours, avec une technologie qui évolue sans cesse – se décourage. Il n’est pas bien vu par la société, pas soutenu, il est payé bien en dessous de la moyenne européenne et reste toujours à former ! Les élèves lui disent : « Prof, on ne fera pas… C’est un sale boulot. »
Le tableau n’est pas bien réjouissant mais il reflète la réalité des établissements, là où l’on vit l’école au présent, où l’on est confronté aux sujets bien connus de la laïcité, du harcèlement et des réseaux sociaux sans avoir nécessairement à dire au professeur de s’en occuper. Car l’enseignant sait ce qu’il a à faire. Il sait que sa mission, chevillée au corps, est de transmettre au plus grand nombre les bases nécessaires pour réussir dans la vie en même temps qu’un bagage civique qui permette au mieux la formation d’un jeune citoyen inséré et bien dans sa vie. Je vois là, avec mon expérience, la première urgence de tout politique qui souhaiterait améliorer le système : soutenir les professeurs, leur redonner le rôle central dans la société qu’ils n’ont plus ; rappeler que l’école est un lieu de respect et d’apprentissage à sacraliser encore et toujours. Payez-les correctement ! On est loin d’une énième réforme du système ou de dispositifs technocratiques imaginés en retard par ceux qui ne sont plus sur les bancs de l’école, mais n’est-ce pas là l’essentiel ? (Mme Agnès Carel applaudit.) La parole est à Mme Isabelle Santiago. L’histoire de la République est liée à celle de l’école. Déjà pendant la Révolution française, des voix s’élevaient pour qu’on donne au peuple l’instruction nécessaire à son émancipation. L’état de notre école, qui a jadis fait notre fierté, laisse à désirer et son fonctionnement contribue à creuser les inégalités. Votre gouvernement y contribue, monsieur le ministre, en lançant une cacophonie de réformes qui se contredisent sans cesse ; il n’y a qu’à voir le traitement des mathématiques dans le tronc commun de la réforme du baccalauréat et le recul de la part des jeunes filles dans la filière scientifique. Nous avions bien alerté – certes, c’était hier –, mais on nous répondait lors des questions au Gouvernement que tout allait bien. In fine , les mathématiques ont été réintégrées au tronc commun.
Dans ce contexte, mon propos portera sur un thème qui m’est cher : faire réussir les plus fragiles. C’est en tant qu’ancienne vice-présidente du département du Val-de-Marne pendant onze ans, chargée de la protection de l’enfance et de la prévention spécialisée, que je vous le dis.
Prenons tout d’abord la question de l’orientation. En France, la voie professionnelle est injustement dévalorisée depuis des années, privant notre nation de personnel qualifié dans différents métiers en tension, dont certains ont une très haute valeur ajoutée. L’aide à l’orientation reste notoirement insuffisante et pénalise les élèves dont l’environnement familial n’est pas favorable à la découverte de tous les possibles. Par exemple, les 54 heures annuelles d’aide à l’orientation ne sont en général pas assurées. Pourtant nous le savons : un meilleur accompagnement permettrait de réduire le nombre d’échecs, trop nombreux, et le sentiment de dépréciation éprouvé par les élèves.
Pour faire réussir tous les enfants, l’école a également besoin d’excellents professeurs, ces hussards noirs qui font notre République. Alors qu’il faudrait renforcer l’attractivité du métier d’enseignant, vous continuez de saborder une profession déjà trop précaire, à travers notamment les job datings