XVIe législature
Session ordinaire de 2022-2023

Troisième séance du mardi 10 janvier 2023

Sommaire détaillé
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Troisième séance du mardi 10 janvier 2023

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet

Mme la présidente

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

    1. Accélération de la production d’énergies renouvelables

    Vote solennel (suite)

    Mme la présidente

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    Je vais maintenant annoncer le résultat du scrutin sur l’ensemble projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables (nos 443, 526).
    Je voudrais vraiment remercier tous les services de l’Assemblée qui ont géré cette panne du système de vote électronique dans des conditions difficiles (Applaudissements sur tous les bancs) et vous, mes chers collègues, pour votre patience. Nous avons d’ores et déjà mis tous les moyens en œuvre pour rechercher les origines de la panne. Quoi qu’il en soit, les résultats du scrutin montrent bien que le système était défaillant.
    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        562
            Nombre de suffrages exprimés                524
            Majorité absolue                        263
                    Pour l’adoption                286
                    Contre                238

    (Le projet de loi est adopté.)
    (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre de la transition énergétique.

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique

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    Merci à ceux qui sont revenus pour la proclamation des résultats et auxquels je vais dire quelques mots que je pensais prononcer devant un hémicycle un peu plus rempli. (Sourires.) Tout d’abord, je voudrais vous remercier de vous être largement mobilisés sur ce texte qui a suscité des débats importants pour l’avenir énergétique de notre pays et l’atteinte de nos objectifs de développement d’énergies décarbonées. Il s’agit bien de cela : rattraper notre retard pour faire de notre pays la première grande nation à sortir de sa dépendance aux énergies fossiles. Ce projet nous permet de nous inscrire dans la trajectoire très ambitieuse du paquet « climat » européen.
    Je voudrais saluer le travail inédit de coconstruction sur ce texte. Au terme de plus de quatre-vingt-dix heures de débats en commission et dans l’hémicycle, l’adoption de 645 amendements, dont près de la moitié venant des commissions… (Mme la ministre est prise d’une quinte de toux.)

    Mme Marie-France Lorho

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    C’est le courant d’air de l’éolienne !

    Mme Caroline Colombier

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    Prenez votre temps !

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre

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    Nous aurons eu des rebondissements jusqu’au bout. (Rires sur tous les bancs.)

    Mme la présidente

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    Nous ne sommes pas pressés, ne vous inquiétez pas. (Sourires.)

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre

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    Nous pouvons collectivement être fiers de cet exercice inédit de démocratie parlementaire.
    Cette toux est horrible. (Mme la ministre doit de nouveau s’interrompre.)

    M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’industrie

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    Si vous voulez, je peux lire vos notes, madame la ministre. (Sourires.)

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre

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    Je pense pouvoir dire que ce texte est votre texte. Il contient de nombreuses avancées qui vont permettre de réduire de plusieurs années les délais de développement… (Mme la ministre s’exprime avec beaucoup de difficultés.) Veuillez m’excuser, mais je ne vais pas pouvoir aller plus loin. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – M. Guillaume Kasbarian, président de la commission des affaires économiques, applaudit également.)

    Mme la présidente

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    Merci beaucoup, madame la ministre. Je vais suspendre quelques instants avant la suite de l’ordre du jour. Merci encore, mes chers collègues. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN et sur quelques bancs du groupe RE.)

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise sous la présidence de Mme Élodie Jacquier-Laforge.)

    Présidence de Mme Élodie Jacquier-Laforge
    vice-présidente

    Mme la présidente

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    La séance est reprise.

    2. Mesures de soutien face à l’augmentation des coûts de l’énergie

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle les questions sur la mise en œuvre des mesures de soutien face à l’augmentation des coûts de l’énergie. La conférence des présidents a fixé à deux minutes la durée maximale de chaque question et de chaque réponse.
    La parole est à M. Thierry Benoit.

    M. Thierry Benoit (HOR)

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    Il y a quelques mois, les Français et plus particulièrement des entrepreneurs – artisans, commerçants, dirigeants de très petites entreprises (TPE) et de petites et moyennes entreprises (PME) – ont découvert l’explosion du prix de l’énergie et les difficultés à négocier avec les fournisseurs d’énergie. Au passage, je voudrais dénoncer ici les pratiques abusives, inadmissibles, déloyales et même scandaleuses de certains fournisseurs – dans nos circonscriptions, on parle notamment d’EDF et de TotalEnergies, mais je ne vais pas dresser toute la liste.
    Depuis quelque temps, le Gouvernement s’est mobilisé et a proposé le recours à divers acteurs et dispositifs : le bouclier tarifaire, le guichet de l’aide gaz et électricité, l’amortisseur électricité, le médiateur national de l’énergie, le conseiller départemental à la sortie de crise, le commissaire aux restructurations et à la prévention des difficultés des entreprises (CRP). Enfin, il a annoncé un prix moyen de 280 euros le mégawattheure. Craignant que cette annonce ne fasse illusion, je voudrais vous poser cette première question : pour le Gouvernement qu’est-ce qu’un prix prohibitif permettant à une entreprise de résilier son contrat ?
    Ma deuxième question concerne l’Europe. Allons-nous avoir enfin, comme lors de la crise sanitaire du covid-19, un plan européen qui nous permettrait de dire aux Français que l’Europe est la solution et non pas le problème ? Pour le moment, la situation est la suivante : les Espagnols et les Portugais font cavaliers seuls, tandis que la France paie le prix fort par solidarité.
    Dernière question : quel est le rôle de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) dans cette affaire et qu’en dit Mme Wargon ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’industrie.

    M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’industrie

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    Merci, monsieur Benoit, pour cette question qui me permet de vous rappeler que l’État et le Gouvernement font un effort historique pour soutenir à la fois les ménages et les entreprises face à une crise énergétique tout aussi historique.
    Nous allons beaucoup parler d’énergie et d’entreprises dans les deux heures qui viennent. N’oublions pas que nous subissons un choc historique dont nous devons malheureusement partager la douleur : les ménages supportent une inflation plus élevée que celle à laquelle ils étaient habitués depuis vingt ans ; les entreprises souffrent en raison de lourdes factures énergétiques ; l’État a fait sa part du travail en instaurant un bouclier énergétique, qui a permis d’afficher en France l’inflation la plus basse d’Europe, et en accordant des aides aux TPE, PME et grandes entreprises, ainsi que vous l’avez rappelé. La France est l’État qui aide le plus les entreprises.
    Il n’en reste pas moins que certaines entreprises sont fragilisées. Sous l’égide du Président de la République, Bruno Le Maire et moi-même avons donc annoncé une dernière mesure aux fournisseurs d’énergie vendredi : le prix du mégawattheure ne doit pas dépasser 280 euros pour les TPE qui ne bénéficiaient pas du tarif réglementé de vente (TRV). Ces entreprises peuvent aussi bénéficier de l’amortisseur électricité, ce qui peut réduire encore de 50 euros le prix du mégawattheure. Si elles sont énergo-intensives comme le sont les boulangers, elles peuvent aussi profiter du bouclier tarifaire.
    Conscients que tout cela est un peu complexe, nous avons mis en place les aides directes et confié à des personnes sur le terrain le soin de conseiller les entreprises. Mais nous mettons aussi tout en œuvre au plan national pour les aider à passer cette crise sans trop de douleur. Je reconnais que celle-ci existe – le prix de la baguette a augmenté tout comme celui de la galette des rois –, mais les consommateurs, les entrepreneurs et l’État partagent le coût.
    J’aurai sans doute l’occasion de revenir sur l’Europe un peu plus tard dans la soirée, mais je signale d’ores et déjà que tout ce que nous faisons est régi par les aides d’État européennes que nous avons adaptées pour aider nos entreprises.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Félicie Gérard.

    Mme Félicie Gérard (HOR)

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    Depuis maintenant plusieurs mois, les entreprises et, singulièrement, les TPE et PME, subissent de plein fouet les conséquences des crises énergétiques et géopolitiques combinées, et supportent des hausses parfois insoutenables du prix de l’énergie. Dès les premiers signes de cette crise énergétique. Nous avons, Gouvernement et Parlement, agi pour tenter de contenir ces hausses. Des dispositifs successifs ont été adoptés et améliorés au fil des mois, en permettant de contenir les coûts de manière plus efficace que nos voisins européens. Dès ce mois de janvier, l’amortisseur électricité vient ainsi compléter le bouclier tarifaire existant. Ces dispositifs sont bienvenus car ils permettent une prise en charge par l’État de jusqu’à 40 % de la hausse des factures que subissent les entreprises. Il nous faudra néanmoins les évaluer rapidement pour en mesurer l’efficacité réelle.
    Le Président de la République a aussi annoncé jeudi dernier que le Gouvernement demanderait prochainement aux fournisseurs d’électricité de revoir les contrats comprenant des tarifs situés au-dessus des prix de référence fixés par la CRE.
    Mais ces dispositifs restent encore largement méconnus de bon nombre de petites entreprises se sentant démunies face à ces hausses sans autre interlocuteur qu’un énième numéro vert. L’un des enjeux des jours à venir sera donc de faire connaître ces dispositifs dans nos circonscriptions. Pour cela, si notre mobilisation en tant que parlementaires est essentielle aux côtés des collectivités locales, l’État doit, lui aussi, déployer des dispositifs d’information et d’accompagnement au plus près des besoins des territoires, afin de s’assurer de l’efficacité des dispositifs de soutien créés.
    Quels dispositifs le Gouvernement met-il en place pour informer et accompagner – j’insiste sur ce dernier terme, car il faut aller bien au-delà de l’information – les entreprises de notre territoire ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué.

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Merci, madame Gérard, de me donner l’occasion de détailler la manière dont le Gouvernement compte accompagner et informer les entreprises. Suivant les instructions du Président de la République, dès vendredi, Bruno Le Maire, Olivia Grégoire et moi-même avons convoqué à Bercy les fournisseurs d’énergie qui se tiennent prêts d’ores et déjà à revoir les contrats des TPE. Le premier message très important à leur transmettre est de les inciter à se manifester auprès de leurs fournisseurs car ces derniers ne savent pas si elles comptent neuf, dix ou onze salariés. Elles doivent leur adresser un formulaire, disponible sur le site economie.gouv.fr. Il leur suffit d’attester sur l’honneur que leur société appartient bien à la catégorie des TPE, qu’à ce titre, elles ont le droit de bénéficier d’un prix de l’électricité limité à 280 euros par mégawattheure et cette mesure leur sera appliquée.
    En outre, dans chaque département, un conseiller de la direction générale des finances publiques (DGFIP) sera là pour aider les entreprises dans leurs démarches. Ils effectueront des tournées pour se rendre eux-mêmes auprès d’elles et les sensibiliser à ces aides. Bien évidemment, les chambres de commerce et de l’industrie (CCI) et les chambres des métiers et de l’artisanat (CMA) conseilleront leurs membres sur tous les dispositifs d’aides, lesquels, je le reconnais, peuvent parfois paraître complexes. Les entreprises bénéficieront donc bel et bien d’un accompagnement.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Thierry Benoit.

    M. Thierry Benoit (HOR)

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    Je vais poser la question que mon collègue Jérémie Patrier-Leitus, que vous voudrez bien excuser, comptait vous adresser. Il se félicite tout d’abord de l’accord que le Gouvernement a pu trouver le 6 janvier dernier avec les énergéticiens sur un prix moyen du mégawattheure limité à 280 euros. Il se préoccupe néanmoins du cas des artisans, des boulangers et des TPE et voudrait appeler l’attention du Gouvernement sur la situation des copropriétés dont certaines ont vu leur budget exploser du fait de l’augmentation des prix de l’énergie.
    Il se réjouit qu’un plafond similaire à celui appliqué aux TPE soit étudié pour les copropriétés ou les bailleurs de logements collectifs ayant souscrit des abonnements de fourniture d’énergie trop élevés. Il vous demande de bien vouloir détailler les modalités de contrôle qui seront mises en œuvre pour assurer que ce tarif garanti sera respecté par l’ensemble des fournisseurs d’électricité.
    Par ailleurs, il aimerait savoir si vous envisagez d’étendre le bénéfice de cette mesure aux PME de manière simple, sans qu’elles aient besoin de renégocier leur contrat au cas par cas.
    Troisième question : ce tarif de 280 euros par mégawattheure sera-t-il une moyenne lissée sur l’ensemble de l’année 2023 ou s’agit-il d’un plafond appliqué du mois de janvier au mois de décembre 2023 ?
    Dernière question, monsieur le ministre : pouvez-vous nous donner des précisions sur la manière dont ces mesures seront financées ? Quelle sera la part de réduction réellement prise en charge par les énergéticiens ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué.

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Vous remercierez M. Jérémie Patrier-Leitus pour ses questions. Ces 280 euros correspondent à une moyenne sur l’année. Vous savez en effet que les prix intègrent des tarifs d’hiver et des tarifs d’été, des tarifs d’heures creuses et des tarifs heures pleines. C’est à partir de l’estimation de cette moyenne annuelle que le fournisseur calculera le tarif moyen appliqué aux TPE afin que celui-ci soit inférieur dès le début de l’année à 280 euros.
    Pour ce qui concerne l’extension du dispositif aux PME, j’aimerais renvoyer à la dernière question posée : qui paie et comment paie-t-on ? Ce plafonnement va coûter beaucoup d’argent, il faut que nous en soyons bien conscients et, avant de l’appliquer à d’autres catégories d’entreprises, il faut évaluer les dispositifs qui bénéficient déjà aux PME et aux entreprises industrielles que je connais bien.
    S’agissant des copropriétés, je vous indique que trois décrets relatifs à l’application du bouclier tarifaire à l’habitat collectif ont été publiés le 31 décembre 2022. Ils concernent le bouclier tarifaire collectif sur l’électricité au titre de la fin de 2022, le bouclier tarifaire sur le gaz pour 2023 et le bouclier tarifaire collectif sur l’électricité pour 2023. Les choses paraissent claires mais si votre collègue souhaite obtenir des réponses complémentaires, il pourra bien sûr s’adresser à mon collègue Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Didier Lemaire.

    M. Didier Lemaire (HOR)

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    Je souhaite tout d’abord remercier le Gouvernement pour l’ensemble des dispositifs mis en place, pour sa réactivité et pour sa capacité à s’adapter en permanence afin d’aider les entreprises et nos concitoyens à faire face à cette hausse inédite des prix de l’énergie.
    Je souhaite, monsieur le ministre délégué, vous interroger au sujet de la situation des fonds de dotation. Organismes privés non lucratifs concourant à une mission d’intérêt général, ils sont confrontés à des problèmes similaires à ceux que rencontrent les copropriétés avec le chauffage collectif. Ils sont généralement adossés à des associations relevant du champ de l’économie sociale et solidaire dans les domaines du handicap ou de l’insertion, comme c’est le cas de l’APEI Sud Alsace – Association de parents et d’amis de personnes handicapées mentales du Sud Alsace – fondée en 1971.
    Le fonds de dotation APEI Sud Alsace qui lui est associé est propriétaire de bâtiments qui abritent tant les activités de l’association que des logements. Il supporte l’ensemble des charges énergétiques. Son président m’a interpellé sur le contrat de gaz qui vient d’être renouvelé car il a constaté une multiplication par quatre du tarif du mégawattheure, lequel est passé de 40 euros à plus de 160. Or il semble que les fonds de dotation ne peuvent bénéficier d’aucune des aides mises en place par l’État ces derniers mois : c’est pourquoi j’aimerais savoir, monsieur le ministre, ce que le Gouvernement compte faire pour eux. Les associations assurent le maillage social de notre territoire et doivent, à ce titre, je suis sûr que vous en conviendrez, bénéficier de protections tarifaires.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué.

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Effectivement, monsieur Lemaire, il n’y a pas de raison pour que les associations ne bénéficient pas du dispositif d’aide mis en place. Je vous confirme qu’elles seront éligibles, tout comme les fonds de dotation, à l’amortisseur visant à limiter la hausse des factures. L’augmentation que connaît le fonds de dotation que vous évoquez me paraît importante mais les tarifs en question ne sont pas non plus prohibitifs pour reprendre le terme employé par Thierry Benoit. D’autres entités font malheureusement face à des augmentations bien plus sévères. Si vous avez besoin de précisions sur ce cas, nous serons très heureux de vous fournir des informations détaillées.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Nicolas Thierry.

    M. Nicolas Thierry (Écolo-NUPES)

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    Depuis plus d’un an, nous traversons une crise énergétique d’une ampleur égale sinon supérieure à celle du premier choc pétrolier de 1973. Elle s’annonce durable mais aurait pu être anticipée voire évitée, grâce à l’activation de trois leviers : la sobriété, l’efficacité énergétique et le développement massif des énergies renouvelables. Ce constat est posé depuis longtemps et des objectifs ont été fixés en conséquence. Le Grenelle de l’environnement proposait ainsi dès 2007 une trajectoire cohérente. Rappelons, à cet égard, un fait dont on ne parle pas assez : si nous avions atteint un seul de ses objectifs, celui qui a trait à la rénovation des bâtiments, nous ne serions aujourd’hui plus dépendants du gaz russe. Nous sommes ici très loin de ce que certains appellent l’écologie punitive.
    À force d’actions non engagées, d’objectifs non tenus, de manque d’ambition, de renoncements, nous sommes au pied du mur, ce qui nous place dans l’obligation d’agir dans l’urgence en tentant de limiter la casse par un bouclier tarifaire. Or celui-ci présente plusieurs écueils : il n’incite pas à réduire la consommation d’énergie et subventionne autant les besoins vitaux des plus modestes que l’énergie superflue consommée par les plus aisés. Les foyers qui peinent à chauffer leur logement reçoivent un accompagnement financier inférieur à ceux qui chauffent leur piscine en hiver, en raison du choix que vous avez fait d’accompagner toutes les dépenses énergétiques, sans aucune distinction, ce qui est pour le moins paradoxal quand on affiche un objectif de sobriété.
    Il nous paraît pourtant absolument nécessaire de distinguer l’énergie dite vitale, utilisée notamment pour se chauffer, se laver et manger, de l’énergie dite superflue. C’est pourquoi le groupe Écologiste-NUPES propose une autre solution reposant sur un principe simple : en dessous d’un certain seuil correspondant à la consommation moyenne d’un foyer français, tous les ménages bénéficieraient d’un prix fortement administré, inférieur au tarif du bouclier actuel, ce qui permettrait de protéger ceux qui en ont le plus besoin ; au-delà de ce seuil, toute consommation serait facturée au prix du marché, ce qui serait puissamment désincitatif. Cette proposition, je le précise, s’inspire de l’économiste Jean Pisani-Ferry.
    Ma question sera simple : le Gouvernement est-il prêt à faire évoluer l’actuel bouclier tarifaire pour aller dans le sens d’une plus grande justice écologique et sociale ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué.

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    J’ai du mal à adhérer à votre analyse de notre dépendance au gaz russe dans le contexte du conflit en Ukraine : comment imaginer que la seule isolation thermique des bâtiments aurait permis à l’Europe d’être complètement préservée d’un choc de même ampleur que la crise des années soixante-dix, choc dont on sait l’impact sur les ménages et sur nos industries – je le constate au jour le jour ?

    M. Nicolas Thierry

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    Ce sont les chiffres !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Parmi les réponses à cette crise, vous avez mentionné la sobriété. À ce sujet, je tiens à saluer l’ensemble des acteurs qui en ont fait preuve. Comme vous le savez, la consommation de gaz et d’électricité a baissé ces dernières semaines de près de 10 % et, dans l’industrie, cette diminution atteint près de 20 %. Les efforts de sobriété ont donc été faits et je ne doute pas qu’ils devront être poursuivis, car la hausse des prix de l’énergie semble malheureusement durable, même si j’espère, comme c’est le cas actuellement, que nous retrouverons des niveaux plus raisonnables que ceux que nous avons connus au plus fort de l’été.
    Vous avez fait des propositions sur l’application différenciée de tarifs énergétiques, autrement dit sur la manière de mieux partager la douleur entre les différents ménages, et nous sommes bien évidemment prêts à les examiner en détail. J’y vois néanmoins une solution très complexe à mettre en œuvre pour les distributeurs d’énergie, lesquels n’ont pas connaissance du revenu ou de la consommation des ménages, d’autant que gaz et électricité sont distincts l’un de l’autre. J’aimerais disposer d’une estimation de l’impact de cette proposition sur l’inflation globale. Répétons qu’en France, l’inflation est la plus basse de la zone euro. Cela explique d’ailleurs en partie la très bonne résilience de l’économie française face à cette crise historique. J’espère que votre mesure n’aurait pas un effet inflationniste trop marqué.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Cyrielle Chatelain.

    Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES)

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    Sous la dernière législature, les bailleurs sociaux ont subi une ponction sans précédent sur leur financement du fait de la réduction de loyer de solidarité (RLS) qui a affaibli leur capacité à rénover les logements. Par ailleurs, je confirme ce qu’a dit mon collègue, même si vous avez du mal à le croire : les chiffres sont très clairs, si l’objectif de rénovation des logements fixé dans le Grenelle avait été atteint, la France n’aurait plus été dépendante du gaz russe.
    Les bailleurs sociaux subissent, comme tout le monde la hausse des prix de l’énergie, mais ils ont aussi été confrontés aux incertitudes entourant la première version du bouclier tarifaire, qui pénalisait les habitants des immeubles collectifs chauffés au gaz ou à l’électricité. Le manque d’anticipation face à cette crise a créé une grande incompréhension parmi les locataires du parc social. Pour 36 % d’entre eux, ils vivent sous le seuil de pauvreté et ne peuvent pas faire face à une telle hausse des prix.
    À la suite des alertes répétées des bailleurs sociaux, le Gouvernement a pris le 31 décembre dernier des mesures détaillant enfin les aides en faveur de l’habitat collectif. C’est une très bonne chose pour l’ensemble des locataires. Les bailleurs sociaux devront néanmoins porter le poids de ce bouclier puisque le versement des aides se fera au mieux deux mois après la fin des périodes d’éligibilité, ce qui va affecter leur trésorerie déjà affaiblie. Alors qu’il est apparu dès le début évident aux propriétaires de maisons individuelles qu’ils seraient protégés, il a fallu aux locataires du parc HLM attendre des mois pour être certains de l’être aussi. Ces difficultés démontrent que ce bouclier tarifaire n’a pas été pensé pour protéger en priorité les ménages les plus fragiles.
    Comme mon collègue Nicolas Thierry l’a rappelé, le bouclier tarifaire subventionne de la même manière l’énergie superflue consommée par les plus aisés et les besoins vitaux des plus modestes. Or les volumes d’énergie consommés sont bien plus importants chez les ménages les plus aisés : les 10 % de Français les plus aisés consomment quatre fois plus que les ménages les moins riches.

    Mme la présidente

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    Veuillez conclure, je vous prie.

    Mme Cyrielle Chatelain

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    Ce sont donc les ménages les plus riches qui ont davantage bénéficié de ce bouclier tarifaire. Monsieur le ministre délégué, je vous poserai la même question que mon collègue : êtes-vous prêt à faire évoluer ce bouclier tarifaire pour qu’il soit plus juste et protège pleinement l’ensemble des Français les plus pauvres ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué.

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Vous pouvez nous tenir responsables de tous les maux du monde mais le Grenelle de l’environnement remonte à 2007. Nous sommes comptables des mesures prises sous la majorité à laquelle j’ai eu l’honneur d’appartenir lors de la dernière législature. Votre parti était membre de la précédente. Merci de revenir vers les responsables de l’époque…

    Mme Cyrielle Chatelain

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    Emmanuel Macron était à l’Élysée sous François Hollande, non ?

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    …s’agissant des efforts insuffisants qui ont été consentis en matière de rénovation des passoires thermiques, processus que nous avons fortement accéléré, y compris d’un point de vue réglementaire. Vos collègues, moins nombreux sous la législature précédente, nous demandaient régulièrement l’interdiction progressive de la location de ces passoires et c’est cette majorité qui a mis en œuvre cette mesure, sur la base de propositions de ce gouvernement.
    En ce qui concerne l’impact sur la justice sociale et les inégalités des mesures que nous avons engagées, reconnaissez tout de même que la France est championne d’Europe sur un point : le pouvoir d’achat continue d’augmenter depuis trois ans malgré la crise sanitaire et la crise énergétique. Reconnaissez aussi, cela a été salué par les plus grands organismes, que la pauvreté a moins augmenté dans notre pays, elle n’a même pas augmenté, à l’issue de la crise sanitaire, grâce également aux mesures prises par ce Gouvernement. Reconnaissez, enfin, tous les chiffres le prouvent, que la croissance économique, le chômage, l’emploi se tiennent bien mieux en France que partout ailleurs en Europe, là encore grâce à ces mesures. Nous pouvons réfléchir à des mesures supplémentaires, mais je crains que nous n’en arrivions à complexifier un système qui, cela a été rappelé sur d’autres bancs, n’a pas besoin de l’être.
    Reconnaissons avant tout que ce qui a été réalisé jusqu’à présent fonctionne plutôt bien, y compris pour les immeubles collectifs puisque des décrets ont été publiés le 31 décembre dernier : ils sont bien concernés par tous les dispositifs.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Marc Tellier.

    M. Jean-Marc Tellier (GDR-NUPES)

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    Monsieur le ministre délégué, il serait absurde de dire que vous n’avez rien fait pour affronter la crise des prix de l’énergie ; mais il est juste de dire que vous avez fait n’importe quoi. Chez moi, dans le Pas-de-Calais, les PME, les petites et moyennes industries (PMI), les boulangers, les commerçants, vous alertent depuis des mois sur l’usine à gaz que vous avez instaurée pour affronter la crise qui frappe durement l’économie réelle. Chez moi, dans le Pas-de-Calais, plus d’un mois à peine après l’inscription de la baguette au patrimoine immatériel de l’humanité par l’Unesco, les boulangers vous demandent de les protéger dans les actes. Certains ont vu leur facture d’électricité multipliée par quatre ou cinq. Chez moi, dans le Pas-de-Calais, les collectivités locales s’inquiètent de l’explosion des tarifs de l’électricité et du gaz et vous demandent des mesures fortes, afin de ne pas être contraintes de laisser exploser les tarifs, voire de fermer des services publics locaux. La multiplication des guichets d’aide et des dispositifs est non seulement coûteuse pour les finances publiques, mais aussi inefficace.
    Vous avez renoncé à contraindre les énergéticiens et à réformer le marché européen de l’énergie. Nous avons pourtant besoin de revenir à des tarifs réglementés de vente de l’électricité et du gaz pour l’ensemble des ménages, des entreprises et des collectivités locales, et de rompre avec la logique libérale. Monsieur le ministre délégué, entendez-vous profiter du précédent de l’Espagne et du Portugal pour exiger de l’Europe qu’elle protège ? C’est urgent.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué.

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Je vous remercie, monsieur le député, pour vos questions, notamment la dernière, qui me permettent de préciser certains points. Non, l’Espagne et le Portugal ne sont pas sortis du marché européen et, non, les Espagnols et les Portugais ne sont pas complètement exemptés, loin de là, des hausses du prix de l’énergie observées partout en Europe du fait de la guerre en Ukraine. Regardez la facture d’un ménage espagnol dont le prix facial est effectivement plus faible mais qui, en contrepartie, paie une taxe importante. Au final, il n’y a pas d’argent magique : l’Ukraine est en guerre, le coût de l’énergie a augmenté, l’Espagne et le Portugal, comme la France, doivent en payer les frais.
    Je le répète, grâce aux mesures du Gouvernement, l’inflation en France est la plus faible d’Europe, y compris si on la compare à celle observée en Espagne et au Portugal. C’est vrai dans le Pas-de-Calais, en Seine-et-Marne, comme partout en France : notre pays est mieux protégé qu’un autre.

    Mme Stéphanie Galzy

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    C’est faux !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Nous aidons tous les boulangers qui ont pu, à raison, se plaindre des hausses importantes de leurs factures. Nous le faisons grâce à la possibilité de cumuler le bouclier à 280 euros par mégawattheure, l’amortisseur électricité et le guichet d’aide au paiement des factures ; des agents sont prêts, sur le terrain, à les aider. J’ajoute que la baguette a augmenté en France, tout comme la galette ou les pâtisseries. Nous sommes malheureusement en train de partager les coûts d’une crise importante. J’en appelle à la solidarité nationale, y compris, vous l’avez évoqué, aux fournisseurs d’énergie que nous avons convoqués plusieurs fois à Bercy. En réalité, ils paient une bonne partie de la note, à travers tout d’abord une contribution exceptionnelle sur les profits que la présente majorité a votée et qui leur coûte quelques milliards d’euros et, ensuite, parce qu’ils vont devoir payer une partie du coût du bouclier à 280 euros.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Hubert Wulfranc.

    M. Hubert Wulfranc (GDR)

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    Certes, le bouclier tarifaire a été prolongé jusqu’au 30 juin prochain. Vous admettrez toutefois qu’il est objectivement beaucoup moins protecteur désormais, puisque les particuliers subissent une hausse des tarifs de 15 % sur le gaz depuis le 1er janvier et de 15 % sur l’électricité à partir du 1er février prochain. Certes, 40 % des foyers les plus modestes, soit 12 millions de ménages, ont bénéficié d’une allocation de 100 ou de 200 euros en décembre et une aide exceptionnelle a par ailleurs été consentie aux ménages modestes se chauffant au fioul ou principalement au bois. Si ces mesures sont bien évidemment nécessaires, elles s’inscrivent dans une logique de coup par coup qui soulage un peu les intéressés mais ne règle rien sur le fond.
    L’instauration du chèque énergie, dispositif qui a désormais une historicité, n’a pas empêché l’an passé une hausse préoccupante des difficultés de paiement des factures d’énergie pour un quart des Français. L’explosion des stratégies de restriction de chauffage, en réalité ce qu’on appelle élégamment la « sobriété subie », a bondi de 50 % en 2020 et de 60 % en 2021. Lors des débats budgétaires, les députés communistes ont insisté sur la nécessité de revaloriser le montant du chèque énergie, qui concerne 5,8 millions de ménages, afin de leur permettre d’accéder à un niveau normal de consommation d’énergie.
    Afin de sortir les ménages de leur situation de précarité énergétique, êtes-vous prêts à augmenter le niveau global du chèque énergie et à indexer par la suite son montant sur l’évolution des tarifs réglementés de vente, plutôt que d’accorder des aides exceptionnelles ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué.

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Vous l’avez évoqué rapidement mais c’est important de le rappeler, malgré la hausse de 15 % des tarifs de l’électricité et du gaz votée dans cet hémicycle, qui maintient un bouclier énergétique unique en Europe, les Français paient l’énergie à des tarifs qui n’ont aucune commune mesure avec ceux appliqués en Allemagne, au Royaume-Uni ou ailleurs, où l’énergie a augmenté d’un facteur cinq pour les ménages, qu’ils soient modestes ou non.
    La France a institué un dispositif de protection très fort. Vous l’avez rappelé, il a été complété par le bouclier tarifaire qui est maintenu jusqu’au 30 juin. Le Parlement, potentiellement à l’occasion de l’examen d’un projet de loi de finances rectificative, pourra éventuellement évoquer d’autres dispositifs. Actuellement, nous le constatons dans les résultats macroéconomiques de la France, les consommateurs et les TPE sont très bien protégés ; c’est un peu plus compliqué pour les grandes entreprises, mais elles le sont également. J’en veux pour preuve une inflation historiquement faible par rapport à n’importe quel autre pays européen, un revenu des ménages qui s’est stabilisé en fin d’année et qui reste en hausse par rapport à la période de la crise sanitaire – nous sommes le seul pays d’Europe dans ce cas –, une croissance en progression et un chômage qui continue de baisser.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. David Taupiac.

    M. David Taupiac (LIOT)

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    Faute d’anticipation du Gouvernement, les conséquences de la crise énergétique placent les TPE et les PME dans une situation d’extrême péril. Dans le Gers, si les 155 boulangeries sont les plus touchées, il faut y ajouter les bouchers, les conserveurs, les brasseurs, les restaurateurs, les éleveurs et toutes les petites entreprises ayant des activités productives.
    La séquence d’annonces successives à l’emporte-pièce ces derniers jours a ajouté à une situation déjà chaotique une complexité qui ne fait qu’exacerber la colère et le mécontentement. Ainsi, certaines boulangeries gersoises ayant également une activité pâtisserie qui leur fait franchir le seuil de dix salariés, sont exclues des dernières annonces, ce qui est injuste et inacceptable. Car si les TPE et les PME irriguent économiquement les territoires ruraux, les boulangers en sont le cœur : une boulangerie qui ferme, c’est un village qui meurt.
    C’est pourquoi je poserai quatre questions : le bouclier tarifaire fixé à 280 euros par mégawattheure inclut-il la totalité des aides existantes, amortisseur et guichet ? Cela correspond-il au prix fournisseur ou au prix total pour l’entreprise, incluant le coût d’acheminement ? Dans la mesure où le contrôle des effets des prix de l’énergie passe, à court terme, par l’utilisation de la dette publique, pourquoi ne pas demander une dérogation temporaire, à l’instar de l’Espagne et du Portugal, qui pourront s’affranchir exceptionnellement du marché énergétique européen pour les douze prochains mois au moins ? Enfin, alors que le prix de l’eau s’annonce comme la prochaine étape des symptômes d’une crise qui s’étend, il y a urgence à repenser en profondeur la réforme du marché européen de l’énergie. En la réinvestissant comme un bien commun et une ressource stratégique, sa gestion et sa régulation doivent être confiées à la puissance publique et non à un marché volatil, soumis aux spéculateurs. Quelle est votre vision à long terme à ce sujet ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué.

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Je vous rejoins sur le fait que les boulangers, les brasseurs, les bouchers et tous les artisans, de votre beau département notamment, doivent être aidés et nous le faisons. Ils sont tous concernés par les dispositifs annoncés : soit par le tarif réglementé pour ceux qui consomment moins de 36 kilovoltampères, soit par le tarif de 280 euros le mégawattheure mentionné par le Président de la République la semaine dernière pour les autres. Pour répondre à votre question, ce tarif s’entend hors coût d’approvisionnement mais peut, en revanche, être cumulé avec les autres dispositifs d’aide que sont l’amortisseur et le guichet pour les entreprises dont la facture a fortement augmenté. Au total, ces aides sont très importantes : un plafond à 280 euros le mégawattheure, je le répète, un amortisseur dont l’ordre de grandeur est de 50 euros le mégawattheure et le guichet qui dépendra de la consommation effective des TPE que vous évoquez.
    Pour ce qui est de la réforme du marché européen, nous partageons votre diagnostic, vous le savez. Nous souhaitons le réformer en profondeur et les discussions progressent : nous avons déjà obtenu quelques victoires, telles que celle concernant les achats groupés de gaz qui seront institués dès ce printemps, ou encore le plafonnement du prix du gaz à 180 euros le mégawattheure. Il nous reste à découpler complètement le prix de l’électricité de celui du gaz : nous y travaillons et je suis sûr que les prochains sommets européens permettront de conclure cette avancée.

    M. Thierry Benoit

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    Très bien !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. David Taupiac, pour poser une seconde question.

    M. David Taupiac (LIOT)

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    La crise affecte durement les TPE et les PME, ainsi que les artisans qui disposent souvent d’une trésorerie limitée. Elle touche aussi particulièrement les métiers liés à l’alimentation : bouchers, charcutiers, boulangers, agriculteurs et producteurs. Certains limitent déjà leur activité et suspendent les contrats de leurs salariés. Lorsque l’on passe d’une facture d’électricité de 10 000 euros à 50 000 euros et que les aides d’État la ramènent à 38 000, il reste tout de même un surplus à payer de 28 000 euros – je cite un exemple de Bercy. Il est primordial de protéger activement l’ensemble de ces professionnels ; à défaut, la grande distribution sera la grande gagnante de la crise.
    Sur le terrain, je suis sollicité par de nombreux professionnels de tous secteurs, qui pâtissent des effets de seuil et qui ne peuvent pas bénéficier des différents dispositifs d’aide : c’est le cas de ceux qui accueillent de nombreux apprentis, considérés comme des salariés, et qui se voient opposer un refus systématique de la DGFIP. Il m’avait pourtant semblé que Bercy avait annoncé être prêt à se pencher sur tous les dossiers, au cas par cas. Pourriez-vous me confirmer cette volonté et préciser à qui s’adresser ? S’agit-il de la DGFIP ou de la préfecture ?
    Deuxième question : pouvez-vous nous indiquer pourquoi le mode de calcul est fondé sur le chiffre d’affaires, qui doit être annuellement inférieur à 2 millions d’euros, et non pas sur les résultats de l’entreprise, ce qui aurait pour conséquence d’atténuer les effets de seuil ?
    Troisièmement, nos professionnels demandent de la visibilité sur les évolutions du coût de l’énergie. Pourriez-vous nous préciser les prévisions réalisées par vos services et vous engagez-vous à les diffuser régulièrement ?
    Quatrièmement, le remboursement des prêts garantis par l’État (PGE) vient s’ajouter aux charges énergétiques, ce qui rend la situation d’autant plus difficile et achève d’assécher les trésoreries. Une mesure visant à retarder le remboursement de ces prêts est-elle envisageable ?
    Enfin, à la suite des PGE, des PGE résilience ont été créés, visant à soutenir les entreprises affectées économiquement par la guerre en Ukraine. Le coût de l’énergie étant très directement lié à cette guerre, les entreprises peuvent-elles y recourir pour couvrir les factures d’électricité ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué.

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Je vous remercie pour ces questions qui complètent la précédente. Les aides sont bien calibrées pour couvrir l’ensemble des entreprises de votre département, qu’elles soient très petites, petites, moyennes ou plus grandes. Pour répondre à votre première question, il convient de s’adresser à la DGFIP : le conseiller départemental à la sortie de crise, dont les coordonnées sont disponibles en ligne dans chaque département, est au service des entreprises pour les conseiller sur la meilleure manière d’accéder à l’ensemble des aides.
    Vous me demandez aussi pourquoi le calcul se fonde sur le chiffre d’affaires plutôt que sur le résultat : la réponse est que c’est plus simple, cela peut être mesuré tous les mois et permet de moduler les aides au cas par cas et pas seulement sur l’ensemble de l’année : vous comprenez bien que, si nous demandons aux entreprises concernées de revenir vers nous dans un an, avec leurs résultats, pour déterminer si elles sont éligibles ou non à une aide, certaines d’entre elles auront, malheureusement, déjà mis la clef sous la porte. C’est pourquoi nous souhaitons accompagner les entreprises au plus près.
    Par ailleurs, le coût de l’énergie est très difficile à prévoir. Après avoir atteint 1 000 euros le mégawattheure cet été, il est redescendu à 150 euros actuellement, soit à peine 50 % de plus que son niveau antérieur à la guerre en Ukraine. Ce prix est très volatil et sa fluctuation dépend largement de l’évolution du conflit – en la matière, nous sommes soumis à des impondérables. Nous espérons que la hausse tarifaire considérable que nous avons connue cet été était exceptionnelle, et qu’elle ne perdurera pas.
    La logique est la même concernant les PGE : nous étudions la situation des entreprises au cas par cas, et le Médiateur de l’entreprise est à leur disposition pour les aider. Les conseillers départementaux à la sortie de crise sont aussi là pour accompagner les entreprises dans chaque département.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Dunoyer.

    M. Philippe Dunoyer (RE)

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    Le bouclier tarifaire de l’électricité occupe une place importante parmi les mesures que le Gouvernement a prises en faveur des ménages, et qui ont contenu l’inflation à un niveau moins élevé que dans le reste de l’Europe. Tous les ménages français en bénéficient, à deux exceptions importantes : la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française en sont exclues. Elles sont les seuls territoires ultramarins à ne pas profiter de la péréquation tarifaire nationale.
    En Nouvelle-Calédonie, les tarifs publics de l’électricité étaient déjà près de deux fois supérieurs aux tarifs nationaux il y a un an. Ils ont été revalorisés de 8 % en 2022, et une nouvelle hausse de 3 % aura lieu début 2023. Malgré cela, l’opérateur public et principal producteur, la société Enercal, perd 4 millions d’euros par mois : en effet, ses charges de gestion et de développement, qui n’étaient déjà pas totalement couvertes par les tarifs publics, ont subi l’explosion des prix internationaux du fioul et du charbon. À titre de comparaison, cela équivaudrait pour EDF à perdre l’équivalent de 10 milliards d’euros par an.
    La collectivité de Nouvelle-Calédonie, dont c’est la compétence, a apporté à Enercal un soutien financier exceptionnel. Or, rencontrant elle-même de grandes difficultés budgétaires, elle n’a pu mobiliser que 12,5 millions d’euros, ce qui n’est pas à la hauteur du problème. Enercal, qui n’a plus de capacité d’emprunt, estime qu’elle ne pourra plus honorer les commandes de combustible à la mi-2023 au plus tard.
    J’en appelle à ce que la solidarité nationale, dont bénéficient les autres territoires d’outre-mer en matière d’électricité, s’applique aussi – au moins partiellement – aux Calédoniens. Je suis conscient que, du fait de la répartition des compétences, la Nouvelle-Calédonie ne peut pas être incluse dans le périmètre de la péréquation nationale ; toutefois, d’autres voies sont possibles comme les subventions, les garanties d’emprunt ou les avances remboursables.
    Le Gouvernement est-il prêt à participer au sauvetage du principal opérateur de réseau électrique calédonien, et à étudier les modalités possibles de cette aide ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué.

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Je vous remercie pour cette question très précise, à laquelle je me permettrai de répondre en lisant des explications que j’espère tout aussi précises. Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie est seul compétent en matière d’énergie. En conséquence directe de cette spécificité, la Nouvelle-Calédonie est chargée d’assurer la soutenabilité de son modèle de production et de distribution. De fait, comme vous le signalez, les aides qui valent dans l’ensemble du territoire national en matière d’énergie ne s’appliquent pas aux habitants et aux entreprises de Nouvelle-Calédonie.
    Je suis toutefois sensible à la situation que vous décrivez et aux difficultés de l’opérateur public d’énergie Enercal, qui ont des incidences directes sur le quotidien des habitants et des entreprises. Je pourrais botter en touche, mais cela ne nous ressemble pas : je vous répondrai donc que ce sujet relève de débats institutionnels entre la France et la Nouvelle-Calédonie, et plus précisément des évolutions nécessaires de la politique énergique locale. De façon plus générale, les conditions de l’équilibre budgétaire de la Nouvelle-Calédonie ont vocation à être traitées dans le cadre des réflexions sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, organisées au sein des groupes de travail qui ont été annoncés par la Première ministre au terme de la convention des partenaires du 28 octobre dernier. Sans douter de la pleine mobilisation des ministres concernés, ni de celle du Président de la République et de la Première ministre, je ne manquerai pas de leur transmettre votre question afin qu’elle soit étudiée dans le cadre qui convient.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Yannick Haury.

    M. Yannick Haury (RE)

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    La semaine dernière, avec M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, vous avez annoncé de nouvelles mesures pour aider les boulangers à faire face à la hausse des prix de l’énergie. Ils traversent en effet de grandes difficultés. Dans chaque circonscription, leur désarroi devant l’augmentation des coûts de fabrication du pain émeut les citoyens comme les élus. La boulangerie est le symbole de la vie ; c’est une spécialité française. Il faut sauver les boulangeries, c’est évident !
    Les aides que vous avez eu raison de créer se nomment « amortisseur électricité », « guichet d’aide au paiement des factures d’électricité et de gaz des entreprises », « report des charges », etc. Elles sont judicieuses, mais sont-elles réellement accessibles ? Les boulangers ont raison d’observer qu’ils savent faire le pain – et du bon pain, que tous les Français apprécient –, mais qu’ils n’ont ni le temps de s’approprier ces mesures, ni la formation administrative pour les faire aboutir. Je me fais leur porte-parole, ainsi que celui des artisans, des TPE et des PME, qui sont également confrontés à la hausse du coût de l’énergie : ils demandent que l’accès à ces mesures soit simplifié, et que leur application soit facilitée.
    Le Président de la République est intervenu en ce sens, en réaffirmant son soutien aux TPE lors de ses vœux aux boulangers. Il est louable de prendre de bonnes mesures, mais encore faut-il qu’elles soient connues de tous, aisément accessibles et facilement applicables. Vous avez déjà amélioré la situation en diffusant une information au sujet de ces aides, puis en les déployant et en contrôlant leur application, afin que tous les artisans et entrepreneurs qui peuvent y prétendre en bénéficient réellement, sans devoir embaucher un administratif ou prendre des cours de gestion. Pourriez-vous faire le point sur le déploiement de l’ensemble de ces dispositifs de soutien ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué.

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Les boulangers et les artisans sont au cœur des territoires : c’est pourquoi nous souhaitons avec ardeur nous assurer qu’ils surmonteront la présente crise sans trop de dommages. Les hausses tarifaires sont importantes ; comme je l’ai expliqué, elles résultent d’une crise qui se déroule aux portes de l’Europe, qui nous coûte à tous, et dont nous devons partager les frais. Le Président de la République l’a annoncé : nous « mettons le paquet » – si vous me permettez l’expression – sur les très petites entreprises, dont les boulangers font partie, en plafonnant les factures à 280 euros le mégawattheure. Ce dispositif est très simple : une fois que les TPE se seront déclarées comme telles auprès de leur fournisseur d’énergie, ce dernier devra s’assurer que leur facture ne dépasse pas 280 euros le mégawattheure. Ces très petites entreprises seront également éligibles à l’amortisseur électricité et au guichet d’aide au paiement des factures d’électricité et de gaz. Le cumul de ces aides induira une réduction très importante des factures pour la plupart des entreprises concernées.
    Comment auront-elles connaissance de ces informations ? Tout d’abord par le biais des parlementaires – et je vous engage à les relayer auprès des artisans de vos circonscriptions. En outre, chaque département est doté d’un conseiller à la sortie de crise chargé d’accompagnement les entreprises. Au-delà, ces dernières peuvent recourir aux dispositifs habituels animés par les chambres consulaires, qu’il s’agisse des CCI ou des CMA, dont le rôle est d’aider leurs membres à solliciter ce type d’aides. J’estime que le dispositif est complet, y compris en matière d’accompagnement. Comme je l’ai déjà souligné, la France résiste mieux à la crise qu’aucun autre pays d’Europe. Nous le devons en grande partie à vos efforts et aux dispositions que vous avez adoptées dans le cadre du projet de loi de finances. Le bouclier énergétique, l’amortisseur électricité et le guichet d’aide au paiement des factures d’électricité et de gaz sont autant de mesures très utiles : merci de nous aider à en faire la publicité dans les circonscriptions.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Caroline Janvier.

    Mme Caroline Janvier (RE)

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    Le mois dernier, monsieur le ministre délégué, vous détailliez l’ensemble des aides prévues par le Gouvernement pour accompagner les TPE et les PME face à la flambée des prix de l’énergie. Affirmons-le : tout est mis en œuvre pour que chaque problème rencontré trouve une solution et un accompagnement.
    Ma question porte sur le dispositif d’aide au paiement des factures d’électricité et de gaz. Une entreprise pourra en bénéficier si elle remplit deux critères cumulatifs : le prix de son énergie doit avoir doublé, et ses dépenses d’énergie doivent représenter plus de 3 % de son chiffre d’affaires pendant la période où elle demande l’aide.
    Je comprends la nécessité de fixer un seuil pour accéder aux mesures – comme dans chaque politique de soutien –, mais je déplore que ce dispositif exclue les entreprises dont les dépenses en énergie ont augmenté fortement, mais pas suffisamment pour être éligibles à cette aide. À titre d’exemple, une entreprise de ma circonscription a vu sa facture multipliée par 1,9, ce qui n’était pas suffisant pour qu’elle bénéficie du dispositif. Plutôt que de fixer des seuils, ne serait-il pas préférable d’appliquer une dégressivité des aides en fonction de l’évolution des prix de l’énergie ? Je reconnais que cette méthode serait plus complexe à déployer, mais elle aurait le mérite de répondre à l’ensemble des difficultés et des situations que rencontrent les entreprises. Nous ferions ainsi de l’aide au paiement des factures d’électricité et de gaz un complément bienvenu de l’amortisseur électricité pour l’ensemble des TPE et des PME.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué.

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Rassurez-vous, madame la députée, l’entreprise à laquelle vous faites référence, dont la facture a augmenté de 90 %, est désormais éligible à l’aide au paiement des factures d’électricité et de gaz. Vous faites partie des parlementaires qui nous ont alertés avec raison : avant le 15 novembre, il fallait que sa facture ait doublé pour qu’une entreprise soit éligible à cette aide. Nous avons réduit ce critère à 50 % d’augmentation – ce qui témoigne, incidemment, de notre capacité d’adaptation.
    J’y insiste : nous ne souhaitons pas aider tout le monde ; ce n’est plus le « quoi qu’il en coûte ». Nous souhaitons aider les entreprises qui en ont le plus besoin. Je ne doute pas que c’est le cas de celle que vous avez évoquée : elle y a désormais accès, si ses dépenses d’énergie représentent plus de 3 % de son chiffre d’affaires au mois le mois. Je l’invite à se connecter dès demain au site impots.gouv.fr pour renseigner le simulateur qui lui permettra d’évaluer son aide, et pour remplir le formulaire de demande qui lui permettra de l’obtenir.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Patricia Lemoine.

    Mme Patricia Lemoine (RE)

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    La crise énergétique que nous traversons depuis de longs mois met à rude épreuve l’ensemble des forces économiques du pays. Pour y faire face, la réponse du Gouvernement est pourtant de taille : plusieurs dispositifs massifs de soutien économique ont été rapidement déployés et sont adaptés en temps réel, offrant aux entreprises une prise en charge par l’État pouvant atteindre 40 % du montant total de leurs factures d’énergie ; s’y ajoute désormais la garantie d’un tarif maximal de 280 euros le mégawattheure pour près de 600 000 TPE et PME.
    Malgré la forte médiatisation du sujet et les prises de paroles répétées des pouvoirs publics – que nous relayons systématiquement dans nos territoires –, force est de constater qu’un certain nombre d’entreprises méconnaissent les aides auxquelles elles ont droit. Elles ont le sentiment que l’État ne fait rien pour elles, alors que ces mesures pèsent pour plusieurs dizaines de milliards d’euros dans les finances publiques.
    Face à l’enjeu actuel, et compte tenu des conséquences désastreuses qu’auraient des faillites en cascade sur l’économie et l’emploi, il est urgent de renforcer la communication sur l’ensemble de ces aides auprès des publics cibles. De récentes mesures ont été annoncées pour les boulangers, comme la désignation d’un point de contact dans chaque préfecture et d’équipes mobiles. En outre, un courrier sera directement adressé aux entreprises. Ces mesures méritent néanmoins d’être simplifiées et de bénéficier d’un accompagnement renforcé. Une communication peut ainsi être systématisée auprès des relais professionnels que sont les CCI et les CMA, ou encore auprès des experts-comptables, qui sont des intermédiaires essentiels. Quelles mesures sont prises pour faire connaître au mieux les dispositifs qui ont été créés, et que nous soutenons ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué.

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Merci, madame la députée, d’avoir rappelé l’ensemble des aides que nous avons créées, amplifiées et simplifiées, et sur lesquelles nous continuons de communiquer. C’est un défi majeur pour les boulangers, les pâtissiers, les bouchers ou autres, qui – je les comprends – ont mieux à faire que de consulter les sites internet du Gouvernement. Je vous engage tous à vous rapprocher des artisans de vos circonscriptions, pour nous aider à communiquer sur ces aides qui, je le répète, sont simples et disponibles.
    Nous avons désigné des conseillers à la sortie de crise dans chaque département, pour aider les entreprises et aller à leur rencontre sur le terrain. Les CCI et les CMA apportent également leur concours. Ces modalités, qui ont bien fonctionné pendant la crise sanitaire, doivent être réactivées. Le dispositif d’aide est stabilisé et concerne un public large. Il est progressif et se renforce auprès des plus démunis : les ménages d’abord, puis les TPE. Les grandes entreprises sont également soutenues, mais dans une logique de guichet. Tout cela est désormais très clair et stabilisé. Nous avons besoin de toutes les forces – y compris parlementaires – pour expliquer l’ensemble des aides : je remercie d’ailleurs l’Assemblée nationale d’avoir organisé le présent débat, qui participe à la pédagogie collective.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.

    M. Jean-Philippe Tanguy (RN)

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    Mes questions portent sur le contrôle de l’argent des Français et la protection de leur pouvoir d’achat. Qu’en est-il de la juste répercussion de la ristourne et des centaines de millions d’euros qui ont été votés dans l’hémicycle concernant le maintien de prix bas du carburant ? Une étude a-t-elle été menée à ce sujet ? Les documents fournis à l’occasion du projet de loi de finances étaient plutôt inquiétants, en laissant penser que la ristourne n’était pas parfaitement appliquée.
    Par ailleurs, Michel-Édouard Leclerc a affirmé, dimanche, que l’embargo sur le gazole russe entraînerait une hausse moyenne du coût du gazole de 10 centimes d’euros en France. Partagez-vous cette évaluation ? Quelles mesures le Gouvernement a-t-il prises pour diminuer les effets de l’embargo sur les consommateurs ? Comment peut-on également s’assurer que cet embargo ne créera pas en France de problèmes d’approvisionnement en matière de carburant ?
    Par ailleurs, personne au Gouvernement n’a répondu à nos nombreuses sollicitations, dont celle de notre collègue Ballard, sur les mesures prévues par le Gouvernement pour le 1er juillet prochain, date à laquelle le tarif régulé du gaz sera supprimé par la législation européenne.
    De la même façon, Mme Borne n’a jamais répondu à Mme Le Pen qui l’interrogeait sur les conditions tarifaires et d’exécution du contrat de gaz qui nous lie à l’Allemagne. Pourquoi la représentation nationale n’a-t-elle pas accès aux conditions effectives de ce contrat ? Ensuite, pourriez-vous nous expliquer la stratégie de négociation du Gouvernement quant à l’approvisionnement en gaz ? Comment peut-on, en guise de position de négociation initiale, annoncer un prix bloqué à plus de 280 euros le mégawattheure ? En adoptant une telle position de principe, comment voulez-vous négocier les prix à la baisse ?
    Pourquoi la solidarité occidentale est-elle si faible lorsqu’il s’agit d’approvisionnement en gaz ? Pourquoi les conditions tarifaires conclues avec les États-Unis ne sont-elles pas plus favorables, alors que nous sommes tous solidaires de l’Ukraine et faisons face ensemble aux répercussions tarifaires du conflit ?
    TotalEnergies s’était engagé à étudier l’idée d’une ristourne de 20 centimes sur le fioul ; pourquoi n’a-t-elle pas été appliquée ? Du point de vue de la politique de la concurrence, comment peut-on justifier que TotalEnergies n’ait pas appliqué la ristourne à tous ses concurrents, qui, de ce fait, n’ont pas pu s’approvisionner dans les mêmes conditions ?
    Je vous remercie d’éclairer la représentation nationale au sujet de toutes ces questions techniques : elles méritent une réponse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué.

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Merci pour cette liste de questions dont vous reconnaîtrez que toutes n’entrent pas dans le sujet du présent débat – mais peu importe.
    Vous m’interrogez sur l’impact de la ristourne. Je peux vous répondre que, depuis la suppression au 1er janvier de la ristourne de 20 centimes – 10 centimes financés par l’État, 10 centimes par le principal distributeur d’énergie –, les prix ont augmenté d’exactement 20 centimes. La ristourne était appliquée, elle ne l’est plus. Vous le savez bien, puisqu’elle avait été votée par l’Assemblée nationale. Elle a été remplacée par un dispositif spécifique destiné à soutenir les gros rouleurs.
    Quant aux craintes que vous voulez entretenir quant à l’approvisionnement en carburant, je reconnais bien là la capacité inénarrable de votre parti à jouer sur les peurs des Français. (Protestations sur les bancs du groupe RN.) Il n’y a actuellement aucun problème d’approvisionnement en essence, en fioul ni en gasoil, en France ou ailleurs.
    En ce qui concerne le dispositif prenant fin le 1er juillet, nous aurons l’occasion d’en reparler d’ici là ; si je ne m’abuse, le débat d’aujourd’hui concerne les aides à l’énergie dispensées aux ménages et aux entreprises, et j’espère pouvoir vous éclairer autant que possible à ce sujet.
    Enfin, concernant vos questions relatives aux contrats intraeuropéens et aux contrats avec le reste du monde, je vous rappelle que les membres de l’Union européenne se sont mis d’accord pour effectuer des achats collectifs de gaz.

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Vous ne répondez pas aux questions !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    J’imagine que vous êtes défavorable à l’idée de négocier avec nos partenaires européens des achats communs de gaz hors d’Europe, mais cela accroîtra le pouvoir de négociation des États européens, nous permettant ainsi de négocier efficacement à la baisse le prix du gaz.

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Ce n’est pas la question !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    C’est ma réponse, monsieur Tanguy. Permettez-moi d’ajouter que la sortie du marché européen de l’énergie que vous préconisez aurait un tout autre impact sur les factures de gaz de nos concitoyens.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Joris Hébrard.

    M. Joris Hébrard (RN)

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    Face à l’augmentation des prix de l’énergie, le Gouvernement propose des mesures de soutien nombreuses, mais inadaptées aux particuliers comme aux entreprises. On ne compte plus les exemples relayés par la presse de familles au bord de l’endettement définitif et d’entreprises ayant suspendu leur activité en raison de la flambée des prix énergétiques. Permettez-moi de me faire ce soir le relais de la parole d’une citoyenne de ma circonscription, mère célibataire, dont le Gouvernement a catégorisé en 2021 la profession comme essentielle.
    Elle est propriétaire de son logement dans une copropriété où le chauffage est assuré par une chaudière collective et où le paiement de la facture de gaz relève des compétences du syndic. Toutefois, le syndic étant une personne morale, les boucliers tarifaires ne trouvent pas d’application immédiate, conformément à vos décrets relatifs à l’aide en faveur de l’habitat collectif résidentiel face à l’augmentation du prix du gaz naturel. En effet, l’article 8 de ces décrets nos 2022-514 et 2022-1762 stipule : « L’aide […] est versée, sous forme d’avance, par l’Agence de services et de paiement dans un délai qui ne peut excéder 30 jours suivant la réception du dossier complet de la demande. »
    Je vous prie maintenant de regarder au-delà du texte. La citoyenne dont je vous parle a toujours payé ses impôts, ses factures, ses charges et ses créances. Désormais, après avoir réglé ses dépenses obligatoires, il ne lui reste plus qu’une somme minimale pour subsister. Elle reçoit le 30 du mois un salaire de 1 800 euros, puis elle paie le 1er du mois 800 euros pour rembourser un emprunt immobilier et le 5 du mois 850 euros de charges à son syndic. En l’espace d’une semaine, 90 % de son revenu a disparu. Elle lui reste 150 euros pour finir le mois, alors que celui-ci commence à peine. Qu’est-ce que le père Noël a offert à sa fille méritante ? Très peu, car le père Noël, lui aussi, attend l’avance de l’Agence de services et de paiement (ASP) qui n’arrive pas. Sa petite entreprise n’est pas couverte non plus par le bouclier tarifaire, et il lui reste si peu pour payer ses employés, car dans cinq mois, selon les informations que nous avons pu obtenir, la régularisation de sa situation aura lieu pour la période de juin à novembre 2022.
    Je vous invite à venir rencontrer cette personne pour lui expliquer que, dans les textes, sa situation n’existe pas. Je me ferai un plaisir de vous la présenter. Monsieur le ministre délégué, que comptez-vous faire pour améliorer les conditions de règlement des charges de copropriété relatives à l’énergie, afin que les résidents concernés puissent continuer à se maintenir hors gel sans devoir renoncer à un Noël de plus ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué.

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Je rappelle que trois décrets ont été publiés le 31 décembre 2022, disposant respectivement l’application du bouclier tarifaire collectif pour l’électricité au titre du second semestre 2022 – qui concernera la dame dont vous parlez –, l’application du bouclier tarifaire collectif pour le gaz en 2023 et l’application du bouclier tarifaire collectif pour l’électricité en 2023. Si la question que vous me posez requiert des explications précises sur le logement, je la transmettrai volontiers à mon collège Olivier Klein, qui y répondra dans le détail.
    Je regrette bien sûr la situation que vous décrivez. Je vous rappelle que le Gouvernement s’est engagé à mettre en place la contemporanéité des aides sociales, qui permettra d’éviter les régularisations a posteriori. J’attends donc que cette mesure soit votée à l’unanimité, c’est-à-dire sur vos bancs comme sur d’autres.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Daniel Grenon.

    M. Daniel Grenon (RN)

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    Le Gouvernement semble avoir entendu la détresse des boulangers, bouchers, charcutiers, traiteurs, restaurateurs, ou encore des responsables de pressing ou de laverie, bref, de quelques centaines de milliers d’entrepreneurs asphyxiés par la hausse considérable du prix des matières premières et par la hausse délirante des prix de l’énergie. Il y a répondu tout au long de la semaine par une pluie d’annonces. Mardi 2 janvier, Mme Borne déclare qu’elle veut accompagner chaque artisan en lui proposant des réponses adaptées et annonce l’organisation de points d’accueil dans chaque préfecture. Mais avec quels moyens humains compte-t-elle accomplir cela, puisque le service public a déserté nos circonscriptions ? Elle annonce aussi un possible report de charges sociales et fiscales pour les boulangers qui justifieraient d’un clair problème de trésorerie. Mais quelle TPE n’a pas de problème de trésorerie ? Elle promet à présent de reporter le remboursement des prêts garantis par l’État et d’étaler le paiement des factures d’énergie. Que résoudront ces mesures ?
    L’avant-dernière trouvaille consiste en la possibilité de dénoncer un contrat avec un fournisseur d’énergie sans devoir lui verser d’indemnité. Et ensuite ? Quelle TPE a les moyens de trouver rapidement un autre fournisseur moins cher ? Qui connaît même précisément le prix du kilowattheure, sans parler du mégawattheure, puisque – dernier épisode – le Président de la République a annoncé vendredi le plafonnement du prix de l’électricité à 280 euros le mégawattheure ? Pourtant, le prix de 225 euros par mégawattheure pondéré suffit déjà à étrangler de nombreux artisans comme la fameuse boulangère de Sarlat. De plus, on peut désormais s’attendre à ce que tous les fournisseurs d’électricité alignent leurs tarifs sur le plafond annoncé de 280 euros par mégawattheure : on l’a vu, la libération du marché les a complètement ensauvagés.
    Encore des solutions trompeuses et bricolées, symptomatiques de votre pilotage à vue face à cette crise que vous n’avez pas vu venir. Les patrons ne réclament pas un empilement d’aides : ils attendent l’audace promise par Emmanuel Macron. Rendez à la France le contrôle de l’électricité qu’elle produit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué.

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Vous me voyez embarrassé pour vous répondre, car j’ai entendu dans votre intervention beaucoup de remarques, mais peu de questions ! Que vous dire ? Effectivement, nous avons accumulé jour après jour des dispositifs d’aide, afin de nous assurer que les boulangers seraient très bien couverts. Comme vous l’avez dit, leur trésorerie sera soulagée par des reports de paiement de charges et d’impôts ; comme vous l’avez rappelé, nous avons instauré un bouclier tarifaire et forcé la main des distributeurs d’énergie pour qu’ils révisent les termes de leur contrat avec les entreprises qui – elles ne sont pas toutes dans ce cas – avaient été contraintes de le renouveler à l’automne, lorsque les tarifs de l’énergie étaient prohibitifs. Bref, je pense que nous avons fait à peu près tout ce qu’il fallait pour aider les entreprises.
    Que vous dire encore ? Que le marché européen nous a permis d’avoir de l’électricité cet hiver, alors que, si nous en étions sortis conformément à vos souhaits, nous en aurions manqué lorsque les réacteurs d’EDF étaient à l’arrêt.

    M. Emeric Salmon

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    C’est faux !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Que vous dire ? Que la France, comme je l’ai rappelé maintes fois, est le pays européen qui s’en sort le mieux, avec l’inflation la plus basse, un taux de chômage en baisse, une croissance et une production industrielle en hausse.

    M. Philippe Gosselin

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    Tout ne va pas aussi bien que vous le dites !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Évidemment, la France n’est pas exempte de souffrances. Mais gardez à l’esprit que nous sommes le pays d’Europe qui soutient le mieux ses ménages et ses entreprises de toute taille. Tout cela, c’est grâce à ceux d’entre vous qui ont voté les mesures de soutien : soyez-en fiers !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Matthieu Marchio.

    M. Matthieu Marchio (RN)

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    Les mesures dont nous parlons font figure de cautères sur une jambe de bois.

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Oh !

    M. Matthieu Marchio

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    C’est symptomatique de la Macronie que d’essayer sans succès d’amoindrir les effets délétères des politiques qu’elle promeut elle-même. C’est tout le problème : quand le médecin est à l’origine du mal, il n’est d’aucun secours. Ces politiques dont les Français paient lourdement le prix reposent sur trois doxas : l’ultralibéralisme, qui a détruit le monopole de l’énergie, l’européisme, qui a conduit la France à s’aligner naïvement sur le prétendu modèle allemand et le nihilisme écolo antinucléaire, qui a fait d’un pays autrefois champion de l’énergie une terre soumise aux caprices de la météo.
    Je suis élu du Nord. Je vais être clair : mon département crève littéralement de ces politiques. Pourtant, vous refusez d’admettre que votre logiciel est défectueux. En bons technocrates, plutôt que de proposer un changement de paradigme, vous alignez les mesurettes : un guichet par-ci, un chèque par-là, tout cela afin d’éviter une nouvelle explosion de colère.
    Le problème, c’est que quand l’État est à ce point désarmé, la parole de ses dirigeants n’a plus de valeur. Le Président de la République en a livré un triste exemple en promettant aux boulangers qu’ils pourraient renégocier avec les fournisseurs leurs contrats jugés prohibitifs. C’était un vœu pieux : le flou a été total quant à la définition d’un tarif prohibitif. Le président Macron vous a pris de court ; l’Élysée avait annoncé un seuil de 220 euros le mégawattheure, qui sera finalement de 280 euros – il y a une légère différence ! Plus pathétique encore, sur le marché européen que vous chérissez, la Commission européenne, gardienne du temple ultralibéral, s’opposera à tout ce qui pourrait s’apparenter à une vente à perte par les fournisseurs. Vous faites donc des promesses que vous êtes incapables de tenir et qui, de surcroît, se heurtent à un système que vous promouvez.
    Monsieur le ministre délégué, à quand une sortie du marché européen de l’énergie ?

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Non !

    M. Matthieu Marchio

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    À quand une reconstruction de nos monopoles français de l’énergie ? Votre dogme de la concurrence libre et non faussée ne marche pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué.

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Non, nous ne sortirons pas du marché européen de l’énergie ! Sans lui, monsieur le député, nous n’aurions pas eu d’électricité cet hiver. (Protestations sur les bancs du groupe RN. – Mme Anne-Laure Blin proteste également.) Une partie des électrons qui nous éclairent ce soir, ne vous en déplaise, viennent d’Allemagne. Cela ne signifie pas pour autant que le marché européen est parfait.

    Mme Anne-Laure Blin

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    Ça, c’est sûr !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Nous sommes en train d’en renégocier les termes, et l’avons déjà fait évoluer. Comme je l’ai rappelé, nous effectuerons dès ce printemps des achats communs de gaz,…

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Cela n’a rien à voir !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    …nous avons plafonné le prix du gaz et nous sommes en train de décorréler le prix de l’énergie de celui du gaz.

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Rien à voir ! On peut avoir quelqu’un de compétent ?

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Monsieur Tanguy, merci pour cette remarque qui fait progresser le débat, comme à votre habitude. Vous ferez peut-être le buzz, mais je ne suis pas sûr que vous ayez beaucoup fait avancer le schmilblick.

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Quel est le rapport entre ce que vous dites et la question ?

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Aujourd’hui, quarante-quatre réacteurs sur cinquante-six fonctionnent. Il y a quelques mois, c’était à peine la moitié. Je remercie donc les employés d’EDF grâce auxquels le prix de l’énergie a atteint le niveau le plus bas en un an.

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Mais cela n’a rien à voir !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Vous savez quoi ? Nous exportons actuellement de l’énergie vers d’autres pays d’Europe. Cessez donc de caricaturer le marché européen.

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Vous dites n’importe quoi !

    M. Frédéric Boccaletti

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    Qu’est-ce que vous racontez ?

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Ne vous en déplaise, européiste ou pas, il faut reconnaître que l’Europe est plus forte qu’elle ne l’était à l’époque où nous n’avions pas l’euro, le marché unique et le marché européen de l’énergie.
    Pour terminer, monsieur le député du Nord qui aimez à surfer sur les colères des gens – évidemment, c’est là votre fonds de commerce –, je me rends régulièrement dans votre département. J’y vois des entreprises industrielles qui investissent et des organisations syndicales fières de travailler dans l’industrie. L’industrie se relève, ne vous en déplaise. Vous vous êtes nourris de la désindustrialisation de la France. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)

    M. Emeric Salmon

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    Et vous l’avez créée !

    Mme Stéphanie Galzy

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    Elle est de votre fait !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    À présent, la réindustrialisation est en marche, et vous allez reculer ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Andy Kerbrat.

    M. Andy Kerbrat (LFI-NUPES)

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    Je lis la question de ma collègue Alma Dufour, malheureusement souffrante. La semaine dernière, Emmanuel Macron disait : « Nous n’avons pas sauvé les entreprises pendant le Covid pour les voir couler aujourd’hui. » Bruno Le Maire, quant à lui, affirmait qu’il ne fallait pas craindre un « mur de faillites » et que le « quoi qu’il en coûte » était terminé. Qui croire : le docteur Macron ou Mister Le Maire ?

    Un député du groupe LFI-NUPES

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    Aucun des deux !

    M. Andy Kerbrat

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    Après que les cris d’alarme des boulangers ont été diffusés en boucle sur BFM TV, le Gouvernement s’est empressé de venir à leur chevet, face caméra. Mais qu’en est-il de la majorité des PME et des ETI – entreprises de taille intermédiaire –, notamment dans le secteur de l’industrie, qui n’ont pas fait l’objet d’une telle attention ?
    Alma Dufour a reçu un SMS d’un représentant d’une fédération d’entreprises qui lui a donné cette réponse : « Si je devais résumer, les aides ne sont pas à la hauteur de la situation, en particulier pour les entreprises énergo-intensives. L’année 2023 s’annonce très compliquée. On est face au mur de l’énergie. » En réalité, les ETI n’ont quasiment droit à rien. Pour les PME énergo-intensives, les aides ne prennent en charge que 10 % à 20 % du montant de factures qui ont triplé, quadruplé, voire été multipliées par dix.
    Prenons l’exemple de Velcorex, l’une des rares entreprises qui produit encore du textile en France. En 2022, sa facture de gaz s’est élevée à 5 millions d’euros sur 22 millions de chiffre d’affaires. Elle n’a touché de l’État que 75 000 euros d’aides, soit 1,5 % de sa facture. Alors qu’elle commence l’année 2023 avec une perte de 3 millions d’euros, elle doit conclure un nouveau contrat d’énergie, pour la modique somme de 1 240 euros le mégawattheure pendant les heures pleines. L’État ne prendra en charge que 12 % de sa facture. Cette entreprise pourrait ne plus avoir que quelques mois à vivre, et Velcorex n’est pas un cas isolé.
    Les États-Unis et l’Allemagne subventionnent leur industrie, mais vous continuez de vous voiler la face, de protéger les spéculateurs et de creuser la dette sans pour autant empêcher le désastre. La solution serait simple : il faut sortir du marché de l’électricité avant qu’il ne soit trop tard. Cependant votre vision de l’énergie pour l’avenir est de fermer les yeux en espérant que ça passe. Mais ceux qui ne ferment plus les yeux la nuit, ce sont les salariés et les dirigeants d’entreprises qui ne savent plus comment s’en sortir. Que comptez-vous faire pour éviter la faillite imminente de nos PME et des ETI industrielles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué.

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Monsieur le député, vous souhaiterez un bon rétablissement à Alma Dufour à laquelle je réponds à travers vous que, bien évidemment, nous non plus ne fermions pas l’œil pour aider les entreprises qui font face à une crise exceptionnelle. Vous demanderez à Alma Dufour de nous mettre en contact avec l’entreprise Velcotrex, car les chiffres que vous avez mentionnés me semblent assez exorbitants. En tout cas, ils sont exceptionnels, alors que vous avez dit que ce n’était pas un cas à part : 1 240 euros le mégawattheure, cela me semble beaucoup, même pour des heures pleines en hiver. Les services du ministère examineront ce cas particulier pour établir s’il y a eu un comportement abusif – c’est possible. Nous avons recruté à Bercy une négociatrice qui aide les entreprises, qui sont dans une situation semblable à celle que vous avez mentionnée, à renégocier avec les fournisseurs lorsque les factures sont exorbitantes.
    Pour le reste, ce n’est pas sur BFM TV que nous faisons notre politique, monsieur Kerbrat. Comme vous, nous sommes à l’écoute des fédérations professionnelles. Nous les avons consultées régulièrement, et c’est en fonction de leurs besoins que nous avons adapté les dispositifs au fur et à mesure. Ils voulaient un amortisseur : nous l’avons instauré. Les boulangers se sont plaints que cela ne suffisait pas : aussi avons-nous mis en place, pour les TPE, le bouclier énergétique. Je le répète : nous avons désormais un dispositif complet et stabilisé. Les services de l’État concentrés et déconcentrés facilitent l’accès à ces aides aux entreprises. Nous les évaluerons évidemment de manière continue avec vous tous.
    Je l’ai dit : la France s’en sort bien mieux que toutes les autres économies en Europe, que l’on considère l’inflation, la croissance, le chômage ou l’emploi,…

    Mme Caroline Parmentier

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    On avait compris !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    …ne vous en déplaise et n’en déplaise aux faiseurs de peur qui se nourrissent des désespoirs. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Nous sommes aux côtés des Français et nous continuerons de l’être.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Andy Kerbrat, pour poser une seconde question.

    M. Andy Kerbrat (LFI-NUPES)

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    Monsieur le ministre délégué, vous vous félicitez de l’effet de votre politique pour expliquer les bons chiffres des finances des collectivités en 2022, mais la hausse des prix de l’énergie ne se verra que l’année suivante à cause d’un effet d’inertie des contrats d’énergie. En effet, pour la plupart des communes, la facture à payer en 2022 a été établie avec des prix déterminés en 2021, voire avant. Nous connaîtrons, en 2023, une hausse continue et encore supérieure à celle de 2022.
    Cela fait courir aux collectivités le risque de la double peine : avec un niveau aussi haut d’épargne brute, la grande majorité d’entre elles ne pourra pas prétendre au 1,5 milliard de soutien, alors que les conséquences de l’inflation subie en 2022 se feront justement le plus sentir dans quelques mois. Qu’avez-vous prévu pour éviter cela ? Trop peu, trop tard, et souvent trop compliqué. En attendant, l’inflation a des effets concrets sur nos services publics, sur nos biens communs, quelle que soit la taille des collectivités.
    À Fontenay-sous-Bois, 50 000 habitants, la dépense liée aux fluides va passer de 1,8 million à 3,5 millions d’euros, entraînant la réduction des horaires de bâtiments publics comme les piscines et l’augmentation du coût de certains services comme les cantines. L’inflation fait des ricochets et contourne le bouclier tarifaire. À Champlémy, 350 habitants, la facture pour la salle des fêtes sera salée : elle passera de 200 à 1 000 euros, soit une augmentation de 500 %. Pour son école, qui n’a pas encore pu être rénovée, le chauffage au fioul a augmenté de 50 %, ce qui risque à terme d’avoir des conséquences tragiques pour un établissement déjà menacé de fermeture.
    Vous faites de nombreuses annonces : 12 milliards pour les entreprises et les collectivités, un amortisseur électricité, un filet de sécurité. Mais, de même que Macron a appelé le numéro vert pour les boulangers et a constaté que « ça ne marche pas », eh bien, nous avons appelé le numéro des maires, et nous avons constaté que « ça ne marche pas » non plus. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Tant qu’elles n’auront pas de confirmation, les communes se débrouilleront, comme à Nantes, dans ma circonscription, où les villes de la métropole ont constitué un groupement d’achat pour être plus fortes face à la concurrence imposée.
    Quand vous résoudrez-vous à bloquer les prix pour protéger les plus petits face à cette crise, à revenir au tarif réglementé pour agir au plus vite et à la source du problème ? Matthias Tavel et moi l’avions proposé par le biais d’un amendement qui a été rejeté lors du débat sur les énergies renouvelables : nous vous invitons à le reprendre. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué.

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Monsieur Kerbrat, pour y avoir assisté, je crois savoir que le projet de loi sur les énergies renouvelables a été adopté à une écrasante majorité par cette assemblée.

    Mme Anne-Laure Blin

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    Oh, écrasante… N’exagérons pas.

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    N’hésitez pas à défendre de nouveau vos propositions lorsqu’il reviendra. Vous le savez, les collectivités territoriales sont aidées. Les plus petites sont éligibles au bouclier tarifaire, comme nos concitoyens. Pour celles qui font face à des hausses de l’inflation particulièrement importantes, sur des propositions formulées dans des amendements du groupe Horizons et apparentés – j’ignore si vous les avez votés –, un filet de sécurité qui les protège a été créé par l’Assemblée nationale. Ce dispositif coûte 1,5 milliard d’euros à la collectivité nationale, à l’État. En outre, elles sont évidemment éligibles à l’amortisseur. Nous avons donc pris des dispositions pour aider les collectivités locales.
    Je le dis depuis le début de ce débat : nous faisons face à une guerre aux portes de l’Europe dont nous devons ensemble partager les coûts. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Les ménages supportent actuellement 5 % des coûts totaux, l’État plus de 50 % et les entreprises environ 40 %. Le fardeau est partagé. Reconnaissez-le avec nous : l’État français fait plus que partout ailleurs pour soutenir les entreprises et les ménages face à cette crise historique.

    Un député du groupe LFI-NUPES

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    Pas du tout !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

    Mme Marie-Christine Dalloz (LR)

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    Monsieur le ministre délégué, dans sa dernière étude datée du 19 décembre 2022, l’Insee dresse le constat qu’entre janvier 2021 et juin 2022, le revenu moyen disponible est de 720 euros plus bas que ce qu’il aurait été si les prix étaient restés ceux de 2020, principalement sous l’effet de la hausse des prix de l’énergie estimée en moyenne à 18 %. Sans surprise, les ménages les plus modestes ont été les plus touchés, malgré des mesures de soutien aux revenus et la mise en place de boucliers tarifaires. Toujours selon l’Insee, les mesures de soutien aux revenus des ménages déployés par l’État dans ce contexte, tels que le chèque énergie ou le bouclier tarifaire, n’ont que faiblement compensé la hausse des prix.
    La Confédération des petites et moyennes entreprises tirait également à la fin de l’année 2022 la sonnette d’alarme, estimant que « 150 000 entreprises [étaient] en danger de mort ». C’est donc tout le tissu entrepreneurial français qui se trouve fragilisé par la crise. Pourtant, le volet de mesures d’urgence mis en œuvre par l’État pèsera au bas mot 45 milliards d’euros dans le budget pour 2023, dégradant durablement l’état de nos comptes.
    Ces mesures, bien que nécessaires, ne sont que temporaires et elles ne règlent en rien la question centrale de la fixation des prix de l’énergie. Par ailleurs, de nombreuses filières énergivores telles que l’agroalimentaire et les chaînes agricoles, qui sont tout simplement abandonnées par le Gouvernement, demandent un plan à la hauteur dans un contexte de distorsion de concurrence avec nos partenaires européens.
    Le principal constat que nous pouvons tirer est le manque cruel d’anticipation et de planification de notre politique énergétique. Au lieu de prendre le problème à la racine, le Gouvernement a choisi de renouer avec la politique du carnet de chèques qui ne pourra perdurer indéfiniment. Monsieur le ministre délégué, recouvrir les plus beaux paysages français d’éoliennes ne réglera pas le problème. Votre rétropédalage sur le nucléaire est un premier signal encourageant, mais nous ne disposons toujours pas d’un cap clair.
    Quelle est votre vision sur le long terme, monsieur le ministre délégué, pour que la France redevienne un fleuron économique et industriel et souveraine sur le plan énergétique ? Je vous remercie de nous apporter une réponse claire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué.

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Si vous me le permettez, je vous souhaite un bon anniversaire, madame la députée. (Sourires.) Consacrer sa soirée d’anniversaire à débattre à l’Assemblée nationale est un signe très fort de votre engagement. (Applaudissements sur divers bancs.)
    Vous l’avez souligné, madame la députée, le pouvoir d’achat des Français, comme ailleurs en Europe, a été affecté par l’inflation. Je tiens à rappeler que, depuis 2019, après une crise sanitaire, la guerre en Ukraine et une crise énergétique, le pouvoir d’achat des Français a été maintenu, contrairement à la plupart des pays d’Europe. Vous l’avez dit, nous le devons à des politiques budgétaires dispendieuses, qui nous coûteront plus de 40 milliards d’euros en 2023, mais qui nous ont permis de préserver le pouvoir d’achat des Français et d’accompagner les entreprises.
    Je vous accorde que ces solutions ne sont pas durables : elles permettent de faire face à un choc de court terme, de manière assez efficace me semble-t-il. Cependant, à long terme, il y a d’autres enjeux ; je ne reviendrai pas sur le débat sur les énergies renouvelables car le texte a été voté – très bien voté – par cette assemblée.
    Pour ce qui est du nucléaire, vous le savez, nous vous présenterons très prochainement un projet de loi pour l’accélération des investissements. Nous discuterons de l’ensemble des directions de la politique énergétique de la France dans le cadre du projet de loi de programmation, dont nous avions voté le principe au cours de la législature précédente. J’espère qu’il nous permettra de vous convaincre à nouveau qu’il n’y a pas d’avenir pour la France non seulement en dehors de l’Europe, mais aussi en dehors d’un nucléaire fort et dans lequel on investit durablement. Merci pour ces questions. Vive l’énergie renouvelable et l’énergie nucléaire !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Anne-Laure Blin.

    Mme Anne-Laure Blin (LR)

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    Le Maine-et-Loire est une terre horticole et maraîchère : or nos producteurs sont frappés de plein fouet par la hausse du coût de l’énergie. En effet, ces activités nécessitent l’usage de quantités très importantes de gaz et d’électricité tant pour la production que pour la conservation des productions.
    Les horticulteurs et les maraîchers doivent chauffer leurs serres pour faire grandir nos fleurs, nos plants et nos légumes. Ce sont des acteurs incontournables de notre souveraineté alimentaire. Quasiment tous ont été obligés de décaler la culture de certaines variétés ; certains gardent même des serres totalement vides en espérant économiser ainsi de l’énergie, ou ne cultivent plus que les variétés qui supportent les températures très fraîches. D’autres ont dû abandonner une partie de leur production, car ils ne pouvaient pas chauffer toutes leurs serres face à ces hausses de prix. D’autres encore ont dû vider leurs réfrigérateurs et solder leurs produits pour économiser de l’énergie.
    Ces hausses généralisées les inquiètent, ainsi que tous les Français. Ces entreprises ont déjà fait face depuis plusieurs années à la crise sanitaire, à l’augmentation des coûts et à la hausse générale des prix des fournitures, des emballages, des engrais ou encore du transport. Elles ont fait depuis des années des investissements pour réduire leur consommation d’énergie et doivent donc, en plus, les rembourser.
    Ces problèmes cumulés ont des effets en cascade et le plus inquiétant est que ces entreprises n’ont aucune visibilité sur les prochains mois. Pour tenter de sauver leur affaire, certaines n’ont d’autre choix que de rogner sur leurs bénéfices et de répercuter les hausses sur leurs clients. Mais ces solutions sont provisoires – elles doivent l’être. Si le prix du gaz et de l’électricité reste à un niveau élevé pendant une période très longue, l’existence même du secteur maraîcher et horticole est menacée.

    Mme la présidente

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    Merci de conclure, chère collègue.

    Mme Anne-Laure Blin

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    Monsieur le ministre délégué, les maraîchers et les horticulteurs éprouvent un véritable sentiment de ras-le-bol. Pouvez-vous leur garantir que, demain, la pérennité de leur entreprise sera assurée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – MM. Joris Hébrard et Jean-Philippe Tanguy applaudissent également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué.

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Madame Anne-Laure Blin, je vous remercie de mettre en lumière ces professions qui sont, vous l’avez dit, très affectées par cette crise. Je le répète : elles sont éligibles à l’ensemble des mesures que j’ai présentées ce soir. Le dispositif a été extrêmement simplifié ; il a été amplifié et prolongé. Vraiment, je vous engage à prendre rendez-vous vous-même avec le conseiller départemental à la sortie de crise et à organiser une réunion d’information avec eux.

    Mme Anne-Laure Blin

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    Ils l’ont fait !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Cela ne veut pas dire qu’on échappera à des hausses de prix, évidemment : comme vous l’avez souligné, pour les secteurs électro-intensifs, la situation se traduira sans doute en partie par des hausses de prix.

    Mme Anne-Laure Blin

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    Alors, qu’est-ce qu’on fait ?

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    L’inflation est plus faible en France qu’ailleurs en Europe, mais elle est tout de même présente et reflète des hausses de prix réelles dans un certain nombre de secteurs ; certaines entreprises verront par conséquent l’excédent brut d’exploitation (EBE) diminuer. Nous sommes en train de partager le coût d’une crise extrêmement importante du fait d’une guerre qui est aux portes de l’Europe.
    J’espère donc que vous avez pris contact avec le conseiller départemental.

    Mme Anne-Laure Blin

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    Oui, oui.

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Si ce n’est pas le cas, on vous donnera le numéro de téléphone de celui du Maine-et-Loire afin qu’il organise une réunion d’information avec les horticulteurs de votre département.

    Mme Anne-Laure Blin

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    Votre réponse est trop légère, monsieur le ministre délégué.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Thibault Bazin.

    M. Thibault Bazin (LR)

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    À mon tour, je veux vous alerter sur l’insuffisance des mesures de soutien face à l’augmentation des coûts de l’énergie, en particulier de l’électricité. Le problème concerne principalement les entreprises et collectivités de plus de onze agents qui, pour l’instant, ne sont pas éligibles au bouclier tarifaire.

    Mme Anne-Laure Blin

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    Eh oui !

    M. Thibault Bazin

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    Vous m’objecterez que, depuis le 1er janvier 2023, ces acteurs bénéficient de l’amortisseur électricité. Mais le prix annuel moyen de 180 euros par mégawattheure – qui est d’ailleurs presque équivalent au tarif plafond décidé dans les autres économies européennes – ne s’applique qu’à la moitié des volumes d’électricité consommés. Seul un plafonnement du prix de l’électricité, comme celui instauré par nos voisins européens, permettrait de préserver l’ensemble de nos entreprises et de nos services publics.
    Ces constats rappelés, je souhaite appeler votre attention sur le comportement des fournisseurs d’énergie. Nous savons que nous ne surmonterons cette crise que si nous jouons tous le jeu. Fin novembre, une entreprise importante de ma circonscription, Hydro Leduc, a été très fortement incitée par EDF à signer un contrat au tarif de 437 euros par mégawattheure. Or le tarif actuel se situe aux alentours de 250 euros par mégawattheure. En ce début d’année, l’entreprise a donc évidemment demandé à EDF une renégociation du contrat, ce qui lui a été refusé. Soyons concrets : pour Hydro Leduc, dont la consommation électrique annuelle s’élève à 6 gigawattheures, ce refus fera passer la facture de 500 000 à 1 million d’euros !
    À l’heure où le Gouvernement promeut la réindustrialisation, cette situation est ubuesque, d’autant que l’État détient 84 % du capital d’EDF. Pouvez-vous vous engager à demander à EDF de renégocier les contrats des entreprises industrielles qui ont été signés pour un tarif qui excède 400 euros par mégawattheure ?
    Enfin, comme durant l’épidémie de covid-19, vous avez ouvert un guichet d’aides, auxquelles plusieurs entreprises de ma circonscription, créées en 2022, ne sont pas éligibles. Avez-vous prévu un dispositif subsidiaire pour les entreprises récentes ?
    Vous avez déjà pris plusieurs mesures, mais la réponse à la situation reste incomplète. Il faut améliorer encore les dispositifs de soutien.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué.

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Connaissant votre sérieux budgétaire, monsieur Bazin, j’imagine que si je vous réponds que le « quoi qu’il en coûte » est terminé, vous souscrirez à mes propos. (M. Thibault Bazin sourit.) Nous pourrions décider de signer des chèques en blanc au nom du « quoi qu’il en coûte », afin d’assurer que toutes les factures d’énergie de 2023 restent à leur niveau de 2021, mais cela coûterait des centaines de milliards d’euros et nous placerait dans une position absolument insoutenable.
    Aujourd’hui, nous cherchons à partager de manière équilibrée le coût important d’une crise qui nous est imposée par l’extérieur. Les ménages, qui subissent une inflation de 5 % à 6 %, paient une partie de cet écot ; les entreprises, vous l’avez souligné, en paient également une partie, tout comme l’État et les collectivités territoriales. S’agissant du cas particulier que vous m’avez exposé, je répète que Bercy a engagé une négociatrice, qui a déjà permis d’ouvrir les discussions entre plusieurs fournisseurs et entreprises industrielles et énergo-intensives, et d’obtenir une réduction très importante de leurs factures. N’hésitez pas à m’envoyer les éléments relatifs au cas que vous avez évoqué. Néanmoins, l’ensemble des dispositifs instaurés – amortisseur électricité, bouclier tarifaire, guichet d’aides – permettent aujourd’hui d’aider les entreprises françaises.

    Mme Anne-Laure Blin

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    Venez les voir !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    J’en rencontre toutes les semaines, madame la députée ! Je recevrai les horticulteurs de votre circonscription si vous le souhaitez, mais je voudrais avant tout que vous organisiez une rencontre avec votre conseiller départemental à la sortie de crise.

    Mme Anne-Laure Blin

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    Venez les voir !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Comme vous, des entreprises, j’en vois tous les jours : si certaines souffrent, d’autres nous remercient pour les aides. Au cours des six dernières semaines, nous avons distribué six fois plus d’aides qu’au cours des six mois précédents. Le dispositif a été simplifié et élargi : dites aux entreprises de vos territoires de faire des simulations sur les sites internet dédiés.

    Mme Anne-Laure Blin et M. Thibault Bazin

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    Elles l’ont fait !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    J’espère que celles-ci vous convaincront – si je n’y suis pas parvenu – que les aides sont efficaces.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Bolo.

    M. Philippe Bolo (Dem)

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    Les témoignages de l’inquiétude des entreprises face à l’envolée des prix de l’énergie se multiplient. Plus aucune rencontre n’y échappe : comme d’autres collègues, je suis quotidiennement interpellé sur ce sujet. Les factures de gaz et l’électricité ont été multipliées dans des proportions qui fragilisent l’équilibre économique de trop nombreuses entreprises – TPE, PME, artisans et commerçants. L’avenir est sans visibilité : les trésoreries fondent, obligeant à renoncer à des projets d’investissement ; parfois même, l’option du licenciement de salariés n’est plus exclue. Toutes les économies de charges sont bonnes à prendre pour répondre à la hausse démesurée des factures énergétiques, qui vient balayer des années d’efforts et de travail.
    Alors que de nombreuses mesures ont déjà été prises par le Gouvernement, leur application interroge. En effet, les dispositifs existants sont souvent méconnus, voire inconnus : combien d’entreprises sont-elles capables de citer la douzaine de mesures auxquelles elles peuvent prétendre ? En outre, les critères d’éligibilité paraissent inadaptés : la vulnérabilité d’une entreprise face à l’augmentation de sa facture énergétique ne se mesure pas à sa taille, à ses effectifs salariés ou à la puissance de son compteur électrique. D’autres facteurs entrent en jeu dans sa capacité à encaisser – ou non – les augmentations : l’entreprise peut-elle répercuter l’augmentation du prix de l’énergie sur ses prix de vente ? Quelle est la quantité incompressible d’énergie nécessaire à son activité ? Est-elle totalement libérée des conséquences financières de la crise de covid-19, notamment des reports de charges ? Autant de questions qui soulignent le fait que les critères retenus ne permettent pas nécessairement de répondre à certaines causes des difficultés des TPE et PME.
    Monsieur le ministre délégué, le plafonnement du prix de l’électricité pour les TPE à une moyenne annuelle de 280 euros par mégawattheure a été récemment décidé. Comment comptez-vous répondre aux demandes des entreprises qui ne répondent pas aux critères d’éligibilité actuels, notamment les TPE mises en danger par l’explosion des factures d’électricité ? Cette nouvelle mesure sera-t-elle cumulable avec l’amortisseur électricité ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué.

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Monsieur Bolo, vous avez décrit très précisément la réalité : aujourd’hui, toutes les entreprises françaises ne sont pas sur un pied d’égalité face à la crise. En effet, toutes n’ont pas la même consommation énergétique ou la possibilité de répercuter une partie de la hausse sur leurs prix ; certains secteurs sont plus énergivores, d’autres davantage exposés à la concurrence internationale. Les entreprises sont donc dans des situations très différentes, et c’est la raison pour laquelle je pense que le « quoi qu’il en coûte » est une mauvaise idée : aujourd’hui, je le répète, certaines se portent très bien, et tant mieux ! Elles tirent la croissance. D’autres, en revanche, souffrent : nous devons les aider en instaurant des mesures ciblées – vous les avez listées.
    Partout dans le territoire, des fonctionnaires sont présents pour aider les entreprises. En outre, je vous confirme que les TPE éligibles au bouclier tarifaire de 280 euros par mégawattheure pourront également prétendre à l’amortisseur électricité et au guichet d’aides : l’ensemble de ces aides est cumulable afin de tenir compte au mieux de situations très disparates. Si je vous invite à nous alerter sur les imperfections potentielles des dispositifs au fur et à mesure de leur évaluation, je suis convaincu que nous disposons d’un arsenal complet qui nous permettra de surmonter la crise sans trop de heurts.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel.

    Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC)

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    La guerre en Ukraine et plus de quinze ans de dérégulation du service public de l’énergie en Europe et dans notre pays font éclater à la connaissance de tous une réalité sonnante et trébuchante qui fragilise notre économie et déstabilise notre société : le prix de l’électricité, bien commun essentiel, s’envole au gré des soubresauts de la spéculation des marchés, sans aucun lien avec notre coût de production et dans l’absence totale de transparence.
    Le résultat, tout le monde le connaît et le subit. Particuliers, entreprises, collectivités, chacun est assommé par une inflation mortifère. Reconnaissons-le clairement : si le bouclier tarifaire permet de limiter les dégâts pour les particuliers, il n’assure pas la sécurité du reste de l’économie. Du bouclier énergétique à taille variable au filet de sécurité pour les collectivités, les mailles sont de plus en plus lâches et les lacunes se multiplient : boulangers, bouchers, restaurateurs, des milliers d’artisans de TPE et de PME baissent le rideau, ce qui n’est pas sans conséquences pour toute la chaîne de valeur. Les collectivités et les copropriétés sont étranglées. Si les discussions avec les fournisseurs et le tarif bloqué pour certains vont dans le bon sens – nous le reconnaissons –, je crains que les effets ne soient largement insuffisants et que l’économie ne soit lourdement fragilisée, car oublier certains, c’est pénaliser tout le monde.
    La piste de l’indispensable régulation du marché de l’énergie est-elle sérieusement étudiée par la Commission européenne ? Une sortie du marché de l’électricité, comme l’ont décidé le Portugal et l’Espagne, est-elle également sur la table, afin de revenir au temps où les TRV et les TRVE – tarifs réglementés de vente de l’électricité – protégeaient à la fois particuliers, entreprises et collectivités ? Si le plafonnement des prix à 280 euros par mégawattheure est utile, ce n’est pas une solution durable pour tous.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué.

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Bien que vous connaissiez bien le sujet, madame Battistel, je me permets de vous corriger : l’Espagne et le Portugal ne sont pas sortis du marché européen. S’ils subventionnent effectivement très fortement leur énergie en collectant une partie des recettes par le biais de taxes imposées, c’est parce qu’en raison de leur géographie particulière, ils exportent peu d’énergie vers le reste de l’Europe, et en importent peu également. Notre géographie ne nous permet pas d’adopter un modèle similaire.
    Depuis longtemps, la France appelle de ses vœux une refonte en profondeur du fonctionnement du marché européen de l’énergie. Si nous avons longtemps prêché dans le désert, depuis quelques mois, en raison de la crise que vous avez rappelée, la Commission européenne, nos partenaires allemands et la quasi-totalité des États membres ont reconnu que les marchés du gaz et de l’électricité fonctionnaient de pair mais, souvent, divergeaient. La guerre en Ukraine a aggravé un peu plus encore cette divergence, mettant en lumière l’inadaptation du dispositif.
    Nous avons entamé des discussions, qui ont déjà permis des progrès en matière d’achats groupés et de plafonnement du prix du gaz, mais ce n’est pas facile, car les pays ne sont pas tous aussi dépendants les uns que les autres aux énergies. Nous devrons donc continuer à discuter avec nos partenaires européens, même si, vous le savez, la discussion en Europe prend du temps. N’en déplaise toutefois à certains dans l’hémicycle, je suis convaincu que non seulement l’Europe n’est pas le problème, mais qu’elle représente même une partie de la solution.
    Néanmoins, les mesures européennes ne suffiront pas. Nous devons investir massivement dans les énergies renouvelables : c’est l’objet du texte que vous venez d’adopter – en faveur duquel vous avez sûrement voté, madame la députée. Parallèlement, le projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes nous permettra, quant à lui, d’accélérer nos investissements dans l’énergie nucléaire qui, j’en suis convaincu, est une énergie d’avenir.
    Nous devons fournir à nos entreprises un volume important d’électricité décarbonée et peu chère : c’est l’objet de la politique du Gouvernement, et j’espère que vous continuerez à nous accompagner dans cette direction.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Mélanie Thomin.

    Mme Mélanie Thomin (SOC)

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    Pour cette nouvelle année, je forme le vœu que le Gouvernement prenne véritablement la mesure du rôle essentiel des élus locaux, qui sont déstabilisés par la hausse du coût de l’énergie. Votre pilotage, monsieur le ministre délégué, désoriente le financement de l’action locale. L’inflation des coûts de l’énergie est un choc dans une crise déjà connue. Si certaines collectivités sont couvertes par le bouclier énergétique, d’autres ne peuvent prétendre qu’à une couverture partielle, au titre de l’amortisseur électricité et du filet de sécurité : le niveau et la persistance de l’inflation ébranlent les communes et l’incertitude attaque le fonctionnement courant et les investissements essentiels, comme les rénovations d’écoles, de routes ou de réseaux d’eau.
    Suppression de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises – CVAE –, suppression de la taxe d’habitation, refus d’indexer la DGF – dotation globale de fonctionnement – sur l’inflation, calendrier chaotique de mise en œuvre de l’objectif ZAN – Zéro artificialisation nette –, effets désastreux de la réforme des indicateurs financiers : votre action compromet les ressources des finances locales, pourtant bien gérées par nos élus locaux, notamment dans le Finistère, où les communes rurales ont mandaté une étude sur le sujet. Le constat est sans appel : votre jacobinisme financier leur fera perdre 8 millions d’euros – une trahison, après des années de bonne gestion locale. L’affaiblissement des finances publiques locales est un pas de plus vers la fracture territoriale.
    Nous pouvons maintenant nous interroger sur l’exécution des mesures de soutien actuelles face au coût de l’énergie : les critères de perte d’épargne brute et de potentiel fiscal pour prétendre aux aides sont restrictifs, et le cumul des dispositifs demeure une barrière pour les trop nombreuses petites communes rurales qui sont juste au-dessus des seuils du bouclier tarifaire. Monsieur le ministre délégué, pouvez-vous nous indiquer le nombre de communes effectivement bénéficiaires des aides, ainsi que les objectifs et moyens alloués au déploiement des aides auprès des petites collectivités ? La crise actuelle met en lumière vos difficultés à accompagner durablement les finances locales. Dans nos circonscriptions, votre manque de vision est source de rupture.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué.

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Halte à la caricature ! Face à une crise historique, nous devons être solidaires : c’est ce que vous avez fait, collectivement, en validant la création du filet de sécurité, qui permet d’allouer 1,5 milliard d’euros aux collectivités en difficulté. Je répète que les très petites collectivités sont éligibles au bouclier tarifaire : le nombre exact de collectivités bénéficiaires vous sera transmis ultérieurement par écrit, car je ne peux vous répondre avec précision sur ce point. En matière non seulement de croissance, d’inflation et de chômage, mais aussi de finances locales, la France résiste bien mieux à cette crise historique que tous les pays européens.

    Mme Caroline Parmentier

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    Je ne supporte plus cette litanie !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Si les collectivités locales font face à des contraintes, l’État fait sa part du travail et continuera de suivre l’évolution des finances locales et des contraintes qui pèsent sur elles. Vous avez également mentionné le ZAN : même si ce n’est pas le cœur du débat aujourd’hui, vous n’êtes pas sans savoir qu’il fait l’objet de nombreux débats et est parfois controversé. Nous continuerons à chercher comment adapter au mieux les dispositions adoptées par le Parlement pour les appliquer efficacement sans compromettre la réindustrialisation de la France.

    Mme la présidente

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    La séance de questions est terminée.

    3. État de l’école de la République

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle le débat sur l’état de l’école de la République. La conférence des présidents a décidé d’organiser ce débat en deux parties : dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, puis le Gouvernement ; dans un second temps, nous procéderons à une séance de questions-réponses.
    La parole est à M. Roger Chudeau.

    M. Roger Chudeau (RN)

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    Je commencerai, madame la présidente, par vous faire part de mon indignation concernant le sort réservé par cette législature au sujet de l’école. L’application du 49.3 nous a privés d’examiner la mission budgétaire Enseignement scolaire, laquelle représente pas moins de 82 milliards d’euros ; voilà désormais que nous entamons à vingt-trois heures quinze et à 30 députés, alors que nous étions 500 il y a deux heures, ce débat portant sur une question cruciale pour l’avenir de la République et de la nation. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
    En effet, la question éducative a toujours été considérée par la République comme l’acmé de son projet. Condorcet, les lois scolaires, la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, le programme du Conseil national de la Résistance (CNR) ont façonné notre école, jadis l’une des meilleures au monde. Aujourd’hui, la nation s’interroge : que reste-t-il des promesses et des ambitions de l’école républicaine ? Notre système éducatif est-il en mesure de relever les défis des cinquante prochaines années ? La France lui consacre une part importante de sa richesse : presque 7 % du PIB, soit quelque 82 milliards d’euros. Or, paradoxalement, les performances des élèves s’effondrent. Aussi bien le cycle des évaluations disciplinaires réalisées sur échantillons (Cedre) par l’éducation nationale que les enquêtes internationales – le Programme international pour le suivi des acquis des élèves (Pisa), le Programme international de recherche en lecture scolaire (Pirls), les Tendances dans l’étude des mathématiques et des sciences (Timss) – mettent en évidence cette dégradation constante. Le niveau baisse, c’est peu de le dire ! Quant à l’ascenseur social que constituait le mérite scolaire, il est bloqué depuis les années 1970.
    Ces constats n’ont cependant eu aucune influence sur les politiques élaborées, ces dernières décennies, par les majorités successives. Il est temps d’établir devant les Français la part de responsabilité de chacune dans ce désastre – car il ne s’agit pas d’une question d’organisation, comme le prétend le chef de l’État, mais d’une crise systémique profonde et qui, je le répète, implique directement les choix opérés depuis trente ans. J’affirme ici que le délabrement du système éducatif résulte du compromis historique implicitement scellé, à l’issue de la crise de 1968 (« Ah, quand même ! » sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES), entre droite et gauche : à la première, le régalien et l’économie ; l’éducation et la culture à la seconde,…

    M. Rodrigo Arenas

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    Merci de le reconnaître, monsieur Chudeau : la culture, c’est nous !

    M. Roger Chudeau

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    …qui a toujours prétendu à une sorte d’hégémonie intellectuelle dans ces matières. Pourtant, son exercice du pouvoir a abouti à une déconstruction méthodique de l’école. Qu’on en juge : la loi du 10 juillet 1989 d’orientation sur l’éducation, dite loi Jospin, place l’élève au centre du système éducatif – affirmation tautologique à première vue, mais fondamentale pour l’épistémologie de l’éducation. L’élève étant supposément, désormais, « l’acteur de son propre apprentissage », c’en était fait de la transmission, fondement de tout acte éducatif. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Au nom d’un pédagogisme ravageur, la gauche n’a vu dans la transmission du savoir et de l’héritage civilisationnel qu’un instrument de domination, de domestication, d’assignation ; l’Université, chargée de la formation des jeunes professeurs, leur a massivement inculqué cette conception insensée. Dans le même temps, l’ascenseur social, le mérite et l’élitisme républicains faisaient également l’objet d’attaques systématiques. L’origine géographique, sociale, voire ethnique de certains élèves devrait, selon le principe de la discrimination positive, déterminer leur admission en classe préparatoire aux grandes écoles (CPGE).

    Mme Raquel Garrido

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    Mais non ! N’importe quoi !

    M. Roger Chudeau

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    En 2014, Mme Vallaud-Belkacem supprimait d’ailleurs les bourses au mérite, que M. Blanquer, soit dit en passant, n’a pas rétablies.
    Quant aux résultats des examens nationaux, ils relèvent de l’escroquerie : lisez une copie de brevet ou de bac, vous serez édifiés. De nos bacheliers pleins de superbe, 50 % échouent à leur première année de fac ! Enfin, le début de la paupérisation du corps enseignant n’est pas difficile à situer dans le temps : en 1980, un professeur gagnait 2,6 fois le Smic, contre 1,6 fois aujourd’hui. Après 1980, qui était au pouvoir ? (« La gauche ! » sur quelques bancs du groupe RN.) Les choix idéologiques et politiques de cette période se révèlent donc catastrophiques. Pour sa part, à quelques exceptions près, la droite, largement victime du syndrome de Stockholm, s’est refusée, par paresse et mépris, à considérer l’éducation autrement que comme une source d’embarras politiques et de dépenses budgétaires excessives – je pense par exemple aux 90 000 emplois supprimés par la révision générale des politiques publiques (RGPP).
    Cet effondrement silencieux a été masqué par une avalanche de réformes jamais achevées, jamais évaluées, abandonnées à chaque changement de ministre : pour s’en convaincre, il n’est que de lire dans Le Monde la dernière tribune de M. Ndiaye, qui découvre soudain, lui aussi, la nécessité de réformer l’école. Monsieur le ministre, vous faites grand cas de l’augmentation de votre budget, vous répétez comme un mantra…

    Mme la présidente

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    Merci de conclure, cher collègue.

    M. Roger Chudeau

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    …que le primaire est prioritaire, vous affirmez défendre la laïcité. Tout cela n’est que poudre aux yeux : l’inflation dévore vos crédits, rien de sérieux n’est entrepris au profit de l’école primaire, et vos actions en faveur de la laïcité sont entachées d’ambiguïté, de procrastination – vous ne voulez manifestement pas vous attaquer au problème. Cependant que le système éducatif se retrouve à bout de souffle, déclassé, voué à des réformes superficielles et sans lendemain, nous n’avons aucune confiance dans votre capacité à restaurer notre école. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Alexis Corbière.

    M. Alexis Corbière (LFI-NUPES)

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    En une période où l’on parle beaucoup de la République – principe, symbole, programme –, vous savez mieux que quiconque, monsieur le ministre, qu’à travers l’histoire de notre pays, elle s’est matérialisée au sein de l’école. L’école constitue le socle de la République ; si celle-ci s’est imposée à la fin du XIXe siècle, c’est grâce à l’énergique initiative qui a permis l’implantation dans nombre de communes d’une école publique au programme éducatif républicain, social, laïque.

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    C’est vrai !

    M. Benjamin Lucas

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    Exactement !

    M. Alexis Corbière

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    Il est temps de continuer à faire vivre cet idéal. J’ai entendu un collègue citer 89 ; vous me permettrez d’évoquer 93, pas seulement parce que ce numéro est celui du département de Seine-Saint-Denis, où se situe ma circonscription, mais parce qu’en 1793, le grand révolutionnaire que fut Danton déclarait : « C’est à vous, républicains célèbres, que j’en appelle ; mettez ici tout le feu de votre imagination, mettez-y toute l’énergie de votre caractère, c’est le peuple qu’il faut doter de l’éducation nationale. Quand vous semez dans le vaste champ de la République, vous ne devez pas compter le prix de cette semence. Après le pain, l’éducation est le premier besoin du peuple. » (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES et RN.) La République n’est faible, aujourd’hui, que parce que son école est attaquée. Durant le précédent quinquennat, un ministre avait lancé dans le débat public le mot « séparatisme ». J’affirme ici que, dans ce pays, il existe bien un séparatisme : le séparatisme scolaire. (Mme Raquel Garrido applaudit.)

    M. Benjamin Lucas

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    Exactement !

    M. Alexis Corbière

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    Selon le département, la ville, le quartier, l’école publique, la qualité de l’enseignement ne sont pas les mêmes ; telle est la dégradation du système que pour nos enfants, le fait même d’être scolarisé dans le public influe sur cette qualité. Monsieur le ministre, il vous faudrait prendre à bras-le-corps ce problème évoqué dans certaines de vos interviews : l’école publique subit la rude concurrence de l’école privée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Benjamin Lucas

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    Il a raison, ça suffit !

    M. Alexis Corbière

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    Bien que celle-ci soit confessionnelle, nos concitoyens, souvent, ne la choisissent pas en raison de leurs convictions spirituelles, ce qui constitue un motif respectable, mais parce que les plus aisés s’y concentrent. (« C’est vrai ! » sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES. – Protestations sur quelques bancs du groupe RN.)

    M. Rodrigo Arenas

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    Bravo, Corbière !

    M. Alexis Corbière

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    Vous n’ignorez pas les nombreuses études publiées à ce sujet ; un chercheur du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) a ainsi établi récemment, dans une tribune passionnante, que, parmi les 10 % de collèges ayant l’indice de position sociale (IPS) le plus bas, seuls 3 % sont privés, contre 61 % parmi les 10 % de collèges possédant l’IPS le plus élevé. (Mme Anne-Laure Blin s’exclame.)

    M. Benjamin Lucas

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    Eh oui !

    M. Alexis Corbière

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    Je le répète, il s’est ainsi créé progressivement, financée par des fonds publics, une concurrence au service public – un peu comme si l’État, tout en entretenant les bus et les tramways, donnait de l’argent aux entreprises de taxis.

    M. Benjamin Lucas

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    Exactement !

    Un député du groupe RN

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    L’école privée rend service !

    M. Alexis Corbière

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    Pendant ce temps, les hussards de la République sont souvent devenus des Uber de la République ;…

    M. Rodrigo Arenas

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    C’est bien, ça, comme formule !

    M. Alexis Corbière

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    …autrement dit, notre école s’est précarisée. Les enseignants, mal rémunérés,…

    Un député du groupe RN

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    Ça, c’est la gauche !

    M. Alexis Corbière

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    …voyant s’éroder leur pouvoir d’achat, seront en grève, entre autres pour cette raison, le 17 janvier. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.) Monsieur le ministre, répondez à leurs revendications !
    Les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH), qui nous sont précieux, si nécessaires, qui ont l’honneur de s’occuper des enfants dont les difficultés sont les plus grandes, se retrouvent désormais confrontés à la précarité : voilà qui déshonore l’institution. Monsieur le ministre, quand soutiendrez-vous ce corps des AESH ? Quand donnerez-vous aux femmes qui le composent essentiellement un salaire digne, ainsi qu’une vraie formation, afin que les enfants en difficulté n’aient pas à subir une double peine ?
    Enfin, savez-vous que l’enseignement professionnel, ce joyau de notre système éducatif, ne concerne pas moins de 27 % des lycéens ? Je suis persuadé, je le dis sans aucun mépris, que dans cet hémicycle, nous trouverions peu de parents dont un enfant suit cette voie…

    Mme Caroline Parmentier

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    Moi, j’en ai un ! (Quelques députés du groupe RN lèvent la main pour signifier qu’ils sont également dans ce cas.)

    M. Alexis Corbière

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    Eh bien, bravo, madame ! Avant d’être élu député, j’ai eu l’honneur d’enseigner vingt ans au sein d’un lycée professionnel. Ces enfants doivent bénéficier de la protection qu’il convient d’accorder à l’enseignement professionnel ; encore une fois, ce n’est pas un à-côté ! J’aurais souhaité, monsieur le ministre, que vous accomplissiez cette tâche, et je vois d’un mauvais œil le fait que vous partagiez avec le ministre du travail la tutelle de Mme Grandjean. Les lycéens professionnels sont des élèves à part entière (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES),…

    M. Benjamin Lucas

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    Exactement !

    M. Alexis Corbière

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    …c’est pourquoi nous devons rejeter la réforme visant à généraliser leur formation en entreprise : les patrons n’ont pas besoin d’élèves, dont ils ne sauront que faire !

    Mme la présidente

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    Merci de conclure, cher collègue.

    M. Alexis Corbière

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    Encore une fois, je sais de quoi je parle : ces lycéens ont besoin d’acquérir la culture générale qui leur permettra de devenir des ouvriers, des techniciens, de grande qualité ! Défendre l’école, c’est défendre la République : pour l’instant, monsieur le ministre, le compte n’y est pas. (Mmes et MM. les députés du groupe LFI-NUPES se lèvent et applaudissent vivement. – Mme Elsa Faucillon et M. Benjamin Lucas applaudissent également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Annie Genevard.

    Mme Annie Genevard (LR)

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    Dans le cadre de cette semaine de contrôle de l’Assemblée nationale, le débat de ce soir porte sur l’état de l’école de la République. Nul doute que beaucoup de nos interventions brosseront un panorama de ses difficultés, concernant lesquelles le Parlement est dans son rôle en demandant des comptes à ceux qui en ont la responsabilité.
    Pour ma part, je n’aborderai qu’un seul point : l’apprentissage de la lecture. Ceux qui me connaissent ne s’étonneront pas de ce choix, compte tenu de mes multiples interventions et propositions ayant trait à ce sujet d’une importance capitale. Nous ne pouvons fermer les yeux plus longtemps. Vous l’avez dit vous-même, monsieur le ministre : 27 % des élèves qui entrent au collège n’ont pas le niveau requis en français. Il y a là le ferment d’un gâchis humain considérable. Si nous élargissons la perspective, sur soixante-dix-neuf pays évalués par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la France, en matière de compréhension de l’écrit, occupe le vingt-troisième rang.
    Nous vivons une situation singulière : chacun connaît les causes, l’ampleur et la gravité du problème, chacun en mesure les conséquences, nul ne peut en ignorer les solutions ; pourtant, il ne se passe rien. J’en veux pour preuve la note d’alerte particulièrement préoccupante publiée le 25 octobre 2022 par le Conseil scientifique de l’éducation nationale (CSEN) : elle déplore que le guide Pour enseigner la lecture et l’écriture au CP, dit guide orange, paru en 2019, soit insuffisamment diffusé ; elle s’alarme qu’« en l’absence de formation, certains enseignants adoptent des pédagogies à départ global totalement inacceptables au regard des connaissances scientifiques actuelles ».
    Selon une étude en cours menée par le sociologue Jérôme Deauvieau sur un échantillon de 16 149 enseignants de cours préparatoire (CP), moins de 1 % d’entre eux utilisent la méthode recommandée par le Conseil scientifique, celle qui se montre pourtant indéniablement la plus efficace – surtout pour les enfants des familles les moins aisées.

    M. Alexis Corbière

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    Bravo.

    Mme Annie Genevard

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    Alors que les sciences cognitives nous ont beaucoup appris, il est particulièrement dommageable que les méthodes d’apprentissage fassent toujours l’objet de conflits idéologiques indifférents aux faits. Il est démontré que les méthodes pédagogiques fondées sur l’apprentissage des correspondances entre graphème et phonème, souvent présentées comme le B.A.-BA, et le décodage des mots, conduisent aux meilleures performances des élèves alors que les méthodes dites mixtes ou à départ global compliquent l’apprentissage de la lecture et sont porteuses de confusion dans l’esprit des enfants. Dans une indifférence coupable, on ruine les chances de milliers d’élèves de mener une scolarité normale, spécialement dans les milieux les plus fragiles socialement. Je n’hésite pas à le dire, c’est un véritable scandale d’État.
    Les solutions sont connues pourtant ; elles sont parfaitement établies dans le guide orange que j’évoquais. Hélas, et c’est toujours là que le bât blesse, la mise en application de celui-ci est catastrophiquement faible. On sait ce qu’il faut faire mais on ne le fait pas et l’État n’exige rien. Le déclin du niveau de lecture est manifestement lié à un déficit de formation initiale et continue des enseignants ainsi qu’à la subsistance de nombreux manuels scolaires relayant des méthodes d’apprentissage peu efficaces et souvent obsolètes.
    Les propositions que je vais faire pour remédier à cette situation sont souvent évoquées. Il est urgent de s’assurer d’abord que les meilleures méthodes d’apprentissage sont certifiées et intégrées à la formation initiale des enseignants et surtout, monsieur le ministre, que l’on en contrôle la maîtrise par les enseignants eux-mêmes. Deuxièmement, sur le modèle du plan de formation à la laïcité lancé l’année dernière par le ministère, un plan de formation de l’ensemble des enseignants de cours préparatoire, des inspecteurs de l’éducation nationale et des conseillers pédagogiques aux méthodes certifiées d’apprentissage de la lecture devrait être lancé dès que possible, avant la prochaine rentrée scolaire. Une fois cette formation assurée, tout refus caractérisé de mettre en œuvre les méthodes d’apprentissage certifiées devrait être sanctionné. De surcroît, afin d’inciter les manuels scolaires à diffuser les meilleures méthodes d’apprentissage, il faudrait les labelliser. Sans ce label de qualité, les manuels scolaires ne devraient pas être éligibles à un financement public.
    Ce qui se joue en cours préparatoire est capital. Il s’agit d’offrir la liberté de lire – ce sont encore les mots du Conseil scientifique de l’éducation nationale – et avec elle la liberté de découvrir et de penser. Monsieur le ministre, serez-vous le ministre qui aura le courage de mener ce combat, le plus beau et le plus salutaire ? Sachez en tout cas que le groupe Les Républicains sera à vos côtés si vous décidez de le mener. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Géraldine Bannier.

    Mme Géraldine Bannier (Dem)

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    Je commencerai par remercier l’oratrice précédente d’avoir parlé de lecture ; c’est évidemment un sujet important. Je tiens à rappeler en préambule un fait incontournable : l’école évolue continûment. Elle n’est pas déconnectée de la société, comme certains semblent le croire, mais les deux sont parfaitement imbriquées. Elle en est le reflet et même, puisqu’elle reçoit les jeunes qui en feront l’avenir, le cœur battant, l’endroit où l’on peut quasiment prévoir ce que sera la société de demain.
    L’école s’est démocratisée tout au long du XXe siècle. Les collèges ont accueilli de plus en plus de jeunes depuis 1963 et se sont fondus dans le collège unique en 1975. Cela a permis à des talents d’accéder aux études quand, auparavant, le lieu de naissance et la profession des parents déterminaient l’avenir des enfants, quelles que fussent leurs aptitudes. L’école s’est aussi faite inclusive, accueillant en milieu ordinaire – expression révélatrice – les enfants en situation de handicap. Ce sont là de très nets progrès, qui se poursuivent et qu’il ne faut pas oublier. Attention toutefois à bien offrir à chacun une solution adaptée à ses besoins car l’intégration dans une classe de vingt-cinq élèves n’est pas la solution unique.
    L’école d’aujourd’hui est néanmoins pointée du doigt, parfois à juste raison. Les classements Pisa, s’ils ne sont pas l’alpha et l’oméga de la mesure de la réussite scolaire, montrent toutefois que notre système cale. Les élèves français sont dans la moyenne européenne, autant en difficulté en mathématiques qu’en français. Surtout, le système français est celui, en Europe, qui réduit le plus mal les inégalités. Autant dire que c’est le cœur de notre devise républicaine que ce triste constat met à mal. Il n’est pas interdit à un jeune de milieu défavorisé géographiquement ou socialement de réussir : il y a pour cela les quotas, les cordées de la réussite et les classes préparatoires, certes élitistes, mais pas totalement fermées aux talents. Mais pour l’avoir vécu, j’ajouterai que le parcours reste celui d’un éternel retard à rattraper.
    Parce qu’à la maison, on n’a pas accès aux livres ou à la musique, parce qu’on se couche tard, parce qu’on ne part pas en vacances à l’étranger pour maîtriser les langues, parce qu’on n’a pas de quoi s’offrir des cours privés et, enfin, parce qu’on a intégré l’idée que, puisqu’on a des bras, on pourra bien réussir sans l’école, et que tout le monde dans la famille a fait sans. L’ascenseur social qu’est l’école reste difficile à emprunter, parce qu’étranger. Il faut clairement poursuivre une politique très volontariste en faveur de la mixité des publics accueillis, du partage d’expériences et de la mobilité, facilitant l’accès des plus fragiles aux dispositifs sportifs et culturels – sous peine que se creuse encore un fossé social déjà trop marqué et perçu dès le plus jeune âge par les enfants.
    Une autre évolution majeure de ces dernières décennies me paraît se résumer dans le seul mot d’autorité, mot tabou, désuet sans doute, mais si central dans ce qu’est devenue l’école d’aujourd’hui. Au modèle des maîtres qui tapaient sur les doigts ou faisaient faire des tours de cour aux récalcitrants – époque heureusement révolue – s’est substitué un modèle inverse. Le professeur qui sanctionne est prié par un mot des parents de retirer la punition, sommé de récupérer en classe un élève pourtant exclu ; il doit justifier le contenu de ses cours et peut recevoir des menaces de mort – la chose se développe, hélas, dans les cas les plus extrêmes. Le respect dont jouissait le hussard de la République sur son piédestal, qui déjà à l’époque n’était même pas trop payé, n’est plus tout à fait là.

    M. Benjamin Lucas

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    Le manque de respect commence par la faiblesse des salaires !

    Mme Géraldine Bannier

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    Le choix politique, il y a quelques années, de pointer les vacances des enseignants et leur supposée semaine de 18 heures n’a pas aidé. Résultat : l’enseignant qui consacre ses jours, soirées et week-ends compris, à corriger ses copies et à imaginer ses cours, parfois entre deux portes et au beau milieu de ses occupations familiales, qui voit une centaine d’adolescents par jour, côtoie les parents et récupère de l’énergie pendant les pauses – également destinées à préparer de nouveaux cours, avec une technologie qui évolue sans cesse – se décourage. Il n’est pas bien vu par la société, pas soutenu, il est payé bien en dessous de la moyenne européenne et reste toujours à former ! Les élèves lui disent : « Prof, on ne fera pas… C’est un sale boulot. »
    Le tableau n’est pas bien réjouissant mais il reflète la réalité des établissements, là où l’on vit l’école au présent, où l’on est confronté aux sujets bien connus de la laïcité, du harcèlement et des réseaux sociaux sans avoir nécessairement à dire au professeur de s’en occuper. Car l’enseignant sait ce qu’il a à faire. Il sait que sa mission, chevillée au corps, est de transmettre au plus grand nombre les bases nécessaires pour réussir dans la vie en même temps qu’un bagage civique qui permette au mieux la formation d’un jeune citoyen inséré et bien dans sa vie. Je vois là, avec mon expérience, la première urgence de tout politique qui souhaiterait améliorer le système : soutenir les professeurs, leur redonner le rôle central dans la société qu’ils n’ont plus ; rappeler que l’école est un lieu de respect et d’apprentissage à sacraliser encore et toujours.

    M. Benjamin Lucas

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    Payez-les correctement !

    Mme Géraldine Bannier

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    On est loin d’une énième réforme du système ou de dispositifs technocratiques imaginés en retard par ceux qui ne sont plus sur les bancs de l’école, mais n’est-ce pas là l’essentiel ? (Mme Agnès Carel applaudit.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Isabelle Santiago.

    Mme Isabelle Santiago (SOC)

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    L’histoire de la République est liée à celle de l’école. Déjà pendant la Révolution française, des voix s’élevaient pour qu’on donne au peuple l’instruction nécessaire à son émancipation. L’état de notre école, qui a jadis fait notre fierté, laisse à désirer et son fonctionnement contribue à creuser les inégalités. Votre gouvernement y contribue, monsieur le ministre, en lançant une cacophonie de réformes qui se contredisent sans cesse ; il n’y a qu’à voir le traitement des mathématiques dans le tronc commun de la réforme du baccalauréat et le recul de la part des jeunes filles dans la filière scientifique. Nous avions bien alerté – certes, c’était hier –, mais on nous répondait lors des questions au Gouvernement que tout allait bien. In fine, les mathématiques ont été réintégrées au tronc commun.
    Dans ce contexte, mon propos portera sur un thème qui m’est cher : faire réussir les plus fragiles. C’est en tant qu’ancienne vice-présidente du département du Val-de-Marne pendant onze ans, chargée de la protection de l’enfance et de la prévention spécialisée, que je vous le dis.
    Prenons tout d’abord la question de l’orientation. En France, la voie professionnelle est injustement dévalorisée depuis des années, privant notre nation de personnel qualifié dans différents métiers en tension, dont certains ont une très haute valeur ajoutée. L’aide à l’orientation reste notoirement insuffisante et pénalise les élèves dont l’environnement familial n’est pas favorable à la découverte de tous les possibles. Par exemple, les 54 heures annuelles d’aide à l’orientation ne sont en général pas assurées. Pourtant nous le savons : un meilleur accompagnement permettrait de réduire le nombre d’échecs, trop nombreux, et le sentiment de dépréciation éprouvé par les élèves.
    Pour faire réussir tous les enfants, l’école a également besoin d’excellents professeurs, ces hussards noirs qui font notre République. Alors qu’il faudrait renforcer l’attractivité du métier d’enseignant, vous continuez de saborder une profession déjà trop précaire, à travers notamment les job datings organisés cet été ; nous en avons observé les effets dévastateurs mais ils pointent une situation plus que préoccupante dans certaines académies. Regardons la réalité en face : il est nécessaire d’assouplir les mutations des enseignants et de mieux les rémunérer – sans qu’ils aient à accomplir des tâches supplémentaires pour avoir le droit à une prime dont nous savons en outre qu’elle n’entrera pas dans le calcul de la retraite.
    Une troisième faiblesse, peut-être la plus grave, pénalise notre école : les inégalités scolaires. En 1870, Jules Ferry disait : « […] faire disparaître la dernière, la plus redoutable des inégalités qui viennent de la naissance, l’inégalité d’éducation. C’est le problème du siècle et nous devons nous y attacher. » Plus de 150 ans plus tard, la France reste l’un des pays de l’OCDE où l’origine sociale pèse le plus sur le destin scolaire.

    M. Andy Kerbrat

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    Eh oui !

    Mme Isabelle Santiago

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    Un récent rapport de la Défenseure des droits soulignait par exemple que les parents d’enfants en situation de handicap étaient parfois contraints de déscolariser leurs enfants. En tant qu’élue locale et députée, je sais combien il est difficile pour les familles concernées de faire scolariser leurs enfants dans les meilleures conditions. Même pour ceux qui sont accueillis, la vie à l’école est semée d’embûches. Les AESH sont essentielles à ces enfants mais elles sont peu intégrées aux équipes pédagogiques et ne sont pas suffisamment formées. Nous le disons depuis longtemps. Il est temps – en tout cas, j’en suis convaincue – que le secteur médico-social devienne un moteur de la formation des AESH et un partenaire de projet avec l’éducation nationale, pour aider les professionnels.
    L’école demeure également inefficace dans la prise en charge des enfants en situation de précarité ou touchés par des situations spécifiques que je connais bien comme le psychotrauma. On dénombre 400 000 enfants vivant dans des foyers où les violences conjugales sont légion. Il y a dans chaque classe, en moyenne, un ou deux enfants victimes d’inceste. S’y ajoutent 300 000 enfants accueillis par la protection de l’enfance, qui ont besoin d’une attention spécifique. Nous connaissons les difficultés et les statistiques. Un jeune sortant de l’aide sociale à l’enfance (ASE) devient souvent un SDF. Face à toutes ces fragilités, il y a à peine un psychologue scolaire pour 2 000 élèves. Comment voulez-vous qu’un enfant souffrant de psychotrauma soit repéré ? Comment voulez-vous qu’il puisse vivre sereinement sa scolarité et qu’il soit disponible pour les acquisitions et les savoirs quand, le matin, il a vu sa mère battue ou envoyée à l’hôpital ? D’autres systèmes scolaires dans le monde ont fait leurs preuves, comme j’ai pu le constater par moi-même : c’est le cas au Québec, aux Pays-Bas et en Scandinavie. La psycho-éducation est un sujet très intéressant que nous devons creuser.
    Nous le savons : pour que l’enfant réussisse à l’école, son environnement doit être pris en compte. La France néglige cette question majeure et s’étonne de l’échec scolaire. Je l’ai clamé durant suffisamment d’années pour souligner les échecs auxquels j’ai assisté. Nelson Mandela disait : « Nos enfants sont la base sur laquelle nous construirons notre avenir, ils sont le bien le plus cher de la nation. » Je compte sur un plan global pour l’enfance, tenant compte de l’intégralité de la question de l’enfant dans son environnement familial. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC. – M. Benjamin Lucas applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Agnès Carel.

    Mme Agnès Carel (HOR)

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    Il nous est proposé de débattre sur l’état de l’école en France. Enseignante en collège depuis trente ans, je n’ai pas attendu ce soir pour mesurer, à la lumière de mon expérience, les aspects positifs de l’enseignement à la française. La joie de transmettre aux générations futures, l’idée d’accomplir une mission importante pour l’avenir des élèves ont toujours été mes moteurs.
    Au fil des ans, l’école a réduit la part d’élèves sortant précocement du système scolaire. Aujourd’hui, 79 % des jeunes d’une même tranche d’âge obtiennent leur baccalauréat, l’un des meilleurs scores d’Europe. Parmi les points positifs, on peut citer l’école inclusive : la loi de 2005 a permis qu’à la rentrée 2022, plus de 507 000 élèves soient accueillis dans différents types d’établissements adaptés. Il reste des efforts à faire, notamment pour les accompagner.
    Mais depuis des décennies, l’éducation nationale souffre de différents maux. La crise de recrutement des professeurs est à chaque rentrée plus aiguë, entraînant un manque de professeurs titulaires et de remplaçants, donc une perte d’heures d’enseignement. On observe aussi une baisse du niveau, les comparaisons internationales révélant des difficultés bien inquiétantes.
    Ces deux principaux constats suscitent un sentiment amer dans la population, qui se traduit par une montée en puissance du secteur privé et par une défiance envers l’éducation nationale. Un sondage Ifop-Fiducial mené à la rentrée 2022 montre que si 77 % des Français sont satisfaits de l’école maternelle et 65 % de l’école primaire, la part de ceux qui sont satisfaits des collèges et des lycées tombe à 41 %.
    Il est donc urgent de faire en sorte que la société reconnaisse mieux les enseignants et que ceux-ci soient à nouveau fiers de leur belle mission. Il faut remettre à plat la formation initiale et la formation continue. Beaucoup d’enseignants se sentent insuffisamment préparés à la gestion d’une classe ou à la prise en charge des élèves à besoins éducatifs particuliers, et se trouvent démunis quand il s’agit de faire respecter les principes de la laïcité si chers à notre République.
    Redonner plus d’importance au rôle du professeur, c’est restaurer le respect de la fonction. Leurs décisions, concernant les passages de classe par exemple, doivent s’imposer. Il ne s’agit pas de remettre en question la place des parents dans l’école, mais de redonner aux décisions des enseignants une forme d’autorité.
    La reconnaissance de la nation passe aussi par une revalorisation des salaires. Des efforts budgétaires ont été consentis, ils portent principalement sur les débuts de carrière. Il faut également prendre en compte la situation des enseignants en milieu et en fin de carrière afin que ceux qui sont désormais des experts puissent continuer de s’épanouir. L’amélioration de la situation des enseignants doit aussi passer par une gestion plus souple des carrières et des affectations, mieux adaptée aux impératifs de la vie d’aujourd’hui.
    Pour combattre la baisse du niveau, des mesures ont été déjà prises comme le dédoublement des classes de CP et de CE1 dans les zones d’éducation prioritaire (ZEP), étendu aux classes de grande section de maternelle depuis la rentrée. Les résultats sont encourageants. D’autres mesures, comme Vacances apprenantes ou les Devoirs faits, sont probantes. Il faut aller plus loin pour éviter les décrochages.
    Rapporteure de la mission d’information chargée de dresser un panorama et un bilan de l’éducation prioritaire, je suis particulièrement sensible aux initiatives qui visent à enrayer les inégalités entre les établissements. Une révision de la carte des zones d’éducation prioritaire s’impose. Je crois que vous y travaillez. D’autres mesures sont attendues, je ferai des propositions dans ce sens. Il faut que les élèves aient tous les mêmes chances de réussite.
    Les dernières évaluations ont confirmé que le niveau en mathématiques baissait significativement. Monsieur le ministre, vous avez sagement décidé que les mathématiques redeviendraient obligatoires en classe de première générale. Vous venez d’annoncer l’instauration d’une heure hebdomadaire de soutien en mathématiques ou en français pour les élèves de sixième. C’est un premier pas prometteur. Mais est-ce suffisant ? Qu’en est-il des collégiens qui conservent des lacunes après la sixième ?
    Les membres du groupe Horizons et apparentés sont particulièrement attachés à l’humanisme républicain qui doit faire de l’éducation un objectif national. L’éducation constitue la mère des batailles, qui commande la capacité d’un pays à innover, à former des citoyens éclairés et à relancer l’ascenseur social. C’est la raison pour laquelle l’éducation nationale doit redevenir une priorité pour le Gouvernement. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour redonner toute leur place à l’éducation nationale et à ses acteurs.
    L’école a pour but d’instruire, de former les citoyens de demain – mais des citoyens heureux. Le système éducatif doit valoriser les filières professionnelles, afin que chacun puisse s’orienter vers le métier de son choix.

    Mme la présidente

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    Merci de conclure, chère collègue.

    Mme Agnès Carel

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    Une société qui avance et qui va bien le doit à sa jeunesse. Et comme la construction d’un jeune passe par l’instruction, nous devons redonner à l’école sa valeur républicaine et salvatrice. L’éducation doit être le cœur battant de la nation.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Francesca Pasquini.

    Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES)

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    Le code de l’éducation dispose que « l’éducation est la première priorité nationale ». Est-ce vraiment le cas aujourd’hui ? Dans cet hémicycle, nous n’avons pas pu débattre une seule minute du budget de l’éducation nationale et je regrette que ce soit le groupe du Rassemblement national qui nous pousse à avoir cette discussion aujourd’hui.

    M. Rodrigo Arenas

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    Tout à fait !

    M. Benjamin Lucas

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    C’est un scandale démocratique !

    Mme Francesca Pasquini

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    Chers collègues de la minorité présidentielle, vous avez, avec le Gouvernement, votre part de responsabilité : lors de l’examen du projet de loi de finances, vous avez sciemment modifié l’ordre du jour pour éviter un débat sur l’école de la République.
    Mais saisissons l’occasion qui nous est offerte pour rappeler que la situation est grave. Comme de nombreux autres services publics, l’école souffre d’un manque chronique d’investissement et de considération. Plus encore que d’autres services publics, elle fait face à trois périls.
    Le premier consisterait à retenir des solutions réactionnaires et passéistes. J’en veux pour preuve l’intérêt croissant du groupe RN pour les questions éducatives. Cette vision réactionnaire prône le retour à l’uniforme, refuse l’école inclusive et fantasme sur les dangers de la pensée woke. Cette école-là ne répond nullement aux défis qui lui sont posés.
    Le deuxième péril serait d’opter, obnubilés par l’immédiateté, pour des solutions libérales. Toute une génération de professeurs, d’élèves et de parents a subi les méfaits d’une telle position qui consiste à rationaliser, à limiter les coûts et à considérer que seules les compétences « en adéquation avec le marché du travail » sont pertinentes. Cette école-là n’a que trop duré.
    Le troisième péril, qui traverse notre société tout entière, est celui du changement climatique : les conditions d’apprentissage sont déjà dégradées par la chaleur et les événements climatiques extrêmes ; elles subiront aussi les mutations économiques et sociales à venir. Face au péril climatique – un défi existentiel qui s’impose à nous tous –, les solutions sont nombreuses. Elles doivent devenir une force mobilisatrice.
    Les députés écologistes proposent de prolonger et d’adapter la philosophie de l’école républicaine aux enjeux du XXIe siècle. Cela suppose de perpétuer le grand œuvre pédagogique et émancipateur impulsé par Jules Ferry ou Ferdinand Buisson, affiné tout au long du XXe siècle par l’élan réformiste du Front populaire, du plan Langevin-Wallon et des artisans du collège unique. Il faut pour cela renoncer aux recettes trop usées et dépasser le leitmotiv des fondamentaux, que Jules Ferry lui-même refusait de poser en principe absolu.
    Comme lui, nous pensons que l’éducation n’est pas une suite de prescriptions ou de savoir-faire rudimentaires, mais plutôt une exploration de l’ensemble des connaissances humaines, un exercice libre des facultés de l’esprit qui prépare les jeunes à vivre en démocratie, et surtout, les initie à la vie et au vivant. Il n’y a pas d’un côté la salle de classe et ses enseignements théoriques « fondamentaux », de l’autre, le sport, les sorties ou les activités manuelles « accessoires ». Pour nous, tout est lié : l’école doit être de « la tête, du cœur et des mains ».
    Cela implique de rompre avec la segmentation entre les activités scolaires et périscolaires. S’il souhaite donner un sens à la devise républicaine, l’État doit se saisir avec fermeté et audace du sujet de la mixité scolaire et sociale.

    M. Rodrigo Arenas

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    Tout à fait !

    M. Benjamin Lucas

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    Exactement !

    Mme Francesca Pasquini

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    Enfin, pour adapter l’école républicaine aux enjeux du XXIe siècle, nous entendons explorer un sujet plus que jamais fondamental, celui de l’état physique de l’école. Depuis les années 1980, les collectivités sont propriétaires des locaux et responsables de leur entretien. Mais cela ne doit pas dédouaner l’État de sa responsabilité. Face aux besoins évidents et à l’enjeu climatique, il doit impulser une dynamique pour préparer, dès aujourd’hui, le bâti scolaire.
    Nous proposons de lancer une réflexion nationale pour végétaliser les cours, adapter les salles aux nouveaux usages, créer des espaces de débat entre élèves, installer des matériaux chaleureux, et créer des formes architecturales apaisantes.

    M. Benjamin Lucas

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    Excellent !

    Mme Francesca Pasquini

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    J’aurais pu me livrer à un réquisitoire de cinq minutes, tant les griefs sur l’état de l’école sont nombreux.

    M. Benjamin Lucas

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    Très nombreux !

    M. Rodrigo Arenas

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    Très, très nombreux !

    Mme Francesca Pasquini

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    Mais ils sont connus et je préfère que nous tentions de construire, collectivement. Comme sur tous les autres sujets, les écologistes sont prêts à prendre leurs responsabilités. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES et GDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Elsa Faucillon.

    Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES)

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    La situation de l’école publique doit être comparée à celle de l’hôpital public : tous deux ont été abîmés, malmenés par des années de gestion néolibérale.

    M. Rodrigo Arenas

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    Exactement ! L’école et l’hôpital ont été commercialisés, soumis à un véritable saccage !

    Mme Elsa Faucillon

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    L’école a subi ces dernières années un grave renoncement, qui a consisté à abandonner la poursuite de sa démocratisation et donc à renoncer à tendre vers l’idéal républicain. J’y reviendrai.
    Ce débat étant proposé par le groupe Rassemblement national, je souhaite préciser en quoi nous sommes fermement opposés à la vision de l’école que prône l’extrême droite. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

    M. Benjamin Lucas

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    L’extrême droite ne comprend pas l’école républicaine !

    Mme Elsa Faucillon

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    Non, la crise de l’école, que nous dénonçons, n’est pas due à un prétendu manque d’autorité,…

    M. Benjamin Lucas

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    Le groupe RN voudrait une école conservée dans du formol !

    Mme Elsa Faucillon

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    …au non-respect supposé de la laïcité ou à d’autres raisons inspirées par les fantasmes identitaires.
    Rappelons quelques points du programme du Rassemblement national sur l’éducation. (« Ah ! » sur les bancs du groupe RN.)

    M. Benjamin Lucas

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    Très bien !

    Mme Elsa Faucillon

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    Les élèves pourraient choisir la voie professionnelle dès la cinquième, et commenceraient à travailler en apprentissage dès l’âge de 14 ans – cela devrait retenir votre attention, monsieur le ministre, à la veille de la réforme de la voie professionnelle. Bien sûr, ce sont les enfants des classes populaires qui seraient les premiers visés par cette approche utilitariste de l’école.

    M. Rodrigo Arenas

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    L’école doit former des citoyens, pas des travailleurs !

    Mme Elsa Faucillon

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    Le RN défend une vision de l’éducation, ou plutôt de l’instruction – vaste débat –, réductrice, bien loin de l’émancipation que nous prônons.

    M. Rodrigo Arenas

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    Il ne suffit pas, en effet, de citer Jean Zay, encore faut-il le comprendre !

    Mme Elsa Faucillon

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    Mettre les enfants des classes populaires au travail, en faire de la chair à patron : voilà l’objectif du RN !

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Quel mépris pour les métiers manuels !

    Mme Elsa Faucillon

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    L’école pour toutes et tous ne figure pas au programme ; il y est proposé, en revanche, de mettre fin à l’école gratuite pour les enfants étrangers ainsi que pour les mineurs non accompagnés.

    Mme Caroline Parmentier

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    C’est faux !

    Mme Elsa Faucillon

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    C’est une mesure antirépublicaine qui porte atteinte à l’un des fondamentaux de la République, institué par les lois Ferry : l’école obligatoire et gratuite pour tous les enfants.

    M. Benjamin Lucas

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    Exactement !

    Mme Elsa Faucillon

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    En un mot, l’école de l’extrême droite, est une école étriquée, réservée aux enfants bien nés.

    M. Benjamin Lucas

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    Tout à fait ! Merci pour cette pédagogie !

    M. Rodrigo Arenas

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    Jean Zay, c’est nous !

    Mme Elsa Faucillon

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    Qu’en est-il de la casse de l’école publique ? Les professeurs – quelle autre profession se verrait imposer un tel traitement ? – continuent de subir les errements de l’exécutif autour de la revalorisation de leur traitement. Nous voilà désormais sommés de faire l’exégèse des propos du candidat Macron sur une augmentation de 10 % dès janvier, pour comprendre qu’elle n’interviendra finalement qu’en septembre – peut-être –, sans savoir si les enseignants devront exercer des missions pour y avoir droit ni qui sera concerné. Les professeurs sont en droit d’exiger un calendrier précis et une réponse à leurs revendications !
    Le contexte est aussi celui de la crise des recrutements et là encore, aucun changement n’interviendra avant la rentrée 2023. Les chiffres ne sont pas bons : bien que la date limite des inscriptions ait été repoussée, le nombre de candidats ne dépasse que légèrement celui des candidats aux concours de 2022. Il y a une crise des moyens, mais aussi du sens. Il faut que ce sujet soit hissé, à nouveau, en tête des priorités politiques.
    Surtout, il faut maintenant privilégier un recrutement qui permette à la fois de traiter plus tôt la question de la « stagiairisation », mais aussi d’assurer une formation de qualité.
    La réalité de l’état de l’école, c’est aussi celle du bâti scolaire. On l’a constaté régulièrement ces derniers temps : bien des établissements sont largement délaissés. Je pense à plusieurs lycées, mais c’est également le cas, plus largement, de très nombreux bâtiments. Cette situation dit quelque chose de l’importance que l’État, la puissance publique, accorde – ou pas – à l’école.
    À cela s’ajoutent, à chaque projet de loi de finances, des suppressions de postes. Cette année, 1 500 postes de professeurs dans l’enseignement public sont ainsi supprimés. À cet égard, les cinq années d’action de Jean-Michel Blanquer, votre prédécesseur, ont fait beaucoup de mal à l’école, puisqu’il avait en quelque sorte repris à son compte la marotte de Nicolas Sarkozy en supprimant à nouveau des postes.

    M. Rodrigo Arenas

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    Tout à fait !

    M. Benjamin Lucas

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    Eh oui !

    Mme Elsa Faucillon

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    Rappelons que les élèves scolarisés dans l’enseignement élémentaire sont en moyenne 22 par classe en France, contre 19,3 dans le reste de l’Union européenne. Il est vrai que, comme vous, votre prédécesseur entendait donner la priorité au primaire, en délaissant le secondaire. On en voit les résultats.

    Mme la présidente

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    Merci de conclure, chère collègue.

    Mme Elsa Faucillon

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    J’en termine en soulignant qu’un travail doit être engagé en matière de mixité scolaire. Nous vous demandons de soumettre les établissements privés aux objectifs de mixité sociale car il est intolérable qu’ils ne répondent pas à cet impératif alors qu’ils sont financés à 75 % par de l’argent public. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

    M. Benjamin Lucas

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    Exactement !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Béatrice Descamps.

    Mme Béatrice Descamps (LIOT)

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    L’école est le socle, le pilier essentiel de la République. L’augmentation du budget qui lui est consacré dans la loi de finances pour 2023 témoigne de l’importance que notre pays entend accorder à l’éducation. Cependant, une question demeure : l’école de la République peut-elle, dans son état actuel, garantir la démocratisation de la réussite ? La tribune que vous avez signée le 22 décembre dernier dans le journal Le Monde, monsieur le ministre, met en relief la nécessité, au vu de la situation actuelle, de « réformer l’école » de la République. Vous y exposez trois exigences, que je me permets de reprendre ici.
    La première concerne l’amélioration du niveau scolaire des élèves. Depuis le début des années 2000, les résultats des enquêtes internationales placent en effet la France à un niveau inquiétant qui doit au minimum nous interroger et que nous nous devons d’analyser. En dix ans, le nombre d’élèves en difficulté a bondi de dix points. Trop d’enfants orientés en seconde générale et technologique affichent un niveau insatisfaisant en mathématiques et en français. Bien évidemment, l’État, à travers sa politique éducative, tente depuis plusieurs années de remédier à cette situation. Outre le dédoublement des classes de CP et de CE1, je pourrais citer bien des mesures qui ont été prises en ce sens. Toutefois, de nombreux enseignants, démunis face à la baisse du niveau scolaire général, font état d’une perte de sens de leur métier, malheureusement amplifiée par la crise des vocations mais aussi par leurs conditions de travail.
    J’en viens ainsi à votre deuxième exigence, qui a trait au bon fonctionnement de l’école. La baisse vertigineuse du nombre de candidats depuis 2021 inquiète : elle s’établit à 38 % au concours de professeur des écoles pour 2023 et à 21 % au concours externe du certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré (Capes). Pour lui rendre ses lettres de noblesse, il est indispensable que le métier d’enseignant soit revalorisé à la hauteur du niveau auquel les professeurs sont recrutés et du travail qu’ils fournissent. La formation doit quant à elle être réétudiée. Le renforcement de l’accompagnement des néotitulaires est essentiel pour consolider le démarrage de la carrière professorale, ou encore pour favoriser la création d’une véritable équipe éducative, et pas seulement pédagogique. Le Gouvernement a promis de revaloriser les traitements mais en excluant de cette mesure les enseignants expérimentés ou en fin de carrière. On reste donc loin de la hausse promise par le Président de la République au cours de sa campagne. Le manque global de reconnaissance du métier crée un malaise grandissant parmi les enseignants.
    Votre troisième exigence porte sur l’égalité des chances. Vous avez raison : améliorer le niveau des élèves et réduire les inégalités constituent deux enjeux fondamentaux, quasiment indissociables. Chacun doit trouver sa place à l’école pour trouver sa place dans la société, sans le faire au détriment d’autres élèves. Pourtant, la France fait partie des pays de l’OCDE dans lesquels l’origine sociale pèse le plus lourd dans les trajectoires scolaires. Notre système semble inefficace pour la quasi-totalité des 3 à 4 millions d’enfants dont les parents vivent sous le seuil de pauvreté. Nous savons tous, par exemple, que des élèves de 7 ou 8 ans sont parfois notifiés à la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) dans l’espoir de trouver des solutions à leurs difficultés, alors même qu’ils ne sont pas porteurs de handicap. Une expérience est d’ailleurs en cours dans le Valenciennois pour identifier ces enfants dès l’école maternelle, l’objectif étant de créer un partenariat entre l’éducation nationale et le secteur médico-social. Ses premiers résultats sont révélateurs du bien-fondé d’une telle méthode et de l’importance d’agir dès la petite enfance.
    L’égalité des chances suppose aussi de permettre l’inclusion scolaire des élèves handicapés, en gardant à l’esprit que certains d’entre eux s’épanouiront davantage et évolueront mieux dans des structures adaptées qui restent trop peu nombreuses en France. Enfin, on ne saurait évoquer l’inclusion scolaire sans faire mention du rôle essentiel des AESH – vous savez où je veux en venir, monsieur le ministre. S’il est indéniable que des mesures ont été prises pour limiter la fragilité du métier, le contrat et la rémunération de ces professionnels demeurent bien trop précaires pour assurer une véritable égalité des chances.

    Mme la présidente

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    Veuillez conclure, chère collègue.

    Mme Béatrice Descamps

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    Nous devons aussi donner aux enfants malades toutes les chances de réussir et de s’épanouir dans les établissements scolaires.

    M. Rodrigo Arenas

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    Ça, c’est vrai !

    Mme Béatrice Descamps

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    Je rappelle d’ailleurs que, si la proposition de loi visant à l’accompagnement des enfants atteints de pathologie chronique ou de cancer, que j’avais déposée en 2021, a été promulguée il y a maintenant plus d’un an, le texte n’est malheureusement toujours pas applicable, la publication du décret énumérant les maladies chroniques concernées se faisant encore attendre.

    M. Rodrigo Arenas

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    Elle a raison !

    Mme la présidente

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    Merci, chère collègue.

    Mme Béatrice Descamps

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    J’ai presque terminé, madame la présidente.

    Mme la présidente

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    Je vous demande, comme à tous vos collègues, de respecter le temps imparti pour votre intervention.

    Mme Béatrice Descamps

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    Bien. Les parlementaires sont prêts à travailler avec vous, monsieur le ministre, sur les grands enjeux de l’école – une école qui doit redonner du sens au métier d’enseignant, une école où les professeurs doivent être reconnus et respectés, une école qui doit lutter contre les inégalités, une école qui est notre bien commun et qui prépare la société de demain. (Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT, LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Fabrice Le Vigoureux.

    M. Fabrice Le Vigoureux (RE)

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    Débattre de l’école, c’est débattre de l’une des missions les plus nobles, les plus essentielles et les plus exigeantes de notre nation : celle d’enseigner, de transmettre, de former des citoyens éclairés et de donner à chaque enfant les clés pour trouver sa voie et les moyens de s’épanouir. C’est pourquoi il faut saluer toutes celles et tous ceux qui exercent le métier d’enseignant ou qui contribuent, à leurs côtés, à élever nos enfants. C’est aussi pourquoi il est essentiel de redonner tout leur sens à ces métiers, de les valoriser et de mieux les reconnaître.
    Les enseignants sont confrontés à des défis redoutables, à commencer par la baisse généralisée du niveau des élèves, particulièrement marquée pendant la première moitié de la décennie 2000 et suivie, d’après les évaluations du Pisa qui se sont succédé, d’une relative stagnation. Vous avez vous-même récemment, monsieur le ministre, rappelé qu’un quart des élèves qui entrent en sixième ne maîtrisent pas suffisamment le français et que cette proportion est d’un tiers pour les mathématiques. Les personnels sont aussi confrontés à un écart très fort, objectivé par ces mêmes études, entre les élèves issus des milieux défavorisés et les autres. Ils doivent enfin gérer – même si la liste des défis auxquels ils doivent faire face n’est pas exhaustive – des relations parfois dégradées avec des parents qui, pour de multiples raisons sur lesquelles nous n’avons pas le loisir de nous attarder ici, cultivent, pour les uns, une forme d’indifférence et, pour les autres, des attentes démesurées envers l’institution scolaire dans les champs du savoir et, de plus en plus, du savoir-être.
    Votre objectif premier consiste à faire de la maîtrise des savoirs fondamentaux à la fin de la sixième une réalité. Nous ne pouvons que vous en féliciter. Heures de soutien en groupes restreints en sixième assurées par des professeurs des écoles volontaires ; renforcement de la place de la dictée, du calcul mental et de la rédaction tout au long du cycle 3 ; extension du dispositif Devoirs faits – car on ne bénéficie pas toujours de bonnes conditions de travail à la maison : tout cela contribue à une meilleure transition entre l’école et le collège, à une plus grande maîtrise de certains fondamentaux et à la réduction des inégalités.
    Je poursuivrai en formulant quelques préconisations, dont je sais que vous partagez l’esprit et l’ambition, et qui visent toutes à contrer un certain nombre de déterminismes sociaux ou de trajectoires déjà écrites.
    La première concerne l’éducation prioritaire. Le dédoublement des classes de grande section, de CP et de CE1 dans les réseaux d’éducation prioritaire (REP) et les réseaux d’éducation prioritaire renforcés (REP+) a donné d’indéniables et très encourageants résultats. L’immense majorité des enseignants concernés par ce dispositif, qui a permis de créer 10 800 nouvelles classes et qui concerne 300 000 élèves, témoignent de l’intérêt majeur de ces mesures et d’un climat de classe très apaisé depuis leur entrée en vigueur. Le chantier de l’éducation prioritaire ne s’arrête bien sûr pas là et les évaluations doivent être affinées pour en mesurer tout le bénéfice de long terme.
    Il semble néanmoins particulièrement nécessaire de réviser une carte qui n’a pas évolué depuis 2015 et qui montre que des établissements cumulant les difficultés ne bénéficient toujours pas des moyens de l’éducation prioritaire. J’ai en tête l’exemple très marquant, dans ma circonscription, du collège Dunois de Caen, où plus de 50 % des élèves sont boursiers, où l’indice de positionnement social des élèves est l’un des plus faibles du département – il est même inférieur à celui d’un collège voisin classé en REP+ – et où une équipe très engagée d’enseignants se démène depuis des années pour accompagner de plus en plus d’élèves qui concentrent les difficultés. Ce collège devrait relever de l’éducation prioritaire. Je vous invite d’ailleurs à venir le visiter dans les prochains mois, monsieur le ministre, car il s’agit d’un cas très symptomatique de la nécessité de faire évoluer la carte des réseaux existants.
    S’agissant ensuite des carrières enseignantes, il a été rappelé qu’en 1980, un jeune professeur gagnait environ 2,3 fois le Smic, ce qui correspondrait aujourd’hui à un salaire de plus de 3 000 euros net. Nous le savons, après des décennies de lent affaissement des rémunérations, le chantier de la revalorisation est éminemment nécessaire et sera forcément graduel. Je salue donc votre volontarisme en la matière, qui se manifeste dans le budget pour 2023 et qui permettra des progressions de salaire d’au moins 10 % pour tous les professeurs, ce qui n’était pas arrivé depuis bien longtemps. Je suggère en outre que nous prenions le temps de repenser les modalités de fin de carrière des enseignants. Tenir une classe est parfois éprouvant et les années qui passent peuvent en rendre la charge mentale et physique particulièrement éreintante. Il me paraît important d’alléger les services ou de proposer aux enseignants les plus expérimentés, pour leur fin de carrière, des travaux d’encadrement en groupes très réduits dans le primaire et dans le secondaire. Je suis prêt, bien évidemment, à y travailler à vos côtés.
    Enfin, je vous sais très sensible à la question du mentorat. J’en mesure tous les bénéfices, car j’ai lancé à Caen, il y a cinq ans, une opération de compagnonnage baptisée « Tandem Pro » et destinée à 900 élèves de première scolarisés dans quatre lycées de ma circonscription. Un élève se voit affecter un parrain ou une marraine, qui lui donne de la confiance, lui ouvre ses réseaux et lui dispense des conseils, lui permettant de croire en lui-même et en ses projets. Nous devons continuer à amplifier ces opérations de type « 1 jeune, 1 mentor » car elles font souvent beaucoup de bien et contribuent à décloisonner le monde de l’éducation et celui des acteurs économiques.

    Mme la présidente

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    Merci de conclure, cher collègue.

    M. Fabrice Le Vigoureux

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    Monsieur le ministre, j’ai confiance en votre action et en votre travail pour l’éducation nationale, qui permettra de donner à nos enfants, d’où qu’ils viennent, le goût d’apprendre et l’envie de grandir. (Mme Géraldine Bannier applaudit.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Caroline Parmentier.

    Mme Caroline Parmentier (RN)

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    Pas un jour ne passe sans que des enseignants soient confrontés à des revendications qui ne devraient pas avoir leur place dans l’école de la République.

    M. Benjamin Lucas

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    C’est l’extrême droite qui les menace !

    Mme Caroline Parmentier

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    Souvent, ils choisissent de s’autocensurer par peur des représailles, après avoir été trop souvent laissés seuls face aux menaces.

    M. Benjamin Lucas

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    Et les menaces de vos amis de Reconquête!, qu’en est-il ? (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)

    Mme Caroline Parmentier

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    Depuis plusieurs années, notre école est attaquée par deux idéologies dangereuses : l’islamisme et le wokisme. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    S’il vous plaît, chers collègues !

    Mme Caroline Parmentier

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    L’idéologie islamiste veut imposer ses conceptions religieuses, une vision régressive de la femme et remettre en cause certaines réalités historiques. L’idéologie wokiste souhaite racialiser et diviser notre pays, déconstruire notre civilisation qui serait par essence mauvaise et imposer une division de la société entre oppresseurs et opprimés. Dans certains établissements il est désormais courant de voir des élèves défier l’école de la République par le port de tenues confessionnelles. (M. Rodrigo Arenas s’exclame.) L’école publique doit être un lieu sanctuarisé où le communautarisme n’a pas sa place.

    Une députée du groupe RN

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    Bravo !

    Mme Caroline Parmentier

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    Au cours du premier trimestre 2022, 22 % des 627 signalements relatifs à la laïcité concernaient le port de tenues confessionnelles. Ce chiffre serait en hausse de 50 % entre le premier et le second trimestre. On sait très bien que les remontées mensuelles sont minorées, par peur de répercussions, par souci du « pas de vague ».

    M. Aurélien Taché

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    Qui, « on » ? C’est quoi, ça ?

    Mme Caroline Parmentier

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    Le sondage Ifop publié lors de la journée nationale de la laïcité du 9 décembre dernier est éloquent. Plus d’un enseignant sur deux s’autocensure en cours, évitant d’aborder des thèmes susceptibles de susciter des menaces de la part d’élèves ou de parents d’élèves,…

    Mme Andrée Taurinya

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    Mais non !

    Mme Caroline Parmentier

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    …qu’il s’agisse de sujets aussi banals que l’enseignement de l’évolution en sciences naturelles ou de questions comme l’enseignement de la Shoah, le rôle civilisationnel de l’Église, l’enseignement de l’art, l’égalité entre les femmes et les hommes ou encore l’histoire de notre pays.

    M. Benjamin Lucas

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    Jean-Marie Le Pen s’est arrêté en CM2 ?

    Mme Caroline Parmentier

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    Ce taux d’autocensure…

    M. Aurélien Taché

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    Raciste !

    Mme Caroline Parmentier

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    …monte à 65 % dans les réseaux d’éducation prioritaire.

    M. Aurélien Taché

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    Raciste !

    Mme Caroline Parmentier

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    Seuls 50 % des enseignants signalent à leur hiérarchie les atteintes à la laïcité.

    M. Aurélien Taché

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    Raciste ! (Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    Je vous demande de bien vouloir écouter l’oratrice. Elle seule a la parole.

    Mme Caroline Parmentier

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    Enfin, deux tiers des enseignants estiment que le ministère n’a pas tiré les leçons de l’assassinat de Samuel Paty. Les faits le montrent. La loi de 2004 derrière laquelle se retranche le ministre de l’éducation nationale n’est pas bien appliquée, elle est défiée et bafouée. Quant aux équipes Valeurs de la République, parlez-en aux professeurs et aux chefs d’établissement. Ils vous diront ce qu’ils en pensent. Plusieurs m’ont en tout cas fait part des limites de ce dispositif.
    Monsieur le ministre de l’éducation nationale, vous avez refusé de prendre position sur l’abaya. Vous avez choisi de laisser les chefs d’établissement se débrouiller seuls…

    M. Aurélien Taché

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    Il a choisi de ne pas être raciste !

    Mme Caroline Parmentier

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    …alors qu’ils sont soumis à d’intenses pressions sur ces sujets. On attend d’un ministre qu’il dise clairement ce qu’il pense et qu’il prenne position :…

    M. Aurélien Taché

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    On attend de lui qu’il ne soit pas raciste !

    Mme Caroline Parmentier

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    …oui ou non à l’abaya ? Ce n’est pas un sujet sensible mais un sujet dangereux.
    Les Français sont de plus en plus nombreux à s’interroger à propos de l’école publique – à commencer par les ministres qui, prudemment, inscrivent de préférence leurs enfants à l’École alsacienne. Mes trois enfants (M. Aurélien Taché s’exclame) ont fait toute leur scolarité à l’école de la République – et ils s’y trouvent encore aujourd’hui. Mais est-il normal de se demander si son enfant s’accomplira, s’il recevra ce qu’il mérite de recevoir pour apprendre et pour devenir citoyen français, si l’on prend un risque pour son fils ou pour sa fille en les inscrivant à l’école publique ?

    M. Aurélien Taché

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    Autrement dit : sera-t-il assis à côté des petits Arabes ? Ce n’est pas grave, ça va bien se passer…

    Un député du groupe RN

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    Ça commence à bien faire, en face !

    M. Aurélien Taché

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    Ça va, on n’a plus quatre ans !

    Mme la présidente

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    Chers collègues, pouvez-vous laisser l’oratrice terminer son intervention ?

    M. Jérôme Buisson

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    C’est de l’autre côté qu’on l’interrompt, pas sur ces bancs !

    Mme la présidente

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    Laissons l’oratrice s’exprimer. À la fin de son intervention, vous pourrez prendre la parole pour un rappel au règlement. Mais laissons-la conclure son propos.

    Mme Caroline Parmentier

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    Il est grand temps de retrouver notre unité nationale.

    M. Aurélien Taché

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    Un propos raciste !

    M. Jérôme Buisson

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    Cessez d’employer le mot « raciste » toutes les deux minutes !

    M. Aurélien Taché

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    Oui, je l’ai répété dix fois, vous ne l’avez pas entendu ? Raciste !

    Mme Caroline Parmentier

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    C’est inadmissible !

    Mme la présidente

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    Monsieur Taché, il est précisé, au troisième alinéa de l’article 70, que des sanctions peuvent être prises à l’encontre de tout membre de l’Assemblée nationale « qui se livre à une mise en cause personnelle, qui interpelle un autre député » – ce que vous venez de faire – « ou qui adresse à un ou plusieurs de ses collègues des injures, provocations ou menaces ».

    M. Aurélien Taché

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    « Raciste » n’est pas une insulte !

    Mme la présidente

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    Avez-vous bien entendu ce que je viens de dire ?

    M. Aurélien Taché

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    Parfaitement !

    Mme la présidente

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    Je vous demande donc de laisser l’oratrice s’exprimer.

    M. Aurélien Taché

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    C’est ce que je fais.

    Mme Caroline Parmentier

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    Il est grand temps, disais-je, de retrouver notre unité nationale. Jusqu’où ira la dégradation de la sérénité, de la sécurité et plus largement de l’école, à l’image de ce qui s’est passé au collège Emmanuel-Dupaty de Blanquefort et qui a fait l’actualité tout récemment ?
    L’idéal universaliste républicain doit être défendu. Je veux parler d’une instruction laïque qui permette d’être Français, non en fonction d’une origine ou d’un déterminisme mais d’un héritage et d’un état d’esprit. Le Rassemblement national formule des propositions pour le bien de notre école et de nos enfants sur des thèmes aussi essentiels que la transmission, l’universalité du droit à l’éducation, la laïcité, les savoirs fondamentaux ou encore l’uniforme. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
    L’école ne peut devenir le terrain de conquête d’idéologies régressives. Le wokisme, dont le travail de sape rejoint trop souvent celui de l’idéologie islamiste, doit lui aussi être banni des manuels et de l’enseignement. Votre prédécesseur, Jean-Michel Blanquer, y voyait une idéologie « qui fragmente et divise » la société et à laquelle « la France et sa jeunesse doivent échapper ».

    M. Aurélien Taché

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    C’est aussi ce que pense Bock-Côté !

    Mme la présidente

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    Merci de conclure, chère collègue.

    Mme Caroline Parmentier

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    Le ministre – et le ministère – de l’éducation nationale doivent être à la hauteur de l’enjeu. Car cet enjeu, ce sont nos enfants. Il faut du courage politique – et du courage tout court – pour tenir bon et refuser la soumission de nos écoles. Elles doivent être le point d’ancrage de l’unité nationale de notre pays et former les générations de demain. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    Madame la députée, je vous remercie.

    Mme Caroline Parmentier

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    J’ai été traitée de raciste dix fois de suite ! C’est inadmissible !

    M. Frédéric Boccaletti

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    D’autres ont été sanctionnés pour moins que ça dans cet hémicycle !

    Rappel au règlement

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy, pour un rappel au règlement.

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Il se fonde sur l’article 70, alinéa 3, que vous avez déjà cité, madame la présidente.
    Nos débats, aussi bien sur les questions énergétiques que sur l’école, se déroulaient parfaitement bien depuis le début de la séance. Or nous avons assisté à des interventions de plus en plus inadmissibles de la part d’un seul individu que vous avez identifié. Le niveau de ses propos est allé de pire en pire.

    M. Aurélien Taché

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    Et je les assume ! J’ai dit : « raciste » !

    M. Frédéric Boccaletti

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    Il continue, madame la présidente !

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Il est visiblement coutumier du fait puisqu’il a joué à peu près le même sketch, si j’ose dire, dans un théâtre, avant les fêtes de fin d’année. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
    Madame la présidente, nous avons été sensibles à votre intervention mais j’insiste car vous avez entendu les mêmes propos que nous visant notre collègue Parmentier. Ils n’avaient strictement aucun rapport avec le contenu de son intervention et n’étaient absolument pas justifiés. Ce n’est pas parce qu’elle est une oratrice du Rassemblement national…

    M. Aurélien Taché

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    Ce n’est pas pour ça que j’ai dit ce que j’ai dit !

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    …que l’on doit accepter à son encontre des propos que l’on jugerait inacceptables à l’encontre de qui que ce soit d’autre.

    Mme Caroline Parmentier

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    C’est inadmissible !

    M. Frédéric Boccaletti

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    Une sanction !

    Mme Béatrice Roullaud

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    C’est minable !

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Faisons preuve d’un peu de solidarité humaniste entre collègues. Ce qui s’est passé à l’instant est inadmissible. Le fait que nous soyons les seuls à le penser est vraiment choquant, quoi qu’on pense par ailleurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    État de l’école de la République (suite)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Je vous demande de bien vouloir l’écouter dans le calme.

    Mme Caroline Parmentier

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    J’ai aussi entendu des injures sexistes ! Vous consulterez le compte rendu, madame la présidente.

    Mme la présidente

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    Vous pouvez compter sur moi, madame la députée, je le ferai.

    M. Pap Ndiaye, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse

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    Vous me permettez aujourd’hui de revenir sur l’action réalisée depuis sept mois et, au-delà, sur ma vision de l’école.
    L’école laïque, gratuite et obligatoire est le symbole le plus vif et le pilier essentiel de notre République. C’est son histoire et son évolution, son identité et sa raison d’être. Notre école est notre bien commun. Le droit inconditionnel à l’éducation pour tous les enfants, quelle que soit leur nationalité, fait partie de cette histoire.
    L’engagement de ses personnels est remarquable : au quotidien pour faire progresser les élèves, lors de la crise sanitaire en préservant la mission d’éducation contre vents et marées, face aux grands enjeux de notre monde, aux mutations de la société, à la remise en cause du principe de laïcité, aux demandes multiples de l’institution, des élèves et des parents et parfois aux pressions et aux menaces.
    Il est impératif de réaffirmer les valeurs de la République à l’école. L’émancipation voulue par l’école républicaine ne se négocie ni sous la pression religieuse ou politique ni sous l’influence préoccupante des réseaux sociaux. Donner à tous les élèves accès au savoir et à la culture, c’est être vigilant vis-à-vis des dangers et des défis de notre époque.
    Les atteintes à la laïcité sont sanctionnées et la loi de 2004 fermement appliquée. La laïcité est d’abord une liberté, celle de l’émancipation par le savoir et par le raisonnement. Les formations engagées sont poursuivies et amplifiées. Dans le même temps, les équipes éducatives sont soutenues et formées, les enseignants protégés, quelles que soient les menaces qu’ils peuvent subir. Dès mon entrée en fonction, j’ai pris des dispositions pour renforcer les équipes Valeurs de la République chargées d’assister les chefs d’établissement et les équipes éducatives lorsque des questions se posent et quand des signalements sont faits.
    La loi de 2004 n’est pas une loi de contraintes mais de libertés. Elle permet la transmission du savoir dans un espace neutre d’un point de vue politique et religieux. Le ministre de l’éducation nationale Jean Zay, avant d’être assassiné en juin 1944 par la Milice, prononça ces mots qui résonnent encore aujourd’hui : « Les écoles doivent rester l’asile inviolable où les querelles des hommes ne pénètrent pas. »
    Dès que j’ai eu connaissance des chiffres de signalement des atteintes à la laïcité, par exemple pour le mois d’octobre, j’ai mis en place un ensemble d’actions répondant au triptyque « dialogue, sanction, protection » des professeurs. Ma détermination à ce sujet est totale : je ne tolère aucune attaque ou remise en cause du principe de laïcité dans notre école pas plus que la moindre violence ou menace, d’où qu’elles viennent, à l’égard des enseignants.
    Le respect du cadre que nous ont légué les bâtisseurs de la République nous enjoint de tout mettre en œuvre pour la réussite de tous les élèves. Malgré un dévouement sans faille des personnels et malgré des avancées importantes lors du précédent quinquennat, les constats relatifs au niveau scolaire sont durs et persistants. Ils concernent le niveau des élèves – les comparaisons internationales révèlent des lacunes préoccupantes – ainsi que la crise du recrutement des professeurs. Ils reflètent également l’expérience quotidienne des établissements, où les horaires annuels dans chaque discipline peinent à être couverts.
    Petit à petit, ce tableau peut conduire à une défiance à l’encontre de cette institution qui nous est si chère. Un Français sur deux ne fait pas confiance à l’institution scolaire bien que les trois quarts d’entre eux fassent confiance aux professeurs. À l’heure où, pourtant, le système scolaire conduit 80 % des élèves au bac, les Français doutent de leur école. C’est un paradoxe que nous devons résoudre.
    Nous devons progresser en fixant des objectifs ambitieux. Les tests en orthographe, en lecture, en calcul ou en langues vivantes indiquent qu’il faut encore insister sur les enseignements fondamentaux. Notre école doit viser l’excellence pour tous les élèves et donner toutes les chances de réussite à chacun d’eux, garantir les mêmes chances de réussite pour tous.
    Cet engagement s’incarnera dans un ensemble d’actions pour l’école maternelle afin qu’elle soit à la hauteur des ambitions de réussite et d’épanouissement, première brique indispensable à la réussite scolaire – vous avez raison, madame la députée Descamps.
    Il se traduira aussi dans la poursuite des plans de formation des professeurs en mathématiques et en français, y compris, madame la députée Genevard, s’agissant de l’apprentissage de la lecture, mais encore dans la poursuite et l’amplification des évaluations nationales des acquis des élèves en français et en mathématiques pour répondre immédiatement aux difficultés rencontrées par les élèves et mettre en place une pédagogie adaptée. Il s’agira également d’assurer de meilleures conditions d’apprentissage à l’école primaire par la poursuite des dédoublements des classes en éducation prioritaire, et par le plafonnement à vingt-quatre élèves en grande section de CP et de CE1, hors éducation prioritaire.
    Un travail en profondeur sur le collège vient d’être entamé. En dix ans, le nombre d’élèves en difficulté a bondi de dix points et un collégien sur quatre n’a pas le niveau attendu en fin de troisième. Trop forte, la rupture entre le CM2 et la sixième renforce les inégalités scolaires plutôt qu’elle ne les réduit. Il faut donc faciliter le passage de l’école primaire au collège en proposant des choses simples : travailler régulièrement l’orthographe, la conjugaison et la grammaire, consolider encore ou approfondir le français et les mathématiques en sixième.
    J’ai en effet pour ambition de construire une nouvelle classe de sixième qui puisse assurer à chaque élève la maîtrise des savoirs fondamentaux indispensables à la suite de sa scolarité. Chaque élève bénéficiera d’une heure hebdomadaire de soutien ou d’approfondissement en mathématiques ou en français, autour des compétences clés, afin de remédier aux difficultés des plus fragiles mais aussi de cultiver l’excellence des plus à l’aise. Le dispositif Devoirs faits sera rendu obligatoire afin de donner davantage d’autonomie aux élèves et ainsi de réduire les inégalités devant les apprentissages.
    Pour penser les grands défis de demain, les mathématiques doivent plus que jamais faire partie de notre culture commune. J’ai décidé de lancer en novembre dernier une stratégie nationale pour les mathématiques avec plusieurs objectifs : réconcilier tous les élèves avec les mathématiques, élever le niveau général et faire progresser encore notre niveau d’excellence en mathématiques en suscitant davantage de vocations, notamment chez les filles. C’est pourquoi j’ai décidé de réintroduire, à la rentrée prochaine, l’heure et demie de mathématiques pour tous les élèves en classe de première générale.
    Une école engagée pour l’excellence, c’est aussi une école qui relève les défis contemporains. Les actions déjà menées ne sont pas suffisantes pour répondre aux enjeux de la transition écologique, et les élèves sont pourtant très intéressés et engagés sur le sujet. C’est pourquoi le ministère déploiera de nouvelles actions dans les toutes prochaines semaines.
    Ainsi, ayant acquis le niveau nécessaire, les élèves s’offrent le choix de leur orientation et peuvent accomplir une entrée réussie dans le milieu professionnel. À la rentrée 2023, la découverte des métiers sera généralisée à partir de la classe de cinquième. Et j’ai engagé avec Carole Grandjean, ministre déléguée à l’enseignement et à la formation professionnelle, une réforme en profondeur du lycée professionnel car trop d’élèves décrochent encore, souvent mal orientés, et la moitié des bacheliers professionnels est sans emploi plusieurs mois après l’obtention du baccalauréat. Nous nous devons de favoriser à la fois l’insertion dans l’emploi, la réussite dans l’enseignement supérieur et la maîtrise des savoirs fondamentaux : c’est une ardente obligation pour l’avenir des élèves et pour préserver la force économique du pays.
    Mon ambition porte aussi sur l’égalité des chances et la lutte contre toutes les formes de discrimination. À cet égard, le renforcement de la mixité sociale dans les établissements scolaires par l’implantation de filières d’excellence dans les établissements de l’éducation prioritaire et le renforcement de la mixité dans tous les établissements sont une nécessité. Notre système doit continuer à faire émerger l’excellence sous toutes ses formes, tout en permettant à toutes et tous de l’atteindre. À cette fin, nous devons lutter contre toutes les formes de déterminismes sociaux et contre toutes les assignations comme l’a dit M. Corbière. Une école qui, tout en la promettant, n’accorde pas l’égalité produit non seulement des injustices mais aussi une défiance et un sentiment de colère parfois. Le ministère a récemment publié les indices de positionnement social des collèges et des lycées : ils montrent l’existence de forts écarts sociaux dans la carte scolaire alors que l’on sait que la mixité est un facteur de réussite pour tous.
    Des objectifs vont donc être assignés aux recteurs d’académie qui, en lien avec les collectivités territoriales, agiront notamment sur les affectations scolaires. Je vous confirme, madame Faucillon, que l’enseignement privé sous contrat devra apporter sa contribution à cet effort. Et pour rebondir sur vos propos, monsieur Le Vigoureux, j’indique que nous allons également engager le chantier de la refonte de la carte de l’éducation prioritaire – je sais que votre assemblée s’est récemment saisie du sujet – car nous devons la rendre cohérente avec les réalités sociales d’aujourd’hui. C’est en effet une carte datée, qui n’a pas été revue depuis 2014, et basée alors sur des indicateurs de 2011. Elle ne répond plus aux réalités sociales des territoires et je souhaite que nos réflexions convergent à cet égard.
    L’égalité des chances passe aussi par une politique volontariste visant à assurer une scolarisation de qualité et un enseignement accessible à tous les élèves. Aujourd’hui, plus de 430 000 élèves en situation de handicap sont accueillis dans les établissements et ce chiffre est en constante augmentation. Face à l’ampleur des besoins, nous avons agi en créant 300 unités localisées pour l’inclusion scolaire (Ulis) en 2022, ce qui porte le total à plus de 10 200 classes Ulis sur l’ensemble du territoire. En outre, 4 000 AESH ont été recrutés à la rentrée 2022, et 4 000 de plus le seront à la rentrée 2023. J’ajoute que les AESH bénéficient désormais de la prime REP et REP+ et qu’ils obtiendront 10 % de revalorisation de leur salaire en 2023. De plus, Geneviève Darrieussecq, la ministre déléguée chargée des personnes handicapées, et moi-même travaillons aux modalités d’un passage aux 35 heures pour les AESH qui le souhaiteraient. Ainsi, au-delà des moyens, nous nous engageons sur la qualité de l’enseignement à travers une professionnalisation renforcée de tous les personnels, y compris des AESH, madame Santiago.
    Enfin, l’égalité des chances, c’est aussi lutter contre toutes les formes de discrimination : le racisme, l’antisémitisme, les LGBTphobies… C’est un combat malheureusement toujours d’actualité et que j’ai souhaité affirmer en le plaçant parmi les priorités de l’éducation nationale. Je rappelle qu’un climat apaisé contribue à la réussite des élèves.
    Nous répondons aux ambitions que je viens d’afficher par un budget de l’éducation nationale en hausse de 6,5 % pour l’année 2023. La revalorisation salariale qui s’appliquera à la rentrée prochaine sera importante et contribuera à redonner aux enseignants la place qui doit être la leur dans le pays tout en attirant davantage de candidats, madame Bannier. De plus, un nouveau pacte sera conclu avec les professeurs qui, grâce à l’évolution de leurs missions, pourront mieux accompagner chaque élève. Il s’agira, par exemple, d’assurer du renforcement pédagogique ou des remplacements de courte durée pour limiter le nombre d’heures perdues par les élèves, ou encore de se former hors du temps d’enseignement. L’accomplissement de telles missions permettra une nouvelle augmentation salariale. Les concertations à ce sujet avec les organisations syndicales s’ouvrent la semaine prochaine. Bien sûr, rien ne se fera sans les enseignants. Nous allons en outre repenser les modalités de recrutement, mieux gérer le quotidien des professeurs, leur carrière et leurs mutations par une meilleure gestion des ressources humaines, une gestion en proximité : c’est un impératif, par exemple en outre-mer.
    Il faut enfin redonner aux professeurs les marges d’initiative qui leur manquent tant et cesser de les infantiliser par un fonctionnement parfois uniquement descendant. La méthode nouvelle de concertation, dans le cadre du Conseil national de la refondation, ici le CNR éducation, permet à la communauté éducative et à ses partenaires extérieurs de déterminer leurs actions pour la réussite scolaire des élèves de leur établissement, avec la possibilité d’un financement à la clef. L’adhésion des équipes éducatives à la démarche du CNR éducation a dépassé les projections initiales s’agissant tant du nombre de concertations déjà enregistrées que de leur traduction dans le dépôt de projets, ce qui démontre bien l’envie et la capacité des équipes éducatives à s’approprier cette liberté nouvelle.
    Mesdames, messieurs les députés, l’école est notre bien commun le plus précieux parce qu’il fait le lien entre le monde des élèves qui la fréquentent et celui des adultes qui y travaillent. Elle esquisse aussi le lien entre ce que sont ses élèves aujourd’hui et les citoyens qu’ils seront demain. Elle doit être le lieu qui apprend le libre arbitre, l’empathie et l’entraide. Elle doit répondre à une exigence morale qui engage notre cohésion et notre devenir en tant que démocratie. La place des élèves dans la société et l’attention que nous leur accordons leur permettra de s’exprimer et d’agir positivement plus tard en tant que citoyens. L’ensemble de la société est dépositaire de cette ambition ; la communauté enseignante et éducative doit y retrouver sa place centrale. Comme vous avez pu le comprendre, mesdames et messieurs les députés, je suis un ministre de l’éducation nationale qui regarde en face les difficultés et qui y répond sans catastrophisme. Certains d’entre vous ont parlé de je ne sais quelle déconstruction de l’école. Il n’y a rien de tel. Je suis au contraire totalement déterminé à poursuivre le principe de l’école républicaine, à faire de l’école un lieu de réussite et d’émancipation pour toutes et tous. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem, HOR et LIOT.)

    Mme la présidente

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    Monsieur Tanguy ?…

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Madame la présidente, je sollicite une suspension de séance et si possible un entretien avec vous.

    Mme la présidente

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    La suspension est de droit.

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue le mercredi 11 janvier 2023 à zéro heure quarante, est reprise à zéro quarante-cinq.)

    Mme la présidente

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    La séance est reprise.
    Nous en venons aux questions. Je vous rappelle que la durée maximale de chaque question et de chaque réponse est de deux minutes, sans droit de réplique.
    La parole est à Mme Christine Loir.

    Mme Christine Loir (RN)

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    Monsieur le ministre, je vous sais préoccupé par l’avenir des enfants en situation de handicap. Malgré cela, dans un monde où l’individu prime le collectif, un problème d’inclusion persiste, alors que celle-ci fut une promesse d’Emmanuel Macron en 2017. Ces élèves ne peuvent s’intégrer sans AESH et les efforts fournis restent trop faibles. Voulez-vous réellement intégrer ces enfants ?
    Aujourd’hui, contrairement à ce qui est indiqué sur le site officiel de Pôle emploi, les AESH ne reçoivent pas de formation initiale. De nombreux AESH, notamment dans ma circonscription, me signalent que les formations n’ont pas commencé six mois après le début de leur contrat. Vous laissez donc des personnes sans formation s’occuper d’enfants qui présentent des handicaps variés. Que faire pour prévenir une crise ou en cas de fausse route ? Comment changer un enfant appareillé ou simplement rassurer les parents sur la qualité de l’intervention de l’AESH ? Si les parents ont confiance, l’enfant sera serein dans sa vie d’écolier.
    Lorsque l’on aborde les problèmes d’AESH, on évoque toujours la rémunération, le statut ou le manque de reconnaissance, mais on ne parle jamais de la valorisation par la formation. Si vous proposiez une véritable formation initiale plutôt que soixante heures de formation continue à distance, vous parviendriez à une meilleure reconnaissance des compétences et donc à proposer une meilleure rémunération.
    Monsieur le ministre, que pensez-vous d’une réforme de la formation des AESH ? Rappelons-le, cela fait des années qu’ils accomplissent un travail formidable sur l’ensemble du territoire. Un enfant bien intégré est un enfant qui pourra commencer son apprentissage : c’est le but premier de l’école. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Pap Ndiaye, ministre

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    Madame la députée Loir, je vous remercie pour votre question qui me donne l’occasion de souligner les progrès accomplis par l’école inclusive depuis 2005 : plus de 430 000 élèves en situation de handicap sont scolarisés en milieu ordinaire ; nous comptons plus de 130 000 AESH qui, pour une partie d’entre eux, s’occupent de ces enfants.
    Je l’ai évoqué, la situation des AESH fait l’objet de toute notre attention, y compris du point de vue de la formation. Ainsi, un volant financier pour une meilleure formation des AESH est inscrit au budget pour 2023. Au-delà des soixante heures de formation prévues, nous devons faire mieux en résorbant un certain nombre de disparités dans la formation des AESH.
    C’est pourquoi nous œuvrons à une « CDIsation » accélérée de ces personnels au bout de trois ans et menons une réflexion plus globale autour de l’école inclusive, qui prendra notamment forme lors de la Conférence nationale du handicap (CNH), prévue au printemps 2023. Celle-ci sera l’occasion de remettre à plat le système et de passer à l’« acte II » de l’école inclusive.
    Reconnaissons-le, nous faisons face à des difficultés dans l’accueil de l’ensemble des enfants en situation de handicap. Pour être fidèle à l’esprit de la loi de 2005 et garantir l’accueil de tous les enfants en milieu ordinaire, nous devons repenser les choses, y compris la situation des AESH dont nous devons améliorer la formation.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Lisette Pollet.

    Mme Lisette Pollet (RN)

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    Les différentes académies partagent le même constat et tirent la sonnette d’alarme : le niveau des futurs professeurs des écoles est faible. On parle beaucoup de la baisse du niveau des élèves, ce qu’a rappelé notre collègue, mais les aspirants professeurs ne sont pas en reste. En effet, les correcteurs du concours de recrutement des professeurs des écoles s’inquiètent des lacunes de base en orthographe, en grammaire et en culture générale. Balzac, Dumas et Hugo sont bannis des copies au profit d’illustrations faisant appel aux séries contemporaines. Certains professeurs des écoles ne savent pas faire la distinction entre un pronom et un adjectif. Comment pourraient-ils apprendre à nos enfants ce qu’eux-mêmes ignorent ?
    Une étude publiée le mardi 6 décembre 2022 par le ministère de l’éducation nationale révèle que le niveau en orthographe des élèves de CM2 continue de baisser. Est-ce une coïncidence ? Les correcteurs déplorent l’utilisation du mot « cool » et d’autres expressions familières. Les candidats au concours de professeur des écoles ne sont pas capables de donner la définition du mot « chancelant », certains d’entre eux pensant qu’il désigne des personnes qui chantent bien, qui sont chanceux, qui font de la magie ou ne sont pas sages !
    Un point de non-retour a malheureusement été atteint.
    Et que dire du niveau en mathématiques ? Le rapport du jury de l’académie de Besançon souligne que le sujet au concours est présenté comme accessible, avec des formules de calcul données. Y a-t-il un autre mot que celui de naufrage pour décrire l’état du système éducatif ? Ce naufrage, plus personne ne peut le masquer. Remettre des cours de mathématiques en classe de sixième ne pourra pas résoudre seul le problème des élèves. Il faut d’abord que les enfants aient devant eux des professeurs des écoles qui maîtrisent les savoirs fondamentaux.
    Ma question est donc simple : la qualité de l’enseignement doit-elle être mise en péril pour résorber la crise du recrutement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Pap Ndiaye, ministre

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    Ce que vous décrivez à l’instant en des termes catastrophistes, ce sont les candidats aux concours de professeur des écoles, et non pas les lauréats – nuance ! Le recrutement se fait à niveau bac + 5 et nous avons pour projet d’améliorer la formation au métier. En France, la formation académique est plus longue que dans les autres pays européens et donc la formation au métier plus courte. C’est pourquoi nous réfléchissons à améliorer la formation initiale. Je tiens à saluer l’engagement et la qualité du recrutement des professeurs des écoles – j’en ai rencontré un grand nombre depuis quelque mois.
    Le recrutement des professeurs des écoles n’est pas national, comme vous le savez, ce qui peut créer, selon les académies, des disparités en matière de volume et concernant le niveau. C’est pourquoi nous devons aussi réfléchir à des formes de recrutement spécifiques pour les académies qui sont le plus en tension.
    Je tiens tout de même à saluer le niveau académique général des professeurs des écoles, que nous nous efforçons de consolider par des plans de formation en mathématiques et en français. Ces professeurs sont majoritairement issus de filières plutôt littéraires ; nous devons donc travailler la question de leur formation en mathématiques. La formation initiale revue, la formation continue par le plan français et le plan mathématiques : voilà les moyens par lesquels nous nous assurons d’un bon recrutement ! (M. Lionel Royer-Perreaut applaudit.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Andrée Taurinya.

    Mme Andrée Taurinya (LFI-NUPES)

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    Il ne suffit pas d’inscrire ou de répéter le mot « inclusion » pour que celle-ci soit effective et efficace. L’école inclusive ne tient pas ses promesses. Inclure un, deux, voire trois élèves porteurs de handicap, sans revoir à la baisse l’effectif de la classe ne permet pas d’atteindre l’objectif visé, surtout si ces élèves ne sont pas ou sont trop peu accompagnés par les AESH. Si l’accompagnement des AESH est déficitaire, c’est notamment parce que les délais de notification de la MDPH sont très longs et ne prennent pas en compte le caractère urgent de certaines demandes.
    À cela s’ajoute la difficulté d’accueillir des élèves qui relèveraient des instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques (Itep) ou des instituts médico-éducatifs (IME) mais qui sont en attente d’une place. Dans mon département de la Loire, ils sont cent à être dans cette situation ; ils se retrouvent scolarisés au mieux en Ulis, au pire en classe dite ordinaire. Résultat : des élèves porteurs de handicap plongés dans la difficulté et le stress de l’échec, des parents angoissés par cette situation, des enseignants épuisés qui s’efforcent d’assumer des tâches pour lesquelles ils ne sont pas formés.
    Je le répète, les AESH sont en nombre très insuffisant. Dans mon département, 550 élèves ne bénéficiaient pas l’an dernier d’un accompagnement nécessaire. Il y a là un problème de recrutement : ces personnels sont payés au lance-pierre – 800 euros par mois – et sont baladés d’un établissement à un autre depuis la création des pôles inclusifs d’accompagnement localisés (Pial), ce qui ajoute au mépris de l’institution la perte du sens du métier.
    Notre école, celle de la République, se doit d’offrir à tous ses enfants les mêmes armes de la connaissance, pour leur permettre de s’émanciper et de devenir des citoyens conscients des enjeux de la société. Elle ne doit laisser aucun élève sur le bord du chemin. L’école de la République doit montrer sa reconnaissance aux personnels trop longtemps méprisés, ceux-là mêmes qui, chaque jour, conduisent ces élèves vers la réussite.
    Monsieur le ministre, la création d’un statut d’AESH dans la fonction publique, avec une rémunération équivalente à un temps plein, fait-elle partie de votre feuille de route ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Pap Ndiaye, ministre

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    Il faut avant tout reconnaître l’effort considérable de l’éducation nationale pour accueillir des élèves en situation de handicap. C’est un succès à en juger par des chiffres en progression tout à fait significative depuis 2005, et particulièrement depuis 2017. Reconnaissons d’abord les efforts accomplis, notamment pour le recrutement d’AESH, en dépit des difficultés que vous avez mentionnées.
    Le métier d’AESH représente aujourd’hui le deuxième métier de l’éducation nationale. Nous tâchons de faire passer leur charge de travail de 24 heures à 35 heures, ce qui leur assurera une rémunération correcte. À cette fin, nous devons associer plus étroitement le scolaire et le périscolaire, en tenant compte de la décision du Conseil d’État relative au paiement des activités périscolaires par les collectivités. Nous nous efforçons par ailleurs à une « CDIsation » accélérée des AESH, votée sur l’initiative du Parlement, cela au bout de trois ans d’activité. Notre action en faveur des AESH vise par conséquent à leur assurer une meilleure rémunération, de meilleures conditions de travail et une meilleure formation.
    Mais cela ne suffit pas car, comme vous l’avez dit, le système est embolisé. D’où la nécessité de remettre le système à plat. C’est que nous entendons faire dans la perspective de la Conférence nationale du handicap, qui se tiendra au printemps 2023.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Rodrigo Arenas.

    M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES)

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    Pour anticiper les pénuries d’énergie, vous avez choisi de couper le courant qui permettait de communiquer avec les syndicats d’enseignants – ils sont sans doute trop énergivores. On aurait aimé que vous anticipiez les pénuries de personnel avec autant d’efficacité, mais passons…
    Revenons-en aux difficultés que M. Macron et vous-même éprouvez à vous faire comprendre des enseignants, eux qui pensaient pouvoir bénéficier d’une augmentation de salaire dès ce mois de janvier, sans contrepartie. Manifestement, ils ont mal compris – il y a dû y avoir de la friture sur la ligne. (Sourires.)
    Un rapport de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (Depp) vient de nous rappeler que les salaires des enseignants français sont parmi les plus bas d’Europe. Pourriez-vous nous dire quand les personnels enseignants de notre pays percevront une rémunération pouvant être classée au minimum dans la moyenne des salaires européens ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

    M. Benjamin Lucas

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    Très bonne question !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Pap Ndiaye, ministre

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    La question du salaire des enseignants est saisie à bras-le-corps dans le budget 2023, lequel prévoit une hausse significative, en deux volets, de leur rémunération. Le premier volet comprend un socle centré sur la première moitié de carrière dont les modalités seront définies en fonction des négociations qui s’ouvriront bientôt avec les organisations syndicales – avec lesquelles nous entretenons des relations fluides, même si nous ne sommes pas d’accord sur tout – ainsi qu’une hausse de la rémunération en toute fin de carrière par un passage facilité à la hors classe, voire à la classe exceptionnelle. Le deuxième volet consiste en un pacte passé avec les enseignants volontaires qui offrira, lui aussi, une augmentation de rémunération et dont j’ai tracé les contours dans mon discours liminaire.
    L’année prochaine, le budget de l’éducation nationale augmentera de 6,5 % pour tutoyer les 60 milliards d’euros. Cela représente une augmentation très significative de la masse salariale qui constitue déjà l’essentiel du budget du ministère.
    Mais nous avons conscience que l’attractivité du métier ne dépend pas que du salaire et qu’elle dépend aussi d’éléments comme la carrière et les conditions de mutation, que nous négocierons avec les organisations syndicales dans les mois à venir. La question du recrutement des professeurs va se poser à nous pendant de nombreuses années ; c’est aussi vrai dans le reste de l’Europe et dans le reste du monde. Il y a en effet une pénurie mondiale de professeurs, y compris dans les pays voisins où les rémunérations des enseignants sont bien plus élevées qu’en France. Nous devons saisir cette question à bras-le-corps en même temps qu’engager une réflexion structurelle sur le métier.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Alexandre Portier.

    M. Alexandre Portier (LR)

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    Il est beaucoup question d’énergie dans les débats d’aujourd’hui. Évidemment, nous payons l’impéritie évoquée précédemment en matière nucléaire et le refus idéologique de construire des équipements nécessaires à notre souveraineté, à notre indépendance. Mais ce que l’on oublie de dire, c’est que nous ne sommes plus en état d’entretenir le parc nucléaire. Pourquoi ? Tout simplement parce que le nucléaire français manque de bras et de cerveaux. Comme le rappelle l’actualité, nous nous trouvons malheureusement obligés de recourir à des ingénieurs, à des soudeurs et à des tuyauteurs américains et canadiens. Dans les unités de fabrication de calottes de réacteurs basées en France, on refuse aujourd’hui des commandes, faute de soudeurs – il en manque actuellement 7 000.
    Voilà, monsieur le ministre, l’un des signes de l’échec de l’école. Il faut réhabiliter en urgence les filières scientifiques et techniques pour former davantage de spécialistes. Si la France a été une grande puissance nucléaire, cela tient à des esprits brillants comme ceux de la famille Curie, dont nous sommes fiers, ainsi qu’à de grands capitaines d’industrie, mais surtout aux générations d’enseignants qui ont formé, par le passé, des ingénieurs et des ouvriers d’exception. Réintroduire l’enseignement des mathématiques – qui n’aurait jamais dû disparaître –, c’est bien, mais que comptez-vous faire concrètement pour réhabiliter l’ensemble des filières qui faisaient l’excellence de la France ? (Mme Justine Gruet applaudit.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Pap Ndiaye, ministre

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    C’est pour moi l’occasion de dire un mot sur la réforme du lycée professionnel, qui forme à une gamme de métiers dont nous avons besoin, y compris dans l’industrie. Nous travaillons plus particulièrement sur la carte des filières professionnelles, ce que fait en ce moment la ministre déléguée chargée de l’enseignement et de la formation professionnels, car certaines filières ne correspondent plus aux besoins de l’économie tandis que d’autres sont en tension. Nous devons créer de nouvelles filières, en particulier dans les métiers industriels, tout en nous assurant que les élèves des lycées professionnels maîtrisent les savoirs fondamentaux et puissent effectuer des stages dans les meilleures conditions possibles. C’est un travail patient mais nécessaire. En effet, si certains jeunes sont au chômage en sortie du lycée professionnel, il y a en parallèle des besoins d’emploi qui ne sont pas couverts. Il faut donc faire en sorte qu’à la sortie du lycée professionnel, les jeunes trouvent un emploi ou puissent poursuivre des études supérieures. Nous nous y employons et cela va prendre un peu de temps, bien entendu. Nous avons besoin de réflexion, mais aussi d’échanges avec les parties prenantes, y compris les collectivités territoriales. Nous sommes déterminés à transformer les lycées professionnels en véritables lieux de formation d’excellence pour tous les élèves.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jérôme Guedj.

    M. Jérôme Guedj (SOC)

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    Monsieur le ministre, permettez-moi de revenir sur la question de la rémunération des enseignants car il n’y a pas de reconnaissance de la nation sans juste rémunération.

    M. Rodrigo Arenas

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    Excellente question !

    M. Jérôme Guedj

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    Depuis plusieurs mois, nous vivons dans un flou ; or, comme on dit, quand il y a un flou, c’est qu’il doit y avoir un gros loup.
    La question que je me pose est la suivante : qui a dit vrai ? Est-ce l’Emmanuel Macron d’avril 2022, très précis lors de sa campagne électorale : « J’irai au bout de la revalorisation et elle n’est pas conditionnée à quoi que ce soit. Ça veut dire qu’il y aura une revalorisation de 10 % » ? La revalorisation sera-t-elle bien de 10 % ? J’ai noté que, depuis tout à l’heure, vous n’aviez pas prononcé une seule fois ce chiffre alors qu’il avait été communiqué avec force par le Président de la République. Pardon pour cette question un peu scolaire, mais c’est l’exercice qui nous invite à procéder ainsi. La revalorisation sera-t-elle de 10 % ? Sera-t-elle conditionnée à l’exercice de nouvelles missions, comme vous nous l’avez dit tout à l’heure ?
    Par ailleurs, le Président de la République disait qu’indépendamment de la revalorisation du point d’indice qui a eu lieu en juillet dernier, une autre revalorisation était prévue dans la loi de finances, laquelle prend effet en janvier. Or nous sommes en janvier et personne n’a vu de revalorisation.
    Sans vouloir être exagérément taquin, monsieur le ministre, il me semble que vous nous proposez un « travailler plus pour gagner plus » en conditionnant la revalorisation à l’exercice de nouvelles missions, lesquelles, dans un premier temps, ne seront proposées qu’aux néotitulaires. Ma question est donc la suivante : quand et à qui précisément bénéficiera la revalorisation de 10 % sur la durée du quinquennat ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

    M. Benjamin Lucas

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    Le loup est sorti du flou !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Pap Ndiaye, ministre

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    Puisque vous m’y invitez, je vais préciser la situation. Le rattrapage de la rémunération des enseignants va prendre du temps puisque son décrochage est le fruit de retards accumulés pendant des décennies. Cet effort significatif est composé de deux volets.
    D’abord, un volet non conditionné de 10 %, voire plus, pour la première moitié de carrière ainsi que pour la fin de carrière, avec le passage en hors classe et en classe exceptionnelle. Ces 10 % ne seront pas seulement réservés aux néotitulaires et aux premières années de carrière ; néanmoins, nous envisageons une hausse générale pour la première moitié de carrière parce que c’est de ce côté-là que les enseignants français ont accumulé le retard le plus significatif par rapport à leurs collègues européens. C’est un effort considérable qui se traduit budgétairement dans la mission Enseignement scolaire.
    Le deuxième volet, indépendant, sera lié au pacte dont j’ai parlé précédemment et à de nouvelles missions que les enseignants pourront accepter de manière facultative. Il ajoutera 10 % de rémunération aux 10 % d’augmentation que je viens d’évoquer.
    Voilà comment nous envisageons les choses, ce qui correspond parfaitement aux engagements du Président de la République. Quant à moi, j’ai toujours indiqué que les hausses de rémunération interviendraient au 1er septembre : le budget de la mission Enseignement scolaire, si vous avez eu la curiosité de le regarder de près, précise bien qu’elles prendront effet pour les quatre derniers mois de l’année 2023.

    M. Jérôme Guedj

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    Ce n’est pas ce que disait Emmanuel Macron !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. François Gernigon.

    M. François Gernigon (HOR)

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    Eu égard à la perte de confiance en l’école, à la hausse des signalements pour atteinte à la laïcité, à la faible implication des jeunes dans la vie civique, nous partageons tous la volonté de redonner à ces derniers l’envie d’être acteurs de celle-ci. Je sais, monsieur le ministre, que vous menez ce combat.
    Le cours d’enseignement moral et civique (EMC) dispensé au collège et au lycée a justement pour objectif de permettre aux élèves d’acquérir et de partager les valeurs de la République et de se construire une culture civique. Pour que les jeunes citoyens deviennent des acteurs engagés et responsables de la vie de notre pays, il est important de leur donner les moyens de comprendre les enjeux de la citoyenneté, de les inciter à s’engager et de les accompagner dans cette démarche. Il est donc essentiel de réfléchir à des solutions pour renforcer l’enseignement moral et civique.
    Par ailleurs, j’ajoute que le groupe Rassemblement national, qui est à l’initiative de ce débat, a déposé une proposition de loi ayant pour but d’instaurer un uniforme obligatoire à l’école et au collège dans l’objectif de créer un meilleur cadre scolaire et un sentiment d’appartenance. Néanmoins, selon les territoires concernés, je ne pense pas que l’obligation réponde au mieux à cette volonté. Le port de l’uniforme à l’école a toujours été d’actualité et laissé à l’appréciation des directeurs d’établissement. Plutôt que d’imposer le port de cette tenue, ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, qu’il serait plus judicieux d’obliger les directeurs à soumettre cette question aux associations de parents d’élèves à la fin de l’année scolaire pour une application l’année suivante ?

    M. Benjamin Lucas

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    Ils n’ont pas mieux à faire ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Pap Ndiaye, ministre

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    L’EMC est dispensé à tous les élèves, du CP à la terminale, dans les lycées généraux, technologiques et professionnels. Cet enseignement a trois finalités : le respect de soi et des autres, l’acquisition des valeurs de la République et l’apprentissage d’un ensemble de savoirs relatifs aux institutions, y compris dans leur dimension juridique. Cet enseignement doit être un fil rouge. Or, comme l’a montré un rapport de l’Inspection générale de l’éducation nationale (IGEN), force est de constater que ce fil rouge est parfois tracé en pointillé.
    En effet, il arrive que l’EMC soit une variable d’ajustement dans les emplois du temps, par exemple en cours d’histoire-géographie, ce qui induit que les programmes de cette discipline ne sont que partiellement traités. C’est pourquoi nous devons entamer une réflexion en profondeur par la révision des programmes, mais aussi par la formation des professeurs, afin que l’EMC ne soit plus le parent pauvre de l’enseignement, qu’il soit mieux adapté à l’âge des élèves à tous les niveaux et qu’il leur permette de comprendre, jusqu’à la fin du lycée, les principes et les valeurs qui fondent notre contrat social.
    Quant à la question de la tenue scolaire, je suis d’accord avec vous : pas de loi, mais la liberté pour les établissements de l’adopter s’ils le souhaitent.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Benjamin Lucas.

    M. Benjamin Lucas (Écolo-NUPES)

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    L’extrême droite n’aime pas l’école de la République.

    M. Jean-Philippe Tanguy et M. Roger Chudeau

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    Ah ! Ah ! Ah !

    M. Benjamin Lucas

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    Deux faits viennent l’illustrer. Premièrement, le 2 décembre dernier, une professeure d’hypokhâgne devait emmener sa classe visiter un camp d’exilés près de Calais. De harcèlement en menaces, l’extrême droite a obtenu du rectorat de Lille l’annulation de cette sortie. C’est la liberté pédagogique, fondement de l’école républicaine, qui a été attaquée en son cœur. Ma première question est donc simple : pourquoi le Gouvernement est-il resté silencieux ou, du moins, timide ?
    Deuxième exemple : après-demain, nous examinerons une proposition de loi du groupe Rassemblement national visant à instaurer le port obligatoire d’un uniforme dans les établissements scolaires. Cette mesure paternaliste, qui véhicule une vision fantasmée de l’école d’autrefois, est le symbole de votre mépris de la jeunesse et de la communauté éducative. J’ai avec moi une carte réalisée par les élèves de l’école Jean-Jacques-Rousseau du quartier du Val Fourré à Mantes-la-Jolie ; elle parle de la République, de la laïcité, de ces belles valeurs (L’orateur exhibe ledit document)…

    Mme la présidente

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    Monsieur Lucas, vous n’êtes pas censé présenter de document en séance.

    M. Benjamin Lucas

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    Mes excuses, madame la présidente. Cette carte montre que les jeunes n’ont pas besoin d’être déguisés en soldats, pas plus que d’un service national universel gadget, car la République ne s’apprend ni dans les casernes ni sous un uniforme ; elle s’éprouve dans le quotidien de chacune et de chacun.
    Ma seconde question sera donc également très simple : monsieur le ministre, pouvez-vous nous garantir ce soir que votre majorité, qui hésite et qui débat sur le sujet, ne se vautrera jamais dans les provocations du Rassemblement national et ne nous proposera pas un projet de loi sur le port de l’uniforme à l’école ? (M. Jean-Philippe Tanguy rit.)
    Puisque j’ai l’honneur d’occuper la place de François Mitterrand dans cet hémicycle,…

    M. Roger Chudeau

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    Vous êtes loin d’être à sa hauteur !

    M. Benjamin Lucas

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    …j’achèverai mon intervention en le citant : « Si la jeunesse n’a pas toujours raison, la société qui la méconnaît et qui la frappe a toujours tort. »

    Mme la présidente

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    Veuillez conclure, monsieur Lucas.

    M. Benjamin Lucas

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    Collègues du groupe Rassemblement national, vous avez tort ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES et GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Pap Ndiaye, ministre

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    Je ne suis pas certain, monsieur Lucas, que vous ayez suivi attentivement l’affaire de cette enseignante menacée de manière inadmissible et scandaleuse par l’extrême droite.
    J’ai déjà eu l’occasion de dire que le rectorat de Lille avait pris une mesure de protection fonctionnelle en faveur de cette enseignante et qu’une plainte avait été déposée contre les auteurs des menaces. Si la sortie scolaire a été annulée, ce n’était pas pour céder aux menaces de l’extrême droite, mais parce que les conditions de sécurité n’étaient plus assurées pour les élèves et l’enseignante. L’objet de la sortie scolaire était quant à lui parfaitement légitime. L’enseignante elle-même a reconnu qu’elle avait bénéficié d’une mesure de protection fonctionnelle et d’une procédure de dépôt de plainte. Quelle que soit sa provenance, toute menace à l’encontre d’un enseignant est intolérable et je le répète ici haut et fort. J’ai été très heurté par cette affaire, je ne peux pas le dire plus clairement.
    Sur les uniformes, j’ai indiqué ma position il y a quelques instants. Nous aurons jeudi un débat sur ce sujet avec l’examen de la proposition de loi de M. Chudeau, du groupe Rassemblement national. J’aurai donc l’occasion de développer mes arguments et de vous expliquer pourquoi je suis opposé à un tel texte.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jiovanny William.

    M. Jiovanny William (GDR-NUPES)

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    Monsieur le ministre, vous connaissez la détresse des enseignants, des parents et des élèves des territoires insulaires et de la Guyane. Selon le dernier rapport de la délégation aux outre-mer, 35 % des jeunes Martiniquais ont des difficultés en matière de lecture et 12,5 % de faibles capacités d’apprentissage. Or un peu plus de la moitié des écoles – 115 sur 222 – et un peu plus de la moitié des collèges – 22 sur 43 – sont classés en zones d’éducation prioritaire. Aussi près de la moitié de nos écoles ne bénéficient-elles pas de ce dispositif conçu pour tenir compte des lacunes du système éducatif, de l’échec scolaire et des difficultés d’apprentissage. Il est indispensable de revoir les critères d’évaluation des réseaux d’éducation prioritaire. En réalité, l’ensemble des établissements situés dans nos territoires sont prioritaires. Au-delà des mots, nous attendons des actes.
    Monsieur le ministre, vous vous êtes rendu aux Antilles et vous avez constaté l’urgence de la situation, notamment dans les établissements du primaire. Les manuels scolaires sont à la charge des parents dans la quasi-totalité des communes. Pour défendre réellement l’école de la République, vous devez vous engager à débloquer une contribution substantielle pour le financement des manuels scolaires dans le primaire. Je vous sais sensible à cette question. Nous attendons de votre part des décisions concrètes. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Pap Ndiaye, ministre

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    En effet, je connais bien la Martinique. J’y ai fait mon premier voyage en tant que ministre et sept séjours en tant que citoyen. Vous avez raison de rappeler qu’un peu plus de la moitié des écoles primaires et la moitié des collèges sont classés en zones d’éducation prioritaire. Dans mon intervention liminaire, j’ai indiqué que la carte de l’éducation prioritaire était en partie obsolète puisqu’elle remonte à 2014 et qu’elle est fondée sur des données de 2011. Les disparités géographiques identifiées à l’époque méritent d’être revues.
    Nous devons prendre le temps de revoir cette carte en échangeant avec les collectivités et les acteurs et en rassemblant des données statistiques. La révision de la carte de l’éducation prioritaire devra être menée selon des critères que nous déterminerons au ministère de l’éducation nationale en lien avec nos partenaires, au premier rang desquels les collectivités territoriales. La Martinique sera donc évidemment l’une des académies qui feront l’objet de la plus grande attention.
    En ce qui concerne le second point que vous évoquez, il est pour le moins étonnant, en effet, que les élèves martiniquais ne bénéficient pas de la gratuité des manuels scolaires. Cette question relève en principe des collectivités, mais je suis prêt à l’examiner avec le conseil régional de Martinique et avec le président du conseil exécutif, Serge Letchimy. J’ai déjà abordé avec lui ce sujet, sur lequel je suis tout à fait ouvert.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Paul Molac.

    M. Paul Molac (LIOT)

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    Ma question porte sur les postes offerts au Capes de langues régionales, en particulier de breton, un sujet source d’inquiétudes. L’an passé, le nombre de postes offerts au Capes de breton a été réduit de six à quatre et le ministère prévoit une nouvelle baisse cette année. Rappelons que les postes actuellement proposés au Capes permettent tout juste de compenser les départs à la retraite. Or, depuis dix ans, le nombre de postes de professeurs de breton dans les établissements du second degré est resté stable.
    Je rappelle en outre que la législation a évolué avec la loi du 21 mai 2021 relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion. Dans son article 7, ce texte précise que l’éducation nationale se doit de proposer l’enseignement des langues régionales dans les territoires dans lesquels elles sont parlées. Pour respecter cet engagement, un nombre suffisant d’enseignants est évidemment nécessaire. En mars 2022, Jean Castex, alors Premier ministre, est venu en Bretagne signer la convention spécifique pour la transmission des langues de Bretagne et le développement de leur usage dans la vie quotidienne 2022-2027, visant à appliquer les mesures prévues par la loi du 21 mai 2021. Aussi, les associations de défense du breton et les parents d’élèves, lorsqu’ils ont appris la diminution du nombre de postes offerts au Capes de breton, ont-ils fait part de leur incompréhension, de leur d’inquiétude, voire de leur colère.
    Il est important que nous fassions toute la lumière sur ce sujet. L’école de la République a pour mission de faire respecter nos valeurs communes, mais aussi de veiller à la préservation et au développement des cultures patrimoniales qui font la France.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Pap Ndiaye, ministre

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    Comme vous, monsieur Molac, je suis attaché à la richesse de notre patrimoine culturel et linguistique et j’entends soutenir l’enseignement des langues et des cultures régionales qui constituent à la fois un moyen de transmission auprès des jeunes générations et un facteur d’ouverture à d’autres langues et d’autres cultures.
    Vous avez rappelé les dispositions nouvelles introduites, à votre initiative, par la loi du 21 mai 2021 sur la promotion des langues régionales. S’agissant plus précisément du nombre de postes ouverts au Capes de breton, je veux vous rassurer pleinement : aucune réduction de l’offre d’enseignement des langues régionales n’est à craindre. Nous avons veillé à ce que le nombre de postes ouverts au concours réponde aux besoins exprimés par les académies lors des opérations de calibrage. J’entends néanmoins votre inquiétude et j’ai décidé de rétablir le poste supprimé cette année. Un même nombre de postes que l’an passé sera donc ouvert prochainement au concours.
    Reste, vous le savez, que la véritable difficulté ne réside pas tant dans le nombre de postes ouverts aux concours que dans le faible rendement des concours eux-mêmes. Ainsi, en 2022, aucun candidat n’a été admis au certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement privé (Cafep) de breton. La formation initiale et continue des professeurs constitue un enjeu décisif pour permettre aux langues régionales de trouver toute leur place dans le système éducatif. Vous pouvez compter sur mon engagement, comme je sais pouvoir compter sur votre soutien. (M. Paul Molac et Mme Graziella Melchior applaudissent.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Robin Reda.

    M. Robin Reda (RE)

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    En tant que rapporteur spécial du budget de l’enseignement scolaire, je tiens à souligner l’effort budgétaire sans précédent dont a bénéficié notre école ces dernières années, en particulier au cours du présent exercice budgétaire. Toutefois, vous l’avez reconnu, monsieur le ministre, le collège demeure un entre-deux de notre système scolaire. C’est à l’âge des collégiens que se creusent les inégalités entre élèves, que les discriminations et le harcèlement atteignent souvent un sombre apogée et que les destinées des uns et des autres se gravent trop souvent dans le marbre. Reconnaissons que le bilan du collège est assez cruel.
    Selon les chiffres de la Depp, il y a plus d’élèves victimes de harcèlement au collège qu’en primaire ou au lycée. En fin de troisième, 11 % des élèves sortent du système scolaire sans diplôme, uniquement avec le brevet des collèges. On compte environ 25,6 collégiens par classe, contre 21,9 élèves en primaire, auquel la priorité a été légitimement donnée par les différentes réformes du précédent quinquennat.
    Le climat scolaire au collège et le taux d’encadrement général ne facilitent ni la réussite des élèves ni l’ascension sociale par le mérite, au cœur du pacte scolaire républicain. Le collège devrait pourtant être l’endroit qui cristallise les réussites et non celui qui fige les échecs.
    Pour un élève, le collège, c’est le moment fondamental de la détermination de soi, de ses goûts et de son orientation professionnelle. C’est aussi là que doivent se poser les limites, comportementales et vestimentaires. Là qu’est nécessaire une forme d’assimilation culturelle car l’école doit aussi être la fabrique de la France, le lieu où l’on apprend à vivre dans la même nation et à respecter ses fondamentaux. En ce sens, les enjeux de mixité doivent être avant tout pensés pour tirer vers le haut les établissements jugés difficiles, plutôt que de réduire l’autonomie de ceux qui ont éprouvé des méthodes qui fonctionnent.
    Monsieur le ministre, je sais que le collège fait partie des priorités de votre projet pour l’éducation. Pouvez-vous nous présenter les grandes lignes de votre réflexion et de votre action pour réussir le collège du futur ? (M. Lionel Royer-Perreaut applaudit.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Pap Ndiaye, ministre

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    Je partage vos constats sur le collège, monsieur Reda. Entre un primaire renforcé et un lycée rénové et tourné vers l’enseignement supérieur, le collège apparaît comme le maillon faible du système éducatif. J’ai même parlé de « l’homme malade du système », non pas pour critiquer le travail remarquable mené par les professeurs, mais pour évoquer l’organisation, les programmes et la manière dont nous concevons le collège aujourd’hui. Reste que le collège tend à aggraver les inégalités entre les élèves au lieu de les réduire. À la sortie de la classe de troisième, un collégien sur quatre ne dispose pas des compétences attendues. Dans sa forme actuelle, le collège s’avère incapable de remédier aux principales difficultés scolaires des élèves les plus fragiles. Nous devons faire en sorte que le collège ne soit plus le lieu de ce que j’appelle « la grande divergence », certains élèves poursuivant une trajectoire scolaire normale quand d’autres plongent sans qu’on puisse les rattraper.
    Nous avons décidé de commencer par réformer la classe de sixième parce qu’elle marque une rupture brutale pour les élèves alors qu’elle devrait au contraire faciliter la liaison avec le collège et assurer la prise d’autonomie progressive. Nous devrons également prendre en compte l’hétérogénéité des élèves à l’entrée en sixième. Aujourd’hui, un quart d’entre eux ont un niveau insuffisant en français et un tiers en mathématiques, d’où la nouvelle sixième que nous programmons pour la rentrée 2023, avant la nouvelle cinquième pour la rentrée 2024, et ainsi de suite jusqu’au brevet. L’objectif est de transformer le collège pour en faire un lieu de réussite pour tous les élèves, mais aussi de réduction des inégalités sociales.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Lionel Royer-Perreaut.

    M. Lionel Royer-Perreaut (RE)

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    Dans le cadre du volet « éducation » du plan Marseille en grand, des initiatives pédagogiques innovantes ont été lancées dans les enseignements du premier degré et dans les écoles dites innovantes : classes flexibles, écologie développementale, laboratoires de maths en maternelle – autant de contenus pédagogiques qui rompent avec les habitudes du moment. D’autres projets sont coconstruits avec les équipes pédagogiques, ce qui crée une émulation pour les communautés éducatives concernées, et ils peuvent être concrétisés grâce aux moyens supplémentaires mis à la disposition des enseignants.
    Quel regard portez-vous sur ce dispositif pédagogique innovant créé il y a plus d’un an ? Entendez-vous le généraliser ? D’après les contacts que j’ai pu avoir avec les enseignants directement concernés, les retours sont plutôt favorables : ils décrivent une émulation créée au sein de l’équipe, une volonté de produire quelque chose de nouveau, et sont agréablement surpris de voir l’éducation nationale prête à les accompagner dans cette nouvelle manière d’enseigner. Merci, monsieur le ministre, de nous faire part de vos observations.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Pap Ndiaye, ministre

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    Merci, monsieur le député Royer-Perreaut, de votre question qui m’offre l’occasion de saluer la démarche entreprise à Marseille dans les cinquante-neuf écoles auxquelles vous faites allusion. L’État – le ministère de l’éducation nationale en particulier – est pleinement engagé dans le plan Marseille en grand, y compris en matière de bâti scolaire.
    Dans ces cinquante-neuf établissements, dont l’école Menpenti située dans votre circonscription, nous constatons un élan remarquable qui tient à deux éléments : la démarche, que vous avez décrite, de communautés éducatives qui se retrouvent pour échanger et construire ensemble des projets pédagogiques ; la finalité, c’est-à-dire le projet de transformer les pratiques en créant par exemple un laboratoire de mathématiques dans une école maternelle. Un autre projet très intéressant consiste à rapprocher une école des services médicaux du milieu ordinaire afin d’améliorer l’accueil des enfants en situation autistique. Il existe également des projets culturels et d’autres encore qui visent à favoriser la réussite des élèves, y compris ceux en situation de handicap.
    Nous avons en quelque sorte généralisé cette expérience marseillaise puisque nous nous en sommes inspirés dans le cadre du CNR éducation avec le projet « Notre école, faisons-la ensemble ». Plus de 13 000 écoles et établissements sont désormais engagés dans cette démarche, 7 500 concertations ont déjà eu lieu, environ 800 projets ont été déposés sur le site de l’éducation nationale qui lui est consacré. Par le biais des rectorats, nous sommes en train d’évaluer ces projets qui seront financés par le fonds d’innovation pédagogique annoncé par le Président de la République le 8 septembre dernier.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Bertrand Sorre.

    M. Bertrand Sorre (RE)

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    Le droit à l’éducation pour tous les enfants, quel que soit leur handicap, est un droit fondamental. Depuis 2017, la politique éducative conduite par le Gouvernement et notre majorité vise à renforcer ce droit à la scolarisation pour tous. Ainsi les différentes mesures mises en place depuis cinq ans permettent d’adapter l’école aux besoins de ces enfants en situation de handicap, afin qu’ils suivent une scolarisation ordinaire.
    Le budget pour l’école inclusive a augmenté de plus 66 % depuis 2017 pour atteindre 3,5 milliards d’euros en 2022. Lors de la rentrée de 2022, ces efforts financiers ont permis notamment d’accueillir 430 000 élèves en situation de handicap dans les établissements scolaires, 67 000 enfants en établissements hospitaliers ou en établissements médico-sociaux et 6 000 enfants supplémentaires en Ulis avec la mise en place de 10 272 dispositifs Ulis.
    En effet, selon la gravité de leur handicap, les enfants ont besoin de certains aménagements particuliers comme une aide humaine ou matérielle adaptée. Ces dispositifs toujours plus nombreux et adaptés aux besoins particuliers tendent à offrir une scolarisation de qualité à tous les élèves. Ayant été enseignant moi-même en section d’enseignement général et professionnel adapté (Segpa) durant plus de trente ans, je peux en témoigner.
    Je salue l’objectif du Gouvernement de poursuivre le développement de l’école inclusive en augmentant le nombre de personnels accompagnants et en renforçant leur formation. Je pense notamment aux AESH et aux enseignants spécialisés, essentiels à la construction d’une école pour tous.
    Monsieur le ministre, même si des défis sont encore à relever en matière de handicap – je pense particulièrement au regard porté sur lui par notre société – l’école pose les fondations d’une société plus inclusive, plus juste et acceptant les différences de l’autre.
    Comment comptez-vous continuer à améliorer l’accueil de ces élèves ? Comment entendez-vous valoriser les accompagnants et les enseignants spécialisés qui font au quotidien un travail formidable ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Pap Ndiaye, ministre

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    Merci, monsieur le député Sorre, de votre question qui me donne l’occasion de saluer une nouvelle fois l’effort réalisé par l’éducation nationale et ses agents pour accueillir les 430 000 élèves à besoins particuliers. Le budget a progressé de 6 à 8 % par an depuis plusieurs années grâce à mes prédécesseurs.
    À cette occasion, je tiens aussi à mentionner les 3,8 milliards d’euros inscrits dans le budget pour 2023 pour l’école inclusive. Nous avons consenti des efforts importants pour améliorer la situation des AESH, tout en reconnaissant les difficultés concernant notamment le recrutement et le nombre de notifications que nous pouvons recevoir.
    C’est pour affronter ces difficultés que, sous l’égide du Président de la République, nous nous sommes engagés dans la préparation de la Conférence nationale du handicap qui vise à remettre le système à plat plutôt qu’à simplement ajouter des AESH et à courir derrière, si je puis dire, un nombre très élevé de notifications.
    Nous devons trouver les voies et moyens d’atteindre notre objectif : la scolarisation de tous les enfants. Au printemps 2023, nous présenterons les pistes très sérieuses qui nous permettront de réaliser pleinement l’objectif de l’école inclusive et de mieux répondre aux besoins et aux demandes des familles, que j’entends presque quotidiennement. Nous devons évidemment les entendre et poursuivre cet objectif tout en étant plus efficaces dans l’accueil des élèves en situation de handicap. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    Le débat est clos.

    4. Ordre du jour de la prochaine séance

    Mme la présidente

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    Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
    Débat sur les aides publiques aux entreprises ;
    Questions sur les oubliés du bouclier énergétique.
    La séance est levée.

    (La séance est levée à une heure quarante.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra