XVIe législature
Session ordinaire de 2023-2024

Deuxième séance du lundi 06 mai 2024

Sommaire détaillé
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Deuxième séance du lundi 06 mai 2024

Présidence de Mme Hélène Laporte
vice-présidente

Mme la présidente

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

    1. Santé mentale des jeunes

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la suite des questions sur le thème : « La santé mentale des jeunes ».
    La parole est à Mme Nadège Abomangoli.

    Mme Nadège Abomangoli (LFI-NUPES)

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    Le combat pour la santé mentale des jeunes devrait être une priorité gouvernementale. Pourtant, vous ne faites rien – ou si peu – pour ces filles et ces garçons, ces jeunes majeurs en demande d’une oreille attentive, ou confrontés à des troubles psychiques toujours plus prégnants dans notre société.
    Pire, si ces enfants vivent en Seine-Saint-Denis, c’est un véritable parcours du combattant qui les attend pour identifier des professionnels ou des associations agréées en mesure de les prendre en charge. Pourtant, un constat fait consensus : plus la réponse aux troubles psychiques est apportée tôt dans l’enfance, plus le traitement est efficace.
    Malheureusement, l’un des départements les plus jeunes de France est aussi l’un des plus démunis pour traiter un phénomène qui ne cesse de prendre de l’ampleur. Les professionnels font état d’une situation intenable : prises en charge de plus en plus tardives, manque criant de moyens et de places en structures spécialisées ou à l’hôpital. C’est le reflet de votre politique de désinvestissement continu dans le secteur médical – tous les services sont affectés. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Ugo Bernalicis

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    Elle a raison.

    Mme Nadège Abomangoli

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    Le cas de l’hôpital psychiatrique de Ville-Évrard est éloquent : la pénurie de lits et de personnels entraîne des délais importants d’attente aux urgences et empêche de fournir un traitement adéquat aux patients. Certains se retrouvent ligotés pendant des heures, le temps qu’un lit se libère.
    Du côté du soutien psychique aux élèves, rien non plus ! Depuis des semaines, personnels éducatifs, parents d’élèves et étudiants se mobilisent en faveur d’un plan d’urgence dans le département. Quelles sont leurs revendications ? Ils plaident notamment pour le recrutement des 390 psychologues de l’éducation nationale qui manquent dans les établissements du département – 390 postes désespérément vacants. En outre, alors que la Seine-Saint-Denis compte plus de 60 000 étudiants, aucun bureau d’aide psychologique universitaire ne peut les accueillir.
    La Seine Saint-Denis est à nouveau un symbole : celui de l’échec de l’État en matière de pédopsychiatrie et de bien-être des jeunes. Quand comptez-vous mettre les moyens pour répondre à ce véritable problème de santé publique dans les départements les plus sous-dotés au regard de leurs besoins ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention.

    Mme Andrée Taurinya

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    Nous attendons une réponse précise !

    M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention

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    J’ai déjà indiqué, dans le cadre de ce débat, les efforts et les moyens que nous avons déployés pour rebâtir ce secteur, plongé depuis très longtemps dans une crise grave. Depuis le milieu des années 2000, il pâtit d’un sous-financement important, mais aussi d’un manque d’attractivité.

    M. Ugo Bernalicis

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    C’est la même chose !

    M. Frédéric Valletoux, ministre délégué

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    Cela explique qu’on manque de professionnels pour répondre aux besoins de la population, notamment des jeunes.
    Depuis 2018, nous avons déployé des dispositifs, grâce à la feuille de route Santé mentale et psychiatrie, aux budgets – 1,9 milliard en 2021 – et aux assises de la santé mentale et de la psychiatrie, qui se sont tenues en 2021.
    Le dernier dispositif en date, Mon soutien psy, permet aux jeunes et aux autres, en Seine-Saint-Denis comme ailleurs, de bénéficier d’un accompagnement. (Mme Danielle Obono s’exclame.)

    M. Ugo Bernalicis

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    C’est l’esprit « start-up nation » !

    M. Frédéric Valletoux, ministre délégué

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    Son organisation a été entièrement revue : il sera plus facile et plus simple d’accès – sans adressage médical, on pourra se tourner directement vers un psychologue –…

    M. Ugo Bernalicis

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    Ce sont vos seuls arguments ?

    M. Frédéric Valletoux, ministre délégué

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    …et la sécurité sociale prendra en charge douze séances, contre huit actuellement. Il sera également plus attractif, afin d’intéresser plus de professionnels et de permettre la prise en charge de ceux qui le souhaitent.
    Il s’agit de dispositifs très concrets, utiles, et même novateurs en Europe…

    M. Ugo Bernalicis

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    L’innovation, le maître-mot !

    M. Frédéric Valletoux, ministre délégué

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    …qui apportent une réponse immédiate à des besoins immédiats.

    Mme Andrée Taurinya

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    Qui ne fonctionnent pas !

    M. Frédéric Valletoux, ministre délégué

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    Nous travaillons également sur la formation : beaucoup plus d’étudiants sont inscrits, dans toutes les spécialités – y compris dans les filières de santé mentale. À la rentrée 2023, on comptait 25 % d’étudiants en deuxième année de médecine de plus qu’en 2019.
    Nous faisons également confiance à d’autres professionnels de santé : psychologues ou infirmières en pratique avancée (IPA).

    Mme Andrée Taurinya

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    Cela n’a rien à voir !

    M. Frédéric Valletoux, ministre délégué

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    Nous orientons ces dernières vers la mention psychiatrie et santé mentale. La solution est donc globale parce que nous n’avons pas de baguette magique !

    Mme Andrée Taurinya

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    Pas de réponse, comme d’habitude !

    M. Ugo Bernalicis

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    Tout va bien…

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Stéphane Viry.

    M. Stéphane Viry (LR)

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    Depuis quelques heures, nous posons de nombreuses questions en lien avec la santé mentale des jeunes, évoquant le manque de professionnels ou l’insuffisante coordination des services d’intervention. Se dessine l’idée d’ériger la santé mentale des jeunes en grande cause nationale. Je forme le vœu que chacun y mette toute l’énergie nécessaire.
    J’ai été interpellé par un constat de la Cour des comptes : un jeune sur deux fait l’objet d’une prise en charge psychiatrique. La détresse psychique est manifeste puisqu’ils sont nombreux, entre 18 et 24 ans, à exprimer des tendances suicidaires.
    Face à cette crise, la réponse des services est souvent la prescription médicamenteuse : celle d’hypnotiques et de sédatifs a augmenté de 155 % en quelques années, celle d’antidépresseurs a bondi de 63 %.
    Je ne cherche pas à diaboliser le recours aux médicaments, mais je déplore une politique de santé publique où, plutôt que de chercher d’autres voies de traitement pour ces jeunes en difficulté, le recours aux médicaments est devenu monnaie courante pour les professionnels de santé.
    Que fait-on de la prévention ? Pourquoi attendre que les jeunes soient dirigés vers des services de psychiatrie, déjà en difficulté ? Ne serait-il pas préférable d’aller à leur rencontre en instaurant une politique proactive ambitieuse ?
    Les médicaments ne sont pas adaptés à notre jeunesse. La posologie trop élevée de comprimés, surdosés et parfois non sécables, devient une habitude – c’est condamnable.
    En outre, de nombreux mineurs sont orientés vers des lits de psychiatrie d’adultes et en ressortent très choqués. Monsieur le ministre, il est temps de mettre un terme à cette situation.
    Certes, nous savons les difficultés en termes de ressources humaines, mais comment voulez-vous que les jeunes aillent mieux et contribuent à la vitalité de la nation si nous ne prenons pas ce dossier à bras-le-corps ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué.

    M. Frédéric Valletoux, ministre délégué

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    Vous avez raison, le recours aux médicaments en première intention n’est pas forcément la réponse la plus adaptée face à la détresse de la jeunesse. Le rapport du Haut Conseil de la famille de l’enfance et de l’âge (HCFEA) de mars 2023 nous alerte sur la hausse de la consommation de psychotropes chez l’enfant et l’adolescent entre 2014 et 2021 : + 49 % pour les antipsychotiques, + 63 % pour les antidépresseurs et + 155 % pour les hypnotiques et sédatifs.
    En première intention, la prise en charge ne doit pas être effectuée par les psychiatres. C’est l’intérêt des différents dispositifs que nous soutenons, comme la montée en puissance des maisons des adolescents ou Mon soutien psy, qui permet aux jeunes de se tourner d’abord vers des psychologues, qui éventuellement – mais pas systématiquement – les adresseront à des psychiatres. Les psychologues, qui ne peuvent pas prescrire de médicaments, sont un premier recours utile pour libérer la parole des jeunes, mieux les comprendre avant de les orienter peut-être vers des structures spécialisées ou des solutions médicales.
    Je pourrais aussi citer les centres médico-psychologiques (CMP) pour enfants et adolescents, ainsi que toutes les structures de premier recours permettant de diminuer la réponse médicamenteuse, dont la proportion actuelle doit nous alerter.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Josiane Corneloup.

    Mme Josiane Corneloup (LR)

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    Nous avons été nombreux à vous alerter sur la dégradation inquiétante de la santé mentale des jeunes : les passages aux urgences pour gestes ou idées suicidaires et troubles de l’humeur chez les 11-17 ans ont augmenté, les enfants de 11 ans à 14 ans étant les plus touchés. Chez les 18-24 ans, le nombre de tentatives de suicide a doublé.
    L’accompagnement psychologique des jeunes – notamment en milieu scolaire – constitue l’angle mort de nos politiques de santé publique. Les médecins, infirmiers et psychologues scolaires occupent une place essentielle dans la prévention et la détection des pathologies et des situations de harcèlement.
    Pourtant, avec seulement un médecin scolaire pour 15 000 élèves, avec 7 700 infirmiers et infirmières scolaires pour 12 millions d’élèves et d’étudiants, avec 3 300 psychologues de l’éducation nationale contre 4 700 dans les années 1980 – soit un pour 1 500 élèves –, nous passons à côté de beaucoup de jeunes en souffrance et les retards de prise en charge sont dramatiques.

    Mme Sylvie Bonnet

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    Elle a raison.

    Mme Josiane Corneloup

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    Vous avez évoqué deux dispositifs : Mon soutien psy et Santé psy étudiant. Mais ils ont démontré leur inefficacité, tant en termes d’attractivité pour les professionnels que d’accessibilité pour les étudiants.
    Monsieur le ministre, si je me réjouis que la consultation auprès d’un médecin généraliste ne soit plus obligatoire pour obtenir une lettre d’orientation chez un psychologue, il faut également reconsidérer le nombre de consultations remboursées et les tarifs, jugés insuffisants par les professionnels. Qui, mieux que le psychologue, peut déterminer le nombre de séances nécessaires ? Il est significatif que seuls 7 % des psychologues libéraux se soient engagés dans ces dispositifs.
    Pour ces jeunes angoissés, anxieux, déprimés, stressés, qui ont du mal à dormir, manifestent des troubles addictifs ou du comportement alimentaire, il est essentiel que l’intervention soit la plus rapide possible et la prise en charge efficace.
    En France, la psychiatrie est en grande difficulté. Mon département, la Saône-et-Loire, compte moins de 5 psychiatres pour 100 000 habitants de moins de 16 ans. Les CMP et leurs équipes pluridisciplinaires font un travail remarquable, mais ils souffrent aussi du manque de psychiatres. Il est essentiel d’accélérer la délégation des tâches et le recrutement de psychiatres.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué.

    M. Frédéric Valletoux, ministre délégué

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    Je partage votre constat. La mauvaise répartition géographique des médecins est une réalité dans toutes les spécialités, en psychiatrie aussi. Ainsi certains départements n’ont-ils pas de pédopsychiatres. Dans d’autres, même l’accès à un psychiatre est compliqué.
    Vous avez évoqué le lien entre médecine scolaire et médecine de ville pour améliorer la prise en charge. Lors des assises de la pédiatrie et de la santé de l’enfant, dont un volet sera consacré à la santé mentale des jeunes et des enfants, le 24 mai, et dans le cadre du volet santé mentale du Conseil national de la refondation (CNR), le 12 juin, nous présenterons différentes propositions et des moyens nouveaux pour améliorer la prise en charge.
    Nous n’attendrons pas ces deux dates pour accélérer la transformation de Mon soutien psy – évoquée par le Premier ministre lors de son discours de politique générale. Vous estimez que ce dispositif est totalement inopérant. Il a quand même permis la prise en charge de 250 000 patients et s’est traduit par 1,3 million de consultations. Certes, il n’a pas été aussi efficace que nous le souhaitions mais il n’est pas inexistant ! Les changements portent sur le tarif de la consultation, l’augmentation du nombre de consultations remboursées – de huit à douze – et la fin de l’adressage par les médecins. Le dispositif intéressera donc plus de professionnels – c’est aussi l’objet de l’ajustement.
    Ce dispositif a deux ans. Reconnaissez donc que nous n’avons pas attendu dix ans avant de l’ajuster, et que nous veillons à améliorer son efficacité et la prise en charge.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Yannick Neuder.

    M. Yannick Neuder (LR)

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    Le passage aux urgences pour gestes et idées suicidaires, troubles de l’humeur ou troubles anxieux a augmenté chez les jeunes de moins de 18 ans. En 2022, 24 % des lycéens déclarent avoir eu des pensées suicidaires. Enfin – et c’est le plus triste –, le suicide est la première cause de mortalité chez les moins de 35 ans.
    Ces constats illustrent un gouffre sanitaire et social : celui de la prise en charge de la santé mentale, particulièrement celle des plus jeunes. Préoccupations liées à leur avenir, crise économique et sociale, impact du confinement, éco-anxiété, amplification des phénomènes par les réseaux sociaux, tous ces facteurs créent troubles, angoisses et isolement.
    La santé mentale est le parent pauvre de notre système de santé : alors que les besoins dans ce domaine vont grandissant, la situation de la psychiatrie est dramatique, que l’on considère les conditions d’exercice des professionnels ou le manque d’attractivité du secteur. Le délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie a lui-même récemment reconnu l’inadéquation persistante entre les besoins, très élevés, et l’offre proposée. Un rapport de la Cour des comptes s’inquiète de la forte diminution de l’offre en pédopsychiatrie : 30 % des postes de psychiatre et 50 % des postes de pédopsychiatre sont vacants. En mai 2023, j’avais mis sur la table une proposition de résolution pour demander un plan Marshall de la psychiatrie – je regrette de ne pas avoir pu en discuter dans cet hémicycle.
    Ce constat, monsieur le ministre, vous oblige à provoquer un choc d’attractivité et de formation dont on ne trouve pas trace dans les propositions du Gouvernement. Que prévoyez-vous pour renforcer l’attractivité des métiers du soin en psychiatrie et améliorer les conditions de travail des professionnels ? S’agissant de la psychologie, ferez-vous évoluer le dispositif Mon soutien psy pour qu’il soit à la hauteur des enjeux ? Notre jeunesse nous regarde : ne la sacrifions pas, et agissons !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué.

    M. Frédéric Valletoux, ministre délégué

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    Je ne peux pas vous laisser dire que le Gouvernement reste les bras ballants devant cette réalité. Je rappelle les chiffres, qui sont têtus : l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) est passé de 191 milliards d’euros en 2017 à 255 milliards en 2024. Nous avons aussi augmenté la capacité des filières de formation, avec l’espoir que de jeunes médecins fassent le choix de la psychiatrie, même si l’on ne peut pas les forcer à choisir une spécialité en fonction des besoins. En 2018, la feuille de route de la santé mentale et de la psychiatrie prévoyait 1,4 milliard de dépenses et les assises de la santé mentale ont abondé cette somme de 1,9 milliard en 2021.
    Le comité stratégique de la santé mentale et de la psychiatrie, présidé par le délégué ministériel, le professeur Bellivier, s’est réuni il y a quelques jours – j’étais présent. Ce comité…

    M. Stéphane Viry

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    Qui ne sert à rien !

    M. Frédéric Valletoux, ministre délégué

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    …suit de près la cinquantaine de mesures en cours de déploiement, comme la création des maisons de l’adolescent ou la refonte du dispositif Mon soutien psy. Nous revoyons complètement ce dernier pour le rendre plus attractif aux yeux des professionnels, et que plus de personnes encore en bénéficient. Afin de renforcer l’attractivité financière du secteur, nous avons aussi travaillé sur le financement de la santé mentale, en laissant une plus grande marge de manœuvre tant au secteur privé qu’à l’hôpital. Nous avons favorisé la délégation des tâches et renforcé la confiance accordée aux professionnels, psychologues ou IPA, qui peuvent assurer une première prise en charge au côté des psychiatres. Un cinquième des IPA sont spécialisés en psychiatrie, c’est une ressource précieuse.
    Nous activons donc plusieurs leviers pour améliorer la prise en charge – nous avons bien conscience qu’il y a urgence.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Maud Gatel.

    Mme Maud Gatel (Dem)

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    La dégradation de la santé mentale chez les plus jeunes est particulièrement inquiétante et touche tout à la fois les enfants, les adolescents et les jeunes adultes. Un lycéen sur dix déclare avoir déjà fait une tentative de suicide. Le phénomène est encore plus marqué chez les jeunes filles puisque 31 % d’entre elles déclarent avoir eu des pensées suicidaires au cours des douze derniers mois, contre 17 % des garçons. Cette dégradation s’est accentuée depuis la pandémie, comme le montre le doublement de la prévalence des symptômes anxiodépressifs sévères entre 2017 et 2022.
    Les mesures prises depuis 2017 ont mis fin à des années de sous-investissement pour la psychiatrie, longtemps restée le parent pauvre de notre système de santé. Les effets de la pandémie sont tels que la prévention, la détection et la prise en charge de la santé mentale des plus jeunes doivent être une priorité de notre système de santé.
    Dans ma circonscription, j’ai la chance de disposer de professionnels et d’établissements d’excellence tels que le groupe hospitalier universitaire (GHU) Sainte-Anne ou la Maison de Solenn. Afin que nous construisions ensemble des réponses à la hauteur des enjeux, j’ai organisé il y a dix-huit mois une concertation sur la santé mentale dans le cadre du CNR. Elle a débouché sur plusieurs recommandations : la formation et la sensibilisation de l’ensemble des acteurs en contact avec les jeunes – je pense évidemment aux professionnels de santé, mais également aux pairs, très utiles s’agissant de jeunes adultes – et le recensement et la mise en réseau des dispositifs existants, comme le 3114 ou Mon soutien psy.
    Toutes les annonces que vous avez faites étaient attendues des professionnels. Elles vont dans le bon sens en améliorant encore davantage la prise en charge. Au-delà de la nécessaire revalorisation de la rémunération des infirmières scolaires, qui est actée, quelles sont les perspectives quant au recrutement de ces maillons essentiels de la chaîne de détection en santé mentale ? Comment augmenter significativement le nombre de professionnels formés en pédopsychiatrie ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué.

    M. Frédéric Valletoux, ministre délégué

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    Vous avez parlé de l’importance de la prévention et des attentes des professionnels que vous avez rencontrés. La prévention est au cœur de mon action. Nous n’avons pas encore eu l’occasion d’évoquer le programme Feel Good, la campagne d’information #JenParleA, en partenariat avec Fil Santé Jeunes, qui s’adresse aux jeunes de 12 à 25 ans, ou le site psycom.org, créé en 2023, qui est devenu, avec 700 000 visites en un an – elles ont explosé –, le premier site consulté par les jeunes qui souhaitent se renseigner sur les dispositifs existants. Au 1er avril de cette année, pas moins de 114 000 jeunes avaient reçu une formation de secourisme en santé mentale ; l’objectif est de former, d’ici à la fin de l’année 2025, 150 000 jeunes au repérage des signaux faibles, révélateurs d’une détresse.
    S’agissant de l’attractivité des dispositifs, vous avez compris qu’à la demande du Premier ministre, nous avons fait en sorte que le dispositif Mon soutien psy devienne beaucoup plus intéressant pour les psychologues dans les prochaines semaines.
    J’ai redonné les chiffres des études médicales : c’est en formant des psychiatres que nous parviendrons à remonter la pente, que ce soit en psychiatrie générale ou en pédopsychiatrie. Le manque d’attractivité de ces spécialités a plusieurs causes, comme le système de financement de la santé mentale. Nous avons revu ce dernier, mais seulement en 2021. Tous ces éléments finiront par convaincre beaucoup plus de soignants de se tourner vers la santé mentale. C’est un long chemin parce qu’il faut du temps pour former un médecin.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Pradal.

    M. Philippe Pradal (HOR)

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    Qu’il me soit permis, en préambule, de rendre hommage aux équipes de la fondation Lenval, notamment à celles de pédopsychiatrie.
    La similarité des questions et les réponses précises que vous y avez apportées reflètent à la fois un constat partagé quant à la dégradation de la santé mentale des jeunes, mais aussi le désarroi des adultes face à cette situation, car derrière les chiffres, il y a des jeunes femmes, des jeunes hommes et des enfants qui souffrent.
    Nous avons le devoir d’être des sentinelles et de repérer les signaux faibles de la dégradation de la santé mentale des jeunes. Comment mieux former et sensibiliser tous ceux, adultes ou non, qui sont au contact des jeunes et susceptibles de détecter que « ça ne va pas » ? La formation doit commencer par les parents et passer par les éducateurs et les enseignants. Comment la collaboration interministérielle peut-elle permettre de généraliser cette formation en santé mentale et de créer ainsi un réseau de sentinelles au service des jeunes ?
    Une fois les signaux faibles détectés, comment faire remonter l’information au sein du réseau et garantir une prise en charge, pas nécessairement médicamenteuse, mais rapide de ces jeunes qui ont besoin de nous et nous le disent ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué.

    M. Frédéric Valletoux, ministre délégué

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    Vous avez raison : la détection est une étape majeure. Un jeune accompagné tôt obtiendra une réponse adaptée et n’aura pas nécessairement besoin de médicaments si sa détresse est rapidement prise en compte.
    C’est la stratégie qui guide le secourisme en santé mentale : les 150 000 jeunes formés pourront aider à repérer, au sein de leur groupe d’amis, dans leur classe ou dans leur amphithéâtre, ceux qui ont besoin d’être accompagnés pour les orienter sans délai vers un professionnel. Les campagnes d’information et les sites internet partagent cet objectif. Le travail en équipe autour des psychiatres, qui permet à d’autres professionnels – psychologues, IPA spécialisés en santé mentale – de monter en compétences, permettra aussi de disposer d’un réseau plus large de prise en charge. En décloisonnant médecine de ville et hôpital, notamment en matière de santé mentale, et en donnant davantage de moyens aux CMP, nous souhaitons encourager la création de ces cabinets de consultation qui associent public et privé, et qui apportent des réponses adaptées au plus près des lieux de vie.
    Ces leviers devraient nous permettre d’améliorer la prise en charge tout en la rendant plus rapide – vous avez raison, c’est un point important. Nous fondons beaucoup d’espoir – moi le premier – sur l’efficacité du dispositif Mon soutien psy revu et corrigé. La facilité d’accès, le repérage, la confiance accordée aux professionnels, notamment aux psychologues, sont les ingrédients d’une prise en charge rapide.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Stéphanie Kochert.

    Mme Stéphanie Kochert (HOR)

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    Je souhaite vous alerter sur un sujet au croisement des politiques de santé et d’éducation : la santé mentale des enfants atteints de troubles du comportement. Comme le montrent plusieurs études, les jeunes vont mal : leur santé mentale se dégrade, des dépressions apparaissent de plus en plus tôt. Les passages aux urgences pour gestes et idées suicidaires et les consultations pour troubles anxieux et angoisse n’ont cessé de croître chez les enfants âgés de plus de 10 ans, en particulier quand ils sont atteints de troubles du comportement.
    Les situations de ces enfants sont très hétérogènes, en fonction de la nature et de la lourdeur de leur handicap – physique, sensoriel, cognitif ou psychique. Selon les estimations retenues par le Défenseur des droits dans un rapport publié en 2015, au moins 70 000 enfants confiés à l’Aide sociale à l’enfance (ASE) sont concernés ; ce chiffre a depuis augmenté. Outre le secteur de la santé, celui de l’éducation est concerné. De nombreuses écoles sont touchées par ces problématiques, car beaucoup d’enfants scolarisés sont atteints de troubles du comportement. L’accompagnement n’est pas adéquat, les structures d’accueil de type Itep – institut thérapeutique, éducatif et pédagogique – ne suffisent pas. C’est un accompagnement personnalisé, au croisement des politiques de santé et d’éducation, qu’il faudrait proposer. Les personnels des établissements scolaires, de la protection de l’enfance, des établissements de santé, les parents et surtout les enfants sont en grande souffrance : tous pâtissent de cet état de fait. Quelle politique d’accompagnement transversal pourrions-nous déployer pour prendre à bras-le-corps ces situations ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué.

    M. Frédéric Valletoux, ministre délégué

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    Vous avez raison de poser cette question, qui est d’importance et concerne des enfants dont on parle trop peu. En France, toutes les six heures, un enfant naît avec des lésions cérébrales ; 1 500 nouveau-nés sont concernés chaque année. Vous avez donné des chiffres s’agissant de ces enfants qui doivent aussi être accompagnés tout au long de leur parcours de soins et de leur prise en charge.
    Depuis 2016, des évolutions législatives ont permis d’améliorer le bilan de santé dès le plus jeune âge, ce qui permet de bénéficier d’un accompagnement le cas échéant. La loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé – OTSS ou loi « Ma santé 2022 » – a formalisé la coordination du parcours de soin, notamment pour les mineurs en situation de handicap. Il faut aussi encourager la recherche : en mai 2023, l’Institut Robert-Debré du cerveau de l’enfant a figuré parmi les lauréats de l’appel à projets visant à créer des instituts hospitalo-universitaires (IHU), en proposant la création d’un IHU dédié à la compréhension du handicap neurologique et du polyhandicap chez l’enfant.
    Les structures existantes doivent être adaptées, comme les unités d’accueil pédiatrique des enfants en danger (Uaped). Aucune question n’ayant porté sur ces structures, nous n’avons pas eu l’occasion d’en parler, mais elles sont en plein développement et nous souhaitons en implanter dans de nombreux hôpitaux. Elles s’adaptent à la prise en charge d’enfants handicapés, ce qui n’était pas le cas jusque-là.
    Différents dispositifs permettent ainsi de mieux appréhender cette prise en charge. Je pense notamment à la charte Romain Jacob : signée par de nombreux établissements, elle veille à la qualité de la prise en charge des personnes handicapées et à la spécificité de leur accueil, en particulier celui des enfants. Tous ces ajustements doivent permettre une meilleure prise en considération des enfants handicapés.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Chantal Jourdan.

    Mme Chantal Jourdan (SOC)

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    Les études s’enchaînent, mettant en évidence une dégradation de la santé mentale des collégiens, des lycéens et des étudiants, notamment depuis la crise sanitaire liée au covid et particulièrement chez les jeunes filles.
    Les professionnels ne cessent de nous faire connaître leurs craintes. Or les manques sont criants, tant en matière de prévention que d’accompagnement. Il est urgent de se préoccuper de la santé mentale de notre jeunesse. Les constats sont connus et précisément documentés.
    Mon collègue Joël Aviragnet et moi-même avons récemment déposé une proposition de loi visant à prendre dix grandes mesures pour la santé mentale, une proposition de loi visant à instaurer des mesures d’urgence pour la santé mentale des jeunes, ainsi qu’une proposition de loi transpartisane, que nous avons élaborée avec la majorité.
    Mais le Gouvernement repousse encore le moment de passer à l’action et lance un CNR santé mentale. Pourquoi ? Vous disposez pourtant d’un très large panel de solutions, dont la première demeure une augmentation des moyens humains et financiers.
    À ce stade, les professionnels ne souhaitent plus être consultés : ils veulent du concret. À quand le lancement du nouveau dispositif Mon soutien psy ? À quand une couverture nationale pour les maisons des adolescents ?
    Le milieu scolaire est évidemment très concerné par la santé mentale des jeunes. Vous avez récemment admis que les professionnels de santé devaient renforcer les rangs de la communauté éducative. Je voudrais vous alerter sur deux points.
    Premièrement, compte tenu du lien incontestable entre les conditions de vie et d’apprentissage des jeunes et leur santé mentale, la création de groupes de niveau dans les collèges, qui agira sur la détermination sociale, accentuera la pression scolaire, la stigmatisation et le risque de mal-être.
    Deuxièmement, à la suite du covid-19, les orthophonistes nous alertent sur la nette augmentation des troubles du langage chez les enfants, qui risquent d’altérer leur développement et leurs capacités d’adaptation sociale et relationnelle. Monsieur le ministre, sur ces deux sujets, que proposez-vous en matière de prévention ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué.

    M. Frédéric Valletoux, ministre délégué

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    Certaines des mesures que j’ai évoquées permettront d’améliorer la prise en charge et l’efficacité des dispositifs. Le CNR ne vise pas à se faire plaisir ou à repousser les échéances ; il a pour objectif de faire collectivement progresser des propositions qui font consensus ou à tout le moins emportent l’adhésion des professionnels de santé, quels que soient leur statut et la nature de leur intervention dans le système de santé. Le CNR est une étape qui permettra, trois semaines après les assises de la pédiatrie et de la santé de l’enfant, qui se tiendront le 24 mai, de concrétiser des décisions et d’engager des moyens pour la santé mentale des jeunes. Ces deux événements sont très attendus, comme je l’ai constaté lors des nombreuses concertations préalables – car on ne décide pas seul dans son coin de la pertinence de telle ou telle mesure.
    Comme je l’ai dit, le dispositif Mon soutien psy a été revu. Il sera opérationnel très rapidement, sans attendre les évolutions législatives prévues dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Par lettre de couverture, nous mettrons fin à l’adressage par le médecin généraliste, ouvrant ainsi l’accès direct à un psychologue conventionné. Le nombre de séances prises en charge par la sécurité sociale sera augmenté et un arrêté de revalorisation du tarif de la consultation, à 50 euros, sera pris dans les prochains jours. Ces mesures très concrètes permettront au dispositif de démarrer dès le début de l’été.
    La question des moyens humains est avant tout celle de la formation. On ne forme pas des professionnels d’un claquement de doigts : si nous avons rouvert les filières de formation et que nous accueillons désormais plus d’étudiants, y compris en santé mentale, il faut attendre quelques années pour en constater les effets sur le terrain. Comme vous, je suis impatient – puisque les besoins sont là – mais je me réjouis que nous ayons réenclenché une dynamique positive.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Joël Aviragnet.

    M. Joël Aviragnet (SOC)

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    La crise du covid a mis en lumière un sujet jusqu’alors trop souvent tabou dans notre société : la santé mentale des jeunes. Isolement, incertitudes quant au présent et perte de confiance dans l’avenir ont plongé de nombreux jeunes dans un état de détresse mentale. Les délais d’attente dans les centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP) excèdent souvent plusieurs mois, quand ils n’atteignent pas une année.
    Notre pays n’est pas armé pour faire face à la situation. Certaines catégories de jeunes sont plus susceptibles de développer des troubles en santé mentale ; je pense tout particulièrement aux jeunes relevant de l’ASE. Ces derniers ont souvent connu des parcours de vie chaotiques ; il est de notre responsabilité de les accompagner et nous devons agir vite. Des mesures d’urgence peuvent et doivent être prises, telles que l’accès direct aux psychologues pour les jeunes – que vous avez évoqué.
    La prévention en santé mentale est importante ; instaurer cet accès direct offrirait à tous les jeunes la possibilité d’aller mieux avant que leur santé mentale se dégrade nettement. Le Premier ministre l’avait annoncé lors de sa déclaration de politique générale ; après le temps des annonces vient celui des actes. Un consensus transpartisan à ce sujet est possible.
    Enfin, le fléchage des financements sur des troubles précis a mis à mal les budgets des centres de consultations plus générales. Or ces consultations sont essentielles pour détecter les situations de détresse psychologique. Monsieur le ministre, quand instaurerez-vous l’accès direct aux psychologues pour les jeunes ? Comment comptez-vous réduire les délais d’attente pour les consultations dans les CMPP ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué.

    M. Frédéric Valletoux, ministre délégué

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    J’ai déjà apporté une réponse au sujet de l’accès facilité aux psychologues pour les jeunes, avec la réforme du dispositif Mon soutien psy. J’ai discuté avec plusieurs représentants de la profession : les psychologues attendaient cette réforme pour s’engager dans le dispositif. Il n’existe désormais plus d’arguments pour ne pas le faire : la revalorisation de la consultation et l’accès direct sans adressage par le médecin généraliste sont autant d’éléments de simplification. Je n’ai aucun doute : dès cet été, le dispositif montrera son efficacité.
    Nous nous sommes fixé comme objectif de recruter sur la période 2023-2025 400 personnes supplémentaires pour renforcer les moyens des CMP pour enfants et adolescents. À ce jour, 94 soignants ont été embauchés. Si nous ne pouvons pas aller plus vite, ce n’est pas par manque de financement, mais parce que les professionnels formés sont insuffisamment nombreux pour répondre aux besoins. C’est bien la raison pour laquelle nous avons rouvert des filières.
    Le CNR santé mentale se tiendra le 12 juin. Tous les groupes parlementaires sont invités à s’y faire représenter par un député. Je vous encourage à en discuter avec votre président de groupe afin que l’Assemblée nationale participe activement à ces réflexions collectives.
    Ce sujet requiert la mobilisation de tous et vos questions montrent à quel point il constitue une priorité. Il ne s’agit pas de faire de la politique politicienne ; nous tendons tous vers le même objectif : déployer des dispositifs utiles, accessibles et pertinents pour les jeunes qui ont des besoins en santé mentale. Je vous remercie pour ce débat.

    Mme la présidente

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    La séance de questions est terminée.

    (La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.)

    2. Conséquences des bouleversements menés par le Gouvernement en matière éducative

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle le débat sur le thème : « Les conséquences des bouleversements menés par le Gouvernement en matière éducative ».
    La conférence des présidents a décidé d’organiser ce débat en deux parties. Dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, puis le Gouvernement ; nous procéderons ensuite à une séquence de questions-réponses.
    La parole est à M. Benjamin Lucas-Lundy.

    M. Benjamin Lucas-Lundy (Écolo-NUPES)

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    Le 6 décembre 2018, à Mantes-la-Jolie, un policier filme 153 jeunes, lycéens pour la plupart, parqués les mains sur la tête. Son commentaire : « Voici une classe qui se tient sage ». Ces images font ensuite le tour du monde. Interrogé, le ministre de l’intérieur de l’époque répond qu’il faut les replacer dans leur contexte.
    Le contexte, justement, éclaire tout, madame la ministre. Les paroles de ce policier ne faisaient que traduire ce qui encore aujourd’hui transpire des discours verbeux sur le « retour de l’autorité » : l’appel à l’ordre, comme réponse aux convulsions d’une jeunesse qui refuse le destin qu’on lui assigne. Ce jour-là, à Mantes-la-Jolie, tout était dit.
    Quel est donc le contexte, pour notre jeunesse et son école, depuis qu’Emmanuel Macron préside le pays ? Nous sommes à un moment de notre histoire où il nous appartient de redéfinir notre pacte républicain, tant la société peine à trouver le chemin de la concorde et de l’apaisement. Au fond, nous sommes appelés par les urgences du présent et les défis de l’avenir à redéfinir notre identité républicaine.
    L’école est l’un des terrains – si ce n’est le seul – qui devient de façon limpide le champ de bataille entourant notre conception de la république et de sa matérialisation. Unis, les réactionnaires du canal historique de l’extrême droite et les néoréactionnaires sans mémoire adeptes de la novlangue qui nous gouvernent ont fait le choix de partager un diagnostic : la République – donc l’école et la jeunesse – serait malade d’un manque d’autorité.
    Faisant fi des merveilles réalisées chaque jour par un personnel éducatif dévoué, ils nous présentent le système scolaire comme une institution gangrenée par la violence, qui n’apprend ni à lire ni à compter, où les enseignants sont toujours absents et qui est menacée par l’infiltration, voire l’invasion, de hordes fanatiques.
    C’est CNews qui organise le débat éducatif avec des paniques surjouées, comme lorsque le Premier ministre répète à tout bout de champ qu’un enseignant sur deux s’autocensure. Gabriel Attal aurait dû s’apercevoir que ce taux de 50 % est issu d’un sondage commandé par une pseudo-publication, Écran de veille, qui se trouve être un instrument au service de règlements de comptes entre pays du Golfe.
    Chacune des interventions gouvernementales – nous en avons eu l’illustration avec votre prédécesseure – est une publicité gratuite pour l’enseignement privé confessionnel, que le Président de la République et le Premier ministre connaissent bien mieux que l’école publique. Ceux-là mêmes reprennent en chœur le refrain du « c’était mieux avant », fantasmant une école d’autrefois qui n’a jamais existé. De quelle époque parlent-ils ? De celle où filles et garçons étaient séparés ? De celle où moins de la moitié d’une classe d’âge dépassait l’école primaire ? De celle où l’on pouvait fumer dans les classes et pratiquer les châtiments corporels ?
    Si l’on regarde sérieusement, en s’affranchissant de vos caricatures, on s’aperçoit que l’essence de l’école a peu changé en cinquante ans : on y trouve les mêmes rythmes, les mêmes disciplines et les mêmes formes d’apprentissage. Toutes les réformes passées ont bien souvent concerné la périphérie et non le cœur, la relation enseignant-enseigné. Pourtant les élèves, eux, ont changé : ils ne sont pas confrontés au même monde ni au même environnement qu’en 1975.
    Il nous faut donc examiner l’école d’aujourd’hui. J’affirme pour ma part que l’école est malade non d’un déficit d’autorité, mais d’un manque d’égalité. Voilà la divergence profonde qui nous oppose, madame la ministre, et qui, de fait, rend irréconciliables nos discours, nos visions, nos projets, nos aspirations et nos idéaux pour l’école et la jeunesse.
    Pour nous, l’école ne constitue pas un assemblage de services offerts à des consommateurs, mais une institution qui nous fait tenir debout ensemble – c’est l’étymologie même du mot. L’école, c’est ce qui institue le vivre-ensemble, nous permet de faire société, grâce à la découverte quotidienne du faire-ensemble, à l’apprendre-ensemble. Apprendre, ce beau mot qui signifie tout aussi bien apprendre quelque chose à quelqu’un qu’apprendre quelque chose de quelqu’un.
    Comme le soulignent toutes les enquêtes internationales, l’inégalité gangrène notre système éducatif. Tel un hôpital qui soignerait parfaitement bien les patients qui s’y présentent en excellente santé, il est l’instrument de la reproduction sociale. La France est l’un des pays – si ce n’est le pays – dans lequel l’origine sociale pèse le plus sur le destin scolaire.
    Face à cette réalité, vous ne cherchez pas à rendre le système plus juste, mais vous accentuez, avec vos politiques, son injustice. Au fond, pour cette majorité, l’échec des élèves les plus en difficulté serait un frein à la réussite des meilleurs : c’est la traduction, dans le monde scolaire, du « ceux qui ont tout et ceux qui ne sont rien » ou du « Marche ou crève ! ». Cela posé, on peut expliquer tous les choix que vous avez faits pour l’école depuis 2017 et vos accusations de nivellement par le bas à l’encontre de ceux qui assument de vouloir élargir la base sociale de la réussite éducative.
    J’ai pris avec mon groupe l’initiative d’inscrire ce débat à l’ordre du jour pour offrir à la représentation nationale l’occasion de réfléchir à l’avenir du système éducatif. Occasion trop rare car le temps politique court à perdre haleine, sans jamais se reposer ; il produit une avalanche de mots pour nourrir la bête de l’information en continu, quitte à en perdre la tête. Vite, une réponse ! Vite, un décret ! Vite, une réforme ! On compte une réforme de l’éducation en moyenne tous les trois ans… En prenant votre temps, madame la ministre, vous ne vous seriez pas trouvée dans l’obligation de rendre aux établissements scolaires les heures supplémentaires que vous leur aviez confisquées.
    Oui, l’éducation, c’est aussi le temps long, en l’occurrence un débat de vingt-cinq siècles, qui commence avec les premières pages de La République de Platon. L’homme, écrivait Kant, n’est ce qu’il est que par l’éducation. C’est dire la place majeure que ce débat devrait occuper parmi nos préoccupations les plus immédiates. Ce temps long est aussi celui de l’apprentissage, celui que prend une nouvelle information pour s’articuler avec les anciennes, une sorte de sédimentation des savoirs.
    Madame la ministre, prenez le temps ! Prenez le temps d’écouter les scientifiques et les acteurs de l’école, pour apprendre des erreurs passées et des expérimentations déjà réalisées. L’heure hebdomadaire de soutien et d’approfondissement – prévue, soit dit en passant, par la loi Haby du 11 juillet 1975 –, intégrée aux emplois du temps à la rentrée de septembre 2023, a déjà été supprimée sans qu’aucun bilan n’en ait été tiré. Des heures et des heures de concertation et de rencontres entre enseignants du premier et du second degré, pour un dispositif qui n’aura duré qu’un an. Bilan : les élèves de sixième perdront l’an prochain trente-six heures de cours, soit l’équivalent d’une semaine et demie de temps d’enseignement !
    Tous les acteurs de l’école, par la voix de leurs représentants au sein du Conseil supérieur de l’éducation, ont marqué unanimement leur désaccord avec votre volonté de faire disparaître le collège unique en instaurant des groupes de niveau. Ceux-ci conduiront à l’assignation à résidence sociale et scolaire des élèves issus des familles les plus défavorisées – je pense à ceux des quartiers populaires de Mantes-la-Jolie, que j’ai évoqués en introduction.
    Madame la ministre, écoutez ces spécialistes qui expliquent parfaitement comment, dans tout groupe homogène, dans un système qui trie autant que le nôtre, on reproduit selon une courbe de Gauss des faibles, des moyens et des forts. C’est ce qu’ils appellent la constante macabre. Quant au redoublement – au sujet duquel, pour faire plaisir à on ne sait qui, vous venez de faire une nouvelle proposition –, ils vous parleront de son inefficacité.
    Madame la ministre, vous devez revoir votre copie. Nous avons des propositions concernant les trois chantiers majeurs qui nous attendent. Le chantier des moyens, d’abord – trop mal répartis et à bien des égards insuffisants. Il faut accepter la solidarité, traduction budgétaire de la fraternité, en concentrant les moyens là où ils sont le plus nécessaires. Il faut un « quoi qu’il en coûte » éducatif au début de la scolarité, quand se creusent des inégalités irréversibles. Il faut des postes, c’est la base. Si vous voulez rétablir l’autorité des enseignants, payez-les mieux ! Qu’ils obtiennent la reconnaissance qu’ils méritent, grâce à une rémunération digne et respectueuse de la place qu’ils occupent dans la société et la République !
    Ensuite, le chantier de l’organisation du système éducatif et de la pédagogie – pour repenser la façon dont on apprend. Notre système a été conçu pour trier et sélectionner, votre infâme plateforme Parcoursup en atteste. Il faut penser un système de la réussite éducative pour toutes et tous, qui inclue plus qu’il n’exclue, qui valorise la progression constante plutôt que la notation permanente. Il faut repenser le travail personnel, cette culture des devoirs à la maison qui fait cruellement jouer les inégalités sociales et culturelles, donc scolaires.
    Enfin, le chantier de l’alliance éducative – parce que l’école ne peut pas tout. Il faut des politiques sociales, territoriales et de services publics qui assument l’obsession de l’égalité. Il faut redonner à l’éducation populaire et au monde associatif toute leur place, bien loin de votre service national universel obligatoire, ringard et paternaliste. On n’impose pas l’amour de la République à la jeunesse par des chartes, des contrats, des injonctions. On le construit par la conviction, l’expérience, le fait d’en éprouver toutes les promesses. En définitive, l’école c’est la rencontre merveilleuse avec les promesses de la République – l’esprit, le savoir, le commun et l’intelligence –, qui permet l’émancipation, offre des outils pour maîtriser son destin et avoir prise sur celui de la nation.
    À votre version à peine mise au goût du jour du « Sois jeune et tais-toi ! », nous opposons la promesse du « Sois jeune et épanouis-toi ! » (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et SOC.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Virginie Lanlo.

    Mme Virginie Lanlo (RE)

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    Depuis 2017, le Gouvernement a placé l’éducation au cœur de ses priorités. Reconnaissant qu’elle compte parmi les piliers essentiels de notre République, il a entrepris des réformes ambitieuses pour améliorer sa qualité et offrir ainsi à chaque enfant les meilleures chances de réussite.
    Dès 2017, dans le cadre de la politique pour une école de la confiance, des mesures concrètes ont été décidées, les territoires qui présentaient des vulnérabilités bénéficiant alors d’une attention particulière. Nous avons investi dans les établissements scolaires relevant des réseaux d’éducation prioritaire, éventuellement renforcés (REP et REP+), en leur accordant davantage de ressources et de soutien : le dédoublement des classes de CP et de CE1, étendu aux classes de grande section en 2020, en atteste. En outre, le nombre d’élèves inscrit dans une même classe de grande section, de CP ou de CE1, est maintenant limité à vingt-quatre dans les écoles qui ne sont pas rattachées à un réseau d’éducation prioritaire.
    Ont également été instaurés le dispositif Devoirs faits et les stages de réussites, à l’attention de l’ensemble des élèves. À la rentrée de 2023, plus de 1,7 million d’élèves bénéficiaient des dispositifs de l’éducation prioritaire ; les évaluations réalisées en classe de CM2 montrent déjà une progression du niveau des élèves.
    Dans la continuité de ces mesures, la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance a instauré l’instruction obligatoire des enfants âgés de 3 ans à 16 ans, ainsi qu’une obligation de formation jusqu’à 18 ans, cela afin de mieux accompagner les enfants et les jeunes dans leur parcours.
    Annoncé à la rentrée de septembre 2023, le « choc des savoirs » se donne pour principal objectif d’accompagner l’enfant sur le chemin de la réussite, en assurant qu’il passe de classe en classe en ayant acquis les savoirs fondamentaux. Parmi les premières mesures prises pour éviter les ruptures de parcours figurent le renforcement de la place de l’enseignement de français et de mathématiques dans les cursus, la labellisation des manuels utilisés dans ces deux disciplines à des fins d’harmonisation pédagogique ou encore le redoublement décidé et non plus proposé par les enseignants. On citera aussi la mise en place de groupes de niveau, qui ne vise pas, comme on a pu le laisser penser, à trier les élèves, mais à adapter l’accompagnement à leurs besoins, ainsi que l’accueil étendu de huit heures à dix-huit heures dans les collèges, avec des activités complémentaires des enseignements scolaires.
    La volonté de renforcer le lien entre les mondes de l’éducation et du travail se traduit notamment par la valorisation de l’enseignement professionnel en lycée en tant que voie d’excellence. Ainsi le Gouvernement a permis de rémunérer entre 50 et 100 euros par semaine les stages effectués et a prolongé l’aide à l’embauche d’alternants –– nouvelle preuve de sa confiance en cet enseignement. Les stages programmés en classes de troisième et de seconde ont été généralisés ; ils permettent aux élèves de faire leurs premiers pas dans le monde professionnel.
    Enfin, les élèves qui n’ont pas obtenu le brevet des collèges se verront proposer d’intégrer une classe « prépa-seconde » pour une année de remédiation, c’est-à-dire de consolidation des attendus du socle commun de connaissances, de compétences et de culture. Cette année permettra aussi aux élèves de mieux appréhender la classe de seconde, en les familiarisant avec les pratiques et les méthodes du lycée : il s’agit là encore de prévenir tout décrochage.
    Pour que l’école remplisse pleinement son rôle, nous devons poursuivre le travail engagé pour l’inclusion scolaire et la prise en charge des enfants en situation de handicap. Entre 2017 et 2023, le nombre de ces enfants accueillis dans les établissements scolaires ordinaires a progressé de 34 % pour atteindre 430 000. Le budget dédié à l’école inclusive a progressé de 200 millions d’euros à la rentrée 2022 et dépasse ainsi de 66 % le niveau qu’il connaissait en 2017. L’accueil des enfants en situation de handicap a notamment été permis par la création, au sein des établissements scolaires, d’unités localisées pour l’inclusion scolaire (Ulis) et d’autres structures. Il a également été favorisé par l’accompagnement humain de ces enfants par des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) ; dès la rentrée de septembre 2024, l’État financera cet accompagnement pendant le temps méridien, ce qui évitera sa rupture en cours de journée.
    La politique éducative du Gouvernement ne se résume pas à des mesures portant sur le contenu des programmes ou l’orientation des élèves. L’école est aussi un lieu de mixité sociale, où différents parcours se croisent et où le respect de chacun constitue la clé de voûte de la réussite scolaire. Cela justifie de confirmer les enseignements visant à développer les compétences et l’intelligence émotionnelle des plus jeunes : des cours d’empathie seront introduits dans les programmes scolaires dès la rentrée prochaine. Je suis fermement convaincue que ces compétences sont essentielles pour préparer les élèves à réussir dans un monde en constante évolution et construire une société plus inclusive et altruiste.
    Enfin, le programme de lutte contre le harcèlement à l’école – Phare –, un plan global de prévention et de traitement des situations de harcèlement entre élèves, a été déployé dans les écoles primaires en 2021, dans les collèges en 2022 et dans les lycées en 2023.
    La politique éducative que mène le Gouvernement depuis 2017 a permis d’accomplir des progrès significatifs. Les premières réformes ont porté leurs fruits et en conserver l’élan permettra de garantir à tous une école de qualité et d’offrir à chaque enfant les meilleures chances de réussite dans la vie. Ne perdons pas de vue que nous formons les citoyens de demain – l’avenir du pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Roger Chudeau.

    M. Roger Chudeau (RN)

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    Les rédacteurs de l’intitulé du débat de ce soir ont eu recours à une bizarrerie sémantique : puisqu’ils ont choisi le verbe « mener » en lieu et place du verbe « provoquer », c’est du verbe « mener » que nous partirons.
    Le Gouvernement mène-t-il quoi que ce soit en matière de politiques éducatives ? Ces menées produisent-elles des bouleversements dans le système éducatif ? À la première question, nous répondons que non, le Gouvernement n’a pas de politique éducative, tandis que nous répondons par l’affirmative à la seconde : ses menées bouleversent bien l’école.
    Qu’ont fait les gouvernements qui se sont succédé depuis 2017 ? Ils ont dédoublé certaines classes en REP, réformé le lycée et le baccalauréat et octroyé l’augmentation indemnitaire des débuts de carrière. Ces éléments tangibles viennent avec beaucoup, si ce n’est énormément, de communication, sur tous les sujets susceptibles d’émouvoir l’opinion publique : harcèlement, abaya, laïcité, violence, autorité, « choc des savoirs », redoublement, groupes de niveau et tutti quanti.
    Examinons d’abord les avancées tangibles. Le dédoublement de certaines classes des établissements de REP est célébré par le Gouvernement comme un succès. Hélas, plus de 10 000 emplois supplémentaires en REP n’auront produit, en guise de progrès, que quelques frémissements. Ces dédoublements ont été faits en dépit du bon sens, car c’est en petite et en moyenne sections qu’il aurait fallu y procéder en priorité : c’est en leur sein que se constitue un rapport au langage et que s’acquiert le vocabulaire sans lesquels les apprentissages suivants sont compromis. De toute façon, lorsque les élèves rejoignent des classes ordinaires, leurs performances s’effondrent : tout ça pour ça !
    Après la réforme du lycée et du baccalauréat, une pagaille noire règne dans les lycées. La classe, ce lieu central de la construction de l’étude et de l’appréhension des savoirs enseignés, a explosé en de multiples regroupements. L’enseignement des mathématiques générales accuse un net recul, surtout chez les jeunes filles. Le baccalauréat n’est plus que l’ombre de lui-même. Les spécialités ne sont même plus prises en compte par l’algorithme de la plateforme Parcoursup, qui ne retient que les notes de contrôle continu : d’importantes tensions et la dégradation de la relation pédagogique en ont résulté. Le bac est désormais une formalité administrative, un certificat de présence, comme l’illustrent les taux de succès extravagants à cet examen.
    L’augmentation des jeunes professeurs est, pour l’essentiel, indemnitaire. Elle combine une augmentation socle et une augmentation acquise au titre du pacte enseignant. C’est bien là que gît le lièvre, car ledit pacte n’a été signé que par 30 % du corps enseignant, alors qu’il est censé permettre tous les remplacements de courte durée : on est donc très loin du compte ! Comment pouvez-vous prétendre respecter l’obligation de moyens, alors que vous avez recours à des personnels volontaires ou, justement, non volontaires ? Votre système ne peut fonctionner ! Il en va de même des activités de soutien aux élèves en difficulté.
    Les enseignants en milieu de carrière sont les dindons de la farce que constituent les mesures catégorielles. Après le coup de rabot de 10 milliards d’euros, qui d’ailleurs en annonce un autre, ils attendront !
    On le voit, ces décisions, ces indéniables efforts budgétaires, ne présentent aucune cohérence et ne renvoient pas davantage à un concept ou à une politique d’ensemble, systémique et débattue avec la représentation nationale. En matière éducative comme dans bien d’autres domaines, le Gouvernement navigue à vue. J’affirme qu’il n’y a pas de politique éducative depuis 2017.
    Cette absence de boussole stratégique entraîne ce que la NUPES appelle des bouleversements et que j’appellerai, avec une plus grande modération, des troubles dans l’institution scolaire. En soi, les groupes de niveau ne constituent pas une mesure antiscolaire, bien au contraire, mais la façon dont ils sont imposés aux établissements contrevient directement à l’autonomie de décision des établissements publics locaux d’enseignement (EPLE), pourtant prévue par la loi. Il revient en effet à chaque EPLE d’organiser l’action pédagogique et éducative dans le cadre de son projet d’établissement, mais à vouloir ainsi tordre le bras aux établissements, vous avez, madame la ministre, obtenu l’effet contraire de celui que vous cherchiez. Alors pourquoi l’avoir fait ? Sans doute pour montrer les muscles du Gouvernement – le fameux « choc des savoirs » – à une opinion publique atterrée par les résultats de notre école, lesquels ont été révélés par l’enquête Pisa – Programme international pour le suivi des acquis des élèves – menée en 2022.
    Du reste, l’autonomie des EPLE ne paraît pas vous intéresser : 50 % d’entre eux n’ont même pas de projet d’établissement, ce qui ne semble pas vous émouvoir. Quant aux campagnes gouvernementales sur le harcèlement et la laïcité, chacun peut constater leur effet : l’affaire Samara et l’assassinat de Shemseddine démontrent tragiquement que des rodomontades ne suffisent point à reprendre la main sur une situation totalement dégradée par des décennies de laxisme complaisant.
    Votre sursaut d’autorité est une plaisanterie : « séjours de rupture » en internat, mention « fauteur de troubles » dans le dossier Parcoursup et autres fariboles du même tabac sont des cautères sur une jambe de bois.
    Vous avez bloqué récemment le paiement des heures supplémentaires, celui des indemnités pour mission particulière (IMP), et même celui des heures effectuées dans le cadre du pacte enseignant, dont vous vouliez récupérer les crédits car le Gouvernement est aux abois en matière budgétaire. Devant la bronca générale ainsi provoquée, vous avez piteusement rétabli les paiements. Est-ce ainsi que l’on gouverne l’institution scolaire ?
    En dépit, ou plutôt à cause de l’absence de politique éducative, vous réalisez la performance de déstabiliser un peu plus l’école de la République. Beau bilan. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Paul Vannier.

    M. Paul Vannier (LFI-NUPES)

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    L’école publique s’effondre sous les coups de votre politique. En sept ans, vous avez supprimé 8 000 postes dans le second degré, soit l’équivalent de 158 collèges fermés ; 2 500 écoles ont disparu, soit en moyenne une fermeture par jour ; 15 millions d’heures de cours n’ont pas été assurées l’an passé ; enfin, en adoptant le budget pour 2024 au moyen d’un énième 49.3, vous avez supprimé 1 500 postes d’assistants d’éducation (AED).

    M. Rodrigo Arenas

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    La honte !

    M. Paul Vannier

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    Sous votre gouvernement, l’école est en voie de tiers-mondisation : 13 % des élèves arrivent à l’école le ventre vide ; les enseignants ont connu un déclassement salarial sans précédent ; la crise de recrutement est chronique ; les démissions atteignent un niveau historique.
    Comme si cela ne suffisait pas, vous avez supprimé en février d’un trait de crayon 700 millions d’euros du budget de l’éducation, pourtant érigé en priorité nationale. Avec cette somme, vous pouviez reconstruire ; vous avez préféré continuer de détruire. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) Nous connaissons votre méthode – vous en avez déjà usé contre l’hôpital public –, qui consiste à s’attaquer aux fondements du métier d’enseignant – comme de soignant –, à empêcher toute possibilité de bien faire son travail, à user, à désespérer. Ajoutez à cela une cure d’austérité, et tout est prêt pour faire place nette au privé !

    M. Jean-Paul Lecoq

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    C’est vrai !

    M. Paul Vannier

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    Depuis 2017, l’école privée ne s’est jamais aussi bien portée. Elle n’a jamais autant concentré les élèves issues des catégories les plus favorisées. Ces établissements d’élite, gavés de fonds publics, scolarisent enfants de ministres et de PDG du CAC40 ; ils consacrent le séparatisme qui est au cœur de votre politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme Rachel Keke

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    Eh oui !

    M. Paul Vannier

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    Puisque les plus riches peuvent se payer le luxe de mettre leurs enfants à l’abri du marasme, qu’importe que ceux du peuple subissent les affres de votre politique.
    Avec le « choc des savoirs », vous avez décidé de porter l’estocade. En séparant les élèves par niveaux, vous tournez la page de la promesse démocratique du collège unique.

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Exactement !

    M. Paul Vannier

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    Vous choisissez l’école du tri plutôt que l’école creuset de la patrie. Vous méprisez les pédagogues, qui savent que les élèves les plus en difficulté progressent lorsqu’ils sont aidés par leurs camarades, quand les plus doués s’améliorent. Votre politique éducative est un renoncement à considérer que tous les élèves sont capables de s’élever et de s’améliorer.

    Mme Rachel Keke

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    C’est vrai !

    M. Paul Vannier

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    Ce renoncement court du collège au lycée professionnel, où votre dernière contre-réforme se résume à « moins de cours, plus de stages ; moins de profs, plus de patrons ». Pour vous, une part de la jeunesse n’a plus sa place sur les bancs des écoles. En instaurant un filtre à l’entrée du lycée, vous préparez l’éviction de dizaines de milliers d’élèves vers l’apprentissage – c’est-à-dire le monde du travail – à 15 ans.
    Pour imposer cela, vous disposez de votre 49.3 : le décret ministériel, qui permet de tout fracasser sans risquer le vote de l’Assemblée, où vous demeurez minoritaires, incapables d’assumer, devant la représentation du peuple, la politique d’assignation scolaire, sociale et territoriale que vous réservez aux enfants des classes populaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme Rachel Keke

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    Votez LFI pour réparer tout ça !

    M. Paul Vannier

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    Alors qu’il exige temps long et planification, le ministère de l’éducation est devenu un moulin à vent, où les ministres défilent – quatre en dix-huit mois –, multipliant les ordres et contre-ordres. Comme vos prédécesseurs, vous naviguez sans cap, sinon celui de tout désorganiser, de tout saboter, de ruiner, d’une circulaire ou d’une déclaration sur un plateau de télévision, le travail patient d’équipes éducatives aussi dévouées qu’épuisées.
    Où est le ministère de l’éducation ? À Matignon ou dans le bureau de Mme Macron ?

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Très bonne question !

    M. Paul Vannier

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    Une chose est sûre : alors que tant de défis sont à relever, votre politique éducative est tournée vers le passé, la droite et l’extrême droite. L’uniforme à l’école ? Marine Le Pen en a rêvé, Gabriel Attal l’a exaucée.
    Je sais, madame la ministre, que vous n’avez que faire de ce débat impuissant. Je m’adresserai donc, pour conclure, à ceux de nos concitoyens qui se soucient du devenir de nos enfants et de l’avenir du pays, à celles et ceux qui ne supportent pas de voir l’école sacrifiée, ses personnels méprisés. Puisque le Gouvernement dénie aux députés la possibilité de légiférer, faites-lui passer un message et infligez-lui la sanction qu’il mérite : le 9 juin, votez pour protéger les services publics et défendre l’école publique ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.)

    Mme Rachel Keke

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    Pour réparer tout ça !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Emmanuelle Anthoine.

    Mme Emmanuelle Anthoine (LR)

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    La réforme du lycée et du bac, couplée à la mise en place de la plateforme Parcoursup, sont les bouleversements menés par le Gouvernement en matière éducative qui ont eu les plus lourdes conséquences. Sur cet autel, au gré des tâtonnements, des cohortes de bacheliers sont successivement sacrifiées.
    Depuis 2018, la plateforme Parcoursup fait, sans discontinuer, l’objet d’âpres critiques de la part des candidats, de leurs parents, des enseignants et des établissements de l’enseignement supérieur. Tous regrettent son manque de transparence, ses critères de sélection opaques. Les professeurs principaux révèlent des aberrations dans la sélection des élèves, laquelle ne reconnaît plus le mérite scolaire. Ils déplorent par ailleurs que certaines formations supérieures manquent d’honnêteté en n’indiquant pas les critères discriminants d’admission.

    M. Rodrigo Arenas

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    Même LR le dit !

    Mme Emmanuelle Anthoine

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    Les professeurs principaux se perdent en conjectures, alors même qu’ils n’ont pas été formés pour orienter les élèves, dont le mérite seul ne permet plus d’exaucer les vœux d’avenir. Parcoursup est une procédure stressante pour l’essentiel d’entre eux, injuste pour près des deux tiers et insatisfaisante pour un tiers.

    Mme Sylvie Bonnet

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    Elle a raison !

    Mme Emmanuelle Anthoine

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    Cette année, les notes des épreuves de spécialité du baccalauréat ne seront plus prises en compte ; seuls le contrôle continu et les notes obtenues lors de l’épreuve de français le seront. En conséquence, contre toute logique pédagogique, les enseignants sont amenés à gonfler les notes des élèves. Pire, eu égard à l’importance du contrôle continu, ils se retrouvent confrontés à une contestation accrue de leur notation par les parents d’élèves, qui exercent des pressions sur eux. Selon l’établissement, deux élèves ayant le même niveau ne seront pas notés de la même façon.
    Outre la création d’une inégalité entre les candidats dans l’accès aux formations de l’enseignement supérieur, ces différences de traitement dévalorisent un peu plus le baccalauréat. En 2020, 98,4 % des candidats ont été admis au bac général. En 2023, ils étaient 95,7 %. Une réussite aussi généralisée lors de l’examen national amène à s’interroger sur certaines pratiques de notation. Lors de la session 2022, alors que les correcteurs des épreuves de spécialité avaient verrouillé la saisie des notes dans Santorin, le système d’aide numérique à la notation et la correction, ils ont eu la surprise de les voir rehaussées jusqu’à deux points. Le ministère a expliqué avoir pratiqué une « harmonisation », sans avoir prévenu les correcteurs, lesquels fustigent une égalisation purement statistique, puisqu’aucun d’entre eux n’a été associé à la démarche. Les inspecteurs de l’éducation nationale (IEN) – dont certains demandent même aux correcteurs de tendre vers une note prédéfinie – sont souvent seuls à la manœuvre. L’harmonisation numérique, qui devait être une exception liée à la crise sanitaire, semble s’être institutionnalisée. Le rehaussement des notes par lots perdure et la tendance semble s’amplifier. La réforme du baccalauréat, qui visait à lui redonner de la valeur, risque malheureusement d’échouer à cet égard.
    Le collège souffre également. Récemment, il a fait les frais des expérimentations gouvernementales en matière éducative. En décembre 2023, Gabriel Attal annonçait la création de groupes de niveau – vocable qui semblait susciter votre perplexité, madame la ministre, et qu’il continue d’utiliser. En mars, un arrêté a finalement été pris, consacrant la création de groupes de besoins. Cette vision divergente au sein de l’exécutif a donc abouti à un compromis flou, présenté comme une marque de souplesse. Il faudra effectivement de la souplesse aux chefs d’établissements et aux équipes pédagogiques pour jongler entre ces groupes et les cours en classe entière, lesquels ont été rigidifiés par Matignon qui leur a fixé un plafond de dix semaines par an. Le flou des critères de constitution des groupes aboutira à une mise en place différente d’un établissement à l’autre, au détriment d’une éducation prétendument nationale. Les IEN, qui doivent accompagner l’organisation des groupes, sont eux-mêmes perplexes – perplexité renforcée par le manque de moyens alloués au dispositif. Tout cela s’inscrit, vous le savez, dans le contexte d’une crise des recrutements et du recours massif et prolongé aux contractuels.
    Lors de sa conférence de presse de janvier dernier, le Président de la République a annoncé vouloir rendre obligatoire le théâtre au collège, ainsi que l’histoire de l’art tout au long du secondaire, et ce dès la rentrée prochaine. Or les budgets pour la rentrée 2024 ont déjà été adoptés, sans inclure les deux enseignements. Actuellement, deux heures hebdomadaires d’enseignement artistique sont prévues au collège, et l’on ignore comment ces deux heures seront divisées entre quatre enseignements. Se pose, là encore, la question des moyens, à moins que ces évolutions ne se fassent au détriment d’autres matières, à l’image de la technologie, qui a disparu en classe de sixième pour faire de la place au soutien en mathématiques ou en français. Les élèves et les enseignants méritent mieux que ces expérimentations de l’exécutif à leurs dépens ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LR et RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Frantz Gumbs.

    M. Frantz Gumbs (Dem)

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    Permettez-moi de parler un peu de moi. Mon parcours personnel et professionnel de fonctionnaire de l’éducation nationale a été marqué par une succession de grandes réformes du système éducatif. « À chaque ministre de l’éducation, sa réforme », entend-on souvent.
    J’ai été confronté à une première réforme lors de mon entrée en seconde générale, en 1970 – c’est un peu loin, c’est vrai…

    M. Jean-Paul Lecoq

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    C’était hier, j’avais 15 ans !

    M. Frantz Gumbs

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    …celle des mathématiques, avec ce qu’on appelait alors les « maths modernes ». En 1975, il y a eu la grande réforme Haby, avec l’instauration du collège unique. En 1989, la loi d’orientation sur l’éducation de Lionel Jospin inscrivait, dans son article 1er : « L’éducation est la première priorité nationale. » À ce propos, traiter d’éducation à cette heure de la journée ne représente pas l’idée que je me fais d’un sujet prioritaire, et certainement pas d’une première priorité nationale. Les symboles comptent aussi.
    En 1993-1994, alors que je devenais personnel de direction en collège, François Bayrou lançait la réforme du baccalauréat et son « nouveau contrat pour l’école ». En 2005, je devenais personnel de direction en lycée, et la loi Fillon venait à son tour réformer le système éducatif pour rendre l’école « plus efficace, plus juste, plus ouverte ». Il y a eu aussi la réforme Peillon, en 2013, la réforme « mieux apprendre pour mieux réussir » de Najat Vallaud-Belkacem en 2016, les multiples réformes de Jean-Michel Blanquer entre 2017 et 2022…

    M. Paul Vannier

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    Les pires !

    M. Frantz Gumbs

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    Cette liste n’est pas exhaustive.
    Aujourd’hui, c’est le « choc des savoirs », qui entraînera de nouveaux changements dès la rentrée prochaine. Les enseignants et les personnels de direction savent qu’ils doivent constamment s’adapter à des situations changeantes, dans le temps et dans l’espace, qu’ils doivent – ou devraient – tenir compte du contexte historique et socio-culturel de l’endroit où ils exercent, et qu’ils doivent aussi intégrer de nouvelles méthodes, de nouveaux programmes, de nouvelles instructions.
    Il n’empêche que les réformes générales viennent s’ajouter à ces divers éléments et contribuent à exercer une pression qui devient permanente tout au long de la carrière. Leur enchaînement devient source d’inquiétude, d’angoisse et de lassitude au sein de la communauté éducative.
    Prenons l’exemple des groupes de niveau. Leur création impose de nombreuses contraintes aux établissements – organisation des classes en barrette et besoins accrus en enseignants et en salles de classe – et nécessite une harmonisation du plan de formation des équipes pédagogiques.
    Pour les collèges éloignés et de petite taille, ces difficultés seront amplifiées par le fait que les économies d’échelle doivent être recherchées et que les mutualisations seront réduites et limitées. Madame la ministre, comment envisagez-vous de prendre en compte ces spécificités et de mieux contextualiser la réforme afin qu’elle puisse être effectivement et efficacement engagée par tous et pour tous ?
    En outre, nous craignons que, dans ces petits établissements, une telle organisation sépare les bons élèves de ceux qui sont en difficulté et ait pour conséquence de mettre en exergue les disparités et de léser la mixité scolaire. De manière générale, la succession des réformes compromet leur acceptation…

    Mme la présidente

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    Merci de conclure.

    M. Frantz Gumbs

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    …et rend difficile leur appropriation. (Mme la présidente coupe le micro de l’orateur, dont le temps de parole est écoulé.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Stéphanie Kochert.

    Mme Stéphanie Kochert (HOR)

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    Si je peux me réjouir du thème de notre débat, je ne peux que regretter la manière peu constructive dont le groupe Écologiste-NUPES, qui en est à l’initiative, l’a formulé. Le groupe Horizons et apparentés estime, quant à lui, que l’école est un sujet suffisamment important pour que l’on en débatte de manière sereine et objective, sans laisser place à des coups de com’ qui ne sont pas dignes de l’éducation nationale, des enseignants comme des élèves.

    Mme Emmanuelle Anthoine

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    Parce que le Gouvernement ne fait jamais de coups de com’, lui !

    Mme Stéphanie Kochert

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    Pour vous, chers collègues écologistes, réformer un secteur en profondeur, comme cela a été fait sans relâche depuis 2017 pour celui de l’éducation, parfois après plusieurs années de statu quo, c’est provoquer des bouleversements. Mais réformer le système éducatif, n’est-ce pas plutôt prendre à bras-le-corps les questions des savoirs fondamentaux, de l’orientation des élèves, de l’accès à la culture, de la voie professionnelle ou du retour de l’ordre et de l’autorité à l’école ?
    Contrairement à ce que vous prétendez, les principales réformes menées par le gouvernement et la majorité sous le précédent quinquennat démontrent un engagement profond en faveur de notre système éducatif.
    Ainsi, la loi de 2019 pour une école de la confiance a marqué une étape majeure en matière d’éducation ; elle a abaissé l’âge de l’instruction obligatoire à 3 ans et étendu l’obligation de formation jusqu’à l’âge de 18 ans, garantissant ainsi à chaque jeune un accès à l’éducation. Elle a, en outre, renforcé la présence des symboles républicains dans les salles de classe, affirmant ainsi les valeurs de la République française.
    Une autre mesure essentielle a fait ses preuves : la réduction des effectifs des classes, grâce au dédoublement des classes de CP et de CE1 dans les zones défavorisées, étendu ensuite aux classes de grande section. Cette initiative a permis une meilleure prise en charge des élèves et favorisé des conditions d’apprentissage plus propices.
    La lutte contre le harcèlement scolaire a également été renforcée, en soulignant l’importance de la sensibilisation et de la vigilance au sein de la communauté éducative. Quant à la création d’un service public de l’école inclusive, elle a été cruciale, en améliorant la prise en charge des élèves en situation de handicap, grâce au recrutement d’accompagnants spécialement formés et à une gestion plus efficace des moyens.
    La réforme du baccalauréat a représenté une évolution majeure dans l’évaluation des élèves, en accordant une place plus importante au contrôle continu. La suppression des filières de la voie générale et leur remplacement par un tronc commun, complété de spécialités choisies par les étudiants, a permis une plus grande souplesse dans les parcours scolaires.
    Depuis 2022, le Gouvernement et la majorité ont fait de l’éducation une priorité absolue, cherchant sans relâche à améliorer les conditions d’apprentissage. La réforme du collège mise en œuvre à la rentrée 2023 incarne notre engagement d’offrir à chaque élève les meilleures chances de réussite. L’introduction d’une nouvelle sixième marque le début d’une transformation globale du collège qui vise à assurer à nos élèves une maîtrise solide des savoirs fondamentaux.
    Cette réforme s’accompagne d’une refonte des programmes de français et de mathématiques, recentrés sur les connaissances essentielles, et d’une attention particulière accordée à l’intégration des élèves et au développement de leurs activités culturelles et sportives.
    La réforme du lycée professionnel marque également une avancée majeure de notre engagement en faveur de l’éducation. En rapprochant l’offre de formation des lycées professionnels des besoins du marché du travail, nous voulons favoriser l’insertion professionnelle des jeunes. Des mesures concrètes, telles que la gratification des périodes de stage et la diversification des parcours en terminale, visent à répondre aux aspirations de chaque élève.
    Les annonces récentes du Président de la République sur la réforme de la formation des enseignants et celles du Premier ministre sur l’autorité au cœur de la République témoignent de notre engagement sans faille en faveur d’une école qui, pour reprendre les mots de Condorcet devant l’Assemblée nationale législative en 1792, offre « à tous les individus les moyens de pourvoir à leurs besoins, d’assurer leur bien-être, de connaître et d’exercer leurs droits, d’entendre et de remplir leurs devoirs ». (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Fatiha Keloua Hachi.

    Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC)

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    Je veux tout d’abord remercier chaleureusement nos collègues du groupe Écologiste d’avoir inscrit à l’ordre du jour ce débat sur les conséquences pour l’école des réformes menées par les gouvernements successifs de Macron.
    Notre école est malade.
    Les derniers résultats de l’enquête Pisa ont mis en lumière son incapacité à gommer les inégalités sociales. Nous avons le système qui reproduit le plus les inégalités : un élève favorisé a, en moyenne, dix fois plus de chance de réussir en mathématiques qu’un élève défavorisé. L’école faillit ainsi à sa mission émancipatrice.
    Le pôle médico-social est laissé à la traîne, et nous manquons cruellement d’enseignants parce que le métier n’est plus attractif et que, chaque année, le Gouvernement fait le choix de supprimer des postes. Pour rappel, depuis 2017 et l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Élysée, près de 9 000 postes – 9 000 ! – ont été supprimés dans le second degré. Forcément, lorsqu’on supprime des postes, que l’État décide de ne plus financer les personnels en nombre suffisant, l’école se dégrade.
    Nous savons ce que vous allez nous répondre : l’année dernière, le Gouvernement a fait un effort financier pour améliorer la rémunération des enseignants et ainsi rendre le métier plus attractif. C’est vrai, mais force est de constater que quelques dizaines d’euros supplémentaires par mois ne suffisent pas pour faire avaler des couleuvres aux personnels de l’éducation nationale.
    Je ne citerai que trois de ces couleuvres macronistes.
    Premièrement, le pacte enseignant, qui bouleverse l’organisation de l’établissement, introduit une logique libérale dans l’école, qui était jusque-là épargnée. Il a d’ailleurs été largement rejeté par la communauté éducative puisque 70 % des enseignants ne l’ont pas signé.
    Deuxièmement, les groupes de niveau. Comment pouvez-vous penser que le même programme pourra être appliqué dans le groupe des faibles et dans celui des meilleurs ? Je crois surtout que ce n’est pas votre problème et que vous pouvez vous satisfaire d’un système dans lequel les meilleurs seront encore meilleurs, en sacrifiant les élèves les plus en difficulté.
    Enfin, les classes surchargées sont, non pas une fatalité, mais un choix politique : on a profité de la décroissance démographique pour faire des économies sur notre école au lieu de s’en servir pour baisser le nombre des élèves par classe.
    Les premières victimes de la politique éducative du Gouvernement sont les enfants, les élèves. Cette politique se résume en trois mantras : obsession des résultats scolaires, tri des élèves et autoritarisme. Vos dernières annonces sont inquiétantes pour le devenir de notre système scolaire ; les fantasmes sur l’école d’antan vous ont menée à annoncer des mesures qui dessinent une école punitive.
    J’en profite, madame la ministre, pour énoncer nos propres mantras – au cas où vous auriez l’envie d’effectuer un virage à 180 degrés.
    Premièrement, mieux un élève sera encadré et accompagné, mieux il réussira son cursus scolaire. Nous sommes donc convaincus qu’il doit être mieux accompagné, mieux suivi, mieux encadré. C’est en renforçant la présence humaine que nous parviendrons à lutter contre la déscolarisation, à apaiser le climat scolaire, à lutter contre le harcèlement, à mieux inclure les élèves en situation de handicap et donc, in fine, à favoriser la réussite scolaire. Pour cela, il faut davantage d’enseignants, de personnels médico-sociaux, de conseillers principaux d’éducation (CPE), d’assistants d’éducation (AED), d’AESH… Mais cela coûte trop cher pour le Gouvernement, qui préfère entreprendre des réformes douteuses à moyens constants, étranglant un peu plus notre système scolaire.
    Deuxièmement, la lutte contre la ségrégation scolaire doit mettre fin aux écoles de pauvres et aux écoles de riches, pour que l’école publique donne sa chance à tous les élèves. Pour lutter contre les inégalités sociales et scolaires, il faut mener des politiques contraignantes en matière de mixité. Nous ne pouvons pas nous satisfaire du fait que 10 % des collèges français accueillent 60 % des élèves défavorisés. Le dire ne suffit pas : il faut agir sans tabou en modulant les financements en fonction de l’indice de position sociale des élèves (IPS) et en conditionnant le financement des établissements privés au respect de la mixité sociale et scolaire.
    Je ne peux conclure mon propos sans dire un mot de la Seine-Saint-Denis, où, depuis plus de deux mois, la mobilisation ne faiblit pas. Le Gouvernement refuse d’agir ; il n’entend rien. En matière de politique éducative, le principal bouleversement est dû au fait qu’on n’écoute pas le terrain, ni les professionnels, ni les parents, ni les élèves. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.

    M. Jean-Paul Lecoq (GDR-NUPES)

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    Depuis 2017 et l’élection d’Emmanuel Macron à la tête de notre pays, force est de constater que le malaise grandit parmi les enseignants et les personnels de l’éducation nationale. De nombreuses réformes ont été mises en œuvre – instauration de Parcoursup, réforme du baccalauréat puis du lycée professionnel –, de sorte qu’en sept ans, le ministère de l’éducation nationale est devenu une forme de laboratoire de politiques publiques que l’on peut qualifier de délétères.
    Le manque de moyens est criant, au point que certains parents qui en ont la possibilité font le choix de se tourner, par dépit, vers des établissements scolaires privés. Mais finalement, n’est-ce pas là le but recherché implicitement : détricoter l’école publique et l’égalité des chances pour favoriser les établissements privés où règnent l’entre-soi et la reproduction des élites ? À la vue des réformes engagées, nous pouvons légitimement nous poser la question.
    La réforme du baccalauréat, censée supprimer toute hiérarchie entre les trois filières générales, n’a fait que les recréer au travers d’options et d’un tronc commun amputé des mathématiques. L’application de cette réforme a représenté un véritable casse-tête pour les établissements et a contribué à fragiliser un peu plus ce diplôme national. Parallèlement, l’instauration de Parcoursup, avec son fonctionnement opaque et sa logique de sélection accrue, est devenue pour les élèves et leurs parents une véritable source d’angoisse.

    Mme Emmanuelle Anthoine

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    Eh oui !

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Car loin d’être la passerelle entre le lycée et les études supérieures, ses algorithmes brisent chaque année les vœux d’orientation de milliers d’élèves qui n’obtiennent pas de place dans la filière escomptée. Face à ce système qui broie les élèves, les formations privées et les boîtes de conseil se frottent les mains en surfant sur l’angoisse des parents et des élèves, pour qui obtenir le vœu souhaité sur Parcoursup devient un véritable défi.
    Plus récemment, le Gouvernement a fait le choix de réformer le lycée professionnel sans discussion avec le Parlement…

    M. Pierre Dharréville

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    C’est vrai !

    M. Jean-Paul Lecoq

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    …et sans réelle concertation avec les syndicats. C’est un énième passage en force d’un gouvernement qui s’accommode peu du dialogue.
    Le pacte enseignant, qui n’a de pacte que le nom, est un autre exemple frappant de cette manière de faire la loi au détriment du consensus. Plutôt que de revaloriser le salaire des enseignants dont le point d’indice a été gelé durant plusieurs années, le Gouvernement a préféré créer une nouvelle indemnité subordonnée à la réalisation d’heures supplémentaires. Cette mesure démontre un certain mépris du ministère envers les enseignantes et les enseignants, car elle laisse entendre qu’ils ne travaillent pas assez et que leur mission pourtant essentielle ne mérite pas d’être tout simplement rémunérée à sa juste valeur. Le signe le plus récent de mépris est venu la semaine dernière, lorsque le ministère a annoncé renoncer à rémunérer les heures supplémentaires effectives (HSE) réalisées par les enseignants, les sacrifiant sur l’autel des sacro-saintes économies réclamées par Bercy.

    Mme Fatiha Keloua Hachi

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    C’est une honte !

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Vous êtes heureusement revenue sur cette décision, madame la ministre, après le tollé qu’elle a suscité.
    Face à ces nombreux reculs, nous avons plusieurs propositions à formuler. Elles consistent par exemple à inscrire dans les budgets les cinquante-quatre heures annuelles dédiées à l’orientation des lycéens, prévues dans la réforme Blanquer et qui n’ont jamais vu le jour ; à anonymiser le lycée et l’adresse de chaque candidat sur Parcoursup (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES et SOC),…

    Mme Fatiha Keloua Hachi

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    Bravo !

    M. Jean-Paul Lecoq

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    …car les arguments que nous avons avancés en faveur de l’anonymisation des CV s’appliquent aussi bien à Parcoursup ; à rendre les algorithmes publics,…

    Mme Emmanuelle Anthoine

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    Oui, il faut de la transparence !

    M. Pierre Dharréville et Mme Fatiha Keloua Hachi

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    Il faut casser la boîte noire !

    M. Jean-Paul Lecoq

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    …ou encore à revenir sur la réforme du lycée professionnel, qui ne forme désormais qu’à la tâche au lieu de former des travailleurs citoyens qualifiés.
    Par ailleurs, si nous sommes favorables à l’augmentation du temps de scolarisation des élèves, nous estimons que ce dispositif doit s’adapter en fonction du degré scolaire et qu’il doit s’accompagner d’une hausse du recrutement des enseignants et d’une revalorisation salariale. Enfin nous ne souhaitons pas le restreindre aux élèves des quartiers prioritaires et des REP, comme le prévoit le Gouvernement, mais garantir qu’il s’applique à tous les élèves.
    Madame la ministre, il y a urgence à renouer le lien de confiance entre les personnels de l’éducation nationale, les parents d’élèves, les élèves eux-mêmes et votre ministère. Cela ne pourra se faire que par le dialogue, par la recherche du consensus et en tirant les leçons des réformes engagées par vos prédécesseurs ainsi que de leurs méthodes. Les parents d’élèves, les enseignants et les élèves vous attendent. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, SOC et Écolo-NUPES. – M. Rodrigo Arenas applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Béatrice Descamps.

    Mme Béatrice Descamps (LIOT)

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    Nous le savons tous, notre système éducatif est en peine. Le métier de professeur n’attire plus, ce dont témoigne le nombre d’inscriptions aux concours. La réforme du lycée général et technologique de 2018 semble avoir accentué le sentiment d’instabilité des enseignants ; ainsi, selon le rapport remis en juillet 2023 par l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR) au ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, « il est apparu que la majorité des personnels auditionnés ressentent une impression d’instabilité constante portant sur les fondamentaux mêmes de la réforme. Cette impression est confirmée par un cadre réglementaire qui n’a cessé d’évoluer depuis la mise en œuvre de la réforme en 2018 ».
    Les auteurs de ce rapport soulignent toutefois que « les difficultés exprimées, pouvant aller jusqu’à une perte du sens même du métier, ne sont pas toutes imputables à la réforme mais prennent leur racine bien en amont, dans une difficulté croissante de l’exercice de la profession, une détérioration vécue de ses conditions d’exercice et une reconnaissance de la fonction d’enseignant de la part de la société perçue comme très faible ».
    La question de la stabilité est bien sûr cruciale. Néanmoins, le Gouvernement a fait différentes annonces relatives aux prochains dispositifs qui seront instaurés à partir de la rentrée 2024 pour élever le niveau de l’école. Je suis convaincue que ces mesures ne pourront porter leurs fruits si le ministère ne redouble pas d’efforts pour que les professeurs puissent exercer leur métier dans les meilleures conditions possibles, ce qui constitue un élément indispensable et fondamental pour le bon apprentissage des élèves.
    Les missions de l’école sont nombreuses, et si les professeurs doivent s’y sentir bien afin que les élèves puissent apprendre et devenir les citoyens de demain dans les meilleures conditions, les élèves doivent également y voir un lieu de partage, de sérénité et d’avenir. Or ils y sont confrontés à des périodes stressantes, notamment au lycée, lorsqu’ils doivent faire des choix concernant leur avenir.
    C’est en grande partie le rôle de l’école de répondre aux questions : « Pourquoi ? Pour quel métier ? Pour quelles perspectives ? » Or la réforme qui a créé Parcoursup en 2018 a suscité nombre d’inquiétudes, comme ma collègue Estelle Folest et moi-même avons pu le constater dans le cadre de notre récent rapport d’information sur l’enseignement supérieur privé à but lucratif. La plateforme Parcoursup, qui propose plus de 23 000 formations, peut parfois déstabiliser les élèves, qui ont le sentiment de s’y perdre. Certains établissements privés profitent de ce sentiment pour pousser les élèves à les choisir sans passer par Parcoursup. Ainsi, nous écrivions : « Alors que le choix de l’orientation post-bac est un moment angoissant pour les jeunes et que cette angoisse se cristallise au moment de procéder à la saisie de leurs vœux sur la plateforme Parcoursup – 83 % des jeunes se disent inquiets et stressés –, plusieurs écoles mettent au cœur de leur stratégie commerciale l’argument ’’hors Parcoursup’’, vantant à l’inverse la souplesse de leurs modalités de recrutement, une procédure ’’sans stress’’, où les résultats scolaires ne sont pas au cœur des modalités de sélection. »
    Dans ce contexte, nous recommandions de simplifier et de clarifier l’information disponible sur Parcoursup. Depuis cette année, Parcoursup peut être consulté dès la classe de seconde, ce qui est une bonne chose. D’ailleurs, le dernier rapport du comité éthique et scientifique de Parcoursup recommandait de « travailler sur l’information des parents et des élèves bien avant la terminale ». Parcoursup doit devenir un véritable outil d’orientation.
    Néanmoins, d’autres mesures sont nécessaires pour renforcer les outils de l’orientation au lycée. Il faut notamment veiller aux moyens humains et financiers déployés, former les professionnels de l’éducation nationale compétents en matière d’orientation et les sensibiliser aux différentes formes de reconnaissance des diplômes et certifications. Cela faisait également partie des recommandations que nous avions émises dans notre rapport.

    Mme Emmanuelle Anthoine

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    Ce sont des mesures de bon sens !

    Mme Béatrice Descamps

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    Pour conclure, il est important de rétablir une certaine sérénité pour que parents, professeurs, professionnels de l’éducation et élèves puissent reprendre un dialogue apaisé et retrouver l’image d’une école au service de l’avenir. (Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT et Écolo-NUPES. – M. Rodrigo Arenas et Mme Sylvie Bonnet applaudissent également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

    Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse

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    L’école, vous l’avez tous dit directement ou indirectement, est le reflet de notre société. C’est aussi le réceptacle de toutes ses dynamiques et de tous ses changements. C’est pourquoi elle doit constamment s’adapter pour rester en phase avec une réalité en perpétuelle évolution. Toutefois, si ces adaptations sont nécessaires, notre cap, lui, demeure : il repose sur la nécessité de faire progresser tous les élèves, partout sur le territoire, en ne laissant personne sur le bord du chemin. C’est cet objectif qui guide mon action au quotidien et qui a guidé l’action du Gouvernement depuis 2017.
    Il est vrai que des enquêtes nationales et internationales ont montré que le niveau des élèves n’était pas toujours à la hauteur de nos attentes et de nos investissements, et que nous devions nous améliorer sans cesse sur ce point. C’est pourquoi, depuis 2017, la majorité a entrepris de réformer en profondeur notre système éducatif à tous les niveaux. Je reviendrai sur ces réformes dans quelques instants ; je les inclus dans ma propre feuille de route, que je souhaite vous présenter ici. Je remercie d’ailleurs le groupe Écologiste de nous donner l’occasion d’échanger à ce propos, même à une heure un peu tardive.
    Je commencerai par revenir sur les réformes qui concernent les plus âgés de nos élèves : les lycéens. Depuis 2017, nous avons non seulement réformé, mais également guidé la transformation sociale de demain. Je reprends ici la pensée de Ferdinand Buisson, pour qui ce sont les réformes scolaires qui forment les générations capables de penser et d’agir en vue d’une véritable transformation sociale.
    La réforme du lycée général qui a débuté en 2018 a acté une volonté très ancienne de briser la cage de fer des filières au profit d’un choix libre d’options. Elle permet ainsi de favoriser l’autonomie des élèves et de lutter contre la cristallisation de choix sociaux qui étaient très fréquents, par exemple, dans la filière S. Elle a également permis de donner plus de poids au contrôle continu et de renforcer l’importance de l’oral lors des épreuves terminales. Elle assure ainsi une meilleure adéquation entre les enseignements du lycée et les attendus de l’enseignement supérieur. Tels sont les objectifs généraux de cette réforme.
    Quant à la réforme du lycée professionnel, elle vise une meilleure attractivité de la voie professionnelle, une orientation plus progressive et un accompagnement renforcé de l’élève. Cela importe au plus haut point, tant pour l’avenir de nos jeunes que pour l’attractivité du monde économique. Le baccalauréat professionnel offre ainsi depuis la rentrée 2019 des parcours progressifs sur trois ans, pouvant mener soit à une poursuite d’études, soit à une insertion professionnelle. Depuis la rentrée 2023, la nouvelle phase de la réforme nous permet de mieux accompagner chaque lycéen professionnel, de lutter contre le décrochage et de proposer au lycée professionnel un parcours attractif grâce à une offre et une carte de formations rénovées et mieux orientées vers des métiers d’avenir. Tous les lycéens professionnels bénéficient en outre d’une gratification pour les périodes de formation effectuées en milieu professionnel. En tout, pas moins de 1 milliard d’euros seront investis en 2024 pour transformer la voie professionnelle.
    Je tiens à évoquer ensuite les réformes qui concernent les plus jeunes de nos élèves, scolarisés dès 3 ans à l’école maternelle, puis à l’école primaire.
    Comme vous l’avez rappelé, nous avons proposé une mesure forte : l’obligation de scolariser les enfants dès l’âge de 3 ans. Prévue par la loi de 2019 pour une école de la confiance, elle constitue un aspect essentiel de la priorité donnée à l’école maternelle et primaire dans le cadre de la refondation de l’école.
    Lorsqu’elle correspond à ses besoins et se déroule dans des conditions adaptées, la scolarisation d’un enfant avant ses 3 ans représente une chance pour lui et pour sa famille. C’est ce à quoi nous avons travaillé, en collaborant pleinement avec les collectivités territoriales concernées. En effet, l’entrée à l’école maternelle constitue la première étape de la scolarité et, pour beaucoup d’enfants, la première expérience de la sociabilité ; il s’agit donc d’un moyen efficace de favoriser la réussite scolaire – je rappelle que c’est là notre priorité –, en particulier lorsque, pour des raisons sociales, culturelles, éducatives ou linguistiques, la famille est éloignée de la culture scolaire. Il convient d’ailleurs de rappeler qu’un effort supplémentaire a été effectué pour favoriser la scolarisation des enfants dès l’âge de 2 ans en éducation prioritaire, tant l’acquisition précoce du langage est vecteur d’une socialisation réussie.
    Sans m’attarder sur les mesures prises depuis 2017 pour l’école primaire, car vous avez été plusieurs à les évoquer, je me bornerai à rappeler que nous avons favorisé le dédoublement progressif des classes de grande section, de CP et de CE1 en éducation prioritaire, le plafonnement à vingt-quatre élèves de l’effectif des classes hors éducation prioritaire et l’instauration de plans de formation en français et en mathématiques pour tous les enseignants. Nous sommes assez fiers de ces mesures et de leur impact positif pour les enfants et pour la société en général.
    Entre l’école primaire et le lycée, le Gouvernement n’oublie pas la place très importante du collège dans l’apprentissage des élèves. C’est pourquoi je souhaite dire un mot de la réforme en cours de déploiement que certains d’entre vous ont évoquée : je veux bien entendu parler du « choc des savoirs ». Il s’agit d’un plan d’ensemble aux mesures nombreuses et complémentaires, telles que la réécriture des programmes ou la refonte du brevet, destinées à apporter des réponses aux fragilités des élèves. Leur déploiement progressif nous permettra d’en apprécier les effets.
    La création de groupes de besoins en français et en mathématiques en sixième et en cinquième repose sur quatre principes. Un objectif : faire progresser tous les élèves ; un moyen : l’instauration d’une pédagogie différenciée adaptée aux besoins des élèves ; un refus, sur lequel j’insiste : celui du tri social ; une exigence : le respect de l’autonomie des établissements, qui suppose d’appliquer ces mesures avec souplesse. Nous nous appuierons sur les équipes pédagogiques en qui nous avons pleinement confiance pour assurer la réussite du dispositif. Elles seront ainsi chargées, selon la progression pédagogique retenue, d’identifier les besoins propres à chaque élève. C’est sur cette base qu’elles constitueront les groupes, au plus près de la réalité des besoins des élèves.
    Je viens de le rappeler : je suis opposée à toute assignation des élèves. Notre système éducatif doit non seulement viser l’autonomie par rapport à la structure des positions sociales mais également se donner les moyens de corriger les effets les plus flagrants des inégalités sociales et scolaires.

    Mme Fatiha Keloua Hachi

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    Nous en sommes loin !

    Mme Nicole Belloubet, ministre

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    C’est pourquoi, vous le savez, j’ai souhaité organiser des moments de brassages des groupes, par exemple lors du retour en classe de référence. Il est important que l’application de cette mesure prenne en considération les spécificités de chaque établissement – je m’y emploie.
    L’ensemble de ces réformes commencent à porter leurs fruits. École, collège, lycée ont connu des évolutions importantes, que j’ai rappelées brièvement. Les premiers résultats dont nous disposons montrent le bien-fondé de la politique menée : on observe, grâce aux évaluations publiées récemment, que la classe de cours préparatoire permet de faire progresser tous les élèves dans les apprentissages fondamentaux, de rattraper le retard pris à l’entrée au CP par certains élèves et de réduire significativement les écarts observés en éducation prioritaire en début d’année, particulièrement en mathématiques.
    Bien sûr, il demeure des points fragiles, notamment dans le domaine de la compréhension des textes pour laquelle la corrélation entre les performances des élèves et le milieu social demeure forte, mais nous devons avoir à l’esprit l’évolution favorable, qui confirme la justesse de l’action du ministère depuis 2017.
    Permettez-moi de vous présenter brièvement la feuille de route que je souhaite suivre. Dans la lignée des succès déjà obtenus depuis 2017 et des réformes en cours de déploiement, je souhaite continuer à agir pour la réussite et le bien-être des élèves, afin que l’école change leur vie. Je me suis fixé quatre lignes directrices.
    Premièrement, nous mettons tout en œuvre pour faire progresser les élèves et redonner à l’école son rôle d’ascenseur social.
    La réussite est notre ambition collective, une ambition que nous partageons tous. C’est une priorité nationale pour le Président de la République, pour le Premier ministre et bien entendu pour moi-même. La mission première de l’école, qui est de former, doit se conjuguer avec son rôle de promotion de l’égalité dans les occasions d’apprentissages et de développement, en travaillant à la fois sur les procédures d’évaluation, sur l’orientation et sur la pédagogie différenciée, pour une plus grande égalité des chances, que je m’emploierai à promouvoir.
    Deuxièmement, nous accompagnons les enseignants et les membres de la communauté éducative, dont le travail quotidien au service des élèves est remarquable et doit être salué comme tel, ainsi que plusieurs d’entre vous l’ont fait.
    Les personnels sont désormais lassés du temps de l’urgence, de l’application souvent précipitée des réformes. Ils ont besoin de temps et d’espace pour faire leur travail, ainsi que de sécurité – j’ai dit à de multiples reprises à quel point je compte entourer l’école d’un bouclier de protection.
    Cet accompagnement doit également passer par un renouveau de la formation initiale, que le Président de la République a récemment annoncé, pour améliorer l’attractivité, avec un modèle de recrutement à bac + 3 suivi d’un master professionnalisant, ainsi que par un travail important sur la formation continue. C’est le chantier ambitieux que nous avons lancé avec le Président de la République et que je mène dès à présent. Le besoin de restaurer l’attractivité du métier et le bien-être des enseignants dans notre école le rend indispensable.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Il y a aussi les salaires !

    Mme Nicole Belloubet, ministre

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    Il est vrai que le salaire est un point important mais, comme plusieurs d’entre vous l’ont rappelé, des efforts considérables ont été consentis depuis 2017.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    N’hésitez pas à répéter que vous allez augmenter les salaires !

    Mme Nicole Belloubet, ministre

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    Troisièmement, nous refusons toute assignation au sein de l’école, en assumant la diversité des élèves et des territoires.
    Restaurer l’égalité des chances passe d’abord par une politique volontariste de mixité en assurant l’accueil et le suivi des élèves dans les établissements d’affectation. Le lien avec l’enseignement privé fera l’objet d’un suivi attentif en ce qui concerne aussi bien l’allocation des moyens que le contrôle des obligations qui découlent du contrat qui lie les établissements avec l’État ou le respect des exigences de mixité qui incombent, aux termes du premier article du code de l’éducation, tant aux établissements publics qu’aux établissements privés. Dans un autre domaine, la prise en considération de la ruralité exige, pour les élèves qui y vivent, des mesures spécifiques et adaptées, à l’application desquelles je veillerai.
    Quatrièmement, je me donne pour objectif de promouvoir l’école de l’avenir pour tous nos élèves. L’école du futur devra assurer le bien-être – j’insiste sur ce terme – des élèves comme des personnels de l’éducation nationale, pour garantir les meilleures conditions de transmission des savoirs.
    À titre d’exemple, pour garantir le bien-être des élèves, nous avons instauré des petits déjeuners gratuits, mais aussi des repas à 1 euro à la cantine, ou encore des aides aux devoirs qui ont bénéficié à un tiers des collégiens au cours des années récentes. Nous instaurerons également l’accueil en internat sans reste à charge. Nous sommes par ailleurs en lien étroit avec toutes les collectivités territoriales pour améliorer la situation du bâti scolaire tant du point de vue de la sécurité que de l’aspect physique.
    Travailler sur l’intégration des enjeux environnementaux ou numériques me paraît indispensable pour permettre aux élèves de s’y adapter.
    Dans cette démarche, nous nous félicitions du succès du Conseil national de la refondation (CNR) lancée par le Président de la République, qui repose sur une méthode de dialogue et d’action pour construire, au plus près des acteurs de l’école, des solutions concrètes sur les grandes transformations à venir au sein même de l’école. L’intérêt de ce travail en profondeur est de laisser place aux initiatives pédagogiques locales, auxquelles je suis très attachée.
    Nous avons donc mené à bien plusieurs réformes depuis 2017. Il reste beaucoup à faire dans des domaines que je n’ai pas le temps d’aborder tous dans ce propos liminaire, mais que vous avez évoqués. Il faudra donc notamment continuer à agir autour de la question du temps scolaire, celui des élèves, des familles, des professeurs, pour que ces temps correspondent mieux aux enjeux de notre époque. Nous le ferons toujours avec un seul objectif en tête : faire progresser tous les élèves et refuser toute assignation sociale.

    Mme la présidente

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    Nous en venons aux questions des députés. Je vous rappelle que la durée des questions ainsi que celle des réponses est limitée à deux minutes, sans droit de réplique.
    La parole est à M. Benjamin Lucas-Lundy.

    M. Benjamin Lucas-Lundy (Écolo-NUPES)

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    Madame la ministre, vous avez salué l’initiative du groupe Écologiste de provoquer ce soir un débat sur ce sujet ; je vous en remercie. Cette initiative a également été saluée par quelques collègues qui se sont aussi plaints de l’horaire auquel nous débattons.
    Si nous avons provoqué ce débat, c’est parce que, malheureusement, le Gouvernement ne se soumet pas à la discussion parlementaire sur des sujets majeurs. Le Président de la République et le Premier ministre affirment régulièrement que l’éducation relève du domaine régalien. Puis ils se font des peintures de guerre sur le torse pour parler d’autorité et pour assigner la jeunesse de notre pays à une vision très militarisée, très martiale, qui contraste d’ailleurs avec des propos que vous avez tenus. Cela mériterait que nous discutions, car – cela ne vous surprendra pas – nous considérons que les mots et les actes doivent être cohérents. Or il y a là une forme de dissonance cognitive, si je puis dire, d’autant que nous n’avons pas la même lecture que vous du bilan et de l’action actuelle du Gouvernement.
    Ma question est assez simple. Nous sommes tous et toutes d’accord pour soutenir que la politique de l’éducation est fondamentale ; c’est une des politiques les plus importantes de la nation. Il n’est pas normal que le Parlement ne puisse ni en débattre ni voter, que le Gouvernement prenne par décret des décisions comme celle relative aux groupes de niveau – peu importe que vous les appeliez désormais groupes de besoins – qui met fin au collège unique issu d’une décision prise il y a cinquante ans. Le collège unique repose sur l’idée que la nation enseigne dans les mêmes conditions et dans un même lieu à des enfants de toute classe sociale, de tout milieu. Sa fin est une décision majeure.
    Je pourrais citer d’autres bouleversements, comme l’expérimentation puis la généralisation du port de l’uniforme. Toutes ces décisions méritent un débat de la représentation nationale au cours duquel chacun assume ses positions. Dans ce débat, on observera ainsi la convergence entre la majorité présidentielle et le Rassemblement national sur des questions importantes, comme on l’a constaté avec la loi « immigration ».
    Le Gouvernement s’engage-t-il à permettre à l’Assemblée nationale de débattre et de voter sur ces questions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre.

    Mme Nicole Belloubet, ministre

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    Le débat, nous l’avons : nous le tenons ici, vous, vos collègues et moi. Vous le savez, je suis prête à débattre avec vous dès que vous le souhaitez et je me rends très volontiers devant la représentation nationale.
    Je voudrais revenir sur deux points que vous avez évoqués. D’abord, vous avez parlé de dissonance cognitive entre les mots et les actes, mais je ne pense pas qu’il y en ait une ici. Nous affirmons que nous voulons la réussite des élèves et nous nous donnons les moyens de la faire advenir. Vous soutenez qu’il y a une dissonance en prétendant que certaines mesures n’ont pas porté leurs fruits. Pourtant, observons les mesures prises pour le premier degré – certains d’entre vous ont à juste titre soutenu que c’était là qu’il fallait concentrer l’effort, car c’est là que, par l’acquisition du langage, naît l’ensemble des possibles pour un élève. Nous avons dédoublé les classes de CP et de CE1. Les classes de sixième, cette année, sont les premières à voir les efforts consentis porter leurs fruits : nous constatons des progrès. Je ne crois donc pas qu’il y ait de dissonance entre les mots et les actes. Il y a au contraire une réconciliation au bénéfice de la réussite des élèves.
    Ensuite, vous évoquez l’instauration des groupes de niveau qui, prétendez-vous, met fin au collège unique. Nous avons créé des groupes de besoins qui répondent à des besoins spécifiques des élèves, lors de certaines séquences pédagogiques, afin de hausser leur niveau de compétences. Ces groupes de besoins ne contrecarrent pas le collègue unique ; au contraire, ils renforcent l’exigence d’une culture globale unique pour tous les élèves jusqu’à la fin du collège, car ils permettent de lutter contre l’assignation. Il me semble naturel qu’existent des voies divergentes après le collège mais, jusqu’au niveau du collège, la voie unique demeure.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Graziella Melchior.

    Mme Graziella Melchior (RE)

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    Parce que la situation de l’école se dégradait progressivement depuis de nombreuses années, le Président de la République, les gouvernements successifs et la majorité parlementaire ont défendu de nombreuses évolutions depuis 2017. Grâce, notamment, à une augmentation du budget de l’éducation nationale de 21 % entre 2017 et 2023, soit 14 milliards d’euros, nous avons financé le dédoublement des classes ou encore la hausse inédite de la rémunération des enseignants.
    Outre ces grandes mesures de niveau national, il me semble important de penser l’éducation nationale de demain par le soutien à des initiatives prises au niveau local, afin d’améliorer la réussite et le bien-être des élèves et de les guider ainsi vers un parcours de vie qui les rende heureux. C’est ce que vise le Conseil national de la refondation lancé par le Président de la République à l’automne 2022 et qui, à travers des concertations partout en France, permet de faire émerger des solutions au niveau local.
    Ainsi, dans les écoles, les collèges et les lycées volontaires, des projets sont soutenus et accompagnés financièrement, en associant l’ensemble de la communauté éducative, les familles, les élèves, les élus locaux et les représentants d’association.
    Je pense, par exemple, au groupe scolaire Jean-Macé-Jules-Ferry, qui se trouve dans ma circonscription à Landerneau. Il a reçu un soutien financier pour acheter du matériel scientifique. Je pense aussi au collège Kerzourat à Landivisiau, qui a été accompagné dans son souhait de créer un club de maths.
    Ce type de projets permet de stimuler l’intérêt des enfants pour les sciences et les mathématiques – je pense en particulier aux jeunes filles. En effet, nous savons que les stéréotypes ont la vie dure et que de nombreuses jeunes filles ne se tournent pas vers les matières scientifiques. Des études ont montré que le décrochage a lieu très tôt, dès le CP. À terme, par exemple, on ne trouve que 29 % de femmes dans les écoles d’ingénieurs.
    Je souhaiterais savoir si d’autres projets de territoire continuent à être soutenus et de quelle manière votre ministère compte poursuivre la nécessaire réconciliation des jeunes élèves avec les maths et les sciences.

    M. Rodrigo Arenas

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    Expliquez donc aussi l’échec de Jean-Michel Blanquer !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre.

    Mme Nicole Belloubet, ministre

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    Il y a plusieurs éléments dans votre question. Vous évoquez d’abord l’augmentation du budget de l’éducation nationale depuis 2017. Cette augmentation est en effet très importante. Il s’agit évidemment du premier budget de la nation, avec près de 63 milliards d’euros.
    Vous évoquez ensuite les projets CNR auxquels j’ai fait allusion dans mon propos introductif. Vous soulignez, à raison, qu’ils sont à la fois enthousiasmants et très innovants. À partir de ces projets, des équipes pédagogiques sur le terrain montrent de quelle manière elles peuvent faire progresser leurs élèves. Pour cela, elles ont besoin d’un accompagnement en matière de pédagogie – d’outils divers correspondant à leurs projets pédagogiques – et elles font aussi des demandes de formation en équipe qui leur permettent de progresser ensemble. De plus, elles rayonnent souvent vers d’autres écoles partenaires qui travaillent avec elles sur l’ensemble de ces projets.
    Je me suis rendue dans plusieurs écoles, et, moi aussi, j’ai vu des progrès extraordinaires dans l’acquisition de la maîtrise du langage et dans l’aide aux enfants en difficulté. Le Président de la République avait évoqué une aide de 500 millions d’euros apportée au cours du quinquennat à ces projets essentiels. Nous continuerons à les soutenir et à les développer.
    S’agissant des filles et des maths, vous avez raison : en CP, on voit se produire des effets de décrochage et de différenciation. Nous devons y remédier. Les projets CNR peuvent nous y aider. Contrairement à ce qui a pu être dit parfois, la réforme du lycée a permis d’élever le nombre de filles qui s’inscrivent dans les filières scientifiques.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sophie Blanc.

    Mme Sophie Blanc (RN)

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    La peur est devenue la compagne encombrante des enseignants et des chefs d’établissement confrontés à l’effacement de la laïcité et à la montée de l’islamisme radical. Depuis des mois, le Gouvernement se paye de mots face à la montée des revendications identitaires et religieuses, qui s’accompagnent, au mieux, de menaces verbales, et, au pire, d’attaques physiques. (M. Rodrigo Arenas s’exclame.)
    Depuis 2017, deux professeurs ont été assassinés au nom de l’islamisme politique : Samuel Paty et Dominique Bernard, dont je tiens à saluer la mémoire. La situation n’a fait que se dégrader. J’en veux pour preuve la démission du proviseur du lycée Maurice-Ravel, qui n’avait fait qu’appliquer la loi en refusant le port du voile dans son établissement ; les menaces de mort proférées à l’encontre du proviseur d’un lycée d’Ivry-sur-Seine ; ou la fatwa lancée, il y a quinze jours à peine, contre un autre proviseur, cette fois à Neuilly-sur-Marne. Par précaution, ce dernier a décidé de ne plus se rendre sur son lieu de travail après la distribution d’un tract l’accusant d’islamophobie.

    M. Idir Boumertit

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    C’est votre fonds de commerce !

    Mme Sophie Blanc

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    Face à la haine, aux menaces et aux pressions, les enseignants et les chefs d’établissement se sentent abandonnés par leur hiérarchie. Les notes du renseignement territorial du ministère de l’intérieur d’octobre 2022 montrent que ces incidents sont orchestrés, coordonnés et relayés par les réseaux fréristes très bien implantés en France. (M. Benjamin Lucas-Lundy s’exclame.)
    Pour eux, l’école est un enjeu important, un relais de leurs idées antirépublicaines, un lieu de propagande et de pression.

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Et vos amis de Parents vigilants, ils ne font pas de l’entrisme ?

    Mme Sophie Blanc

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    L’islamisme radical nous a déclaré la guerre. Le Gouvernement finira-t-il par déclarer la guerre aux islamistes infiltrés dans nos écoles, et, si oui, comment ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    N’est-ce pas M. Odoul qui cherche à entrer par la force dans les lycées ?

    M. Idir Boumertit

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    Ce n’est pas le bon débat !

    M. Rodrigo Arenas

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    On dirait David Vincent : on les a vus !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre.

    Mme Nicole Belloubet, ministre

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    Je répète ce que j’ai déjà eu l’occasion de dire devant votre assemblée : en aucun cas, l’école ne doit être le lieu du séparatisme et de la haine. Nous luttons sans exception contre toutes les formes de terrorisme qui peuvent se propager aux alentours de l’école ou s’y introduire insidieusement.
    Permettez-moi de vous le rappeler : la laïcité est le point commun sur lequel nous sommes d’une intransigeance totale. Nous considérons qu’elle est le seul terreau unitaire sur lequel nous pouvons nous arrimer et vivre ensemble.

    M. Rodrigo Arenas

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    Même à Stanislas ?

    Mme Nicole Belloubet, ministre

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    Nous devons protection à nos professeurs et à l’ensemble de la communauté éducative. Cette protection passe par plusieurs méthodes et moyens. D’abord, lorsque cela est nécessaire, nous organisons une collaboration très forte avec les forces de l’ordre. Cela a été le cas, vous le savez, au lycée Maurice-Ravel, dès que des difficultés y  sont survenues. Nous agissons ensuite sur le plan pédagogique : les équipes Valeurs de la République sont à la disposition immédiate des enseignants et des équipes d’établissement.

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Le Rassemblement national devrait arrêter avec ses obsessions !

    Mme Nicole Belloubet, ministre

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    Pour conforter les équipes travaillant au niveau académique, j’ai également créé une force mobile scolaire qui, dès la rentrée de septembre, viendra en appui à tout établissement qui demanderait à être accompagné dans le domaine éducatif. Je ne vous parle pas des soutiens psychologiques et juridiques, ni du fait que l’État se portera systématiquement partie civile. Tout cela est de nature à former un bouclier de protection autour de nos enseignants. Je vous assure qu’ils ne sont pas seuls. Ils savent que nous sommes à leurs côtés ; c’est évidemment notre premier devoir.

    Mme Emmanuelle Anthoine

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    Ils n’en ont pas conscience !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Marie-France Lorho.

    Mme Marie-France Lorho (RN)

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    Avec l’adoption de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, le Gouvernement a bouleversé la vie des foyers qui pratiquaient l’instruction en famille. Alors que Jean-Michel Blanquer avait indiqué que cette forme d’instruction, dès lors qu’elle serait bien faite, pourrait continuer, la multiplication des refus concernant les élèves scolarisés de plein droit au cours des deux dernières années montre que la promesse n’a pas été tenue. Si une telle tendance est alarmante, l’absence de transparence sur le sujet l’est encore plus.
    En réponse à ma question écrite no 10975, vous m’indiquiez que le pourcentage du nombre d’autorisations sur le nombre de demandes instruites était de 89,87 %. Ce taux intègre les élèves de plein droit et ne rend donc pas compte de la réalité. En réalité, la part de primo-accédants recevant des refus est beaucoup plus élevée et atteint plus de 50 % dans certaines académies.
    Cette confusion dans les chiffres a conduit Mme Prisca Thevenot à évoquer en octobre dernier alors qu’elle était secrétaire d’État chargée de la jeunesse et du service national universel, un taux de refus à 11 % au lieu de près de 40 %.
    Pouvez-vous nous communiquer, académie par académie, le taux de refus de demandes d’instruction en famille, en excluant les cas d’élèves déjà autorisés à recevoir cette instruction ? Votre prédécesseur, Pap Ndiaye, a reconnu que le ministère péchait en matière d’égalité territoriale et que certaines académies refusaient beaucoup plus de demandes que d’autres.

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Il a été démissionné sur votre ordre !

    Mme Marie-France Lorho

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    Alors que nous parlons de parents motivés par le bien de leurs enfants, pourquoi tant de refus d’instruction en famille ?

    M. Rodrigo Arenas

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    Vous avez eu la peau de Pap Ndiaye !

    Mme la présidente

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    Monsieur Arenas, veuillez cesser vos commentaires et laisser les autres députés s’exprimer.

    Mme Marie-France Lorho

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    Il est incompréhensible qu’une institutrice se voie refuser le droit de dispenser l’instruction en famille à ses enfants, comme cela est déjà arrivé plusieurs fois. Les chiffres établis par les associations du secteur montrent que le régime d’autorisation devient progressivement un régime d’interdiction. Il y a trois ans, le ministre délégué m’avait assuré qu’il ne s’agissait pas de supprimer toute instruction en famille, mais de faire preuve de discernement. Êtes-vous réellement déterminée à discerner correctement entre une famille Montessori et une famille enseignant un islam radical ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    On en revient toujours là !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre.

    Mme Nicole Belloubet, ministre

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    Au moment où nous parlons, je ne suis pas en mesure de vous donner les chiffres académie par académie. Bien entendu, nous les communiquerons à la représentation nationale dans les meilleurs délais.
    Pour répondre à votre question avec les chiffres dont je dispose, les demandes auraient donné lieu à une minorité de refus : 5 954 décisions de refus, soit 11,6 % des demandes. Si je comprends bien votre propos, vous contestez ce chiffre annoncé par Mme Thevenot d’après les données que nous avions dû lui fournir.
    Voici d’autres chiffres que l’on me transmet également à l’instant : 1,5 % des demandes de plein droit ont donné lieu à un refus, et 16,2 % des demandes effectuées au titre du motif 1o ; 16,3 % des demandes fondées sur le motif 2o ; 31,6 % de celles relevant du motif 3o et 34,5 % pour le motif 4o. Je veux bien regarder plus précisément ce qu’il en est, puisque vous semblez ne pas être d’accord avec ces données. Je m’engage à vous fournir les chiffres académie par académie.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Idir Boumertit.

    M. Idir Boumertit (LFI-NUPES)

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    Depuis plusieurs mois, le Gouvernement alimente l’idée d’un hypothétique ensauvagement de la société. Le Président de la République lui-même a déclaré en avril dernier que nous étions dans une société de plus en plus violente et qu’une sorte de violence désinhibée touchait nos adolescents, de plus en plus jeunes. Dans la foulée, le Premier ministre s’est fendu d’un discours autoritaire et infantilisant, en affirmant que sa boussole était l’impunité zéro, la sanction immédiate, et que « quand tu casses, tu répares ; quand tu salis, tu nettoies ; quand tu défies l’autorité, on t’apprend à la respecter ».

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Quel poète !

    M. Idir Boumertit

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    La sanction ne peut avoir d’effet que si elle est ressentie comme juste. Il est particulièrement regrettable que les recherches françaises portant sur les pédagogies scolaires, les violences et le harcèlement à l’école, ne soient ni écoutées, ni utilisées.
    Il est aussi regrettable que le Gouvernement continue à contribuer aux polémiques en tout genre, alors que les chiffres délivrés par la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) sur les signalements de violences graves en milieu scolaire montrent que sur une période de quatorze années scolaires, le taux moyen de signalement pour 1 000 élèves a oscillé entre 10,2 et 14,4. L’année dernière, ce taux était de 13,7. Autrement dit, les cas de violences n’augmentent pas et restent stables sur la dernière décennie, mais leur couverture médiatique augmente dangereusement.

    M. Rodrigo Arenas

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    C’est vrai !

    M. Idir Boumertit

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    Ainsi, en parallèle de mesures et d’annonces absurdes, tant du point de vue social qu’éducatif et pédagogique, pourriez-vous nous informer sur les mesures que le Gouvernement compte prendre afin de mettre en place un réel plan de prévention des violences scolaires ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre.

    Mme Nicole Belloubet, ministre

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    Vous évoquez la question de la violence chez les jeunes : on ne peut pas en faire abstraction, même si je ne mésestime pas l’effet de communication que vous avez évoqué.
    Au sein de l’école, il est important que chaque fait entraîne une réponse de la part des équipes éducatives. Cette réponse doit correspondre à ce que fait l’enfant ; elle doit être graduée et sa nécessité doit être appréciée, qu’il s’agisse d’une punition ou d’une sanction, si l’enfant est plus âgé.
    Je suis persuadée qu’il faut que l’école se construise avec des règles à respecter. Le cas échéant, le manquement à ces règles doit faire l’objet d’une réponse de la part des équipes éducatives. Il me semble que c’est à cette condition que nous pourrons construire du lien social et assurer l’insertion des jeunes au sein de la société – en l’occurrence, au sein de l’école.
    Vous m’interrogez aussi sur le plan de prévention que je souhaite déployer. Nous venons, vous le savez, d’engager une concertation avec l’ensemble des acteurs de l’école pour établir un panorama le plus complet possible des réponses qui peuvent être apportées aux violences. Je vous les présenterai. Je le disais à l’instant, je considère pour ma part que la prévention des violences passe par l’établissement et le respect de règles, par les cours d’empathie qui seront dispensés dès l’école primaire – ce qui me semble tout à fait essentiel – et par l’action de nos enseignants dans chaque cours et à chaque moment de la vie éducative.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Rodrigo Arenas.

    M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES)

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    Puisque vous avez évoqué les règles, madame la ministre, parlons-en ! C’est avec une indignation contenue que je m’adresse à vous ce soir, car depuis qu’Emmanuel Macron est entré en fonction, en 2017, il n’a eu de cesse de vouloir changer l’école, imposant à tous les enseignants et à tous les élèves de France un rythme effréné de réformes, sans jamais mener de concertation avec ses principaux acteurs.

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Exactement !

    M. Rodrigo Arenas

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    Ce qui lie toutes ces lois, tous ces règlements, tous ces décrets, pourrait se résumer en un seul mot : violence.
    En effet, depuis maintenant sept ans, les personnels sont méprisés, sous-payés, harcelés ; la volonté des parents s’est dissoute dans un mécanisme visant à anéantir le principe de coéducation, et les élèves sont brutalisés par ces réformes qui s’ingénient à organiser une école maltraitante : si l’on en croit une étude de L’Étudiant, Parcoursup suscite toujours autant d’inquiétude et de stress parmi les jeunes, et le service national universel veut mettre au pas la jeunesse en lui faisant jouer les petits soldats.

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Eh oui !

    M. Rodrigo Arenas

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    Il y a aussi les internats, qui ciblent les élèves les plus en difficulté et sont un facteur de discrimination, ou encore le « choc des savoirs » qui enferme les élèves dans un parcours de déclassement.
    Cette violence psychologique s’accompagne d’une violence matérielle et physique qui s’exerce régulièrement à l’encontre de nos jeunes. Je rappellerai simplement, comme mon collègue Benjamin Lucas-Lundy avant moi, les événements survenus en décembre 2018 à Mantes-la-Jolie, où 151 jeunes avaient été obligés par la police à s’agenouiller sur le sol, mains derrière le dos, contre un mur de béton, ou encore, bien plus proche de nous, l’arrestation, il y a trois jours, d’élèves d’un lycée parisien de mon arrondissement, pourtant très coté.

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Quelle honte !

    M. Rodrigo Arenas

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    J’ai vu la vidéo concernant l’un d’entre eux : bien qu’il ne manifeste aucune agressivité, il est encerclé par plusieurs policiers, arrêté puis giflé sans raison par deux fois, avant d’être placé en garde à vue – toujours sans raison, si ce n’est celle d’humilier et de faire subir une pression quasi insoutenable à des gamins d’à peine 16 ans à qui on essaie d’apprendre à ne pas relever la tête.

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Exactement ! Condamnez les violences, madame la ministre !

    M. Rodrigo Arenas

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    Cette politique de malveillance et d’intimidation permanente de nos enfants est contraire à la Convention internationale des droits de l’enfant, dont nous défendons tous, dans cet hémicycle, les principes – la France a d’ailleurs ratifié ce traité.
    Alors je vous le demande, madame la ministre : que comptez-vous faire pour que les enfants de la génération Macron ne soient pas sacrifiés sur l’autel de la violence – au point même, peut-être, d’être envoyés sur les champs de bataille européens ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.)

    Une députée du groupe RN

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    Quelle extension !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre.

    Mme Nicole Belloubet, ministre

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    S’agissant des personnels de l’éducation nationale, tout d’abord, je ne partage évidemment pas votre opinion, vous vous en doutez, selon laquelle ils seraient « méprisés, harcelés, sous-payés », pour reprendre vos termes.

    M. Rodrigo Arenas

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    Ce sont ceux de tous les syndicats !

    Mme Nicole Belloubet, ministre

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    Les personnels de l’éducation nationale ne sont pas harcelés : au contraire, nous souhaitons que les réformes, qui visent à mieux prendre en charge les élèves, soient déployées avec leur concours. Comment pourrait-il en aller autrement ?

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    En menant une concertation de seulement quarante-huit heures ? Quelle farce !

    Mme Nicole Belloubet, ministre

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    Je sais qu’il existe parfois des difficultés, mais, avec les personnels d’inspection et les chefs d’établissement, nous essayons de les résoudre autant que possible.
    Les personnels de l’éducation nationale ne sont pas méprisés, contrairement à ce que vous prétendez. C’est tout à fait inexact, c’est même à l’opposé de ce que nous cherchons à accomplir. Comment, alors que je suis moi-même professeure, pourrais-je mépriser des collègues alors que je sais l’importance de leur rôle dans la formation de notre nation ? Le terme même de « méprisé » n’est pas acceptable, si je peux me permettre cette remarque. (M. Rodrigo Arenas s’exclame.)
    Les personnels de l’éducation nationale sont sous-payés, avez-vous déclaré. Je ne rappellerai pas ici les efforts qui ont été faits en faveur des salaires des enseignants,…

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Ce n’est pas ce que disent leurs fiches de paie !

    Mme Nicole Belloubet, ministre

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    …notamment en début de carrière, puisqu’ils perçoivent aujourd’hui 2 100 euros net lorsqu’ils prennent leur premier poste, alors qu’ils ne touchaient que 1 800 euros il y a quelques années. (M. Paul Vannier s’exclame.)

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    C’est faux !

    Mme Nicole Belloubet, ministre

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    Ensuite, vous avez évoqué la « génération Macron », ces élèves qui seraient sacrifiés.

    M. Rodrigo Arenas

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    J’ai parlé des violences policières !

    Mme Nicole Belloubet, ministre

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    Je me contente de reprendre vos termes, monsieur le député : vous avez dit que la génération Macron serait une génération sacrifiée.

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Condamnez-vous les violences ?

    Mme Nicole Belloubet, ministre

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    Quand on voit le budget consacré aux services de l’éducation nationale pour assurer l’éducation de nos jeunes, quand on examine l’ensemble des dispositifs qui leur sont offerts, je ne peux pas considérer que les jeunes de cette génération soient sacrifiés.

    M. Rodrigo Arenas

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    Alors, vous trouvez normal de donner des gifles ? On parle d’enfants giflés par la police ! C’est un scandale !

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Vous ne condamnez pas cela ?

    Mme la présidente

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    S’il vous plaît, monsieur Arenas !

    M. Rodrigo Arenas

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    Pardon, madame la présidente, mais j’ai dans ma circonscription un chef d’établissement qui invite les policiers à boire le café alors qu’ils giflent les élèves et les mettent en garde à vue ! C’est un scandale !

    Mme la présidente

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    Monsieur Arenas, je vous demande de vous calmer !

    M. Rodrigo Arenas

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    Vous avez raison, madame la présidente. Je m’excuse auprès de vous, mais pas auprès de Mme la ministre.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sylvie Bonnet.

    Mme Sylvie Bonnet (LR)

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    Alors que le Premier ministre se fait le chantre de l’autorité et du rôle primordial des parents dans l’éducation des enfants, de nombreuses familles déplorent des refus arbitraires, de la part des services académiques, d’autoriser l’instruction en famille, ainsi que le climat de suspicion dont elles souffrent : elles sont obligées de se soumettre à des contrôles annuels pour obtenir le renouvellement de cette autorisation, même après qu’elles ont prouvé qu’elles se conformaient aux critères exigés pendant plusieurs années consécutives. Madame la ministre, votre gouvernement considère-t-il que les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants et, dans ce cas, allez-vous revoir les modalités de contrôle des familles et alléger le processus d’autorisation pour celles ayant démontré leur aptitude à fournir une instruction adéquate à domicile ?
    Par ailleurs, s’agissant des groupes de niveau – devenus des groupes de besoins –, qui vont faire disparaître les groupes classes, puisque neuf heures d’enseignement par semaine seront désormais dispensées de manière dissociée, pourquoi n’avez-vous pas envisagé une expérimentation, comme pour l’uniforme, avant de généraliser une mesure d’une telle ampleur, sans l’avoir testée et alors même qu’elle est décriée par les enseignants ?

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre.

    Mme Nicole Belloubet, ministre

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    S’agissant de l’instruction en famille, je vous rappelle que la loi confortant le respect des principes de la République de 2021 visait à protéger les enfants : c’est bien cet objectif qui a conduit à passer d’une logique de déclaration à un régime d’autorisation. Les équipes académiques qui effectuent les contrôles sont évidemment accompagnées pour traiter équitablement les demandes qui leur parviennent, et c’est bien dans cet esprit que nous y répondons. Néanmoins, c’est la deuxième fois que je suis interrogée sur ce sujet : peut-être faudra-t-il que je vous apporte de plus amples informations sur la manière dont nous procédons.
    Par ailleurs, c’est parce que nous souhaitons vivement que l’ensemble des jeunes puissent bénéficier de ce travail en groupe que nous avons décidé de généraliser d’emblée les groupes de besoins, sans passer par une phase d’expérimentation, ce qui vous aurait semblé préférable. L’objectif, je le rappelle, n’est pas de réaliser un tri social entre les jeunes, mais de les accompagner en fonction de leurs besoins, pour améliorer leurs apprentissages. Dans ce contexte, il nous a semblé qu’une généralisation immédiate était la meilleure solution.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Marietta Karamanli.

    Mme Marietta Karamanli (SOC)

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    Alors que le Gouvernement a annoncé un objectif de réduction du déficit public, ma question concerne les moyens alloués aux établissements scolaires et le maintien des diverses composantes du dispositif du pacte enseignant.
    En effet, avant que, sous la pression, vous ne reveniez sur cette décision, votre ministère avait annoncé la réduction des dotations en heures supplémentaires annualisées – et donc en heures supplémentaires effectives – qui, selon plusieurs sources, pourrait atteindre 100 millions d’euros. Il est également question de faire évoluer l’application du pacte enseignant, qui permet à ceux qui sont volontaires de s’engager dans des missions supplémentaires. Dans le second degré, par exemple, seules les missions de remplacement seraient encore autorisées dans ce cadre.
    J’ai donc une triple interrogation, madame la ministre. Les autres missions devant les élèves, comme les aides aux devoirs ou le soutien scolaire, tant en primaire qu’au collège ou au lycée, subiront-elles les conséquences de ces évolutions ? Quid des missions qui ne s’effectuent pas devant les élèves, comme l’accompagnement des projets pédagogiques, l’accompagnement renforcé des élèves en situation de handicap ou encore, dans le second degré, la coordination et la découverte des métiers ?
    L’empilement des dispositifs complique leur suivi, ce qui mobilise les services, et, à l’évidence, ne constitue pas une politique globale transversale attractive pour l’ensemble des enseignants. Ils restent pourtant, comme nous pouvons le constater, difficiles à remettre en cause. Afin de bien comprendre les conséquences des différentes annonces, pouvez-vous, madame la ministre, nous indiquer combien de crédits budgétaires seront finalement concernés ?

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre.

    Mme Nicole Belloubet, ministre

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    Comme annoncé, l’éducation nationale participera à la réduction de 10 milliards d’euros des dépenses annoncée par le Gouvernement à hauteur de 683 millions d’euros. Cette restitution budgétaire répond à plusieurs principes : afin d’assurer la prochaine rentrée scolaire, j’ai en effet souhaité que tous les postes d’enseignant et toutes les heures supplémentaires annualisées (HSA) soient préservés. Nous avons donc cherché d’autres sources d’économies en écrêtant un certain nombre de dispositifs.
    Le pacte enseignant, auquel nous avons consacré 744 millions d’euros pour l’année scolaire 2023-2024, sera doté du même budget l’an prochain, mais nous avons souhaité le recentrer sur certaines missions : le remplacement de courte durée (RCD) sera désormais une mission prioritaire, bien que non exclusive. L’aide aux devoirs étant financée tantôt par des missions dans le cadre du pacte enseignant, tantôt par des heures supplémentaires, le cumul de ces deux dispositifs nous permettra évidemment de maintenir le dispositif Devoirs faits, comme cela a été possible cette année. Et nous veillerons à ce que les missions qui ne s’effectuent pas devant les élèves, notamment la participation à d’autres dispositifs, puissent se dérouler dans les meilleures conditions possibles.
    La restitution d’autres postes budgétaires, comme des fonds de réserve qui n’étaient pas utilisés, complétera les mesures d’économies qui nous sont demandées.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Paul Molac.

    M. Paul Molac (LIOT)

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    Je tenais à vous remercier d’avoir finalement autorisé la traduction des intitulés du brevet ; cette question avait suscité un certain émoi, en particulier parmi les principaux intéressés, c’est-à-dire les élèves.
    Comme vous avez évoqué des changements de maquette de formation et de recrutement, j’aimerais vous interroger sur le concours spécial de recrutement des professeurs des écoles dans le cadre duquel les candidats sont évalués à la fois en mathématiques et en français, comme au cours du CRPE, mais aussi en langue régionale – d’où le terme « spécial ». Il ne faudrait pas que ce concours spécial soit oublié dans la fameuse maquette à venir ; lors de la dernière réforme, un certain nombre de députés et d’associations avaient dû monter au créneau pour rappeler au ministère que ce concours existait. Je voulais attirer votre attention sur ce point.
    Ma seconde question concerne la formation des futurs enseignants à la didactique. L’enseignement de la langue régionale, dans le cadre du bilinguisme français-langue régionale, devra être bien intégré à la formation, afin que les enseignants continuent à étudier la langue régionale et à l’assimiler. Il serait également bienvenu que leurs collègues des filières monolingues puissent accéder à un module expliquant ce qu’est l’enseignement bilingue – l’enseignement bilingue français-langue régionale est en effet majoritairement proposé dans l’enseignement public, donc dans des écoles où se trouvent à la fois des filières bilingues et monolingues, qui fonctionnent parfois de façon cloisonnée.
    Pour finir, le Capes bivalent ne porte pas ses fruits.

    Mme la présidente

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    Je vous prie de bien vouloir conclure, monsieur Molac.

    M. Paul Molac

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    Ce certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré n’offre pas assez de places, ce qui rend difficile les remplacements. Et puis, s’agissant par exemple de la musique, du sport, ou des sciences de la vie et de la terre, les enseignants… (Mme la présidente coupe le micro de l’orateur, dont le temps de parole est écoulé.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre.

    Mme Nicole Belloubet, ministre

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    Je ne suis pas sûre d’avoir la compétence nécessaire pour répondre à l’instant sur l’ensemble du champ sur lequel vous m’interrogez. La réforme de la formation des enseignants, qui répond au déficit d’attractivité que nous avons relevé, nous permet d’offrir un certain nombre de parcours. Les langues régionales, incluses dans les épreuves des concours du premier comme du second degré, lors de l’admissibilité comme de l’admission, seront, me dit-on, naturellement intégrées, sans changement, aux nouvelles épreuves des concours car il s’agit, comme vous l’avez rappelé, d’un concours spécial.
    Je ne sais pas si cela peut vous rassurer ; en général, l’absence de changement rassure (sourires), j’espère que c’est le cas. Je vous confirme que le concours de l’agrégation section langues de France n’est pas concerné par la réforme de la formation initiale des enseignants ; les choses restent donc en l’état.
    Pour ce qui est de votre question sur le Capes, je ne sais pas très bien comment vous répondre à ce stade, mais je le ferai par ailleurs.

    M. Paul Molac

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    On en reparlera !

    Mme la présidente

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    Le débat est clos.

    3. Ordre du jour de la prochaine séance

    Mme la présidente

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    Prochaine séance, aujourd’hui, à quinze heures :
    Questions au Gouvernement ;
    Questions sur le thème : « Bilan de la stratégie nationale de sécurité numérique » ;
    Débat sur le thème : « L’impact du pacte sur la migration et l’asile sur la France ».
    La séance est levée.

    (La séance est levée, le mardi 7 mai 2024, à zéro heure cinq.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra