XVIe législature
Session ordinaire de 2023-2024

Deuxième séance du lundi 13 mai 2024

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Deuxième séance du lundi 13 mai 2024

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet

Mme la présidente

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

    1. Modification du corps électoral pour les élections au Congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie

    Suite de la discussion d’un projet de loi constitutionnelle

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle portant modification du corps électoral pour les élections au Congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie (nos 2424, 2611).

    Discussion des articles (suite)

    Article 1er (appelé par priorité - suite)

    Mme la présidente

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    Cet après-midi, l’Assemblée a entamé la discussion de l’article 1er, s’arrêtant aux amendements identiques nos 11 et suivants.
    Sur ces amendements, je suis saisie par les groupes Renaissance et Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de cinq amendements identiques, nos 11, 27, 37, 43 et 183, visant à supprimer l’article.
    La parole est à M. Arthur Delaporte, pour soutenir l’amendement no 11.

    M. Arthur Delaporte

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    Si nous souhaitons tous que les débats se tiennent dans la sérénité, il n’en demeure pas moins que la situation est très tendue. Il nous incombe donc de ne pas jeter d’huile sur le feu. (M. Antoine Léaument applaudit.)
    L’article 1er a contribué à créer la tension que nous connaissons. En effet, comme nous avons eu l’occasion de le dire dans notre motion de rejet, pour la première fois depuis 1988, le législateur est appelé à réformer les règles régissant la composition du corps électoral des assemblées provinciales et, partant, l’accès à la citoyenneté calédonienne sans qu’il y ait eu un accord local. Il suscite ainsi des tensions identitaires.
    Nous avons évoqué tout à l’heure une situation de décolonisation inachevée. Dans sa résolution de décembre 2013 relative au peuple calédonien, l’assemblée générale de l’ONU expose qu’il faut continuer à l’accompagner dans son émancipation. Cela signifie que le processus par lequel les dérogations concernant le corps électoral sont accordées n’est pas abouti.
    Vous avez tenu, monsieur le ministre de l’intérieur, de grands discours sur le principe d’universalité, mais que consacre cette loi, sinon une dérogation à un tel principe ? En reconnaissant l’existence d’un corps électoral glissant pour les élections provinciales, nous n’alignons le droit applicable en Nouvelle-Calédonie ni sur le droit régissant les élections au suffrage universel en métropole, qui sont ouvertes à tous, ni sur celui régissant les élections nationales organisées en Nouvelle-Calédonie – élections municipales, législatives, européennes.

    M. Bastien Lachaud et M. Antoine Léaument

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    Et voilà !

    M. Arthur Delaporte

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    Il y a une certaine incohérence à s’affirmer universalistes et à perpétuer, dans les faits, une dérogation à l’universalisme au motif – vous l’avez reconnu – que la décolonisation n’est pas achevée. Nous devons suspendre ce processus dans l’attente d’un accord global. Seule une réforme institutionnelle permettra d’avancer de manière consensuelle vers le dégel du corps électoral souhaité par de nombreux acteurs. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Tematai Le Gayic, pour soutenir l’amendement no 27.

    M. Tematai Le Gayic

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    Comme il a été rappelé, les accords de Matignon et de Nouméa ont consacré le principe d’une citoyenneté. L’objectif était que le processus engagé s’accompagne de la création d’un vivre-ensemble, d’un destin commun, d’un peuple commun. Cette citoyenneté permet en outre la protection de l’emploi local et l’acquisition du droit de vote.
    Or le présent texte retire à la citoyenneté sa légitimité et son importance – le terme, en effet, n’y figure pas. Voteront ceux qui sont nés en Nouvelle-Calédonie ou qui y sont domiciliés depuis plus de dix ans. Le principe même de la citoyenneté n’est donc pas au principe du contrat proposé ici.
    L’objectif de la citoyenneté, j’y insiste, est la création d’un peuple : que le petit-fils de Nicolas puisse demain parler paicî, que celui de Ouamitan parle futunien, que celui de Philippe puisse parler drehu, que la force de la communauté caldoche soit reconnue par les walisiens et que les terres coutumières soient utilisées par toutes les communautés à des fins agricoles. C’est ça, le destin commun !
    Au moment où nous posons la première pierre de ce nouveau destin commun, nous ne parlons que des élections et du droit de vote en oubliant l’essentiel. Cela me gêne. Comment faire du peuple calédonien un véritable peuple, qu’il n’est pas aujourd’hui, voilà la vraie question. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR-NUPES et LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Paul Molac, pour soutenir l’amendement no 37.

    M. Paul Molac

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    Nous vivons un moment particulier. Le rapporteur déclare, d’une certaine manière, qu’il est attaqué sur sa terre. Mais les Kanaks ont le même sentiment. Ils ont peur de la submersion par des gens venant de la métropole et peur d’être encore plus minoritaires : là est la difficulté.
    Si nous ouvrons le corps électoral sans accord global, nous donnons l’impression de leur forcer la main, de ne pas leur laisser de choix. Cela donne des armes aux extrémistes de tous bords. (M. Arthur Delaporte applaudit.) Sans accord global et local, nous ne pourrons avancer.
    L’histoire de la Nouvelle-Calédonie est marquée par des soubresauts violents. J’appelle votre attention sur ce fait. Ne faisons pas n’importe quoi ! Nous devons être très prudents. Il n’est pas question de la France hexagonale ; la façon de penser est différente. De plus, nous ne pouvons ignorer le fait colonial. C’est pourquoi je défends cet amendement de suppression. (Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT et LFI-NUPES.)

    M. Antoine Léaument

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    Bien parlé !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir l’amendement no 43.

    M. Bastien Lachaud

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    On parle souvent des accords de Matignon-Oudinot et de Nouméa en oubliant malheureusement Nainville-les-Roches où, en 1983, se réunissent les indépendantistes et les non-indépendantistes sous l’égide du secrétaire d’État aux départements et territoires d’outre-mer (DOM-TOM) de l’époque. Les indépendantistes alors acceptent de considérer les descendants de colons, volontaires ou involontaires, qui vivent en Nouvelle-Calédonie comme des « victimes de l’histoire » avec lesquelles ils consentent à participer au processus d’autodétermination. C’est un fait unique dans l’histoire coloniale du monde entier.

    Mme Caroline Abadie

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    Justement !

    M. Bastien Lachaud

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    Jamais aucun peuple colonisé n’avait accepté que les descendants de colons se joignent au processus d’autodétermination.
    Tous les référendums qui ont eu lieu par la suite sont issus de cet accord de Nainville-les-Roches, refusé à l’époque par les non-indépendantistes.
    À lire votre texte, monsieur le ministre, vous oubliez que la Nouvelle-Calédonie a été une colonie de peuplement, à l’origine d’un profond traumatisme pour le peuple premier et pour les indépendantistes. Vous leur rappelez la lettre de Pierre Messmer de 1972 et leur faites craindre d’être submergés. L’ONU le déclare : un pays qui gère un territoire non autonome ne doit pas modifier le corps électoral d’une manière qui pourrait occasionner la submersion du peuple premier. Or c’est malheureusement ce que vous faites avec ce texte.
    Vous avez tort d’affirmer que les accords de Nouméa sont terminés. Ils ne le sont pas et doivent s’appliquer tant qu’il n’y aura pas de nouvel accord. Ils incluent l’idée de la citoyenneté calédonienne, idée qui ne peut être forcée. Elle doit être définie en commun par les Calédoniens eux-mêmes. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sabrina Sebaihi, pour soutenir l’amendement no 183.

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Ce que nous essayons de vous dire depuis plusieurs semaines, c’est que la méthode que vous employez pour faire passer ce texte est problématique : vous modifiez le corps électoral sans tenir compte du fait que la Nouvelle-Calédonie est un territoire à décoloniser, sans tenir compte de l’histoire de ce territoire.

    M. Jean-Victor Castor

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    Elle a raison !

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Nous sommes dans l’incertitude. On nous fait voter un texte à marche forcée sans que nous sachions s’il ira, ou non, à Versailles – vous avez d’abord parlé de réunir le Congrès fin juin, puis début juillet –, sans savoir même s’il s’appliquera. En effet, pour reprendre votre expression, si « un accord sérieux » est trouvé, il ne sera pas tenu compte de ce texte. Mais qui décide si un accord est sérieux ? Comment laisser se dérouler les discussions avec cette épée de Damoclès ?
    Vous cherchez à imposer votre calendrier. Vous savez parfaitement que les élections pourraient être reportées à l’année prochaine, laissant aux parties le temps de parvenir à un accord global, de manière à ne pas brusquer les choses et à éviter toute explosion de violence en Nouvelle-Calédonie.

    M. Bruno Millienne

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    Vous direz la même chose dans un an !

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Nous ne comprenons pas cette précipitation.
    Nous avons donc déposé un amendement de suppression de l’article car nous considérons que ce texte est dangereux. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Nicolas Metzdorf, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission.

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    Aucun des orateurs s’étant exprimé au cours de la discussion générale eux n’a remis en cause le dégel du corps électoral. Maintenant, j’entends certains collègues dire que ce dégel va rompre les équilibres démographiques en Nouvelle-Calédonie. Soyez précis : vous êtes pour le dégel ou contre le dégel ? Je n’ai pas compris.

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Nous sommes pour un accord.

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    J’ai même entendu que le dégel du corps électoral allait conduire à la recolonisation de la Nouvelle-Calédonie.

    M. Bastien Lachaud

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    Qui a dit ça ?

    M. Arthur Delaporte

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    Ce n’est pas ce qui a été dit !

    M. Antoine Léaument

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    Qui a dit ça et quand ?

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Par ailleurs, M. Lachaud a eu raison d’évoquer l’accord de Nainville-les-Roches, mais il s’est trompé en affirmant que les non-indépendantistes y avaient participé, ce qui n’est pas vrai.

    M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer

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    En effet.

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Le RPCR, le Rassemblement pour la Calédonie dans la République, de Jacques Lafleur, avait refusé.

    M. Bastien Lachaud

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    C’est bien ce que j’ai dit !

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    En ce cas, dont acte.
    Si nous avons refusé cet accord à l’époque, monsieur Lachaud, c’est parce que nous n’avons pas à être accueillis en Nouvelle-Calédonie ; personne ne vous accueille quand vous êtes chez vous. Nous sommes nés en Nouvelle-Calédonie : nous sommes chez nous.
    D’ailleurs, si vous appliquiez votre raisonnement à la France métropolitaine, vous devriez changer de travée dans l’hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE ainsi que sur plusieurs bancs des groupes Dem et HOR. – Exclamations prolongées sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Eh oui ! Il a raison !

    M. Manuel Bompard

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    C’est insupportable !

    Mme la présidente

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    Laissez le rapporteur s’exprimer : l’hémicycle est le lieu des désaccords.

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Enfin, vous dites en substance : « Attention à ce que vous faites car, sinon, vous allez créer de la violence. » Je vous dirai simplement qu’entre la démocratie et la violence, j’ai choisi mon camp.

    M. Éric Coquerel

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    Faites attention à ce que vous dites !

    M. Pierre Henriet

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    Pas de menaces, monsieur Coquerel !

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Et sachez que, pour nous, la violence en Nouvelle-Calédonie ne fera jamais reculer la démocratie. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LR et Dem.)

    M. Bruno Millienne

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    C’est exactement ça !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer, pour donner l’avis du Gouvernement.

    M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer

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    Il est défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Danièle Obono.

    Mme Danièle Obono

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    Au-delà même du fait qu’il s’agit d’un texte à valeur constitutionnelle, chacun prend la mesure de la gravité du sujet, s’agissant d’un processus entamé il y a de nombreuses années et qu’il a été difficile de mener à bien. Dès lors, il serait bon d’éviter les caricatures : elles ne sont non seulement pas nécessaires, mais elles ne font qu’abaisser le débat.
    Personne ici, en tout cas pas nous, ne prétend choisir à la place des Calédoniens et des Calédoniennes pour savoir quel doit être leur avenir commun. Personne n’a soutenu qu’il fallait maintenir tel quel le périmètre électoral. Mais nous, nous vous disons qu’on ne peut en décider à la place de 40 % de la population (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Marcellin Nadeau applaudit également), à savoir le peuple premier, n’en déplaise à M. le rapporteur.
    Je ne remets pas en cause votre sincérité, monsieur le rapporteur, mais la réalité, c’est qu’il y a eu une colonisation ; et ce n’est pas seulement le passé, mais aussi le présent de la Nouvelle-Calédonie. On en retrouve la marque dans les inégalités systémiques au niveau économique, social et politique. (Mêmes mouvements.) À cet égard, l’accord de Nouméa a réussi à enclencher un processus inédit dans l’histoire de notre pays, cela a été rappelé. Mais vous êtes en train de renvoyer la Nouvelle-Calédonie trente ans en arrière. (Mêmes mouvements.)
    Je constate que vous et vos collègues nous insultez à longueur de temps. (Exclamations et rires sur de nombreux bancs des groupes RE et Dem.)

    M. Bruno Millienne

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    C’est l’hôpital qui se moque de la charité !

    Mme Danièle Obono

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    Cela vous fait rire mais, de toute façon, nous savons répondre à vos insultes. La vraie question, c’est l’avenir des Calédoniens et des Calédoniennes dont vous prétendez décider. Mais vous deviez écouter nos arguments et y répondre sur le fond. C’est ce que nous vous demandons. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    Merci de conclure, madame Obono.

    Mme Danièle Obono

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    Et c’est au nom du peuple calédonien que nous proposons la suppression de l’article 1er, peuple dont vous prétendez… (Mme la présidente coupe le micro de l’oratrice, dont le temps de parole est écoulé. – Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Max Mathiasin applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Arthur Delaporte.

    M. Arthur Delaporte

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    Sur ces cinq amendements de suppression, le ministre s’est contenté de donner un avis défavorable alors même qu’il y a des arguments qui, à mon avis, méritent une réponse.
    Le premier argument, monsieur le ministre, se résume en une question : pourquoi avez-vous besoin de faire cette réforme puisqu’elle n’est pas nécessaire à court terme, le Conseil d’État ayant indiqué que le dégel du corps électoral pourrait s’étendre sur une durée de dix-huit mois ?
    Deuxième argument : cet article va prolonger une situation d’inégalité d’accès au corps électoral, ce qui est d’ailleurs souhaitable dans le cadre d’un processus de décolonisation, mais contredit votre argument relatif à l’universalité.
    Le troisième, c’est que cette réforme constitutionnelle, contrairement aux précédentes, est engagée contre la volonté de certaines parties et en l’absence de consensus transpartisan à l’échelle de l’Assemblée nationale.
    Le quatrième est complémentaire du précédent : nous parlons de la citoyenneté calédonienne, dont dépend l’accès au corps électoral. C’est un point central qui devrait figurer dans un accord global. Pourquoi donc voulez-vous découper le dispositif ? Pourquoi vouloir faire passer la charrue avant les bœufs, ce qui ne fait qu’engendrer des tensions ?
    J’espère que sur ces différents points, nous obtiendrons des réponses. Mais j’ai l’impression, monsieur le rapporteur, que vous en restez à des arguments un peu simplistes (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RE et HOR),…

    M. Emmanuel Lacresse

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    Oh !

    M. Arthur Delaporte

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    …répétant : « La démocratie, la démocratie, la démocratie… » Mais derrière le mot « démocratie », il y a aussi le respect de la parole donnée par la République et le fait que la Constitution a reconnu qu’il y avait des accès différenciés à la citoyenneté. Certes, nous sommes le constituant et, à ce titre, nous sommes libres, mais nous n’en devons pas moins respecter notre parole. La République française devrait s’honorer de respecter sa parole, c’est-à-dire de ne pas remettre en cause les accords signés à Matignon puis à Nouméa. (MM. Antoine Léaument et Hadrien Clouet applaudissent.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin

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    Quelques éléments de réponse sur le fond puisque nos collègues les demandent, et ce pour remettre quelque peu les choses en perspective. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Ce n’est pas à vous qu’on les demande !

    M. Philippe Gosselin

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    Les accords de Matignon et de Nouméa ont impliqué en effet un processus très singulier, totalement exorbitant du droit commun.

    M. Arthur Delaporte

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    Tout à fait !

    M. Philippe Gosselin

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    Le Parlement n’a été que le greffier de la situation et des conclusions qui émanaient des différentes parties. La recherche du consensus doit se poursuivre.
    Reste que nos débats ne portent pas uniquement sur l’accord global. Nous l’appelons aussi de nos vœux, vous le savez bien, chers collègues, puisque j’ai présidé la mission d’information sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. Nous partageons vos inquiétudes et sommes d’accord sur l’importance d’aboutir à un accord global, c’est-à-dire à la fois institutionnel, économique et social, avec en toile de fond la crise économique et démographique, particulièrement intense en ce moment.
    Toutefois, il ne s’agit pas ici seulement d’un accord institutionnel, mais d’une remise en cause de droits fondamentaux ! Et pour nous, cela dépasse largement le cadre de l’accord global. Le titre XIII de la Constitution a certes permis pendant un temps, et personne n’a trouvé à y redire parce que la raison devait l’emporter, de se placer totalement en dehors des éléments fondamentaux d’une démocratie en ne respectant plus le principe « un homme, une voix » ; mais ce temps, compte tenu des référendums, est révolu. Le titre XIII, de fait, n’existe plus. Je crois donc qu’on peut parfaitement séparer la question du dégel du corps électoral des autres questions…

    M. Davy Rimane

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    Mais non !

    M. Philippe Gosselin

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    …auxquelles il est également nécessaire de répondre pour réaliser ce destin commun que nous appelons tous de nos vœux.

    M. Bruno Millienne

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    Très bien !

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Il faudrait un référendum sur le dégel du corps électoral.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Il me semblait, monsieur Delaporte, et je ne le dis pas pour vous être désagréable, que j’avais déjà largement répondu, à l’issue de la discussion générale, aux arguments que vous venez d’exposer. Je veux bien néanmoins réitérer mes éléments de réponse, vu l’importance du débat.
    Tout d’abord, vous vous demandez ce qui oblige le Gouvernement à proposer cette réforme dès à présent puisqu’il a encore dix-huit mois pour le faire. Mais je ne sais pas où vous allez chercher ces dix-huit mois qui ne sont pas inscrits dans le projet de loi, il ne s’agit que d’une proposition gouvernementale. Je note que c’est souvent l’opposition qui cite le Conseil d’État ; aussi permettez-moi de m’y référer à mon tour, en l’espèce les points 7 et 8 de son avis sur le projet de loi constitutionnelle – je vous invite d’ailleurs à mentionner tous les autres points, qui renforcent ceux que je vais citer : « Le Conseil d’État rappelle qu’après la troisième consultation sur l’accession à la pleine souveraineté, le processus initié par l’accord de Nouméa a été complètement mis en œuvre. »

    M. Arthur Delaporte

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    Le processus n’est pas fini !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Ce n’est pas le Gouvernement qui le dit : c’est le Conseil d’État lui-même. Il ajoute : « Si les règles qui avaient été définies par l’accord demeurent en vigueur […], l’ampleur de la dérogation qu’elles apportent au principe d’universalité – je renvoie à l’intervention de M. Guedj lors de la discussion générale – et d’égalité du suffrage tend à s’accroître avec le temps. » J’ai moi-même démontré que la liste électorale finirait par fonctionner avec des élections sans électeurs… En effet, s’il faut être né avant 1998 pour pouvoir voter aux élections provinciales, avouez que ce ne sera pas facile aux électeurs nés ou arrivés après, de s’arranger pour être tout de même nés avant cette année-là.

    M. Arthur Delaporte

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    Ça n’a rien à voir avec ce que j’ai dit !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Le Conseil d’État l’écrit de manière plus juridique, mais son affirmation selon laquelle l’inégalité du suffrage tend « à s’accroître avec le temps » veut dire la même chose. En l’état actuel, une liste électorale sera demain établie pour zéro électeur en vue d’une élection… C’est absurde. « Ces règles étant consacrées par la Constitution – ajoute le Conseil d’État –, l’intervention du pouvoir constituant – vous, législateur, ou le Président de la République s’il décidait d’un référendum – est nécessaire pour les adapter afin de tenir compte de la situation présente et de son évolution, notamment démographique, en ce qui concerne la composition du corps électoral […]. »
    Le huitième point est encore plus intéressant, et il apporte de l’eau à votre moulin. Il démontre que vos arguments ne sont objectivement que sophismes : « Le Conseil d’État estime que les règles qui définissent aujourd’hui l’établissement du corps électoral de la liste spéciale pour l’élection du Congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie présentent un risque nouveau d’entrer en contradiction – excusez du peu ! –, d’une part avec les principes constitutionnels […], d’autre part avec les engagements internationaux de la France […]. »

    M. Arthur Delaporte

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    Ah, ça !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Il est vrai qu’on peut ironiser sur le principe de la démocratie, monsieur Delaporte. Quel drôle de rapporteur êtes-vous en effet, monsieur Metzdorf, à vouloir absolument évoquer la démocratie quand on débat à l’Assemblée nationale des principes de l’élection et du suffrage ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Manuel Bompard

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    Pathétique !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    C’est vraiment étonnant de vouloir qu’une élection puisse se tenir…

    Mme Mathilde Panot

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    Soyez un peu à la hauteur du débat ! (Protestations sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Ce n’est pas parce qu’on crie fort, madame, qu’on a raison ; manifestement, c’est plutôt l’inverse. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Je poursuis. Quel drôle de débat parlementaire : que viennent faire le Gouvernement et le rapporteur dans cette galère, à vouloir absolument que les élections puissent se tenir conformément aux principes constitutionnels qui fondent notre démocratie depuis presque deux siècles et demi ainsi qu’aux engagements internationaux de la France ? Allons !
    La vérité, c’est que vous et vos collègues ne proposez pas de solution alternative, et le rapporteur a eu raison de le souligner. Je note que personne ne remet en cause le dégel du corps électoral. Tout le monde répète à tout bout de champ qu’il faut un accord, mais il faut être au moins deux à y être prêts, sinon c’est compliqué d’y arriver. Et que proposez-vous alors si personne ne se met d’accord ? Rien du tout.

    Mme Sophia Chikirou

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    Renouez donc le dialogue !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Arrêtez de crier !

    Mme Sophia Chikirou

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    Je ne crie pas !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Si vous demandez la parole, je suis sûr que la présidente vous l’accordera.
    Nous, après trois ans de discussions avec les parties, nous prenons nos responsabilités parce que nous sommes au mois de mai et que c’est ce mois-ci qu’auraient dû se tenir les élections provinciales. Eh oui, les élections devraient se tenir en ce moment même en Nouvelle-Calédonie. Nous n’avons donc pas de jours supplémentaires disponibles permettant de remettre à plus tard le vote de ce texte. Nous proposons le report des élections pour laisser le soin aux parties d’aboutir enfin à un accord mais, pour vous, pas d’élections sans accord préalable, ou alors des élections qui excluent 25 % des citoyens calédoniens.

    M. Nicolas Sansu

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    Ce sont des colons !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Or, dans ce dernier cas, vous savez très bien que le Conseil d’État annulerait les résultat – son avis ne laisse pas de doute sur ce point. Si on suit votre raisonnement, tout le monde, sauf la NUPES, a tort, qu’il s’agisse des principes du droit international et des principes constitutionnels, ou encore des avis du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel, lorsque nous proposons que des citoyens calédoniens puissent voter aux élections provinciales.

    M. François Cormier-Bouligeon

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    C’est la démocratie selon Mme Chikirou !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Enfin, pour terminer, vous ne répondez pas non plus au problème suivant. Vous savez comme moi non seulement que, si nous ne faisons rien, ces élections seraient annulées, ou il n’y aurait plus d’électeurs,…

    M. Arthur Delaporte

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    Nous n’en sommes pas là !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    …ce qui rendrait absurde la tenue d’élections, mais aussi que la liste électorale spéciale provinciale est plus réduite que la liste électorale spéciale pour les consultations sur l’accès à la pleine souveraineté, sur laquelle sont inscrits les Calédoniens qui voteront sur le référendum d’autodétermination. Nous sommes dans une situation absurde où moins de personnes peuvent s’inscrire sur la liste destinée à l’élection des représentants locaux, qui ne décideront pas de l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie mais de la vie locale, que sur la liste électorale pour le référendum d’autodétermination. C’est donc bien qu’il y a quelque chose d’ubuesque, monsieur Delaporte, dans la situation issue des accords de Nouméa. Monsieur Gosselin, à juste titre, a précisé que le titre XIII de la Constitution prévoyait des « dispositions transitoires » – c’est le constituant qui l’a écrit. Cela ne veut pas dire définitif. Jusqu’à quand ? Comme le déclare le Conseil d’État, jusqu’à la fin des trois référendums et donc du processus défini par l’accord de Nouméa.
    Vous avez en outre soutenu un argument totalement fallacieux, selon lequel nous ne pouvons pas affirmer que nous sommes universalistes tout en proposant une durée de résidence de dix ans glissants. Mais cela s’appelle le compromis politique. C’est bien la preuve que nous avons fait un compromis politique. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Pierre Henriet

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    Eh oui !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    C’est bien la preuve, comme l’a très justement expliqué M. le rapporteur, que nous nous sommes alignés sur les demandes indépendantistes d’une durée de dix ans, et pas sur les demandes loyalistes de zéro ou de trois ans. Mais qu’à cela ne tienne, monsieur Delaporte : vous auriez pu déposer un amendement universaliste, comme y invitait M. Guedj, qui consistait à instaurer le suffrage universel direct en Nouvelle-Calédonie, ce qui, effectivement, aurait été une disposition intéressante pour les citoyens français de Nouvelle-Calédonie. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix les amendements identiques nos 11, 27, 37, 43 et 183.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        152
            Nombre de suffrages exprimés                152
            Majorité absolue                        77
                    Pour l’adoption                50
                    Contre                102

    (Les amendements identiques nos 11, 27, 37, 43 et 183 ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de trois amendements, nos 44, 184 et 45, pouvant être soumis à une discussion commune.
    Les amendements nos 44 et 184 sont identiques.
    La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l’amendement no 44.

    Mme Danièle Obono

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    Il correspond précisément aux demandes actuellement en discussion. Contrairement à ce que dit le ministre, ce projet de loi constitutionnelle vise à tordre le bras à l’une des parties aux négociations en cours, alors que la porte est ouverte à la discussion, notamment sur la question soulevée par cet amendement. Nous proposons d’ouvrir le corps électoral, pour les prochaines élections provinciales, aux personnes natives, puis de définir le code électoral par un code de la citoyenneté. Une telle proposition, j’y insiste, fait partie des négociations ; elle est entendue et appréciée par une partie des indépendantistes et des nationalistes. Elle pourrait faire l’objet des discussions si celles-ci aboutissaient, comme cela est prévu par l’accord de Nouméa : au terme des trois référendums, y compris s’ils sont tous les trois négatifs, il est prévu qu’un nouvel accord soit instauré dans le cadre de la décolonisation.
    Il y a donc des propositions sur la table. Il n’est pas vrai qu’il soit nécessaire de tordre le bras à une des parties pour conclure l’accord global. Si cet amendement était adopté, le débat en la matière avancerait. Ce serait le signal du rejet de la manière brusque avec laquelle vous voulez procéder au dégel du corps électoral.
    Vous ne proposez pas qu’on fusionne les trois listes électorales qui coexistent en Nouvelle-Calédonie. Dirons-nous que vous n’êtes pas un démocrate parce que vous refusez cette fusion ? Vous ne le proposez pas parce que cela ne fait pas l’objet d’un compromis, mais ce que vous proposez non plus, car une des parties, je le répète, n’est d’accord ni avec votre manière de faire ni avec la proposition qui est sur la table. En revanche, elle serait d’accord pour intégrer une partie des natifs et discuter ensuite de la composition du corps électoral. Si vous étiez cohérents, vous soutiendriez cet amendement qui permettrait le dialogue et le compromis, au lieu de passer en force comme vous voulez le faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Marcellin Nadeau applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sabrina Sebaihi, pour soutenir l’amendement no 184.

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Monsieur le ministre, lors du débat sur les amendements précédents, vous nous avez demandé ce que nous proposions, dès lors que nous étions opposés à la proposition actuelle du dégel du corps électoral. Eh bien, nous vous faisons une proposition : d’abord, il faut être raisonnable en ouvrant progressivement le corps électoral en le circonscrivant aux natifs de Nouvelle-Calédonie. Cela permettrait d’éviter que ne se produise un changement très brusque du corps électoral actuel. Cette proposition va dans le bon sens et trancherait avec la brutalité de votre projet. Surtout, par cet amendement, un peu plus de 10 000 personnes seraient ajoutées au corps électoral pour les prochaines élections : cela permettrait une transition plus juste et plus pacifiée car vous voyez bien qu’il n’y a pas actuellement de consensus autour de votre proposition – or on ne peut pas passer en force contre les principaux concernés.
    Tout le monde, je crois, est conscient du fait que, à un moment ou à un autre, il faudra poser la question du dégel du corps électoral ; mais le problème est de savoir comment procéder et comment parvenir à un consensus avec toutes les parties. Nous proposons une voie pour sortir par le haut de cette situation et éviter que le contexte ne dégénère en Nouvelle-Calédonie. (M. Marcellin Nadeau applaudit.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir l’amendement no 45.

    M. Bastien Lachaud

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    Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à l’amendement no 44 présenté par Danièle Obono. Il vise à étendre aux natifs la liste électorale sans évoquer le code de la citoyenneté. Il faut absolument avancer sur cette voie.
    Vous dites que l’accord de Nouméa a été totalement appliqué ; c’est vrai, mais cela n’empêche pas qu’il reste en vigueur tant qu’il n’y a pas de nouvel accord. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Arthur Delaporte applaudit également.) C’est en effet ce que prévoit ses dispositions et ce que le constituant a voté. L’État a donné sa parole. Revenir sur le caractère irréversible de l’accord de Nouméa, car c’est là ce que vous êtes en train de faire, c’est revenir sur la parole du constituant.
    De ce côté-ci de l’hémicycle, nous ne sommes pas de grands fans de Jacques Chirac, mais il faut quand même lui reconnaître le mérite d’avoir appliqué en 2007 le gel du corps électoral, qui faisait partie des négociations ayant abouti à l’accord de Nouméa, respectant ainsi la parole de l’État. Vous ne pouvez pas le nier, monsieur le rapporteur. D’ailleurs, M. Jacques Lafleur, qui était signataire de l’accord de Nouméa, s’est abstenu lors du vote sur le gel. Il n’a pas voté contre ; cette disposition n’a pas été imposée par l’État central aux Calédoniens.
    Dès lors que nous admettons que ce gel a été voté dans le cadre de l’accord de Nouméa, qui est irréversible et qui doit s’appliquer tant qu’il n’y a pas de nouvel accord, pourquoi sommes-nous ici ? Pourquoi ne laissons-nous pas le temps au temps afin que les Calédoniens se mettent d’accord sur un accord global ? En effet, il n’est pas possible de dégeler le corps électoral hors d’un accord global. Cela revient à questionner l’identité kanak. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Arthur Delaporte applaudit également.) Cela revient à questionner la notion de colonie de peuplement. Cela renvoie à des notions qui nous dépassent et qui n’ont pas d’autre solution que la négociation pacifique. (Mêmes mouvements.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements ?

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Je précise une nouvelle fois à M. Lachaud – cette question fait l’objet d’un débat régulier entre nous – que le gel du corps électoral en 2007 a été une décision unilatérale.

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Il n’y a pas eu d’accord.

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    En effet, il n’y a pas eu d’accord politique signé par les non-indépendantistes. Je rappelle que le RPCR avait organisé à l’époque, à Nouméa, des manifestations contre le gel du corps électoral, gel auquel le sénateur Simon Loueckhote et le député Pierre Frogier étaient alors opposés. Il y a donc un précédent, une décision unilatérale prise par l’Assemblée et le Sénat pour modifier le corps électoral en Nouvelle-Calédonie.

    M. Gérald Darmanin

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    Oui !

    M. Bastien Lachaud

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    Non !

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    C’est une réalité, monsieur Lachaud, il faut l’accepter. Les Calédoniens qui ont voté l’accord de Nouméa l’ont fait sur la base d’une liste électorale reposant sur une période glissante. Vous pourrez consulter la population, ils vous répondront toujours la même chose.

    Mme Danièle Obono

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    Ben non !

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    D’abord, comme l’a dit le rapporteur, s’il est bien que chacun exprime son opinion, que je respecte, il est cependant nécessaire de rappeler les faits. En réalité, Lionel Jospin avait prévu une période glissante de dix ans. (Protestations sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Arthur Delaporte

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    Non !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Si !
    Ensuite, chacun le sait, c’est Jacques Chirac, en raison à la fois des liens qu’il avait avec la Nouvelle-Calédonie, notamment avec une partie des indépendantistes (Mêmes mouvements), mais aussi, il faut bien le dire, pour embêter le ministre de l’intérieur de l’époque, Nicolas Sarkozy,…

    M. Nicolas Sansu

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    Non mais franchement ! Si on en est là…

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    …qui a décidé unilatéralement (Mêmes mouvements)

    M. Nicolas Sansu

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    C’est ça, vos arguments ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Je décris la situation de 2007.

    M. Nicolas Sansu

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    J’espère que nous sommes au-dessus de ça quand même !

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    Vous ne pouvez pas écouter ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Chacun le sait, notamment parce que M. Frogier avait choisi, jadis, le camp de M. Balladur. La décision de geler le corps électoral a donc été prise en raison de liens avec les indépendantistes, pour assurer la paix publique en Nouvelle-Calédonie, et pour des raisons politiques.

    M. Nicolas Sansu

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    C’est de la tambouille !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    M. le rapporteur a eu raison de dire qu’il n’y a pas eu d’accord électoral à l’époque. C’était une décision unilatérale du président Chirac contre l’avis d’une partie à l’accord, et même d’une partie très importante, le RPCR, auquel appartenait M. Frogier, et donc des loyalistes. Ne prétendez donc pas que, depuis toujours, il y a eu un accord en Nouvelle-Calédonie sur la constitution du corps électoral : ce n’est pas la vérité historique.
    Ensuite, la question de l’inclusion des natifs est intéressante. D’abord, vous évoquez l’extension des listes électorales comme s’il s’agissait d’une solution de repli ; c’est quelque peu étonnant. Vous avouez donc vous-même qu’il y a là une difficulté importante pour les personnes nées après 1998 en Nouvelle-Calédonie qui ne peuvent pas voter, qu’elles soient kanak ou non. Contrairement à ce que vous dites, indépendantistes et non-indépendantistes ne sont pas d’accord pour étendre les listes électorales aux natifs alors qu’ils s’opposeraient sur l’idée d’une liste électorale d’une durée de dix ans glissants. Aussi vous-mêmes êtes-vous partisans d’une décision unilatérale.
    Par ailleurs, on le sait – et vous le savez aussi, c’est pour cela que vous défendez cet argument que soutient également le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) et auquel je me suis rangé dans le préaccord que nous avions dessiné –, la majorité des natifs sont issus du monde kanak. (Protestations prolongées sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme Danièle Obono

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    Ce n’est pas vrai !

    M. Bastien Lachaud

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    C’est cinquante-cinquante !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Si, c’est le cas. D’ailleurs, le FLNKS le dit. Le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie a transmis ces informations aux partis politiques. Vous pouvez bien protester, il n’en reste pas moins que la majorité des natifs sont issus du monde kanak. Vous partez du principe que le monde kanak vote davantage pour l’indépendance, comme le montrent les arguments que vous avez défendus à la tribune, tandis que j’essayais de vous dire qu’il ne fallait pas essentialiser les personnes.
    Ce que vous a répondu M. le rapporteur est très intéressant : utilisant vous-mêmes la référence à Pierre Messmer, vous faites comme s’il y avait une équivalence entre une « colonie de peuplement » et la possibilité pour les personnes qui résident depuis plus de dix ans sur un territoire de voter aux élections locales. Vous considérez – vous avez utilisé ce terme dans trois interventions différentes – que les Kanaks seront « submergés ». (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Vous avez une drôle de conception de la citoyenneté, fondée sur le remplacement d’une population par une autre. Je pense que M. le rapporteur a eu raison de vous rappeler que ces parallèles ne nous plaisent pas beaucoup, car nous sommes universalistes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme Sophia Chikirou et M. Nicolas Sansu

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    Vous admettez donc qu’il y a des études ethniques !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Arthur Delaporte.

    M. Arthur Delaporte

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    Je n’avais pas l’intention de répondre, mais comme M. le ministre se met à parler de 2007, de Jacques Chirac, de Lionel Jospin qui n’était pas d’accord, ou je ne sais quoi, j’évoquerai René Dosière, rapporteur à l’Assemblée de la loi organique du 19 mars 1999 relative au statut de la Nouvelle-Calédonie. Il avait rappelé lors des débats en 2006 et 2007, puis de nouveau récemment, que, si le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 15 mars 1999, a d’abord soutenu que ce n’était pas là l’esprit de l’accord de Nouméa, comme le constituant et le Gouvernement savaient ce qu’ils avaient voulu faire, la réforme constitutionnelle a cependant été amorcée.
    Dominique de Villepin – citons-le également – a de son côté déclaré le 19 février 2007 : « Aujourd’hui, il nous appartient en effet de tenir la parole donnée à nos compatriotes de Nouvelle-Calédonie […] depuis 1998. » René Dosière, que j’évoquais à l’instant, a expliqué pourquoi on a considéré « l’interprétation du corps électoral figé en 1998 » comme « la seule compatible avec les principes de l’accord de Nouméa, qui étaient déjà ceux des accords de Matignon. Ces derniers prévoyaient en effet que seuls les électeurs ayant leur domicile en Nouvelle-Calédonie en 1988, donc à la date de signature des accords, pourraient voter au référendum qui aurait dû avoir lieu en 1998. Un contrat était en quelque sorte passé, pour toute la durée de l’accord, avec ceux qui étaient présents au moment où il était conclu. […] L’accord de Nouméa n’est donc pas un accord définitif supposant un renouvellement périodique du corps électoral. C’est un accord conclu entre des partenaires qui définit une citoyenneté pour une période donnée ».
    Or, monsieur le ministre, tout le monde en convient, la période de l’accord de Nouméa n’est pas achevée puisque, comme je l’ai dit dans mon intervention liminaire, le point 5 prévoit que, tant qu’il n’y a pas de nouveau statut, cette période n’est pas révolue. Le principe du corps électoral gelé voté en 2007 par le constituant est donc toujours valide jusqu’à la fin de l’accord de Nouméa, c’est-à-dire jusqu’à ce qu’on ait substitué un nouvel accord à celui-ci. Si vous le souhaitez, je relirai le point 5, car je vois votre air interloqué. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Antoine Léaument

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    C’est dans l’accord, monsieur Darmanin !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Bastien Lachaud.

    M. Bastien Lachaud

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    Je ne répondrai pas aux outrances du ministre de l’intérieur.

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    C’est juste que nous ne sommes pas d’accord !

    M. Bastien Lachaud

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    Notre collègue Delaporte a évoqué M. Dosière ; de mon côté, je citerai Jean-Jacques Hyest, ancien membre du Conseil constitutionnel : « L’intention sous-jacente de l’accord de Nouméa n’est pas d’instaurer un corps électoral glissant. » Les débats parlementaires permettant de comprendre ce que souhaitait le constituant, je rappellerai les propos tenus devant le Sénat par Jean-Jack Queyranne, secrétaire d’État à l’outre-mer au moment des accords de Nouméa : « L’accord de Nouméa ne peut en effet être interprété que d’une seule manière. Que ce soit pour les adultes ou pour les jeunes majeurs, il pose une double condition : l’inscription au tableau annexe du 8 novembre 1998 et la résidence depuis dix ans. » Peut-on être plus clair ?
    Quant aux chiffres, vous ne cessez de nous répéter que les indépendantistes acceptent le dégel du corps électoral pour les personnes inscrites sur les listes électorales depuis dix ans. Reste que c’est pour eux une durée minimale. Ils ont ensuite réclamé une étude d’impact afin d’estimer le nombre de personnes concernées aujourd’hui et dans les dix prochaines années.

    Mme Danièle Obono

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    Voilà !

    M. Bastien Lachaud

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    Monsieur le ministre, donnez-nous ces chiffres précis. Selon vous, il y a plus de natifs d’origine kanak que d’autres origines. Pourtant, tous les interlocuteurs que nous avons rencontrés nous donnent une proportion de cinquante-cinquante. Le haut-commissaire le reconnaît lui-même.
    Dites-nous ce que cela impliquera dans cinq ans. Êtes-vous au moins capable de nous dire qui est réellement inscrit sur les listes électorales de Nouvelle-Calédonie ? En effet, selon le texte, les personnes inscrites sur une liste électorale générale sont réputées résider depuis dix ans en Nouvelle-Calédonie ; or rien ne nous prouve que l’inscription sur la liste électorale vaut résidence.

    M. Manuel Bompard

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    Voilà !

    M. Bastien Lachaud

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    Quand on sait que la liste électorale de Nouvelle-Calédonie n’est pas liée à la liste nationale unique, on peut supposer qu’il y a peut-être des doubles ou de mauvaises inscriptions. Bref, il y a un doute sur ce corps électoral. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Marcellin Nadeau applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin

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    Premièrement, il est tout à fait possible que ces listes électorales comportent des imperfections. C’est pour cette raison que, tous les ans, des commissions administratives se réunissent pour effectuer le toilettage nécessaire. Il n’est donc pas impossible que certaines personnes se trouvent dans une situation litigieuse.
    Cela ne remet pas en cause le principe du texte. Aujourd’hui, une partie importante du corps électoral est évincée. Sans faire l’exégèse des propos tenus, ou qui auraient pu l’être, dans le passé – voire faire parler les morts, comme le président Chirac –,…

    M. Nicolas Sansu

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    Parce que l’autre était pour Balladur !

    M. Philippe Gosselin

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    …il faut reconnaître qu’aujourd’hui, après une longue période de vingt-cinq à trente années, il est nécessaire de revoir ce corps électoral. Ce soir, nous avons progressé puisque, au cours de la discussion générale, aucun des dix groupes représentés dans l’hémicycle ne remet en cause cette nécessité. C’est plutôt intéressant car, il y a quelque temps, le principe même de modification du corps électoral n’était pas admis par certains. Aujourd’hui, nous ne discutons que du calendrier. Les députés du groupe LFI-NUPES n’ont pas dit autre chose tout à l’heure, à moins que Mme Obono n’exprime une opinion différente.
    Deuxièmement, l’exposé sommaire des amendements fait référence à l’ONU et au fait qu’il ne doit pas y avoir de remplacement de population. Or, même dans votre propre amendement de repli, il n’est pas question d’ajouter de la population, de faire venir des gens de l’extérieur, ce n’est pas un grand remplacement.

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Exactement !

    M. Philippe Gosselin

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    Le rapport d’étape sur la situation en Nouvelle-Calédonie, publié il y a quinze jours par la délégation aux outre-mer, montre d’ailleurs bien l’absence d’affluence démographique : ce territoire perd plusieurs milliers d’habitants chaque année.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Victor Castor.

    M. Jean-Victor Castor

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    Depuis tout à l’heure, j’écoute attentivement les débats et je me dis que les Kanaks ne sont pas représentés dans cette assemblée. Certains tentent de parler en leur nom. Pourquoi les Kanaks ne sont-ils pas représentés, alors qu’il s’agit de leur pays, quoi qu’on en dise ? Il y a cent soixante-dix ans, la France est arrivée en Nouvelle-Calédonie, en Kanaky. Des gens y vivaient, ils avaient leur civilisation, leur culture.

    Mme Aude Luquet

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    Ils ont toujours leur culture !

    M. Jean-Victor Castor

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    C’était leur terre ! Comme le dit mon camarade Tematai Le Gayic, ils ont leur nombril planté là. Petit à petit, ils ont été mis en minorité chez eux. On voudrait que, par l’opération du Saint-Esprit, ces premiers habitants oublient qu’il s’agit de leur terre. Au nom de la démocratie, de notre démocratie occidentale, on leur dit qu’ils doivent accepter d’être minoritaires.

    Mme Aude Luquet

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    Non !

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Il raconte des histoires, M. Castor !

    M. Jean-Victor Castor

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    Il y a toujours eu des accords et il y en aura toujours. Je pense à l’accord de Nainville-les-Roches et à tous ceux qui ont suivi, aux termes desquels les Caldoches et d’autres personnes, venues de partout, se sont entendus avec les Kanaks.
    Au nom de quoi peut-on ici, à Paris, prendre à marche forcée des décisions au nom du peuple kanak ?

    M. François Cormier-Bouligeon

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    La Nouvelle-Calédonie, c’est la République !

    M. Nicolas Sansu

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    On disait ça aussi de l’Algérie, monsieur Cormier-Bouligeon !

    M. Jean-Victor Castor

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    Cela a débuté avec la décision du Président de la République d’organiser le troisième référendum – qui n’en est pas un parce qu’à partir du moment où l’une des parties, notamment le peuple premier, refuse de participer à ce référendum, tout tombe ! Et tout s’est effondré à partir de là.

    M. François Cormier-Bouligeon

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    C’est la démocratie !

    M. Nicolas Sansu

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    C’est la colonisation !

    M. Jean-Victor Castor

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    Vous vous appuyez sur la base de ce référendum pour reporter les élections ici, depuis Paris ! Dites-vous bien que les Kanaks n’arrêteront jamais leur combat. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES et LFI-NUPES.)

    Mme Aude Luquet

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    Arrêtez de parler pour les Kanaks !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le rapporteur.

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Je ne répondrai pas à ça…

    M. Nicolas Sansu

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    Ça ? C’est quoi, ça ?

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    …mais je souligne qu’encore une fois, vous hiérarchisez les habitants de la Nouvelle-Calédonie. C’est insupportable. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Exclamation sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Antoine Léaument

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    Ce n’est pas une hiérarchie !

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Nous sommes tous égaux.

    M. Nicolas Sansu

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    Comme les colons en Algérie !

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    J’arrête de le répéter car je sais que je ne vous convaincrai pas.
    M. Lachaud cite des personnalités socialistes qui ont analysé l’accord de Nouméa et ont considéré qu’on avait menti aux Calédoniens, le corps électoral étant gelé aux termes dudit accord.
    On parle beaucoup d’experts métropolitains ; permettez-moi de citer un Calédonien, un Kanak, un indépendantiste : je parle de Jean-Pierre Djaïwé, leader du Parti de libération kanak (Palika). Lorsque le Palika et l’Union calédonienne ont signé le document qui accordait jusqu’à dix ans glissants, concession faite aux indépendantistes, il a dit : « Nous restons dans la logique de l’accord de Nouméa qui avait fixé une durée de résidence de dix ans. »

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Très bien ! Excellent rappel, monsieur le rapporteur !

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Voilà ce qu’a dit Jean-Pierre Djaïwé ; cet avis vaut celui de tous les experts socialistes et juridiques de toute la République française.

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Voilà !

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Selon les paroles d’un indépendantiste kanak, dix ans glissants, c’est l’esprit de l’accord de Nouméa.

    Mme Danièle Obono

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    Non !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Monsieur Delaporte, les citoyens français – au sens très large du terme, pas simplement ceux qui sont en Nouvelle-Calédonie – ont voté pour l’accord de Nouméa,…

    M. Bastien Lachaud

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    Pas du tout !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    …qui a été négocié et a fait l’objet d’un accord politique entre l’État et les indépendantistes. Cet accord prévoyait expressis verbis une condition de résidence de dix ans pour pouvoir voter aux élections provinciales. C’est le vote des Français.

    Plusieurs députés du groupe LFI-NUPES

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    Mais pas dix ans glissants !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Ensuite – sans faire parler les morts, monsieur Gosselin –, le président Chirac et sa famille politique de droite ont souhaité revenir sur cette condition, voulant attendre la fin des trois référendums, en lien avec une demande des partis indépendantistes, mais sans accord des partis non indépendantistes. C’est pourquoi Dominique de Villepin a expliqué à la tribune du Congrès, à Versailles, que cette disposition, transitoire aux termes de la Constitution, serait supprimée après la tenue de deux élections provinciales et des trois référendums.
    Les citoyens français ont voté pour ce délai de dix ans. Le président Chirac, je le répète, est revenu sur cette décision et le Congrès l’a suivi. Il a ensuite été défendu, à droite comme à gauche, dans le cadre du processus issu de l’accord de Nouméa. Personne ne dit – surtout pas moi – que nous sommes à la fin des accords de Nouméa et de Matignon. Je n’ai jamais dit cela ;…

    M. Arthur Delaporte

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    C’est ce que dit le rapporteur !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    …j’ai parlé de dispositions transitoires prévues par la Constitution. Le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel l’écrivent noir sur blanc : ces tableaux électoraux pour les élections provinciales ont été constitutionnalisés. Heureusement, l’accord de Nouméa n’est pas que cela et comprend bien d’autres choses.

    M. Arthur Delaporte

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    C’est un ensemble !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Le Gouvernement n’annonce donc pas qu’il s’agit de la fin de l’accord de Nouméa. J’ai moi-même évoqué la trajectoire que nous suivons : nous poursuivons l’application de cet accord. Toutefois, celui-ci comportait des dispositions considérées comme transitoires par le constituant : je pense au tableau électoral pour les élections provinciales. La preuve en est que si nous continuons ainsi ad vitam aeternam, il n’y aura plus d’électeurs.
    Monsieur Castor, personne ne nie le drame terrible de la colonisation…

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Si !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    …et surtout pas le gouvernement de la République. La colonisation a été terrible en Nouvelle-Calédonie, colonie de peuplement, mais aussi ailleurs. Je suis parfaitement conscient que les Kanaks ont été colonisés dans des conditions affreuses – maladies microbiennes, massacres, saisie des terres et des aires coutumières. Je respecte profondément cette blessure. Toutefois, reconnaissez que les Kanaks n’ont pas été les seules victimes de l’histoire en Nouvelle-Calédonie.

    Mme Danièle Obono et M. Davy Rimane

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    Effectivement !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Je pense aux bagnards et aux milliers de déportés. Par exemple, la maire de Nouméa n’est pas kanak, mais si vous passez une heure avec elle, elle vous expliquera comment ses ancêtres ont été déportés, envoyés de force, dans des conditions ignobles, en Nouvelle-Calédonie. Ils sont depuis cent cinquante ans sur cette terre et on ne devrait pas respecter leurs droits ?

    Mme Danièle Obono

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    Les victimes forment un tout !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Des Japonais, des Maghrébins et des Antillais ont aussi été déportés en Nouvelle-Calédonie, ils ont subi des drames affreux.

    Mme Maud Petit

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    Eh oui !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Je pense en particulier aux Maghrébins qui s’étaient révoltés contre l’État colonial, du temps où l’Algérie était française. La Nouvelle-Calédonie, même si elle ne se réduit pas à ça, est une addition de victimes.

    Mme Danièle Obono

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    Attention à ne pas hiérarchiser !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Madame Obono, je vous prie de me laisser terminer sans crier. Vous devriez être d’accord avec ce que je dis, écoutez-moi quelques instants. Ce moment ne se prête pas à vos cris. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme Danièle Obono

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    Oui, oui, c’est ça… La caricature, vous connaissez !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Je vous écoute quand vous parlez, alors prenez la parole démocratiquement.
    Monsieur Castor, personne ne nie la colonisation ni la nécessité de reconnaître les drames qui lui sont liés. Nous l’avons même inscrit dans la Constitution. Ce projet de loi constitutionnel ne prévoit pas d’y revenir. Personne ne doute un seul instant que les Kanaks ont été touchés par cette colonisation dans leur chair, le nombril dans la terre, comme vous le dites.

    M. Jean-Victor Castor

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    Ils sont encore touchés, monsieur Darmanin !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Bien sûr, ils le seront sans doute encore longtemps. Toutefois, ce n’est pas parce que nous reconnaissons ce drame que nous devons penser que c’est le seul. Nous devons entendre les descendants des autres personnes envoyées en Nouvelle-Calédonie ; elles ne sont pas venues pour un grand remplacement mais parce qu’elles y ont été forcées par l’État. C’est le premier point.
    Deuxièmement, quels que soient les gouvernements ou les régimes, et ce n’est pas nous qui le disons, la France a fait des efforts très importants pour que cette colonie soit considérée comme décolonisée.

    Mme Danièle Obono

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    Non ! Vous êtes en train de faire dérailler tout le processus !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    C’est là que nous avons un désaccord.
    L’accord de Nouméa prévoyait la réalisation d’un audit de décolonisation. Cet audit, qui n’a pas été réalisé par la France mais par des observateurs extérieurs – notamment d’anciens pays colonisés –, a conclu que l’égalité des droits était assurée entre tous les citoyens de Nouvelle-Calédonie, que quatre des cinq institutions politiques, dont le gouvernement, étaient dirigées par les indépendantistes, comme plus de la moitié des communes, et qu’une grande partie du pouvoir économique était détenue par les familles indépendantistes, et c’est fort heureux – c’est d’ailleurs l’histoire de la province Nord, où se trouvent les mines. Tous les citoyens de Nouvelle-Calédonie sont égaux, et ceux qui sont originaires d’Europe n’exercent plus de domination politique.

    M. Jean-Victor Castor

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    Mais si !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Vous riez, monsieur Castor, mais le gouvernement de Nouvelle-Calédonie est dirigé par les indépendantistes.

    M. Jean-Victor Castor

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    Je ris parce que c’est exactement ce que vous êtes en train de faire ! Vous décidez depuis Paris : c’est bien de la domination !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Par trois fois, les Calédoniens se sont exprimés, et par trois fois, ils ont refusé l’indépendance.

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Eh oui !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Si vous estimez que la colonisation dure jusqu’à ce que l’indépendance soit acceptée, alors nous sommes effectivement en désaccord.

    Mme Ségolène Amiot

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    Vous n’y voyez vraiment aucun problème ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    La question, aujourd’hui, est de savoir ce que veulent les Calédoniens nés en Nouvelle-Calédonie de parents calédoniens : de quel droit pourrions-nous interdire aux enfants de M. Metzdorf ou de M. Dunoyer, qui ne sont nullement responsables de la colonisation, de voter aux élections provinciales, alors que les représentants qui y sont élus peuvent modifier le code de l’environnement, par exemple, et que le réchauffement climatique affecte le trait de côte calédonien ? Quel lien faites-vous donc entre la colonisation d’il y a cent cinquante ans et le choix de ces enfants de pouvoir intervenir dans la vie locale – je ne parle même pas de s’exprimer sur l’autodétermination en participant au référendum ? On peut à la fois reconnaître et dénoncer l’affreuse colonisation et permettre aux Calédoniens qui le veulent de former un peuple. Loin de vos débats théoriques, la jeunesse calédonienne ne se pose pas sans cesse les questions que vous vous posez : elle sert notre pays, elle sert la Calédonie, et elle veut simplement pouvoir vivre heureuse dans un territoire libre de toute ingérence étrangère. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    (Les amendements identiques nos 44 et 184 ne sont pas adoptés.)

    (L’amendement no 45 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Victor Castor, pour soutenir les amendements nos 129 et 130, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

    M. Jean-Victor Castor

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    Avant toute chose, je demande à nos collègues, qui risquent de voir dans ces amendements un cavalier législatif, de ne pas s’exciter. Si elle est adoptée, cette réforme va, petit à petit, modifier l’équilibre du corps électoral. Sans aller jusqu’à parler d’un repeuplement, parce que ce n’est pas le bon terme, son application risque de mettre progressivement en minorité le peuple premier, et donc d’empêcher les Kanaks, demain, d’accéder à la présidence du Congrès ou du gouvernement.
    Voilà jusqu’où va la méfiance que j’évoquais tout à l’heure : placée sous la tutelle française, la Nouvelle-Calédonie figure sur la liste des territoires non autonomes à décoloniser établie par l’ONU, comme l’ont été la Guyane, la Guadeloupe et la Martinique jusqu’en 1946 – mais peut-être ne le saviez-vous pas, monsieur Darmanin –, date à laquelle la France a demandé à l’ONU de les en retirer sur la base d’un artifice juridique : leur départementalisation. Aujourd’hui, beaucoup de Kanaks, notamment des indépendantistes, s’interrogent : une fois le rapport de force électoral radicalement changé, vous, la France, demanderez-vous que la Nouvelle-Calédonie ne soit plus considérée comme un territoire à décoloniser ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    « Vous, la France » ? Qu’est-ce que cela signifie ?

    M. Jean-Victor Castor

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    Ces amendements visent donc à sécuriser dans la Constitution l’inscription de la Nouvelle-Calédonie sur la liste des territoires non autonomes à décoloniser.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Cet amendement me pose un problème car il ne prévoit pour l’avenir de la Nouvelle-Calédonie que l’indépendance ou la libre association.

    M. Nicolas Sansu

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    C’est normal, c’est le sens de l’histoire !

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Non, ce n’est pas normal, monsieur Sansu, parce que l’ONU prévoit également la décolonisation sous forme d’intégration à la République Française. Vous ne pouvez pas, comme vous le faites avec cet amendement, supprimer une option que les Calédoniens pourraient légitimement choisir. La rédaction de vos amendements les contraint à aller vers l’indépendance contre laquelle ils se sont prononcés à trois reprises par référendum.

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Eh oui !

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Par ailleurs, vous craignez que le dégel du corps électoral ne mette les indépendantistes en minorité.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Pas les indépendantistes, les Kanaks !

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Mais qui le prétend, et comment savoir ? Pourquoi les gens installés en Nouvelle-Calédonie depuis au moins dix ans ne voteraient-ils pas pour les indépendantistes, s’ils sont convaincus par leur projet politique en matière économique, sociale et environnementale ? Pourquoi les nouveaux arrivés voteraient-ils forcément pour les non-indépendantistes ? (Exclamations sur les bancs des groupes GDR-NUPES et Écolo-NUPES.) Essayer de les exclure, c’est un aveu de faiblesse du projet indépendantiste.

    M. Jean-Victor Castor

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    J’ai parlé des Kanaks !

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Arrêtez de parler des Kanaks ! Ce soir, j’ai une pensée pour Simon Loueckhote et Gérard Poadja, sénateurs de la République, pour Auguste Parawi-Reybas, élu de la République, pour Alcide Ponga, président du RPCR, le plus vieux parti non indépendantiste en Nouvelle-Calédonie : ce sont des Kanaks non indépendantistes, qui portent haut les couleurs de la France et en sont fiers !

    M. Romain Daubié

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    Eh oui !

    M. Jean-Victor Castor

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    On parle donc bien des Kanaks !

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Mon avis est défavorable sur les deux amendements. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Comme vous le savez, le découpage de la Nouvelle-Calédonie en provinces visait incontestablement à y répartir le pouvoir. Or le projet de loi ne prévoit pas le redécoupage des provinces ni la répartition des sièges en fonction de la démographie – même si, l’honnêteté me commande de le dire, M. Metzdorf l’aurait souhaité. Dans votre idée, nous « organiserions » un changement du mode de scrutin pour mettre les Kanaks – qui, selon vous, voteraient très majoritairement, si ce n’est quasi intégralement, pour les indépendantistes – en minorité. Ce n’est pas du tout ce que nous prévoyons.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Pour cette fois, du moins !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Ni le découpage des provinces ni la répartition des sièges ne changeront.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Ce sera l’étape suivante : le charcutage électoral est une spécialité de votre camp !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Je vous rassure, les Calédoniens sont profondément français : ils sont divisés, dans le camp loyaliste comme dans le camp indépendantiste – il suffit de voir ce qui s’est passé dans la province Nord où ils ont été capables de perdre une élection où ils étaient majoritaires ! De ce point de vue, aucun doute, ils sont bien français ! (Sourires.)

    M. Sylvain Maillard

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    Bien dit, monsieur le ministre !

    Mme la présidente

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