XVIe législature
Session ordinaire de 2023-2024

Première séance du mercredi 24 janvier 2024

Sommaire détaillé
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Première séance du mercredi 24 janvier 2024

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet

Mme la présidente

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quatorze heures.)

    1. Questions au Gouvernement

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

    Inflation et pouvoir d’achat

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Ian Boucard.

    M. Ian Boucard

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    Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Mercredi dernier, lors de sa conférence de presse, le Président de la République a longuement évoqué « nos compatriotes qui gagnent déjà trop pour être aidés et pas assez pour bien vivre, la France populaire, la France des classes moyennes, celle qui dit : "Quand vous proposez quelque chose, ce n’est jamais pour moi". Et pourtant, c’est celle qui tient le pays. » Le constat est juste, mais il aura fallu sept ans au Président pour comprendre le drame que connaît notre pays : l’impossibilité pour les Français qui travaillent dur de vivre correctement et de faire vivre décemment leur famille grâce aux revenus de leur travail. Sept ans pour se rendre compte que dans notre pays, des millions de Français ne vivent pas mieux en travaillant que s’ils restaient à la maison. Sept ans d’aveuglement et bien souvent de mépris pour la majorité silencieuse.
    Ces Français qui « tiennent le pays » sont assommés par l’inflation galopante. Chacun s’en rend compte en remplissant son caddie de courses ou son réservoir de carburant.

    M. Fabrice Brun

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    Eh oui !

    M. Ian Boucard

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    Le prix des produits de grande consommation alimentaire – produits essentiels – a augmenté de 24,8 % depuis janvier 2022, comme le révèle UFC-Que choisir. Et ce n’est pas fini, car en ce début d’année, le Gouvernement a décidé d’aggraver les choses en infligeant une nouvelle taxe aux Français : la hausse de 9,8 % du prix de l’électricité. (Exclamations sur quelques bancs du groupe RE.)
    Lorsqu’on gouverne, il y a la parole, mais il y a surtout les actes. Vous prétendez vouloir protéger les classes moyennes, mais dans les faits, vous réinstaurez la taxe sur la consommation finale d’électricité. Alors que les Français n’ont jamais été autant en difficulté, alors qu’ils ont multiplié les efforts pour diminuer leur consommation électrique, leurs factures énergétiques n’auront jamais été aussi élevées. C’est le résultat de décisions politiques graves, celles de votre gouvernement.
    Monsieur le ministre, allez-vous enfin prendre conscience des difficultés de ces millions de Français ? Êtes-vous prêt à annuler cette hausse scandaleuse du prix de l’électricité ? Qu’allez-vous faire concrètement pour améliorer le pouvoir d’achat des Français, et pour passer de la parole aux actes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.

    M. Maxime Minot

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    Il est où, Bruno ?

    Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement

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    Pour répondre à votre question, monsieur Minot, le ministre de l’économie est en déplacement avec le Président de la République ; cet impératif était connu de tous. (Protestations sur les bancs du groupe LR.)

    M. Michel Herbillon

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    C’est un grand voyageur !

    M. Maxime Minot

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    Il devrait être aux questions au Gouvernement !

    Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée

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    Dès le début de la crise, la majorité présidentielle a protégé les Français…

    M. Maxime Minot

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    Merci Bruno !

    Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée

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    …en créant un bouclier tarifaire, afin qu’ils ne subissent pas la hausse massive des factures d’électricité qu’ont connue tous nos voisins européens en 2022 et 2023. Sans l’action du Gouvernement, le tarif réglementé de vente d’électricité aurait doublé. L’État a pris en charge plus de la moitié de la facture des Français.

    M. Loïc Prud’homme

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    C’est notre argent !

    Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée

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    Nous continuons à agir massivement sur le prix de l’électricité en 2024 : la taxe sur l’électricité est maintenue en dessous du niveau d’avant la crise, et le chèque énergie est prolongé pour les ménages les plus fragiles ; par ailleurs, l’amortisseur électricité, le plafonnement du prix de l’électricité pour les très petites entreprises (TPE) et les aides aux entreprises ayant signé des contrats au pire moment de la crise sont maintenus.
    Nous agissons également à long terme pour que les prix appliqués en France restent durablement les moins chers d’Europe, comme c’est le cas actuellement. Cela passe par la relance de la production nucléaire, la hausse de la production d’énergies renouvelables, le plan de sobriété énergétique et la réforme du marché européen de l’électricité.

    M. Fabien Di Filippo

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    Je ne regrette pas l’absence de M. Le Maire, Mme Thevenot lit aussi bien que lui !

    M. Aurélien Pradié

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    Les fiches sont parfaites !

    Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée

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    Vous ne semblez pas m’écouter, preuve que ces sujets vous intéressent malheureusement trop peu. Peut-être pourriez-vous aussi demander à vos collègues du Sénat, où votre famille politique est majoritaire, pourquoi, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2024, ils ont demandé la suppression massive et brutale du bouclier tarifaire.

    M. Fabien Di Filippo

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    Ils ont proposé un autre système de remboursement !

    Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée

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    Si leur amendement avait été adopté, le tarif de l’énergie n’aurait pas augmenté de 8 %, mais de 15 %.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Ian Boucard.

    M. Ian Boucard

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    Le prix de l’électricité croît de 10 %, alors que le Smic n’augmente que de 1,14 % : voilà comment vous agissez pour la France qui travaille ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. Maxime Minot

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    Excellent !

    MaPrimeRénov’

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Anne Le Hénanff.

    Mme Anne Le Hénanff

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    Ma question s’adresse à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

    M. Aurélien Pradié

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    Et de la modestie !

    Mme Anne Le Hénanff

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    Depuis le 1er janvier 2024, le dispositif d’aide aux travaux de rénovation énergétique MaPrimeRénov’ bénéficie d’une enveloppe de 1,6 milliard d’euros supplémentaires, mais comporte surtout de nouvelles règles plus contraignantes, sources d’inquiétude pour de nombreux artisans et petites entreprises du bâtiment. Cette actualisation s’inscrit dans la volonté du Gouvernement d’accélérer la transition énergétique des logements en favorisant les travaux de rénovation d’ampleur. Cela se traduit par un recentrage des aides sur des bouquets de rénovation en vue d’atteindre 200 000 rénovations globales en 2024.
    Les associations et les fédérations d’artisans et de petites entreprises du bâtiment, que j’ai rencontrées récemment dans ma circonscription, en redoutent les conséquences. En effet, les rénovations globales sont très contraignantes pour les logements occupés, et les restes à charge sont élevés compte tenu du montant des travaux. Mais ce qui les inquiète le plus, ce sont les nouvelles obligations pour les entreprises pouvant mener les travaux : elles doivent désormais détenir le label Reconnu garant de l’environnement (RGE), agrément complexe à obtenir, surtout pour les petites structures. Ces professionnels craignent que les grands groupes à dimension régionale voire nationale soient favorisés sur le marché, à leur détriment. Dans un contexte de marché déjà difficile, ils ont adressé un courrier à l’ancienne Première ministre, Élisabeth Borne, pour l’alerter sur cette situation et pour lui soumettre des propositions alternatives concrètes visant à ne pas exclure les 600 000 artisans et PME concernés. Par exemple, à la place de la certification RGE, ils proposent qu’une fois les travaux effectués par l’entreprise, une certification de fin de chantier atteste leur conformité. Quels éléments pouvez-vous apporter à ces artisans et à ces entreprises pour lever leurs inquiétudes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR. – Mme Emmanuelle Anthoine applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

    M. Maxime Minot

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    Et des bigoudis !

    M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires

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    Les bâtiments représentent 20 % de nos émissions de CO2. Nous devons être capables de mieux les rénover et de mieux les isoler : c’est bon pour la planète – puisque cela limite les émissions –, et c’est bon pour le pouvoir d’achat de ceux qui y vivent. Comme vous le savez, nous mettons un accent particulier sur la rénovation des passoires thermiques.

    M. Fabrice Brun

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    Il faut surtout simplifier MaPrimeRénov’ !

    M. Christophe Béchu, ministre

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    Les modifications qui ont été apportées il y a quelques jours à MaPrimeRénov’ ont un double objectif : poursuivre massivement l’augmentation des rénovations énergétiques et améliorer leur qualité. Au-delà de notre objectif de 700 000 rénovations par an – soit une multiplication par dix par rapport à la situation antérieure –, nous souhaitons augmenter la part des rénovations performantes.

    M. Fabrice Brun

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    Ça ne marche pas !

    M. Christophe Béchu, ministre

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    Les deux nouveaux piliers – efficacité et performance – qui ont été instaurés le 1er janvier 2024 visent donc à accroître les rénovations performantes, en particulier grâce à la systématisation du dispositif MonAccompagnateurRénov’.

    M. Aurélien Pradié

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    Ils cherchent un chef de bureau à l’Agence de la transition écologique !

    M. Christophe Béchu, ministre

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    Le courrier du président de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), auquel vous avez fait allusion, a retenu mon attention en qualité de ministre, ainsi que celle du nouveau Premier ministre, Gabriel Attal, dans un contexte où le Président de la République appelle à une simplification des dispositifs.

    M. Fabrice Brun

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    Ce n’est pas l’intention qui compte mais la pratique !

    M. Christophe Béchu, ministre

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    Vous avez évoqué les groupements momentanés d’entreprises, qui permettent à des artisans de répondre collectivement aux appels d’offres pour ne pas laisser les marchés aux grands groupes, et les pistes de simplification du RGE. Je vous annonce qu’au cours du mois de février,…

    M. Jean-Paul Lecoq

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    De quelle année ?

    M. Christophe Béchu, ministre

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    …je réunirai, au ministère, un comité de suivi de la rénovation énergétique avec l’ensemble des forces vives, notamment les artisans (M. Jean-Paul Lecoq s’exclame) pour étudier les simplifications possibles…

    M. Aurélien Pradié

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    Un moment historique !

    M. Christophe Béchu, ministre

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    …et la façon dont nous pouvons faciliter la vie des premiers concernés, tout en maintenant le rythme de la transition écologique. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et HOR.)

    M. Aurélien Pradié

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    Vous êtes en train de faire l’histoire !

    M. Jérôme Nury

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    Ce sont des vœux pieux !

    M. Maxime Minot

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    On est bien servis !

    Lutte contre la délinquance

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jordan Guitton.

    M. Jordan Guitton

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    Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer. Je tiens d’abord à saluer le travail remarquable des forces de l’ordre, qui œuvrent chaque jour à la protection des Français. Le chaos sécuritaire s’accentue toujours plus, avec des chiffres vertigineux : en 2023, 1 000 agressions par jour. Le chaos sécuritaire tue jusqu’aux agriculteurs qui manifestent légitimement – je veux ici leur rendre hommage. La délinquance se répand jusqu’au plus petit des villages. Dans mon département, l’Aube, les cambriolages ont explosé de 200 % fin 2023. Il y a deux jours encore, un tabac se faisait braquer à Bar-sur-Aube, dans mon territoire.
    Cette insécurité est un véritable fléau ; elle menace les Français qui travaillent chaque jour et se voient voler leurs biens et leur intimité. C’est le résultat de votre politique laxiste : Dupond-Moretti, Darmanin, même constat, même échec, rien ne change. En guise de remerciements, vous avez été reconduits dans vos ministères : c’est ce qu’on appelle la prime à l’incompétence ! (M. François Cormier-Bouligeon s’exclame.)

    M. Stéphane Travert

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    C’est le café du commerce !

    M. Erwan Balanant

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    Plus que trente secondes pour citer Marine Le Pen !

    M. Jordan Guitton

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    Votre volonté politique est nulle. Combien d’individus sont trop vite relâchés et passent plus de jours à récidiver qu’en prison ? La peur doit changer de camp ! M. Darmanin dit aimer terminer le travail commencé, mais il n’a rien commencé. Les obligations de quitter le territoire français (OQTF) ? Elles sont neuf sur dix à ne pas être appliquées, ce qui nous met en danger – nous l’avons encore vu hier. La lutte contre les agressions ? Il s’en produit une toutes les quarante-quatre secondes. L’expulsion des clandestins ? Ils sont presque 1 million sur notre territoire, selon votre ministère.
    M. Darmanin a trahi sa famille politique pour rejoindre le candidat du vide ; mais le vide, c’est l’ensemble de votre gouvernement.

    M. Sylvain Maillard

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    C’est quoi, la question ?

    M. Jordan Guitton

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    Ma question est simple : allez-vous enfin commencer quelque chose pour protéger les Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Vous avez oublié de citer la patronne !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des relations avec le Parlement.

    Mme Marie Lebec, ministre déléguée chargée des relations avec le Parlement

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    Je vous prie d’excuser l’absence de M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer, Gérald Darmanin.

    Un député du groupe LR

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    Il est où ?

    Mme Marie Lebec, ministre déléguée

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    Pour répondre à votre question, qui était, somme toute, une mise en accusation du Gouvernement, je rappellerai que dans votre département de l’Aube, la lutte contre les cambriolages – qui est une des priorités du ministre de l’intérieur et des outre-mer – s’est considérablement améliorée grâce à la mobilisation exceptionnelle des policiers, des gendarmes et des magistrats. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    M. Sylvain Maillard

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    Elle a raison !

    Mme Marie Lebec, ministre déléguée

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    Grâce à cette mobilisation, nous avons réussi à inverser la tendance. Alors que la hausse des cambriolages était très forte en 2022, à 11 %, elle n’était plus que de 3 % l’année dernière. Surtout, les cambriolages ont diminué lors des derniers mois de l’année 2023 : leur nombre total était en baisse de 2 % par rapport au trimestre précédent. (« Ah ! » sur les bancs du groupe RN.) Il faut reconnaître cet effort important aux policiers et aux gendarmes qui, dans les départements, ont bénéficié du plan national de sécurisation renforcée à compter de septembre 2022.

    M. Aurélien Pradié

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    M. Riester était plus calme, un peu hautain mais plus calme !

    Mme Marie Lebec, ministre déléguée

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    Les cambriolages sont en baisse, alors qu’ils avaient augmenté fortement en 2022. Quelques exemples emblématiques témoignent de cette lutte : moins 6 % dans les Bouches-du-Rhône, moins 14 % en Loire-Atlantique et moins 20 % dans le Rhône. Paris et sa petite couronne connaissent une baisse de 1 % ; c’est encore insuffisant, mais nous y travaillons.
    J’en viens à votre département de l’Aube. Entre 2017 et 2022, les cambriolages de logements y ont diminué de 6 %. Cela a été rendu possible, entre autres facteurs, par la hausse de 4 % des effectifs de la direction départementale de la police nationale (DDPN) entre 2017 et 2023 – résultat des décisions prises dans le cadre de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur. Outre les actions visant à lutter plus efficacement contre les cambriolages, je tiens à mentionner le recrutement massif d’effectifs et la création de nouvelles unités de force mobile de gendarmerie. Les 239 brigades de gendarmerie permettront… (Mme la présidente coupe le micro de l’oratrice, dont le temps de parole est écoulé. – Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

    M. Sylvain Maillard

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    Très bien !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jordan Guitton.

    M. Jordan Guitton

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    Vous nous parlez d’une baisse de la hausse, madame la ministre ; en d’autres termes, la hausse continue ! Votre bilan est calamiteux en matière de sécurité. Les Français vous sanctionneront dans les urnes le 9 juin.

    Prix de l’électricité

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Édouard Bénard.

    M. Édouard Bénard

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    Ma question s’adresse au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

    M. Maxime Minot

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    Il n’est pas là !

    M. Édouard Bénard

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    Dimanche, celui-ci a annoncé une hausse des tarifs réglementés de vente de l’électricité le 1er février, de 8,6 % pour le tarif de base et de 9,8 % pour les usagers en heure creuse, alors même que les prix de gros de l’électricité ont baissé de 30 % au dernier semestre. Cette augmentation a pour seule explication la volonté du Gouvernement de relever la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE). Depuis 2022, les Français ont vu leur facture d’électricité flamber de 43 % – 43 % ! –, alors que l’électricité consommée en France, très largement décarbonée, est, quoi qu’on en dise, peu dépendante des aléas géopolitiques qui affectent les cours des énergies fossiles. Tandis que 12 millions de nos concitoyens sont déjà confrontés à la précarité énergétique, cette nouvelle hausse relève du racket pur et simple.

    M. Fabien Di Filippo

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    C’est une hausse de taxe ! Cela n’a rien à voir avec le prix de l’électricité !

    M. Édouard Bénard

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    Les récents travaux du conseil social et économique central (CSEC) d’EDF démontrent qu’une réforme du calcul des tarifs réglementés reprenant simplement les principes de péréquation tarifaires et d’empilement des coûts de production permettrait, à elle seule, de réduire la facture des usagers de 20 %, tout en finançant les six nouvelles tranches des réacteurs pressurisés européens (EPR) que vous appelez de vos vœux ou des investissements massifs d’amélioration des performances énergétiques de l’habitat, que j’appelle des miens.
    L’échec de la libéralisation du marché européen de l’énergie est patent. Sa réforme, actée le 17 octobre, n’y changera rien. Alors, monsieur le ministre, au nom du groupe Gauche démocrate et républicaine et au nom des millions de Français qui se serrent la ceinture, je vous demande de renoncer à cette hausse irresponsable et d’engager le chantier d’une reprise en main publique de ce bien vital. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.

    Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement

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    Monsieur Bénard, permettez-moi tout d’abord de saluer votre arrivée et de vous souhaiter la bienvenue dans ce bel hémicycle de l’Assemblée nationale (Applaudissements sur tous les bancs), dans lequel nous avons le plaisir de confronter nos idées et de faire avancer le débat politique et public sur des sujets majeurs,…

    Mme Nathalie Oziol

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    À coups de 49.3… Sympa la bienvenue !

    Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée

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    …non pas pour quelques ego chagrins, mais pour les Français et les Françaises. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Oui, le pouvoir d’achat est un enjeu majeur et un défi auquel la majorité présidentielle et le Gouvernement s’attachent à répondre.

    M. Aurélien Pradié

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    Bla bla bla !

    Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée

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    Nous avons pris des mesures dès 2022, au début du second quinquennat d’Emmanuel Macron, avec l’adoption du paquet pouvoir d’achat, la revalorisation des retraites, la suppression de certaines taxes, notamment de la taxe d’habitation et de la redevance audiovisuelle, et la baisse de la pression fiscale sur les premières tranches de l’impôt sur le revenu – la liste est longue !

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Donc tout va bien ?

    Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée

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    Je le rappelle au cas où vous ne le sauriez pas, monsieur Bénard : toutes ces mesures en faveur du pouvoir d’achat ont été permises grâce au soutien de la majorité présidentielle. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.) Les mesures concrètes visant à protéger le pouvoir d’achat des Français ont été adoptées au Parlement grâce à notre majorité et en dépit de l’opposition de certains groupes ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Francis Dubois

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    Les classes moyennes ne connaissent pas leur bonheur !

    Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée

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    Je tiens à vous le dire, monsieur le député : certains de vos collègues ne sont à gauche que du fait de leur place dans l’hémicycle ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    M. Sylvain Maillard

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    Très bien !

    M. Jean-Paul Lecoq

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    La ministre a souhaité la bienvenue au député Bénard, la présidente ne l’a pas fait…

    Lutte contre le harcèlement scolaire

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Christian Baptiste.

    M. Christian Baptiste

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    Ma question s’adresse à M. Gabriel Attal, Premier ministre et ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse au moment des faits que je vais évoquer.
    Monsieur Attal, la veille de votre nomination à Matignon, le journal Mediapart a révélé que l’enquête administrative annoncée dans la foulée du suicide du jeune Lucas, 13 ans, n’avait jamais eu lieu et que l’enquête menée par le parquet avait été bâclée. Interrogé fin 2023, vous n’avez jamais voulu répondre sur ce sujet. C’est la raison pour laquelle je pose de nouveau ma question devant la représentation nationale. À l’époque, l’émotion était vive et les déclarations unanimes. De Pap Ndiaye à Marlène Schiappa en passant par Clément Beaune, ces personnalités alors ministres exprimaient toutes leur sidération.
    Malgré l’émotion suscitée par ce drame survenu en janvier 2023, rien n’a été fait pour savoir si le collège de Lucas aurait pu prévenir son suicide. L’enquête administrative annoncée a été enterrée et le principal de l’établissement, qui minimise les faits de harcèlement, n’a jamais été auditionné. L’homophobie latente dont était victime Lucas était omniprésente dans l’établissement depuis son arrivée. Le principal de l’établissement a-t-il tenté de préserver la réputation du collège, quitte à livrer de fausses informations ou à minimiser les agissements des élèves mis en cause ? Malheureusement, aucune mesure n’a été prise pour poursuivre les coupables.
    Pourquoi l’enquête annoncée par le Gouvernement n’a-t-elle jamais été lancée ? Pourquoi avoir communiqué sur une enquête administrative qui n’a jamais existé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

    M. Jérôme Guedj

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    Eh oui !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des Jeux olympiques et paralympiques. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Aurélien Pradié

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    Attendez-vous à des mensonges !

    Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des Jeux olympiques et paralympiques

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    Nous voulons une école qui ne transige jamais sur le respect de l’enfant et qui s’oppose catégoriquement au harcèlement. Pas plus qu’un enseignant un enfant ne doit avoir peur à l’école. Il doit s’y sentir bien.
    Vous évoquez le cas de Lucas. Je veux rappeler aussi ceux de Lindsay et de Nicolas et avoir une pensée pour toutes les familles de victimes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.) Depuis six ans, nous avons considérablement renforcé notre action contre le harcèlement, notamment grâce à la loi du 2 mars 2022 visant à combattre le harcèlement scolaire, déposée par Erwan Balanant et qui fait du harcèlement un délit, et grâce au programme de lutte contre le harcèlement à l’école, le programme Phare.
    Le Premier ministre a souhaité mettre fin à l’ère du « pas de vague ». Avec le plan interministériel de lutte contre le harcèlement à l’école, il nous a fixé la feuille de route suivante : 100 % prévention, 100 % détection, 100 % solutions. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LR.)

    M. Fabien Di Filippo

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    Il était meilleur que vous !

    M. Pierre Cordier

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    Elle touchait 400 000 euros par an à la Fédération française de tennis !

    Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre

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    Lors de la Journée nationale de lutte contre le harcèlement scolaire, 7 millions d’élèves du CE2 à la terminale ont répondu à un questionnaire visant à déceler les situations de harcèlement et de mal-être à l’école. Dans quelques jours, la synthèse détaillée de cette démarche inédite sera rendue publique et je communiquerai une photographie claire et précise de la situation actuelle dans les écoles et les établissements, ainsi que de toutes les enquêtes en cours. (M. Loïc Prud’homme s’exclame.) Les équipes éducatives sont pleinement mobilisées et le ministère les a armées dans les départements et les académies en déployant 150 responsables de la lutte contre le harcèlement scolaire.

    M. Fabien Di Filippo

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    Quelle erreur d’avoir regroupé le ministère de l’éducation nationale et le ministère des sports !

    Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre

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    Nous allons aussi aider les parents d’élève à mieux détecter les situations de harcèlement. Aucune situation ne doit rester sans réponse, tant pour les élèves victimes que pour les élèves auteurs (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES), que nous pouvons désormais faire changer d’établissement, y compris dans le primaire. L’école de la République doit protéger et rendre heureux,…

    M. Jérôme Guedj

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    Répondez à la question !

    M. Francis Dubois

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    Le sport est la plus belle école de la vie ! (Sourires sur les bancs du groupe LR.)

    Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre

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    …il n’y aura aucune exception à ce principe. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

    M. Pierre Cordier

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    Elle a foutu en l’air le boulot accompli par Attal en trois mois !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Christian Baptiste.

    M. Christian Baptiste

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    Des effets d’annonce, mais très peu d’actes !
    Par cette question, je m’associe à la peine des parents de Nicolas, un jeune Guadeloupéen qui s’est suicidé à Poissy, dans les Yvelines, après s’être plaint de harcèlement l’année précédente, ainsi qu’à celle des parents de Dinah, qui a mis fin à ses jours après avoir été harcelée au collège Émile Zola à Kingersheim. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

    Dessertes du TGV

    Mme la présidente

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    La parole est à M. David Valence.

    M. David Valence

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    Ma question s’adresse à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
    Les Français ont envie de train et ils le montrent. L’année 2023 a battu tous les records de fréquentation quotidienne puisque celle-ci a connu une hausse de 8 % pour les trains régionaux et de 4 % pour le TGV.

    M. Fabien Di Filippo

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    Des trains à l’heure, si possible !

    M. Pierre Cordier

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    Et chauffés !

    M. Patrick Hetzel

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    Avec la Macronie, c’est le train-train !

    M. David Valence

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    Contrairement à des idées reçues, les Français n’opposent pas la grande vitesse aux transports du quotidien. Ils les perçoivent, à juste titre, comme complémentaires. Leur exigence vis-à-vis de la SNCF est à la mesure de leur attachement affectif à l’opérateur ferroviaire historique.
    Or un journal quotidien du matin s’est fait hier l’écho de réflexions internes au groupe public ferroviaire concernant les lignes déficitaires. La SNCF s’interrogerait sur plusieurs choix possibles : celui de solliciter une contribution auprès des collectivités territoriales pour équilibrer les comptes des lignes concernées ; celui de faire évoluer leurs dessertes ; voire celui de les supprimer purement et simplement. Précisons qu’une ligne déficitaire n’est pas toujours peu fréquentée. Ce peut être une ligne sur laquelle les abonnés sont majoritaires par rapport aux voyageurs occasionnels. Des dessertes comme Chambéry, La Rochelle, Laval, Charleville-Mézières, Épinal et Saint-Dié-des-Vosges seraient visées, mais SNCF Voyageurs a tenu hier à démentir ce projet.
    Monsieur le ministre, je suis né en 1981, l’année de lancement du TGV par le président de la République François Mitterrand. Pouvez-vous nous confirmer que l’État considère toujours le train à grande vitesse comme un outil d’aménagement du territoire et que la péréquation restera la règle entre les lignes bénéficiaires et les lignes déficitaires du TGV ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

    M. Maxime Minot

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    Et des bigoudis !

    M. Aurélien Pradié

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    Et de la modestie !

    M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires

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    Y a-t-il des projets de suppression de lignes de TGV à l’étude ? La réponse est non. Y a-t-il des projets de diminution de la fréquence de certaines lignes ? La réponse est non également.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Y a-t-il des augmentations de tarifs ? La réponse est oui !

    M. Christophe Béchu, ministre

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    Je serai clair : non seulement SNCF Voyageurs a démenti, mais je le fais aussi aujourd’hui de manière solennelle. Aucune diminution de service sur les lignes TGV n’est à l’étude. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    M. Sylvain Maillard

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    Très bien !

    M. Christophe Béchu, ministre

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    Ce n’est pas seulement au député que je m’adresse, mais au président du Conseil d’orientation des infrastructures (COI). Vous êtes né en 1981, au début d’une décennie au cours de laquelle notre pays a fait le choix des lignes à grande vitesse (LGV) – ce dont nous pouvons nous enorgueillir à certains égards. Or le financement de ces lignes s’est accompagné de la diminution de la régénération des petites lignes. Tout l’enjeu pour nous, aujourd’hui, est de tenir dans un même mouvement la poursuite de la grande vitesse et l’accentuation de la régénération des petites lignes qui ont souffert d’un sous-investissement. Cette régénération entraîne des retards considérables, qui font parfois la une de la presse, qui ne font pas honneur à la SNCF et qui nuisent au désenclavement des territoires.
    Vendredi prochain, je recevrai le président de la SNCF, Jean-Pierre Farandou, pour faire avec lui un point très précis sur les dysfonctionnements inacceptables et répétés de la ligne Paris-Clermont-Ferrand et d’autres lignes.

    M. Francis Dubois

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    Le train du Cantal, on en parle ?

    M. Christophe Béchu, ministre

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    Je répète par ailleurs que les annonces d’Élisabeth Borne seront concrétisées (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES) par le Gouvernement : 100 milliards d’euros seront consacrés au secteur ferroviaire d’ici 2040 et 1 milliard supplémentaire sera alloué à la régénération des petites lignes à la fin du quinquennat.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Ce n’est pas assez !

    M. Christophe Béchu, ministre

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    Nous tiendrons les engagements du Président de la République sur les trains du quotidien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

    M. André Chassaigne

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    C’est l’Arlésienne : on en parle toujours, on ne la voit jamais !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. David Valence.

    M. David Valence

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    Je vous remercie d’avoir rappelé que l’État est décidé à jouer son rôle d’actionnaire de l’entreprise publique SNCF et à lui donner des consignes claires en matière d’offre de transport et d’investissement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    Situation à Gaza

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Andrée Taurinya.

    Mme Andrée Taurinya

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    Monsieur le ministre de l’Europe et des affaires étrangères,…

    M. Fabien Di Filippo

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    Il n’est pas là !

    Mme Andrée Taurinya

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    …10 000 enfants tués, 24 000 morts, des milliers sous les décombres, 60 000 blessés, des centaines de centres de soins bombardés, 70 000 maisons rasées, 1,9 million de personnes déplacées : voici le bilan de plus de cent jours de massacre de masse. La population affamée de Gaza survit au milieu de flaques d’eaux usées qui débordent des égouts détruits. La maladie s’abat sur ce petit bout de territoire martyr, tuant toujours plus. Pas de cessez-le-feu à l’horizon. Pour une paix juste et durable, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes reste notre boussole. Qu’elle prenne la forme d’une solution à deux États, d’un État plurinational ou d’une autre solution viable, mutuellement acceptée, il faut sortir de ce statu quo plus mortifère que jamais. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Mais Netanyahou persiste : « C’est mon insistance qui a empêché pendant des années la création d’un État palestinien qui aurait constitué un danger existentiel pour Israël. » Vous avez qualifié d’inquiétante cette déclaration. La semaine dernière, vous discréditiez la volonté de l’Afrique du Sud de poursuivre Israël pour génocide devant la Cour internationale de justice. Aujourd’hui, vous semblez découvrir la duplicité de ses dirigeants, qui sabotent le processus de paix depuis des décennies. (Mme Anne-Laurence Petel s’exclame.)

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Le retour des islamo-gauchistes !

    Mme Andrée Taurinya

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    En avril 2017, le candidat Macron s’engageait à mettre toute son énergie pour la paix et la reconnaissance de deux États, et promettait de condamner les politiques de colonisation. Monsieur le ministre, dix ans après la résolution votée par l’Assemblée nationale, la France va-t-elle enfin emboîter le pas du candidat Macron et reconnaître l’existence de l’État palestinien, comme vous le préconisiez hier devant le Conseil de sécurité des Nations unies ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – MM. Benjamin Lucas et Richard Ramos applaudissent également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.

    Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement

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    Je vous prie de bien vouloir excuser le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, Stéphane Séjourné, qui présidait hier le Conseil de sécurité des Nations unies, réuni au sujet de la question que vous évoquez. Cette réunion a confirmé la volonté de la France de mettre un terme aux combats déclenchés le 7 octobre par l’attaque terroriste du Hamas contre Israël. Plus de quarante Français sont morts et trois sont encore retenus en otage à Gaza.

    M. Sylvain Maillard

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    Pas un mot sur les otages dans la question !

    Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée

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    À l’initiative de la France, le Hamas fait désormais l’objet d’un régime de sanctions spécifique de l’Union européenne.
    À l’initiative de la France, le Hamas est désormais soumis à un régime de sanctions spécifiques de l’Union européenne car, oui, c’est un groupe terroriste.

    Mme Élisa Martin

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    Ce n’est pas la question !

    Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée

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    La situation à Gaza s’aggrave de manière dramatique. La France est totalement mobilisée pour y mettre un terme. Sur le plan humanitaire, 1 000 tonnes de nourriture et d’équipements ont été expédiées et une aide de 100 millions d’euros pour la population a été décidée.
    Plus de 1 000 actes médicaux ont été réalisés en Égypte, sur le Dixmude. Une coordination étroite avec la Jordanie complète cet engagement. Des enfants palestiniens sont soignés dans nos hôpitaux grâce à l’action conjointe du Quai d’Orsay et du ministère de la santé.

    Mme Nathalie Oziol

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    Pourriez-vous répondre à la question au lieu de lire vos notes ?

    Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée

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    La France est également mobilisée sur le terrain politique, en vue de redonner corps à la solution à deux États. Cette solution, que vous avez mentionnée, est celle que notre pays préconise, en conformité avec le droit international. C’est l’objet de la réunion du Conseil de sécurité de l’ONU, que la France a invité à œuvrer pour un cessez-le-feu.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Andrée Taurinya.

    Mme Andrée Taurinya

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    Nous attendons la reconnaissance de l’État palestinien avec impatience, car il y a urgence. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.)

    Remboursement de l’achat des fauteuils roulants

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Sébastien Peytavie.

    M. Sébastien Peytavie

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    Ma question aurait pu être pour le membre du Gouvernement chargé des personnes handicapées mais il n’y en a plus ! Alors, puisque, finalement, avec vous, tout est une affaire d’argent, même quand il s’agit de dignité, je vais m’adresser à M. le ministre de l’économie.

    M. Maxime Minot

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    Il est parti !

    M. Sébastien Peytavie

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    En avril 2023, lors de la Conférence nationale du handicap, le Président de la République a fait une promesse importante et attendue : le remboursement intégral par l’assurance maladie de tous les fauteuils roulants. Or, ces derniers jours, les fabricants, prestataires et associations m’ont alerté sur les conditions de prise en charge tarifaire qui leur ont été présentées.
    Il y aurait bien une augmentation de la base de remboursement à 2 600 euros pour les fauteuils manuels et à 18 000 euros pour les fauteuils électriques. Mais un plafond du même montant serait instauré. Nous nous retrouverions alors dans une situation ubuesque où tous les modèles au-dessus de ces plafonds ne seraient plus remboursés du tout.

    M. Vincent Descoeur

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    Exact !

    M. Sébastien Peytavie

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    Je prends un exemple simple, celui de mon fauteuil : il n’est ni spectaculaire ni extravagant, seulement adapté, léger, maniable et sur mesure. Il coûte 8 000 euros, ce qui n’est pas un luxe, mais le prix de l’autonomie et de la dignité. Avec les nouvelles conditions de prise en charge, mon fauteuil ne serait plus remboursé du tout. Nous l’avons vu avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale : votre unique volonté est de contenir les dépenses, au détriment de l’autonomie, du bien-être et de la dignité.

    M. Benjamin Lucas

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    Exactement !

    M. Sébastien Peytavie

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    Alors, que fait-on ? Que fait-on, monsieur le ministre, pour les personnes qui vont devoir maintenant payer intégralement un fauteuil roulant alors que le reste à charge était déjà trop élevé pour elles ?

    M. Vincent Descoeur

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    Ce n’est pas possible !

    M. Sébastien Peytavie

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    Que fait-on pour les parents qui vont devoir continuer à créer des cagnottes participatives pour espérer financer le fauteuil de leur enfant ?

    M. Benjamin Lucas

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    Eh oui !

    M. Sébastien Peytavie

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    Que fait-on pour les milliers de personnes qui vont renoncer à un équipement adapté, c’est-à-dire à être autonome, à sortir, à pratiquer une activité sportive, bref, à vivre ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, RN, LFI-NUPES, LR, SOC, Dem, HOR, GDR-NUPES et LIOT, dont de nombreux députés se lèvent. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

    Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités

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    Nous avons évoqué ce point très important la semaine dernière, lors de ma première venue dans l’hémicycle. Vous avez raison : le Président de la République a pris devant la Conférence nationale du handicap l’engagement du remboursement intégral. Actuellement, nous en sommes à la concertation entre les associations de patients et les fournisseurs.

    M. Aurélien Pradié

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    C’est une blague ! Répondez sur le plafond !

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Lors de cette concertation, nous devons travailler ensemble et trouver des réponses. Le sujet est l’autonomie. C’est le sens de l’échange que j’ai eu avec vous la semaine dernière. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES, LR, SOC et Écolo-NUPES.)

    M. Aurélien Pradié

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    Vous n’avez pas honte ?

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Je suis à votre disposition pour continuer à discuter de ce sujet, car l’autonomie est une des réponses les plus concrètes que nous puissions apporter aux personnes ayant besoin d’un fauteuil roulant.

    Situation de l’entreprise Atos

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Richard Ramos.

    M. Richard Ramos

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    J’associe à ma question notre collègue Philippe Latombe, spécialiste du numérique au Mouvement démocrate.
    Le Gouvernement a renforcé les dispositions permettant à l’État de s’opposer à une opération de rachat d’actifs stratégiques pour la France. Or, depuis quelques mois, un fleuron français est dans la tourmente : le groupe Atos, qui emploie plus de 100 000 personnes et travaille sur des projets stratégiques pour notre pays. C’est dramatique car, dans moins de deux cents jours, le monde entier aura les yeux rivés sur Paris en raison des Jeux olympiques.

    M. Maxime Minot

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    Et paralympiques !

    M. Richard Ramos

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    Or Atos a été choisi pour livrer et gérer les infrastructures numériques de ce grand événement.
    La situation de l’entreprise est le résultat de près de six mois d’attentisme, alors qu’un plan de continuité industrielle est sur la table depuis six mois.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    C’est parce qu’Édouard Philippe siège au conseil d’administration !

    M. Richard Ramos

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    L’entreprise vient de nommer son septième PDG en quatre ans, sous la pression de fonds activistes étrangers. Ce nouveau PDG, américain, envisage une vente à la découpe de plusieurs activités stratégiques du groupe, à des Allemands, à des Canadiens, à des Américains, entend-on dire. Le plan de démantèlement aurait pour conséquence une casse sociale sans précédent, avec 6 000 emplois menacés en France et une baisse de près d’1 milliard d’euros du chiffre d’affaires.
    Monsieur le ministre, comment pouvons-nous imaginer qu’un leader français se déclare en faillite à quelques semaines des Jeux ? Envisagez-vous de protéger les entreprises françaises et leurs salariés d’appétits malveillants ? Comment comptez-vous assurer qu’Atos puisse tenir ses engagements et sauver ses emplois ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.

    Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement

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    Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle, en déplacement avec le Président de la République, me charge de vous répondre.

    M. Maxime Minot

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    Il devrait être à la disposition des députés…

    M. Francis Dubois

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    Le ministre voyage le mercredi. Cela montre la considération qu’il a pour les députés…

    Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée

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    Vous avez raison, Atos est une entreprise stratégique pour la France. L’État suit de très près la situation et s’assure que ses intérêts souverains seront préservés. Nous n’hésiterons pas à mobiliser les outils nécessaires, notamment ceux permettant de contrôler les investissements étrangers dans notre pays. Le code monétaire et financier soumet en effet à l’autorisation du ministre de l’économie l’entrée importante d’un acteur étranger au capital d’une entreprise sensible. Atos a besoin d’investisseurs privés et industriels pour se développer dans les marchés du numérique.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Faites des choix politiques ! De l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace !

    Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée

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    En tout cas, le rôle de l’État est de protéger nos actifs stratégiques. Ils l’ont été, le sont et continueront à l’être. (Mme Estelle Folest et M. Thomas Rudigoz applaudissent.)

    Avenir constitutionnel de la Corse

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Michel Castellani.

    M. Michel Castellani

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    Après les émeutes qui ont succédé au drame de la prison d’Arles, le Président de la République a décidé d’ouvrir un dialogue de fond avec les élus de la Corse qui a été nommé « processus de Beauvau ». Je puis témoigner de l’engagement du ministre de l’intérieur et rendre hommage à sa volonté d’apporter une réelle réponse à la question corse.
    La situation de la Corse est particulière, par sa géographie certes, mais aussi par l’existence historique d’un peuple, avec sa culture, ses traditions, la profondeur de son sentiment d’appartenance, qui a permis à tant de femmes et d’hommes de venir partager un destin commun sur cette île. Cette réalité est difficile à prendre en compte dans la structure centralisée d’un État-nation, comme il est difficile, en cette période de crise, de prendre en compte les difficultés économiques et sociales, l’acculturation ou la dépossession foncière. Or on traite mal une situation particulière avec des lois générales. L’idée n’est donc pas de se singulariser par coquetterie mais de trouver un chemin institutionnel qui permette de porter le progrès global que les Corses attendent depuis deux siècles.
    Le processus de Beauvau avance péniblement, en dépit de l’engagement de la collectivité de Corse et de l’impulsion qu’a voulu lui donner le Président de la République. Je vous demande donc, monsieur le Premier ministre, quel est votre sentiment et quelle suite vous entendez donner au processus dont votre gouvernement a la responsabilité. (Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT et Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le Premier ministre.

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    Le 28 septembre 2023, à Ajaccio, à l’occasion du quatre-vingtième anniversaire de la libération de la Corse, le Président de la République a pris des engagements clairs et en cohérence avec une nouvelle approche qu’il avait eu l’occasion d’exprimer à plusieurs reprises, notamment pendant la dernière campagne présidentielle. Monsieur le député, je vous le dis de manière très claire au nom de mon gouvernement, nous tiendrons ces engagements.
    D’abord, nous allons poursuivre les travaux visant à faire apparaître dans la Constitution la mention de la Corse, en affirmant au sein d’un article spécifique la reconnaissance d’une communauté insulaire historique, linguistique et culturelle. Cet engagement du Président de la République lie le Gouvernement.
    Ensuite, des responsabilités nouvelles seront données à la collectivité de Corse pour tirer les leçons des insuffisances du statut actuel. Concrètement, il s’agit de pouvoir adapter les règles, et même les lois. Là encore, le Président a témoigné d’une ambition nouvelle et forte. Nous pouvons, si les élus de Corse le décident, bâtir une forme d’autonomie à la Corse, c’est-à-dire une autonomie pour l’île et dans la République. Le dialogue a commencé – je prends connaissance des positions des uns et des autres – et se poursuivra.
    Enfin, nous devons avancer ensemble autour de bien d’autres sujets : mieux enseigner le corse ; créer un service public de l’enseignement qui favorise le bilinguisme – dans mes précédentes fonctions de ministre de l’éducation nationale, j’ai eu l’occasion de travailler sur cette question, notamment avec le recteur, qui est très dynamique à propos de l’enseignement public du corse ;…

    M. Patrick Hetzel

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    Il faudrait faire pareil pour l’Alsace, monsieur le Premier ministre !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    …relever le défi immobilier sur l’île ; créer une métropole pour Ajaccio ; renforcer la chambre des territoires ; revoir le mode de scrutin pour les élections territoriales, etc. Toutes ces pistes sont discutées par les formations politiques insulaires et doivent être approfondies dans une logique de consensus.
    Maintenant, comment avancer ? Le Président de la République a invité les responsables politiques corses à consolider un accord dans les six mois. Dans cet état d’esprit, le ministre de l’intérieur se rendra en Corse début février pour faire un point d’étape et recueillir la contribution de l’ensemble des acteurs. Sur cette base, le Gouvernement poursuivra ses travaux en vue de proposer au Parlement les textes constitutionnels et organiques nécessaires. Comme le Président de la République l’a rappelé, il nous faut bâtir un nouveau modèle qui soit pleinement corse. Ce modèle doit être celui de la Corse dans la République et celui d’une autonomie qui permette de construire un avenir ensemble, avec l’engagement de l’État. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et LIOT.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Michel Castellani.

    M. Michel Castellani

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    Je prends acte avec plaisir de l’intervention importante du Premier ministre. Nous espérons tous que le processus de Beauvau constituera une étape dans l’histoire de la Corse contemporaine. Il serait également important que Bastia, ville que le Premier ministre n’a pas évoquée et qui a été totalement ignorée en raison d’un centralisme régional exacerbé, trouve enfin la place qui doit lui revenir dans la vie politique et institutionnelle de la Corse. J’espère que le Premier ministre s’emploiera à corriger ce déséquilibre dommageable. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.)

    Mme la présidente

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    Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à quatorze heures quarante, est reprise à quinze heures.)

    Mme la présidente

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    La séance est reprise.

    2. Liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse

    Discussion d’un projet de loi constitutionnelle

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi constitutionnelle relatif à la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse (nos 1983, 2070).

    Présentation

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

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    Madame la présidente, madame la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations – chère Aurore –, monsieur le président de la commission des lois,...

    M. Yoann Gillet

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    Cher Sacha !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Si cela vous fait plaisir : cher Sacha.
    …monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, « Les filles comme moi gâchaient la journée des médecins. [...] elles les obligeaient à se rappeler la loi qui pouvait les envoyer en prison et leur interdire d’exercer pour toujours. Ils n’osaient pas dire la vérité, qu’ils n’allaient pas risquer de tout perdre pour les beaux yeux d’une demoiselle assez stupide pour se faire mettre en cloque. »
    C’est par ces mots que la narratrice du roman L’Événement, d’Annie Ernaux, se remémore les circonstances de son avortement clandestin en janvier 1964. Ces mots pourraient être ceux de nos mères, de nos sœurs, de nos grands-mères, de nos tantes, de nos amies. Ces mots pourraient être ceux de toutes les femmes qui ont vécu dans leur chair l’interdiction de l’avortement, ce sentiment de ne pas pouvoir disposer de leur corps, d’être à la merci d’une grossesse qu’elles ne désiraient pas.
    Ces mots et la souffrance qu’ils définissent nous obligent. Ils nous rappellent un fait simple : il n’y a pas de démocratie digne de ce nom lorsque la moitié de sa population ne peut s’émanciper. Non, une démocratie ne peut pas maîtriser son destin si les femmes qui y vivent n’ont pas la liberté de maîtriser le leur. La liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) n’est pas une liberté comme les autres, car elle permet aux femmes de décider de leur avenir.
    L’histoire regorge d’exemples de libertés et droits fondamentaux, conquis au prix du sang et des larmes, que tous – je dis bien : tous – croyaient définitivement acquis, et qui, dans la stupeur ou l’indifférence, ont été balayés d’un revers de manche. C’est d’ailleurs l’histoire de la femme qui nous en offre les plus cruels exemples. Oui, les premiers droits qui disparaissent sont souvent ceux des femmes. C’est ce que nous a rappelé récemment la décision de la Cour suprême des États-Unis. Cet exemple rend plus que jamais criants de vérité les mots de Simone de Beauvoir rapportés par Claudine Monteil : « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. » Nous avons désormais la preuve irréfutable que plus aucune démocratie, pas même la plus grande d’entre toutes, n’est à l’abri.
    Je suis particulièrement fier d’être parmi vous pour défendre le projet de loi constitutionnelle relatif à la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse. Si je parle d’un projet de loi, c’est bien parce que ce texte est présenté par le Gouvernement, mais je dois à la vérité de dire qu’il s’agit plutôt d’une forme de troisième lecture, tant les initiatives parlementaires ont été nombreuses et tant le sujet a été débattu au Parlement ces derniers mois. Je veux ici rendre solennellement hommage à l’ensemble des initiatives parlementaires, de celle de l’ancienne présidente Bergé – ma chère Aurore – à celle de la présidente Panot,...

    M. François Piquemal

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    Chère Mathilde !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …en passant par celle de la sénatrice Mélanie Vogel et celle du sénateur Philippe Bas.
    Le projet que je vous présente fait suite à ces travaux et à la volonté exprimée par le Président de la République d’inscrire cette liberté dans le marbre de la Constitution. Le 8 mars dernier, dans le discours qu’il a prononcé en hommage à Gisèle Halimi, il a émis le souhait de « changer notre Constitution afin d’y graver la liberté des femmes à recourir à l’interruption volontaire de grossesse pour assurer solennellement que rien ne pourra entraver ou défaire ce qui sera ainsi irréversible ». Voilà ce que nous nous apprêtons à faire cet après-midi à l’Assemblée nationale.
    Ainsi que le Conseil d’État l’a souligné dans son avis d’une très grande qualité, il n’existe pas aujourd’hui de véritable protection supralégislative du droit ou de la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse. La Convention européenne des droits de l’homme ne comporte pas de disposition spécifique relative à l’avortement. Par ailleurs, la Cour européenne des droits de l’homme considère que le droit au respect de la vie privée et familiale, protégé par l’article 8 de la Convention, ne consacre pas un droit à l’avortement. De la même manière, la Cour de justice de l’Union européenne se borne à rappeler, en l’absence de disposition spécifique sur ce point, la compétence des États membres et renvoie à l’appréciation du législateur national.
    Quant au Conseil constitutionnel, il a jugé conforme à la Constitution les différentes lois relatives à l’interruption volontaire de grossesse. Ce faisant, il a examiné l’équilibre ménagé entre, d’une part, la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme de dégradation et, d’autre part, la liberté de la femme qui découle de l’article 2 de la Déclaration de 1789. Il n’est pas allé plus loin ; il a même pris le soin de souligner, au sujet de l’interruption volontaire de grossesse, qu’il « ne dispose pas d’un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement » et qu’il ne lui appartient donc pas « de remettre en cause, au regard de l’état des connaissances et des techniques, les dispositions prises par le législateur ». Ainsi, la liberté des femmes de recourir à l’interruption volontaire de grossesse ne bénéficie pas, à ce jour, d’une véritable consécration constitutionnelle.
    Lorsqu’elle s’est exprimée devant l’Assemblée nationale le 26 novembre 1974 pour défendre sa grande loi, Simone Veil a inscrit son projet sous le signe de l’espérance. Permettez-moi de reprendre humblement les mots par lesquels elle a conclu son discours, afin de convaincre les députés encore hésitants : « Je ne suis pas de ceux et de celles qui redoutent l’avenir. » Simone Veil croyait profondément que la loi qu’elle présentait alors permettrait à la société française de progresser. L’avenir lui a, bien heureusement, donné raison.
    Mais, car il y a un « mais »... Près de cinquante ans après la légalisation de l’avortement, j’aimerais tant vous dire à cette tribune que non, moi non plus, je ne redoute pas l’avenir. J’aimerais tant pouvoir vous dire que je ne suis pas de ceux qui s’inquiètent face à l’avenir et aux incertitudes qu’il charrie parfois. J’aimerais tant être de ceux qui, tranquilles et d’un pas assuré, avancent insouciants sur le chemin de la vie, croyant que ce qui est acquis l’est pour toujours. J’aimerais tant, enfin, être de ceux qui, d’un revers de main, balayent les exemples étrangers dans lesquels le droit recule et, avec lui, souvent, la condition des femmes. Tel est le cas aux États-Unis, en Hongrie ou encore en Pologne, où les femmes sont forcées, avant d’avorter, d’écouter les battements de cœur du fœtus.
    Qui peut garantir que ce qui s’est produit outre-Atlantique ne pourra pas se produire en France ? Non pas demain, bien sûr, mais à plus long terme. Le pire n’est jamais certain ; le meilleur, non plus. C’est en raison de cette incertitude que je suis favorable à ce que l’on élève la grande loi Veil, celle de 1975 telle qu’elle a été modifiée, au sommet de notre hiérarchie des normes. À ceux qui répondent que l’IVG n’est pas menacée en France, je dis que l’on écrit la Constitution non seulement pour le présent, mais d’abord et surtout pour l’avenir.

    M. Erwan Balanant

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    Exactement !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Le propre même de la loi suprême est de durer, de valoir pour l’avenir, en protégeant nos droits, les acquis démocratiques et notre État de droit.
    Vous l’avez compris, l’objectif du Gouvernement est clair. Il rejoint, je crois, les positions déjà exprimées par l’Assemblée nationale et le Sénat. Il s’agit, par le présent projet de loi constitutionnelle, d’accorder à cette liberté une véritable protection constitutionnelle, laquelle doit être suffisamment souple pour permettre au législateur de continuer son œuvre en la matière, donc ménager un équilibre satisfaisant au regard, notamment, des évolutions techniques, médicales ou scientifiques qui pourraient advenir. Il s’agit d’empêcher que le législateur puisse un jour interdire tout recours à l’interruption volontaire de grossesse ou qu’il en restreigne si drastiquement les conditions d’accès que la substance même de la liberté d’y recourir s’en trouverait irrémédiablement atteinte. Voilà notre objectif.
    Le Gouvernement s’est attelé à trouver un équilibre entre les versions votées au Sénat et à l’Assemblée. La rédaction proposée permet de répondre non seulement aux attentes, mais aussi aux craintes d’une grande partie des parlementaires. Le Gouvernement souhaite consacrer pleinement la valeur constitutionnelle de la liberté de la femme de recourir à l’interruption volontaire de grossesse, tout en reconnaissant le rôle du législateur d’organiser les conditions d’exercice de cette liberté.
    En effet, le projet de loi constitutionnelle comporte une disposition unique ayant pour objet de modifier l’article 34 de la Constitution en y ajoutant, après le dix-septième alinéa, un alinéa ainsi rédigé : « La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse. »

    Mme Sandrine Rousseau

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    Les femmes ! La femme n’existe pas ! (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et LR.)

    Mme la présidente

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    Madame Rousseau, s’il vous plaît.

    M. Philippe Gosselin

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    Vous interviendrez tout à l’heure !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Si vous pouviez, madame la députée, me laisser prononcer mon discours sans m’interrompre en permanence, je vous en serais extrêmement reconnaissant.
    Le Gouvernement a tout d’abord retenu l’article 34 de la Constitution, comme l’avait fait le Sénat. En termes juridiques, cet emplacement paraît en effet le plus adapté. Il faut rappeler que la jurisprudence du Conseil constitutionnel reconnaît que l’article 34 de la Constitution peut, contrairement à ce qu’une première lecture pourrait sembler indiquer, accueillir des règles de fond et mettre des obligations positives à la charge du législateur. C’est ce qui a été fait avec la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, qui a prévu à l’article 34 que la loi fixe les règles concernant « la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias ».
    Le projet fait par ailleurs le choix du mot « liberté » plutôt que du mot « droit ». Ce choix, très commenté, ne doit pas être surestimé. Car, ainsi que l’a relevé dans son avis le Conseil d’État, il n’existe pas, en droit positif ni dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, de différence établie entre les deux termes. Si le Gouvernement a choisi ce terme, c’est dans un souci de clarté : il ne s’agit pas de créer un droit absolu et sans limite, mais de faire référence à l’autonomie de la femme,…

    Mme Sandrine Rousseau

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    Des femmes !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …et de garantir ainsi l’exercice d’une liberté qui lui appartient, dans les conditions prévues par la loi. (Mme Ségolène Amiot s’exclame.)

    Mme la présidente

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    Madame la députée, vous interviendrez tout à l’heure. Nous avons doublé le temps de la discussion générale pour permettre à chacun des groupes d’exprimer son opinion.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Vous aurez deux fois plus de temps pour critiquer le texte le moment venu. En attendant, s’il vous plaît, laissez-moi terminer.
    Enfin, le Gouvernement a souhaité, par la rédaction qu’il propose, insister sur le fait que si les conditions de cette liberté sont déterminées par le législateur, cette liberté doit rester dans tous les cas garantie aux femmes qui en bénéficient. C’est là un point particulièrement important. Le mot « garantie », issu des travaux menés par votre assemblée, vise là encore à exprimer clairement l’intention qui nous anime. Que les choses soient bien claires : il s’agit non d’une simple attribution de compétence au législateur, mais bien de la création d’une obligation positive à sa charge, celle de protéger une liberté que la Constitution garantit dans les conditions qu’il estime appropriées. L’objectif est bien qu’aucune majorité future ne puisse réellement porter atteinte à la liberté intangible qu’est celle pour la femme de disposer de son corps.

    Mme Sandrine Rousseau

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    Les femmes !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Un mot, enfin, sur les effets attendus de cette révision constitutionnelle.
    Tout d’abord – c’est un point important –, aucune disposition législative en vigueur ne devrait se voir remise en cause par l’adoption de cette révision de la Constitution. Le Conseil d’État lui-même l’a constaté, et telle est bien l’intention du Gouvernement. De manière claire et précise, et pour répondre par anticipation à certaines craintes exprimées ici ou là – je pense notamment à celles de la députée Bonnivard, qui pose des questions légitimes –, la consécration de cette liberté n’emporte la remise en question d’aucune autre liberté, et surtout pas de la liberté de conscience des médecins et des sages-femmes, qui leur permet de choisir de ne pas pratiquer d’IVG si cet acte est contraire à leurs convictions. Cette liberté-là est totalement préservée. Autre point important, le principe de respect de la dignité de la personne humaine est lui aussi préservé. Une loi qui porterait à 30 semaines, par exemple, le délai maximal pour avorter pourrait tout à fait être censurée, y compris avec la présente révision.
    Ensuite, la rédaction proposée tend à rendre clair le fait que la décision d’avorter appartient à la femme enceinte, et à elle seule. Elle ne nécessite ni l’autorisation d’un tiers, que ce tiers soit le conjoint ou les parents, ni l’appréciation d’une autre personne. Cette liberté est strictement personnelle. Elle est d’ailleurs reconnue à toutes les femmes enceintes, et même à toute personne enceinte, sans considération de son état civil, de son âge, de sa nationalité ou de la régularité de son séjour en France.
    Enfin, j’insiste sur ce point, cette rédaction ne vise pas à créer une forme de droit opposable, absolu et sans limites. Le Gouvernement n’ignore pas les difficultés matérielles et concrètes qui peuvent encore exister dans l’accès à l’interruption volontaire de grossesse, notamment dans certaines parties du territoire, mais il s’agit là d’un autre sujet, qui n’est pas d’ordre constitutionnel. Nous nous retrouvons aujourd’hui pour réviser la Constitution, et non pour voter je ne sais quelle mesure relevant du périmètre du ministère de la santé, lequel est pleinement mobilisé pour améliorer l’accès à l’IVG partout en France. Cette révision de la Constitution ne lèvera pas toutes les difficultés mais elle protégera les femmes, en France, d’une éventuelle régression brutale de leur liberté de recourir à l’avortement. C’est là la volonté exprimée par l’Assemblée puis par le Sénat ; c’est là l’objectif du Président de la République, repris par le Gouvernement.
    Je veux prendre un instant pour remercier le rapporteur Gouffier-Valente, militant éclairé et infatigable du droit des femmes et partenaire hors pair dans le projet qui nous réunit aujourd’hui. Je sais que sa pédagogie a convaincu en commission, comme en témoigne l’adoption du texte.

    Mme Sarah Legrain

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    Merci messieurs !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Nos débats en séance poursuivront dans cette voie du dialogue, du consensus et du respect.

    Mme Ségolène Amiot

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    Aucun remerciement à toutes celles qui se sont battues ?

    M. Erwan Balanant

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    Cela a déjà été fait ! Le seul qui n’ait pas été remercié jusqu’à présent, c’est moi, et je n’en fais pas un drame.

    Mme la présidente

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    Madame la députée, je le répète, votre groupe aura dix minutes pour s’exprimer. Vous pourrez alors remercier qui vous souhaitez.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Un dernier mot, enfin, pour répondre à un certain nombre de critiques et de craintes qui ont été exprimées. Depuis que je suis à la Chancellerie, j’ai toujours respecté les convictions de chacun sur les sujets sociétaux. J’entends et je respecte les craintes que suscite ce que certains perçoivent comme la création d’un droit absolu et sans limite. Je veux les rassurer : il n’en est rien. Il s’agit aujourd’hui de donner une protection constitutionnelle à l’état actuel de notre droit. J’ai entendu aussi la crainte du président Larcher que la Constitution ne devienne, je le cite : « un catalogue de droits sociaux et sociétaux ».

    M. Jérôme Guedj

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    C’est le préambule !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je partage sa crainte. Oui, la Constitution doit demeurer ce qu’elle est, à savoir le recueil de nos libertés fondamentales.

    M. Erwan Balanant

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    Exactement !

    M. Jérôme Guedj

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    Eh oui !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je crois donc que la liberté de recourir à l’IVG y a toute sa place.
    Enfin, je veux revenir sur la question du calendrier parlementaire. Je sais l’émoi qu’a provoqué la pseudo-annonce d’une date de Congrès, avant même que les chambres ne se soient prononcées. Cela a été perçu par certains comme un manque de respect à l’égard du Parlement. Afin de dissiper tout malentendu, permettez-moi de revenir à la parole présidentielle initiale. Lors des rencontres de Saint-Denis, le Président de la République n’a jamais parlé que d’une possibilité de Congrès. Voilà les termes précis de ce qu’il proposait aux différents partis politiques : « Un examen dans chaque assemblée pourra avoir lieu au premier trimestre 2024, afin qu’un Congrès puisse être envisagé le 4 mars prochain. » Vous le voyez, il ne s’agit là que d’une possibilité.
    C’est pourquoi je veux vous rassurer et vous dire que nous prendrons le temps qu’il faut pour aller au bout de cette révision, car je crois profondément que nous pouvons y arriver. Tout, j’insiste, tout dans le projet de loi constitutionnelle qui vous est présenté est fait pour que chacun puisse voter sans crainte cette écriture calibrée et soupesée.
    Ce projet de révision de la Constitution constitue le point d’équilibre de nombreux travaux engagés dans les deux chambres et commencés ici même. Parce qu’elle respecte les priorités de l’Assemblée, parce qu’elle respecte le travail du Sénat, la rédaction proposée doit nous permettre de trouver une majorité dans les deux chambres et d’obtenir ensuite une majorité qualifiée au Congrès. Nos débats doivent permettre de dissiper les dernières hésitations afin que notre pays, par le vote d’une loi constitutionnelle, franchisse un pas historique pour les femmes de notre pays. La France deviendrait alors le premier pays au monde à protéger cette liberté inaliénable de la femme dans sa Constitution. Mais, avant cela, il faut que l’Assemblée adopte le texte de la manière la plus large possible. Les Français, et peut-être surtout les Françaises, nous regardent ; si nous réussissons dans ce travail, n’en doutons pas, ce sera le monde entier qui tournera son regard vers notre pays. La France aura alors été, une fois de plus, au rendez-vous de sa vocation universelle. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et Hor, ainsi que sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES, LR et SOC.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.

    Mme Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations

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    L’histoire de l’avortement, c’est d’abord l’histoire du corps des femmes, qui est et a toujours été un corps politique. Un corps scruté, réglé, rangé ; un corps que la loi examine sous toutes ses coutures et auquel on n’a cessé de prescrire des façons d’être, de se tenir, de se vêtir ; un corps pour lequel des hommes réunis en assemblée ont déterminé des règles lui donnant le droit de recourir ou non à la contraception, de vivre ou de ne pas vivre sa grossesse, d’entrer dans la maternité.
    Quand la loi s’est-elle penchée de cette façon sur le corps des hommes ? Quand s’est-elle interrogée sur leur sexe, est-elle entrée dans leur ventre, a-t-elle scruté jusqu’au fond de leurs entrailles ?

    M. Olivier Marleix

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    Oh là là ! On est loin de Simone Veil !

    Mme Émilie Bonnivard

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    On était bien, avec Éric Dupond-Moretti !

    M. Olivier Marleix

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    N’exagérons rien !

    Mme Aurore Bergé, ministre déléguée

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    L’histoire de l’avortement, c’est l’histoire de celles qui ne se rangent pas parce qu’elles ne le veulent pas, parce qu’elles ne le peuvent pas. C’est celle de femmes à qui l’on réserve tous les raffinements de la douleur et de la honte. Car il n’a jamais suffi d’interdire aux femmes : encore fallait-il les faire souffrir.
    L’histoire de l’avortement, c’est un cintre plongé dans un utérus, sur une table de cuisine ; ce sont des vessies et des intestins perforés ; ce sont des femmes mourant de septicémie, comme il en meurt encore 40 000 par an dans le monde à la suite d’un avortement réalisé dans des conditions indignes. Ce sont des curetages pratiqués sans anesthésie dans les hôpitaux, parce que « ça lui apprendra ». Ce sont ces gamines violées qu’on enfermait dans les couvents de la Madeleine pour « leur apprendre à aguicher les hommes ». C’est cette mère de famille épuisée que l’on embarquait au poste parce qu’elle n’avait pas voulu d’un nouvel enfant.
    Dans cette histoire, des femmes ont lutté, et des hommes auprès d’elles. De grandes héroïnes comme Simone Veil et Gisèle Halimi, et à leurs côtés Lucien Neuwirth, Eugène Claudius-Petit, Jacques Chirac, des médecins et des avocats ; mais aussi des foules d’anonymes, des femmes qui se recommandaient une adresse dans le coin d’une cuisine, qui se formaient comme elles le pouvaient aux méthodes d’aspiration, qui s’entouraient et qui s’entraidaient.
    Parmi elles, les plus exposées n’ont peut-être pas été celles à qui nous avons le plus rendu hommage, car la lutte pour l’avortement était aussi une lutte de classes. Qui a-t-on condamné dans les procès de l’avortement ? Les caissières, les ouvrières, les employées. Celles qui triment, qui écument et qui galèrent ; celles à qui s’imposent toujours en premier les servitudes que l’on réserve aux femmes. Et qu’en est-il aujourd’hui ? Quel soin leur apportons-nous ? Sommes-nous à la hauteur de ce qui pèse sur leurs vies et sur leurs corps ?
    Quand nous avons déposé, il y a maintenant plus d’un an, une proposition de loi constitutionnelle visant à inscrire la liberté des femmes à recourir à l’avortement dans le texte fondamental et fondateur de notre République, tant de voix se sont élevées pour nous dire que c’était inutile et superflu, qu’il s’agissait d’une diversion politique visant à détourner le regard de sujets « sérieux », que ce n’était qu’un symbole pour bourgeoises en mal de combats. Eh bien oui, cette loi est un symbole ! Elle symbolise la fierté de ce que nous sommes, de ce en quoi nous croyons et de ce qui fonde le projet d’émancipation et d’égalité de notre pays.
    Mais cette loi n’est pas seulement un symbole. Parce que pour trop de femmes encore, le droit à l’avortement reste entravé par des défauts d’accès à l’information, aux soins et à un accompagnement adapté ; parce qu’insidieusement, partout à travers le monde, ce droit recule ; parce que dans des sociétés qui apparaissaient comme des terres de liberté, les fractures et le repli conduisent à s’attaquer à ce qui nous semblait définitivement acquis, il n’est pas de raison de croire que ce qui arrive autour de nous ne pourra pas arriver chez nous, comme si nous étions préservés de toute régression.
    Et si l’on abattait ce symbole, si ce qui a incarné au plus haut point la lutte d’émancipation des femmes en venait à tomber, alors tout le reste céderait. Je fais partie d’une génération qui croyait que l’histoire avancerait inéluctablement vers le progrès des sociétés, que les combats se gagneraient pied à pied et sans retour. L’avortement était acquis, et avec lui la libération sexuelle et l’égalité des droits, puis viendraient l’égalité des salaires, l’égalité réelle et finalement un monde où il ne serait plus question d’être une femme ou d’être un homme mais seulement d’être soi, libéré des déterminismes, des assignations, des conditionnements, des rôles imposés et de toute violence. Il suffisait que d’autres générations prennent la place et l’affaire serait réglée.
    Mesdames et messieurs les députés, j’aurais voulu qu’il n’y ait plus besoin d’un ministre de l’égalité. J’aurais voulu que ce combat s’achève par la disparition de son objet. J’aurais voulu que nous puissions déposer les armes en sachant que, grâce à notre intelligence collective, nous étions parvenus à nous défaire de ces enfermements et de cette violence. J’aurais voulu que cette inscription de l’IVG dans la Constitution soit une cérémonie d’hommage, un point final, le clairon que l’on sonne après la victoire – votons, réjouissons-nous et finissons-en !
    Mais ce temps n’est pas encore venu. L’histoire résiste et c’est pourquoi nous sommes ici réunis, conscients du caractère fondateur d’un tel débat et d’un tel vote. Vous vous apprêtez – du moins, je l’espère – à voter pour inscrire l’avortement dans la Constitution, à la faveur d’un projet soutenu par le Président de la République et par le garde des sceaux dès le premier jour, ainsi que par des parlementaires issus de tous les bancs, à l’Assemblée nationale comme au Sénat. Cela aurait été inimaginable il y a cinquante ans, tout comme le fait de voir une femme parler à une assemblée composée indistinctement de femmes et d’hommes et présidée par une femme.
    Mais nous savons aussi désormais qu’il ne suffit pas d’un changement de génération pour acter la victoire des droits des femmes. Ce texte n’est donc pas un point final. Il est un moment que prend la République pour mettre en sécurité une liberté précieuse avant de reprendre sa marche. Mesdames et messieurs les députés, ce vote sera l’un des plus importants, l’un des plus marquants de cette législature. Je suis la fille d’une mère qui a risqué la prison et la mort pour avorter dans la clandestinité, et la mère d’une fille que je souhaite voir grandir libre, libre de disposer de son corps, d’un corps qui ne soit plus scruté, réglé, rangé.
    Mesdames et messieurs les députés, dans ce débat et par vos votes, soyons tout simplement à la hauteur de nos mères et de nos filles. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR, ainsi que sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES. – Mme Elsa Faucillon applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

    M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administrat