XVIe législature
Session ordinaire de 2023-2024

Première séance du mercredi 28 février 2024

Sommaire détaillé
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Première séance du mercredi 28 février 2024

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet

Mme la présidente

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quatorze heures.)

    1. Questions au Gouvernement

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

    Importation de produits agricoles non conformes aux normes européennes

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Brun.

    M. Philippe Brun

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    Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. (L’orateur montre un pot de miel.) J’ai acheté juste à côté de l’Assemblée nationale ce pot de miel bon marché composé d’un mélange de miels en provenance de divers pays, dont la Chine, où les ruches sont traitées avec du propargite, pesticide interdit en Europe pour sa dangerosité. Nos apiculteurs doivent faire face à la concurrence déloyale exercée par d’autres pays comme tant d’autres producteurs français, je pense en particulier aux producteurs de maïs et de lin confrontés à la concurrence des producteurs américains, canadiens ou néozélandais qui font usage d’un pesticide hautement dangereux, l’atrazine, autorisé sur leur sol mais interdit en France depuis 2003.
    Près de 25 % des produits que nous importons ne sont pas conformes aux normes européennes. Pourtant, nous avons voté dans cet hémicycle, il y a près de six ans, l’article 44 de la loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi Egalim 1, qui doit protéger nos producteurs français. Il interdit l’importation de produits étrangers qui ne seraient pas conformes aux normes européennes.
    Le Gouvernement n’a toujours pas pris les mesures administratives nécessaires à l’application de cet article et nous en voyons les conséquences avec la crise agricole que nous vivons. Avec des agriculteurs et des consommateurs, nous avons saisi la justice afin de l’obliger à prendre les dispositions qui s’imposent. Ma question est simple : quand fera-t-il appliquer en France la loi républicaine et quand rétablira-t-il une concurrence loyale pour nos agriculteurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES, Écolo-NUPES et LIOT.)

    M. Inaki Echaniz

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    Bravo !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée à l’agriculture et à la souveraineté alimentaire.

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée à l’agriculture et à la souveraineté alimentaire

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    Votre exemple est frappant : il montre les limites d’un commerce international non régulé qui conduit un pays comme la France à demander à ses agriculteurs et à ses industriels de respecter des normes environnementales extrêmement exigeantes et à importer des produits qui, eux, ne s’y conforment pas.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    C’est exactement ça !

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée

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    Ce sujet, vous le connaissez bien ; vous savez que c’est pour cette raison que nous passons des accords de libre-échange.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Ah !

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée

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    Et c’est là où je vois une certaine incohérence dans vos propos : à quoi servent en effet ces traités sinon à réguler le libre-échange et à inscrire des clauses miroirs qui instaurent une réciprocité interdisant le type de situations que vous mentionnez ? (Exclamations sur les bancs du groupe SOC.)

    M. Fabien Di Filippo

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    Y a-t-il des clauses miroirs pour l’agneau néo-zélandais ou dans le Ceta ?

    M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’industrie et de l’énergie

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    Vous auriez dû le ratifier, cet accord !

    M. Fabien Di Filippo

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    Vous aimez le bœuf aux hormones, monsieur Lescure ?

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée

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    A-t-on conclu un traité de libre-échange avec la Chine ? Non, bien entendu. Pourquoi êtes-vous contre ces traités de libre-échange qui permettent d’inscrire des clauses miroirs, d’imposer le respect des Accords de Paris et d’interdire l’importation de certains produits vers la France ? (Exclamations sur les bancs du groupe SOC.) Ils sont protecteurs pour les Français et pour les Européens.

    M. Inaki Echaniz

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    C’est faux !

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée

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    Vous déplorez que les décrets d’application relatifs à l’article 44 de la loi Egalim 1 n’aient pas été publiés. Je serais intéressée par la position du juge car cet article n’est pas conforme au droit européen, vous le savez bien, vous qui en êtes bon connaisseur. Le combat, c’est au niveau européen qu’il faut le mener !

    M. Inaki Echaniz

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    Ce n’est pas la question !

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée

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    Nous, nous ne jouons pas avec les mots. Nous ne trahissons pas les Français, nous ne leur racontons pas d’histoires. Nous prenons nos responsabilités. Ce combat, nous le menons au niveau européen.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Brun.

    M. Philippe Brun

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    Vous nous dites à la fois que le libre-échange a failli – il ne permet ni d’assurer une juste rémunération aux agriculteurs ni de mettre fin à la concurrence déloyale qu’ils subissent – et qu’il faut augmenter au plus vite le nombre de traités de libre-échange. C’est une vraie contradiction !
    Ce qu’il faut, c’est appliquer la loi.

    Mme Cécile Untermaier

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    Exactement !

    M. Philippe Brun

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    Le Premier ministre lui-même a annoncé l’interdiction de l’importation de certains produits non-conformes. Nous avons établi une liste, une longue liste d’autres produits de ce type que nous tenons à votre disposition. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LIOT et sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée.

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée

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    Monsieur le député, je vous croyais pro-européen. (Vives protestations sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

    Mme Anna Pic

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    Vous vous défaussez sur l’Europe !

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée

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    Vous voulez faire voter des amendements qui vont contre l’Europe et vous refusez de porter ce combat au niveau européen. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    Crise du logement

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Olga Givernet.

    Mme Olga Givernet

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    Ma question s’adresse à M. le ministre délégué chargé du logement, à qui je souhaite un joyeux anniversaire. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)
    Nul ne peut ignorer les difficultés que les Français rencontrent pour se loger à un coût abordable. De nouveaux phénomènes y contribuent, au-delà de la hausse constante des loyers que l’on observe depuis quarante ans. Les investisseurs, particuliers comme professionnels, se trouvent confrontés à une hausse des taux d’emprunt, des coûts de construction et à la nécessité d’adapter le parc aux exigences de sobriété énergétique.
    Le nombre de ventes de logements anciens et neufs ne cesse de s’éroder. Il a baissé de 12 % en un an.

    M. Fabien Di Filippo

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    C’est plus qu’une érosion, c’est un effondrement !

    Mme Olga Givernet

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    Le nombre de transactions était de 1 million entre janvier et mai 2023 contre 1,17 million à la même période en 2022. Le total des prêts immobiliers accordés par les banques a diminué de 45 % en un an.

    M. Pierre Cordier

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    C’est le bilan de Macron ?

    M. Inaki Echaniz

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    C’est votre bilan ?

    M. Laurent Jacobelli

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    Votez donc pour le RN !

    Mme Olga Givernet

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    Les réservations de logements neufs ont quant à elles baissé dans les mêmes proportions. Tous les acteurs du logement, qu’ils soient publics ou privés, lucratifs ou associatifs, institutionnels ou particuliers, tirent la sonnette d’alarme.

    M. Inaki Echaniz

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    Oui, depuis longtemps !

    Mme Olga Givernet

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    Dans ce contexte, le Premier ministre Gabriel Attal a dévoilé sa feuille de route pour le logement. Il faut de l’offre, toujours de l’offre et encore plus d’offre pour répondre à la demande, celle de ces locataires qui font la queue devant les appartements à visiter, celle de ces jeunes qui sont obligés de falsifier leurs fiches de paye pour espérer avoir une chance de louer un appartement, celle de ces habitants de communes touristiques victimes du phénomène Airbnb. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)
    Avec le Premier ministre et le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, vous avez annoncé un programme exceptionnel d’accélération dans vingt-deux territoires engagés pour le logement.

    M. Inaki Echaniz

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    Oh là là, avec ça, vous allez casser la baraque !

    Mme Olga Givernet

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    Ce programme vise 30 000 nouveaux logements en trois ans.

    M. Benjamin Saint-Huile

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    On est sauvés, alors ! Tout va bien !

    Mme Olga Givernet

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    Dans ma circonscription de l’Ain, dans la commune de Ferney-Voltaire, plus de 2 500 nouveaux logements bénéficieront de ce soutien déterminant. Nous inaugurions ensemble, vendredi dernier, le premier chantier.

    M. Victor Catteau

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    C’est nul ! Et c’est long !

    Mme Olga Givernet

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    Comment comptez-vous concrètement obtenir de tels résultats ? Ces objectifs seront-ils suffisants pour répondre à la crise que nous traversons ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué chargé du logement.

    M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué chargé du logement

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    Vous avez raison, le logement est en crise (Exclamations sur les bancs du groupe LR) : crise de la demande alors que de nombreux Français essuient des refus de crédits du fait de la hausse des taux d’intérêt, crise de l’offre locative alors que les candidats se bousculent pour visiter les rares biens mis en location, crise de l’offre neuve alors que des Français ne parviennent à pas à trouver un logement dans des zones à forte croissance économique.

    M. Pierre-Henri Dumont

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    Comme si vous étiez au pouvoir depuis sept ans !

    M. Jean-Pierre Vigier

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    Qu’avez-vous fait ?

    M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué

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    Je peux vous assurer que le Gouvernement est pleinement mobilisé pour répondre à cette crise.

    M. Pierre-Henri Dumont

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    Il serait temps !

    M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué

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    La feuille de route dévoilée par le Premier ministre lors de son discours de politique générale est claire : de l’offre, de l’offre, de l’offre. Les vingt-deux territoires engagés pour le logement que nous avons sélectionnés avec le ministre Christophe Béchu s’inscrivent dans cette démarche.

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Très bien !

    M. Fabien Di Filippo

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    Cela a déjà été dit dans la question !

    M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué

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    L’objectif est clair : 30 000 logements à l’horizon 2027 dans des territoires en tension.

    M. Philippe Ballard

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    Ce n’est pas suffisant !

    M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué

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    Nous étions vendredi dernier dans votre circonscription, à Ferney-Voltaire,…

    M. Pierre-Henri Dumont

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    Quel hasard !

    M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué

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    …pour poser la première planche d’un projet retenu qui permettra de créer plus de 2 500 logements, dont 25 % de logements sociaux. Dans chacun des territoires, l’État simplifiera et accélérera les procédures pour gagner du temps et pour aider à boucler le modèle économique afin que ces logements sortent enfin de terre.

    M. Laurent Jacobelli

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    Ces gens-là ne sont vraiment pas à la hauteur !

    M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué

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    Le logement ne doit jamais être un frein à la mobilité, à la création de nouvelles usines, de nouveaux réacteurs pressurisés européens (EPR) et le Gouvernement agira sur tous les fronts pour déverrouiller le secteur : échanges avec les banques pour débloquer la demande, simplification de MaPrimeRénov’ pour accélérer les rénovations, concertation avec les acteurs du secteur et les élus locaux pour encourager à bâtir, à surélever, à densifier,…

    M. Fabien Di Filippo

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    Qu’en pense le « ministre de la planète » ?

    M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué

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    …accélération des rénovations de copropriétés dégradées.
    Vous pouvez compter sur l’action du Gouvernement pour travailler sur l’ensemble du spectre de la crise du logement et soutenir vos propositions parlementaires. Ce beau défi, nous allons le relever ensemble ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Très bien, monsieur Kasbarian !

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Paroles, paroles, paroles !

    Insultes racistes à l’encontre d’élèves d’un lycée de Fresnes

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Rachel Keke.

    Mme Rachel Keke

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    Madame la ministre de l’éducation et de la jeunesse, le 4 décembre dernier, j’ai reçu ici, dans la maison du peuple, une classe de ma circonscription. Comme le font mes collègues, j’ai publié un tweet où figurait une photo des élèves accompagnée de ces mots : « Bienvenue aux élèves de la seconde pro du lycée Mistral de Fresnes. De la joie et de la curiosité pour cette première visite à l’Assemblée nationale. Ravie de contribuer à la formation de votre parcours citoyen ! » Aussitôt, un déferlement de haine : la fachosphère reprend mon tweet, le cite, et parle en boucle de grand remplacement. Les commentaires racistes qui visent des enfants sont horribles et inadmissibles. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)
    Et vous le savez, ce qu’ils ont subi n’est pas un événement isolé. Le racisme est une réalité dans ce pays et il touche aussi les enfants, parce qu’ils sont noirs, parce qu’ils sont arabes, parce qu’ils sont de banlieue. Les racistes ont voulu mettre à genoux des enfants de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Marcellin Nadeau applaudit également.)

    M. François Cormier-Bouligeon

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    N’importe quoi !

    M. Fabien Di Filippo

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    Qui visez-vous ?

    Mme Rachel Keke

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    Mon tweet a été vu plus de 4 millions de fois. Il n’a pas pu échapper au Gouvernement. Au moment où je l’ai publié, le Premier ministre actuel était ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Pourtant, rien : silence, aucun mot de soutien, aucun mot de compassion, ni de sa part, ni de celle de M. Darmanin ou de Mme Borne, alors Première ministre. Aucun d’entre vous ne s’est exprimé !
    Je suis dans l’obligation de sortir le Gouvernement de son silence coupable.

    M. Fabien Di Filippo

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    Les deux minutes sont dépassées !

    Mme la présidente

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    Merci, chère collègue. Votre temps de parole est écoulé.

    Mme Rachel Keke

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    Ces enfants, victimes de racisme, sont aujourd’hui dans les tribunes. (Mme la présidente coupe le micro de l’oratrice, dont le temps de parole est écoulé, mais cette dernière poursuit néanmoins son propos, devenu inaudible. – Mmes et MM. les députés du groupe LFI-NUPES ainsi que MM. Alain David et Marcellin Nadeau se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

    Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse

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    Madame la députée, je voudrais d’abord saluer la présence dans les tribunes des élèves du lycée Mistral des Fresnes qui ont subi des attaques absolument ignobles. Je veux les assurer ici de tout mon soutien, du soutien de la collectivité de l’éducation nationale et de la représentation nationale. (Mmes et MM. les députés ainsi que les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)
    Il est en effet inacceptable…

    Mme Cécile Untermaier

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    C’est vrai !

    Mme Nicole Belloubet, ministre

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    …que des jeunes de notre pays subissent les atteintes ignobles dont ils ont été l’objet sur les réseaux sociaux, et ce alors même qu’ils visitaient ce sanctuaire de la démocratie qu’est l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE et sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) Vous avez raison de souligner ces faits intolérables.
    Le ministère de l’éducation nationale se tient entièrement aux côtés des élèves, de leurs familles et des personnels éducatifs de ce lycée. Nous ne tolérons pas ce type d’attaques absolument inacceptables dans ces lieux.

    M. Benjamin Saint-Huile

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    Et donc ?

    Mme Nicole Belloubet, ministre

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    Le ministère de l’éducation nationale participe d’ailleurs pleinement au plan national de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine, dont il est un des acteurs essentiels. Nous ne pouvons pas accepter que des attaques venant, en l’occurrence, d’une extrême droite rance, réactionnaire et volontairement aveugle à la diversité de notre pays, se propagent ainsi sur les réseaux sociaux. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, LFI-NUPES, Dem, SOC, Écolo-NUPES, GDR-NUPES et LIOT.)
    Toutefois, madame Keke, je tiens à souligner que, contrairement à ce qui a pu être dit, Mme la rectrice de l’académie de Créteil a immédiatement réagi dès qu’elle a eu connaissance de ces faits.

    M. Éric Bothorel

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    Eh oui !

    Mme Ségolène Amiot

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    Ce n’est pas suffisant. Le Gouvernement aurait pu réagir !

    Mme Nicole Belloubet, ministre

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    Elle a déposé plainte auprès du procureur de la République au titre de l’article 40 du code de procédure pénale. Cette procédure suit son cours.
    Je le répète, nous ne laisserons jamais prospérer de tels propos, contraires à tout ce qu’est la République. Nous apportons tout notre soutien aux élèves. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem, HOR et LIOT et sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Financement de la transition écologique

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Charles Fournier.

    M. Charles Fournier

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    Robert Poujade, le premier des ministres chargés de la protection de l’environnement, avait, il y a cinquante ans, qualifié son portefeuille de « ministère de l’impossible ».

    M. Fabien Di Filippo

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    Il n’était pas ministre de la planète, lui !

    M. Charles Fournier

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    La crise écologique ne cesse de s’aggraver. Pourtant, mener en France une politique écologique à la hauteur de l’urgence relève encore de l’impossible. Sans débat avec le Parlement, le ministre de l’économie et des finances a publié un décret annulant 10 milliards d’euros de crédits, dont 2,1 milliards seront retranchés des budgets de l’écologie. Plus précisément, il faut compter 1 milliard en moins pour MaPrimeRénov’, 400 millions en moins pour le fonds Vert, dont bénéficient les collectivités, 350 millions en moins pour les mobilités durables, et je passe sur les budgets de la prévention des risques et de la protection de la biodiversité.
    Votre gouvernement se veut rassurant. C’est « un acte de responsabilité », nous dit Bruno Le Maire ! C’est un détail, nous explique Christophe Béchu, puisque le budget de son ministère reste en augmentation.
    Ce n’est ni un détail, ni un acte de responsabilité. Comment comprendre que l’écologie, cyniquement présentée sur le site de l’Élysée comme le défi du siècle, soit toujours sacrifiée sur l’autel des finances publiques ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.) Est-ce encore l’écologie qui trinquera lorsqu’il faudra dégager 12 milliards d’euros d’économies dans le budget pour 2025 ?
    Beaucoup de scientifiques et d’économistes préconisent pourtant des efforts budgétaires sans précédent. Par exemple, le rapport remis le 22 mai 2023 par Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz, que vous avez vous-mêmes commandé, recommande d’effectuer jusqu’à 34 milliards d’investissements publics supplémentaires par an. La protection du climat et du vivant nécessite des investissements publics massifs s’inscrivant dans une trajectoire stable qui donne de la visibilité aux acteurs.
    Vous affirmez que le budget de l’État serait comme le budget des familles : lorsqu’on gagne moins, on dépense moins. Pourtant, les familles, elles, ne décident pas de leurs revenus ! L’État, en revanche, dispose du levier fiscal, que vous refusez obstinément d’actionner.

    M. Fabien Di Filippo

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    Il veut plus d’impôts !

    M. Charles Fournier

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    Voici la question que j’aurais aimé poser au ministre de la transition écologique, en espérant ne pas recevoir une leçon de bonne gestion,…

    M. Pierre-Henri Dumont

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    Le Gouvernement est mal placé pour en donner !

    M. Charles Fournier

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    …mais bien une réponse sur le fond : quand la température du pays se sera réchauffée de 4 degrés Celsius, comment expliquerez-vous aux Français que vous n’avez pas fourni les efforts attendus en matière de transition écologique car votre priorité était de coller aux prévisions de croissance ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES et GDR-NUPES ainsi que sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.

    Mme Raquel Garrido

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    Rendez les 10 milliards !

    M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics

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    Oui, la croissance, c’est important, monsieur Fournier. C’est grâce à la croissance qu’on obtient des recettes. Or nous constatons que les recettes ont baissé.

    Mme Raquel Garrido

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    Il faut taxer les ultrariches !

    M. Thomas Cazenave, ministre délégué

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    En conséquence, nous avons dû réviser notre prévision de croissance pour l’année. Nous ne sommes pas les seuls : par exemple, l’Allemagne a porté sa prévision de croissance pour 2024 de 1,3 % à 0,2 % et la Commission européenne de 1,2 % à 0,8 %.

    Mme Marie-Charlotte Garin

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    Ce n’est pas la question !

    Mme Sandra Regol

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    La question, c’est l’écologie !

    M. Thomas Cazenave, ministre délégué

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    Oui, monsieur Fournier, parler de responsabilité ou d’économies, ce n’est pas dire des gros mots ! Oui, cela vaut pour l’État comme pour un ménage : quand on a moins de recettes, on doit dépenser moins. D’ailleurs, vous n’avez pas de leçons d’écologie à nous donner, car même après cette révision, le budget pour 2024 reste le plus vert de notre histoire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.)

    Mme Sandra Regol

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    C’est faux !

    M. Thomas Cazenave, ministre délégué

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    Qu’ont fait les majorités précédentes pour l’écologie ? Notre gouvernement dédie 40 milliards d’euros à la transition écologique. (Mme Raquel Garrido s’exclame.) Entre 2023 et 2024, cette somme a augmenté de 8 milliards. Le financement de MaPrimeRénov’ continuera à augmenter (Mme Émilie Bonnivard s’exclame), sans parler du soutien au transport ferroviaire, du soutien aux énergies renouvelables ou encore du soutien à la décarbonation de l’industrie. Qu’avez-vous fait, monsieur le député ?
    Nous sommes à la hauteur de notre responsabilité en matière d’écologie, mais aussi en matière de finances publiques. (Mme Raquel Garrido s’exclame.) Un pays qui ne tient pas ses comptes serait incapable de faire face aux défis qui nous attendent, qu’il s’agisse du réarmement des services publics ou de la transition écologique. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    Mme Raquel Garrido

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    Bougez-vous un peu !

    Journée internationale des maladies rares

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Berta.

    M. Philippe Berta

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    Nous célébrerons demain la Journée internationale des maladies rares ; à cette occasion, je tiens à saluer le combat sans relâche des familles et des patients. Ils sont plus de 3 millions en France – très majoritairement des enfants – et quelque 40 millions en Europe à être porteurs d’une des plus de 7 000 pathologies désignées sous ce nom, essentiellement de nature génétique, allant des maladies neuromusculaires visées par le Téléthon de l’Association française contre les myopathies (AFM) aux cancers pédiatriques. Les familles concernées sont regroupées en plus de 300 associations elles-mêmes membres de l’Alliance maladies rares, la plus grande association de patients du pays.
    En qualité de président du groupe d’études sur les maladies rares à l’Assemblée nationale, je souhaite appeler votre attention sur plusieurs points. En effet, les patients atteints de maladies rares sont presque tous orphelins de traitement, et un grand nombre d’entre eux décéderont en bas âge ou mèneront une vie marquée à jamais par la maladie.
    Après l’évaluation du troisième plan national maladies rares (PNMR3), le quatrième est désormais finalisé. Or les acteurs du secteur – des patients aux associations en passant par les chercheurs, par les praticiens et par les industriels – réclament des mesures relatives au diagnostic, à la thérapie et à l’évaluation clinique, ainsi que l’instauration d’un nouveau modèle économique pour les biothérapies innovantes. Il en est grand temps, sachant que plus de 2 500 thérapies géniques sont en cours de développement. Comment expliquer aux familles que des traitements existent, mais que leurs enfants ne pourront y accéder à cause de l’errance diagnostique, des délais administratifs ou du manque de financement ?
    À l’heure où l’ONU a adopté la résolution du 16 décembre 2021 visant à relever les défis auxquels font face les personnes atteintes d’une maladie rare et leur famille, et bien que le ministère de la santé français se soit emparé du sujet, il convient de redoubler les efforts engagés. Nous devons accélérer la recherche, améliorer nos pratiques diagnostiques et préparer au mieux l’accès aux nouvelles biothérapies.
    Madame la ministre du travail, de la santé et des solidarités, que pouvons-nous attendre du quatrième plan national maladies rares ? Comment envisager de pérenniser ces actions, étant donné que ce domaine relève du temps long ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem, RE et HOR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

    Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités

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    Permettez-moi de commencer ma réponse en m’associant à l’hommage que vous avez rendu à l’ensemble des membres de l’Alliance maladies rares. Je tiens également à remercier le groupe d’études que vous présidez pour l’accompagnement qu’il offre aux familles concernées.
    Je souhaite réaffirmer d’emblée la volonté du Gouvernement de poursuivre les efforts réalisés depuis vingt ans en la matière. Vous venez de décrire l’ampleur du phénomène : plus de 3 millions de Français, soit 4,5 % de la population, sont atteints par une des 7 000 maladies rares connues à ce jour. Il importe particulièrement de rappeler que plus de la moitié des cas de maladie rare concernent des enfants de moins de cinq ans, et que ces pathologies sont responsables de 10 % des décès d’enfants âgés de 1 à 5 ans.
    Ces chiffres terribles ne doivent pas nous faire oublier les belles réussites et les perspectives enthousiasmantes qu’ont permises les avancées de la recherche ; j’en parlais hier encore avec ma collègue Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Vingt-cinq ans après la création de la mission des médicaments orphelins par Simone Veil, vingt ans après le premier plan national maladies rares, nous avons fait d’immenses progrès. La France reste d’ailleurs pionnière dans ce domaine.
    Par la labellisation de 132 nouveaux centres de référence pour les maladies rares – soit une augmentation de 28 % –, nous affirmons notre détermination à lutter contre l’impasse qu’est l’errance diagnostique, dans l’Hexagone comme outre-mer. Nous devons aller encore plus loin : en investissant 36 millions d’euros supplémentaires, nous affinerons le maillage dans l’ensemble du territoire. Il s’agit d’une mesure majeure du PNMR4.
    À la veille de la Journée internationale des maladies rares, je tiens à saluer le professeur Agnès Linglart. Notre travail suivra quatre axes : le parcours de vie et de soins, le diagnostic, l’innovation et le traitement, et la collecte de données de santé et d’échantillons biologiques. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.)

    Loi sur le grand âge

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Laurent Panifous.

    M. Laurent Panifous

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    Chacun s’accorde sur la nécessité de trouver des solutions pour accompagner nos aînés, à domicile comme en établissement. Le vieillissement de notre société, conjugué à l’exigence légitime de qualité et de dignité dans la prise en charge des personnes âgées, nous oblige à prendre des mesures concrètes.
    Emmanuel Macron, comme candidat mais aussi et surtout comme Président de la République, s’est fermement engagé, en 2017 puis en 2022, à réaliser cette réforme essentielle pour notre société. Il a pris l’engagement de présenter une grande loi qui garantirait un financement et une organisation à la hauteur des enjeux du grand âge, comprenant une mesure érigée en marqueur de ce quinquennat : la création, à l’horizon 2027, de 50 000 nouveaux postes de soignants dans les Ehpad.
    Nous sommes en 2024. Les mois et les années passent, et la réalité est tout autre qu’annoncée ; elle est même cruelle. Quelque 3 000, puis 6 000 postes ont été financés dans les Ehpad, soit moins d’un poste par établissement. Aucune mesure structurelle et financière d’ampleur n’a été prise.
    La proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France contient quelques mesures ciblées pour répondre à quelques problèmes spécifiques ; elle ne constitue en rien la réforme attendue et n’a bénéficié de notre soutien que grâce à la promesse de la ministre de présenter une loi de programmation sur le grand âge avant la fin de l’année 2024.

    M. Benjamin Saint-Huile

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    Il a raison !

    M. Laurent Panifous

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    C’est donc à la fois la parole de la ministre, celle du Gouvernement et celle du Président de la République que j’invoque. La réforme du grand âge est indispensable. Elle peut prendre plusieurs formes – de droite ou de gauche, financée par les assurances ou par la solidarité –, mais le « en même temps » qui se dessine pour l’instant sous nos yeux n’est ni de droite, ni de gauche : il n’est rien !
    Ma question est simple, madame la ministre du travail, de la santé et des solidarités : aurons-nous la réforme d’ampleur annoncée, oui ou non ?

    M. Antoine Vermorel-Marques

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    Non !

    M. Laurent Panifous

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    Les 50 000 postes engageant la parole présidentielle seront-ils bien créés avant la fin de ce quinquennat, oui ou non ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT et SOC.)

    M. Benjamin Saint-Huile

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    Bravo !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

    Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités

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    Vous avez raison, le vieillissement de la société est une excellente nouvelle pour le pays, mais c’est aussi un immense défi. En 2030, le nombre de personnes de plus de 65 ans sera supérieur au nombre de personnes de moins de 15 ans. En 2050, 23 millions de Français auront plus de 60 ans. Oui, notre pays doit connaître un virage démographique majeur.
    Votre assemblée a récemment examiné la proposition de loi relative au bien vieillir ; je souhaite remercier tous les parlementaires ayant travaillé sur ce texte qui terminera bientôt son parcours législatif. Vous l’avez dit vous-même, il contient certaines réponses, mais pas toutes. (M. Jean-Paul Lecoq s’exclame.)
    J’ai déjà eu l’occasion de vous le dire : le premier problème que nous rencontrons à court terme réside dans l’article 34 de la Constitution, qui n’ouvre pas explicitement la possibilité d’une loi de programmation concernant le secteur sanitaire et social. Cela dit, quel que soit l’avis que rendra le Conseil d’État, nous devrons nous emparer ensemble de ce sujet majeur.

    M. Benjamin Saint-Huile

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    Quand ?

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Nous le devons à nos aînés et à nos enfants. Ainsi, nous devrons aborder le virage démographique selon trois axes : la stratégie, le financement et la gouvernance.

    M. Benjamin Saint-Huile

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    Quand ?

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    La société nous attend ; nous serons au rendez-vous…

    M. Benjamin Saint-Huile

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    Quand ?

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    …et commencerons nos travaux. (Mme Stéphanie Rist applaudit.)

    M. Benjamin Saint-Huile

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    Quand ?

    Installation d’un village saoudien sur le site des Invalides

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Nathalie Serre.

    Mme Nathalie Serre

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    L’hôtel national des Invalides est sans conteste un joyau architectural, mais c’est surtout un lieu chargé de symboles et d’histoire nationaux. Au sein de cet édifice majestueux se trouvent l’institution nationale des Invalides (INI), dédiée aux combattants blessés et aux victimes de guerre, ainsi que plusieurs musées de renommée internationale tels que le musée des Armées ou encore le musée de l’Ordre de la Libération, témoins de notre passé militaire et de nos valeurs républicaines.
    Des informations récentes circulent concernant l’autorisation accordée pour l’installation d’un village saoudien sur le site même des Invalides, à partir du 10 mai 2024 et pour une période de quatre mois, couvrant ainsi toute la période des Jeux olympiques et paralympiques (JOP).
    J’aimerais obtenir des éclaircissements à ce sujet. Tout d’abord, pourriez-vous m’indiquer si le cabinet du Président de la République et le ministère des armées ont donné leur accord ? Si tel est le cas, pourriez-vous nous communiquer les détails de cette installation, le montant de la location et le bénéficiaire de ces fonds ?
    Ensuite, il est important de considérer les valeurs et les principes que notre nation défend pendant les Jeux olympiques. L’Arabie Saoudite, bien qu’elle soit notre alliée, suscite des interrogations quant au respect des droits humains, en particulier ceux des femmes et de la communauté LGBT. Pouvez-vous nous éclairer sur l’image que nous souhaitons véhiculer en accueillant un tel village sur un site aussi symbolique ?
    Enfin, je m’interroge sur la cohérence de cette décision avec le projet scientifique et culturel du musée de l’armée, qui aspire à devenir un lieu d’histoire mondiale de la France. Comment cet événement s’inscrit-il dans cette vision ? Comment contribuera-t-il à promouvoir les valeurs de la République ? (Applaudissements et « Bravo ! » sur les bancs des groupes LR et RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des anciens combattants et de la mémoire.

    Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État chargée des anciens combattants et de la mémoire

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    Je tenterai de répondre à partir des éléments dont j’ai connaissance. Nous disposons des informations que vous venez d’évoquer, mais rien n’est encore fait, rien n’est concret. Je comprends vos interrogations, mais je ne répondrai pas alors qu’aucun accord n’a été signé. (Protestations sur les bancs des groupes LR et RN.)

    M. Pierre-Henri Dumont

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    Quel est votre avis ?

    Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État

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    Ma réponse est claire, me semble-t-il : nous n’avons rien de concret, mais des discussions sont en cours.

    M. Pierre-Henri Dumont

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    Quel est votre avis ? Engagez-vous !

    Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État

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    Rien n’est signé pour l’instant, aussi n’ai-je rien de plus à dire. (Mêmes mouvements.)

    M. Michel Herbillon

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    Les ministres n’ont d’avis sur rien !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Nathalie Serre.

    Mme Nathalie Serre

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    Nous attendons les informations avec intérêt.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la secrétaire d’État. Vous disposez évidemment encore de temps pour répondre…

    M. Michel Herbillon

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    De beaucoup de temps !

    Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État

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    Mme Serre connaît le travail que nous avons effectué ensemble et elle sait que je lui apporterai des réponses.

    M. Pierre-Henri Dumont

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    Envoyez-lui donc un texto directement, ça ira plus vite !

    Mme Raquel Garrido

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    C’est à nous qu’il faut répondre !

    M. Michel Herbillon

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    Ce sont les questions au Gouvernement !

    Mme la présidente

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    Madame la ministre chargée des relations avec le Parlement, je vous remercie d’indiquer à chaque ministre qu’il faudrait vraiment qu’il réponde aux questions que lui pose le Parlement, devant lequel je rappelle que le Gouvernement est responsable. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN, LR, SOC, LIOT, ainsi que sur quelques bancs des groupes RE, LFI-NUPES et GDR-NUPES.)

    Surcharge aux urgences de l’hôpital d’Eaubonne

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Naïma Moutchou.

    Mme Naïma Moutchou

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    Josiane Desruels, 66 ans, est décédée le 8 février à l’hôpital Simone Veil d’Eaubonne après dix heures d’attente aux urgences. Nous en sommes bouleversés. Je tiens à exprimer ma peine et mon soutien entier à sa famille et ses proches, ainsi qu’à la communauté de soignants qui endure aussi cette épreuve.
    Je ne suis pas là pour pointer la responsabilité de tel ou tel, mais pour alerter, car ce qui s’est passé est grave. C’est le symptôme d’un système de santé dont nous savons qu’il est mal en point, tant il peine à garantir le droit de chacun d’accéder aux soins. Face à une telle situation, notre action doit être déterminée. Nous devons ainsi agir contre la suradministration, car les soignants, en dépit de leur dévouement, passent trop de temps à des tâches administratives, au détriment du temps consacré aux patients. Certains d’entre eux travaillent toujours plus, jusqu’à cent heures par semaine, enchaînant parfois des gardes de vingt-quatre heures ; ce n’est pas acceptable.
    Nous devons décupler le nombre de médecins en formation. En effet, nous le savons, le numerus clausus n’a pas totalement disparu. Le nombre d’étudiants n’a augmenté que de 15 %, ce qui n’est pas suffisant face aux besoins.
    Bien sûr – et heureusement –, des solutions existent, mais toutes n’ont pas encore été déployées : il faut développer la prévention, par exemple, grâce à des centres régionaux dédiés, généraliser les services d’accès aux soins, mieux coordonner hôpital et médecine de ville, développer un système informatique unifié, simple et sécurisé, organiser pour les hôpitaux une direction bicéphale combinant expertise médicale et administrative, doubler le nombre d’étudiants en médecine, comme en Angleterre, pour lutter contre les déserts médicaux comme le défendent certains de mes collègues. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Monsieur le ministre, nous devons tout faire pour éviter d’autres drames semblables à celui de l’hôpital Simone Veil. La confiance de nos concitoyens dans le système de santé en dépend. Il faut amorcer un nouveau tournant de la politique de santé. Je sais que vous en avez le courage et la volonté. Quelles mesures envisagez-vous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR. – Mme Émilie Bonnivard applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention.

    M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention

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    Chaque décès à l’hôpital est malheureux ; chaque décès aux urgences est insupportable, surtout lorsqu’il s’agit d’événements indésirables graves, comme celui que vous avez évoqué et qui est survenu à l’hôpital d’Eaubonne. J’ai une pensée pour la famille de Josiane Desruels et plus généralement pour les familles qui connaissent de tels drames, ainsi que pour les soignants, pour lesquels ces événements ne sont jamais neutres. Je pense en particulier au service d’urgences de l’hôpital d’Eaubonne qui a connu la nuit dernière un nouveau décès : un patient hospitalisé pour une première tentative de suicide a mis fin à ses jours dans les locaux de l’hôpital.
    Avec plus de 20 millions de passages aux urgences chaque année, tous les jours des drames se déroulent dans les services hospitaliers. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Vous savez le dévouement et l’engagement des personnels pour prendre en charge les patients en étant attentifs à leur sécurité et à la qualité des soins.
    Vous l’avez souligné, il y a des problèmes d’organisation. Depuis plusieurs mois, le Gouvernement essaie de faire bouger les lignes, notamment en revalorisant les heures de nuit et en rendant plus attractives les gardes dans le but d’employer des soignants là où ils manquent dans les services d’urgences.
    Nous travaillons également sur l’amont, en développant les services d’accès aux soins (SAS) qui seront généralisés à l’été dans tous les départements, tandis qu’ils existent actuellement dans deux tiers des départements. (Mêmes mouvements.) Enfin, le partage des gardes avec la médecine libérale soulagera l’hôpital.
    Par ces leviers, progressivement, nous réussirons à inverser la tendance. Nous ouvrons de nouveau des lits à l’hôpital, ce qui permet de désengorger les urgences. Il faut continuer dans cette voie.

    Situation de l’entreprise Atos

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Bénédicte Auzanot.

    Mme Bénédicte Auzanot

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    Atos, grande entreprise de services du numérique, fleuron industriel français jouant un rôle stratégique pour notre dissuasion nucléaire, est en danger de disparition. Plusieurs ministères, EDF et le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) sont clients d’Atos. Atos est le seul fabricant européen de logiciels de calcul haute performance (HPC), qui sont indispensables au développement de l’intelligence artificielle.
    Le 8 novembre dernier, vous assuriez, monsieur le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, veiller « avec fermeté » à garder la branche stratégique d’Atos sous contrôle français. Vous affirmiez même : « Ma responsabilité […] est de protéger les technologies les plus sensibles. […] Elles resteront françaises. »
    Toutefois, après cette belle déclaration, silence radio de votre part, jusqu’au 5 février, quand vous avez déclaré dans Les Échos : « Nous ne laisserons pas tomber les activités industrielles d’Atos. »
    Depuis, un événement majeur est survenu : le tribunal de Nanterre a nommé un mandataire afin d’encadrer les discussions d’Atos avec ses banques en vue de parvenir à un plan de refinancement de sa dette. Il y a trois ans, l’action de cette entreprise valait 100 euros, tandis qu’elle en vaut actuellement moins de 3. En 2019, M. Thierry Breton quittait la présidence d’Atos pour devenir, sur désignation du président Macron, commissaire européen. Il vendait alors ses actions Atos, empochant 40 millions d’euros.

    M. Michaël Taverne

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    Bravo !

    Mme Bénédicte Auzanot

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    La responsabilité de M. Breton dans le naufrage actuel d’Atos est connue. Sa grande force a été de savoir embarquer au bon moment dans la chaloupe de sauvetage bruxelloise.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Complotiste !

    Mme Bénédicte Auzanot

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    Monsieur le ministre, vos engagements n’ont abouti à rien jusqu’à présent. Pouvez-vous nous dire si vous avez réellement quelque pouvoir sur ce dossier ? Si oui, comment ferez-vous pour préserver Atos ? Si vous ne savez pas faire, écoutez la proposition du Rassemblement national de nationaliser temporairement et intégralement Atos. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du numérique.

    Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État chargée du numérique

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    Soyez-en assurée, la situation d’Atos est étroitement surveillée (« Ah ! Alors tout va bien ! » sur les bancs du groupe RN) par le ministre de l’économie et des finances, par le secrétariat d’État au numérique et par toutes les administrations compétentes concernées.
    Nous rencontrons régulièrement l’ensemble des acteurs. Comme nous vous l’avons déjà signifié, nous suivons attentivement l’évolution de ce dossier.

    M. Fabien Di Filippo

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    Comme le Gouvernement surveille la dette !

    Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État

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    Vous l’avez rappelé, les services et les produits fournis par le groupe Atos sont essentiels et stratégiques pour notre défense et notre sécurité collective.

    M. Michaël Taverne

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    C’est bien le problème !

    Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État

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    C’est pourquoi, en novembre dernier, vous l’avez rappelé, Bruno Le Maire a réaffirmé la volonté de l’État de veiller « avec fermeté » afin que les activités les plus sensibles du groupe restent sous contrôle français, en particulier les pôles big data, intelligence artificielle et cybersécurité que vous avez évoqués et qui recouvrent l’activité de supercalculateurs en lien avec la dissuasion nucléaire française.

    M. Michaël Taverne

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    Eh oui !

    Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État

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    Nous sommes toujours plus déterminés à défendre fermement les intérêts de la France. En cas de cession de certains actifs de l’entreprise – c’est la question que vous évoquez –, nous disposons d’instruments adaptés, comme la procédure de contrôle des investissements étrangers qui a été activée pour plusieurs secteurs.
    Vous le savez, la situation du groupe est due à un mur de dette important. Début février, Atos a demandé la désignation d’un mandataire financier. Nous suivons étroitement les négociations avec les financeurs du groupe. L’État est donc au rendez-vous sur ce sujet pour coordonner les discussions, notamment grâce à la mobilisation du comité interministériel de restructuration industrielle qui accompagne d’ores et déjà la société. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)

    M. Olivier Falorni

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    Très bien !

    Difficultés dans les hôpitaux d’outre-mer et situation des lactariums

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Frédéric Maillot.

    M. Frédéric Maillot

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    Monsieur le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention, d’après les orientations annoncées dans la déclaration de politique générale, vous engagez de nouveau le pays dans une politique d’austérité.

    M. Fabien Di Filippo

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    Ce n’est pas la faute de M. Valletoux !

    M. Frédéric Maillot

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    Depuis 2019, le budget de l’hôpital de La Réunion est en baisse constante alors qu’il reçoit continûment, en vertu du principe de solidarité, les malades venus de Mayotte. Cette solidarité a un coût que l’État ne compense pas.
    Vous le savez, les centres hospitaliers universitaires (CHU) de France présentent un déficit de 1,2 milliard d’euros ; en particulier, celui de La Réunion est déficitaire de 50 millions. Comment demander aux soignants de faire toujours plus avec moins ? (M. Antoine Léaument applaudit.) Si le manque de moyens gangrène l’action des hôpitaux, je veux aborder un sujet particulièrement urgent : la santé des bébés prématurés est en danger. Le risque d’une pénurie de lait maternel m’oblige à vous interpeller.
    Le déménagement du lactarium de Bordeaux soulève des interrogations. Les lactariums seront-ils en mesure d’assurer les besoins urgents d’acheminement de lait maternel vers La Réunion ?
    Deux fois plus d’enfants naissent prématurément à La Réunion que dans l’Hexagone, du fait de facteurs tels que le diabète ou l’hypertension. En 2020, près de 1 200 naissances ont eu lieu prématurément, soit presque 9 % des naissances à La Réunion.
    Quelles solutions le ministère a-t-il avancées pour l’instant ? Il a appelé à la mobilisation nationale et à l’importation de lait lyophilisé. Quand on sait que 100 grammes de lait coûtent entre 130 et 170 euros, dépendre de l’importation de lait congelé ou en poudre n’est pas une solution, car ce n’est ni envisageable ni souhaitable.
    Ce début d’année a été marqué par un déficit de 25 000 litres de lait. Nous devons trouver rapidement une solution. Ne restons pas les bras croisés. Nous sommes déjà 800 000 Réunionnais à avoir l’estomac accroché au bateau pour espérer nous nourrir ; le député réunionnais que je suis refuse que le même sort soit réservé aux bébés prématurés. Êtes-vous prêt à faire un travail conjoint pour que La Réunion soit dotée rapidement d’un lactarium ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES, LR SOC et Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention.

    M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention

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    Je vous remercie pour cette question importante, qui appellerait une réponse plus longue. Ne disposant que de deux minutes, je vais me concentrer sur la fin de votre question, c’est-à-dire sur les lactariums.
    Avant tout, je tiens à rappeler qu’il y a quelques jours, la ministre Catherine Vautrin a décidé de débloquer 40 millions d’euros afin d’aider le CHU de La Réunion ; les politiques sanitaires de notre Gouvernement n’oublient donc pas La Réunion.
    Vous l’avez dit, le lait maternel est vital pour les nouveau-nés hospitalisés les plus vulnérables. La France compte trente-trois lactariums. Celui de Marmande, rattaché au CHU de Bordeaux, est le seul au monde à être équipé de lyophilisateurs. Il fournit du lait maternel issu de dons à onze établissements de santé situés dans les collectivités d’outre-mer, dont le CHU de La Réunion.
    En raison du déménagement de ce lactarium au centre hospitalier de Bordeaux en juin 2024, la production de lait lyophilisé sera suspendue pendant six mois à partir de cette date. Il est évident que nous ne laisserons pas les patients des onze établissements d’outre-mer sans solution.
    Plusieurs mesures sont déjà destinées à anticiper cette fermeture. D’abord, un stock de lait lyophilisé est en cours de constitution : l’Association des lactariums de France, avec le soutien des autorités sanitaires, a déployé une campagne d’appel aux dons qui vise à augmenter le nombre de dons de lait maternel. La collecte nationale de lait maternel doit augmenter, c’est notre priorité, et nous nous mobilisons pour relayer cet appel.
    Ensuite, nous avons débloqué 1,9 million d’euros afin de permettre aux lactariums de gérer cette collecte supplémentaire. Soyez assurés de la pleine mobilisation du Gouvernement pour soutenir l’Association des lactariums de France.
    Pour finir, il est impératif que, dans les prochains mois, tous les nouveau-nés prématurés, en métropole comme en outre-mer, puissent avoir accès aux ressources en lait maternel issues des dons dont ils ont besoin. Nous y travaillons et si, malgré ma réponse, la situation réunionnaise continue de vous inquiéter, je suis prêt à vous recevoir pour en parler directement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à quatorze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de Mme Naïma Moutchou.)

    Présidence de Mme Naïma Moutchou
    vice-présidente

    Mme la présidente

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    La séance est reprise.

    2. Suites données à la commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle le débat sur le thème : « Les suites données à la commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France. »
    La conférence des présidents a décidé d’organiser ce débat en deux parties. Dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, puis le Gouvernement ; nous procéderons ensuite à une séquence de questions-réponses.
    La parole est à M. Raphaël Schellenberger.

    M. Raphaël Schellenberger (LR)

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    Ce débat, inscrit à l’ordre du jour de notre semaine de contrôle à l’initiative du groupe Les Républicains, porte sur les suites de la commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France, créée à la demande des Républicains à l’automne 2022, époque où nous pressentions déjà qu’une crise énergétique ne tarderait pas à exploser.
    J’espère que les résultats de cette commission d’enquête et les discussions que nous aurons cet après-midi nous permettront de continuer à sortir de la caricature dans laquelle le débat sur la stratégie énergétique de notre pays s’est manifestement enfermé ces dernières années. J’en veux pour preuve le « bingo » lancé cet après-midi sur les réseaux sociaux par les plus fins observateurs des questions énergétiques pour déterminer les meilleurs poncifs réservés par notre débat – c’est dire le regard particulièrement critique que nos concitoyens portent sur nos travaux sur ce sujet pourtant important et stratégique.
    Cette commission d’enquête menée l’hiver dernier a été pour tous une bonne douche froide : nous nous sommes rendu compte que la stratégie énergétique de notre pays, pourtant essentielle pour assurer son développement et sa souveraineté, était avant tout le fruit de choix politiques purement théoriques – puisque notre capacité à la mettre en pratique n’a jamais été évaluée –, sans réelle vision d’ensemble, pilotage, ni objectifs – ou, du moins, clairement pas celui d’assurer à nos concitoyens une énergie décarbonée, disponible, à un prix accessible.
    Permettez-moi néanmoins de me réjouir de l’intérêt que le travail que nous avons mené pendant six mois a suscité chez nos concitoyens : notre commission d’enquête aura été, je crois, l’une des plus suivies et des plus commentées de l’histoire de la Ve République, l’une de celles qui auront nourri le plus d’attentes aussi.
    Elle a d’abord révélé que pendant une bonne décennie, le débat énergétique en France s’est limité à comparer les différentes sources d’énergie décarbonée et à déterminer quelle était la meilleure. Je le regrette, car avant de savoir s’il faut remplacer le nucléaire par des éoliennes ou des panneaux solaires, encore aurait-il fallu s’interroger sur notre capacité à relever le défi de la décarbonation d’une large partie de notre mix énergétique, qui repose, aujourd’hui encore, sur les énergies fossiles. Cette question a hélas été totalement occultée par le dogme antinucléaire.
    La commission d’enquête nous a également permis – et je m’en réjouis – de replacer le débat sur la maîtrise des risques et des dépendances, et la souveraineté, au cœur des préoccupations de la représentation nationale, mais aussi de l’exécutif, puisque le terme de « souveraineté », que l’on trouve désormais fréquemment dans les projets de loi, figure également dans l’intitulé de plusieurs ministères du dernier gouvernement. Attention, cependant : à trop l’employer, ce mot pourrait perdre tout son sens. N’oublions pas non plus qu’un mot ne suffit pas à régler un problème : maîtriser nos dépendances est un enjeu important et, s’agissant de l’énergie, nous n’y sommes clairement pas encore parvenus.
    Par ailleurs, la commission d’enquête a mis au jour une erreur majeure s’agissant de notre vision à long terme. Pourquoi notre stratégie énergétique de long terme se fonde-t-elle sur les projections établies par le gestionnaire de réseau électrique ? Et après, on se plaint que le débat soit électrocentré ! D’ailleurs, malgré leur mise à jour, les études de Réseau de transport d’électricité (RTE) restent critiquables. En effet, RTE a pris le parti de continuer à fonder toutes ses projections sur des éléments très conjoncturels, puisqu’il table sur une baisse structurelle de notre consommation énergétique – notamment celle de l’industrie – en raison de la crise économique que nous traversons. Aux yeux des Républicains, cette crise ne devrait pourtant pas servir de base à notre stratégie : parce que nous devons rester un pays industriel, nous avons besoin de construire des scénarios qui nous permettent d’augmenter notre capacité de production industrielle souveraine. En outre, un doute important subsiste sur le degré de vulnérabilité du système électrique considéré comme acceptable, en particulier en période de pointe et d’hyperpointe. Si les dernières études détaillent les solutions techniques envisagées, comme la construction de nouveaux moyens thermiques et d’installations de stockage hydroélectrique, rien n’est dit de leur compatibilité et de notre capacité à les construire dans la décennie à venir, puisqu’il s’agit de là de l’horizon envisagé. Or construire des steppes de production de plusieurs gigawatts dans les dix ans me semble tout simplement impossible eu égard aux règles applicables.
    Enfin, plusieurs questions se posent s’agissant de la cohérence de nos objectifs de décarbonation. Une en particulier, qui me semble pourtant essentielle, reste à ce jour sans réponse – et je l’ai d’ailleurs posée dans l’avant-propos du rapport d’enquête : la place de la biomasse dans l’équation globale. La décarbonation de notre système énergétique passera pour partie par le recours à la biomasse, mais nous ne disposons toujours d’aucune étude sur la ressource disponible et sur notre capacité à la faire croître. Cette semaine se tient le Salon international de l’agriculture, une activité qui constitue un volet important de la production de biomasse. Avant tout destinée à nourrir la planète, la production agricole devra, à l’avenir, également fournir de la biomasse énergétique. Il est indispensable et urgent de lancer une étude pour déterminer les différentes sources d’énergie – bois, gaz, fioul – et leurs usages, et évaluer notre capacité à faire croître la biomasse dans le respect des priorités en matière d’usage.
    Autre sujet : nous aurons certes besoin de tous les types d’énergie, mais pour assurer la robustesse de notre système électrique, il est essentiel de résoudre les difficultés liées à la contemporanéité de la production et de la consommation. Nous devons lier les règles de transaction et les règles de production, afin de s’assurer de pouvoir disposer d’une énergie électrique disponible, à coût compétitif. À cet égard, la question de la responsabilité des énergies renouvelables intermittentes dans le mix se pose : peut-être faudrait-il lier l’autorisation de production ou la connexion au réseau à la possibilité de piloter l’énergie produite ? Je répète qu’il est urgent que nous débattions de l’ampleur des moyens de production nécessaires pour assurer la disponibilité de l’électricité en période de pointe et d’hyperpointe : il y va de la criticité de notre système.
    Un mot de la filière nucléaire, puisqu’elle fait l’objet de quelques débats. Je m’étonne, monsieur le ministre délégué chargé de l’industrie et de l’énergie, de la discrétion qui entoure le dernier conseil de politique nucléaire, qui se serait tenu lundi en fin de matinée et dont nous n’avons, depuis, pas entendu parler – mais peut-être ne s’y est-il simplement rien décidé ? Il est pourtant urgent de prendre des décisions s’agissant de la fermeture du cycle du combustible, rendue possible par les réacteurs à neutrons rapides. Il s’agit bien – et j’insiste – d’une question de technologie, et non de taille, comme dans le cas des petits réacteurs modulaires (SMR). Nous devons également débattre urgemment de notre stratégie de sûreté, dont les exigences sont devenues intenables sur le plan industriel, et de la capacité de notre parc électronucléaire à nous fournir l’électricité nécessaire dans les décennies à venir, jusqu’à ce que de nouveaux moyens de production soient disponibles – ce qui pose la question de la montée en puissance du parc existant et de la prolongation de la durée de vie de nos réacteurs au-delà de soixante ans. J’en profite pour rappeler que la loi prévoit toujours la fermeture des quatorze réacteurs nucléaires français – invraisemblable !
    Voilà près d’un an que nous avons rendu les conclusions de la commission d’enquête. Nous avons, je pense, laissé au Gouvernement le temps de réfléchir : il est venu le temps d’agir.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Antoine Armand.

    M. Antoine Armand (RE)

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    « Il est venu le temps d’agir », clamait à l’instant le président de la commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique, notre collègue Raphaël Schellenberger. Grâce à lui, nous avons mené l’année dernière des travaux transpartisans faits d’écoute et de rigueur, qui nous ont permis de poser un regard lucide sur cette question vitale et cruciale qu’est l’énergie, sans laquelle « il n’y aurait pas de villes », pour reprendre la formule lapidaire et saisissante de Jean-Marc Jancovici.
    Pendant six mois et cent cinquante heures d’auditions, nous avons écouté près d’une centaine de responsables et des décideurs politiques – d’anciens présidents de la République, d’anciens Premier ministres, les ministres et anciens ministres concernés et leurs conseillers –, mais aussi des syndicats, des dirigeants d’entreprise, des représentants de l’État, des instituts ou des agences internationales.
    Nous avons entendu des erreurs, et parfois – disons-le – des horreurs. « Le président d’EDF n’avait qu’à me dire qu’il avait un problème avec ses barrages », a dit l’une des anciennes ministres chargées de l’écologie. « Nous avons clairement, toujours et sans cesse sous-investi dans les énergies renouvelables thermiques », a affirmé une autre ministre. « Il n’y a pas eu, il n’y a jamais eu d’étude d’impact de la loi relative à la transition énergétique de 2015, ni sur la fermeture d’un certain nombre de réacteurs nucléaires », a admis la quasi-totalité de la classe politique alors aux responsabilités.

    M. Pierre Cordier

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    On sait qui c’est !

    M. Antoine Armand

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    Nous avons reçu et examiné plusieurs milliers de pages de contributions et nous nous sommes déplacés sur différents sites énergétiques. Le rapport que j’ai eu l’honneur de rendre à cette commission d’enquête, et qui a été très largement adopté, a rappelé une réalité dure et non négociable, celle du fameux mur énergétique : d’ici à dix, quinze ou vingt ans, nous devrons consommer beaucoup moins d’énergie – dans une proportion que nous n’avons jamais connue dans notre histoire – et nous devrons, de surcroît, produire plus d’énergie décarbonée, une quantité que nous n’avons jamais su produire dans un laps de temps aussi court.
    L’urgence commande donc de mettre fin aux tergiversations et de dépasser les caricatures, comme le disait à l’instant le président de la commission d’enquête : je ne doute pas que chacun, ici, partage cette intention. Mais il est temps, aussi, un an après la commission d’enquête, de dresser un premier bilan, car ses travaux ont produit des effets réels. Je me souviens, monsieur le ministre, de la courtoisie et de l’attention dont vous aviez fait preuve en nous recevant, le président de la commission d’enquête et moi-même, afin de discuter de ce rapport, alors même que vous n’étiez pas encore chargé de l’énergie. Vous l’êtes désormais, ce dont nous nous félicitons, car c’était l’une des recommandations du rapport.
    Concrètement, plus de la moitié des trente recommandations que j’ai formulées en tant que rapporteur ont été suivies ou sont actuellement sur la table. Douze ont été appliquées ou sont en passe de l’être. Nous économisons davantage d’énergie. Les plans de sobriété, hivernal puis estival, ont vocation à être pérennisés. Ils ont permis d’économiser en pointe l’équivalent de la production de plusieurs réacteurs nucléaires – c’est dire leur impact et le potentiel qui se présente encore à nous. Nous devons nous donner les moyens de produire plus : c’est le sens de l’inventaire minier lancé par le Président de la République. Les objectifs de chaleur renouvelable – les grandes oubliées que sont les énergies thermiques – ont été relevés et le fonds Chaleur a retrouvé une meilleure dynamique.
    Les discussions sont également ouvertes sur six de nos recommandations. Je ne mentionnerai à l’attention de mes collègues que le dossier des concessions hydroélectriques. Nous sommes donc sur les bons rails, mais nous devons faire plus et plus vite, dans tous les domaines. D’abord en matière d’exécution des lois : 30 % seulement des décrets de la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables ont été pris, plusieurs mois après sa promulgation ; 50 % seulement des décrets de la loi relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires ont été pris. Ils doivent être tous et rapidement publiés.
    Nous devons également débattre de notre stratégie énergétique et la définir par l’adoption d’une loi de programmation. Le débat parlementaire est le gage d’un consensus industriel pour notre pays. Nous devons enfin mieux évaluer nos politiques, mieux mobiliser les acteurs et savoir ne pas opposer les postures à la réalité énergétique, qui est notre seule boussole. En effet, 75 % des émissions mondiales des gaz à effet de serre (GES) sont d’origine énergétique : la transition écologique sera donc une transition énergétique au service de notre souveraineté.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel.

    Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC)

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    La commission d’enquête sur les raisons de la perte de la souveraineté énergétique de la France a mis en évidence les erreurs stratégiques des trente dernières années, commises par chaque camp politique, faites de mauvais choix, d’atermoiements ou de changements de pied au détriment de l’investissement ou du maintien du savoir-faire industriel.
    Lors de la conclusion de ses travaux, en mars 2023, la commission insistait sur la nécessité de déployer une ambition industrielle et écologique à l’horizon 2050, inscrite dans une loi-cadre, en réduisant notre dépendance aux énergies fossiles, en accélérant la marche vers la sobriété et l’efficacité et en recherchant une évolution du cadre européen, trop défavorable aux spécificités françaises. Un an après, où en sommes-nous ? En premier lieu, aucune vision de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) n’a été proposée par le Gouvernement ni n’a fait l’objet d’un débat au Parlement alors qu’il est prévu par la loi. Même la révision du seul volet nucléaire de la PPE, à défaut de révision globale, semble avoir pris un important retard.
    C’est d’autant plus dommageable que la recherche de coalitions majoritaires différentes selon les textes législatifs en matière d’énergie génère des incohérences d’ensemble dans les priorités fixées. S’agissant de la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, à l’élaboration de laquelle nous avons très largement contribué, la volonté d’aboutir à un accord en commission mixte paritaire (CMP) avec la droite au Sénat a rendu inopérantes les dispositions relatives à la planification territoriale. Quant aux autres dispositions, une large coalition de nos collègues, allant de Dominique Potier à Éric Bothorel, juge inacceptable le projet de décret sur l’agrivoltaïsme. Nous avançons donc encore très péniblement quand le Danemark, par exemple, a doublé depuis dix ans la part des énergies renouvelables dans son mix énergétique.
    Une loi visant à accélérer les procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires a bien été votée en juin 2023 et quatre des six décrets d’application qu’elle requiert ont été pris, celui relatif à la notion de proximité immédiate devant l’être très bientôt. Cependant, comme cela a été rappelé dans le rapport d’application à six mois, présenté il y a une dizaine de jours, cette loi ne sera efficace que si l’État mobilise effectivement d’importants moyens supplémentaires dans ses services instructeurs, au sein de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), au-delà même de la question des moyens humains nécessaires pour concevoir puis construire ces installations.
    À cet égard, nous apprenions il y a quelques jours que la mise au point définitive du basic design des réacteurs pressurisés européens (EPR 2) connaîtrait un retard d’au moins neuf mois et que la réévaluation du coût des six premiers réacteurs, estimé à 52 milliards d’euros en 2021, serait renvoyée à la fin de 2024. Or le dérapage pourrait être considérable car, outre l’explosion du coût des matières premières depuis trois ans, le coût du financement, que la Cour des comptes estimait en 2020 à 4 milliards d’euros pour Flamanville 3, a également fortement progressé. Alors qu’EDF est déjà très endetté, et face à la menace financière que fait peser le projet d’Hinkley Point, la question de la capacité du groupe à faire face à un tel niveau d’investissement – sans parler du programme du grand carénage – est sérieusement posée.
    Bien plus que la durée des procédures d’urbanisme traitées par la loi d’accélération, la question des moyens financiers et humains est au cœur de la faisabilité de l’ambition présidentielle pour le nucléaire. Elle se pose d’autant plus que, pour EDF, elle est aussi liée à la question de l’application du cadre de régulation devant succéder à l’Arenh, l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique, ainsi qu’à celle du devenir des concessions hydroélectriques. Le report sine die du projet de loi relative à la souveraineté énergétique nous inquiète à cet égard. Alors qu’EDF et l’État ont annoncé avoir trouvé un accord, la réalité du marché semble remettre celui-ci en question. Où en sommes-nous des discussions sur le futur prix de référence pour EDF ? Est-il désormais nécessaire de revenir à une logique de contrats de long terme, préférable à celle des contrats sur la différence (CFD) ?
    Monsieur le ministre, les enjeux sont colossaux, qu’il s’agisse de renouveler la capacité nucléaire historique – alors que la prolongation de la durée de fonctionnement des réacteurs demeure incertaine –, du développement massif des énergies renouvelables, de la construction des nouvelles centrales que vous appelez de vos vœux ou de l’accompagnement d’un mix diversifié. Il est impératif de donner aux industriels et aux acteurs économiques des perspectives et une vision, d’autant que la France n’est pas à l’abri, dans ce contexte géopolitique tourmenté, de subir un nouveau choc des énergies fossiles. Nous ne pouvons donc plus attendre. À quand un projet de loi de programmation pour l’énergie et le climat ? À quand la réforme du cadre post-Arenh ? À quand le règlement de la situation de contentieux européen sur les concessions hydroélectriques, pour libérer enfin les investissements dont a besoin cette filière d’excellence, indispensable à l’équilibre de notre système électrique et à la gestion de la pointe ? À quand la validation des dossiers d’augmentation de puissance des barrages dont on a tant besoin ? Monsieur le ministre, le temps presse. Nous sommes prêts, alors agissons !

    M. Raphaël Schellenberger

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    Si elle n’était pas socialiste, on applaudirait !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Xavier Albertini.

    M. Xavier Albertini (HOR)

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    En octobre 2022, au titre de son droit de tirage annuel, le groupe Les Républicains a demandé la création d’une commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France. Rembobinons le film et rappelons-nous cette période.
    L’hiver approche et les conséquences de la guerre déclenchée par la Russie contre l’Ukraine en février 2022 sont incertaines. La France, comme la plupart des États européens, est en grande partie dépendante du gaz russe et l’hiver rude qui est annoncé nous inquiète tous. Le Gouvernement, conscient de la crise énergétique en cours et de son possible impact sur les foyers français, engage un plan d’envergure pour éviter les coupures d’électricité. Le plan concerne également les industries, avec l’objectif de ne pas nuire à leur compétitivité. La ministre d’alors, Agnès Pannier-Runacher, mène de front des négociations avec les industriels et ses homologues européens, et lance une grande campagne de sensibilisation à la sobriété énergétique. Vous l’aurez compris, les mots d’ordre, en octobre 2022, étaient : responsabilité et anticipation.
    C’est donc dans ce contexte difficile que les Républicains ont ajouté de l’anxiété, avec peut-être une certaine malice, en distillant l’idée que cette situation de dépendance énergétique était le fait du Président de la République et du Gouvernement. L’intitulé de la commission d’enquête était déjà plus que trompeur car en réalité, à moins de se référer à l’ère préindustrielle, la France n’a jamais été indépendante sur le plan énergétique. À rebours des idées reçues, le taux d’indépendance du pays tend d’ailleurs à augmenter, et non à diminuer : après une forte augmentation entre 1978 et 1995, suivie d’une stagnation jusqu’en 2010, il croît à nouveau régulièrement.
    La notion de souveraineté énergétique est cependant intéressante, entendue comme la liberté de définir sa politique et de choisir ses options énergétiques, la réduction de nos dépendances et la résilience de notre système énergétique face aux crises. Sur ce sujet, notre excellent collègue Antoine Armand, en sa qualité de rapporteur de la commission d’enquête, a relevé les six principales erreurs commises en matière de politique énergétique au cours des dernières décennies, parmi lesquelles le fait d’opposer les énergies renouvelables électriques et le nucléaire, voire l’entretien du parc nucléaire lui-même.

    M. Raphaël Schellenberger

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    Bingo !

    M. Xavier Albertini

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    Ne pas avoir anticipé la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires ainsi que leur renouvellement en série industrielle et non en chantiers isolés – ce qui a fragilisé à la fois la filière nucléaire, ses compétences et la capacité du pays à se relancer dans un chantier d’envergure – a constitué une grave erreur stratégique. Le manque de moyens consacrés à la recherche est aussi une erreur que nous payons très cher aujourd’hui. Avoir arrêté le réacteur Superphénix en 1997 et ne pas avoir préservé notre avance dans la recherche et le développement de la quatrième génération post-2019 dénote un manque de vision.
    Ce travail de recension des erreurs est loin d’être inutile car il nous rappelle les fondamentaux. Oui, sans recherche nous sommes condamnés à avoir du retard. Oui, en matière d’énergie il faut réfléchir sur le temps long, faire de la prospective et, si j’ose dire, regarder loin vers l’horizon. Oui, l’indépendance énergétique passe par notre capacité à utiliser sobrement les énergies, toutes les énergies. Mes chers collègues, étant comme certains d’entre vous assis sur ces bancs depuis juin 2022, je sais qu’il faut avoir de la mémoire mais aussi faire preuve d’honnêteté. Les gouvernements successifs d’Élisabeth Borne, par l’intermédiaire de la ministre chargée de la transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, ont considérablement progressé sur les sujets énergétiques, en faisant preuve de vision et de détermination.
    En l’espace de deux ans, nous avons voté la création de six nouveaux EPR et la possibilité d’en ajouter huit autres d’ici à 2050. Nous avons assoupli les procédures administratives sans déroger aux procédures de sécurité pour créer de nouveaux SMR. Nous avons donné un contenu juridique au mix énergétique en établissant le nucléaire comme énergie principale assurant notre souveraineté. Nous nous sommes donné de nouveaux moyens budgétaires pour accélérer le développement des énergies renouvelables. Nous avons obtenu de l’Union européenne que le nucléaire soit reconnu comme énergie décarbonée et bénéficie des aides communautaires. Nous avons négocié un nouvel accord européen pour faire suite à l’Arenh qui n’était plus satisfaisant pour notre compétitivité industrielle. Nous sommes en train de moderniser l’ASN et d’en améliorer les procédures de contrôle.
    Tout cela a été fait en associant les parlementaires, les énergéticiens, les élus locaux, les syndicats représentatifs, notamment lors des groupes de travail de préparation de la stratégie pour l’énergie et le climat. De nouveaux travaux s’ouvrent déjà avec Roland Lescure, ministre chargé de l’énergie. Il sera notamment question d’hydraulique et du statut des concessions. Vous le voyez, mes chers collègues : pour la majorité, la souveraineté n’est pas un objet de discours, mais un champ d’action.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Julie Laernoes.

    Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES)

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    L’énergie est au cœur de toutes les batailles : celle de l’emploi et de l’économie, celle des factures énergétiques, celle de la souveraineté et du positionnement géopolitique de la France et de l’Europe, et bien évidemment, celle de la lutte contre le réchauffement climatique. Aussi la commission d’enquête lancée par le groupe Les Républicains était-elle bienvenue. Malgré nos divergences, il est primordial que le Parlement débatte de ces questions de manière posée et éclairée. Si j’ai pu regretter que nous ne nous soyons pas suffisamment penchés sur les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique et la sobriété, et que la commission d’enquête se soit focalisée presque exclusivement sur la perte de compétences dans la filière du nucléaire,…

    M. Raphaël Schellenberger

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    Mais non !

    Mme Julie Laernoes

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    …la commission a cependant dressé de manière étayée des constats sur les difficultés que rencontre notre pays en matière d’approvisionnement électrique. L’un des constats majeurs de son rapport est le suivant : la France souffre d’un manque de constance et de vision claire concernant l’énergie. Or pour enrayer le dérèglement climatique, sécuriser les approvisionnements et prévenir la précarité énergétique, il faut une vision de la politique énergétique que nous devons mener. Il faut une vision pour soutenir les filières clés qui nous permettront d’être indépendants et qui renforceront notre positionnement géostratégique. C’est ce dont la France manque, alors que la Chine ou la Russie parviennent à créer des monopoles sur des ressources énergétiques – comme les énergies fossiles, dont nous ne sommes pas encore sevrés –, ou sur des technologies essentielles au photovoltaïque ou à l’éolien. Nous ne saurions construire la politique industrielle qui nous permettra d’être souverains sans une vision énergétique pérenne, solide, transparente et assumée.
    La commission d’enquête a révélé que nous nous accordions sur certains points : la nécessité de renforcer le fonds Chaleur, d’accélérer la rénovation énergétique et de massifier les énergies renouvelables françaises et européennes. Surtout, depuis la gauche et les écologistes jusqu’à la droite de l’hémicycle, nous nous sommes accordés sur un point majeur – plusieurs tribunes transpartisanes en témoignent : la proposition d’élaborer une loi de programmation sur l’énergie et le climat (LPEC) à un horizon de trente ans, comportant des objectifs climatiques, énergétiques et industriels.
    Un an plus tard, cette loi se fait toujours attendre. Frileux, par peur, j’imagine, d’une hystérisation du débat, le Gouvernement repousse sans cesse l’examen d’une telle loi programmatique, alors qu’elle constitue une obligation légale. Les Français voient pourtant leur facture énergétique flamber et souffrent du froid, tandis que le climat continue de se dérégler. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé une proposition de loi visant à instaurer de nouveaux objectifs pour répondre concrètement à l’urgence climatique. Fondée sur les travaux du secrétariat général à la planification écologique et sur des rapports scientifiques, elle vise à porter les objectifs de la France à la hauteur de ceux de l’Europe en matière d’énergies renouvelables, de rénovation énergétique ou encore de sortie des énergies fossiles.
    J’ai fait une promesse à mes enfants : tout faire pour préserver leur avenir dans la bataille contre le dérèglement climatique. Mettre tous nos œufs dans le même panier, celui du nucléaire, qu’on soit pour ou contre ce dernier, semble un projet extrêmement risqué.

    M. Pierre Cordier

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    Personne ne veut cela !

    Mme Julie Laernoes

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    Il suffira d’un problème de conception des nouveaux EPR pour qu’une bonne part de notre production électrique s’évapore. Il suffira que le prolongement du parc existant s’avère impossible ou que survienne un phénomène de corrosion sous contrainte, pour que la moitié de notre parc s’arrête. Aussi, il me semble essentiel que chacune et chacun, nous montrions à nos enfants que nous sommes à la hauteur des enjeux. Au-delà du débat démocratique, il y va de notre avenir ; nous devons nous y préparer. (M. Maxime Laisney applaudit.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Nicolas Sansu.

    M. Nicolas Sansu (GDR-NUPES)

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    En 1946, dans le prolongement des ambitions du Conseil national de la Résistance, la France se dotait d’un grand secteur public de l’énergie reposant sur deux entreprises de production et de distribution : EDF pour l’électricité, GDF pour le gaz. C’est grâce à ce choix que la France a garanti son indépendance énergétique, des prix bon marché et un mix décarboné.
    En se dotant d’un véritable service public de l’énergie, la France a réussi à développer une indépendance énergétique fondée sur un parc nucléaire – fruit du plan Messmer – et sur une puissance hydroélectrique décisive. Or depuis plus de vingt ans, la libéralisation du marché de l’énergie a profondément transformé ce cadre ; EDF a été fragilisé, GDF a été privatisé et découpé, et toutes deux ont été étouffées par la logique de marché et par la politique de prise de dividendes de l’État actionnaire.

    M. Raphaël Schellenberger

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    Bingo !

    M. Nicolas Sansu

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    Au cours des années s’est quasiment dessiné un consensus politique entre les gouvernements, conduisant à un affaiblissement considérable de notre souveraineté énergétique. En vingt ans, quatre paquets législatifs européens ont été adoptés pour laminer notre outil productif et notre service public : dissociation comptable entre les activités, ouverture à la concurrence des activités de production et de fourniture, transformation d’EDF en une société anonyme, filialisation, etc. En deux décennies, au mépris de toute logique d’investissement industriel et de transition énergétique, notre pays a cédé aux injonctions libérales de la Commission européenne ; les consommateurs en payent le prix fort, puisque leurs factures ne cessent de s’envoler.
    Tout montre qu’il s’est agi d’un véritable abandon de souveraineté. Plutôt qu’un État planificateur, capable d’un protectionnisme intelligent qui protège nos technologies de production énergétique, les responsables politiques ont préféré un État actionnaire. Cette architecture institutionnelle et économique a été aggravée par la loi de 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, dite loi Nome, qui a introduit le mécanisme de l’Arenh. Ce dispositif technocratique a privé EDF de moyens financiers considérables, pourtant essentiels à la sécurité des installations, pour financer plutôt l’activité de concurrents. Voilà le résultat.
    Tous les gouvernements, depuis Nicolas Sarkozy jusqu’à Emmanuel Macron, en passant par François Hollande, ont affirmé leur attachement tacite ou enthousiaste au marché européen de l’énergie et à ses mécanismes mortifères, tout en abandonnant des projets stratégiques innovants. Le lent déclassement énergétique de la France, dont la crise de 2022 et les menaces de blackout furent les événements culminants, nous a empêchés de soutenir l’électrification de la demande énergétique et nous conduit dans une impasse écologique.
    Il était donc plus qu’urgent de dresser un bilan. Notre collègue Raphaël Schellenberger a mené les travaux de façon exemplaire. Si les propositions formulées par la commission nous semblent insuffisamment ambitieuses, le travail a été plus qu’utile – il est précieux de le souligner. La commission a mis en lumière l’ensemble des faillites, des renoncements et des erreurs qui ont été commis, au moment où la décarbonation doit être encouragée pour lutter contre le réchauffement climatique.
    Alors que le Gouvernement n’a toujours pas respecté la loi, méconnaissant les dispositions qui le contraignent à présenter avant le 1er juillet 2023 un projet de loi de programmation sur l’énergie et climat, déplaçant aveuglément le projet de loi « souveraineté énergétique », nous sommes inquiets – inquiets que la crise d’approvisionnement que nous avons traversée en 2022 et que les conclusions de la commission d’enquête n’aient pas servi de leçon au Gouvernement ; inquiets que ce dernier s’apprête à réformer notre modèle de sûreté en dépit du bon sens, alors qu’il serait plus que nécessaire de renforcer les moyens alloués à cette mission essentielle ; inquiets que le Gouvernement promeuve l’énergie comme un business, en encourageant le développement des petits réacteurs modulaires, les SMR, et en refusant de garantir à EDF le monopole d’exploitation de nos installations ; inquiets, enfin, que l’accord validé en trilogue à l’échelle européenne ne propose pas de mettre fin à un marché de l’énergie déconnecté des urgences de notre temps.
    Face à l’explosion de la précarité énergétique parmi nos concitoyens, et alors que notre pays doit relever le défi de la relance de la filière nucléaire et de l’accélération de l’électrification, il est urgent de fixer un cadre qui protège notre souveraineté. Un cadre qui protège, c’est un cadre qui régule ; c’est un cadre qui accepte de mettre l’ensemble des usagers en sécurité, à l’abri de la volatilité des prix. Un cadre qui protège, c’est un cadre qui soustrait aux appétits voraces de la concurrence nos entreprises stratégiques telles que EDF, RTE, Enedis, Orano et Framatome.

    M. Pierre Dharréville

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    Vive le service public !

    M. Nicolas Sansu

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    Les députés du groupe Gauche démocrate et républicaine espèrent que le Gouvernement, après tant d’errements, sera en mesure d’éclairer le Parlement et lancera la loi de programmation dont nous avons besoin.

    M. Pierre Dharréville

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    Très bien ! Bravo !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Michel Castellani.

    M. Michel Castellani (LIOT)

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    Je tiens à remercier nos collègues du groupe Les Républicains d’avoir mis à l’ordre du jour la question de l’indépendance énergétique. Il y a presque un an, la commission d’enquête rendait ses conclusions et formulait trente propositions. Il est pertinent de revenir sur ce travail et de mesurer le chemin parcouru.
    L’invasion de l’Ukraine par la Russie a constitué un électrochoc. En réduisant le champ de l’approvisionnement énergétique, cette tragédie bouscule nos acquis – la paix et la coopération – et menace la pérennité de notre modèle énergétique. Je me réjouis que le gros de la vague soit derrière nous, mais les difficultés que nous avons rencontrées doivent guider une action politique déterminée, visant à renforcer la sécurité des approvisionnements.
    Si c’est en Européens que nous sommes parvenus à faire face, la France doit suivre sa trajectoire propre, dans l’élan communautaire. Le rapport de la commission d’enquête insiste sur un point essentiel : l’énergie est synonyme de temps long, de projection et de préparation. Je regrette qu’une fois de plus, le Gouvernement renonce à présenter au Parlement un projet de loi de programmation sur l’énergie et le climat. Ce dernier aurait dû être publié avant juillet 2023, comme le prévoit le code de l’énergie. Au contraire, la question énergétique est souvent réduite à des annonces partielles, dénuées d’objectifs chiffrés, loin de la programmation pluriannuelle de l’énergie 3 couvrant la décennie qui s’est ouverte le 1er janvier. En conséquence, nous sommes contraints de légiférer à contre-courant, texte par texte, sans cohésion assurée ; c’est regrettable, alors que la France a réitéré une volonté forte lors de la COP28.
    Nous tendons vers un modèle nucléo-renouvelable décarboné. En toute logique, nous nous sommes prononcés sur un premier texte consacré au nucléaire, et sur un second consacré aux énergies renouvelables. En ce qui concerne le nucléaire, nous souscrivons à la nécessité de relancer la filière en achevant le chantier de la centrale de Flamanville et en construisant une première tranche de six nouveaux EPR. La loi relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, que nous avons adoptée au printemps dernier, introduit des avancées sans porter atteinte à la sûreté nucléaire. Le renoncement à la fusion de l’ASN avec l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) doit rester un acquis – obtenu, rappelons-le, grâce au vote d’un amendement de mon collègue Benjamin Saint-Huile.
    De nombreuses propositions du rapport de la commission d’enquête méritent d’être retenues : tenir une position de fermeté sur la scène européenne afin de faire reconnaître le nucléaire comme une énergie décarbonée nécessitant un soutien financier ; mener une étude sur la prolongation de la durée de vie des réacteurs existants afin d’éclairer la LPEC tant espérée ; soutenir les capacités d’enrichissement d’uranium en France.
    Nous ne pourrons réussir une transition énergétique complète sans nous appuyer sur les énergies renouvelables. La France accuse un retard en la matière, qui a d’ailleurs été sanctionné au niveau européen. La loi de mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables était donc indispensable. Elle a permis de prendre des mesures de simplification administrative, comme la reconnaissance de l’intérêt public majeur pour les projets d’énergies renouvelables ou le plafonnement de la durée d’instruction des demandes d’autorisations environnementales pour les projets situés dans les zones d’accélération.
    Malheureusement, la question de l’acceptabilité des projets par les élus locaux et les populations a été mise de côté ; nous le regrettons, car elle est l’unique clé d’une écologie positive et non punitive.
    D’autres propositions du rapport méritent une attention particulière : maintenir les concessions hydroélectriques dans le domaine public, et pérenniser le plan de sobriété de l’hiver 2022-2023.
    Soucieux d’un travail parlementaire cohérent, nous appelons de nos vœux la présentation, dès que possible, du projet de loi de programmation de l’énergie. Ce sera l’occasion d’ouvrir de nouveaux chantiers, tout en renforçant ceux sur lesquels le Parlement s’est déjà prononcé.
    J’aborderai pour finir un sujet indispensable, mais trop souvent négligé : la formation. Dans toutes les politiques nationales de relance ambitieuses – énergie, santé, éducation –, la formation des personnels dont nous aurons besoin sur le terrain est trop souvent laissée au second plan. Or nous ne réussirons pas la transition énergétique si nous ne formons pas dès à présent les jeunes aux enjeux de demain.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Frédéric Petit.

    M. Frédéric Petit (Dem)

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    J’ai suivi avec le plus grand d’intérêt les auditions et les travaux de la commission d’enquête. Comme vous le savez peut-être, j’ai été moi-même, dans une autre vie, ingénieur énergéticien dans plusieurs pays d’Europe, et je coordonne le groupe de travail de l’Assemblée parlementaire franco-allemande sur la souveraineté énergétique – ce qui, vous l’imaginez, demande une certaine dose de patience.

    M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’industrie et de l’énergie

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    Et de doigté !

    M. Frédéric Petit

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    Quels enseignements pouvons-nous tirer du travail de cette commission d’enquête, dont je remercie le président, Raphaël Schellenberger, et le rapporteur, Antoine Armand ?
    J’aimerais tout d’abord rappeler ce que signifie exactement la souveraineté énergétique, qui se situe à la croisée du scientifique, du politique, des communs et de la citoyenneté. Exercer une souveraineté énergétique, c’est dominer une chaîne de valeur énergétique qui comporte quatre étapes essentielles. Les énergies latentes se trouvent dans la nature – première étape ; elles doivent être captées – deuxième étape –, puis être distribuées à ceux qui en ont besoin, au moment où ils en ont besoin – troisième étape ; elles sont enfin consommées par les utilisateurs – c’est la quatrième étape.
    L’énergie latente constitue un commun ; je rejoins sur ce point le président de la commission d’enquête. L’énergie nucléaire existe dans la nature : c’est elle qui retient l’électron dans l’atome. Si l’on casse l’atome, on assume la responsabilité de la clôture du cycle, du déchet nucléaire, cet autre commun. Il est fondamental de fermer le cycle, non seulement en raison d’intérêts économiques et stratégiques, mais pour des motifs moraux.
    Le mix énergétique est local : il dépend des mentalités, des possibilités du pays. En tant que député des Français établis à l’étranger, j’ai dans ma circonscription un État vert à 95 %, l’Albanie, dont les ressources hydrauliques, fort bien gérées, fournissent l’essentiel de l’énergie. Le mix doit donc relever de ce qu’en Europe on appelle pompeusement le principe de subsidiarité.
    Les réseaux, c’est la plus grande solidarité possible, la solidarité européenne, encore embryonnaire ; non seulement des infrastructures et investissements communs, mais aussi un mécanisme de prix communs au sujet duquel, monsieur le président de la commission d’enquête, nous avons pas mal avancé ces derniers temps. Je suis convaincu que la planification doit s’opérer à ce niveau, car il est territorialement le plus étendu.
    Enfin, l’utilisation constitue une responsabilité citoyenne évidente – j’entends par citoyens aussi bien les personnes morales que les personnes physiques : une entreprise peut faire des choix en ce sens. Chaque échelon de la souveraineté, chaque étape de la chaîne de valeur, suppose donc une réponse politique différente.
    Le deuxième enseignement de la commission d’enquête est le suivant : comment faire sortir le débat public, la décision publique, des blocages et déviations qui ont été relevés ? Le rapport mentionne « l’inconscience et l’électoralisme » ; en retour, je vous parlerai du « devoir de lucidité », pour citer le titre du rapport consacré à l’énergie par le haut-commissaire au plan.

    M. Raphaël Schellenberger

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    Ah !

    M. Frédéric Petit

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    Il me semble qu’en écrivant que nous devons travailler à long terme et de façon consciente, c’est exactement cela que vous réclamez. Monsieur le ministre, je voudrais insister sur deux points : premièrement, comme tous mes collègues, et compte tenu de ce que nous venons de dire, j’estime qu’une loi de programmation est absolument logique et nécessaire ; deuxièmement, je rappelle que dans le monde où nous vivons, la souveraineté, qu’elle soit militaire ou alimentaire, est synonyme d’exportations, et qu’il convient de garder cette dernière notion en tête.
    Il y a plus de cent trente ans, Marc Sangnier définissait la démocratie comme « une organisation sociale qui portera au maximum la conscience et la responsabilité civiques de chacun ». Notre famille Démocrate fêtera cette année son centenaire, le centenaire de notre parti.

    M. Raphaël Schellenberger

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    Je me disais bien qu’on voyait Bayrou dans le paysage depuis longtemps…

    M. Frédéric Petit

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    En tant que citoyen, Français engagé dans le monde, ingénieur énergéticien et même député, je me sens, au sein de cette famille, aussi utile qu’au premier jour. Concernant les suites de la commission d’enquête, vous pouvez compter sur le groupe Démocrate : nous resterons des vigies pragmatiques, ayant un point de vue global, lucides et responsables, en particulier au sujet de l’énergie. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et HOR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Alexandre Loubet.

    M. Alexandre Loubet (RN)

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    Le montant des factures énergétiques explose ; nous avons risqué des pénuries d’électricité. Près des deux tiers des Français déclarent avoir déjà renoncé à se chauffer, les faillites d’entreprises se multiplient, les communes éteignent leur éclairage public. En Macronie, la sobriété énergétique est devenue la norme : une situation digne d’un pays du tiers-monde, alors qu’il y a trois décennies la France, véritable paradis énergétique, bénéficiait d’une ressource abondante, d’un réseau de qualité, de prix parmi les plus bas d’Europe, que son indépendance assurait sa grandeur et le bonheur de nos compatriotes. Que s’est-il donc passé ? Les conclusions du rapport de la commission d’enquête sont claires : monsieur le ministre, vous avez échoué. Ce n’est pas seulement la guerre en Ukraine qui a mis fin à notre souveraineté énergétique, mais les choix de décideurs politiques qui à la rationalité, à la rigueur scientifique, ont préféré l’amateurisme, l’aveuglement idéologique et le clientélisme électoral.
    Depuis près de trente ans, vous sacrifiez l’intérêt de la France à trois dogmes. Le premier est la fin de la souveraineté nationale – vous bradez à des étrangers des entreprises stratégiques comme Alstom, vous échouez à défendre nos intérêts, comme le montre la réforme du marché européen de l’énergie. Le deuxième, la concurrence libre et non faussée, chère à la Commission européenne, vous a amenés, par la libéralisation du marché de l’énergie et la création de l’Arenh, à torpiller EDF au profit d’une fausse concurrence qui a fait exploser les prix. Au nom du troisième, une écologie punitive, politique, déconnectée des réalités scientifiques, vous avez immolé la filière nucléaire française sur l’autel d’énergies intermittentes inefficaces, plus chères et produites hors de France ! Les projets Superphénix et Astrid ont ainsi été abandonnés, l’arrêt de quatorze réacteurs d’ici à 2035 planifié, la centrale de Fessenheim fermée.

    M. Raphaël Schellenberger

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    Bingo !

    M. Alexandre Loubet

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    Pour qui sait lire entre les lignes, ce rapport souligne la responsabilité du Gouvernement dans le saccage de notre indépendance énergétique. M. Armand, le rapporteur de la commission d’enquête, membre du groupe Renaissance, vient lui-même de publier Le mur énergétique français, livre ainsi sous-titré : « le rapport accablant sur trente ans d’erreurs politiques ».

    M. Raphaël Schellenberger

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    C’est de la publicité gratuite !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Moi, je n’aurais pas osé !

    M. Alexandre Loubet

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    Depuis près de douze ans qu’il est investi de responsabilités politiques, Emmanuel Macron nous conduit dans ce mur, et nous ne rattraperons pas trente ans d’erreurs avec ceux qui les ont faites. Il ressort donc de ce rapport qu’il est urgent, pour refaire de la France un paradis énergétique, d’appliquer le programme du Rassemblement national et de Marine Le Pen.

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Bingo !

    M. Alexandre Loubet

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    Tout d’abord, libérons-nous des règles absurdes du marché européen de l’énergie, retrouvons un prix français de l’électricité, conforme aux coûts de production sur le sol national ; cette mesure améliorera le pouvoir d’achat des ménages, la compétitivité des entreprises, et évitera de dilapider l’argent du contribuable – le bouclier tarifaire a fait gaspiller des dizaines de milliards d’euros.

    M. Frédéric Petit

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    On ne pourra plus exporter !

    M. Alexandre Loubet

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    Ensuite, nous devons préserver et moderniser, grâce à une stratégie nationale ambitieuse, le modèle énergétique français : protégeons les barrages hydrauliques de la libéralisation imposée par Bruxelles, supprimons l’Arenh, qui pénalise lourdement EDF, accroissons la durée de vie du parc nucléaire existant et construisons, au lieu des six réacteurs que vous nous promettez, une vingtaine d’EPR.

    M. Raphaël Schellenberger

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