Déchets : doit-on installer de nouveaux centres de tri mécano-biologique ?
Question de :
M. Laurent Alexandre
Aveyron (2e circonscription) - La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale
M. Laurent Alexandre interroge Mme la ministre de la transition énergétique sur la pertinence du procédé de tri mécano-biologique des ordures ménagères résiduelles à la lumière de l'exemple du projet porté par l'entreprise Solena Valorisation en Aveyron. Ce projet d'une usine dite « pôle multi-filière de valorisation et de traitement des déchets non-dangereux » s'accompagne d'un centre de stockage des déchets sur les communes de Viviez et d'Aubin. Derrière cet intitulé prometteur, M. le député a constaté plusieurs incompatibilités avec différentes lois votées entre 2015 et 2020. Il est par conséquent très étonné de l'autorisation environnementale délivrée aux porteurs de projet le 21 août 2020 par la préfecture de l'Aveyron en dépit des normes en vigueur. En effet, son procédé technique phare est l'emploi d'une installation de tri mécano-biologique pour orienter les différents flux de déchets reçus vers les équipements de valorisation de l'usine. Ce genre de technologie est soumise à un contrôle strict et clair posé dans l'article L. 541-1 du code de l'environnement. Ainsi, « l'autorisation de nouvelles installations de tri mécano-biologiques est conditionnée au respect, par les collectivités territoriales et établissements publics de coopération intercommunale, de la généralisation du tri à la source des biodéchets. Ces installations ne font pas l'objet d'aide de personnes publiques ». Ces conditions ont été introduites par la loi de 2015 relative à transition énergétique pour la croissance verte. Ni la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, ni l'ordonnance du 29 juillet 2020 relative à la prévention et à la gestion des déchets ne sont venues les remettre en cause. Mme Barbara Pompili, alors présidente de la commission du développement durable de l'Assemblée nationale, déclarait lors de la séance du vendredi 29 novembre 2019 à propos de cette filière que « les avaries techniques sont fréquentes et les substances organiques issues de ces déchets sont de très mauvaise qualité pour l'épandage. En outre, la technique coûte très cher et les installations doivent tourner à pleine capacité pour être rentabilisées. Cela freine donc automatiquement la mise en place de la gestion séparée des déchets organiques, filière pourtant vertueuse qui permet de produire du compost, y compris pour l'agriculture biologique ». M. le député ne pourrait être plus en accord avec sa collègue députée. Il ajoute que le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 22 avril 2022 dans le cadre d'une QPC, a conforté l'esprit de l'article L. 541-1 du code de l'environnement. Il considère même, dans l'alinéa 12 de sa décision, que « le législateur a entendu, pour mettre en œuvre les objectifs de réduction et de valorisation des déchets ménagers, privilégier le tri à la source des biodéchets plutôt que leur prise en charge par des installations de traitement mécano-biologique dont il a estimé que les performances en matière de valorisation étaient insuffisantes ». De ce fait, en soumettant les nouvelles installations de tri mécano-biologique aux conditions posées par l'article susmentionné, le Conseil constitutionnel indique que le législateur poursuit l'objectif de valeur constitutionnel de protection de l'environnement. Or le projet Solena a fait l'objet d'une subvention de 9,1 millions d'euros par l'ADEME. De plus, le SYDOM 12, syndicat départemental de traitement des déchets en Aveyron, ne s'est prononcé en faveur d'une collecte bi-flux des biodéchets et ordures ménagères résiduelles que le 21 mars 2021. Actuellement, le SYDOM expérimente ce dispositif dans quelques communes (compte rendu du comité syndical du SYDOM 12 du 17 juin 2021). Le projet Solena ne remplissait ainsi aucune des deux conditions posées par l'article L. 541-1 du code de l'environnement lorsqu'il a bénéficié de l'autorisation environnementale délivrée par la préfecture de l'Aveyron, d'où la grande surprise de M. le député face à cette autorisation administrative. D'autre part, le même article du code de l'environnement dispose qu’à compter du 1er janvier 2027 », il sera « interdit d'utiliser la fraction fermentescible des déchets issus de ces installations (de tri mécano-biologique) dans la fabrication de compost ». C'est pourtant l'ambition portée par l'installation prévue en Aveyron. Si M. le député en croit la présidence du SYDOM 12 qui s'est exprimée dans La Dépêche du 7 septembre 2022, la mise en service de l'équipement Solena est prévue au début de l'année 2025. Si ces délais sont tenus, deux ans plus tard, en 2027, un des procédés de valorisation de cette usine, la fabrication de compost à partir des biodéchets triés à la source et orientés par tri mécano-biologique sera contraire à la législation et donc obsolète... Également soucieux du respect de la hiérarchie des déchets définie par la directive 2008/98/CE, M. le député s'interroge sur les larges capacités de stockage des déchets ultimes prévues pour l'installation gérée par Solena. La préfecture de l'Aveyron a autorisé l'enfouissement de 68 000 tonnes par an jusqu'en 2024, puis de 53 500 tonnes par an à compter de 2025. Selon la commission d'enquête publique qui a examiné le dossier Solena, 90 000 tonnes par an de déchets ménagers devraient être traités sur ce site. Ainsi, dans le pire des cas, ce sont potentiellement 60 % des déchets reçus par ces installations qui peuvent se retrouver enfouis à l'issue du processus de traitement. Une telle conjecture placerait l'Aveyron bien loin des objectifs de valorisation fixés par la loi (60 % de valorisation de déchets en 2030, 65 % en 2035). Il s'en inquiète d'autant plus que les produits des installations de tri mécano-biologiques de qualité médiocre sont directement éliminés. Autrement dit, si cet équipement de tri mécano-biologique est défaillant, la quantité de déchets enfouis en Aveyron risque d'exploser. Étant donné les nombreux reproches faits à ce procédé de tri, ainsi que les dispositions législatives qui actent son obsolescence et ses limites, M. le député estime avoir de bonnes raisons d'être inquiet. C'est pourquoi il l'interroge sur la portée exacte des dispositions de l'article L. 541-1 I alinéa 16, souvent contestée par les porteurs de projet d'installations de tri mécano-biologiques. Il lui demande s'il s'agit de simples objectifs énoncés par la loi, ou bien d'une obligation qui doit s'imposer à toutes les autorisations environnementales délivrées par les autorités.
Réponse publiée le 13 décembre 2022
La collecte et la valorisation des biodéchets constitue une opportunité pour réduire la quantité de déchets mis en décharge et économiser notre consommation de ressources énergétiques. En effet, le compost produit par les biodéchets sert en agriculture en substitution d'engrais azotés fabriqués avec du gaz nature, et le biogaz produit en méthanisation permet de réduire notre consommation de gaz naturel importé. Pour assurer cette valorisation il est nécessaire de trier les biodéchets à la source. Les installations de tri mécano-biologique (TMB) comme celles du projet Solena ne peuvent pas remplacer ce tri à la source, mais elles peuvent intervenir en complément. En effet, à condition que la collecte séparée des biodéchets et des autres déchets recyclables soit effective, ces installations peuvent stabiliser les ordures ménagères résiduelles avant leur mise en décharge ou produire des matières combustibles à partir des déchets non recyclables issus des refus de tri.
Auteur : M. Laurent Alexandre
Type de question : Question écrite
Rubrique : Déchets
Ministère interrogé : Transition énergétique
Ministère répondant : Écologie
Dates :
Question publiée le 11 octobre 2022
Réponse publiée le 13 décembre 2022