Application de l'article 924-4 du code civil
Question de :
M. Olivier Falorni
Charente-Maritime (1re circonscription) - Démocrate (MoDem et Indépendants)
M. Olivier Falorni attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur de l'article 924-4 du code civil qui peut, dans certains cas, empêcher l'aliénation d'un bien précédemment donné. En effet, les dispositions de l'article 924-4 du code civil prévoient le consentement unanime de tous les héritiers réservataires à l'aliénation d'un bien qui provient d'une libéralité réductible. Ainsi la vente présente un risque pour l'acquéreur dans l'hypothèse où l'un des héritiers refuse de consentir à l'aliénation. Par conséquent, cet acquéreur pourrait se retirer de la vente et laisser le vendeur sans solution. De fait, les dispositions de cet article peuvent également empêcher, dans les zones tendues, la réhabilitation des biens impropres à l'usage d'habitation, ce qui est contraire aux politiques publiques d'accès au logement. Aussi, dans une réponse en date du 9 avril 2019 à la question écrite n° 18076 du 26 mars 2019, la garde des sceaux, ministre de la justice, indiquait qu'un groupe de travail pluridisciplinaire a mené des réflexions au sein du ministère de la justice aux fins d'examiner la question de la réserve héréditaire selon les axes de réflexion suivants : l'existant, ce qui se pratique en dehors des frontières et les évolutions qui pourraient être envisagées. Aussi, il souhaiterait connaître les conclusions de ce groupe de travail et s'il était envisagé une modification législative pour éviter tout contentieux ou frein à l'aliénation d'un bien précédemment donné induit par l'application de l'article 924-4 du code civil.
Réponse publiée le 26 septembre 2023
Lorsqu'une libéralité porte atteinte à la réserve héréditaire, le gratifié est redevable, vis-à-vis des héritiers réservataires, d'une indemnité de réduction (article 924 du code civil). Lorsque le gratifié est insolvable et qu'il se trouve donc dans l'impossibilité de verser cette indemnité aux héritiers réservataires, ces derniers peuvent revendiquer le bien auprès du tiers qui l'a acquis du gratifié (article 924-4 du code civil). Le bien peut alors être restitué, en nature, aux héritiers réservataires. L'alinéa 2 de l'article 924-4 précité permet toutefois de sécuriser les transactions juridiques en faisant intervenir à l'acte de vente les héritiers présomptifs, ce qui a pour effet de leur interdire d'intenter par la suite une action en revendication contre les tiers. Le groupe de travail sur la réserve héréditaire conduit par Madame Cécile Pérès, professeure de droit privé à l'Université de Paris II, membre du laboratoire de sociologie juridique, et Maître Philippe Potentier, notaire à Louviers et directeur de l'institut d'études juridiques du Conseil supérieur du Notariat, s'est interrogé sur la nécessité de modifier les règles prévues à l'article 924-4 du code civil. Dans son rapport remis à la garde des sceaux le 13 décembre 2019, le groupe de travail considère que l'action en revendication contre le tiers acquéreur est strictement encadrée par l'article 924-4 du code civil, car elle n'est possible qu'en cas d'insolvabilité avérée du gratifié, et à condition que les héritiers réservataires présomptifs n'aient pas consenti à l'aliénation du bien. Le groupe de travail précise également qu'il est fréquent, en pratique, que les héritiers réservataires présomptifs renoncent de façon anticipée à agir contre le tiers acquéreur. Le groupe de travail en conclut que l'article 924-4 du code civil réalise un compromis entre, d'une part, la sécurité juridique légitimement attendue d'un contrat opérant un transfert de propriété d'un bien et, d'autre part, le caractère effectif de la sanction de l'atteinte à la réserve héréditaire et de la contrepartie accordée aux héritiers réservataires qui ont vu celle-ci injustement amputée. Au vu des conclusions de ce rapport, aucune modification législative n'est envisagée à ce jour pour mettre fin à la possibilité pour les héritiers réservataires de consentir à l'aliénation du bien, cette règle ayant précisément pour objectif de sécuriser les transactions juridiques en faisant obstacle à une action en revendication du bien de la part de ces héritiers à l'égard des tiers acquéreurs.
Auteur : M. Olivier Falorni
Type de question : Question écrite
Rubrique : Propriété
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 6 juin 2023
Réponse publiée le 26 septembre 2023