Maison d'arrêt de Rouen
Question de :
M. Damien Adam
Seine-Maritime (1re circonscription) - Renaissance
M. Damien Adam appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur la situation préoccupante de la maison d'arrêt « Bonne nouvelle » de Rouen. Cette maison d'arrêt est historique. Lors de son ouverture en 1860, elle incarnait la modernité. Elle a été un exemple sur l'hygiène, puisque c'est même ici qu'ont été inventées les douches carcérales. Mais aujourd'hui, la maison d'arrêt « Bonne nouvelle » porte mal son nom, puisque son état est alarmant. La toiture nécessite d'importants travaux de rénovation pour permettre de stopper les infiltrations d'eau qui fragilisent l'établissement et provoquent l'apparition de moisissures, néfastes pour la santé. Le plafond s'est même effondré dans une salle de douche. Les conditions d'hygiène liées à son état se sont largement aggravées, avec l'apparition de nuisibles comme des cafards. Face au constat d'un tel délabrement, la direction de l'établissement à dû prendre des mesures drastiques pour ne pas mettre en danger le personnel comme les détenus. 45 cellules ont été fermées, représentant 90 places de détention, mais aussi une salle d'activités. Ces fermetures et l'état de la maison d'arrêt ont évidemment un impact direct sur les conditions de vie des personnes incarcérées mais aussi sur les conditions de travail du personnel pénitentiaire. La vétusté de l'établissement n'est pas nouvelle et il devient aujourd'hui urgent de décider de son sort. Le directeur de l'administration pénitentiaire a récemment validé des travaux de rénovation de la maison d'arrêt. Dans un premier temps, des travaux d'urgence seront réalisés d'ici la fin du premier trimestre pour traiter les problèmes d'humidité. Un audit est en cours sur l'ensemble des toitures pour déterminer le montant des travaux qui pourraient s'élever à plusieurs millions d'euros. M. le ministre convient bien que la situation de la maison d'arrêt « Bonne nouvelle » de Rouen est plus que précaire et qu'il n'est pas possible que l'État laisse ce bâtiment en l'état. Le droit garantit la salubrité des lieux publics comme élément d'ordre public et affirme que « l'incarcération doit être subie dans des conditions satisfaisantes d'hygiène et de sécurité, tant en ce qui concerne l'aménagement et l'entretien des bâtiments ». Il lui demande s'il peut alors confirmer que ces travaux de grande ampleur seront bien effectués lorsque l'audit portant sur la structure sera finalisé en début d'année 2025.
Réponse en séance, et publiée le 28 février 2024
MAISON D'ARRÊT DE ROUEN
M. le président . La parole est à M. Damien Adam, pour exposer sa question, no 592, relative à la maison d'arrêt de Rouen.
M. Damien Adam . Madame la ministre déléguée, je voudrais vous parler ce matin non pas d'une bonne nouvelle, mais de Bonne-Nouvelle, puisque c'est ainsi que l'histoire a voulu que soit baptisée la maison d'arrêt de Rouen. Dans un courrier de décembre dernier, les syndicats de la maison d'arrêt sonnaient l'alerte au sujet de la vétusté de cette prison inaugurée en 1860. Si elle n'est pas récente, la vétusté de l'établissement atteint aujourd'hui des proportions inquiétantes et représente un danger. En décembre, quarante-cinq cellules et une salle d'activités ont ainsi dû être fermées en raison d'infiltrations d'eau fragilisant l'édifice.
Lors d'une visite de la maison d'arrêt à la suite de cette alerte, j'ai pu constater une dégradation de la situation. L'administration de M. le garde des sceaux a réagi rapidement – je tiens à l'en remercier –, et des travaux d'urgence ont commencé afin que les quarante-cinq cellules fermées puissent rouvrir dans les prochaines semaines. Les premières analyses de l'audit de structure lancé pour déterminer l'état précis de la situation et les travaux à réaliser font état de faiblesses sur cinq pignons de la prison – une découverte qui a d'ailleurs conduit à l'évacuation en urgence d'une cinquantaine de détenus le jeudi 8 février, qui s'ajoutent donc aux quatre-vingt-dix détenus déplacés en fin d'année dernière.
Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer où en sont les travaux d'urgence ? Quand les conclusions de l'audit seront-elles rendues et le coût estimé des travaux connu ? Ces derniers doivent être réalisés le plus rapidement possible pour assurer la sécurité des détenus et des personnels.
Au-delà de cette situation conjoncturelle, il est temps de réfléchir à l'avenir et de se projeter quinze à vingt ans dans le futur. Alors que 9,5 millions d'euros y ont déjà été investis entre 2010 et 2024, la maison d'arrêt nécessitera chaque année davantage d'investissements car les bâtiments continueront de se dégrader, entraînant des problèmes opérationnels. Nous devons donc envisager son déménagement dans une commune limitrophe, sur un nouveau site à proximité du tribunal judiciaire. Le foncier ainsi libéré pourrait être utilisé pour créer une véritable cité judiciaire à Rouen, un projet imaginé par le passé avant d'être abandonné. L'actuel bâtiment du tribunal judiciaire de Rouen, aussi beau soit-il, n'est pourtant plus adapté à la justice du XXIe siècle et son entretien coûte cher à l'administration française. Profitons de cette crise de la maison d'arrêt pour que Bonne-Nouvelle en devienne vraiment une, grâce à son déménagement et à la construction, sur le site ainsi libéré, d'une cité judiciaire. Ce projet pourrait être inscrit dans la prochaine loi de programmation de la justice pour les années 2027 et suivantes. Tel est le vœu que je formule, et j'espère pouvoir compter sur votre soutien, madame la ministre, pour le réaliser.
M. le président . La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes âgées et des personnes handicapées.
Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des personnes âgées et des personnes handicapées . Je vous prie tout d'abord d'excuser M. le garde des sceaux, qui vous remercie pour cette question et salue votre engagement, aux côtés de la sénatrice Agnès Canayer, pour la prison de Rouen.
Si la prison est évidemment nécessaire pour protéger nos concitoyens, les conditions d'incarcération, vous l'avez rappelé, doivent être dignes. Le Gouvernement est pleinement mobilisé sur cette question : il y va de la bonne santé de notre démocratie autant que du quotidien de nos agents pénitentiaires, auxquels je souhaite rendre hommage car ils effectuent un travail remarquable.
Ainsi, une enveloppe de 3,5 millions d'euros permettra de réaliser les opérations de maintenance les plus urgentes en 2024. À ce titre, le renforcement de certains murs pignons et d'éléments de charpente en bois détériorés sera ainsi effectué en priorité. En outre, dans l'attente de l'achèvement du diagnostic structurel, des mesures conservatoires seront déployées à court terme. Ces prérequis à l'opération de renforcement structurel permettront de garantir la sécurité des détenus et des personnels. Le nombre de détenus a été provisoirement réduit, ce qui a permis d'intervenir le mois dernier sur la structure des coursives d'une des ailes de l'établissement.
Les travaux de rénovation envisagés consisteront en la réfection complète de la couverture, le rejointoiement des façades en briques, le remplacement des menuiseries extérieures, la reprise intégrale des installations de plomberie, des sanitaires, de la ventilation et des installations électriques, ainsi que la réfection des cours de promenade et du mur d'enceinte. Un comité de suivi a été constitué pour suivre l'état d'avancement de cet ambitieux plan d'action.
Plus généralement, le budget consacré à la rénovation des prisons a connu une hausse importante ces cinq dernières années, puisqu'il avoisine 140 millions d'euros par an, soit deux fois plus qu'avant que nous n'arrivions au pouvoir, en 2017. Nous sommes donc pleinement mobilisés sur cette question.
M. le président . La parole est à M. Damien Adam.
M. Damien Adam . Je vous remercie pour ces premiers éléments de réponse, mais je répète qu'au-delà des réparations indispensables à court terme, nous devons envisager le déménagement de cette prison vieille de plus de 150 ans, et qui n'offre plus des conditions d'enfermement et de détention adaptées au XXIe siècle.
Alors que les travaux à réaliser seront plus chers chaque année, nous devons, dans un souci d'économies et d'efficacité, envisager de déménager la prison sur un nouveau site dans une commune limitrophe, ce qui coûtera finalement beaucoup moins cher à l'administration française, tout en assurant des conditions de détention adaptées à notre siècle.
Auteur : M. Damien Adam
Type de question : Question orale
Rubrique : Lieux de privation de liberté
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 20 février 2024