- Texte visé : Proposition de loi tendant à l’instauration de peines planchers pour certains crimes et délits, n° 262
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République
Supprimer cet article.
Cet amendement du Groupe "Socialistes et apparentés" vise à supprimer l'article 1er de cette proposition de loi.
Cet article vise plus précisément à instaurer des peines planchers pour les crimes définis par le code pénal.
Frappée au coin de la démagogie, ce texte est entièrement fondé sur des présupposés non étayés : la causalité entre l'augmentation des violences faites aux personnes et le manque prétendu de sévérité des peines prononcées n’est pas établie et apparait scientifiquement douteux.
Faire la loi suppose de suivre une méthodologie rigoureuse afin de comprendre un problème donné, de rechercher les objectifs à poursuivre et de mettre en place les moyens les plus appropriés de les atteindre.
Puisque ce texte vise tout particulièrement la récidive, il eut fallu s’appuyer sur des études consacrées à ses causes et aux moyens de lutter contre ce phénomène. Or, il se trouve que ces études existent et il suffit d’un peu de sérieux dans les recherches pour les trouver[1]. A cet égard, l’abandon des peines plancher était fondé sur leur mise en œuvre et l’évaluation des résultats obtenus. Ainsi, c’est avec méthode que le législateur a procédé lorsqu’il a décidé de mettre fin à celles-ci.
Ce manque de sérieux dans la conception du texte du RN apparait également à travers la mobilisation du droit à la sûreté consacré par la Déclaration de 1789. En effet, son assimilation à un « droit à la sécurité » constitue ce que l’on appelle un contre-sens : les constituants d’alors entendaient garantir les citoyens contre les arrestations arbitraires et ce que l’on appelait les « lettres de cachet ». Rien à voir avec un quelconque « droit à la sécurité » qui n’existe pas, le Conseil constitutionnel n’ayant reconnu qu’un objectif à valeur constitutionnel de maintien de l’ordre public.
Toutes les études sérieusement menées convergent sur l'idée que c'est précisément l'individualisation des peines et l'adaptation de la sanction décidée au cas par cas qui sont les mieux à même de favoriser la réinsertion des personnes et donc d'éviter la récidive.
Si un texte était appliqué, il serait à craindre une augmentation de la délinquance et de la criminalité.
S'agissant plus précisément des crimes, les lourdes peines d'enfermement obèreraient sérieusement les possibilités de réinsertion des personnes visées.
Adopter cette proposition de loi serait parfaitement irresponsable, au moins du point de vue de tous ceux qui se soucient réellement de la sécurité des personnes.
[1] KENSEY Annie ; BENAOUDA Abdelmalik, 2011, Les risques de récidive des sortants de prison. Une nouvelle évaluation, in les cahiers d’études pénitentiaires et criminologiques N°36 ; KENSEY Annie ; TOURNIER Pierre. 2005– Base de données Prisonniers sans passé ? Cohorte des personnes condamnées, libérées en 1996-1997 : examen de leur casier judiciaire cinq ans après la levée d’écrou (échantillon national aléatoire stratifié selon l’infraction). – Paris : Ministère de la justice, DAP, SCERI, 2005. – 63 p. + CD ROM – Travaux et documents n°68 ; KENSEY Annie ; TOURNIER Pierre, 1994, – Libération sans retour ? Devenir judiciaire d’une cohorte de sortants de prison condamnés à une peine de 3 ans ou plus. – Paris : Ministère de la justice.DAP, SCERI – 127 p. – Travaux et documents ; DUPONT Véronique ; TOURNIER Pierre. 1982– Le retour en prison. Analyse rétrospective de la cohorte des condamnés à une peine de trois et plus, libérés en 1973. – Paris : Ministère de la Justice, DAP.