- Texte visé : Projet de loi de finances pour 2025, n° 324
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
I. – Le 2 du C du VI de la section II du chapitre premier du titre IV de la première partie du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Après l’article 787 C, il est inséré un article 787 D ainsi rédigé :
« Art. 787 D. – I. – Les parts ou actions visées à l’article 787 B du présent code, bénéficient, en sus de l’exonération de 75 % prévue au dit article, d’une exonération de droit de mutation à titre gratuit, à concurrence de 15 %, si les conditions suivantes sont réunies :
« 1° L’ensemble des conditions prévues à l’article 787 B sont respectées jusqu’à leur terme,
« 2° Et qu’en outre, chacun des héritiers, donataires ou légataires a pris l’engagement dans la déclaration de succession ou l’acte de donation, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, de conserver les parts ou les actions transmises, pendant une durée de quatre ans à compter de la date d’expiration du délai mentionné au c de l’article 787 B.
« 3° En cas de non-respect de la condition prévue au 2° du présent I par suite d’un apport, d’une fusion ou d’une scission au sens de l’article 817 A, d’une augmentation de capital ou d’une offre publique d’échange préalable à une fusion ou une scission dès lors que cette fusion ou cette scission est opérée dans l’année qui suit la clôture de l’offre publique d’échange, l’exonération partielle prévue au présent I n’est pas remise en cause si les titres remis en contrepartie de ces opérations sont conservés par le signataire de l’engagement prévu au 2° jusqu’à terme. De même, cette exonération n’est pas non plus remise en cause lorsque la condition prévue au 2° n’est pas respectée par suite d’une annulation des titres pour cause de pertes ou de liquidation judiciaire.
« 4° En cas de non-respect de la condition prévue au 2° , par suite d’une donation, l’exonération partielle accordée au titre de la mutation à titre gratuit n’est pas remise en cause, à condition que le ou les donataires soient le ou les descendants du donateur et que le ou les donataires poursuivent l’engagement prévu au 2° jusqu’à son terme.
« II. – Les parts ou actions visées à l’article 787 C du présent code, bénéficient, en sus de l’exonération de 75 % prévue audit article, d’une exonération de droit de mutation à titre gratuit, à concurrence de 15 %, si les conditions suivantes sont réunies :
« 1° L’ensemble des conditions prévues à l’article 787 C sont respectées jusqu’à leur terme,
« 2° Et qu’en outre, chacun des héritiers, donataires ou légataires a pris l’engagement dans la déclaration de succession ou l’acte de donation, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, de conserver l’ensemble des biens affectés à l’exploitation de l’entreprise pendant une durée de quatre ans à compter de la date d’expiration du délai mentionné au b de l’article 787 C. »
« En cas de non-respect de la condition prévue au 2° du présent II, par suite d’une donation, l’exonération partielle accordée au titre de la mutation à titre gratuit n’est pas remise en cause, à condition que le ou les donataires soient le ou les descendants du donateur et que le ou les donataires poursuivent l’engagement prévu au même 2° jusqu’à son terme. »
2° L’article 790 du code général des impôts est complété par un III ainsi rédigé :
« III. – Les réductions prévues aux I et II ne sont pas applicables lorsque les donations bénéficient de l’exonération partielle prévue à l’article 787 D. »
II. – Le I s’applique à compter du 1er janvier 2025
III. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
Dans les 10 prochaines années la moitié des PME et des ETI françaises vont se transmettre. Malgré l’instauration des Pactes DUTREIL en 2003, la transmission en France reste plus coûteuse que chez ses principaux partenaires européens (11% en France contre moins de 5% en moyenne européenne). Acquitté par l’entreprise au prix d’une déperdition massive et durable de ses capitaux propres, le surcoût de la transmission en France prive PME et ETI de ressources pour grandir, investir, innover et recruter.
Cette situation de décalage fiscal du cadre de la transmission en France par rapport à ses voisins européens perdure depuis le début des années 2000. Elle constitue un désavantage compétitif majeur et explique que la France soit aujourd’hui le plus mauvais élève de l’Europe en matière de transmission : 17% contre 56% en Allemagne et près de 70% en Italie. Elle est d’autant plus préjudiciable que les PME et les ETI françaises sont confrontées depuis la fin de la crise pandémique à un choc de coûts (énergie, intrants industriels, financement) ainsi qu’à un mur d’investissement colossal pour décarboner leurs process de production.
Par conséquent, dans le contexte critique que connaît actuellement la transmission d’entreprises dans notre pays, le présent amendement instaure un « PACTE TRÈS LONG TERME » qui vise à aligner la France sur la moyenne européenne en matière de transmission.
Cet amendement propose ainsi d’introduire un nouvel article 787 D au code général des impôts qui offre la possibilité aux donataires/héritiers ayant revendiqué l’application d’un Pacte d’Engagement de conservation de titre de prendre simultanément à leur engagement, un engagement individuel « complémentaire » de conservation des titres, pour une durée de 4 ans débutant à l’issue de l’engagement individuel de 4 ans prévu par le Pacte Dutreil. Le respect de cet engagement complémentaire optionnel permettrait de bénéficier d’une exonération partielle de 90%. La durée totale de conservation des titres exigée atteindrait ainsi 10 ans, horizon de très long terme en économie mondialisée.
A travers cette disposition, le législateur vise quatre objectifs d’intérêt général :
- La stabilité de long terme des actionnariats dont on sait qu’elle contribue à la pérennité du développement des entreprises, au maintien des centres de décisions et de production sur le sol français et contribue à la réussite de transformations de temps long à l’instar de la transformation environnementale
- La réduction du risque de prédation étrangère et la consolidation de notre souveraineté économique
- L’investissement et l’emploi dans les territoires
- La densification en ETI industrielles du tissu d’entreprises français dont le déficit actuel constitue une anomalie économique en comparaison avec nos partenaires européens.
Face à l’absolue nécessité de maîtriser nos dépenses publiques, et de trouver de nouvelles sources de recettes pour l’Etat, cette proposition permet justement, comme l’a permise la baisse de l’impôt sur les sociétés (IS), d’enregistrer plus de recettes. En effet, si en 2017, l’IS rapportait 27 milliards d’euros avec un taux de 34%, en 2023, l’IS a rapporté 63 milliards d’euros avec un taux de 25%. Cette mesure sur l’IS a donc rapporté 36 milliards d’euros supplémentaires à l’Etat en 5 ans.
Si le présent amendement qui instaure un « PACTE TRÈS LONG TERME » a un coût budgétaire, il est relativement limité. Et il va produire bien plus de recettes, comme expliqué précédemment, y compris à très court terme, car le coût budgétaire qui doit intervenir à horizon de deux ans, sera largement compensé par les recettes directes et indirectes par l’Etat.
Au fond, le fait de favoriser les transmissions de long terme nous met au même niveau de prélèvements de la moyenne européenne, ce qui est très important en termes de compétitivité. Sachant que dans certains pays, le coût des transmissions familiales est quasi nul. Deuxièmement, cette mesure à court terme, en incitant fortement les transmissions familiales, va augmenter leur nombre et donc va mécaniquement augmenter, même sur une assise moindre, les recettes. Enfin, cela permet aux entreprises de conserver de la trésorerie pour investir, innover, ce qui crée mécaniquement des recettes supplémentaires à court et moyen terme (TVA, IS, etc).
Cet amendement est issu d’un travail transpartisan de plusieurs mois, dirigé par Nicolas Forissier, pour favoriser la relance de l’industrialisation en France. C’est en ce sens qu’avait été déposée la proposition de loi n°2684 pour une politique publique de la transmission le 28 mai 2024.