Fabrication de la liasse

Amendement n°I-CF598

Déposé le dimanche 13 octobre 2024
Discuté
Tombé
(jeudi 17 octobre 2024)
Photo de monsieur le député Philippe Brun

Le titre IV de la première partie du livre premier du code général des impôts est ainsi modifié : 

1° L’article 990 I est complété par un IV ainsi rédigé :

« IV. – Les sommes versées au titre des contrats d’assurance-vie au bénéfice des héritiers, légataires ou donataires, souscrits à partir du 1er janvier 2025, sont soumises aux droits de mutation à titre gratuit selon le barème applicable aux successions et donations, sans abattement particulier. » ;

2° Après le II bis de l’article 757 du code général des impôts, il est inséré un II ter ainsi rédigé :

« II ter. – Les primes versées sur les contrats d’assurance-vie souscrits à partir du 1er janvier 2025 sont intégrées dans la base imposable des droits de mutation à titre gratuit, sauf si le contrat a été souscrit pour garantir le paiement d’une dette ou d’une obligation. »



Exposé sommaire

Cet amendement vise à réintégrer l'assurance vie au régime général des droits de mutation à titre gratuit (DMTG).

 

L’héritage joue aujourd’hui un rôle prépondérant dans la reproduction des inégalités. En France, la fortune héritée représente désormais 60% du patrimoine contre 35 % au début des années 1970. Alors que 50 % des Français auront hérité de moins de 70 000 euros tout au long de leur vie, les 0,1% les plus riches recevront un héritage 180 fois plus élevé, d’environ 13 millions d’euros.

 

Les ultra-riches échappent largement à la fiscalité sur l’héritage qui frappe principalement les classes moyennes. Les 0,1 % les plus riches ne paient que 10 % de droits de succession sur l’ensemble du patrimoine hérité alors que le taux marginal est de 45 % en ligne directe rétablissement de la justice fiscale impose de réformer l’impôt sur l’héritage pour le rendre plus progressif en ciblant les plus hauts patrimoines.

 

Dans une note de 2021, le Conseil d’analyse économique (CAE) indique que la fiscalité des transmissions d’assurances-vie représente une « niche » fiscale considérable. Les transmissions via l’assurance-vie font l’objet d’une fiscalité dérogatoire complexe. La réforme de 1999 a créé des barèmes hétérogènes selon la date d’ouverture des contrats et selon les âges et années auxquels ont été effectués les versements de sorte que les assurances-vie ne font pas partie de la succession. Elles sont soit totalement exonérées soit taxées selon un barème ad hoc qui ne dépend pas du lien de parenté. Les transmissions de contrats d’assurance-vie se sont élevées à 44 milliards d’euros en 2019, soit plus du double du niveau observé en 2006. Or, la distribution des transmissions par assurance-vie est fortement concentrée. Sur les années 2017-2018, chaque année, environ 45 000 bénéficiaires ont hérité de plus de 152 500 euros, pour un total de 17,5 milliards d’euros. Au sein de ces bénéficiaires, 1 900 héritent de plus de 852 500 euros. Ces derniers ont hérité en moyenne de 2,8 millions d’euros pour un montant total de 5,5 milliards d’euros. Et le coût est considérable : en prenant comme norme fiscale l’imposition au barème de droit commun et en se limitant aux bénéficiaires recevant au moins 152 500 euros par assurance-vie, le CAE estime qu’il serait de l’ordre de 4 à 5 milliards d’euros.

 

En outre, ce régime fiscal est incohérent avec les objectifs visant à orienter l’épargne vers le financement du tissu productif et de la transition écologique : en faisant de l’assurance-vie un outil de transmission du patrimoine, cette fiscalité désincite à orienter l’épargne vers des actifs risqués et moins liquides[1].

 

Pour respecter le cadre constitutionnel, une mise extinction progressive de cette fiscalité sera prévue pour tous les nouveaux versements sur les contrats existants et pour tous les nouveaux contrats. Ce choix permet de prévenir le risque, avancé par certains lobbys, de rachats massifs susceptible de fragiliser la situation financière des assureurs - et ce alors que les ratios de solvabilité des assureurs restent très solides[2]. En raison d’un régime fiscal toujours très attractif en matière d’impôt sur le revenu, l’assurance-vie conservera son rôle pour orienter l’épargne des Français vers le financement de l’économie.



[1] voir notamment “Quelle politique de gauche pour l’épargne ?”, André Gaiffier, Fondation Jean Jaurès, novembre 2023.
[2] Le ratio de solvabilité (ratio CSR) de l’ensemble des organismes d’assurance s’établit à 249 % en 2023.Autorité de contrôle prudentiel et de résolution “La situation des assureurs soumis à Solvabilité II en France fin 2023”