Fabrication de la liasse

Amendement n°1967

Déposé le vendredi 25 octobre 2024
A discuter
Photo de monsieur le député Louis Boyard

I. – À titre expérimental, pour une durée de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi, l’État peut autoriser la branche famille de la sécurité sociale à réformer le financement des établissements d’accueil du jeune enfant, en mettant fin à la tarification horaire en lien avec l’activité réalisée.

II. – Un décret détermine les modalités de mise en œuvre de l’expérimentation mentionnée au I. Les ministres chargés des solidarités et de la sécurité sociale arrêtent la liste des territoires participant à cette expérimentation, dans la limite de cinq départements.

III. – Au plus tard six mois avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport qui évalue l’impact de cette nouvelle modalité de financement sur la situation financière des établissements d’accueil du jeune enfant, sur leur taux d’occupation, sur la qualité de l’accueil proposée et sur les conditions de travail des professionnelles de la petite enfance qui y travaillent.

Exposé sommaire

Le financement des crèches est aujourd’hui décrié par l’ensemble des acteurs du secteur, indépendamment du statut juridique des établissements dont ils assurent la gestion. En effet, en dehors du cas particulier des micro-crèches, les crèches bénéficient d’un financement de la branche famille qui vient compléter les participations des familles : il s’agit de la prestation de service unique (PSU).

Le montant de la PSU que touche annuellement un établissement dépend d’une tarification horaire, dépendante de l’activité réalisée. Tout particulièrement, il s’agit d’inciter la crèche à facturer les parents au plus près de leur besoin d’accueil, tout en améliorant les taux d’occupation, c’est-à-dire en encourageant le « remplissage » de la crèche afin que les places d’accueil bénéficient au maximum d’enfants possible.

Or, ce modèle de financement vise d’abord à garantir la bonne utilisation des deniers publics, et ne place pas la qualité d’accueil, et donc le bien-être des jeunes enfants, au cœur des préoccupations de la branche famille. Pire, il contribue à la dégradation de la qualité de l’accueil : avec un prix horaire plafonné à un niveau inférieur au coût horaire moyen de fonctionnement d’une crèche, la PSU sous-finance structurellement les établissements, tout en encourageant les gestionnaires à « remplir » la structure et à surveiller en permanence son niveau d’occupation, pour tenter de ne pas perdre plus encore leurs financements.

Face à cette situation unanimement décriée par l’ensemble des acteurs du secteur, la Cnaf a imaginé des financements complémentaires : bonus handicap, bonus mixité sociale, bonus territoire, bonus attractivité… Plus récemment, le mécanisme de linéarisation de la PSU a été imaginé afin d’éviter les « effets de seuil » qui engendraient, pour les gestionnaires, la perte de plusieurs milliers d’euros de financement annuel si, par exemple, une famille faisait le choix de ne pas déposer son enfant à la crèche pendant une semaine pour privilégier un temps de garde chez les grands-parents.

Tout le secteur est unanime : la PSU pose problème. Tout le secteur, sauf la Cnaf. En effet, selon la Cnaf, s’il n’y a pas de modèle parfait, la PSU serait le moins pire de tous les systèmes de financement. Si elle reconnaît les effets de bord néfastes du mécanisme, la branche famille tend plutôt à inventer de nouveaux palliatifs, qui complexifient plus encore le système, qu’à engager une réforme en profondeur du financement des crèches.

Le présent amendement propose, sous forme d’expérimentation afin d’en garantir la recevabilité financière, d’exprimer la position de principe de la représentation nationale sur le financement des crèches : la tarification horaire, dépendante de l’activité réalisée, doit prendre fin. Une réforme structurelle du financement des crèches doit être engagée dès aujourd’hui afin de garantir aux jeunes enfants de bonne condition d’accueil, aux professionnels de la petite enfance de bonnes conditions de travail, et aux parents de la souplesse d’organisation et de la sérénité quant à la prise en charge de leur enfant. À cet égard, les modalités exactes de la réforme devront faire l’objet d’une réflexion de plus long terme, prenant en compte à la fois la nécessité, pour les établissements, de bénéficier d’une vision à moyen terme sur leur financement, et pour les parents, de maintenir une tarification proche de leurs besoins réels d’accueil, et tenant compte de leur niveau de ressources.