Fabrication de la liasse

Amendement n°AS1196

Déposé le jeudi 17 octobre 2024
Discuté
Retiré
(mercredi 23 octobre 2024)
Photo de monsieur le député Nicolas Ray

Au début du OA de la section IV du chapitre II du titre III de la deuxième partie du livre premier du code général des impôts, il est ajouté un article 1613 ter-0 ainsi rédigé :

« Art. 1613 ter-0. – I. – Il est institué une contribution perçue sur les produits alimentaires transformés destinés à la consommation humaine contenant des sucres ajoutés.

« II. – La contribution est due par la personne qui réalise la première livraison des produits mentionnés au I, à titre gratuit ou onéreux, en France, en dehors des collectivités régies par l’article 74 de la Constitution, de la Nouvelle-Calédonie, des Terres australes et antarctiques françaises et de l’île de Clipperton, à raison de cette première livraison.

« Est assimilée à une livraison la consommation de ces produits dans le cadre d’une activité économique. La contribution est exigible lors de cette livraison.

« III. – Le tarif de la contribution mentionnée au I est le suivant :

« 

QUANTITE DE SUCRE (en kg de sucres ajoutés par quintal de produits transformés)

TARIF APPLICABLE

(en euros par quintal de produits transformés) 

Inférieure ou égale à 13,03
23,54
34,04
44,55
55,56
66,57
77,58
89,6
911,62
1013,64
1115,66
1217,68
1319,70
1421,72
1523,74

 »

« Au delà de quinze kilogrammes de sucres ajoutés par quintal de produit transformé, le tarif applicable par kilogramme supplémentaire est fixé à 2,02 € par quintal de produit transformé.

« Pour le calcul de la quantité en kilogrammes de sucres ajoutés, celle-ci est arrondie à l’entier le plus proche. La fraction de sucre ajouté égale à 0,5 est comptée pour 1.

« Les tarifs mentionnés dans le tableau du deuxième alinéa et au troisième alinéa du présent II sont relevés au 1er janvier de chaque année, à compter du 1er janvier 2025, dans une proportion égale au taux de croissance de l’indice des prix à la consommation hors tabac de l’avant-dernière année.

« Ces montants sont exprimés avec deux chiffres après la virgule, le deuxième chiffre étant augmenté d’une unité si le chiffre suivant est égal ou supérieur à cinq.

« IV. – La contribution ne s’applique pas aux boissons et préparations liquides pour boissons qui s’acquittent de la contribution définie à l’article 1613 ter.

« V. – La contribution est établie et recouvrée selon les modalités, ainsi que sous les sûretés, garanties et sanctions applicables aux taxes sur le chiffre d’affaires.

« VI. – Le produit de cette taxe est affecté au fonds mentionné à l’article L. 135‑1 du code de la sécurité sociale. »

Exposé sommaire

Cet amendement vise à instaurer une taxe sur les sucres ajoutés dans les produits alimentaires transformés, en excluant les boissons sucrées qui font déjà l'objet d'une fiscalité spécifique en fonction de la quantité de sucre qu'elle contiennent (taxe soda).

Une étude de Santé publique France publiée en septembre dernier démontre que le surpoids et l'obésité ont fortement progressé dans notre pays depuis la fin des années 1990. La part des hommes se déclarant en surpoids est passée de 40 % en 1996 à 48 % en 2017. L'obésité, qui concernait 7 % des hommes en 1996, a dépassé les 14 % en 2016. Bien qu'une différence existe entre les sexes, les femmes ne sont pas non plus épargnées par ce phénomène. Chez les femmes, le surpoids déclaré qui était inférieur à 25 % en 1996 a ainsi atteint 39 % en 2017 et l'obésité, inférieure à 6 % en 1996, s'est établie à 14 % en 2017. 

Or, nous le savons, le surpoids et l'obésité sont des facteurs majeurs de risques de maladies cardiovasculaires, de diabète, de cancers ainsi que de la gravité de certaines maladies infectieuses comme cela a pu être mis en évidence lors de la crise du Covid.

Une récente étude du cabinet Asterès a ainsi évalué que la prise en charge de l’obésité et de ses complications représente un coût évitable de plus de dix milliards d'euros par an dont 8,4 milliards pour l’Assurance maladie, 1,3 milliard pour les organismes complémentaires et 900 millions pour les entreprises en raison des pertes nettes de production induites par les arrêts de travail et les décès.

Or, une surconsommation d’aliments industriels, notamment des aliments « ultra-transformés », augmente la prévalence de l’obésité. L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation (Anses) a ainsi conclu qu'en 2020, 77% des plus de 50 000 aliments transformés dont elle avait testé la composition contenaient du sucre, y compris dans certains aliments salés.

La mise en place en 2012 par le gouvernement de François Fillon d'une taxe sur les boissons contenant des sucres ou des édulcorants ajoutés a prouvé ses effets bénéfiques.

C'est la raison pour laquelle cet amendement propose de créer, sur le même modèle, une fiscalité nutritionnelle sur les sucres ajoutés dans les produits alimentaires transformés.  Le conseil des prélèvements obligatoires a d'ailleurs soutenu cette idée dans une note publiée en juillet 2023.

Cette mesure largement soutenue parmi les différents groupes politiques inciterait les industriels à proposer des produits plus vertueux s’inscrivant dans le cadre d’une alimentation plus saine. Elle permettrait ainsi de réduire les coûts humains et financiers des maladies chroniques causées par un excès de sucre et de dégager des ressources supplémentaires pour nos finances publiques.

Par ailleurs, les produits alimentaires ultra-transformés participent à l'appauvrissement de la diversité de notre agriculture, tant dans le secteur de l'élevage que des culture de végétaux. En requérant des matières premières abondantes et à faible coût, ces produits encourageant les cultures intensives qui nécessitent une utilisation importante d’engrais et de produits phytopharmaceutiques. Par ailleurs, la part des exportations dans la production française de sucre étant très importante (entre 35% et 50% en moyenne), la création d'une taxe française sur les sucres ajoutés dans les produits alimentaires transformés ne déstabilisera pas cette filière agricole dont l'excellence doit être préservée.

Pour toutes ces raisons, la mise en place d'une taxe sur les sucres ajoutés a été proposée à l'Assemblée nationale dans une PPL de notre collègue Cyrille Isaac-Sibille, et a été votée par le Sénat dans le PLFSS de l'an dernier à l'initiative de sénateurs des groupes LR et RDPI. Néanmoins, lors de l'utilisation de l'article 49 alinéa 3 de notre Constitution par le gouvernement, cette mesure n'a pas été retenue.

C'est pourquoi les auteurs de l'amendement proposent de réintégrer cette mesure dans le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale.