- Texte visé : Proposition de loi visant à instaurer un moratoire sur les projets routiers et autoroutiers, n° 417
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
Sous réserve de son traitement par les services de l'Assemblée nationale et de sa recevabilité
Après l’alinéa 3, insérer l’alinéa suivant :
« IV. – Le présent article ne s’applique pas à la Guyane. »
Avec uniquement 440 km de routes nationales de piètre qualité sur un territoire de 8 400 000 hectares, la Guyane souffre d’un enclavement endémique. A ce titre, appliquer la présente loi à la Guyane bloquerait tous projets d’aménagements routiers pourtant vitaux sur ce territoire. En effet, il est urgent d’aménager la Guyane! Le rapport d’information parlementaire n° 1924 voté à l’unanimité le 28 novembre 2023 considère à ce titre qu’accélérer la restitution du foncier et désenclaver le territoire par un réseau routier équipé d’ouvrages d’art, constitue une priorité absolue pour un aménagement équilibré du territoire guyanais.
Et pour cause, les réalités guyanaises sont celles d’une démographie exponentielle ( + 1,6 % par an entre 2015 et 2021. Selon l’Insee, au 1er janvier 2050, la Guyane comptera 428 000 habitants, soit un doublement de sa population en près de 40 ans), où 53% de la population vit sous le seuil de pauvreté et où 7 communes sur 22 sont totalement enclavées. Dans ce contexte, l’absence de réseau routier est mortifère.
En ce mois de novembre 2024, face à la baisse du niveau de l’eau des fleuves, seuls moyens de communication pour des milliers de personnes, ce sont des convois humanitaires qui doivent être organisés par hélicoptère pour amener de l’eau potable et autres produits de première nécessité. Cela se passe aujourd’hui, en Guyane!
Hors saison sèche, quand le niveau de l’eau permet de se déplacer sur les fleuves, ne pas avoir de routes signifie que des milliers d’enfants se lèvent tous les jours à 4h du matin pour faire 2 heures de pirogues sur des fleuves considérés (par une loi, une fois de plus votée à Paris sans prendre en compte les réalités guyanaises) comme non navigables. Ce qui signifie qu’aucune prise en charge n’est possible en cas d’accident.
De même, est il nécessaire d’expliquer ici les conséquences sanitaires de cet enclavement? Quand l’hôpital le plus proche est au mieux à 2 heures de pirogue? Comment être soigné en urgence? On ne le peut pas!
La conséquence est qu’en Guyane l’enclavement tue: il tue des hommes, des femmes et des enfants qui ne peuvent pas être soignés à temps ou qui sont victimes d’accidents de pirogue. Il tue aussi toute initiative économique. L’enclavement contribue à l’augmentation des prix (actuellement un sac de riz de 25kg coûte 80 euros et une bouteille d’huile de 1L revient à 10 euros. Une bouteille de gaz peut atteindre 130 euros. Ces prix datent du 25 novembre 2024). En l'absence de route, les habitants des communes 7 communes enclavées subissent l'ultra cherté de la vie! Quand le fleuve est en eau, ils préfèrent traverser la frontière (en passant sur la rive surinamaise ou brésilienne), pour faire leurs courses, car même par le fleuve, rallier les autres communes guyanaises est plus long (10 min de pirogues pour traverser le fleuve contre 2h à plusieurs jours pour rejoindre une autre commune en Guyane!).
Ceci est la réalité de la Guyane aujourd'hui en 2024!
Le refus d’aménagement de la Guyane, contribue à y installer le chaos. Et pour cause, la nature ayant horreur du vide, quand l’aménagement n’est pas réalisé de manière raisonnée par l’action publique, il l’est par les cartels et les réseaux informels ! De 2014 à 2018, les activités illégales ont été responsables d’une déforestation d’un peu plus de 600 ha par an et il est estimé que 18 % de la surface totale de la Guyane, se trouve aujourd’hui sous l’influence directe des activités illégales d’extraction d’or.
En définitive, la Guyane doit être appréciée dans sa réalité, avec sa géographie, sa superficie, sa démographie, à ce titre , la présente loi ne peut s’y appliquer. L’objet de cet amendement est donc d’exclure la terre guyanaise de son champs d’application.