Fabrication de la liasse
Photo de madame la députée Sophia Chikirou

Après l’alinéa 4, insérer l’alinéa suivant :

« 4° L’impact de la prolongation de l’usage des titres-restaurant pour l’achat de produits alimentaires non directement consommables sur la filière restauration, notamment les effets économiques sur les restaurants et commerces de bouche, l’évolution des comportements des consommateurs, et les conséquences potentielles sur l’équilibre économique des acteurs du secteur. »

Exposé sommaire

 

Cet amendement vise à enrichir le rapport prévu à l’article 2 par une évaluation des conséquences de l’extension de l’usage des tickets restaurant à l’achat de produits alimentaires non directement consommables, notamment dans la moyenne et la grande distribution. Si cette mesure est un coup de pouce absolument nécessaire pour des millions de nos concitoyens en situation de précarité alimentaire, elle ne doit pas être l’alpha et l’oméga de la politique alimentaire. D’abord, parce qu'elle est largement insuffisante pour juguler la faim dans notre pays. Elle ne compense pas la perte de pouvoir d’achat des classes populaires engendrée par la politique menée depuis des années, qui pourrait être limitée, par exemple, par le blocage des prix de première nécessité ou par la hausse du SMIC et l’indexation des salaires sur l’inflation. Ensuite, car elle entraîne des effets pervers indésirables, en particulier sur les artisans, commerçants et restaurateurs locaux. La plupart des restaurateurs, notamment ceux de la 6ème circonscription de Paris, le disent : « la restauration du midi s’effondre ». Même des établissements qui sont de véritables institutions dans nos quartiers n’arrivent plus à joindre les deux bouts. « Avec le COVID puis les tickets resto, on a perdu 50 % de la clientèle. Et depuis 6 mois, je ne me paye plus », témoigne une restauratrice.

 

Cette extension du titre-restaurant représente en effet un transfert d’environ 800 millions d’euros du secteur de la restauration vers les moyennes et grandes surfaces, qui vient s’ajouter aux nombreuses difficultés qui s’accumulent depuis le COVID. La crise sanitaire a évidemment changé les habitudes de consommation, notamment avec le développement du télétravail. Elle a aussi mis en difficulté financière de nombreux établissements qui doivent aujourd’hui rembourser leurs prêts garantis par l'État (PGE). Le prix de l’électricité a également explosé, et leurs coûts de fonctionnement avec, sans que le prétendu « bouclier tarifaire » gouvernemental, qui a désormais pris fin, ne protège ni les ménages dans le besoin ni les petits commerçants, mais seulement les surprofits de quelques-uns (comme l’a rappelé un rapport de la Cour des comptes publié en mars 2024). Pour un restaurant du 20ème arrondissement de Paris, par exemple, les factures d’EDF ont tout simplement triplé.

 

Les Jeux Olympiques de Paris, à l’exception de quelques établissements autour des sites olympiques (pour ceux qui ont eu la chance de pouvoir rester ouverts), ont également été une catastrophe pour la restauration. Paris a été vidé de sa population. Dans le 11ème et le 20ème arrondissement de Paris, les restaurateurs annoncent des baisses d’activité sur les mois estivaux allant de 30 % à 80 %. Nombre d’entre eux ont dû mettre la clef sous la porte ou s’apprêtent à le faire. On en arrive donc à prolonger une nouvelle fois une mesure d‘urgence qui revient à subventionner des « dark kitchen » (ou « restaurants virtuels » en français), accessibles uniquement en ligne via des plateformes de livraison de nourriture sur Internet, c’est-à-dire l’ubérisation de la restauration, ou à subventionner la grande distribution qui n’en a pas besoin au regard de ses marges (mais que l’on s’interdit d’encadrer malgré une proposition de loi de la France insoumise de 2023). Cette ineptie est le résultat de la politique libérale que mène Emmanuel Macron depuis 2017 et que poursuit ce gouvernement illégitime.

Cet amendement vise donc à rappeler que, si tous les coups de pouce sont les bienvenus pour aider nos concitoyens, la précarité alimentaire ne peut pas se régler par un simple ticket restaurant au détriment des petits restaurateurs qui font vivre nos quartiers, mais bien par une réforme fiscale assurant un meilleur partage des richesses dans notre pays, mais aussi une refonte du système de production alimentaire, pour aller vers une alimentation plus juste, saine et durable.