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Amendement n°328

Déposé le lundi 25 novembre 2024
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Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, une conférence de financement des retraites associant les organisations syndicales représentatives, les organisations professionnelles d’employeurs représentatives, l’État et les organismes gestionnaires des régimes de retraite obligatoires de base et complémentaire est réunie. Cette conférence est chargée : 

1° De définir les conditions de mise en place d’un fonds public d’épargne retraite souverain collectif obligatoire qui prend la forme d’un nouvel établissement public ;

2° De définir les conditions de financement de ce nouvel établissement public, en évitant de créer une nouvelle charge sur les entreprises ;

3° De définir une trajectoire de mise en place de ce pilier par capitalisation afin d’atteindre d’ici 2105 33 % du montant global des pensions de retraite ;

4° D’encadrer les modalités de coexistence de ce nouveau système de retraites par capitalisation avec le système par répartition afin que ni le niveau des pensions ne diminue ni le niveau des charges n’augmente pour les entreprises et les contribuables n’augmente.

La composition de la conférence nationale est fixée par arrêté conjoint des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget.

Ses membres exercent leurs fonction à titre gratuit.

Elle se réunit au moins une fois par an sur convocation des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget.

Exposé sommaire

EXPOSÉ SOMMAIRE

« J’espère que l’agitation provoquée autour de la loi des retraites aidera les travailleurs à acquérir le sens des réalités économiques, à comprendre le fonctionnement des mécanismes d’assurance. »

Jean Jaurès, « Capitalisme et capitalisation », article publié dans l’Humanité du 27 décembre 1909

 

Le système de retraites par répartition français est structurellement déséquilibré.  L’introduction d’une dose de répartition permettrait de bénéficier du dynamisme des placements financiers opérés pour dégager de l’épargne qui, au lieu d’être directement affectée au paiement des sortants du système, produirait des intérêts qui, à terme, permettront à la fois de financer la retraite des cotisants ainsi que d’assurer de nouveaux financements pour l’économie, tout en réduisant le poids des charges et de la fiscalité sur les entreprises, améliorant ipso facto la compétitivité et l’emploi.

 

Les réformes de la retraite par répartition ne sont que des modifications du périmètre d’un système qui demeure par répartition ; il s’agit de décaler l’âge de départ ou de modifier la durée des annuités.

La France est le second pays après l’Italie en matière de dépenses dans le système de retraite public – 13,4 % du PIB.

 

La France, à l’inverse de nombreux autres pays comparables, n’a pas développé de système par capitalisation obligatoire, sauf pour certaines catégories spécifiques : les fonctionnaires qui cotisent en capitalisation sur leurs primes via l’ERAFP, le régime du Sénat, de la Banque de France, des pharmaciens ou encore les contrats « Madelin » pour les indépendants et enfin dans le cadre des retraites d’entreprises (plans d’épargne retraite collectifs).

 

Outre leur caractère inégalitaire par rapport à ceux qui n’y ont pas accès, leur poids demeure cependant anecdotique.

 

Que ce soit en ce qui concerne un système dédié de capitalisation ou de réserves excédentaires de systèmes par répartition ou créés ad hoc par l’État comme le Fond de réserve des retraites, la France se distingue par la faiblesse du stock de capital dédié aux retraites.

 

Cette « générosité » a un coût : le taux de cotisation obligatoire pour la retraite pour les salariés du secteur privé au niveau du salaire moyen – en % du salaire brut est de 27,8 % en France.

 

La « générosité » de ce système pose question du point de vue de l’équité – poids insupportable sur les actifs, impossibilité d’épargner – et de l’efficience économique – impact sur la compétitivité et capacité de financement de l’économie.

 

La capitalisation est pourtant, paradoxe seulement apparent, un système plébiscité autrefois par la gauche et Jean Jaurès et est, en réalité, plus favorable à une juste répartition du patrimoine, autrement dit de la richesse accumulée, plutôt que la répartition qui empêche l’épargne des plus pauvres et leur promet un taux de rendement inférieur à l’inflation.

 

En effet, avec le système par répartition, l’argent placé a un rendement qui est fonction de la croissance de la masse salariale qui est elle-même fonction de l’augmentation de la productivité qui, depuis 23 ans en France, est de 0,8 %. A l’inverse, la rentabilité des placements majoritairement en action, inflation décomptée, est de 3,5 à 4 % annuels.

 

La répartition est en réalité inique si le taux de rendement attendu est trop faible : ce système implique mécaniquement un transfert financier des groupes sociaux qui ont la plus faible espérance de vie et qui sont aussi en moyenne les plus pauvres vers ceux qui ont une espérance de vie la plus forte et qui sont en moyenne plus riches. De plus, les cotisations viennent amputer le pouvoir d’achat, donc la possibilité, pour les ménages les plus pauvres, de se constituer une épargne du fait de leurs contraintes de liquidité. Les classes les plus aisées ont-elles la possibilité de constituer, en complément du système par répartition, une épargne – retraite individuelle avantagée fiscalement et transmissible par héritage.

 

A l’inverse, un système par capitalisation obligatoire permet de doter en capital une large partie de la population qui n’en possède pas, à la fois parce qu’elle n’en a pas reçu en héritage et parce qu’elle n’a pas de salaires suffisants pour en accumuler ; autrement dit, le développeemnt de la capitalisation collective aura des effets favorables sur la distribution des fortunes.

Il s’agit enfin d’un enjeu de souveraineté économique : l’insuffisance globale d’épargne se lit dans notre balance des paiements : chaque année depuis le milieu des années 2000, la France accumule auprès du reste du monde des engagements qui sont supérieurs aux actifs qu’elle détient sur lui. Aujourd’hui, cela représente un solde négatif de 30 % du PIB. Autrement dit, les ménages épargnent mais pas au bon endroit, l’État est toujours en déficit et les entreprises n’ont pas suffisamment de capitaux disponibles et doivent faire à du financement privé qui est étranger. Afin de redonner à la France, que ce soient les épargnants, l’État ou les entreprises, les moyens d’innover, d’investir et d’embaucher, selon ses intérêts propres, il convient de lui donner des outils adéquats afin d’engendrer un cycle vertueux de financement ; la retraite par capitalisation est un outil parfaitement indiqué.

 

Les États-Unis et la Norvège sont aujourd’hui en mesure de dicter certains de nos choix industriels, puisqu’ils ont, par leurs fonds, des participations dans des entreprises françaises. Il convient de nous doter nous aussi d’outils de souveraineté industrielle et financière afin d’anticiper également les futurs dépenses auxquelles la France devra faire face : financement de la dépendance, des dépenses induites par le changement climatique ou encore intelligence artificielle.

 

Enfin, à court-terme, en bénéficiant des performances des marchés actions, l’État allègera des comptes des entreprises autant de charges qui permettront immédiatement une amélioration de la compétitivité et de l’emploi en France, ce qui améliorera d’autant la croissance française, aujourd’hui particulièrement faible.

 

La mise en place de la retraite par capitalisation ne pourra se faire que progressivement, en s’inspirant des dispositifs qui existent déjà et au cours d’une période longue, afin d’éviter un phénomène où une génération qui aurait cotisé pour notre système actuel se retrouverait à devoir financer le nouveau système par capitalisation. Ainsi, un début de la mise en place du nouveau système en 2025 verrait la fin de sa mise en place seulement en 2105, avec comme objectif un pilier de capitalisation qui représenterait 33 % de la pension totale.

 

Pour ce faire, le système remplacera les deux étages de retraite de base (régime général) et de retraites complémentaires (AGIRC-ARRCO), complété le cas échéant de dispositifs d’épargne retraite collectifs ou individuels volontaires.

 

Comment le financer ?

 

Les excédents du régime AGIRC-ARRCO pourraient en premier lieu aider au financement, par un apport en capital versé au fonds de capitalisation au moment de sa création, pour 121 milliards d’euros.

 

La création d’une cotisation employeur compensée à due concurrence par la baisse de certains impôts de production et de contribution de la valeur ajoutée des entreprises (comme la CVAE), qui s’accompagnera d’une baisse des dépenses équivalente de l’État. Cet effort ne sera véritablement difficile qu’initialement ; le surcroît de compétitivité induit engendrera plus de recettes pour l’État à terme et les rendements de la capitalisation réduiront d’autant le montant global à aller récolter sur les cotisations.

 

Une réorientation de l’épargne déjà disponible est également envisageable, par exemple le Livret A ou le Livret de Développement Durable et Solidaire ; le déséquilibre du système des retraites étant manifeste, sa résorption en fait un objectif tout aussi louable que les autres objectifs poursuivis par ces livrets d’épargne : logement social, transition énergétique et soutien aux entreprises. Une augmentation du plafond de ces livrets est à envisager.

 

Pour ce qui est de la gestion, l’exemple des dispositifs de retraite par capitalisation collectifs doivent nous inspirer : les syndicats gèrent avec responsabilité les fonds alloués. Ils devront être majoritairement orientés vers les actions et l’État, bien que présent, ne pourra s’immiscer dans la gestion ; par nature, ses décisions sont trop volatiles et il pourrait être tenter d’user des fonds placés à long-terme pour financer des déficits de court-terme, détruisant tout l’intérêt et toute la logique de la capitalisation.