- Texte visé : Texte de la commission sur le texte adopté par la commission des affaires européennes sur la proposition de résolution européenne de Mme Constance Le Grip et plusieurs de ses collègues appelant à la libération immédiate et inconditionnelle de Boualem Sansal . (n°914), n° 1021-A0
- Stade de lecture : Lecture unique
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
Sous réserve de son traitement par les services de l'Assemblée nationale et de sa recevabilité
Compléter cet article par l'alinéa suivant :
« 9. Invite le Gouvernement de la République française à cesser d’acheter des hydrocarbures en provenance d’Algérie, tant que l'Algérie n'aura pas libéré Boualem Sansal. »
Cet amendement, présenté par le groupe UDR, vise à inviter le Gouvernement à cesser d’acheter des hydrocarbures en provenance d’Algérie. Il s’agit d’un levier commercial qui permettra d’établir un rapport de force avec l’Algérie, afin de contraindre celle-ci à libérer Boualem Sansal.
L’écrivain franco-algérien Boualem Sansal a été arrêté par les autorités algériennes le 16 novembre 2024. Le motif avancé pour son incarcération est d’avoir porté atteinte à « l’unité nationale » et à la « sûreté de l’État » algérien : l’écrivain avait soutenu la Marocanité du Sahara occidental dans le média français « Frontières » en octobre 2024. Le 27 mars 2025, l’écrivain a été condamné à 5 ans de prison ferme et une amende de 500.000 dinars par le tribunal de Dar El Beida (Algérie). Dans ce contexte, Boualem Sansal a vu nombre de ses libertés fondamentales violées, en particulier les droits à la défense et à un procès équitable : en effet, son avocat s’est toujours vu refuser l’octroi d’un visa pour accéder au territoire algérien. Âgé de 80 ans et atteint d’un cancer, Boualem Sansal est encore détenu en Algérie à ce jour.
Il s’agit en l’occurrence d’un délit d’opinion : l’emprisonnement et la condamnation de Boualem Sansal témoignent de la véritable dérive autoritaire du régime algérien qui, en dépit de son propre corpus juridique et constitutionnel et des conventions internationales dont il est signataire, porte considérablement atteinte à la liberté d’opinion et à la liberté d’expression, en emprisonnant des dissidents politiques tels que Boualem Sansal.
Si la proposition de résolution souligne bien la nécessité d’appeler à une libération immédiate et inconditionnelle de Boualem Sansal, elle omet d’évoquer les nombreux leviers dont dispose la France pour inciter l’Algérie à procéder à sa libération.
Parmi ces leviers, on distingue notamment la possibilité pour la France de s’émanciper de l’importation d’hydrocarbures, c’est-à-dire de gaz et de pétrole en provenance d’Algérie. Il persiste aujourd’hui un mythe selon lequel les relations économiques entre la France et l’Algérie demeurent indispensables pour la France : cependant, l’Algérie est un partenaire plus que secondaire, avec seulement 12 milliards d’euros de volumes d’échanges en 2023, soit 1,6% du total du volume d’échanges de la France. Les importations algériennes en France sont de 7 milliards d’euros, soit 1% de nos importations totales. Il en va de même pour les exportations françaises en Algérie, de 4 milliards d’euros, soit 1% du total de nos exportations.
En conséquence, nous ne sommes pas dépendants de l’économie algérienne, et pas plus de ses hydrocarbures : en effet, le gaz naturel algérien importé en France représente 8% du total de nos importations de gaz naturel : nos premiers fournisseurs sont la Norvège (32%) et les États-Unis (24%). Aussi, le pétrole algérien importé vers la France n’atteint que 9,6% du total de notre pétrole importé, contre 13% en provenance du Nigéria, et 7% de la Norvège notamment. Ainsi, la France n’aurait aucune difficulté à diversifier davantage ses approvisionnements, et la persistance de ces transactions demeure troublante à la vue du contexte diplomatique, ainsi que du coût que représente l’Algérie pour la France.
Face à ces évidences, il convient aussi de rappeler que l’Algérie est quant à elle très dépendante de l’exportation de ses hydrocarbures (il s’agit de 90% de ses exportations) : si la France venait à cesser d’en acheter, le manque à gagner algérien serait de 6 milliards d’euros, ce qui est considérable pour son économie. Le rapport de force est clairement favorable à la France, de surcroît puisque le PIB algérien est dix fois inférieur au PIB français.
Le dispositif pourrait contribuer à faciliter la libération de Boualem Sansal : tel est le sens du présent amendement.