- Texte visé : Texte de la commission sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, visant à sortir la France du piège du narcotrafic (n°907)., n° 1043-A0 rectifié
- Stade de lecture : 1ère lecture (2ème assemblée saisie)
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
Supprimer les alinéas 14 à 16.
Par cet amendement de repli, les député·es du groupe LFI-NFP visent à supprimer les fouilles systématiques.
Le régime de fouille systématique en cas de "contact physique" avec une personne extérieure, avocats y compris, est manifestement disproportionné et contraire à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme qui établit que les fouilles doivent être justifiées et motivées, nous avertit dans son avis du 13 mai la Défenseure des droits.
La France a déjà été condamnée de multiples fois par la CEDH au sujet des fouilles des détenus dans le milieu carcéral (CEDH, Frérot c/ France, 12 juin 2007, n°79204/01 ; CEDH, Khider c/ France, 9 juillet 2009, n°39364/05, etc.). Pourtant, en prévoyant le recours systématique aux fouilles, cette mesure du Gouvernement viole explicitement la jurisprudence de la CEDH, qui a jugé dans son arrêt Van de Ven c. Pays-Bas de 2003 qu’elles avaient un effet dégradant entrainant une violation de l’article 3 de la CSDHLF "dès lors qu'elle avait lieu chaque semaine, de manière systématique, routinière et sans justification précise tenant au comportement du requérant".
Dans un arrêt de principe de 2008 (CE, Frérot c/ France), le Conseil d'État a posé une double condition au recours des fouilles intégrales : "d'une part, qu'elles soient justifiées par l'existence de suspicions fondées sur le comportement du détenu, ses agissements antérieurs ou les circonstances de ses contacts avec des tiers, et, d'autre part, qu'elles se déroulent dans des conditions et selon des modalités strictement et exclusivement adaptées à ces nécessités et ces contraintes".
En somme, cette disposition s’entête dans une logique de surveillance excessive et inefficace. Comme l'analyse Martine Herzog-Evans, "les fouilles corporelles, particulièrement lorsqu'elles sont répétées, ont pour seul résultat d'asseoir une domination institutionnelle et d'humilier, voire de briser, la personne qui en fait l'objet".
Par ailleurs, l'article tel qu'adopté en commission prévoit la fouille intégrale après tout contact avec une personne extérieure sans surveillance, et alors même que ce contact serait consubstantiel à l’exercice effectif d’un droit fondamental, par exemple à l'issue d'une visite médicale, d'un parloir avec un avocat ou avec un enfant mineur. "Dès lors, l’effectivité de plusieurs droits des personnes détenues, notamment les droits à la santé, à la défense ou encore à la vie privée et familiale, serait conditionnée par
une fouille intégrale", nous explique la Défenseure des droits.
Poser la fouille intégrale comme condition à l’exercice des droits fondamentaux des personnes ne garantit ni plus de sécurité, ni des conditions favorables à la réinsertion des personnes, mais participe à un climat de suspicion généralisée, délétère tant pour les détenus que pour le personnel pénitentiaire. Une alternative respectueuse des droits fondamentaux et plus efficace en termes de sécurité est pourtant possible, comme le démontrent plusieurs modèles européens privilégiant les fouilles ciblées.
Pour l'ensemble de ces raisons, nous proposons la suppression de ces dispositions.