Fabrication de la liasse
Rejeté
(samedi 17 mai 2025)
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Thibault Bazin

Membre du groupe Droite Républicaine

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Supprimer cet article.

Exposé sommaire

Premièrement, on ne peut que regretter que les critères établis par le présent article afin d'avoir recours à l'euthanasie ou au suicide assisté ne soient pas plus stricts, au moins autant que pour l'accès à la sédation profonde et continue. En effet, le champ des personnes potentiellement concernées par ces conditions est très vaste lorsque l'on met bout à bout chaque alinéa. Ainsi, une personne en phase avancée d'une maladie grave et incurable souffrant psychologiquement pourrait accéder à l'aide à mourir. On voit bien dès lors l'importance de la définition du pronostic vital et de l'estimation du "temps qu'il reste à vivre", chose éminemment complexe comme le rapportent tous les soignants. Par exemple, 200 000 Français sont aujourd'hui en phase avancée d'une insuffisance cardiaque et pourraient, dans la version actuelle du texte, relever de l’aide à mourir... 

Ainsi, la notion de court terme serait-elle préférable car relativement claire. La Haute autorité de santé indique qu’on "parle de pronostic vital engagé à court terme lorsque le décès du patient est attendu dans quelques heures à quelques jours.". 

Ensuite il conviendrait d'exclure de l'aide à mourir les personnes souffrant "uniquement" psychologiquement, considérant qu'il relève des professionnels de santé concernés de chercher à les diminuer. Notre liberté est-elle en effet totale et éclairée quand on souffre de dépression ? Celle-ci étant par ailleurs très souvent présente chez les patients atteints d'une maladie grave et incurable.

Enfin, l'expression de souffrance "insupportable" est ni objective ni tangible, ce qui questionne quand à l'idée d'en faire un unique criterium de l'accès à l'euthanasie ou au suicide assisté. 

Secondement, que chacun s'interroge : les « limites » posées par cet article à l’accès au suicide assisté / à l’euthanasie ne pourront-elles être que provisoires ? Plusieurs personnes auditionnées par la commission spéciale fin avril 2024 ont indiqué que ce projet de loi n’était qu’une étape qui en appellerait d’autres. 

Par exemple, si nous en réservions aujourd’hui l’accès aux personnes âgées d’au moins 18 ans, comment le refuserions-nous demain aux personnes âgées de 17 ans ? De 16 ans ? De 15 ans ? Ce questionnement n’est pas une pure hypothèse. Récemment, les Pays-Bas ont ainsi autorisé l’euthanasie pour les enfants de moins de 12 ans alors qu’eux aussi avaient initialement posé des « barrières éthiques » ... 

Au Canada, qui, initialement avait réservé l’accès aux patients en « stade terminal », la loi a finalement supprimé cette barrière. Dans plusieurs pays, la loi portait d’abord sur les maladies physiques incurables et s’appliquait aux majeurs, puis s’est élargie aux maladies psychiatriques et aux mineurs. Aux Pays-Bas, en 2024, 427 patients atteints de démence ont été euthanasiés, dont une mineure et 30 personnes de moins de 30 ans. 

En réalité, une fois le droit instauré, même initialement circonscrit, il s’élargit progressivement eu égard à la force du principe d’égalité. Que penser par ailleurs quand on considère que l’auteur de la proposition de loi est membre du comité d’honneur de l’ADMD, association dont le président écrivait à ses adhérents en 2022 : « Nous devrons accepter des concessions qui ne seront que temporaires, transitoires. Car dès lors que le principe même de l’aide active aura été voté, le front des anti-choix aura été brisé et nous pourrons enfin avancer rapidement et faire évoluer la loi vers ce que nous souhaitons tous : une loi du libre choix qui ne comporte aucune obligation pour quiconque ». Et que dire de ce que Madame Sandrine Rousseau a déclaré en commission le 10 avril dernier : « aucun pays ayant légalisé l’aide à mourir ne l’a ouverte d’emblée aux mineurs, dont les droits ont été acquis ultérieurement. Je propose de faire de même. Je ne doute pas que nous parviendrons à ouvrir l’aide à mourir aux mineurs. ».

In fine, n’est-ce pas se voiler la face que de penser qu’il est possible de poser des garde-fous durables ? « Une fois qu’on a passé les bornes, il n’y a plus de limites » écrivait en son temps Alphonse Allais, journaliste français du XIXè siècle.