Fabrication de la liasse

Amendement n°AS50

Déposé le vendredi 17 octobre 2025
En traitement
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Céline Thiébault-Martinez

Membre du groupe Socialistes et apparentés

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Photo de madame la députée Marie-Charlotte Garin

Marie-Charlotte Garin

Membre du groupe Écologiste et Social

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Sous réserve de son traitement par les services de l'Assemblée nationale et de sa recevabilité

I. – À l’alinéa 92, substituer aux mots :

« soit d’un mois, soit de deux mois, au choix du salarié »

les mots :

« de seize semaines ».

II. – Compléter cet article par l’alinéa suivant :

« XI. – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services. »

Exposé sommaire

Cet amendement vise à transformer le congé supplémentaire de naissance proposé par le Gouvernement en un véritable congé parental, plus flexible, mieux rémunéré et réellement partagé, à l’image du modèle suédois. Ce dernier prévoit un congé unique pour les deux parents avec des quotas non transférables, garantissant que chacun prenne une partie du congé. L’indemnisation, proche de 80 % du salaire, incite les pères à s’arrêter et favorise un partage équilibré des responsabilités parentales. En l’absence d’obligation pour les pères, la réforme actuelle risque au contraire d’accentuer l’éloignement des mères du marché du travail, qui prendraient probablement l’intégralité du congé.

Concrètement, cet amendement prévoit d’allonger la durée du congé, passant d’un ou deux mois à 16 semaines.

La veille de la présentation du rapport de la mission d’information sur les congés parentaux, le Gouvernement a introduit, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026, un article créant un « congé supplémentaire de naissance ». 

Cette annonce, bien que bienvenue dans son principe, intervient sans articulation réelle avec les travaux approfondis menés depuis plus de six mois par cette mission, qui ont pourtant mis en évidence les principaux obstacles à la prise des congés parentaux. 

1) La maternité demeure un tournant majeur dans la vie professionnelle des femmes. Dix ans après la naissance d’un enfant, les revenus des femmes chutent en moyenne de 38 %. Le temps partiel est dix fois plus fréquent chez les femmes que chez les hommes et 90 % de l’écart de revenus entre les genres s’explique par la pénalité maternelle. Le congé maternité français, de 16 semaines, reste plus court que la moyenne de l’OCDE (18,4 semaines). Bien qu’assez bien indemnisé, il n’est pas toujours adapté aux besoins réels des mères : récupération post-partum, construction du lien d’attachement… Il conviendrait ainsi de l’allonger de deux semaines.

2) Le congé paternité, allongé à 28 jours en 2021, constitue une avancée symbolique mais reste insuffisant. Seuls 71 % des pères y ont recours, contre 93 % des mères. En moyenne, ils s’arrêtent 23 jours, tandis que les mères prennent 128 jours. Les freins identifiés sont la perte de revenu, la pression professionnelle et les stéréotypes de genre. Ainsi, cette « parenthèse enchantée » du congé paternité ne modifie pas durablement la répartition des tâches. La partie obligatoire de ce congé paternité devrait être étendue, et sa durée, alignée sur celle du congé maternité. Afin de s’adapter aux différentes configurations familiales, il devrait désormais être renommé « congé du second parent ».

3) La PreParE, créée en 2015 pour encourager le partage du congé parental, est un échec. Moins de 15 % des familles y ont recours, 94 % des bénéficiaires sont des femmes, et moins de 1 % des pères prennent un congé parental à temps plein. L’indemnisation de 456 € par mois rend ce congé inaccessible, perpétuant un modèle à deux vitesses : un congé maternité court et bien indemnisé d’un côté, un congé parental long et mal rémunéré de l’autre. L’OCDE recommande que tout congé parental favorisant l’égalité soit bien indemnisé (au moins 50 % du revenu précédent), non transférable (réservé à chaque parent) et flexible (fractionnable en plusieurs périodes). L’exemple suédois montre que chaque parent dispose de 240 jours dont 90 non transférables, avec une indemnisation dégressive mais attractive et la possibilité de fractionner le congé à la journée.

Ainsi, la mission d’information a établi que toute réforme durable doit répondre à deux exigences : le bon développement de l’enfant et l’égalité réelle entre les femmes et les hommes. Or, le dispositif proposé par le Gouvernement ne répond pas à ces objectifs. Dans cette perspective, cet amendement s’inscrit dans les recommandations de la mission parlementaire et des bonnes pratiques internationales : bien indemnisé, plus long, partagé et flexible.