Première séance du lundi 07 juillet 2025
- Présidence de Mme Naïma Moutchou
- 1. Restitution d’un bien culturel à la république de Côte d’Ivoire
- 2. Mode d’élection des membres du conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et Marseille
- 3. Décès d’un député
- Suspension et reprise de la séance
- 4. Mode d’élection des membres du conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et Marseille (suite)
- Discussion générale
- Discussion des articles
- Article 1er
- Article 1er bis
- Mme Céline Hervieu
- M. Sylvain Maillard
- Amendements nos 7, 20 et 30
- Article 1er ter
- Amendement no 8
- Article 2
- Mme la présidente
- Amendements nos 9, 14 et 19
- Article 3
- Article 4
- Article 5
- Amendement no 15
- Article 6
- Explications de vote
- Vote sur l’ensemble
- 5. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Naïma Moutchou
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1. Restitution d’un bien culturel à la république de Côte d’Ivoire
Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’une proposition de loi adoptée par le Sénat
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative à la restitution d’un bien culturel à la république de Côte d’Ivoire (nos 1350, 1662).
Présentation
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de la culture.
Mme Rachida Dati, ministre de la culture
Nous sommes réunis pour que se poursuive le parcours de restitution du tambour parleur atchan à la république de Côte d’Ivoire. Nous sommes à la fin d’un long travail commun mené par les commissions des affaires culturelles du Sénat et de l’Assemblée nationale et par le ministère de la culture. Je tiens d’ailleurs à saluer l’adoption du texte à l’unanimité, mercredi dernier, en commission des affaires culturelles.
Si le texte traite d’une demande particulière, il s’inscrit dans une démarche plus globale consistant à renouveler les relations de la France avec le continent africain, comme s’y était engagé le président de la République lors de son discours de Ouagadougou en 2017. Le président de la République et son homologue, le président Alassane Ouattara, ont ainsi acté, en 2021, la restitution du tambour parleur. Depuis, un travail partenarial a été engagé pour que ce tambour puisse retrouver son pays d’origine. Le ministère de la culture a été présent à chaque étape, en lien avec le ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Je souhaite renouveler mes remerciements envers les équipes du musée du Quai Branly-Jacques Chirac, celles du musée des Civilisations de Côte d’Ivoire (MCCI), les services de la direction générale des patrimoines et de l’architecture (DGPA), le service des affaires juridiques du ministère et l’ambassadeur pour la coopération internationale dans le domaine du patrimoine, M. Jean-Luc Martinez.
Nous avons choisi de procéder en deux étapes : le dépôt, puis la restitution. La première s’est déroulée le 18 novembre 2024, lorsque j’ai signé, avec mon homologue ivoirienne, Mme Françoise Remarck, une convention de dépôt garantissant le retour du tambour à Abidjan dans un avenir très proche. Tous les parlementaires ayant travaillé sur cette question étaient d’ailleurs conviés à la signature, car il ne s’agissait pas de contourner le circuit législatif mais d’affirmer très concrètement notre volonté de procéder à une restitution définitive.
Pour ne pas perdre de temps, le Sénat a déposé une proposition de loi visant la restitution définitive. Pendant que nous travaillions à une troisième loi-cadre, il était en effet indispensable de disposer d’une solution législative de court terme, dont les délais seraient compatibles avec les enjeux diplomatiques de la restitution du tambour à la république de Côte d’Ivoire. Il s’agit, par l’article unique de cette proposition de loi, de déroger au code du patrimoine, lequel dispose que les collections nationales sont inaliénables. Cette proposition de loi a été adoptée à l’unanimité le 28 avril au Sénat, puis le 2 juillet en commission à l’Assemblée nationale. Je souhaite qu’il en soit de même aujourd’hui.
Si cette loi d’espèce nous permet de traiter ce cas particulier, je sais que l’essentiel des attentes est tourné vers la loi-cadre à venir. Comme je l’ai annoncé mercredi dernier, le gouvernement présentera d’ici à fin juillet un texte en ce sens, qui portera sur la restitution de biens culturels provenant d’États qui, du fait d’une appropriation illicite, en ont été privés. C’est une question ancienne, au sujet de laquelle les positions ont considérablement évolué ces dix dernières années. Je souhaite réunir les parlementaires dès le début du mois de septembre pour évoquer le contenu et la méthode de ce projet de loi. Nous devons y travailler ensemble, de manière apaisée et vertueuse : ces débats doivent pouvoir rassembler la représentation nationale et éviter toute instrumentalisation. J’espère que l’Assemblée nationale procédera ainsi.
Pour conclure, revenons à cette proposition de loi et à la restitution du tambour parleur. Celle-ci aura lieu dans la perspective de la réouverture prochaine du musée des Civilisations de Côte d’Ivoire. Par le soutien que la France apporte à sa rénovation et à sa modernisation, ce musée incarne parfaitement notre ambition en matière de coopération muséale et patrimoniale avec la Côte d’Ivoire et, de façon plus générale, notre volonté que chaque restitution soit accompagnée d’un dispositif de coopération rassemblant experts français et experts étrangers autour de projets communs. C’est dans ce nouveau musée d’Abidjan que le tambour parleur trouvera prochainement un nouvel écrin.
Mme la présidente
La parole est à M. Bertrand Sorre, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.
M. Bertrand Sorre, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation
La présente proposition de loi d’espèce prévoit la restitution du tambour Djidji Ayôkwê à la Côte d’Ivoire, qui en a fait la demande en 2019. Elle a été adoptée à l’unanimité au Sénat – en commission le 9 avril, puis en séance le 28 avril –, sans modification du texte initial, et a connu la même unanimité mercredi midi, lors de son examen en commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale. J’espère voir cette unanimité consacrée aujourd’hui dans notre hémicycle, afin que s’achève dans les meilleurs délais un processus engagé il y a déjà plusieurs années.
Après une loi comparable ayant permis la restitution de plusieurs biens culturels de grande valeur au Bénin et au Sénégal il y a déjà cinq ans, on se surprend à espérer que cette loi d’espèce soit la dernière. Il ne s’agit pas de mettre fin aux restitutions ; ce souhait, qui aurait pu trouver librement à s’exprimer il y a encore quelques années, semble heureusement avoir cédé la place à une reconnaissance largement partagée de la légitimité de restitutions bien encadrées. Non, si l’on peut souhaiter la disparition des lois d’espèce, c’est parce que la création d’une procédure administrative adaptée, dérogatoire au principe d’inaliénabilité des collections publiques, devrait être prochainement soumise à l’appréciation du Parlement, comme l’a assuré Mme la ministre il y a quelques minutes encore.
Une procédure de ce type existe déjà pour deux catégories de biens présents dans les collections publiques : les restes humains et les biens ayant fait l’objet d’une spoliation à caractère antisémite dans le contexte des années 1933 à 1945. Deux lois-cadres permettent désormais de surmonter l’inaliénabilité des biens appartenant à des collections publiques pour faciliter leur restitution, sous certaines conditions précises et au terme d’un examen scientifique collégial visant à vérifier la provenance et l’identification de ces biens. Nombre d’entre nous ont eu l’honneur d’adopter récemment ces textes qui avaient fait l’objet d’un très large consensus.
L’examen de tels projets et propositions de loi d’espèce constitue pour nous, parlementaires, une occasion passionnante de nous pencher sur des sujets fondamentaux pour la mémoire de notre pays. Le contrôle que nous exerçons sur l’inaliénabilité des collections publiques tient à ce qu’elles sont propriété collective de la nation. Il pourrait donc sembler paradoxal que le rapporteur d’une proposition de loi d’espèce appelle de ses vœux une loi-cadre qui conduirait à réduire le rôle des élus dans le processus de restitution. Si un tel texte s’applique, les parlementaires ne sanctionneront plus par leur vote la sortie des collections publiques ; par conséquent, ils auront un regard bien plus lointain sur ces procédures. C’est pourquoi nous devrons nous assurer d’introduire dans cette loi à venir les mécanismes nécessaires pour préserver, au minimum, la bonne information des parlementaires, qui devront être tenus au courant du dépôt de demandes d’États étrangers et de la constitution de commissions scientifiques en vue de leur examen. Ne nous interdisons pas non plus de réfléchir au maintien, sous une forme ou sous une autre, de la participation des parlementaires à ces travaux et à ces décisions – ils pourraient, par exemple, intervenir à certains moments clés du processus.
La nécessité d’alléger le processus de restitution constitue pourtant une première raison de soutenir l’adoption de la dernière loi-cadre manquant encore au triptyque annoncé après la remise du rapport de M. Jean-Luc Martinez. Un tel texte permettrait aussi de rendre plus transparent et plus objectif le processus de restitution, jugé parfois trop dépendant du pouvoir politique : les demandes seraient en effet traitées selon des critères historiques élaborés par la communauté scientifique, ce qui renforcerait la légitimité des restitutions. Enfin, il compléterait l’arsenal juridique français en la matière : la France disposerait d’un cadre législatif complet et unique pour traiter les demandes de restitution, manifestant ainsi au niveau international une volonté d’exemplarité et de transparence qui lui ferait honneur.
Loin d’être contradictoire avec cet effort, la présente proposition de loi représente l’aboutissement d’un processus similaire à ceux qui pourraient être engagés sous le régime d’une future loi-cadre. En effet, elle parachève un travail collaboratif culturel, scientifique et diplomatique engagé il y a plusieurs années. Elle sera surtout, j’y insiste particulièrement, le point de départ de nouvelles collaborations, dans le cadre d’un partenariat renforcé par le retour du tambour parleur. Je tiens à saluer avec force le travail remarquable des professionnels impliqués dans ce travail commun – les équipes du musée du Quai Branly et du musée des Civilisations d’Abidjan, celles du ministère de la culture, celles du ministère de l’Europe et des affaires étrangères –, sans qui la restitution du tambour n’aurait pas la même portée. Je rends hommage à leur engagement.
L’objet qui doit être restitué est très impressionnant. Sculpté au XIXe siècle dans un précieux bois d’iroko, il mesure environ 3,5 mètres et pèse plus de 400 kilos. Sa réplique en 3D a même été projetée lors de la Coupe d’Afrique des nations de football, ce qui a donné une bonne idée de la ferveur que suscitait la perspective de son retour. Le tambour parleur a longtemps été utilisé comme un outil de communication au sein de la communauté atchan, servant notamment à alerter les villageois des opérations menées par les autorités coloniales pour les recruter en vue du travail forcé ou pour les enrôler dans les forces militaires françaises. Il aurait d’ailleurs été volé en 1916 par l’administrateur du cercle des Lagunes, Marc Simon, afin d’empêcher cette forme de communication entre les villages. En somme, il s’agissait pour les occupants de faire taire ce tambour parleur trop bavard pour mieux asseoir leur autorité.
Ainsi, le tambour n’est pas, ou du moins pas seulement, un instrument de musique. Il servait plutôt à transmettre des messages codés et à marquer les temps forts de la communauté atchan. Selon les mots de l’ambassadeur de Côte d’Ivoire en France – Son Excellence Maurice Kouakou Bandaman, dont je tiens à saluer la présence en tribune –, c’est un « outil de gouvernance locale, d’organisation sociale et d’affirmation identitaire ». Il constitue donc un élément important de l’identité spirituelle et culturelle des Atchans, population autochtone de la région de l’actuelle capitale ivoirienne, et sa restitution contribue à une reconnaissance apaisée des souffrances infligées.
Le projet de coopération dans lequel s’inscrit la restitution du tambour a permis le développement de nouveaux outils de recherche scientifique, le renouvellement des instruments de médiation culturelle et la formation de professionnels ivoiriens sur place. La numérisation du tambour lors de sa restauration a précédé celle de toute la collection du MCCI, ce qui constitue une première sur le continent africain. La formation à l’utilisation de cet outil numérique apparaît en outre de nature à garantir sa pleine appropriation.
Les efforts consentis en attendant le retour du tambour seront prolongés par des collaborations culturelles pérennes entre nos deux pays, car celles-ci reposent désormais sur un socle de travail commun et une connaissance réciproque des acteurs. L’adaptation des infrastructures du musée d’Abidjan a ainsi mobilisé, sous le pilotage du MCCI, l’Agence française pour le développement (AFD), Expertise France et plusieurs entreprises françaises et ivoiriennes spécialisées dans l’ingénierie culturelle. Le projet culturel dans lequel s’inscrit la restitution du tambour devrait donc avoir des retombées réelles pour les Ivoiriens en contribuant à renforcer l’offre culturelle locale et le potentiel touristique de la ville. Très concrètement, cela signifie aussi des emplois créés sur place et des compétences développées pour le futur.
Dès lors que la proposition de loi sera adoptée – ce que j’appelle, vous l’aurez compris, de mes vœux –, les modalités de retour du tambour pourront être définies, en pleine coopération avec la partie ivoirienne, qui prévoit des festivités populaires à l’arrivée. La taille de l’objet implique nécessairement un transport en avion-cargo tout à fait particulier, et il appartiendra à la Côte d’Ivoire de déterminer les conditions les plus appropriées pour ce retour, ainsi que son calendrier, dans le délai d’un an après la promulgation de la loi.
Le retour du tambour Djidji Ayôkwê à la Côte d’Ivoire contribuera à réparer une extorsion commise à l’époque coloniale, mais il sera bien plus que cela. Il sera le témoin de notre prise de conscience de la valeur symbolique de cet objet et permettra de renouer des fils brisés lors de son arrachement à sa communauté.
Il manifestera notre volonté d’apporter notre contribution à la redécouverte et à la réappropriation de leur histoire par les Ivoiriens. Pour citer à nouveau les mots inspirants de l’ambassadeur Maurice Bandaman, « c’est l’âme des Anciens, portée par ce tambour, qui revient accompagner la jeunesse ivoirienne ».
C’est pourquoi un soutien sans réserve, unanime, de la représentation nationale à l’aboutissement de ce long voyage me paraît indispensable. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et SOC.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.
Mme Fatiha Keloua Hachi, présidente de la commission des affaires culturelles et de l’éducation
Nous examinons aujourd’hui une proposition de loi d’une portée historique, culturelle et morale considérable. Nous accomplissons un acte de justice, un acte de réparation et un acte politique. Il s’agit de restituer à la Côte d’Ivoire un bien culturel exceptionnel : le tambour parleur Djidji Ayôkwê, classé au patrimoine national, conservé jusqu’ici au musée du Quai Branly-Jacques Chirac.
En tant que présidente de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, je veux saluer la profondeur de cet acte, qui dépasse le seul cadre juridique : c’est un geste de réparation, de reconnaissance et de dialogue, qui donne corps à un engagement fort de la France envers ses partenaires africains. C’est aussi un geste à l’égard de notre propre mémoire historique, la reconnaissance claire d’une histoire de violences coloniales, de spoliations et d’effacement culturel, et le signe, je l’espère, d’un tournant dans notre rapport à l’héritage colonial.
J’étais présente le 18 novembre 2024, aux côtés de Mme Rachida Dati et de Mme Françoise Remarck, pour la signature de la convention de dépôt du tambour ainsi que d’une convention de partenariat entre la France et la Côte d’Ivoire. Cette restitution s’inscrit dans une coopération culturelle ambitieuse, déjà en marche, qui nous honore et qui doit se poursuivre.
Mais soyons lucides : ce geste, aussi fort soit-il, arrive après plus d’un siècle de silence et après trois années d’inertie administrative – malgré l’engagement solennel pris par le président de la République en 2021. Il a fallu un déplacement sénatorial, une mobilisation parlementaire et une demande renouvelée des autorités ivoiriennes pour que le processus se débloque enfin.
Oui, je me réjouis de cette restitution. Mais nous ne pouvons pas nous en contenter. Nous ne pouvons plus continuer à gérer les restitutions au cas par cas, au gré des rapports de force ou des calendriers diplomatiques. Nous avons besoin d’une loi-cadre claire et ambitieuse, qui redonne un sens éthique, scientifique et culturel à nos collections publiques.
C’est pourquoi nous nous félicitons de l’annonce par Mme la ministre de l’arrivée d’une loi-cadre sur les restitutions culturelles. Nous nous engagerons pleinement dans ce chantier nécessaire, attendu et porteur d’avenir.
Le Djidji Ayôkwê est un tambour parleur sacré du peuple atchan. Instrument de musique et de communication mais aussi de cohésion et de résistance, il transmettait des messages codés à travers la forêt, notamment pour prévenir des dangers, pour avertir les villages des réquisitions coloniales, pour organiser la riposte, la solidarité, la survie. C’est précisément pour cela qu’il a été confisqué en 1916 par l’administration coloniale française, placé dans un jardin comme un trophée, exposé à la pluie, réduit au silence, au mépris, à l’oubli. Il a été arraché à son peuple, à son usage, à son sens.
Aujourd’hui, ce tambour revient, et avec lui, reviennent un peu de dignité, un peu de mémoire, un peu de justice.
Sa présence dans les collections françaises est le fruit d’une dépossession, d’un épisode colonial douloureux. La restitution que nous votons aujourd’hui n’est pas une faveur ; c’est une réparation.
Il est temps que l’on enseigne l’histoire coloniale dans toute sa complexité, dans toute sa brutalité, et surtout dans toute sa vérité. Car une république qui refuse d’assumer ses responsabilités historiques est une république qui renonce à sa propre promesse d’égalité. Chaque restitution doit aussi être l’occasion de transmettre, d’éduquer et de raconter autrement. Dans nos écoles, dans nos musées, dans nos récits nationaux, il est temps d’ouvrir un espace où les mémoires blessées trouveront enfin leur place. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, SOC et EcoS.)
Je veux enfin saluer le rôle des communautés, des chercheurs, des militants, des artistes qui, depuis des années, portent cette lutte pour la restitution et la justice culturelle. Aujourd’hui, leur combat trouve une première reconnaissance.
Je veux aussi rappeler que cette restitution ne doit surtout pas être la dernière. Il reste des milliers d’objets, d’archives, de restes humains dans nos collections, qui attendent de retrouver leur place, leur sens, leur communauté d’origine. Cette restitution ne tourne pas la page, elle écrit un nouveau chapitre. Ne refermons surtout pas la porte : ouvrons-la, et ouvrons-la en grand. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS. – M. le rapporteur applaudit également.)
Discussion générale
Mme la présidente
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Lise Magnier.
Mme Lise Magnier
Permettez-moi, au nom du groupe Horizons & indépendants, d’apporter notre soutien résolu à la proposition de loi relative à la restitution du tambour parleur Djidji Ayôkwê à la république de Côte d’Ivoire, adoptée à l’unanimité par le Sénat et soumise aujourd’hui à notre assemblée.
Ce texte s’inscrit dans une dynamique historique et politique majeure : celle de la reconnaissance des mémoires et du renouvellement des relations entre la France et le continent africain. Depuis le discours de Ouagadougou en 2017, la France a engagé un travail inédit sur la restitution des biens culturels issus de contextes d’appropriation contestés. Cette dynamique s’est d’ores et déjà traduite par la restitution de vingt-six œuvres au Bénin et d’un sabre historique au Sénégal, puis par l’adoption de lois sur les restitutions d’une part de biens spoliés pendant la seconde guerre mondiale et d’autre part de restes humains.
Pourtant, force est de constater que notre droit demeure lacunaire : en l’absence d’une loi-cadre générale, chaque restitution nécessite une loi d’espèce, ralentissant et complexifiant le processus.
Cette situation, relevée par le Conseil d’État en février dernier, fragilise la cohérence de notre action et nourrit l’attente légitime de nos partenaires, tout en exposant la France à des critiques sur la lenteur de ses engagements. Le traitement au cas par cas, s’il permet d’avancer, ne saurait constituer une réponse pérenne à la demande croissante de justice mémorielle et de circulation des œuvres. C’est pourquoi je tiens à vous remercier, madame la ministre, de l’engagement que vous avez pris à cette tribune à poursuivre, en concertation avec le Parlement et les parties prenantes, les travaux engagés pour doter la France d’un cadre juridique stable, lisible et respectueux de notre patrimoine commun.
L’article unique de la proposition de loi vise à sortir le tambour parleur ivoirien des collections publiques françaises, dérogeant ainsi au principe d’inaliénabilité inscrit dans notre code du patrimoine. Cette dérogation, strictement encadrée, répond à une demande officielle formulée dès 2019 par la Côte d’Ivoire, demande à laquelle le président de la République s’était engagé à répondre favorablement lors du sommet Afrique-France de 2021.
Cet objet, confisqué en 1916, n’est pas un simple objet d’art : il est un symbole vivant de la culture atchan, une entité spirituelle et un pan essentiel de la mémoire collective ivoirienne.
Sa restitution, attendue par tout un peuple, est aussi le fruit d’une coopération exemplaire entre nos institutions muséales, nos gouvernements et les communautés concernées. La convention de dépôt signée en novembre 2024 a déjà permis le retour temporaire du tambour à Abidjan, dans l’attente du transfert de propriété que nous autorisons aujourd’hui.
Dès lors, notre groupe considère que la valeur historique, culturelle et symbolique de ce bien culturel justifie pleinement la dérogation au principe d’inaliénabilité.
Ce geste fort s’inscrit dans la continuité des engagements de la France pour la réparation des injustices passées et pour le dialogue des cultures.
En votant ce texte, nous faisons œuvre de justice et nous nourrissons l’amitié entre les peuples. Nous montrons que la France sait conjuguer respect de son patrimoine, fidélité à ses principes et reconnaissance des mémoires. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et Dem. – M. le rapporteur applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Nicole Sanquer.
Mme Nicole Sanquer
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est attendue : elle autorise la restitution du tambour parleur Djidji Ayôkwê à la république de Côte d’Ivoire. Le groupe LIOT soutient sans ambiguïté ce texte de justice et de mémoire. Le débat dépasse le cadre juridique : il engage l’éthique, la reconnaissance de l’histoire partagée et le respect dû aux peuples spoliés.
La quasi-totalité du patrimoine matériel des pays d’Afrique subsaharienne se trouve conservée hors du continent africain. Accepter de restituer des œuvres n’est ni renier le passé, ni se déposséder ; c’est au contraire regarder le passé en face et accepter que des captations et annexions patrimoniales ont participé au système colonial.
Djidji Ayôkwê n’est pas un objet quelconque. Il servait jadis de voix au peuple ébrié ; il transmettait des messages, rassemblait le peuple lors des cérémonies ou des décisions importantes, alertait même de l’arrivée de l’occupant. Durant la colonisation, ce tambour fut un symbole de résistance pacifique : ses rythmes codés alertaient les villages de l’arrivée des recruteurs de travail forcé. L’administration coloniale l’a confisqué pour des raisons évidemment politiques : il s’agissait d’empêcher les communautés de s’organiser et de résister aux expéditions punitives. Depuis, il est resté silencieux, relégué dans nos collections muséales.
Restituer Djidji Ayôkwê, c’est faire plus que rendre un bien culturel : c’est réparer une injustice historique et redonner vie à la voix d’un peuple réduit au silence. En 2019, la Côte d’Ivoire a officiellement réclamé 148 pièces de son patrimoine conservées en France, dont ce tambour emblématique. En 2021, le président de la République a promis sa restitution lors du sommet Afrique-France. Il est temps de tenir parole. Je salue la coopération entre nos pays qui a permis, via une convention de dépôt en 2024, de présenter temporairement le tambour à Abidjan. Mais un prêt n’est pas une restitution définitive : il faut désormais entériner le transfert de propriété de cet objet au peuple ivoirien.
Ce n’est pas la première fois que la France lève l’obstacle de l’inaliénabilité pour rendre une œuvre à son pays d’origine – nous avons voté des lois d’espèce pour le Bénin et le Sénégal –, mais nous ne pouvons plus nous satisfaire de multiplier de telles lois : il nous faut un cadre général.
Or la loi-cadre promise dès 2017 se fait toujours attendre. Le Conseil d’État a estimé que la conduite des relations internationales et la coopération culturelle ne suffisent pas à justifier une dérogation au droit. Ces critiques s’entendent mais peuvent être prises en compte pour aboutir à un nouveau texte. Nous appelons à concrétiser rapidement la loi-cadre annoncée afin de pouvoir traiter de manière transparente et scientifique les demandes de restitution de biens coloniaux. Madame la ministre, je vous remercie de vous être engagée à présenter un texte avant septembre.
Les travaux des sénateurs Pierre Ouzoulias et Max Brisson préconisaient déjà l’emploi d’un cadre méthodologique respectueux et fondé sur une expertise scientifique préalable. Notre groupe insiste sur la nécessité d’accentuer l’effort en matière de recherche de provenance des biens culturels, ce qui implique de mieux former les jeunes diplômés et professionnels initiés à l’histoire de l’art ou au droit en leur faisant découvrir les activités du chercheur en provenance et de soutenir les établissements culturels dans leur rôle de médiation.
Accepter la restitution ne revient ni à nier le passé, ni à fragiliser nos musées, mais à assumer notre histoire dans toute sa complexité et à en ouvrir un nouveau chapitre fondé sur le respect, la justice et la coopération.
En votant aujourd’hui pour la restitution du tambour Djidji Ayôkwê, nous accomplissons un acte de justice et d’amitié envers la Côte d’Ivoire.
Que ce tambour, libéré du silence, retentisse à nouveau en Côte d’Ivoire ! Qu’il soit le symbole d’une voix retrouvée et du respect mutuel entre nos nations ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT et SOC. – M. le rapporteur applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Frédéric Maillot.
M. Frédéric Maillot
Si vous pensez qu’il est aujourd’hui question de restituer un simple objet, un simple tambour, j’ai bien peur que vous vous trompiez, chers collègues.
Pour de nombreux peuples, le tambour est bien plus qu’un objet, bien plus qu’un simple instrument de musique. Il occupe une place centrale dans la culture africaine autochtone. Dans les cultes où il permet la communication avec les esprits, il joue très souvent un rôle fondamental. Chez moi, à La Réunion, le gros tambour qu’on appelle le roulèr est capital pour le servis kabaré, la cérémonie afro-malgache lors de laquelle on invoque les ancêtres. Il en va de même chez les Malbars, d’origine indienne, qui pratiquent le polythéisme : chez eux, il y a autant de façon de jouer du tambour qu’il y a de divinités. En Martinique, en Guadeloupe et en Guyane, le tambour a contribué à la survie des cultures, des cultes mais aussi des sociétés. Nombreuses sont les luttes qu’il a permis de faire résonner !
Ce tambour parleur est hautement sacré pour l’ethnie atchan, mais combien existe-t-il de tambours à restituer ? Combien d’autres biens culturels sont-ils encore dans les musées français ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et EcoS. – Mme la présidente de la commission applaudit également.) Cette situation montre que le passé colonial n’est pas entièrement digéré.
La promesse faite en 2017 à Ouagadougou trouve une issue favorable en 2025 grâce à la mobilisation des parlementaires. Il aura fallu huit ans pour qu’une promesse présidentielle soit remplie, huit ans pour qu’une ethnie se voie restituer ce qu’on lui a si injustement confisqué ! Combien d’années faudra-t-il patienter pour que nous ne nous contentions plus d’une politique par à-coups et que nous puissions mener une politique ambitieuse et respectueuse des attentes des peuples dépossédés de leurs biens ?
Aujourd’hui, nous parlons d’un tambour qui a été confisqué par un agent de l’administration coloniale. Ce dernier avait compris qu’imposer le silence, le mutisme, était une arme plus puissante que toutes les autres. La lenteur administrative et le non-respect de la parole donnée sont la continuité de la violence imposée au peuple ivoirien.
La politique de restitution au cas par cas de ces objets à la valeur sentimentale et historique considérable n’est pas à la hauteur du sujet.
Mes chers collègues, si peu nombreux que vous soyez aujourd’hui dans l’hémicycle, savez-vous que des restes de nos ancêtres à nous, Réunionnais et Guyanais, sont encore éparpillés dans les musées français ? Si la loi du 26 décembre 2023 a certes marqué un tournant en facilitant la restitution des restes humains, elle nous a une fois de plus laissés de côté, nous, peuples ultramarins.
En tant que députés, nous avons sonné l’alerte : que fait-on pour inventorier ces restes humains qui se trouvent encore dans les archives et comprendre l’ampleur du phénomène ? À ce jour, rien. Les restes de 800 personnes originaires des pays dits d’outre-mer feraient partie des collections du Muséum national d’histoire naturelle (MNHN), mais ce nombre est-il certain ? Nous demandons le rapatriement de nos ancêtres sur nos terres ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et EcoS.)
Les spécialistes estiment que les restes humains seraient bien plus nombreux et qu’un travail significatif de recherches et de restitution reste à mener. Mais l’absence de loi-cadre et de perspectives de recherche globale laisse les associations, les militants et les descendants dans une attente interminable. Cette histoire ne peut être laissée de côté : il y a urgence à agir.
Il est en effet urgent de rendre leur dignité aux personnes réduites à l’état de restes humains, dignité que l’histoire française a tenté de leur enlever, de respecter les héritiers de notre histoire et d’éviter que la mémoire de nos anciens ne tombe dans l’oubli. Cette mémoire mérite le respect et non le silence. Les réduire à l’oubli, c’est étouffer leur cri. C’est aussi donner raison à celui qui disait que le bourreau tue toujours deux fois, la deuxième fois par le silence.
Actuellement, la loi ne nous permet pas de restituer les restes humains de ces personnes qui sont pourtant nos ancêtres directs. Travaillons collectivement pour voter une loi-cadre qui respecte les besoins et la dignité des nôtres car il n’y aura pas de réconciliation s’il y a des omissions.
Le groupe GDR votera pour cette proposition de loi d’espèce afin de rendre au peuple ivoirien sa dignité. Nous espérons que la ministre présentera sa loi-cadre dans les mois à venir.
Au nom de la justice, rendez au peuple ivoirien leur tambour ! Au nom de cette même justice, accordez réparation aux peuples d’outre-mer : rendez-nous nos ancêtres ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. Frédéric-Pierre Vos.
M. Frédéric-Pierre Vos
Dans la lagune Ébrié, près d’Abidjan, allongé entre les palétuviers, un tambour servait au peuple atchan à avertir des dangers, à appeler à la guerre ou à convoquer la tribu pour les cérémonies. Au-delà de cette fonctionnalité remarquable, puisqu’on pouvait l’entendre à plusieurs kilomètres à la ronde, il revêtait également une valeur sacrée aux yeux des sept villages des Bidjans.
En 1916, un épisode de l’histoire coloniale a conduit à la confiscation de ce tambour, qui a intégré les collections métropolitaines. C’est dans ces conditions qu’il a été exposé au musée du Trocadéro, puis au musée du Quai Branly.
Son retour était demandé depuis longtemps par les Atchans et la revendication tribale est devenue une revendication nationale au moment de l’indépendance. Cette demande n’avait jusqu’à aujourd’hui pas été satisfaite. La république de Côte d’Ivoire a officiellement demandé à la France la restitution du tambour en 2019.
Faut-il rappeler dans cette enceinte le rôle prééminent joué par nos amis de Côte d’Ivoire dans l’épisode de la décolonisation et l’importance du président Houphouët-Boigny ? Il était plus que temps d’écouter la demande lancinante de nos amis ivoiriens à qui nous ne saurions refuser la restitution de ce tambour sacré. Quelle formidable occasion pour nous, députés, de réaffirmer cette amitié indéfectible qui nous lie à nos amis de Côte d’Ivoire en adoptant cette proposition de loi qui entraînera la sortie de ce fameux tambour des collections publiques ? Ce déclassement lui permettra de prendre le chemin du retour vers la lagune Ébrié.
En ma qualité de président du groupe d’amitié France-Côte d’Ivoire, c’est avec beaucoup de fierté que je prononce ce discours. Je me réjouis que nous nous apprêtions à voter, du moins je l’espère, un texte de loi à l’unanimité – une fois n’est pas coutume. Cette unanimité transcendant nos tendances politiques est le seul vœu que je forme.
M’étant entretenu avec certains de ses membres, je sais par ailleurs que la communauté bidjan est très attentive à nos travaux : elle espère un retour rapide de ce tambour vers la lagune Ébrié.
Une fois retourné en Côte d’Ivoire, ce tambour renforcera les liens entre nos deux nations.
Le groupe Rassemblement national votera en faveur de cette restitution, sans moraline ni repentance, mais simplement parce que nous sommes entre amis. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Graziella Melchior.
Mme Graziella Melchior
Nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner une proposition de loi qui revêt une importance toute particulière puisqu’elle prévoit la restitution à la Côte d’Ivoire d’un bien inestimable – le tambour parleur Djidji Ayôkwê.
Ce tambour a une histoire singulière : révélateur des relations qui ont lié nos deux pays, il présente une forte dimension symbolique car il reflète la vie d’une communauté.
Rappelons en premier lieu que notre histoire commune est celle d’une colonisation brutale qui débuta en 1893 pour s’achever en 1958, quand la Côte d’Ivoire devint une république autonome à la suite d’un référendum. C’est dans le contexte de la colonisation française que le tambour Djidji Ayôkwê s’inscrit. Pouvant émettre des sons audibles à plus de cinquante kilomètres aux alentours, ce tambour sentinelle servait en effet, entre autres, à prévenir la communauté bidjan ou atchan de l’arrivée des envoyés de l’administrateur français qui venaient enrôler des hommes dans le cadre du système de travail forcé mis en place par le gouvernement de l’Afrique occidentale française (AOF). Il fut confisqué par l’administrateur colonial en 1916 car il symbolisait la résistance.
Au-delà de cette vocation utilitaire, le tambour Djidji Ayôkwê présentait un caractère anthropomorphique puisqu’il était considéré comme un être humain, somme de tous les ancêtres décédés. Il incarnait la puissance de la communauté.
Sculptée selon toute vraisemblance par le maître artisan Biengui au XIXe siècle dans un bois à la forte importance symbolique, et rehaussée de pigments, cette pièce colossale pèse plus de 400 kilogrammes et mesure 3,3 mètres de long. Elle doit son nom à la panthère-lion qu’elle représente, laquelle semble agripper une forme convexe. Son caractère remarquable n’a pas échappé aux autorités françaises qui la transportèrent à Paris, où elle finit par intégrer les collections publiques du musée du Quai Branly.
Nous nous apprêtons à restituer ce bien patrimonial cent six ans après son départ de Côte d’Ivoire. Son importance est telle qu’il a été le premier objet d’une liste de demandes de restitution de 148 pièces élaborée par la Côte d’Ivoire en 2019. Ces demandes faisaient suite à l’engagement pris par le président de la République française à Ouagadougou en novembre 2017 : il avait alors formulé le souhait de permettre des restitutions du patrimoine africain en Afrique. Ce discours a eu un retentissement mondial, non seulement en Afrique mais aussi dans tous les pays anciennement colonisateurs, ce qui a entraîné de nombreuses restitutions, mais aussi des travaux de recherche, des colloques et des expositions.
Dans notre pays, ces restitutions emportent des questionnements tout particuliers en raison de notre passé colonial, de notre place dans le monde et de notre attachement si singulier à notre patrimoine – notre législation en la matière est quasiment unique. En effet, nos collections publiques sont réputées inaliénables, imprescriptibles et insaisissables.
Ce droit qui a longtemps fait notre fierté soulève aujourd’hui des questions. En effet, après la loi visant à la restitution des biens spoliés durant l’Occupation, adoptée en 2023, et celle sur la restitution des restes humains, nous avons le devoir de nous pencher sur les biens culturels issus des pays colonisés.
Par conséquent, le président de la République a demandé à l’ambassadeur Jean-Luc Martinez un rapport préalable à une loi-cadre qui nous permettrait de procéder à ces restitutions sans devoir passer par une loi d’espèce, comme c’est le cas aujourd’hui. Madame la ministre, je vous remercie d’avoir annoncé en tout premier lieu devant la représentation nationale que vous présenteriez un tel projet de loi en Conseil des ministres au cours de l’été.
Néanmoins, dans cette attente, il nous revient de respecter nos engagements à l’égard de la Côte d’Ivoire en autorisant la restitution du tambour par cette loi d’espèce que notre groupe Ensemble pour la République soutient bien évidemment.
Je souhaite en profiter pour souligner ici le partenariat remarquable entre nos deux pays, notamment le travail mené par les équipes du musée du Quai Branly et celles des ministères de la culture et des affaires étrangères. Le tambour a fait l’objet d’une restauration complète. Sa restitution contribue à la formation de conservateurs du patrimoine ivoiriens ainsi qu’à la valorisation et au développement du musée des Civilisations de Côte d’Ivoire.
Cette restitution emporte donc une valeur mémorielle fondamentale. Elle sera l’occasion d’une grande célébration, tant le tambour est attendu par de nombreux Ivoiriens, et constituera le ciment d’une conscience nationale tournée vers l’union et la liberté.
Par cette loi, nous rendons à la Côte d’Ivoire une œuvre d’art volée et nous contribuons ainsi à la politique de réparation des traumatismes passés de la colonisation et, ce faisant, au renouvellement de nos relations bilatérales. Voilà de quoi nous rendre fiers de voter cette loi ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, SOC et Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Taché.
M. Aurélien Taché
C’est une grande joie de pouvoir aujourd’hui voter pour un texte qui permettra la restitution à la Côte d’Ivoire du tambour parleur dont nous avons injustement privé les Ivoiriens pendant tant d’années. Ce tambour, aussi appelé Djidji Ayôkwê, a été confisqué par l’administration coloniale en 1916 et se trouve en France depuis 1929. Pour la communauté atchan, qui le possédait, le Djidji Ayôkwê était bien plus qu’un instrument de musique : c’était un symbole culturel et spirituel. Après un siècle passé en France, il était grand temps que cet objet soit rendu à ses propriétaires légitimes, la communauté atchan et le peuple ivoirien, et je salue votre volontarisme, madame la ministre, pour que cette restitution ait enfin lieu.
Toutefois, si nous devons passer par une loi d’espèce, comme lorsque nous avons restitué au Bénin vingt-six objets du trésor d’Abomey, c’est qu’il n’existe toujours pas de dispositif général encadrant les restitutions. Une loi-cadre a pourtant été promise par le président de la République dès 2017 et vous nous avez annoncé en commission qu’elle serait étudiée dès cet été. Pouvez-vous nous le confirmer et surtout nous donner plus d’éléments sur son calendrier ? Cette loi est nécessaire car la France doit tourner pour de bon la page de son passé colonial. Celui-ci continue d’enflammer le débat public et nous éloigne du chemin nouveau que nous devons tracer avec des peuples avec qui nous avons tant en partage, à commencer par notre langue. Aussi ne pouvons-nous plus nous en remettre au fait du prince pour la restitution des biens spoliés pendant la colonisation.
Comme c’est le cas avec le Djidji Ayôkwê, cette restitution concerne le plus souvent des objets qui n’ont pas simplement une dimension culturelle, mais aussi une portée cultuelle et liturgique, et qui sont très attendus par les communautés traditionnelles. À La France insoumise, nous sommes très attachés au principe d’inaliénabilité des collections publiques, mais nous pensons qu’il doit être aménagé pour permettre une politique de restitution ambitieuse, dans la lignée de celle que le Parlement a adoptée en 2023 pour les restes humains et les biens spoliés sous l’Occupation.
Et c’est bien à la représentation nationale de se saisir du sujet. Quels types d’œuvres seront-ils concernés ? Dans quelle mesure cette politique pourra-t-elle s’appliquer aux collections privées ? Que faire quand plusieurs pays réclament le même objet ? Comment s’assurer de ses conditions de préservation ? Vous le voyez, les questions sont nombreuses. Des propositions intéressantes figurent dans le rapport Sarr-Savoy sur la restitution du patrimoine culturel africain, ainsi que dans le rapport Martinez sur les critères de restituabilité, tous deux remis au président de la République. Au fond, la restitution des biens culturels aux anciennes colonies ne peut avoir de sens que si elle s’inscrit dans le cadre d’une politique étrangère globale, qui met les aspirations et les droits des peuples au premier plan.
Le cas de la Côte d’Ivoire est de ce point de vue significatif. En effet, l’approche de l’élection présidentielle prévue à l’automne plonge le pays dans une crise politique majeure. La liste électorale sur laquelle repose la légitimité du scrutin présente un taux d’irrégularité estimé à 75 %, soit environ six millions d’irrégularités sur huit millions d’inscrits. Cette anomalie intervient alors même que 5 millions d’euros ont été alloués par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères français à l’opérateur Civipol censé œuvrer à la modernisation de l’état civil et au recensement. Force est de constater que les objectifs affichés ne sont pas atteints et que personne ne sait où ces fonds sont passés. Dans le même temps, plusieurs figures majeures de l’opposition – Laurent Gbagbo, Tidjane Thiam, Charles Blé Goudé – ont été exclus de manière brutale de la compétition électorale, conduisant de facto à une élection présidentielle sans opposants.
Dans ce contexte, le silence de la France quant à l’attitude d’Alassane Ouattara, dont tout porte à croire qu’il se dirige de manière illégale vers un quatrième mandat, soulève de vives interrogations. Car la non-ingérence n’est pas l’indifférence, et nous n’avons pas toujours été aussi prudents par le passé. Ce silence est d’autant plus grave que circule une photographie montrant notre ambassadeur en poste à Abidjan arborant un tee-shirt à l’effigie de la première dame ivoirienne, envoyant ainsi un signal politique lourd de conséquences.
Il n’y a pas de cohérence entre une volonté affichée de réparer les blessures du passé à travers un geste de restitution important comme celui que nous envisageons aujourd’hui et une forme de complaisance, voire de soutien tacite, envers un régime engagé dans une dérive autoritaire. Notre ministre des affaires étrangères doit donc s’exprimer. Une politique étrangère digne de ce nom ne peut en effet ignorer les aspirations des peuples, ni faire preuve d’indulgence à l’égard de pratiques contraires aux principes que la France défend sur la scène internationale.
Nous voterons bien entendu en faveur de ce texte, mais nous ne pouvons pas nous en tenir là. Les peuples que la France a colonisés et qu’elle a spoliés d’un patrimoine inestimable méritent toute notre exigence, tout notre sérieux et une diplomatie forte au service des droits des peuples. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Frédéric Maillot applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Brun.
M. Philippe Brun
Je salue la présence dans les tribunes de M. l’ambassadeur de Côte d’Ivoire en France, Maurice Kouakou Bandaman, ancien ministre ivoirien de la culture et de la francophonie, dont je sais qu’il participe depuis de nombreuses années au travail de restitution.
Déjà, en 1958, Félix Houphouët-Boigny, alors ministre d’État de la France, transmettait au général de Gaulle, président du Conseil, une lettre de la communauté atchan demandant la restitution du tambour parleur Djidji Ayôkwê. Cette demande alors restée lettre morte voit aujourd’hui sa conclusion. Ce fut un combat de longue haleine depuis 1958, depuis 2017 et le discours de Ouagadougou, depuis l’engagement du président de la République en 2021, depuis la visite que nous avons effectuée avec Yaël Braun-Pivet et le groupe d’amitié France-Côte d’Ivoire de l’Assemblée nationale en 2023. Lors de cette visite, le président Alassane Ouattara avait demandé solennellement aux parlementaires français de voter enfin une loi conforme aux engagements que nous avions pris.
Car cela a été rappelé, l’enjeu de cette proposition de loi n’est pas simplement de débattre de l’incessibilité des œuvres et de notre patrimoine culturel, ou du transfert d’œuvres entre musées, tel qu’il est parfois organisé pour certaines d’entre elles. Nous discutons de la restitution d’un bien qui porte en lui tous les stigmates de la violence coloniale. Lorsque le colon Marc Simon a confisqué ce bien en 1916, c’est toute l’âme du peuple atchan qui a été confisquée du même coup. Ce geste résume à lui seul les innombrables sévices culturels et civilisationnels de la violence coloniale.
Restituer aujourd’hui le tambour parleur n’est qu’une piètre réparation de la violence de la colonisation. Celle-ci n’est pas seulement la négation d’une culture et d’une civilisation, mais la négation de l’humanité tout entière. À la suite de cette restitution, je souhaite que nous continuions ensemble à réparer les douleurs du passé. Car nul ici ne peut dire que la colonisation a été un acte de civilisation ou d’échange culturel : elle a bel et bien été un crime contre l’humanité. Nous sommes nombreux, sur les bancs de cet hémicycle, à espérer qu’un jour un président de la République, comme lors du discours du Vel’ d’Hiv’ de 1995, exprimera les excuses de la France pour les actes qu’elle a commis et l’humanité qu’elle a détruite dans certains pays.
En votant aujourd’hui pour cette proposition de loi, nous faisons un acte de civilisation, cette même civilisation niée par la France en 1916. Madame la ministre, vous avez exprimé la volonté qu’une loi-cadre soit présentée au Parlement. Tous les groupes y sont bien sûr favorables et saluent l’engagement que vous avez pris en commission et il y a quelques minutes à cette tribune – le gouvernement déposera un texte cet été. Puisque nous sommes désormais assurés que vous serez là jusqu’à l’automne (Sourires), nous pourrons donc examiner le texte à la rentrée parlementaire, ce qui nous ferait honneur.
Chers collègues, au moment où nous parlons, j’ai une pensée pour le président Houphouët-Boigny, qui a tant fait pour l’amitié entre la France et la Côte d’Ivoire et dont les paroles résonnent encore dans cet hémicycle, lui qui fut parlementaire de la République et signataire éternel de la Constitution de 1958 en tant que ministre d’État : « Nous voulons aller de l’avant, assurément, mais sans, pour autant, renier notre passé, sans tourner le dos à celles de nos formes de civilisation qui constituent notre originalité et dont le monde a grand besoin, nous le savons. » Le monde a grand besoin de redonner vie aux civilisations qui ont été niées. Le monde a grand besoin que la France ouvre grand les yeux sur son passé colonial. La France et la Côte d’Ivoire ont grand besoin de cette proposition de loi. C’est donc avec honneur que le groupe Socialistes et apparentés la votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. le rapporteur applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Sébastien Martin.
M. Sébastien Martin
Le texte que nous examinons n’est en rien anodin. Sous une apparente singularité se cache une question beaucoup plus large, qui soulève des enjeux profonds : notre rapport à l’histoire, à la mémoire, à nos partenaires internationaux et plus largement au patrimoine culturel, dans une époque de mondialisation et de réconciliation.
Rappelons-le, en 2021, une loi avait permis la restitution de vingt-six œuvres au Bénin et d’une œuvre au Sénégal. À l’époque, notre assemblée avait été saisie des mêmes interrogations, des mêmes espoirs et aussi des mêmes inquiétudes. Le groupe Droite républicaine s’était montré favorable à ces restitutions, mais avait souligné la nécessité de garanties solides pour la protection de l’intégrité des collections et la pérennité de notre droit patrimonial, et pour que la France demeure un carrefour universel de la culture.
Car la question est sensible et touche à des principes fondamentaux : le caractère inaliénable des biens publics ; le devoir de conservation, qui suppose que les œuvres confiées à nos institutions soient protégées pour les générations futures ; la vocation universelle des musées français, qui doivent rester ouverts à toutes les cultures. Nous ne devons jamais perdre de vue le rôle irremplaçable de nos musées, qui ne sont pas de simples vitrines nationales : ce sont des lieux de savoir, de dialogue, d’universalité.
La France, à travers des institutions comme le musée du Quai Branly-Jacques Chirac, le musée Guimet et bien évidemment le Louvre et le musée d’Orsay, accueille chaque année des millions de visiteurs venus des quatre coins du monde. Ces visiteurs ne viennent pas seulement pour admirer des œuvres françaises : ils viennent pour découvrir des civilisations entières, rencontrer l’art africain, asiatique, océanien, s’émerveiller devant la diversité des expressions humaines. Ces musées sont des lieux dans lesquels le patrimoine mondial est rendu visible au plus grand nombre, dans lesquels il est protégé et transmis, dans lesquels il joue pleinement le rôle d’ambassadeur des cultures.
M. Jean-Victor Castor
En 2025…
M. Sébastien Martin
Pourtant, il existe une autre exigence, tout aussi légitime : celle du respect des histoires nationales, des mémoires blessées et du désir des peuples de renouer avec leur patrimoine. Le tambour parleur qui nous occupe aujourd’hui n’est pas une œuvre comme les autres. Il incarne l’esprit de la communauté atchan et fut un outil de gouvernance et de communication utilisé pour transmettre des messages entre les villages, mais aussi pour prévenir de l’arrivée des troupes coloniales lors d’opérations de recrutement forcé ou d’enrôlement militaire. Ce n’est donc pas seulement un objet d’art, c’est un témoin vivant de l’identité et de l’histoire d’un peuple.
Depuis 2019, la France et la Côte d’Ivoire ont engagé un dialogue exemplaire pour préparer cette restitution, un dialogue fondé sur le respect mutuel, la coopération technique, la formation de professionnels et la volonté de bâtir ensemble une relation culturelle nouvelle. Ce partenariat est sans doute un modèle : il montre qu’il est possible de conjuguer le retour d’œuvres emblématiques et la construction d’un avenir commun.
Mais ce modèle doit devenir une politique. Car légiférer au coup par coup n’est pas une solution. Chaque nouvelle demande de restitution, chaque loi d’espèce expose la France à des débats longs, parfois passionnés. Il est temps de doter notre pays d’un cadre juridique clair et durable : une loi-cadre qui fixe les principes, les procédures et les garanties. Ce cadre devrait s’appuyer sur trois piliers : un dialogue structuré avec les États demandeurs ; un accompagnement des pays bénéficiaires pour garantir les conditions de conservation et de valorisation des œuvres restituées ; une exigence de réciprocité culturelle afin que la France continue à jouer pleinement son rôle de carrefour des arts et des savoirs. Rappelons aussi que la restitution n’est pas la seule voie. Les conventions de prêt de longue durée et les expositions itinérantes, entre autres, sont des outils qu’il ne faut pas négliger.
Chers collègues, en soutenant ce texte, nous faisons plus que restituer un tambour parleur : nous affirmons une certaine idée de la France, une France fidèle à ses principes mais ouverte au dialogue, une France soucieuse de son patrimoine mais consciente de l’histoire qu’elle partage avec d’autres nations.
Le groupe Droite républicaine votera en faveur de ce projet de loi, mais il appelle le gouvernement à ne pas s’arrêter là. Nous attendons une réflexion de fond sur une politique cohérente de gestion du patrimoine culturel issu du contexte colonial ou de transferts historiques. Nous attendons une stratégie qui permette à la France d’être à la hauteur de son histoire, de son rayonnement et de ses responsabilités. (Mme Lise Magnier applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. Steevy Gustave.
M. Steevy Gustave
Michel Leiris écrivait dans L’Afrique fantôme : « On pille des Nègres, sous prétexte d’apprendre aux gens à les connaître et les aimer, c’est-à-dire, en fin de compte, à former d’autres ethnographes qui iront eux aussi les aimer et les piller. » Ce n’était pas le regard d’un simple observateur, mais celui d’un homme lucide, qui voyait, sous l’apparence du savoir, la condescendance, la dépossession et le vol.
Ce qu’il dénonçait a un visage, encore aujourd’hui : le Djidji Ayôkwê. Ce tambour parleur, sculpté dans un bois rare et gravé de signes sacrés, n’était pas un simple objet. Il était un centre de gravité, un point d’équilibre, un lien vivant entre les membres de la communauté et entre les générations. Il rythmait la vie, annonçait les événements, lançait les rassemblements, alertait des dangers. Il accompagnait les rites, donnait corps à la parole. Il gouvernait sans armes, réunissait sans discours.
C’était un outil de transmission, une force d’unité. C’était un griot de bois, qui parlait sans bouche mais portait la voix d’un peuple. Il transmettait les récits, la sagesse et l’autorité des anciens. C’est en cela qu’il dérangeait, parce qu’il faisait vivre une mémoire que le pouvoir colonial voulait effacer, parce qu’il incarnait une autorité qui ne venait pas des colons, parce qu’il rassemblait, alors qu’on voulait les dominer.
Il ne faisait pas que résonner, il éveillait les esprits, les mémoires et les résistances. Dans ce réveil, il affirmait une vérité insupportable : la dignité d’un peuple qui ne se rend pas. L’armée coloniale française ne pouvait le tolérer : en 1916, en pleine répression coloniale, lors d’une expédition punitive à Adjamé, le tambour a été confisqué. Il n’a été ni acheté ni échangé. Il a été pris, comme pour faire taire un ennemi trop puissant pour être combattu autrement.
Ce geste visait à briser un lien, à interrompre une mémoire et à éteindre une force. Mais ce tambour n’est pas un objet inerte : il est habité par ceux qui l’ont sculpté, par les anciens qui l’ont écouté, par les silences qu’on lui a imposés. Ce ne sont pas des fibres de bois qu’on a figées, ce sont des voix qu’on a voulu faire taire, des âmes capturées, une mémoire emprisonnée. (M. Frédéric Maillot applaudit.)
J’emprunte ici les mots d’un grand sage, Amadou Hampâté Bâ : « En Afrique, quand un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brûle. » Restituer ce tambour, c’est rallumer une bibliothèque éteinte, c’est rendre voix aux ancêtres et lumière à ceux qu’on a plongés dans l’obscurité.
Victor Hugo écrivait, un an après le sac de Pékin : « La victoire peut être une voleuse, à ce qu’il paraît. » Et l’histoire l’a confirmé. La conférence de Berlin, en 1885, a consacré le partage du continent africain. Les musées impériaux se remplissaient à coups de butins. Le vol devenait méthode ; la dépossession, système ; l’humiliation, doctrine. C’est ainsi que le tambour, comme tant d’autres, s’est retrouvé enfermé, arraché à sa terre, coupé de ses vivants et vidé de sa voix.
Il aurait dû être l’un des premiers à revenir grâce à l’adoption d’une loi-cadre. Mais cette loi, annoncée depuis 2017, n’est toujours pas votée et les œuvres sont toujours protégées juridiquement et rendues intransférables par un verrou législatif, rendant leur sortie des collections publiques quasiment impossible. En l’absence d’un cadre général, seule une loi isolée peut les libérer. C’est pourquoi nous sommes présents dans cet hémicycle.
Nous ne pouvons plus être la caution des promesses oubliées ni nous réfugier derrière des principes, quand les peuples réclament la justice. Cette proposition de loi isolée doit être la dernière. Je la voterai, oui, mais je le dis solennellement : il faut aller plus loin, une loi-cadre est nécessaire – une loi claire, assumée et respectueuse des peuples, pour que les restitutions cessent d’être des faveurs exceptionnelles et deviennent des actes républicains.
Le musée du Quai Branly-Jacques Chirac compte encore 90 000 objets africains : un butin colonial mis sous verre, l’humiliation figée mais toujours visible, au nom du patrimoine. Le retour du tambour n’est pas un geste symbolique, c’est un devoir d’État, un devoir à l’égard de la jeunesse africaine et de notre propre idée de la justice.
Les biens culturels volés laissent des blessures qui traversent les générations. Ils arrachent les racines, coupent les liens avec les morts, les rites et les ancêtres, empêchent les vivants de se souvenir et de transmettre. Quand une œuvre revient, ce n’est pas seulement un objet qui rentre, c’est la mémoire d’un peuple qui retrouve sa fierté. Restituer, en effet, ce n’est pas seulement réparer : c’est rendre la dignité, c’est raviver la mémoire, c’est permettre aux peuples de rêver à nouveau.
Je terminerai avec les mots du manifeste culturel panafricain : « La conservation de la culture a sauvé les peuples africains des tentatives de faire d’eux des peuples sans âme et sans histoire […] Et si la culture relie les hommes entre eux, elle impulse aussi le progrès. » La France ne perd rien à rendre ce qui ne lui appartient pas. Elle y gagne en honneur, elle y gagne en justice et elle y gagne en grandeur. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR ainsi que sur les bancs des commissions. – Mme Maud Petit applaudit également.)
Mme la présidente
Sur l’article unique, je suis saisie par le groupe Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Géraldine Bannier.
Mme Géraldine Bannier
Permettez-moi, en préambule, d’emprunter les mots de la ministre de la culture ivoirienne, Françoise Remarck, à l’occasion de la signature de la convention de dépôt, en novembre dernier : « La communauté atchan et le peuple bidjan attendaient ce retour depuis plus d’un siècle. Cette restitution est un symbole du retour d’un bien qui porte des valeurs autour de la cohésion sociale, de la paix, qui sont chères au président de la République. »
Il s’agissait là, il y a quelques mois, d’une première étape, d’un premier pas, avant la loi de restitution attendue et mise en débat aujourd’hui ; elle permettra qu’à terme, après réhabilitation du musée des civilisations d’Abidjan, le tambour puisse définitivement y retrouver sa place et être apprécié des populations ivoiriennes.
De quel « petit » objet parlons-nous ? J’emploie bien sûr ce qualificatif avec ironie… Djidji Ayôkwê est un instrument rituel en bois, long de 3,31 mètres de long, pesant 430 kilogrammes, fendu et orné d’un léopard bondissant. Il servait notamment, durant la période du recrutement forcé pour la construction de routes, à annoncer l’arrivée des colons dans les villages, permettant ainsi aux hommes de fuir. Il fut dérobé par ces mêmes colons en 1916, dans un faubourg d’Abidjan.
La charge symbolique de l’objet, emblème de résistance réclamé de longue date par la Côte d’Ivoire, fait de sa restitution « un geste fortement historique », selon Clavaire Aguego Mobio, chef traditionnel ébrié, qui souligne également que « ce tam-tam parleur va rappeler notre histoire et revaloriser notre peuple dont les traces sont en train de disparaître avec l’urbanisation sauvage de l’agglomération d’Abidjan » et que « la disparition du tambour avait beaucoup déstabilisé l’organisation sociale et traditionnelle des Ébriés ».
Des 148 œuvres d’art officiellement réclamées par la Côte d’Ivoire à la France depuis 2018, le Djidji Ayôkwê sera la première à revenir dans son pays. Le geste de pacification des mémoires que représente cette restitution est d’autant plus fort que le tambour est un objet militaire. Puisse ce geste donner envie partout ailleurs – car nous en avons bien besoin – de faire cesser enfin l’harmonie infernale des tambours et trompettes que décrit Voltaire, ou plutôt, en termes actualisés, celle des missiles et drones.
Le groupe Démocrates votera ce texte et son article unique, qui prévoit une dérogation au principe d’inaliénabilité des collections publiques prévu à l’article L. 451-5 du code du patrimoine, et un transfert de l’œuvre dans un délai maximal d’un an.
La loi-cadre promulguée le 22 juillet 2023, limitée aux œuvres spoliées par les nazis à la suite des persécutions antisémites, méritera sans doute de voir son périmètre élargi ou d’être suivie par d’autres lois-cadres, pour inclure d’autres catégories d’œuvres et éviter de recourir à chaque fois à une loi spéciale, dès lors qu’une restitution sort de ce cadre strict. Madame la ministre, nous avons bien entendu votre annonce en ce sens.
Laurent Lafon, rapporteur au Sénat, dont je salue le travail ainsi que celui de notre rapporteur Bertrand Sorre, rappelait à juste titre que les restitutions sont le sens de l’histoire. Inutile pour moi de battre tambour plus longtemps devant vous : débattons à présent de la proposition de loi, tambour battant si nécessaire. Elle concrétise enfin une promesse présidentielle de 2021. Il s’agit de ne plus différer davantage ce beau geste entre la France et la Côte d’Ivoire. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem, EPR et SOC, ainsi que sur les bancs des commissions.)
Mme la présidente
La discussion générale est close.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Rachida Dati, ministre
J’ai été interpellée – de manière très respectueuse, d’ailleurs – par deux parlementaires au sujet du calendrier législatif. Le projet de loi-cadre sur la généralisation des restitutions a d’ores et déjà été transmis au Conseil d’État, dont nous attendons l’avis. Une réunion est prévue la semaine prochaine pour faire le point sur l’avancement du texte. Dès que l’avis du Conseil d’État sera rendu, nous le présenterons au Conseil des ministres, avec pour objectif une première lecture dès l’automne. Rassurez-vous, monsieur Brun : je serai là ! (Sourires.)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bertrand Sorre, rapporteur
Je souhaite souligner deux motifs de réjouissance. Le premier est la confirmation, par Mme la ministre, de la préparation d’un projet de loi-cadre. Avec son adoption, nous tiendrons l’engagement pris par le président de la République au début de son premier mandat : celui de doter notre droit de trois lois-cadres, chacune adaptée à un type de bien à restituer.
Ces lois-cadres nous permettront de sortir de la logique des lois d’espèce. Nous pouvons nous en réjouir car il s’agissait d’un engagement fort. Si l’on se projetait dix ou quinze ans en arrière, on verrait à quel point ces sujets étaient beaucoup plus conflictuels et sensibles.
Le second motif de réjouissance est d’avoir entendu, lors de cette discussion générale, l’ensemble des groupes politiques – sans exception – annoncer leur intention de voter ce texte. L’unanimité n’est pas si fréquente dans cet hémicycle, mais sur un sujet comme celui-ci, elle s’imposait naturellement. Sans préjuger du résultat du vote, je m’en réjouis et je tiens à vous remercier pour le travail que nous avons réalisé ensemble en faveur de cette restitution tant attendue.
Explications de vote
Mme la présidente
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, l’article unique de la proposition de loi qui ne fait pas l’objet d’amendement. Nous en venons immédiatement aux explications de vote.
La parole est à Mme Sabrina Sebaihi.
Mme Sabrina Sebaihi (EcoS)
Ce débat fait partie d’un chantier immense, celui des conséquences de la colonisation trop souvent passée sous silence dans la construction de notre récit national. Avec le retour du tambour Djidji Ayôkwê, nous affirmons que la France ne peut s’enorgueillir de ses centaines de collections nationales, bâties sur la violence et la dépossession des peuples.
Ce tambour n’est pas un trophée, pas plus qu’une pièce de musée, mais le symbole d’une communauté que l’on a privée de mémoire. Il faut lire ce geste à sa juste hauteur : ce n’est pas la restitution d’une curiosité, mais le retour d’un bien spolié à un peuple.
Cette exigence ne se limite pas à la Côte d’Ivoire, mais traverse toute l’histoire coloniale de la République. En Algérie, par exemple, une commission mixte réclame la restitution des effets personnels d’Abdelkader : épée, burnous, manuscrits, objets volés en 1843 après la prise de la smalah de l’émir, à l’issue d’une conquête sanglante. Ces pièces d’une valeur symbolique immense sont enfermées dans nos musées, aujourd’hui encore inaccessibles à leur peuple d’origine, parce que bloqués par le principe inébranlable de l’inaliénabilité des collections.
Dans toute l’Afrique, ces questions s’accumulent : Sénégal, Bénin, Madagascar, Cameroun, Algérie, tous attendent que la France cesse la diplomatie symbolique, les dons parcimonieux et les prêts distingués, pour construire une véritable politique de restitution. Du Maghreb à l’Indochine, des Antilles à l’Afrique de l’Ouest, la colonisation française fut un crime organisé, ponctué de pillages, de destructions et de massacres. Elle fut un crime contre l’humanité.
Au Sénégal, dès 1857, on pilla les trésors du Tékrour. À Madagascar, on emporta reliques et objets sacrés après la répression de 1947. Au Cameroun, on exhuma les corps des résistants pour les étudier. En Indochine, on saccagea les pagodes et en Algérie, on vida les bibliothèques et on emporta manuscrits et archives.
Il faut voir l’exposition fière de ces trésors dans nos musées nationaux comme les restes d’un empire de violence. Pendant que la mémoire des peuples est mise sous verre, la République continue trop souvent de faire la leçon et de se draper dans les vertus universelles, sans reconnaître la base coloniale de sa puissance.
Dans ce silence organisé, résonnent les mots implacables de Kery James : « À tous ces racistes à la tolérance hypocrite, qui ont bâti leur nation sur le sang, maintenant s’érigent en donneurs de leçons, pilleurs de richesses, tueurs d’Africains, colonisateurs, tortionnaires d’Algériens. » Ces vers disent tout ce que l’histoire officielle a voulu cacher et tout ce que nos musées ne racontent pas. Ils rappellent que la domination ne s’efface pas avec le temps et qu’elle se perpétue tant qu’elle n’est pas reconnue, réparée et restituée.
Sur le modèle d’Aimé Césaire, je refuse la France qui se regarde comme une puissance civilisatrice. La colonisation fut un crime ; ce crime a été nié, enjolivé. Aujourd’hui, il est encore trop souvent réduit à un épisode regrettable, pire, salvateur. Le tambour doit rentrer en Côte d’Ivoire – un acte de droit, de vérité. Tout ce qui a été pillé, volé, doit être restitué, comme autant de preuves tangibles que la France sait regarder son passé en face. (M. Frédéric Maillot applaudit.) Il ne s’agit pas de faire des cadeaux, mais de respecter les peuples spoliés, humiliés une première fois, puis une seconde fois par notre inertie. Nous devons voter en faveur du texte, mais ce vote, qui, encore une fois, est une bonne chose, ne sera efficace qu’à condition de constituer le point de départ d’une future loi-cadre mettant fin au système colonial structurel dans notre patrimoine, reconnaissant que la justice mémorielle ne peut être traitée case par case, tambour par tambour, sabre par sabre. Il faut qu’une rupture législative mette un terme à cette inéluctable hypocrisie.
Aimé Césaire écrivait qu’une civilisation qui n’enlève pas ses chaînes est une civilisation qui s’enterre ; en refusant de restituer ce qu’elle a volé, la France continue de forger ses chaînes. Rompons avec cette logique : nous devons aller plus loin, avec force, avec ce sentiment de l’histoire intact. La colonisation est terminée, non seulement dans ses discours, mais dans ses actes. Nous voterons pour cette proposition de loi ; nous poursuivrons jusqu’à ce que chaque tambour, chaque sabre, chaque manuscrit volé retrouve son peuple, car il n’y a pas de fraternité sans justice, pas de mémoire commune sans vérité, pas de République digne sans réparation. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Victor Castor.
M. Jean-Victor Castor (GDR)
Je profite de cette occasion pour rappeler que nous, en Guyane, connaissons la violence de la colonisation : je sens ce lien avec les peuples d’Afrique, d’Asie, tous ces peuples qui ont été colonisés par l’Occident. La violence dont nous parlons a par exemple résidé dans la doctrine de la terra nullius, en vertu de laquelle les colons, les jésuites ont considéré qu’à leur arrivée, il n’y avait là personne et les terres étaient en friche. Le résultat, c’est qu’aujourd’hui, chez nous, en Guyane, le préfet décide à qui il attribue les terres, y compris dans le cas des peuples autochtones !
Vous le savez, madame Dati, ces autochtones, massacrés par centaines de milliers dans le cadre d’un génocide, réclament désormais la restitution de six corps. Le cas est prévu par la proposition de loi de Christophe Marion relative aux demandes de restitution de restes humains originaires du territoire national ; ce texte-cadre ayant trait à nos pays encore colonisés – Martinique, Guadeloupe, La Réunion, Polynésie, Nouvelle-Calédonie – traîne dans les coulisses et ne parvient pas à obtenir l’aval des groupes parlementaires en vue de son inscription à l’ordre du jour d’une semaine transpartisane au sein de notre assemblée. Nous reportons sur le texte issu de l’initiative au Sénat de Mme Morin-Desailly, la loi du 26 décembre 2023 relative à la restitution de restes humains appartenant aux collections publiques, nos espoirs de ne pas avoir à passer par une loi d’espèce, spécifique à la Guyane.
Il s’agit de centaines de restes humains – des restes humains ! Rendre même des corps aux communautés concernées, la France n’y arrive pas ; à croire que ces corps, en 2025, restent considérés comme des objets. Il faut des conditions à la restitution – nous entendons encore certains collègues le soutenir –, il faut que des scientifiques y réfléchissent. « Collections publiques », au nom de quoi ? Qui décide de ce principe d’imprescriptibilité ? Dites-vous que ce sont des biens, des corps, qui ont été volés ! Au nom de quoi, de la puissance administrante, de la puissance coloniale ? Les peuples colonisés ne savent même pas ce qui se trouve dans vos musées ; les inventaires sont sans transparence, opaques ! Si l’on ne sait pas ce qu’il y a, que demanderait-on ?
Lorsque les nazis ont envahi la France, ils ont récupéré des dizaines de milliers d’œuvres d’art ; à juste titre, la nation française a réclamé qu’elles lui reviennent. Au nom de quoi ? Tout simplement parce que c’étaient ses biens à elle. Dans cette assemblée, je suis en difficulté : en 2025, j’y entends encore s’exprimer des réticences. De surcroît, entre les discours et les actes, il y a un écart énorme. Depuis 132 ans qu’ils sont ici, dans un musée, que faisons-nous de ces six Kali’na ? Que faisons-nous de tous ces restes humains, pas même reconnus, appartenant aux communautés autochtones de chacun de nos pays ?
Madame Dati, je vous ai écrit à plusieurs reprises ; je vous invite à prendre la main, afin que les choses aillent très vite. M. Marion n’était pas censé déposer une proposition de loi : le premier ministre Barnier avait donné son aval à un projet de loi, et avec un projet de loi, nous n’en serions pas là. Tout est bloqué ! C’est pourquoi je vous invite à choisir au plus vite le bon véhicule législatif : en Guyane, on ne peut plus attendre. Il faut cesser ce double langage. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS.)
Vote sur l’article unique
Mme la présidente
Je mets aux voix l’article unique de la proposition de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 111
Nombre de suffrages exprimés 111
Majorité absolue 56
Pour l’adoption 111
Contre 0
(L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble de la proposition de loi.)
(Applaudissements sur divers bancs.)
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
2. Mode d’élection des membres du conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et Marseille
Nouvelle lecture
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, de la proposition de loi visant à réformer le mode d’élection des membres du conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et Marseille (nos 1487, 1656).
Présentation
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.
M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement
Dans le cadre de cette nouvelle lecture, l’objectif pour le gouvernement est toujours de rapprocher l’élection des maires de Paris, Lyon et Marseille du droit commun. Notre motivation est toujours d’améliorer la vie démocratique de notre pays et, en l’occurrence, de plus de 3 millions de nos concitoyens.
Avant d’entrer dans la discussion du texte, je veux saluer le travail de ses rapporteurs à l’Assemblée nationale et au Sénat, Jean-Paul Mattei et Lauriane Josende.
Je souhaite également remercier les forces politiques de Paris, Lyon et Marseille qui ont accepté le dialogue, même si les résultats de ces échanges ont été inégalement constructifs. Que les interlocuteurs soient pour ou contre la réforme, certains échanges ont été très utiles, d’autres bien plus fermés ou simplement polémiques.
La responsabilité du gouvernement reste de faire fonctionner les institutions et de permettre à la représentation nationale d’examiner et de voter les textes dont elle est saisie. C’est la raison pour laquelle nous nous retrouvons aujourd’hui.
Sur le fond, le gouvernement, attentif aux riches débats ayant eu lieu à l’Assemblée nationale et au Sénat, a cherché à avancer sur la question du rôle des maires d’arrondissement dans l’hypothèse où ils ne siégeraient pas au conseil municipal central, même si cette hypothèse reste assez théorique. Il a aussi répondu précisément aux préoccupations quant à la stabilité du corps électoral sénatorial.
Cette réflexion itérative a conduit le gouvernement à prendre deux engagements. D’une part, celui de conduire une mission flash pour définir les compétences des mairies d’arrondissement – il s’agit d’une demande légitime dans la mesure où aucun texte législatif ne fixe actuellement ce cadre dans le code général des collectivités territoriales (CGCT). D’autre part, celui de présenter un projet de loi organique sur le mode d’élection des sénateurs, afin d’adapter les règles de désignation du corps électoral sénatorial en vue des élections de septembre 2026.
Dans les débats qui s’ouvrent, il conviendra de trancher le cas particulier de Lyon, au sujet duquel le gouvernement sera à l’écoute des parlementaires.
Notre volonté constante demeure celle de proposer aux habitants de Paris, Lyon et Marseille un mode de scrutin plus clair, plus lisible en leur donnant un double choix : celui de leur maire d’arrondissement – maire de la proximité – et celui de la mairie centrale – l’incarnation politique et stratégique de la ville. Cela garantira une clarté et une liberté de choix supplémentaires.
Si 90 % des habitants sont favorables à cette réforme, je perçois bien que l’adhésion à ce projet est moins forte parmi les élus en place.
Depuis quelques semaines, je me suis replongé dans les débats et les commentaires concernant le mode de scrutin de Paris, Lyon et Marseille (PLM) depuis 1982. Un mot revient de façon récurrente depuis plus de quarante ans, sur tous les bancs, à toutes les époques : « tripatouillage ». (M. Sylvain Maillard sourit.)
Je nous invite à un effort sémantique pour traiter le fond car il ne suffit pas de prononcer un mot pour qu’il qualifie, discrédite ou réforme la chose.
Mme Danielle Simonnet
Pourtant, ce n’est pas faux…
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Par ailleurs, réparer un tripatouillage n’est pas un tripatouillage supplémentaire ; c’est précisément le contraire. C’est le rétablissement d’un ordre démocratique plus sain.
M. Sylvain Maillard
Il a raison !
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Pour peu que nous nous en donnions la peine, ce dont je ne doute pas, nous pourrions tous, au terme de cette nouvelle lecture, être collectivement porteurs de ce progrès. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Paul Mattei, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
Notre assemblée est invitée à débattre en ce début d’après-midi d’une proposition de loi qu’elle a déjà adoptée il y a quelques semaines avec un large soutien transpartisan. Je la considère comme une avancée majeure pour la démocratie municipale dans nos trois plus grandes villes.
La loi du 31 décembre 1982 portant modification de certaines dispositions du code électoral relatives à l’élection des membres du conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et de Marseille, dite loi PLM, a institué un mode de scrutin dérogatoire pour l’élection des conseillers municipaux à Lyon et Marseille et des conseillers de Paris dans notre capitale.
Depuis plus de quarante ans, à l’initiative du ministre de l’intérieur de l’époque, M. Gaston Defferre, les électeurs de ces trois villes votent à l’échelle de leur secteur pour désigner un conseil d’arrondissement. Certains de ces conseillers siègent ensuite au conseil municipal de Lyon et de Marseille ou au conseil de Paris, et élisent alors le maire de la commune.
Ce système, censé rapprocher les élus des habitants, a progressivement montré ses limites. Il est devenu complexe et peu lisible pour les citoyens. Dans certains cas, un maire peut même être élu sans avoir réuni une majorité de voix à l’échelle de la commune, comme à Marseille en 1983.
Plus largement, ce mode de scrutin pave la voie à d’étonnantes négociations de couloirs, parfois au mépris des électeurs, qui peuvent légitimement se sentir floués par un système qui ne reflète pas toujours les équilibres électoraux tels qu’ils ressortent du vote.
Surtout, le mode de scrutin applicable exclusivement à Paris, Lyon et Marseille revient sur un principe fondamental, cardinal dans notre démocratie, selon lequel un électeur égale une voix. Rien ne justifie que le bulletin de vote d’un électeur de droite dans un arrondissement de gauche, ou d’un électeur de gauche dans un arrondissement de droite, n’ait aucune valeur et n’emporte aucune conséquence pour l’élection du maire du fait de la sectorisation de son élection. C’est pourtant le cas dans les trois plus grandes villes de France. Cela devrait tous nous interpeller. Chacun comprendra donc ici qu’un tel mode de scrutin peut susciter des réserves légitimes. Mes travaux, en tant que rapporteur du texte, me conduisent à constater qu’il trouve bien peu de soutiens pour le défendre et le justifier.
Le personnel politique des trois villes concernées, de la majorité comme de l’opposition, ainsi que l’ensemble des personnes que j’ai auditionnées pour préparer ces travaux le reconnaissent : pour ces communes, une réforme du mode de scrutin est utile. Personne n’est fermé par principe à cette idée.
La proposition de loi que nous examinons fait ce constat et tente d’apporter des solutions. Je tiens à nouveau à saluer le travail de ses auteurs, nos collègues Sylvain Maillard, David Amiel, Olivia Grégoire et Jean Laussucq, qui planchent sur ce texte depuis de longs mois…
M. Sylvain Maillard
Deux ans !
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
…et nous donnent l’occasion de corriger ce qui m’apparaît comme une anomalie.
Ce texte n’est pas le grand soir pour les trois plus grandes communes de France. Il propose bien humblement, si j’ose dire, de revenir à une architecture électorale plus lisible rapprochant Paris, Lyon et Marseille du droit commun.
Il instaure à cette fin un scrutin de liste à l’échelle de la commune pour l’élection du conseil municipal de Lyon et de Marseille ou du conseil de Paris, et un scrutin à l’échelle de chaque arrondissement pour élire les conseils d’arrondissement, auxquels les citoyens sont très attachés. Cette réforme ne fait donc pas disparaître les arrondissements, mais les préserve et les conforte, en ouvrant par ailleurs un chantier à venir sur la clarification de leurs compétences. M. le ministre l’a évoqué.
Après l’avoir dit en première lecture puis, la semaine dernière, en commission, je répète que ce texte ne bouleverse pas l’organisation électorale de nos trois plus grandes villes, mais qu’il la clarifie aux yeux des électeurs et des habitants de Paris, Lyon et Marseille, conformément à notre rôle et à notre ambition de législateur.
Adopté très largement par notre assemblée le 9 avril dernier, avec un soutien transpartisan réunissant un grand nombre de sensibilités politiques de notre hémicycle, ce texte a néanmoins été rejeté par le Sénat. Je le regrette. Je continue de croire qu’une autre voie aurait été possible : nous aurions pu contribuer ensemble à enrichir ce texte comme nous l’avons fait en première lecture à l’Assemblée nationale où d’importants compléments et corrections avaient été adoptés afin de conforter le dispositif. Nous avons eu un débat constructif.
Je regrette encore davantage que la commission mixte paritaire, qui s’est réunie il y a deux semaines pour rapprocher les positions de nos deux chambres, n’ait pu aboutir à un compromis…
M. Sylvain Maillard
Oui !
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
…malgré les propositions concrètes que j’avais formulées dans un esprit d’ouverture et dans le cadre d’un dialogue constant avec la rapporteure du Sénat.
Il n’est jamais trop tard ; je reste éternellement optimiste.
M. Sylvain Maillard
Très bien !
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Le gouvernement a choisi de poursuivre le processus parlementaire sur ce texte et je m’en réjouis. Cela constitue une chance et une opportunité pour nous de continuer à améliorer ensemble cette proposition de loi, d’abord entre nous à l’Assemblée nationale, puis avec le Sénat.
Dans le cadre de nos débats en nouvelle lecture, je reste convaincu que la rédaction de l’article 1er qui organise le mode de scrutin dans nos trois plus grandes villes est la bonne. Je m’opposerai donc à l’ensemble des tentatives de réécriture, qu’il s’agisse d’introduire un bulletin unique ou de sortir Lyon de la réforme, afin de rester fidèle à nos votes en première lecture.
En revanche, je serai favorable à une initiative bienvenue du gouvernement visant à préciser que la répartition des sièges des conseillers communautaires tient compte de la prime majoritaire de 25 %. Cela s’inscrit pleinement dans la démarche adoptée par la proposition de loi.
Nous avons déjà beaucoup discuté de ce texte ; j’ai entendu de nombreux arguments visant à le défendre comme à s’y opposer.
Permettez-moi de revenir un instant sur les deux points qui ont contribué à forger ma conviction de rapporteur.
S’agissant de la prime majoritaire, il nous est reproché d’introduire une distinction injustifiée avec le reste des communes de France. Sur ce sujet, mes convictions sont claires et tranchées : la prime majoritaire de 50 % écrase les oppositions et c’est au mépris de celles-ci que la gouvernance des communes est alors assurée. Les trois premières villes de France montreront demain un exemple différent, où l’on s’écoute, où l’on coconstruit, où les oppositions disposent de moyens pour effectuer leur travail et où la majorité n’est pas synonyme de quasi-unanimité. Peut-être qu’un jour prochain, nous parviendrons à étendre cette prime majoritaire de 25 % à l’ensemble de nos communes. C’est le souhait que je formule, bien qu’il ne s’agisse pas du sujet du moment, j’en conviens.
S’agissant du calendrier d’adoption du texte, dont j’ai également beaucoup entendu parler, permettez-moi de vous rappeler que la précédente loi PLM a été adoptée en décembre 1982, soit trois mois avant les élections municipales de 1983. Nous ferions donc mieux cette fois-ci. Surtout, je m’émeus que certains d’entre nous, qui se disent tant attachés au principe selon lequel il ne faudrait pas modifier le code électoral moins d’un an avant les élections à Paris, Lyon et Marseille, aient pourtant soutenu il y a quelques semaines une loi réformant le mode de scrutin pour l’essentiel des communes de France. En la matière, il ne devrait pas y avoir deux poids, deux mesures ; je le dis en tant qu’ancien élu d’une commune rurale.
Ce texte n’est ni partisan, ni conjoncturel, comme en témoignent nos positions et nos votes depuis le début de son examen. Il ne vise à rien d’autre qu’à permettre à chaque citoyen de Paris, Lyon et Marseille de savoir pour qui il vote et qui il contribue à faire élire. Il vise à appliquer les mêmes règles dans ces trois villes que partout ailleurs en France, tout en tenant compte des particularités de ces communes.
En ce début d’examen en nouvelle lecture, je vous invite donc à réaffirmer le soutien de l’Assemblée nationale à cette proposition de loi. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem.)
Motion de rejet préalable
Mme la présidente
J’ai reçu de Mme Céline Hervieu et de M. Emmanuel Grégoire une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. Emmanuel Grégoire.
M. Emmanuel Grégoire
Le 14 janvier dernier, lors de sa déclaration de politique générale, le premier ministre disait que le « mode de scrutin doit être enraciné dans les territoires » et qu’il « faut que ne se créent pas plusieurs catégories de citoyens avec des droits différents ». Je ne pensais pas que son gouvernement apporterait un démenti aussi rapide à son propos en soutenant ce texte.
Fondée sur des faux-semblants, cette proposition de loi emporte des conséquences désastreuses pour le fonctionnement des trois collectivités concernées : Paris, Lyon et Marseille.
Au fil des improvisations qui ont émaillé la navette parlementaire, nos trois plus grandes villes sont devenues un étrange laboratoire électoral, et l’Assemblée nationale un curieux terrain d’expérimentation institutionnelle.
Cette proposition de loi n’a été précédée d’aucune concertation réelle. Loin de permettre d’en corriger les défauts évidents, sa procédure d’adoption a traduit l’empressement de ses promoteurs à évacuer tout débat.
Aucun artifice ou détournement de procédure ne nous a été épargné pour l’examen de ce texte. On nous promettait pourtant, avec emphase, un système garantissant : « Un Parisien, un Lyonnais, un Marseillais égale une voix. » Chacun ici a conscience du mensonge : aucun électeur, dans aucune commune de France, ne désigne directement son maire. Votre proposition de loi ne permettra pas davantage que le principe « un électeur, une voix » et la représentation proportionnelle amènent nos concitoyens à désigner directement le maire de leur commune.
Nous voilà donc de nouveau face à cette réforme inutile, nocive et – ce n’est pas le moindre de ses défauts – sans doute inconstitutionnelle. C’est la raison pour laquelle j’appelle les membres de notre assemblée à mettre fin, dès cet après-midi, au parcours chaotique de cette proposition de loi afin de permettre, une fois les élections de 2026 passées, d’élaborer une réforme réfléchie et adaptée aux spécificités de nos territoires et aux attentes de nos concitoyens en repartant sur de bonnes bases.
La première chose qui frappe dans le parcours parlementaire de ce texte est l’écart entre la rhétorique aux accents démocratiques de ses promoteurs et les intérêts électoralistes qui les motivent réellement. Je dirais même que, sous couvert d’une modernisation du système électoral, ce texte menace en réalité l’équilibre institutionnel qui a permis à Paris, Lyon et Marseille de connaître l’alternance sans aucun problème ces quarante dernières années.
M. Sylvain Maillard
Ça continuera !
M. Emmanuel Grégoire
Il affaiblit considérablement la représentation des citoyens et ouvre la voie à un centralisme municipal préjudiciable au pluralisme politique. Le calendrier précipité de son examen, le rythme à marche forcée que le gouvernement a voulu imposer à la représentation nationale, nous a conduit à reconnaître l’évidence : les auteurs de cette proposition de loi n’espèrent pas améliorer la représentation de nos concitoyens ; ils souhaitent simplement tailler sur mesure un mode de scrutin à leur convenance.
En guise d’argumentation, on nous assène donc le principe : « un Parisien, un Lyonnais, un Marseillais égale une voix ». Mais qui peut nous expliquer en quoi le système actuel distordrait le sens du vote de nos concitoyens ? Monsieur le rapporteur, je voudrais vous rappeler quelque chose : que les arrondissements soient de gauche ou de droite, lorsqu’un électeur vote à gauche ou à droite, il a des élus,…
M. Bastien Lachaud
Pas dans toutes les circonscriptions !
M. Emmanuel Grégoire
…conseillers d’arrondissements et conseillers de Paris, selon une règle qui est exactement celle du droit commun, qui permet aux listes de se maintenir au second tour à condition d’avoir obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés.
Mes chers collègues, je vous le demande : une majorité défaite dans les urnes a-t-elle déjà pu revendiquer la victoire à l’hôtel de ville ? À Paris, par exemple, un maire a-t-il déjà été élu alors que l’addition des suffrages des arrondissements lui aurait été défavorable ? La réponse est simple : jamais.
À l’inutilité de cette réforme s’ajoutent les conséquences délétères qu’elle entraînerait pour la démocratie locale. Là commence l’ingénierie électorale et administrative. En soutenant deux scrutins distincts le même jour – un pour les conseils d’arrondissement, l’autre pour le conseil municipal ou le conseil de Paris –, le gouvernement va à rebours des exigences de simplification et d’économie qu’il vante cependant.
L’adoption de la proposition de loi compliquerait l’organisation matérielle des élections en doublant, voire en triplant, les bureaux et le matériel de vote. Il est bien étrange de considérer que donner aux Parisiens, aux Lyonnais et aux Marseillais l’occasion de voter deux fois dans leur ville – voire trois fois dans le cas lyonnais – quand les autres Français ne voteraient qu’une fois rapprocherait le mode du scrutin dans ces villes du droit commun. Il est tout aussi étonnant de vanter un système qui double les campagnes électorales et leurs coûts associés pour l’État en cette période d’efforts budgétaires.
Plus encore, avec ce nouveau mode de scrutin à double étage, le lien démocratique de proximité serait sacrifié en dévitalisant les arrondissements. Nous n’avons jamais été saisis d’un texte d’inspiration aussi jacobine. Son unique ambition est la centralisation du pouvoir, comme un écho à l’ultrapersonnalisation de la campagne qui s’annonce.
À Paris, les arrondissements précédaient le mode de scrutin actuel. Hérités de la Révolution française, ils ont été conçus comme des circonscriptions électorales garantissant une gouvernance de proximité, dans le mouvement de la décentralisation. La loi de 1982 portée par Gaston Defferre a été pensée pour reconnaître la spécificité des grandes métropoles françaises, en particulier celle de Paris, conciliant unité de gouvernance et subsidiarité au profit des arrondissements. Cette organisation s’adapte aux particularités de chaque quartier et assure une représentation équitable de tous les territoires. La présente réforme permettrait de faire élire des conseillers municipaux de Paris qui ne siègent pas dans un conseil d’arrondissement, voire de concentrer les élus de l’hôtel de ville dans des arrondissements considérés comme favorables. Dédoubler le vote, c’est sacrifier les arrondissements et marginaliser leurs élus.
Cette réforme met également à l’épreuve le fonctionnement de nos institutions et les principes constitutionnels censés garantir leur équilibre. Nos alertes, ignorées jusqu’alors, peuvent être entendues aujourd’hui avec l’adoption de cette motion. À défaut, nous en appellerons au Conseil constitutionnel pour censurer ce que nous considérons comme des entorses évidentes à la loi fondamentale. J’en relèverai ici quelques-unes.
En 2003, le constituant n’avait sans doute pas envisagé que la création de collectivités à statut particulier permettrait de les doter, comme ce texte tend à le faire, de plusieurs organes délibérants pour une même collectivité – avouez que c’est baroque. Le troisième alinéa de l’article 72 de la Constitution fonde la libre administration sur l’existence d’un lien clair entre l’élection au suffrage universel d’une assemblée délibérante et l’exercice par celle-ci des compétences pour le compte de la collectivité. Désormais, on voudrait nous convaincre de créer deux niveaux d’assemblées élues au suffrage direct dans une même collectivité. Nous attendons avec impatience le moment où les conseils régionaux pourront déléguer à des assemblées instituées au niveau départemental des compétences régionales alors que ces dernières seront élues sur une liste à part de l’assemblée régionale. Si ma proposition vous choque, mes chers collègues, je vous informe que c’est une telle disposition que vous nous demandez d’adopter aujourd’hui.
Pour ajouter aux griefs de constitutionnalité, le mode de scrutin retenu confine aussi au baroque, car il porte une atteinte excessive à la sincérité du scrutin garantie par l’article 3 de la Constitution et à son corollaire, l’objectif d’intelligibilité de la loi électorale. Pire, il comporte une dérogation inexpliquée au principe d’égalité devant la loi électorale – vous l’évoquiez, monsieur le rapporteur –, pourtant appréciée de manière particulièrement stricte par le Conseil constitutionnel, en introduisant une prime majoritaire pour la répartition des sièges de moitié moindre à celle en vigueur dans les autres communes. On l’aura compris : le retour au droit commun, pourtant vanté par les auteurs du texte, est à géométrie très variable.
En première lecture, dans votre rapport, vous aviez justifié l’introduction de ce particularisme, monsieur le rapporteur, par le souci « d’éviter un phénomène d’écrasement majoritaire de la liste parvenue en tête ». Vous déploriez que ce risque « existe néanmoins pour toutes les autres grandes villes de France ». L’intention est certes louable, mais la déploration demeure vaine. Ma question est simple : sur quelle circonstance particulière fondez-vous cette distinction inédite, et cela – vous me permettrez de souligner l’importance de cette question – pour les trois plus grandes villes de France ? De quels « critères objectifs et rationnels », pour reprendre les termes du Conseil constitutionnel, vous prévalez-vous ? Je n’en vois aucun – du moins, aucun qui soit pleinement avouable sans éventer les coulisses de la négociation des ralliements à ce texte.
En outre, comment distinguera-t-on l’élection au titre de laquelle les dépenses sont imputables ? Voilà encore un élément particulièrement grave caractéristique de l’impréparation de ce texte et de la précipitation avec laquelle il est présenté.
Devant la commission des lois du Sénat, le 12 mai dernier, le futur président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a lui-même fait part de sa perplexité en utilisant un doux euphémisme : « Mais il est clair que le guide du mandataire relatif aux élections municipales à Paris, Lyon et Marseille promet d’être extrêmement compliqué… » Ceci à condition qu’il soit disponible, aurait-il pu ajouter. Que dire pour les futurs candidats et leurs mandataires financiers alors que commence dès septembre la période des dépenses imputables aux comptes de campagne ?
La dernière incongruité de cette réforme réside dans le fait que, s’agissant de la création d’un scrutin, elle serait la première dans notre histoire adoptée par la voie d’une proposition de loi. Ce précédent devrait tout à la permissivité du contrôle de la recevabilité financière de ce texte. Ce n’est pas un simple argument de procédure. Je ne souhaite pas que l’initiative parlementaire soit limitée, mais j’entends simplement que les facilités législatives des députés ne soient pas mises au service des projets gouvernementaux. Il y a de nombreux arguments à faire valoir au sujet de la recevabilité au titre de l’article 40 de la Constitution.
À ce stade de l’examen parlementaire, chacun aura pu constater que cette réforme ne repose pas sur des arguments incontestables, mais bien sur un attelage baroque et uni, pour la circonstance, par les calculs partisans.
Si un gouvernement manque à sa promesse, il est de l’honneur et de la responsabilité du Parlement de la lui rappeler. Je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter cette motion de rejet et à mettre un arrêt à l’examen de ce texte, qui relève non pas de l’exigence démocratique mais du cynisme électoral auquel s’adonnent quelques apprentis sorciers. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC ainsi que sur plusieurs bancs du groupe EcoS. – Exclamations sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
Nous en venons aux explications de vote.
La parole est à M. Olivier Fayssat.
M. Olivier Fayssat (UDR)
On peut comprendre une motion de rejet préalable dans le cas hypothétique d’un texte contraire à toutes les valeurs fondamentales d’une formation politique, et encore. Dans le cas de la réforme du mode de scrutin municipal pour Paris, Lyon et Marseille, cela fait penser à un trouble obsessionnel compulsif.
Le groupe UDR votera donc contre cette motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Franck Allisio.
M. Franck Allisio (RN)
Le groupe Rassemblement national votera évidemment contre cette motion de rejet préalable. Il serait en effet curieux de voter une motion de rejet préalable sur une proposition de loi adoptée par l’Assemblée, c’est-à-dire par nous-mêmes, il y a quelques semaines à plus de 75 % des suffrages exprimés.
Mme la présidente
La parole est à M. Sylvain Maillard.
M. Sylvain Maillard (EPR)
Il y a plus de monde pour m’applaudir que pour M. Grégoire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.) Nous nous opposerons évidemment à cette motion de rejet. J’entends les propos qu’a tenus à la tribune M. Emmanuel Grégoire. Nous répondrons au cours de l’examen des amendements aux arguments qu’il a présentés. Cependant, vous rendez-vous compte que vous soutenez que 91 % des Parisiens se trompent, car ils ont tort de vouloir changer de mode de scrutin, de même que 87 % des Marseillais et une large majorité des Lyonnais ? Vous avez donné des arguments d’ordre juridique, mais fondamentalement vous ne répondez pas à la question, alors que nous voulons précisément vous entendre sur ce point : vous ne proposez aucun autre projet qui permettrait aux électeurs, dans les trois plus grandes villes de France, comme dans n’importe quelle autre commune, de choisir leur maire directement.
Nous nous opposerons donc évidemment à cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
M. David Amiel
Limpide !
Mme la présidente
La parole est à M. Bastien Lachaud.
M. Bastien Lachaud (LFI-NFP)
Le groupe LFI-NFP votera sans surprise contre cette motion de rejet préalable qui nous empêcherait d’adopter un texte attendu et surtout un texte démocratique. Quand on voit la crise démocratique que subit notre pays, il est plus que temps de donner le maximum de pouvoir au peuple. Se rapprocher d’un scrutin proportionnel et diminuer la prime majoritaire pour l’établir à 25 % constituent évidemment des avancées démocratiques. Il serait totalement aberrant de rejeter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Ray.
M. Nicolas Ray (DR)
Le groupe Droite républicaine s’opposera à cette motion de rejet préalable d’abord pour des raisons d’ordre formel : ce texte ayant été voté en première lecture, il n’y a effectivement pas lieu d’interrompre son examen en début de séance. Nous devons débattre, examiner les amendements restants et les évolutions possibles. Ensuite, sur le fond, les députés de mon groupe sont majoritairement favorables à cette réforme, car elle permettra de simplifier le mode de scrutin dans ces trois grandes villes de France. Nous y reviendrons lors des débats, il faut cependant être vigilants en ce qui concerne la communication et assurer aux électeurs le respect qui leur est dû.
Mme la présidente
La parole est à Mme Léa Balage El Mariky.
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS)
Le groupe Écologiste et social votera en faveur de cette motion de rejet préalable car cette proposition de loi trahit les principes les plus élémentaires de la démocratie, tels que la loyauté, l’égalité et la transparence. Elle n’a pas été conçue pour améliorer le fonctionnement des institutions locales mais pour servir des intérêts partisans. C’est un accord de circonstance, si ce n’est dans l’ombre, pour tenter de conquérir la mairie de Paris non par les urnes mais en modifiant le code électoral à quelques mois d’un scrutin avec l’appui de l’extrême droite.
Ce n’est une réforme, c’est une manœuvre, et elle porte atteinte à l’esprit même de la République. Cette proposition de loi a été écrite avec l’approbation du Rassemblement national et j’ajouterais, après avoir écouté M. Maillard, avec les méthodes du Rassemblement national. Monsieur Maillard, à Plaisance-du-Touch comme à Paris, on ne choisit pas directement son maire, mais on élit un conseil municipal qui procède ensuite à l’élection de l’édile. Arrêtez donc de raconter n’importe quoi à ce sujet ; non seulement c’est agaçant, mais surtout c’est faux et dommageable pour la démocratie. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Ce qui est nouveau depuis l’adoption de ce texte à l’Assemblée nationale en première lecture, c’est la manière dont le Sénat a été traité. Il faut rappeler ici aussi, à l’Assemblée nationale, que le Sénat représente les élus locaux, les collectivités territoriales, et que le gouvernement s’était engagé à respecter la voix du Sénat, qui a pourtant été bâillonné. Avec l’accélération inédite de l’examen de ce texte, nous constatons que vous voulez recommencer. M. Grégoire a également soulevé les risques d’inconstitutionnalité. Absolument tout dans ce texte justifie son rejet.
Nous affirmons que la démocratie ne se plie pas aux calculs de quelques-uns. Le Parlement n’est pas une chambre d’enregistrement des deals électoraux. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sophie Mette.
Mme Sophie Mette (Dem)
La proposition de loi visant à réformer le mode d’élection des membres du conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et de Marseille, que nous examinons aujourd’hui en seconde lecture, répond à une nécessité démocratique : assurer une élection plus représentative et lisible pour les citoyens. Nous le savons, le mode de scrutin actuel présente plusieurs inconvénients du point de vue de la représentativité du vote. D’abord, il est complexe et nuit à la compréhension du scrutin par les électeurs. Ensuite, il contribue à alimenter une défiance envers le politique, qui grandit chaque jour.
Il est donc de notre devoir de législateur de proposer une réforme plus juste et plus démocratique du mode de scrutin à Paris, à Lyon et à Marseille. Les oppositions pourront s’exprimer largement lors du débat, mais celui-ci est nécessaire – il est irresponsable de le refuser. Le groupe Les Démocrates votera contre la motion de rejet. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.)
M. Sylvain Maillard
Très bien !
Mme la présidente
La parole est à M. Jean Moulliere.
M. Jean Moulliere (HOR)
Le groupe Horizons & indépendants votera contre la motion de rejet préalable déposée par nos collègues du groupe Socialistes et apparentés. Quelles que soient les positions respectives de chaque groupe, le débat doit se tenir et les voix de chacun doivent être entendues. Il reviendra ensuite à la représentation nationale de trancher en adoptant ou en rejetant le texte.
(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.)
Mme la présidente
Monsieur le ministre, mes chers collègues, une terrible nouvelle qui concerne l’un de nos collègues vient de me parvenir. Par décence et par respect, et dans l’attente d’une confirmation, je vais suspendre la séance pour quelques minutes.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures quinze.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
3. Décès d’un député
Mme la présidente
Monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai l’immense tristesse de vous confirmer que notre collègue Olivier Marleix nous a quittés. C’est une onde de choc. Mme la présidente lui rendra hommage dans les formes les plus solennelles demain à 15 heures. En attendant, et en sa mémoire, je vous invite à observer une minute de silence. (Mmes et MM. les députés et les membres du gouvernement se lèvent et observent une minute de silence.)
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Mignola, ministre délégué
À l’annonce de cette nouvelle d’une immense tristesse et d’une grande brutalité, il me revient, au nom du gouvernement, de dire immédiatement quelques mots, avant que la présidente de l’Assemblée nationale et le premier ministre ne rendent hommage demain à Olivier Marleix.
Olivier Marleix fut quatre fois d’affilée élu député de la deuxième circonscription d’Eure-et-Loir. Il fut le président du groupe Les Républicains dans cet hémicycle, où il était unanimement reconnu comme un rhéteur redoutable, mais toujours loyal. Il appartenait à la grande famille des Républicains et à une grande famille de républicains. Toutes nos pensées vont à ses proches, au territoire auquel il était tant attaché et à ses collègues. Au nom du gouvernement, je tiens à formuler de la gratitude pour la force de ses convictions et de ses engagements.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt, est reprise à dix-sept heures vingt-cinq.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
4. Mode d’élection des membres du conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et Marseille (suite)
Discussion générale
Mme la présidente
Dans la discussion générale, la parole est à M. Nicolas Ray.
M. Nicolas Ray
C’est avec tristesse et émotion que je prends la parole, quelques minutes après l’annonce de la disparition tragique de notre collègue Olivier Marleix.
Quand j’ai été élu député de l’Allier, il y a trois ans, Olivier a été mon premier président de groupe et il m’a accompagné avec bienveillance dans mes premiers pas de parlementaire. Doté d’une hauteur de vue et d’une grande capacité d’analyse, Olivier était un collègue courageux et engagé, fier de ses racines cantaliennes. Ironie du sort, il était très engagé sur cette proposition de loi, et très opposé à cette réforme. Lors de nos débats en première lecture, même si je n’étais pas en accord avec lui sur le fond, je veillais toujours à respecter ses positions et ses arguments. Avec mes collègues du groupe Droite républicaine, nous avons une pensée très peinée pour ses proches, pour Alain et Évelyne, ses parents, pour ses filles et pour son entourage. L’Assemblée nationale et le groupe des Républicains n’oublieront pas Olivier Marleix.
La réforme du mode d’élection des conseils municipaux à Paris, à Lyon et à Marseille, que nous examinons en nouvelle lecture, renvoie à une question aussi ancienne que centrale : celle de l’efficacité du mode de scrutin et de la légitimité démocratique de nos élus.
Il y a plus de quarante ans, la loi PLM a façonné une architecture électorale spécifique à ces trois villes, qui réunissent près de 4 millions de Français. Cette architecture a certes été pensée pour répondre à des spécificités locales mais, avec le temps, elle a montré ses limites et, parfois, ses contradictions. Le groupe Droite républicaine ne conteste pas les spécificités historiques de ces trois grandes villes. À ce titre, l’équilibre entre la mairie centrale et les mairies d’arrondissement doit être préservé. Toutefois, nous le disons avec force : la démocratie ne doit pas s’accommoder d’exceptions durables, car celles-ci peuvent altérer la volonté populaire.
Dans certains cas, notamment à Marseille, le mode de scrutin actuel a permis par le passé de faire élire une majorité municipale qui n’avait pas recueilli la majorité des suffrages. Lorsqu’un système électoral aboutit à un tel résultat, il y a lieu de réfléchir, car il ne s’agit plus d’un simple aménagement institutionnel, mais d’une rupture avec le principe démocratique.
La réforme du mode de scrutin n’est donc pas une question d’opportunité politique : c’est une exigence démocratique. La garantie que chaque électeur, quel que soit son arrondissement ou son secteur, pèse le même poids dans le scrutin municipal, est un enjeu d’égalité, de cohérence et de légitimité. Le retour à un mode de scrutin proche du droit commun apparaît nécessaire à nos yeux, afin de permettre aux électeurs de choisir directement leur équipe municipale, donc leur maire. C’est ce que plébiscitent la majorité des électeurs de ces communes – 91 % des Parisiens, 88 % des Marseillais et 81 % des Lyonnais.
Cependant, toute réforme électorale exige prudence, méthode et responsabilité. La modification des règles du jeu, à quelques mois d’une échéance électorale, soulève légitimement des questions et des crispations. Nous entendons ceux qui disent que cette modification arrive trop tardivement. Nous regrettons également que ce texte n’ait pas été présenté plus tôt, alors que la majorité préparait cette réforme depuis trois ans. Néanmoins, ce n’est pas la première fois qu’une telle modification intervient l’année précédant une élection : la loi PLM a été votée en novembre 1982, soit quatre mois avant les élections municipales.
Pour que cette réforme réussisse, il faut deux grandes garanties – nous y serons attentifs. La première, c’est l’équilibre institutionnel : cette réforme doit éviter une recentralisation du pouvoir au détriment des mairies d’arrondissement. La seconde, c’est la pédagogie : le changement du mode de scrutin devra s’accompagner d’une communication claire et efficace auprès des électeurs concernés.
Notre groupe aborde cette réforme avec un esprit de responsabilité et de cohérence. En effet, dès 2007, c’est un député de nos bancs, le regretté Bernard Debré, qui avait fait cette proposition. Nous n’y voyons donc pas un enjeu partisan, mais l’occasion de corriger une anomalie démocratique.
Cette modernisation, nous l’appelons de nos vœux, à condition qu’elle se fasse avec méthode, dans le respect des équilibres politiques. C’est pourquoi le groupe Droite républicaine votera majoritairement pour ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR ainsi que sur quelques bancs du groupe Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. Franck Allisio.
M. Franck Allisio
Tout d’abord, au nom du groupe Rassemblement national, je m’associe naturellement à l’hommage qui vient d’être rendu à notre collègue Olivier Marleix.
Nous nous retrouvons une nouvelle fois pour examiner la proposition de loi visant à réformer le mode d’élection des membres des conseils municipaux de Marseille et de Lyon ainsi que du conseil de Paris.
Notre législature, sous laquelle le premier groupe parlementaire est celui du Rassemblement national, verra peut-être aboutir une réforme attendue depuis quarante ans par les Marseillais, les Lyonnais et les Parisiens et que, pourtant, aucune majorité n’avait eu, jusqu’à présent, le courage ni la détermination de mener à bien. Paradoxalement, il aura fallu une absence de majorité dans l’hémicycle pour trouver enfin, peut-être, une majorité désireuse de démocratiser le mode d’élection dans les trois plus grandes villes de France.
Évidemment, le texte n’est pas parfait. Nous aurions notamment préféré parvenir à l’instauration d’un bulletin unique mais aucune solution technique ne s’est dégagée. Nous aurions également souhaité que les compétences entre, d’un côté, la mairie centrale et, de l’autre, les mairies de secteur à Marseille ou les mairies d’arrondissement à Lyon et à Paris, mais aussi parfois entre ces dernières et leur métropole respective, soient mieux définies. Ce travail de simplification et surtout de clarification des couches de notre millefeuille administratif et bureaucratique reste à accomplir.
Nous pourrions continuer à énumérer ce qui manque ou est mal rédigé dans ce texte mais il n’en reste pas moins que les avancées l’emportent sur les imperfections.
Comme n’a jamais cessé de le défendre notre présidente Marine Le Pen, les élus du Rassemblement national voteront toujours, au sein de cet hémicycle comme ailleurs, pour toute disposition, pour tout texte de loi qui va dans le sens de l’intérêt des Français. En l’occurrence, l’intérêt des Français, c’est que leur vote, leur choix politique, soit entendu et respecté. À cet égard, une élection plus directe des maires de Marseille, de Lyon et de Paris constitue un progrès démocratique, de même que le rétablissement du scrutin proportionnel lors des élections législatives et la création d’une banque de la démocratie représenteront des avancées pour nos concitoyens.
Alors, faisons en sorte que le destin de Marseille, de Lyon et de Paris, c’est-à-dire de près de 4 millions de Français, ne se décide plus dans des salles aux volets clos et des arrière-boutiques, entre les deux tours, dans le dos – et sur le dos – des Marseillais, des Lyonnais et des Parisiens.
Faisons en sorte que la notion de responsabilité politique soit remise à l’honneur, que les Marseillais, les Lyonnais et les Parisiens sachent clairement pour qui et surtout pour quoi ils votent et qu’ils aient face à eux un responsable – je pense aux questions de sécurité, notamment au commandement de leur police municipale armée et à la vidéosurveillance, mais aussi à l’urbanisme, au dynamisme économique de leur ville, aux finances locales, aux impôts et aux dettes qui explosent, aux écoles de leurs enfants et petits-enfants ou encore à leurs transports publics.
Faisons en sorte, enfin, que la volonté nationale et populaire soit entendue. Je rappelle que près d’un tiers des sénateurs – peut-être davantage demain –, mais aussi plus de trois quarts des députés lors de l’examen en première lecture – et peut-être davantage à l’issue de cette nouvelle discussion – et surtout 80 à 90 % des Marseillais, des Lyonnais et des Parisiens ont formulé un souhait. Aller contre cette aspiration constituerait un déni de démocratie.
Pour toutes ces raisons, les élus du groupe Rassemblement national voteront de nouveau en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Sylvain Maillard.
M. Sylvain Maillard
Je veux tout d’abord avoir une pensée pour notre collègue Olivier Marleix. J’ai eu le privilège de présider un groupe au moment où lui-même présidait celui des Républicains. Nous nous sommes opposés mais j’ai toujours eu plaisir à travailler avec lui. Je pense très fort à ses proches, à sa famille et à ses collègues. C’est évidemment une journée difficile pour nous tous.
Nous nous retrouvons une nouvelle fois pour examiner la proposition de loi que j’ai déposée, avec plusieurs collègues du groupe Ensemble pour la République, pour réformer le mode de scrutin de Paris, Lyon et Marseille. Après avoir remercié le rapporteur pour son travail, je veux saluer la volonté du gouvernement qui a permis que ce texte poursuive son parcours dans le cadre de la navette parlementaire, conformément à notre Constitution.
Pourtant, que n’a-t-on entendu de la part des opposants à cette réforme ! Pendant deux mois, ceux-ci ont déversé leurs critiques, plus ou moins de mauvaise foi, pour s’opposer à une évolution pourtant souhaitée par 90 % des Parisiens, des Lyonnais et des Marseillais.
Certains, y compris sur ces bancs, ont même osé parler de « tripatouillage électoral ». Or le tripatouillage, c’est plutôt de défendre un mode d’élection qui permet à un maire d’être élu sans la majorité des voix, comme c’est le cas actuellement. Le tripatouillage, c’est de laisser prospérer un système dans lequel la voix des habitants compte plus ou moins selon l’arrondissement où ils habitent. Le tripatouillage, c’est de clamer la main sur le cœur – comme le font certains dans cet hémicycle – qu’une réforme de ce mode de scrutin inique est souhaitable et de s’opposer systématiquement à toute tentative de réforme.
Depuis quarante ans, les habitants de Paris, de Lyon et de Marseille réclament cette évolution. Depuis quarante ans, ils souhaitent voter directement pour une liste municipale et élire leur maire comme dans n’importe quelle autre ville de France. Grâce à la réforme que nous proposons, ils pourront voter à la fois pour le maire qu’ils souhaitent pour leur ville et pour celui qu’ils veulent pour leur arrondissement. C’est une avancée démocratique indéniable.
Par ailleurs, on nous a accusés de réduire la place des maires d’arrondissement. Or, avec ce vote direct, nous donnons au contraire à ces élus de proximité une nouvelle légitimité et reconnaissons leur importance. Nous souhaitons d’ailleurs que cette évolution se poursuive grâce à un vrai travail de réflexion sur les compétences des arrondissements à Paris, Lyon et Marseille, afin de pouvoir leur octroyer, dans un prochain texte, de nouveaux moyens et des responsabilités harmonisées.
De même, avec ce nouveau mode de scrutin, nous souhaitons que les oppositions soient mieux représentées mais que, dans le même temps, une majorité municipale puisse gouverner lorsqu’elle arrive en tête. C’est ce que permet l’abaissement de la prime majoritaire à 25 % prévue par notre proposition de loi. Dans ces trois grandes villes, toutes les sensibilités doivent pouvoir s’exprimer : ce n’est pas seulement souhaitable, c’est une exigence démocratique.
Malgré ces mesures de progrès, malgré l’adhésion massive des habitants à cette réforme et malgré notre volonté de dialogue afin d’aboutir à davantage de consensus, nos opposants, pour la plupart guidés par des intérêts locaux particuliers, ont choisi de s’enfermer dans une campagne de dénigrement stérile sans proposer de réforme alternative. Ce n’est pas à la hauteur du débat que nous devons à nos concitoyens sur une question qui concerne 10 % du corps électoral.
J’espère qu’au cours de cette nouvelle lecture, les intérêts partisans seront mis de côté et que l’esprit de responsabilité sera davantage mobilisé pour que chacune des voix des Parisiens, des Lyonnais et des Marseillais compte.
Mme la présidente
La parole est à M. Bastien Lachaud.
M. Bastien Lachaud
Je veux commencer par rendre hommage à notre collègue Olivier Marleix dont nous venons d’apprendre la disparition. Nos pensées se tournent vers sa famille, ses proches, ses collaboratrices et collaborateurs. Il n’a échappé à personne que nous siégions sur des bancs opposés dans l’hémicycle et que nous étions bien sûr en désaccord profond sur de nombreuses questions. Toutefois, certains sujets nous ont rassemblés. J’ai notamment en mémoire son sens de l’intérêt général et sa défense de la souveraineté industrielle de notre pays à l’occasion du travail qu’il avait mené en tant que président de la commission d’enquête – dont j’étais membre – sur le pillage des fleurons industriels, notamment Alstom. En lui, je salue un gaulliste conséquent, fidèle aux principes républicains et attaché au rôle de l’État et à l’indépendance de la France face aux puissances étrangères.
Notre pays est confronté à une crise démocratique. Les institutions sont de plus en plus rejetées, les électeurs désertent les urnes. Même pour les élections qui suscitent plus d’intérêt – la présidentielle et les municipales –, la participation connaît une baisse continue. Cette crise s’amplifie à mesure que grandit la certitude qu’il ne sert à rien de se rendre aux urnes. On vote mais, dans le fond, rien ne change.
Il faut dire qu’aucun des précédents scrutins ne donne tort à ceux qui pensent ainsi : François Hollande avait juré que son ennemi était la finance ;…
Mme Sophia Chikirou
Menteur !
M. Bastien Lachaud
Emmanuel Macron avait promis un nouveau monde, et même une révolution…
Mme Sophia Chikirou
Mytho !
M. Bastien Lachaud
…alors qu’il n’a fait que prolonger de façon sinistre ce que ses prédécesseurs avaient fait de pire, aggravant la crise de régime et précipitant la montée de l’extrême droite.
Le comble fut atteint l’an dernier avec la dissolution de notre Assemblée : le résultat des élections qui se sont ensuivies a été refusé, nié, bafoué par celui-là même qui les avait convoquées. Ni le sursaut exceptionnel de participation, ni le résultat effectif du scrutin n’ont eu de conséquence sur la formation du nouveau gouvernement. C’est une personnalité issue d’un parti arrivé en cinquième position qui a été appelée à former un gouvernement et, une fois celui-ci censuré, son remplaçant a été choisi au sein d’un parti arrivé septième.
Dans ces conditions, nos concitoyennes et concitoyens ne se font guère d’illusions sur l’importance qui sera accordée à leur vote lors du prochain scrutin. Il s’agira d’élections municipales, réputées susciter davantage de participation du fait de la proximité entre les élus et les électeurs.
Ce texte vise à instaurer une élection directe et à favoriser une représentation plus proportionnelle du conseil des trois villes. Le groupe La France insoumise y est favorable car ce nouveau dispositif permettra une meilleure compréhension des enjeux du vote et une plus grande représentativité politique. Désormais, lors du scrutin, les citoyens pourront élire le conseil municipal et plus seulement les conseils d’arrondissement ou de secteur. Avec l’abaissement à 25 % de la prime majoritaire, la représentation sera plus proportionnelle.
Au-delà des cas de Paris, de Lyon et de Marseille, nous avons voté en avril dernier pour l’instauration du scrutin proportionnel aux élections municipales dans les communes de moins de 1 000 habitants ainsi que pour l’application des règles de parité. Nous le voyons : petit à petit, la représentation proportionnelle fait son chemin dans les modes de scrutin. Pourtant, la prime majoritaire restera fixée à 50 % pour toutes les autres communes de France puisque, à l’heure actuelle, il n’est pas question de revenir sur ce système injuste. Pour notre part, nous sommes favorables à une généralisation de cette avancée démocratique à l’ensemble des communes. (M. Gabriel Amard applaudit.)
Nous devons redonner aux communes la place qui leur revient : celle de cellules de base de la démocratie. Car ce sont elles, et non les métropoles hors-sol ou les intercommunalités imposées, qui rendent possible la proximité démocratique – et qui l’incarnent. La loi Notre, la loi Maptam, la loi « 3DS » et la réforme territoriale ont concentré les pouvoirs, éloigné les décisions et affaibli les communes.
Les citoyennes et les citoyens ne s’y retrouvent plus. Dans le doute, ils sollicitent leur maire, bien contraint de leur répondre que leur préoccupation ne fait plus partie de ses compétences mais relève d’une lointaine institution non élue. La défiance monte, l’opacité règne. Il est plus que temps d’abroger ces lois et de mettre fin à l’organisation de l’éloignement antidémocratique des décisions locales.
Enfin, aucune démocratie locale ne peut fonctionner sans moyens. Or l’État et ce gouvernement n’ont cessé de réduire les dotations aux collectivités tout en leur transférant toujours plus de responsabilités. En 2025, leur budget a été amputé de 7,4 milliards. Nous exigeons le rétablissement des dotations à un niveau compatible avec les missions confiées.
Ces modestes avancées ne sont évidemment pas à la hauteur de la crise institutionnelle. C’est pourquoi nous appelons à la convocation d’une Assemblée constituante pour bâtir une VIe République : une République démocratique, écologiste et sociale qui organise le retour du peuple au pouvoir – c’est-à-dire de la souveraineté populaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Delautrette.
M. Stéphane Delautrette
Les députés du groupe Socialistes et apparentés sont, eux aussi, sous le choc de la terrible disparition de notre collègue Olivier Marleix et adressent toutes leurs pensées à sa famille, à ses proches et à ses collaborateurs.
D’ici à la fin de cette semaine, le Parlement devrait adopter – sauf surprise – cette proposition de loi qui modifie profondément le mode de scrutin pour les municipales à Paris, à Lyon et à Marseille.
Rarement une telle réforme aura été menée dans de si mauvaises conditions. Je ne parlerai pas du calendrier car cet argument ne nous semble pas valable. Nous avons mené des réformes électorales à des dates bien plus rapprochées des scrutins mais le motif d’intérêt général poursuivi était alors bien plus évident.
Non : je veux parler de la qualité de notre débat, qui pâtit depuis le départ du refus suspect de bénéficier de l’avis du Conseil d’État alors que nous voyons bien qu’une part importante de la discussion, ici comme au Sénat, a tourné autour de la constitutionnalité du dispositif, notamment au regard des difficultés que présente son application à Lyon.
Ce débat se déroule en outre sans que soit menée une réflexion plus large au sujet des compétences, alors qu’il s’agit d’un point essentiel. À Paris, en particulier, où les arrondissements disposent de compétences notables, le changement de mode de scrutin aurait des effets significatifs sur le rapport entre mairie centrale et mairies d’arrondissement.
C’est ce point, parmi d’autres, qui nous a amenés à nous demander s’il était pertinent de continuer de traiter ensemble des situations de Paris, de Lyon et de Marseille, alors que ces villes n’ont plus en commun que le fait de disposer de subdivisions administratives. Pour le reste, leurs statuts, leurs compétences, leurs relations à leur métropole et à leurs arrondissements respectifs ont très largement divergé depuis quarante ans. Ce sont d’ailleurs ces divergences qui expliquent que le mode de scrutin proposé puisse sembler pertinent aux députés de mon groupe issus de circonscriptions marseillaises, quand il paraît totalement inadapté à Paris et totalement inapplicable à Lyon.
C’est justement à Lyon que cette proposition poserait le plus de problèmes de compréhension pour nos concitoyens – elle y prévoit trois modes de scrutin différents, en comptant le scrutin métropolitain – et d’organisation, au vu des difficultés que présente le recrutement d’assesseurs et de scrutateurs.
Mon collègue Laurent Lhardit a proposé une solution : un bulletin unique qui aurait à tout le moins pu résorber les difficultés techniques que présente l’application de ce texte. Je regrette que les auteurs du texte lui aient témoigné peu de considération, alors qu’ils n’ont ni arguments ni solutions. Ils ont formulé des objections improbables, en prétendant notamment qu’un tel dispositif poserait un problème au second tour. Mais on ne voit pas en quoi un bulletin unique rendrait plus difficiles les fusions de listes, sauf si l’on considère que certains voudraient fusionner avec un parti dans un secteur puis avec un autre dans celui d’à côté. Ce serait bien étonnant !
Enfin, il y a bien sûr cette prime majoritaire dérogatoire dont on a bien compris, au vu des soutiens de ce texte, que son seul but était de permettre aux battus aux élections municipales de pouvoir éventuellement forcer à des coalitions municipales, voire permettre des coalitions de revers, où la liste arrivée en tête, même confortablement, pourrait disposer de moins de sièges que des listes qui s’uniraient pour détourner le résultat du scrutin.
Quand vous avez annoncé en grande pompe que les citoyens de ces trois villes devaient pouvoir choisir directement leur maire, monsieur Maillard, aviez-vous donc en tête qu’il s’agissait de créer les conditions requises pour que le candidat arrivé en tête puisse finalement ne pas être élu ?
Pour ajouter à l’incohérence, cette prime de 25 % s’applique uniquement à la mairie centrale et non aux mairies d’arrondissement ou de secteur, ce qui ne facilite pas la compréhension de nos concitoyens et se justifie avec peine.
Pour conclure, j’ajouterai que, dans les grandes villes, les listes de second tour sont déjà très souvent issues de fusions de listes. À cet égard, imposer la nécessité d’une négociation supplémentaire de troisième tour pour l’élection du maire suscite des interrogations. Quand on voit les résultats de l’élargissement forcé du bloc central au socle commun pour dépasser les résultats des législatives, on peut se demander s’il est souhaitable de soumettre nos conseils municipaux au même traitement.
Mon groupe proposera donc à nouveau, puisque c’est censé être l’objectif du texte, un retour au droit commun, s’agissant ici de la prime majoritaire applicable.
Mes chers collègues, j’espère que ce débat permettra d’avancer vers une solution opérationnelle mais je crains que chacun d’entre nous n’attende plus qu’une seule chose : une décision du Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – Mme Danielle Simonnet applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Olivier Fayssat.
M. Olivier Fayssat
Certains députés du groupe UDR, dont notre président Éric Ciotti, ont bien connu notre collègue Olivier Marleix. Je n’ai pas eu ce privilège mais je sais qu’ils ont toujours parlé de lui comme d’un grand parlementaire, ayant le sens de l’État et de l’intérêt général chevillé au corps et possédant une grande connaissance des dossiers qu’il suivait avec attention et rigueur. Au nom de mon groupe, je tiens à lui rendre hommage et à adresser à sa famille et à ses proches un message de très sincère soutien.
Nous débattons à nouveau d’une réforme essentielle pour la démocratie locale dans les trois plus grandes villes de France, notamment Marseille, qui me tient évidemment particulièrement à c?ur.
La proposition de loi adoptée par cette assemblée en octobre dernier a été rejetée par le Sénat en avril 2025 et la commission mixte paritaire qui s’est ensuivie n’est pas parvenue à un accord. Nous retrouvons donc le texte tel que nous l’avons voté. Il suscite chez nous les mêmes joies et les mêmes peines, donc approximativement les mêmes commentaires, que lors de sa première lecture.
Depuis la loi PLM du 31 décembre 1982, nos grandes métropoles sont soumises à un régime municipal d’exception, dans le cadre d’un système conçu à l’époque de la décentralisation, sous la présidence de François Mitterrand, pour faire face à la taille et à la complexité de Paris, de Lyon et de Marseille. Quarante ans plus tard, ce système a montré ses limites et, dans certains cas, ses dérives. En quatre décennies, nous avons eu le temps d’observer à quel point le mode de scrutin actuel pouvait susciter des curiosités, voire des injustices. Je rappelle, pour répondre à notre collègue Emmanuel Grégoire, qu’en 1983, Jean-Claude Gaudin, alors qu’il avait reçu la majorité des scrutins à Marseille, s’est vu écarté du fauteuil de maire. Nos débats visent donc à ce qu’une réforme voie le jour, qui nous permette d’espérer mettre fin, au moins partiellement, à cette anomalie démocratique et aux tripatouillages auxquels elle donne lieu, qui sont difficilement défendables.
Je suis notamment favorable à l’abaissement de la prime majoritaire de 50 à 25 %, qui permettra de donner un peu plus d’espace à l’opposition, ce qui va dans le sens du respect des suffrages exprimés.
Évidemment, cette réforme ne s’arrête pas là. Elle amorce une réflexion nécessaire sur le rôle des maires d’arrondissement : jusqu’ici, ils siégeaient automatiquement au conseil municipal ; désormais, ce ne sera plus systématique. Ils pourront être entendus et représentés mais ne seront plus confondus avec les conseillers municipaux, ce qui clarifiera les choses, pour les élus comme pour les citoyens.
Nous saluons aussi la volonté de renforcer la coopération entre les échelons municipaux par la création d’une conférence des maires et la remise d’un rapport sur un éventuel transfert accru de compétences aux mairies d’arrondissement. Cette dynamique est saine. Elle permettra peut-être de mieux répondre aux urgences locales.
Cette initiative constitue donc une avancée que nous reconnaissons, même si elle demeure imparfaite à nos yeux. Nous aurions préféré un système à une seule urne, garant de clarté et de légitimité, mais nous nous félicitons tout de même de l’évolution proposée. Elle permettra aux Marseillaises et aux Marseillais de voter, comme partout ailleurs en France, directement pour leur maire. L’application de ce principe d’égalité républicaine était attendue depuis longtemps.
Cette réforme évitera peut-être aussi que le maire élu par les habitants soit remplacé par un de ses adjoints sans que la population ait son mot à dire, comme cela s’est malheureusement produit récemment à Marseille.
Ceci étant, à Marseille, au-delà des subtilités institutionnelles, un second combat fondamental doit être mené : la lutte contre la fraude électorale. Rappelons-nous les dernières élections municipales de 2020, au cours desquelles certains colistiers de la candidate favorite avaient organisé le vote de personnes vulnérables, atteintes de la maladie d’Alzheimer ou hospitalisées en Ehpad. Rappelons-nous les piles de bulletins qui disparaissent soudainement d’un bureau de vote en cours de journée, empêchant certains électeurs de voter pour le candidat qu’ils avaient choisi, les employés municipaux constitués en une armée d’afficheurs très dévoués, les pratiques clientélistes, les pressions communautaristes, les bulletins préremplis, etc.
Ces pratiques, qui ôtent sa légitimité populaire au résultat de l’élection et, accessoirement, sapent la confiance de nos concitoyens dans les urnes, ne doivent plus avoir lieu. Il est impératif que nous soyons fermes à cet égard et que cette réforme marque une rupture avec ces dérives inacceptables. Je me permets donc d’inviter le pouvoir central à détacher sur place des représentants chargés d’une surveillance accrue de ces éléments sur lesquels j’appelle une attention vigilante.
Il y a un autre sujet important auquel cette réforme ne s’attaque pas : le découpage des secteurs, donc le poids inégal des voix selon les quartiers. Il faudra se pencher à terme sur l’évolution démographique des secteurs et s’assurer que les données actualisées ne laissent pas apparaître de distorsions démocratiques flagrantes.
Ceci étant, notre groupe votera en faveur de cette réforme, qui procède de la logique de simplification que défend l’UDR, avec l’espoir qu’elle contribue à restaurer la confiance et à renforcer la légitimité démocratique des maires de nos grandes métropoles. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Danielle Simonnet.
Mme Danielle Simonnet
Nous sommes toutes et tous sous le choc après l’annonce de la disparition de notre collègue Olivier Marleix. J’adresse toutes les condoléances des membres du groupe Écologiste et social à sa famille, à ses proches, à ses collaborateurs et à toute sa famille politique.
Puisque nos débats doivent se poursuivre, j’en viens au texte que nous examinons. Revoilà donc la loi PLM ! Nous traversons une crise démocratique, une crise de régime : celle de la Ve République et de sa logique de monarchie présidentielle et d’hyperconcentration du pouvoir. Et que prévoit ce texte ? Justement de renforcer cette logique à l’échelon municipal pour les villes de Paris, Lyon et Marseille. Non, cette réforme n’est pas née d’un élan démocratique ! Non, elle n’est pas l’aboutissement d’un grand débat sur la représentation, la proximité ou la vitalité de nos conseils municipaux ! Non : elle est le fruit d’un accord d’appareils scellé dans les arrière-cuisines du pouvoir parisien entre Rachida Dati, le bloc central et une partie des Républicains, un deal électoral, un calcul de circonstance, une tentative maladroite d’arranger les cartes avant la partie, un tripatouillage, il faut le dire, à moins d’un an d’une élection.
Nous savons toutes et tous ce qui se joue ici. À défaut de pouvoir conquérir une majorité dans les urnes, on tente de la fabriquer dans le code électoral. Ce n’est pas une nouveauté mais bien un vieux réflexe du pouvoir affaibli. Aujourd’hui, cependant, ce réflexe prend une tournure beaucoup plus grave qu’auparavant. En effet, ce texte est porté, soutenu, façonné main dans la main avec l’extrême droite et lorsqu’un gouvernement accepte de modifier les règles démocratiques avec ceux qui n’ont jamais caché leur volonté d’en finir avec l’État de droit, c’est tout l’édifice républicain qui vacille. Ce que nous voyons aujourd’hui à Paris, à Lyon et à Marseille n’est pas une réforme anodine : c’est un signal, un précédent, un avertissement.
Comme si cela ne suffisait pas, ce texte procède d’une méthode qui piétine tout ce que le Parlement incarne : aucune étude d’impact, le refus d’un avis du Conseil d’État, aucune concertation réelle et continue avec les élus concernés, un calendrier précipité, un mépris affiché du Sénat – alors qu’il est le garant de l’expression des collectivités territoriales, il a été publiquement rabroué et même trahi. De quel droit renie-t-on la parole donnée, alors qu’un ministre, en avril dernier, a déclaré qu’il n’y aurait pas de réforme sans accord avec le Sénat ? La verticalité du pouvoir, déjà asphyxiante, se fait ici humiliation. Ce sont nos institutions qui en paient le prix.
Quant au fond de la réforme, votre précipitation et votre volonté de la faire adopter quoi qu’il en coûte démocratiquement vous font oublier les principes mêmes de notre république décentralisée. Ce texte menace la libre administration des collectivités.
En supprimant l’obligation pour les conseillers municipaux de siéger dans les conseils d’arrondissement, on déconnectera les organes délibérants les uns des autres et l’on prendra le risque que des décisions engageant la ville soient prises sans contrepoids, sans regard, sans lien démocratique, que des décisions qui engagent les arrondissements soient prises sans que les futurs conseillers de Paris n’aient de comptes à rendre devant les conseillers municipaux.
Pire encore : en brisant le lien essentiel entre arrondissements et mairie centrale, le texte affaiblira les mairies d’arrondissement, dont l’élection deviendra subalterne alors qu’il s’agit du cœur battant de la vie locale parisienne, marseillaise et lyonnaise. Alors que de nombreuses études s’accordent à dénoncer la déconnexion sociale entre les élus et les classes populaires, au lieu d’engager un débat sur la parité sociale, votre réforme permettra par exemple aux classes dominantes de l’ouest parisien et du centre de dominer plus encore et donnera lieu à une sous-représentation des classes populaires du Nord-Est de Paris au sein du futur conseil de Paris.
Rien sur les conséquences de cette loi sur les élections sénatoriales à venir, non plus que sur le financement des doubles campagnes municipales et l’organisation des modes de scrutin – à Lyon, ce ne sera pas une usine à gaz : ce sera illisible !
Nous sommes face à un chantier ouvert à la hâte, sans plan, sans architecte, sans fondations. Les conséquences pourraient en être durables. Je le dis donc avec gravité mais aussi avec espoir : ce texte ne doit pas passer parce qu’il trahit l’exigence républicaine, parce qu’il menace la démocratie locale, parce qu’il abîme l’idée même de ce que devrait être une réforme électorale dans une démocratie digne de ce nom, à savoir un processus juste, transparent, débattu, respectueux du suffrage et des citoyens. Changer les règles du jeu ne constitue jamais un geste neutre : c’est un acte de pouvoir. Or le pouvoir, lorsqu’il devient méfiant à l’égard du peuple, lorsqu’il tente de le devancer ou de le contourner, cesse d’être légitime. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. – Mme Elsa Faucillon et M. Emmanuel Grégoire applaudissent également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sophie Mette.
Mme Sophie Mette
La disparition d’Olivier Marleix est un choc pour nous tous. Je tiens, au nom du groupe Les Démocrates, à m’associer à la peine de ses proches. Chacun d’entre nous adresse une pensée à sa famille, ses amis et ses collaborateurs.
La réforme du mode de scrutin en vigueur à Paris, Lyon et Marseille, que nous examinons en seconde lecture, répond à une exigence démocratique : assurer une élection plus représentative et lisible pour les citoyens.
Le système dérogatoire instauré par la loi PLM de 1982 se justifiait par un besoin de renforcer la proximité de l’administration municipale avec les habitants mais il a engendré plus de complexité et fragilisé la légitimité démocratique des exécutifs municipaux. Il est donc de notre devoir de législateur de nous interroger sur une réforme plus juste et plus démocratique du mode de scrutin à Paris, Lyon et Marseille.
Le mode de scrutin actuel présente en effet plusieurs inconvénients.
En premier lieu, il tend à accorder un poids différent au vote des citoyens selon les secteurs dans lesquels ils résident, accentuant la fracture démocratique. Un candidat peut ainsi devenir maire sans obtenir la majorité des suffrages exprimés au niveau global de la commune du fait de l’élection des conseillers municipaux par arrondissement avec une prime majoritaire de 50 %. De même, un maire peut être élu sans recueillir la majorité dans le secteur ou l’arrondissement dans lequel il se présente.
En second lieu, il favorise les stratégies électorales et conduit à faire primer la conquête de certains secteurs sur celle de l’adhésion populaire. Un maire peut être alors élu tout en ayant obtenu moins de voix que ses adversaires, uniquement parce que son camp a su optimiser la répartition des sièges. Alors que le conseil municipal est censé refléter le choix exprimé par la majorité des électeurs, ce mode de scrutin tend à déformer la volonté populaire. Cette situation alimente une défiance grandissante envers le politique et nuit à la compréhension du scrutin par les électeurs.
En instaurant deux scrutins distincts, l’un pour les conseils municipaux et l’autre pour les conseils d’arrondissement, la proposition de loi entend remédier aux distorsions électorales et rétablir un principe fondamental : une élection municipale où chaque voix compte de manière égale et représente de manière fidèle la volonté des électeurs sans que la territorialité ne prime sur le vote populaire. De plus, en réduisant la prime majoritaire à 25 %, elle permet une meilleure adéquation entre le poids électoral des différentes listes et leur représentation effective au sein du conseil municipal. Cette réforme n’est ni une recentralisation du pouvoir municipal, ni une rupture du lien entre le conseil d’arrondissement et le conseil municipal central. C’est au contraire une redéfinition plus claire des responsabilités locales.
Je tiens à saluer le travail et l’engagement de mon collègue, le rapporteur Jean-Paul Mattei ; il a consulté l’ensemble des acteurs concernés et a su écouter et mener les concertations nécessaires avec l’ensemble des groupes politiques de cette assemblée afin de trouver une rédaction qui convienne au plus grand nombre.
La réforme s’inscrit pleinement dans les principes démocratiques que défend notre groupe, engagé en faveur d’une démocratie locale plus juste, plus transparente et plus représentative. Fidèle à son attachement à des institutions claires et équilibrées, il soutiendra toute évolution garantissant une meilleure lisibilité du scrutin, une représentation plus fidèle des citoyens et un renforcement du lien démocratique entre électeurs et élus. En rétablissant ces fondamentaux, cette réforme permet d’aligner les élections municipales de ces grandes villes sur les principes électoraux appliqués à l’ensemble des communes françaises. Nous soutiendrons donc cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – M. le rapporteur applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean Moulliere.
M. Jean Moulliere
Je souhaite m’associer avec mes collègues du groupe Horizons & indépendants à l’hommage rendu à notre collègue Olivier Marleix. Le jeune député que je suis ne pouvait être qu’impressionné en commission des lois par l’expérience parlementaire de cet homme de conviction, profondément attaché à nos institutions. Il portait haut les valeurs de la République et du débat démocratique. Nos pensées vont à ses filles, à sa famille, à ses proches et à sa seconde famille, le groupe de la Droite républicaine. Sa voix manquera dans cet hémicycle.
Nous entamons cette dernière semaine de session extraordinaire avec l’examen d’une réforme du mode de scrutin applicable aux villes de Paris, Lyon et Marseille. Je regrette que ce moment ne soit pas mis à profit pour débattre de textes plus essentiels pour nos concitoyens, conformément à ce qui avait été initialement annoncé.
Le groupe Horizons & indépendants déplore aussi la méthode employée : un deuxième passage précipité par les deux chambres, concentrée sur ces cinq derniers jours de session, avec un vote final ce jeudi ou ce vendredi, à un moment où seuls les députés franciliens seront vraisemblablement présents. C’est d’ailleurs tout le problème de ce texte qui est finalement assez parisien.
Cela ne correspond ni à l’esprit de dialogue, ni à la méthode législative à laquelle nous sommes attachés. Le parcours de cette proposition de loi témoigne de ces difficultés. Rejet au Sénat et échec de la commission mixte paritaire : de tels signaux devraient nous inviter à la prudence. Cette précipitation se traduit dans la rédaction même du texte, qui laisse de nombreux trous dans la raquette.
Je pense notamment à la situation paradoxale des maires d’arrondissement qui, en l’état, pourraient ne pas siéger au conseil municipal central. Je salue le dépôt d’un amendement du gouvernement à ce sujet, que nous soutiendrons afin de pallier cette lacune.
Cependant, cela n’est pas suffisant : il reste l’absence de propositions sur la répartition des compétences entre la mairie centrale et les mairies d’arrondissement, ainsi que des incertitudes autour des règles de financement des campagnes ou encore sur les implications logistiques liées à la multiplication des bureaux de vote le jour du scrutin. À Lyon, par exemple, les électeurs pourraient devoir glisser trois bulletins différents dans trois urnes. Est-ce vraiment lisible et acceptable pour nos concitoyens ?
Je tiens à saluer le travail du rapporteur Jean-Paul Mattei, qui a tenté de tracer un chemin de crête. Vous avez évoqué lors de la commission mixte paritaire, monsieur le rapporteur, la possibilité d’une mission flash sur la répartition des compétences à l’issue de l’adoption du texte. N’aurait-il pas été plus pertinent d’engager cette réflexion en amont ? Une telle mission aurait alors permis de proposer une réforme cohérente et globale, articulant mode de scrutin et organisation institutionnelle dans ces grandes métropoles.
Par ailleurs, sur la forme, modifier le mode de scrutin à quelques mois seulement des élections municipales soulève des questions légitimes. Nous l’avions également souligné pour la réforme du mode de scrutin dans les communes de moins de 1 000 habitants et mon groupe s’était abstenu pour cette raison. Un mode de scrutin peut certes se modifier, mais toujours d’une main tremblante. Entre la modification pour les communes rurales, la modification pour les plus grandes métropoles de France et la possibilité d’une modification pour les législatives avec l’idée de la proportionnelle intégrale, nous sommes bien loin de cette main tremblante. Le bulldozer, c’est bon pour les démolitions, pas pour écrire la loi.
Nous voyons aussi au fil des débats combien cette réforme divise jusqu’au sein même des partis politiques, les positions variant selon les réalités locales. Quid de l’intérêt des projets partisans dans des villes où c’est l’intérêt des élus qui prime ? Le texte prétend par ailleurs rapprocher les électeurs de leurs représentants en permettant aux habitants de voter directement pour leurs élus aux conseils municipaux de Lyon et de Marseille ou au conseil de Paris. Le groupe Horizons & indépendants a toujours été favorable à ce dispositif, mais il s’éloigne en réalité du droit commun : pourquoi maintenir une prime majoritaire à 25 % dans ces trois villes quand elle est de 50 % ailleurs ?
Lors de la première lecture, nous avions choisi l’abstention pour permettre à la navette parlementaire de suivre son cours, mais pour toutes les raisons évoquées, le groupe Horizons & indépendants votera contre cette proposition de loi. (M. Sylvain Berrios applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Martine Froger.
Mme Martine Froger
Le groupe LIOT s’associe pleinement aux hommages rendus à notre collègue Olivier Marleix. Sa disparition nous bouleverse tous, et nos pensées en cet instant se tournent vers sa famille, vers ses proches et vers ses collaborateurs.
Depuis le dépôt de ce texte, notre groupe a exprimé des réserves importantes quant à la méthode employée. Il me paraît utile de rappeler les conditions inhabituelles dans lesquelles cette réforme a été présentée et discutée en première lecture : une inscription accélérée à l’ordre du jour, l’absence d’étude d’impact pour en mesurer les conséquences concrètes et le choix de ne pas solliciter l’avis du Conseil d’État. Ces éléments sont regrettables car ils affaiblissent la qualité de notre travail législatif. Ils le sont d’autant plus que nous touchons ici à un sujet sensible : les règles encadrant l’élection municipale dans les trois plus grandes villes de notre pays.
Or aujourd’hui encore, malgré l’échec de la commission mixte paritaire, nous sommes amenés à nous prononcer dans des délais très contraints et à moins d’un an des prochaines élections municipales. Nous devons collectivement nous interroger : était-il nécessaire d’agir dans l’urgence ? N’aurions-nous pas pu, dans le cadre de cette session extraordinaire, consacrer le temps parlementaire à d’autres priorités jugées essentielles par nos concitoyens ?
Nous ne contestons pas par principe l’idée d’aligner le régime électoral de Paris, de Lyon et de Marseille sur le droit commun ; elle peut tout à fait se défendre. Il n’est pas absurde de vouloir plus d’uniformité et de lisibilité des règles électorales. Mais encore faudrait-il adopter une méthode respectueuse du débat démocratique et attentive aux spécificités locales car Paris, Lyon et Marseille sont trois métropoles aux réalités bien distinctes. Une réforme uniforme ne peut s’y appliquer sans concertation approfondie avec les élus locaux et sans prendre en compte des attentes de leurs habitants.
En l’état, ce texte nous donne le sentiment d’avoir été pensé avant tout depuis Paris, et il peine à intégrer les particularités de Lyon et de Marseille. C’est une faiblesse importante car la démocratie locale ne se décrète pas depuis le niveau national : elle se construit avec les territoires, dans la concertation.
Un autre point pose problème : la dissociation entre la réforme électorale et la réforme des compétences des mairies d’arrondissement. Il ne suffit pas de modifier les règles de l’élection ; encore faut-il clarifier les rôles et les responsabilités de chacun – conseil municipal, mairie centrale et conseils d’arrondissement. Or le texte renvoie seulement à un rapport ultérieur cette question pourtant essentielle. Ce choix nous semble en deçà des enjeux car sans réflexion sur les compétences, une réforme électorale risque de manquer son objectif, voire d’aboutir à l’effet inverse de celui recherché : une concentration accrue des pouvoirs au sein des conseils municipaux, au détriment de la proximité et du rôle des arrondissements.
Nous tenons également à rappeler un principe démocratique fondamental : il est toujours délicat et souvent contestable de modifier les règles électorales à quelques mois seulement du scrutin. C’est une question de lisibilité et de loyauté à l’égard des électeurs et des futurs candidats. Il aurait été plus sage de mener un travail approfondi et de laisser le temps à la concertation avec les élus locaux afin d’aboutir à une réforme complète et cohérente qui traite à la fois du mode de scrutin et des compétences des arrondissements.
En somme, ce texte est moins critiquable par ses intentions affichées que par sa méthode et par son calendrier : précipitation, manque de concertation et absence de vision d’ensemble sur la gouvernance locale. Pour notre part, nous estimons qu’une réforme de cette importance méritait un traitement plus rigoureux et plus respectueux des principes de la démocratie locale. C’est pourquoi notre groupe, dans sa grande majorité, n’apportera pas son soutien à ce texte en l’état.
Mme la présidente
La parole est à Mme Elsa Faucillon.
Mme Elsa Faucillon
Je tiens à dire, au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, le choc que l’annonce du décès d’Olivier Marleix représente pour chacun et chacune d’entre nous, et à m’associer aux condoléances à sa famille, à ses proches, à ses collègues et à ses collaborateurs et collaboratrices, et dire aussi qu’il manquera dans cet hémicycle et à la commission des lois.
J’en viens au texte que nous examinons aujourd’hui. Cette proposition de loi nous est présentée sous un slogan qu’on pourrait comparer à un slogan marketing que je qualifierai d’aussi simpliste que mensonger : « Une personne, une voix ». Dans la réalité, ce principe n’est appliqué dans aucune commune car la prime majoritaire crée mécaniquement une inégalité entre les voix exprimées pour la liste arrivée en tête et celles des autres. Cette réforme ne changera en rien cette distorsion démocratique.
Une fois ce slogan écarté, que reste-t-il pour justifier le démantèlement du système actuel ? Rien, sinon une volonté politique déconnectée des réalités locales, le dispositif existant étant pourtant plébiscité par les élus de terrain, notamment par l’ensemble des maires d’arrondissement à Paris – à une exception près… Peut-être faut-il y voir la raison de cette proposition de loi.
Ce dispositif permet aujourd’hui de rapprocher les Marseillais, les Lyonnais et les Parisiens de leurs représentants. Depuis plusieurs décennies, l’arrondissement s’est en effet imposé comme un véritable cadre de démocratie de proximité ; il joue un rôle concret qu’il s’agisse de l’entretien de l’espace public, de la police municipale ou de la vie citoyenne et associative. Grâce aux missions confiées au conseil d’arrondissement, les habitants bénéficient d’une gestion locale incarnée par des élus démocratiquement désignés. Ce lien de proximité est, je le crois, au cœur de notre démocratie. Il est largement reconnu et salué par les élus des trois grandes villes concernées.
Le système électoral actuel crée un lien organique entre les conseils municipaux et les conseils d’arrondissement. Or cette proposition de loi vise à le rompre en séparant l’élection du conseil de Paris de celle des conseils d’arrondissement. Cela rendrait possible l’élection d’un maire sans ancrage local et favoriserait les parachutages comme la rupture du lien entre gouvernance et terrain. Les conseils d’arrondissement perdraient alors leur rôle et leur légitimité, réduits à n’être plus que des chambres d’enregistrement ou des parlements fantômes.
Dans la profonde crise démocratique que nous traversons, il est incompréhensible de prendre le risque de détruire ce lien de proximité entre citoyens et élus. Notre démocratie a besoin de proximité, d’horizontalité et de reconnaissance des élus locaux. Imaginer que l’éloignement du pouvoir décisionnel serait bénéfique est un contresens démocratique.
L’égalité ne consiste pas à appliquer mécaniquement la même règle à des situations différentes. Paris, Lyon et Marseille sont parmi les plus grandes villes de France. Leur taille, leur organisation et la spécificité de leurs enjeux exigent un traitement différencié. Refuser cette réalité, c’est nier leur singularité. De plus, la proposition de loi ne supprime pas tout à fait le régime dérogatoire : elle en crée un nouveau, avec une prime majoritaire ad hoc de 25 %. On sort donc d’un régime d’exception pour en créer un autre.
Enfin, pour aller plus vite, les auteurs de cette réforme n’ont même pas pris la peine de consulter le Conseil d’État ou d’auditionner les élus concernés, dont l’expertise aurait pourtant permis d’anticiper les nombreux effets de bord des modifications proposées. Les débats à l’Assemblée nationale et au Sénat ont mis en évidence de nombreuses contraintes techniques. J’en évoquerai seulement trois.
La première porte sur le financement des campagnes. La tenue simultanée de plusieurs scrutins impliquerait le dépôt de plusieurs comptes de campagne alors qu’il serait quasiment impossible de distinguer les dépenses engagées pour la mairie centrale de celles engagées pour les mairies d’arrondissement. La seconde concerne le manque de lisibilité du scrutin à Lyon. La réforme imposerait la tenue de trois élections en parallèle, créant une confusion préjudiciable à la lisibilité démocratique pour les électeurs. La troisième a trait à la possibilité de siéger au conseil de Paris sans être élu dans un conseil d’arrondissement, qui romprait totalement l’ancrage local des conseillers de Paris. De nombreuses interrogations ont été soulevées par les parlementaires sur ces points, mais les auteurs de la proposition de loi n’y ont pas répondu. Leur seul leitmotiv semble l’espoir d’une revanche politique après leur échec électoral de 2020.
Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine ne peut que s’opposer à cette proposition de loi, dont les intentions ne sont pas très claires. S’il est probable, compte tenu des présences à l’instant dans l’hémicycle, que le texte soit adopté aujourd’hui, je crois qu’il n’épargnera pas à la minorité présidentielle la débâcle qui l’attend l’an prochain. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
La discussion générale est close.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Je voudrais m’exprimer à la suite des hommages rendus à notre collègue Olivier Marleix, qui va nous manquer dans ce débat, où il était très actif. Plus personnellement, j’ai eu l’honneur de le côtoyer en tant que président de groupe pendant deux ans. Nous étions assis côte à côte à la conférence des présidents. Cela restera un souvenir dense car, chaque fois qu’il prenait la parole, il était écouté et respecté. Je pense à lui, à sa famille et à tous ses proches. Il va manquer à sa famille, mais aussi à l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur tous les bancs.)
Discussion des articles
Mme la présidente
J’appelle maintenant dans le texte de la commission les articles de la proposition de loi sur lesquels les deux assemblées n’ont pu parvenir à un texte identique.
Article 1er
Mme la présidente
La parole est à Mme Céline Hervieu.
Mme Céline Hervieu
Je me suis inscrite sur l’article 1er pour réaffirmer l’opposition des socialistes au texte, opposition que mon collègue Emmanuel Grégoire confirmera dans un instant.
Tout d’abord, cette proposition de loi est mauvaise car elle est assise sur des mensonges. Le premier d’entre eux est celui selon lequel l’élection municipale, notamment à Paris, serait une anomalie démocratique qui pourrait voir le ou la maire être élu, ou élue, sans avoir recueilli la majorité des voix. C’est faux. La dernière fois où cela s’est produit dans une des villes concernées par le texte remonte à 1983 à Marseille. Depuis plus de quarante ans, donc, les maires des plus grandes villes ont été élus parce qu’ils ont obtenu une majorité de voix.
Ensuite, ce texte est d’un autre temps. Comme cela a été répété et comme cela le sera encore, il fait fi des évolutions démocratiques à Paris, Lyon et Marseille, trois villes qui ont des réalités territoriales et des organisations politiques tout à fait différentes les unes des autres. Vouloir appliquer un modèle unique à ces trois collectivités est une erreur. La proposition de loi a abandonné l’idée de s’attacher à leurs particularités démocratiques et démographiques.
Enfin, elle ne témoigne d’aucune vision. Au moins la réforme du mode de scrutin proposée par Gaston Defferre en 1982 s’accompagnait-elle d’une conception de ce que ce devait être la décentralisation. À Paris, avec Anne Hidalgo, nous avons poussé cette logique de décentralisation, pour être au plus près des territoires, avec une politique de proximité, dite de la ville du quart d’heure, et l’attribution de plus de compétences aux mairies d’arrondissement. Le texte vise à détricoter cette évolution et les dispositions qui la soutenaient.
La proposition de loi, qui ne témoigne d’aucune vision, repose sur des mensonges et relève d’un autre temps, n’est qu’une manœuvre. Or quand on emploie ce mot dans un contexte électoral, c’est généralement pour parler d’une basse manœuvre. Chacun le sait, la droite macroniste tourne et retourne les choses dans tous les sens pour essayer d’obtenir des élus locaux.
Mme la présidente
Il faut conclure, madame la députée.
Mme Céline Hervieu
Les Parisiens ne sont pas dupes et ce n’est pas de la sorte que vous gagnerez leur confiance.
Mme la présidente
Nous en venons aux amendements. Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 6, 17 et 26, tendant à supprimer l’article 1er.
La parole est à M. Emmanuel Grégoire, pour soutenir l’amendement no 6.
M. Emmanuel Grégoire
Qu’il me soit permis à mon tour d’exprimer une pensée pour Olivier Marleix. Je ne le connaissais pas avant d’être député et – triste hasard ! – c’est sur ce texte que nous avons l’occasion de beaucoup échanger – grâce à vous, aussi monsieur le rapporteur, que je veux remercier même si nous ne sommes pas d’accord. Je garde le souvenir de son sérieux. Je suis très triste qu’il ne soit pas parmi nous et je m’associe à toutes les paroles qui ont été prononcées.
Évidemment, pour que nous puissions avancer et nous consacrer à l’essentiel, les circonstances exceptionnelles de notre débat m’inviteront à la sobriété, qui n’empêche pas une forme de fermeté. La défense des amendements de suppression que j’ai déposés fournira l’occasion de rappeler les motifs d’inconstitutionnalité qui nous semblent menacer le texte.
Tout d’abord, je souhaite exposer les conséquences qu’aurait son adoption sur les modalités pratiques du scrutin. Il faut prendre la mesure de l’impréparation et des immenses difficultés qui vont apparaître lors de l’organisation des élections. Ainsi, à Paris, le passage de 902 à 1 804 bureaux de vote aura un coût important en matière de logistique et de ressources humaines. J’alerte aussi sur l’illisibilité du bulletin de vote, alors même qu’on plaide pour une simplification démocratique ; sur l’extrême complexité de l’organisation de deux scrutins, notamment pour le dépouillement et le récolement des votes ; sur la confusion dans le parcours de vote des électeurs, avec la nécessité de manipuler deux, voire trois, bulletins, et sur l’impréparation des systèmes informatiques du ministère de l’intérieur. L’urgence avec laquelle ce texte est proposé à notre assemblée fait peser un grave risque démocratique sur l’organisation d’un scrutin qui aura lieu dans seulement quelques mois.
Mme la présidente
Sur les amendements identiques nos 6, 17 et 26, je suis saisie par le groupe Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Sandrine Runel, pour soutenir l’amendement no 17.
Mme Sandrine Runel
Je veux également dire un mot en mémoire du député Marleix. Comme mon collègue, j’ai eu l’occasion de beaucoup échanger avec lui dans le cadre du débat sur ce texte, et toujours de manière très constructive. Je tenais donc à adresser mes condoléances à sa famille.
Sans surprise, l’amendement que je défends a pour but de supprimer l’article 1er, puisque, nous le répétons, la proposition de loi n’a pas été travaillée avec les collectivités concernées. Si l’on veut garantir la meilleure lisibilité possible de la démocratie, il ne faut pas organiser à Lyon trois élections et trois scrutins le même jour. Les citoyens ne s’y retrouveraient pas, ils ne comprendraient pas pourquoi il leur faudrait voter une fois pour l’arrondissement, une fois pour le maire et une fois pour la métropole. Adopté en l’état, le texte mettrait à mal la représentation des citoyens et la démocratie locale dans les villes concernées. À l’heure que nous vivons, ce n’est absolument pas ce que nous devons rechercher.
Mme la présidente
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l’amendement no 26.
Mme Elsa Faucillon
Je reviens sur quelques-uns des arguments que j’ai évoqués au cours de la discussion générale. Nous pensons que ce texte peut entraîner un amoindrissement de la légitimité démocratique des élus des très grandes villes, alors même que le fort besoin de proximité y est encore plus difficile à satisfaire. De plus, la création d’une prime majoritaire de 25 %, dérogatoire au seuil de 50 % en vigueur ailleurs, nous paraît injustifiée. On crée une nouvelle exception tout en disant vouloir sortir d’un système dérogatoire. Tout cela ne nous semble pas sérieux. Je conclus en évoquant les trois scrutins simultanés à Lyon, qui ne correspondent pas à l’objectif affiché de simplification. Pour ces différentes raisons, et d’autres, nous proposons la suppression de l’article 1er.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Il est évidemment défavorable. En réponse aux critiques sur la forme, je rappelle qu’un débat a déjà eu lieu dans l’hémicycle. Lors des travaux préparatoires, nous avons décalé la réunion de la commission des lois d’une quinzaine de jours pour mener plus d’auditions, pour échanger sur le texte, comme nous continuons à le faire aujourd’hui. En revanche, je regrette qu’un vrai débat n’ait pu avoir lieu avec le Sénat, que la commission mixte paritaire ait été particulièrement silencieuse et qu’aucune avancée n’ait pu y être obtenue.
Ensuite, vous parlez de la difficulté de l’organisation du scrutin. J’ai été maire pendant seize ans, j’ai organisé des scrutins et je sais donc que ce n’est pas toujours facile, mais j’ai du mal à imaginer qu’une grande ville comme Lyon n’y parvienne pas.
M. Sylvain Maillard
Il a raison !
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Par ailleurs, j’ai du mal à comprendre en quoi il serait anormal de vouloir faire élire les conseillers municipaux de la même manière partout en France.
M. Emmanuel Grégoire
Ce n’est pas ce qui est prévu !
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Même si ce sont toujours les conseillers municipaux qui élisent le maire, l’existence de conseillers centraux et leur mode d’élection créent une différence.
En réponse aux reproches de tripatouillage, que je vis assez mal, je rappelle que je n’ai été instrumentalisé par personne. J’ai essayé de bâtir un dialogue et j’espère que nos échanges du jour seront constructifs. Le texte me paraît transparent et équilibré. J’étais partagé à propos de celui sur la réforme du scrutin dans les communes de moins de 1 000 habitants. La parité me paraît un choix normal et de bon sens, mais j’en vois les difficultés, qu’on constate sur le terrain. Un texte qui concerne près de 80 % des communes a été adopté il y a quelques semaines sans que le débat choque quiconque et là, parce qu’il s’agit de Paris, Lyon et Marseille, il en va tout autrement. Que le débat continue dans l’hémicycle : c’est sain !
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Je rejoins les propos de M. le rapporteur et son avis défavorable. Nous sommes nombreux ici à avoir assumé pendant très longtemps des fonctions municipales et à avoir organisé des élections à plusieurs scrutins. En réponse à l’inquiétude légitime de M. Grégoire sur la lisibilité du scrutin, je me souviens avoir organisé le même jour de 2004 des cantonales et des régionales, deux scrutins particulièrement disparates, et, en 2008, des municipales et des cantonales. Nous y étions parvenus et, incontestablement, les électeurs s’y étaient retrouvés.
À propos de Lyon, sujet sur lequel j’imagine que nous reviendrons, je rappelle que le gouvernement était favorable à l’idée de sortir cette ville du périmètre du texte en raison de sa transformation en collectivité à statut particulier par la loi Maptam de 2014. Le seul point d’accord entre l’Assemblée nationale et le Sénat a constitué à s’y opposer : l’amendement du gouvernement a été rejeté par les deux chambres. Il nous a été reproché de ne pas respecter la volonté du Sénat : si on entend la prendre en considération, sa préférence, comme celle de l’Assemblée, est de maintenir Lyon dans le dispositif.
Mme la présidente
La parole est à Mme Danielle Simonnet.
Mme Danielle Simonnet
Combien, cela va-t-il coûter ? Deux urnes pour deux scrutins illisibles – trois à Lyon ; des frais multipliés par deux ; deux comptes de campagnes sans possibilité de distinguer les dépenses selon les niveaux. Surtout, quand on peut se retrouver avec des conseillers de Paris, de Lyon et de Marseille, totalement déconnectés des arrondissements, hors sol, où est le gain démocratique ?
Des conseillers et même des maires d’arrondissement pourraient ne pas être élus aux conseils centraux – vous imaginez ? Alors que l’on vote le budget au conseil central, tel maire d’arrondissement, dont le conseil ne constitue pas une mairie de plein exercice, ne participerait même pas à l’assemblée qui décide du budget, faute d’y siéger, que ce soit dans la majorité ou dans l’opposition. La population de certains arrondissements pourrait n’avoir aucun représentant dans les conseils centraux.
Rien dans le texte ne permet de garantir dans ces grandes villes une représentation beaucoup plus proche des citoyens par arrondissement. Je n’y vois donc pas de gain démocratique, mais une centralisation renforcée. Cela revient à aggraver dans ces grandes villes une dérive que nous critiquons dans la Ve République.
Franchement, c’est du bidouillage, du tripatouillage ! Vous avez refusé que l’on utilise ce terme, mais, excusez du peu, à moins d’un an des élections municipales, c’est bien celui qui convient le mieux pour décrire votre proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
M. Florent Boudié, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
J’ai d’abord une pensée très émue pour Olivier Marleix, qui était membre de la commission des lois et à qui je veux par conséquent rendre hommage. La semaine dernière, nous avons partagé le banc pour l’examen d’un texte qui fera l’objet d’un vote solennel demain. Toutes nos pensées collectives vont à ses proches dans ce moment particulièrement douloureux, qui ne peut, je dois dire, qu’inviter à prendre du recul par rapport à nos débats. Ils sont certes importants, mais au regard du drame auquel nous sommes confrontés en tant que collègues de ce député – j’ai été élu en même temps que lui, en 2012 –, nous ne pouvons que leur donner la tonalité qui convient.
Je ne crois qu’il faille supprimer l’article 1er. Et puisque les termes « trucage » et « tripatouillage » ont été employés, je me permets de rappeler qu’alors que la réforme d’un mode de scrutin est débattue, le gouvernement a accepté, à ma demande et avant même que le texte soit examiné en commission des lois – c’est une première –, de fournir des projections correspondant aux effets des différents modes de scrutin évoqués. J’avoue, monsieur le ministre, que j’avais eu l’outrecuidance de considérer – nous avions eu cette discussion en coulisse, si j’ose dire – qu’il s’agissait là d’une condition préalable à la tenue de nos débats. Je dois donc vous remercier, puisque vous l’avez remplie, ce qui a permis, me semble-t-il, d’éclairer la commission.
À ce stade, j’aimerais dire une chose sur la loi PLM : quelles que soient les opinions des uns et des autres, la grande utilité du débat sur l’initiative des auteurs de cette proposition de loi tient à ce que chacun reconnaît que le mode de scrutin datant de 1982 a considérablement vieilli. D’une certaine façon, chacun reconnaît qu’il faudra tôt ou tard le réformer. La question est : tout de suite – à huit mois des élections municipales – ou plus tard ? Quand j’écoute les arguments des uns et des autres, je ne trouve en tout cas plus aucun défenseur du mode de scrutin existant. Cela montre l’utilité que le débat se poursuive, en dépit des oppositions, dont la première vient d’ailleurs du Sénat.
Par conséquent, supprimer l’article 1er ne me semble pas opportun à ce stade ; il faut continuer la discussion, afin de trouver des options – le rapporteur a d’ailleurs donné des signes d’ouverture très forts, en vue de satisfaire les tenants d’autres positions apparues au cours de nos débats.
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 6, 17 et 26.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 117
Nombre de suffrages exprimés 116
Majorité absolue 59
Pour l’adoption 22
Contre 94
(Les amendements identiques nos 6, 17 et 26 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je suis saisie de plusieurs demandes de scrutin public : sur les amendements identiques nos 5 et 27 par les groupes Ensemble pour la République et Écologiste et social ; sur l’amendement no 2 par le groupe Socialistes et apparentés ; sur l’amendement no 18 par le groupe Écologiste et social, sur les amendements identiques nos 3 et 4 par le groupe Socialistes et apparentés ; et sur l’article 1er par le groupe Ensemble pour la République et par le groupe Socialistes et apparentés.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 5 et 27.
La parole est à Mme Sandrine Runel, pour soutenir l’amendement no 5.
Mme Sandrine Runel
Bien que cela me donne l’impression de me répéter encore et toujours, je voudrais revenir sur certains mensonges qui ont été proférés. Non, monsieur le rapporteur, vous le savez, si l’amendement du gouvernement tendant à exclure Lyon du champ d’application de cette proposition de loi n’a pas été adopté, c’est uniquement parce que vous avez peur de l’inconstitutionnalité qui en résulterait. Il est vrai qu’un texte dont l’intitulé mentionne Paris, Lyon et Marseille, alors qu’il ne concerne plus Lyon, ça se voit ! Il serait manifeste que le texte n’a été élaboré que pour Paris.
Entre-temps, vous avez par ailleurs trouvé un nouveau champion en la personne de Jean-Michel Aulas pour la mairie de Lyon. De ce fait, cela vous arrange peut-être aussi de laisser cette ville dans le périmètre, de sorte que vous ne voulez plus d’amendement qui l’en exclurait.
Toutefois, pour l’ensemble des raisons que j’ai déjà avancées à de multiples reprises au cours des heures que nous avons passé à examiner ce texte, et même si vous pensez qu’à Lyon, nous serions trop incompétents pour pouvoir organiser trois scrutins, il ne s’agit pas d’abord d’un problème de logistique – bien que cela en pose un en effet. Comme ma collègue l’a rappelé, la tenue de trois scrutins simultanés représente un coût, tant pour la démocratie que pour la collectivité qui doit les organiser, installant trois urnes par bureau de vote, multipliant par trois le nombre des scrutateurs, des présidents et des employés de mairie mobilisés, qu’il faut rémunérer. Tout cela a un coût, tout en compromettant – je le répète – la lisibilité de la démocratie locale.
Nous demandons donc d’exclure Lyon du périmètre : faites ce que vous voulez avec le reste, mais pas avec Lyon ! (Sourires. – Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Marie-Charlotte Garin, pour soutenir l’amendement no 27.
Mme Marie-Charlotte Garin
Vous me permettrez d’avoir une pensée émue pour notre collègue Olivier Marleix et pour toutes les personnes à qui il était cher.
Pour en revenir au texte, l’amendement vise à exclure Lyon du champ de la réforme. « À l’issue de ces consultations et de nos débats en commission, j’ai décidé de proposer plusieurs amendements visant à exclure Lyon du champ de la réforme. En effet, il existe déjà à Lyon un second scrutin, pour le conseil de la métropole. En l’état, la tenue simultanée de trois élections municipales le même jour est inenvisageable. Le gouvernement remettra donc au Parlement, dans un délai d’un an, un rapport sur les évolutions souhaitables du mode de scrutin lyonnais. Cet exemple montre selon moi que le dialogue parlementaire fonctionne : ces amendements sont la conséquence des interpellations, légitimes, des élus lyonnais. » Ce sont vos propos, tenus au cours de la séance de l’après-midi du 8 avril dernier, lorsque ce texte est déjà venu devant notre assemblée, que je cite, monsieur le rapporteur. À vous, dont le nom est associé au sens de la parole donnée et de l’honneur, je pose la question, monsieur Mattei : pourriez-vous expliquer pourquoi vous avez changé d’avis sur cet amendement visant à exclure Lyon ?
M. Erwan Balanant
Il n’y a que les imbéciles qui ne changent jamais d’avis !
Mme Marie-Charlotte Garin
En effet, comme l’a très justement rappelé ma collègue Runel, hormis l’invocation d’un risque d’inconstitutionnalité – c’est se cacher derrière son petit doigt –, on ne voit pas la légitimité d’un tel revirement. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Ces amendements visent à exclure Lyon. J’avais moi-même déposé un amendement en ce sens, mais on a cheminé au cours de la discussion et l’on peut changer d’avis à la réflexion.
Je reviens d’abord sur l’organisation des élections. Je suis un peu étonné d’entendre parler des coûts qu’elle occasionne : organiser les élections est l’une des fonctions d’une municipalité. (Mme Marie-Charlotte Garin s’exclame.) J’étais en train de réfléchir : dans les différents budgets communaux, je n’ai jamais mis en exergue le coût que représentait l’organisation d’une élection, qui relève de notre rôle, lorsque nous sommes élus municipaux.
Mme Marie-Charlotte Garin
On ne parle pas de villes de la même taille !
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Ce ne sont peut-être pas les mêmes.
Quant à la particularité de Lyon, j’avais essayé de me convaincre de l’opportunité d’exclure cette ville du fait de l’existence, pour l’élection des conseillers métropolitains, d’un scrutin de liste – mode de scrutin que nous entendons promouvoir, conformément à l’esprit du suffrage universel – dont on pouvait se contenter. Il se trouve que le statut juridique de la métropole de Lyon est assez complexe : entre département et intercommunalité, on a du mal à s’y retrouver – d’ailleurs dans la codification, elle est plutôt traitée comme un département.
Après réflexion et vu l’évolution du texte au cours de son cheminement législatif, il m’a toutefois semblé préférable de laisser Lyon dans le périmètre. En effet, d’après le rapport de notre collègue Woerth, qui s’est penché sur le cas de Lyon, nous avions deux solutions : ou bien consacrer deux week-ends supplémentaires à l’élection des conseillers métropolitains, ou bien décaler cette dernière élection de trois mois par rapport aux élections municipales. Le bon sens commande plutôt de laisser Lyon dans le périmètre, même si cela devait représenter un surcroît de travail pour l’organisation – je ne porte aucun jugement sur la compétence ou l’incompétence de la municipalité, ce n’est pas le sujet. Je comprends bien que ce sera un peu plus lourd, mais pour une élection d’une telle importance, on peut mobiliser des forces. Voilà pourquoi j’estime légitime le maintien de Lyon. Nous verrons bien ce qu’en dira le Conseil constitutionnel ; quant à nous, nous légiférons. Pour ma part, le cheminement de mon travail de rapporteur m’a poussé à revenir sur mon idée d’exclure cette ville du périmètre, ce qui se révélerait plus compliqué que de l’y maintenir. J’émets donc un avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Je me suis brièvement exprimé tout à l’heure sur le sujet ; je rejoins de nouveau la position du rapporteur. Contrairement à ce que j’ai pu entendre ici ou là depuis le début de l’examen de ce texte, le cas de Lyon montre bien que les élus locaux issus de toutes les familles politiques représentées au sein de la métropole lyonnaise et de la ville de Lyon ont bien été consultés. Il y a presque autant d’avis que de familles politiques et, au sein d’une même famille, certains ont évolué, preuve qu’il n’y a pas de vérité absolue en la matière.
Parce qu’il ne s’agit pas d’une question de convenance constitutionnelle, mais bien d’écouter la sagesse des deux assemblées, nous en sommes arrivés à la conclusion qu’il fallait laisser Lyon dans le champ d’application du texte. En effet, si l’on considère l’exigence constitutionnelle d’intelligibilité, l’une des options, consistant à tenir des élections quatre week-ends de suite, était incontestablement de nature à compromettre celle du scrutin ; celle de décaler l’élection de plusieurs semaines, voire de plusieurs mois, faisait quant à elle courir un vrai risque d’inconstitutionnalité, dans la mesure où certaines compétences de la métropole lui sont transférées par les communes, qui entretiennent donc un lien direct avec elle. Par conséquent, la meilleure solution pour éviter le risque constitutionnel que vous redoutez consiste à garder Lyon dans le périmètre, raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente
La parole est à Mme Marie-Charlotte Garin.
Mme Marie-Charlotte Garin
Vous comprenez qu’on ne peut dire aux élus locaux « nous vous avons écoutés et donc nous retirons Lyon », avant de retourner sa veste quelques mois plus tard. Outre le fait qu’il s’agit de modifier les modalités du scrutin à moins d’un an d’une élection, la modification sera inopérante sur le terrain.
Organiser une élection à l’échelle de la métropole de Lyon requiert des moyens d’une tout autre ampleur que ceux que mobilisent la plupart des élections locales. Nous l’avons déjà constaté lors de précédents scrutins, la tenue simultanée des élections métropolitaines et municipales nécessite déjà toute une logistique. Or vous nous demandez d’ajouter encore un niveau, ce qui sera très difficile sur le terrain. Peut-être êtes-vous également concernés dans vos communes respectives, mais il nous arrive de ne pas savoir jusqu’au matin du scrutin, si les assesseurs seront en nombre suffisant pour ouvrir tous les bureaux de vote. C’est une réalité que nous vivons tous et toutes sur le terrain. On a donc l’impression que vous faites de la politique politicienne au détriment du bon déroulement de l’exercice démocratique concret, ce qui n’honore ni la vie démocratique ni les citoyens : les Lyonnaises et les Lyonnais attendent un peu plus de sérieux. (Mme Danielle Simonnet applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. Emmanuel Grégoire.
M. Emmanuel Grégoire
Je souhaite évoquer deux éléments. Le premier concerne le coût : monsieur le rapporteur, je veux bien que nous le négligions, mais alors que gouvernement nous invite en permanence à la responsabilité et à la sobriété, il me semblait utile de montrer l’exemple. Second argument :…
M. Erwan Balanant
C’était un argument ?
M. Emmanuel Grégoire
…je sais bien que seuls les autosatisfaits et les huîtres ne changent pas d’avis, mais vous avez affirmé ici même que si nous n’en retirions pas Lyon, cette proposition de loi serait inconstitutionnelle. On nous explique à présent que c’est en ne l’incluant pas qu’elle le serait.
Mme Sandrine Runel
C’est un peu contradictoire !
M. Emmanuel Grégoire
J’espère au moins que le Conseil constitutionnel y verra un motif pour censurer le texte.
Mme la présidente
La parole est à M. Sylvain Berrios.
M. Sylvain Berrios
L’affaire de Lyon, si on peut la qualifier ainsi, est en effet assez surprenante. Nous verrons si le Conseil constitutionnel se prononce à ce sujet, mais il est toujours délicat de le faire parler avant même qu’il se soit exprimé.
S’agissant du coût, pardonnez-moi, monsieur le rapporteur, mais un coût supplémentaire devra bien être supporté à la fois par l’État et par les collectivités territoriales ! Je vous rappelle que sur le plan opérationnel, ce sont les collectivités qui organisent les scrutins, même s’ils ne relèvent pas de leur compétence stricte ; or le remboursement qui leur est ensuite octroyé est très inférieur aux dépenses qu’elles engagent. Par conséquent, il y aura bien un supplément de dépenses pour les communes et pour l’État. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe HOR.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Il est normal qu’il y ait un coût ! Si un référendum est organisé, il y aura un coût ! Si de nouvelles élections sont organisées, il y aura un coût !
M. Sylvain Maillard
Mais oui ! S’il y a dissolution, il y aura un coût !
Mme Olivia Grégoire
Un coût financier et politique, d’ailleurs !
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Ce débat me semble oiseux. Ayant été maire pendant seize ans, j’ai eu à organiser des élections – en 2008, par exemple, nous avons organisé le scrutin municipal et un scrutin départemental en même temps ; je n’ai jamais eu en tête leur coût ! En organisant les élections, nous ne faisons qu’exercer notre mission, car c’est une des missions qui incombent aux élus municipaux.
Mme Marie-Charlotte Garin
Et avec quel argent le faites-vous ?
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 5 et 27.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 122
Nombre de suffrages exprimés 121
Majorité absolue 61
Pour l’adoption 20
Contre 101
(Les amendements identiques nos 5 et 27 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je suis saisie de trois amendements, nos 1, 2 et 18, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Laurent Lhardit, pour soutenir les amendements nos 1 et 2, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Laurent Lhardit
Je vais d’ores et déjà retirer l’amendement no 1 pour ne conserver que le no 2, tenant ainsi compte des échanges que nous avons eus en première lecture mais aussi en commission des lois la semaine dernière. Contrairement à celui que je viens de retirer, l’amendement no 2 conserve la prime de 25 % prévue dans la proposition de loi initiale. Il vise à simplifier les opérations de vote en instituant un scrutin unique, au moyen d’un bulletin de vote où figureront à la fois la liste municipale et la liste rattachée à la même initiative politique pour chaque secteur de la commune concernée.
La réforme proposée permet déjà d’accomplir une série de progrès démocratiques, à commencer par le fait que les électeurs des villes de Paris, Marseille et Lyon vont pouvoir voter directement pour leurs conseils municipaux et seront enfin mis sur un pied d’égalité avec les électeurs des autres villes de France. À ce progrès démocratique, je veux en ajouter un autre : si l’amendement est adopté, le vote de chaque électeur, quel que soit le secteur où il a lieu, aura le même poids que celui de tous les autres pour déterminer la composition du conseil municipal et donc l’élection du maire, ce qui n’est pas le cas dans le système actuel.
Le bulletin unique qui est ici proposé permet de résoudre les potentielles difficultés liées à l’organisation de deux scrutins le même jour – cela fait écho aux discussions que nous avons depuis tout à l’heure et même depuis que nous avons commencé à examiner ce texte. Il ramène le coût des opérations de vote à ce qu’il est aujourd’hui dans les trois villes – il n’y aurait plus qu’une seule urne – et permet enfin, par ailleurs, à chaque liste et aux organismes de contrôle étatiques de n’avoir qu’un seul compte de campagne à gérer ou à contrôler. En bref, il permet d’éliminer l’essentiel des motifs qui pourraient provoquer une censure du texte par le Conseil constitutionnel. (M. Emmanuel Grégoire applaudit.)
(L’amendement no 1 est retiré.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Runel, pour soutenir l’amendement no 18.
Mme Sandrine Runel
Monsieur le rapporteur, selon vous, on ne peut pas voter quatre week-ends d’affilée mais on peut voter trois fois d’affilée le même week-end. C’est La Cité de la peur, en moins drôle pour la démocratie ! (Sourires.) Vraiment, je n’arrive pas à suivre votre raisonnement s’agissant de cette réforme.
Quant à nous, nous voulons apporter des solutions et aussi démontrer, s’il le fallait, notre bonne foi et notre volonté d’avancer sur une réforme dont vous dites que certains l’attendent depuis quarante ans – j’ai même entendu dire que c’était le cas de 90 % des Lyonnais, mais je pense que je les connais un petit peu mieux que vous ! Nous proposons donc un bulletin unique, ce qui répondrait aux attentes de tout le monde en offrant la possibilité de voter pour le conseil d’arrondissement en même temps que pour le conseil municipal de Lyon ; on ne voterait ainsi qu’une seule fois, dans un scrutin qui concernerait aussi la mairie de Lyon – je le précise puisque vous avez l’air de vouloir à tout prix que l’on vote pour élire le maire de Lyon !
M. Sylvain Maillard
C’est vrai que c’est scandaleux, de vouloir une élection municipale !
Mme Sandrine Runel
Nous aussi sommes très désireux d’y parvenir ; c’est la raison pour laquelle nous proposons ce bulletin unique, qui concrétisera de manière tout à fait transparente le principe maintes fois affiché selon lequel un électeur égale une voix. Pour ce qui est de la ville de Lyon, il permettra de voter pour 221 conseillers d’arrondissement et 73 conseillers municipaux ; chaque électeur disposera ainsi d’une vision globale et pertinente du scrutin, arrondissement par arrondissement.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Ils ne sont pas tout à fait identiques : l’un modifie la prime majoritaire dérogatoire tandis que l’autre n’y touche pas. Au départ, j’étais séduit par cette idée de bulletin unique ; mais à la réflexion, je trouve qu’il entrave une certaine liberté démocratique. Il ne serait plus possible de voter pour une liste au niveau de l’arrondissement puis pour une autre au niveau central ! On perdrait de la souplesse. En outre, si vous voulez le faire dans les trois villes concernées…
Mme Danielle Simonnet
Ce n’est pas cohérent, tout ça !
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Si ! Vous voulez contraindre les gens à voter pour la même couleur politique au niveau de l’arrondissement et à celui de la commune. Je trouve au contraire que pouvoir choisir constitue une avancée démocratique.
M. Sylvain Maillard
Eh oui !
Mme Danielle Simonnet
Mais non !
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
J’y suis d’autant plus sensible que dans nos communes rurales, la coloration politique importe moins : la recherche du consensus prévaut plus souvent.
J’ai bien conscience que dans les grandes villes, les scrutins sont plus politisés, mais je pense que des scrutins différenciés offrent une respiration qui permet aux électeurs d’avoir le choix. Avis défavorable.
Mme Marie-Charlotte Garin
Mais personne ne fait ça, monsieur le rapporteur !
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué
En effet, le gouvernement est attaché aux arrondissements, comme les rédacteurs de cette proposition de loi ; or la création d’un bulletin unique forcerait la main des électeurs et pourrait gommer l’importance des arrondissements, en contribuant à les enrégimenter derrière la dynamique du candidat à la mairie centrale. De la même façon, le bulletin unique porterait atteinte à la liberté de choix des électeurs : nous savons tous qu’il est possible d’être attaché à une personne en particulier, aux qualités personnelles d’un élu local qui n’a pas la même couleur politique que la liste pour laquelle on souhaite voter lors du scrutin plus politisé de la mairie centrale. Défavorable.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 2.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 122
Nombre de suffrages exprimés 113
Majorité absolue 57
Pour l’adoption 19
Contre 94
(L’amendement no 2 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 18.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 117
Nombre de suffrages exprimés 106
Majorité absolue 54
Pour l’adoption 12
Contre 94
(L’amendement no 18 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 3 et 4.
La parole est à M. Stéphane Delautrette, pour soutenir l’amendement no 3.
M. Stéphane Delautrette
Depuis que nous débattons sur cette proposition de loi, l’un des objectifs affichés est le suivant : il faudrait absolument ramener Paris, Lyon et Marseille dans le droit commun. Monsieur le rapporteur, vous faites souvent référence à ce qui se passe dans l’ensemble des communes de France. Je ne vous apprends rien : dans les quelque 35 000 communes de notre pays, la prime majoritaire est à 50 %. Si le texte était adopté, une particularité s’appliquerait donc à nouveau à Paris, Lyon et Marseille ; et le comble, c’est que la prime majoritaire y serait à 25 % pour la mairie centrale et à 50 % pour les mairies d’arrondissement ou de secteur !
Je veux bien tout entendre : on répète « un électeur, une voix » et on nous explique qu’il faut un système compréhensible pour les citoyens,…
M. Sylvain Maillard
Eh oui !
M. Stéphane Delautrette
…mais alors comment justifie-t-on l’existence de primes majoritaires différentes dans le même territoire, si l’on veut que nos concitoyens y comprennent quelque chose ? Surtout, nous n’avons rien vu, dans ce qu’on écrit les auteurs de la proposition de loi dans son exposé des motifs, qui légitime cette différenciation. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons que la règle soit la même pour toutes les communes de France, à savoir une prime majoritaire de 50 %. (M. Emmanuel Grégoire applaudit.)
Mme la présidente
L’amendement no 4 de M. Charles Sitzenstuhl est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Ce que j’ai dit tout à l’heure, au cours de mon intervention initiale, peut servir de réponse : je suis pour ma part favorable, partout en France, à une prime à 25 %.
M. Stéphane Delautrette
Il faut faire une autre loi, alors !
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Je n’ai pas la prétention de faire la loi tout seul. Nous avons récemment adopté un texte qui a laissé la prime à 50 % ; dont acte. Je pense tout de même que nous pouvons montrer la voie : les arrondissements garderont la prime de 50 % mais celle de la liste centrale sera abaissée à 25 %.
Mme Danielle Simonnet
Oh là là !
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Cela ne me semble pas totalement anormal ! Je me suis d’ailleurs inspiré du scrutin régional, qui concerne une population importante et où la prime est à 25 % : c’est quelque chose qui existe dans notre droit électoral. Ce n’est pas une nouveauté que nous aurions sortie du chapeau ! Ici, il n’était pas question de revoir le mode de scrutin de toutes les communes de France – la réforme que nous avons adoptée il y a quelques semaines concerne d’ailleurs 80 % des communes et représente donc une évolution majeure en la matière. Encore une fois, je pense que ce que nous proposons va dans le bon sens : l’effet d’écrasement est évité ! Nous permettons au contraire, dans un souci de démocratie, de mieux représenter les minorités.
Mme Danielle Simonnet
Alors pourquoi laisser la prime à 50 % aux arrondissements ?
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
J’ai répondu : compte tenu de l’importance de ces villes, il est logique d’apporter un correctif à la réforme en laissant les arrondissements à 50 %. Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à M. Emmanuel Grégoire.
M. Emmanuel Grégoire
Je ferai deux observations, monsieur le rapporteur. Premièrement, vous avez le droit de penser qu’une prime majoritaire à 25 % est préférable, mais je voudrais tout de même insister sur le fait qu’il s’agit d’un régime d’exception ! Depuis le début de cette réforme, vous n’avez cessé de raconter aux Parisiens, aux Lyonnais et aux Marseillais que vous vouliez faire une loi pour les rapprocher du droit commun ; or nous avons évidemment affaire à une loi d’exception.
Deuxièmement, cette prime à 25 % présente un risque majeur et c’est bien pour cela que le législateur, historiquement, avait appliqué une prime à 50 % au bloc communal. Elle pourrait en effet donner lieu – mais peut-être est-ce un peu le vieux rêve du Modem – à des assemblées qui seraient à tel point écrasées qu’il n’y aurait plus de majorité.
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 3 et 4.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 127
Nombre de suffrages exprimés 118
Majorité absolue 60
Pour l’adoption 22
Contre 96
(Les amendements identiques nos 3 et 4 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l’amendement no 31.
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Il s’agit d’un amendement rédactionnel qui vise à bien préciser que la prime de 25 % s’applique au premier et au second tour des élections.
Mme Olivia Grégoire
Excellent !
(L’amendement no 31, accepté par la commission, est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l’amendement no 28.
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Présenté par le gouvernement, il a fait l’objet d’un débat itératif entre les rapporteurs de l’Assemblée nationale et du Sénat. Il visait à assurer une présence de droit des maires d’arrondissement au conseil de Paris, au cas où ceux-ci n’auraient pas été élus audit conseil. C’est un cas relativement théorique, j’en conviens, mais qui avait été évoqué. Il se trouve cependant que le gouvernement va retirer l’amendement puisqu’à l’article 1er ter, un autre amendement dont l’adoption aurait permis à cette règle d’exception de fonctionner n’a pas passé le stade de la recevabilité.
(L’amendement no 28 est retiré.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’article 1er, tel qu’il a été amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 129
Nombre de suffrages exprimés 127
Majorité absolue 64
Pour l’adoption 103
Contre 24
(L’article 1er, amendé, est adopté.)
Article 1er bis
Mme la présidente
La parole est à Mme Céline Hervieu.
Mme Céline Hervieu
Tout à l’heure, le président de la commission des lois, M. Boudié, a dit qu’il aurait sans doute fallu réformer ce mode de scrutin à un moment ou à un autre. Certes, mais cela ne veut pas dire qu’il faut le faire n’importe comment, sans concertation et en s’opposant aux principaux élus locaux concernés ! D’ailleurs, quand vous faites de la concertation, nous avons beau vous dire non et nous opposer à ce que vous proposez, comme le font aussi les maires d’arrondissement et ceux des grandes villes, vous continuez. Ayant coché la case « concertation », vous vous obstinez à pousser cette réforme. Quant à nous, nous ne sommes pas dogmatiques.
Nous sommes d’accord pour repenser le mode de scrutin, à condition de prendre le temps nécessaire pour y réfléchir et de ne pas agir dans la précipitation.
Monsieur Maillard, vous êtes intelligent et vous pouvez réussir à convaincre vos interlocuteurs de la pertinence de vos idées sans avoir besoin de magouiller autour du mode de scrutin. En réalité, si vous procédez ainsi, c’est parce que vous n’avez pas de projet pour la Ville de Paris, ni d’incarnation ; et vous êtes sur le point de suivre Rachida Dati, contre laquelle vous vous étiez pourtant positionné lors des dernières élections municipales. On a fait mieux en termes de lisibilité ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS.)
D’autre part, il faut reconnaître aux élus socialistes, en particulier à ceux qui se présentent à Paris, comme c’est le cas d’Emmanuel Grégoire et de moi-même, le courage de prendre position avec sincérité et honnêteté car les simulations, aussi bancales soient-elles, révèlent tout de même que ce nouveau mode de scrutin, auquel nous nous opposons, favoriserait la gauche à Paris. Je crois bien, du reste, que nous sommes les seuls dans ce débat à ne pas nourrir d’intérêt électoraliste. On peut au moins nous faire crédit de cette qualité.
Enfin, je répète ce que nous avons déjà dit en commission des lois : la réforme du mode de scrutin doit s’accompagner d’une réflexion sur les compétences. C’est pour cette raison que nous avions proposé de reporter la date d’application de la réforme à 2032 pour avoir le temps d’analyser ses effets en profondeur et de présenter un texte à la hauteur des enjeux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. Sylvain Maillard.
M. Sylvain Maillard
Notre collègue Cécile Hervieu a eu beau agrémenter son propos d’un compliment à mon endroit, je lui répondrai tout de même que, contrairement à ce qu’elle prétend, j’ai pris soin, avec David Amiel, de consulter l’ensemble des maires et de mener des concertations tout au long des deux années que nous avons consacrées à ce travail. Des positions diverses ont émergé, au sein même de votre groupe, puisque le maire de Marseille est favorable à la réforme. Nous avons pris le temps de discuter avec l’opposition comme avec la majorité. En revanche, je reconnais bien volontiers qu’il y a bel et bien une personne avec laquelle nous n’avons pu discuter : la maire de Paris, qui l’a refusé – de même que son premier adjoint de l’époque, du reste. Je l’ai écrit, c’est public. Ce cas mis à part, nous avons vu toutes les autres personnes concernées.
Je répondrai ensuite à Mme Hervieu, qui affirme que cette réforme avantagerait plutôt la gauche, que nous ne soutenons pas ce texte parce qu’il servirait les intérêts d’un camp plutôt que d’un autre mais pour changer la gouvernance de ces trois villes, qui se trouve divisée du fait même du mode de scrutin.
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 7 et 20, tendant à supprimer l’article 1er bis.
Sur ces amendements ainsi que sur l’article 1er bis, je suis saisie par le groupe Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Emmanuel Grégoire, pour soutenir l’amendement no 7.
M. Emmanuel Grégoire
Je profite de la présentation de cet amendement de suppression pour vous faire part d’une réflexion. Dans le mode de scrutin actuel, aucune voix n’est perdue. Toutes les voix données à la majorité ou aux oppositions dans les arrondissements se traduisent par l’élection de conseillers d’arrondissement qui, le cas échéant, deviennent des conseillers de Paris. On peut se poser la question du nombre d’élus qu’on envoie au conseil de Paris mais ils ont des élus.
Monsieur Maillard, dans votre circonscription qui est très à droite depuis la nuit des temps, à quoi sert un électeur de gauche ?
Mme Olivia Grégoire
Bonne question.
M. Emmanuel Grégoire
Pour autant, avez-vous l’intention de redessiner votre circonscription, par souci d’assurer une « reconnaissance » démocratique ? Ce que vous soulignez, c’est tout simplement le principe de tout vote organisé dans une circonscription. En l’espèce, le mode de scrutin actuel est plutôt protecteur puisqu’il donne des élus.
D’autre part, je me demande dans quelle mesure ce texte ne porte pas atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales, consacré par l’article 72 de la Constitution. C’est la première fois dans l’histoire que nous nous apprêtons à instaurer, pour un même bloc de compétences, deux niveaux de légitimité politique avec deux scrutins différents. Il reviendra au Conseil constitutionnel de nous donner son avis. Nous prenons le risque que des territoires entiers ne soient pas représentés parce que telle sensibilité politique voudra faire figurer le maximum de candidats issus de ses bastions sur les listes. Le risque est tel que le rapporteur et le gouvernement avaient proposé, en première lecture, des mécanismes pour au moins assurer la représentation des maires d’arrondissement dans les conseils municipaux de Lyon et de Marseille et au conseil de Paris. Hélas, l’amendement du gouvernement a cette fois été déclaré irrecevable au titre de la règle de l’entonnoir. Je crois que c’est la première fois que cela se produit ! Ce défaut ne peut donc pas être corrigé.
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Runel, pour soutenir l’amendement no 20.
Mme Sandrine Runel
Nous sommes très hostiles à cette réforme et c’est donc en toute logique qu’après avoir voulu supprimer l’article 1er, nous souhaitons supprimer le suivant qui ne va pas dans le sens d’une meilleure démocratie et ne sert pas l’intérêt des communes, en particulier celui de Lyon.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Même avis.
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 7 et 20.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 125
Nombre de suffrages exprimés 123
Majorité absolue 62
Pour l’adoption 24
Contre 99
(Les amendements identiques nos 7 et 20 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l’amendement no 30.
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Cet amendement de cohérence tend à préciser que la prime majoritaire pour l’élection des conseillers métropolitains à Paris et à Marseille est de 25 %, comme en mairie centrale.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Favorable.
Mme la présidente
La parole est à Mme Danielle Simonnet.
Mme Danielle Simonnet
En matière de simplification, on a trouvé mieux ! Si je comprends bien, il s’agit de faire en sorte que le mode de scrutin à Paris, Lyon et Marseille approche le plus possible de ce qui est prévu dans les autres communes, sauf que la prime majoritaire n’y sera pas fixée à 50 % mais à 25 %. Et encore ! Ce ne sera pas 25 % partout puisqu’en arrondissement, on repassera à 50 %. Où est la cohérence ? Quel est le sens politique de ces dispositions ? Pourriez-vous au moins reconnaître qu’il est aberrant de prévoir un dispositif d’une telle complexité ? C’est d’ailleurs ce que le gouvernement a admis tacitement en déposant un amendement, même s’il l’a ensuite retiré, pour assurer une présence de droit des maires d’arrondissement de Paris, Lyon et Marseille au sein du conseil de Paris ou des conseils municipaux de Lyon et Marseille.
Il se pourrait tout à fait que je sois élue maire du 20e arrondissement mais que je ne puisse pas siéger au conseil de Paris ! Le budget de mon arrondissement pourrait ainsi être décidé à l’échelle de la ville sans que je participe ! Ce serait une aberration ! J’aimerais bien que tous les collègues ici présents, des Insoumis aux Républicains, comprennent le caractère antidémocratique d’une telle mesure.
M. Sylvain Maillard
Mais c’est déjà le cas, aujourd’hui.
Mme la présidente
La parole est à M. Laurent Lhardit.
M. Laurent Lhardit
Une nouvelle fois, vous fragilisez ce texte en proposant une mesure qui créera une inégalité devant les règles électorales, sans motif d’intérêt général, entre les électeurs d’une même métropole selon leur commune de résidence. Le président Macron avait lui-même pointé les problèmes de gouvernance métropolitaine, par exemple à Marseille. L’adoption de cet amendement affaiblirait l’exécutif et la majorité municipale de la ville centre au sein de l’intercommunalité, ce qui conduirait à des blocages encore plus fréquents, et ce n’est pas peu dire. C’est absurde.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Monsieur Lhardit, l’exécutif ne sera pas affaibli par cette disposition pour la simple et bonne raison que c’est la situation que connaissent la plupart des EPCI (établissement public de coopération intercommunale) dans lesquels le mode de désignation des communes peut conduire à ce que les plus petites d’entre elles soient surreprésentées. On n’aura pas plus de blocages qu’il n’y en a partout ailleurs en France.
D’autre part, nous avons préféré retenir la règle des 25 % par souci d’analogie avec le mode de scrutin des élections régionales tel qu’il est prévu dans le code électoral car la taille des conseils municipaux de ces trois grandes villes est plus proche de la moyenne de celle des conseils régionaux. Ce serait un progrès que, dans de vastes assemblées, la pluralité démocratique puisse pleinement s’exprimer.
Mme la présidente
La parole est à M. Emmanuel Grégoire.
M. Emmanuel Grégoire
C’est, à n’en pas douter, une loi d’exception qui s’ajoute à une exception historique. Ce sera vraiment la défaveur démocratique pour les villes centres des trois métropoles concernées. Lyon est un peu à part du fait de l’existence d’une collectivité à statut particulier, mais à Marseille et à Paris, le système actuel conduit déjà à un fléchage qui surreprésente l’opposition – je le dis devant quelques membres de notre assemblée qui ont été ou sont membres de la métropole du Grand Paris. Eh bien, vous allez aggraver le phénomène. D’une certaine manière, vous punissez à nouveau les villes centres en affaiblissant la représentation démocratique. C’est évidemment un sujet que nous soumettrons au Conseil constitutionnel.
(L’amendement no 30 est adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’article 1er bis, tel qu’il a été amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 136
Nombre de suffrages exprimés 134
Majorité absolue 68
Pour l’adoption 107
Contre 27
(L’article 1er bis, amendé, est adopté.)
Article 1er ter
Mme la présidente
Je suis saisie de deux demandes de scrutin public : sur l’amendement no 8, par les groupes Ensemble pour la République et Socialistes et apparentés ; sur l’article 1er ter, par le groupe Socialistes et apparentés.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Emmanuel Grégoire, pour soutenir l’amendement no 8, qui tend à supprimer l’article 1er ter.
M. Emmanuel Grégoire
Le mode de scrutin actuel, à une exception près, à savoir l’élection de Gaston Deferre en 1983, n’a jamais conduit à l’élection d’un maire qui n’avait pas la majorité des voix exprimées. Rappelons aux exégètes de ce mode de scrutin que la particularité de Marseille ne tenait pas au mode de scrutin mais au découpage des secteurs. Du reste, lorsque Jacques Chirac est devenu premier ministre lors de la cohabitation de 1986, il s’est tout de suite appliqué à modifier le découpage pour que cela ne se reproduise pas.
Je le répète : le mode de scrutin des députés pourrait, en théorie, accorder la majorité des sièges à un parti qui serait minoritaire en voix. C’est le principe de tout mode de scrutin par circonscription mais cela ne s’est jamais produit à Paris contrairement à ce que sous-entend la droite dans le procès qu’elle instruit contre l’élection d’Anne Hidalgo.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Vous êtes contre ce texte aussi est-il normal que vous cherchiez par tous les moyens à le vider de sa substance. Supprimer cet article déséquilibrerait l’ensemble du texte alors que la mesure qu’il prévoit est loin d’être un scandale démocratique. Je pourrais vous retourner vos arguments. Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Vous proposez de supprimer cet article dont le seul objet est de modifier le nombre de conseillers municipaux à Marseille en le portant de 100 à 111 pour prendre en considération l’évolution démographique. Avis défavorable.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 8.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 131
Nombre de suffrages exprimés 122
Majorité absolue 62
Pour l’adoption 49
Contre 73
(L’amendement no 8 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’article 1er ter.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 129
Nombre de suffrages exprimés 126
Majorité absolue 64
Pour l’adoption 101
Contre 25
(L’article 1e r ter est adopté.)
Article 2
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Runel.
Mme Sandrine Runel
J’écoute avec attention vos arguments et j’en retiens surtout que vous avez souvent changé d’avis en deux mois. Un jour, vous retirez Lyon de la réforme, le lendemain vous vous ravisez. Un autre jour, vous proposez un bulletin unique puis vous faites marche arrière et vous opposez aux amendements qui vont dans ce sens, pour des motifs qui méritent que l’on s’y attarde un instant.
De manière assez baroque, vous affirmez que le bulletin unique empêcherait les électeurs de choisir une personnalité à laquelle ils sont attachés dans leur arrondissement et un maire central chargé de représenter la ville, issu d’une autre famille politique. Soyons sérieux et objectifs, qui fait cela ?
M. Sylvain Maillard
Plein de gens !
Mme Sandrine Runel
Quels sont les électeurs qui votent pour des personnalités de couleurs politiques distinctes aux élections d’arrondissement et à celles de la mairie centrale ?
M. Sylvain Maillard
Cela arrive tout le temps !
Mme Olivia Grégoire
Ils sont nombreux !
Mme Sandrine Runel
Nous parlons de Paris, de Lyon et de Marseille, c’est-à-dire des trois plus grandes villes de France. Dans le 7ème arrondissement de Paris, pensez-vous qu’un électeur de Rachida Dati à la mairie d’arrondissement puisse se dire : « Tiens, je vais voter pour Emmanuel Grégoire à la mairie de Paris » ?
M. Emeric Salmon
Cela peut se produire !
Mme Sandrine Runel
Personne ne fait cela ! Qui voterait à Marseille pour Stéphane Ravier et se dirait en même temps : « Benoît Payan est un excellent maire, » – nous sommes tous d’accord pour le dire – « je voterai pour lui à la mairie de Marseille » ?
M. Erwan Balanant
Les électeurs font ce qu’ils veulent !
Mme Sandrine Runel
Soyons sérieux deux minutes ; venez à Paris, à Lyon et à Marseille et vous verrez que cela ne se passe pas comme cela ! Vos arguments sont fallacieux ; ils sont en carton et n’ont pas d’intérêt.
Mme la présidente
L’amendement no 9 de M. Emmanuel Grégoire, tendant à supprimer l’article 2, est défendu.
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Madame Runel, vous m’accusez d’avoir changé d’avis ; je l’assume. Je change d’avis parce que j’évolue à l’occasion d’une discussion législative.
M. Erwan Balanant
Le président Mattei change d’avis parce qu’il travaille !
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Il est heureux qu’on puisse changer d’avis ; si on a raison sur tout, ce n’est pas la peine de débattre ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem, EPR et HOR). Heureusement qu’on peut coconstruire des textes ensemble ! Oui, j’assume de changer d’avis sur certains sujets lorsque cela va dans le bon sens.
En demandant la suppression de cet article, vous voulez déséquilibrer complètement le texte ou plutôt – vous me pardonnerez l’expression – le déglinguer : dont acte ! Sur le fond, cela n’apporte pas grand-chose. Cet article modifie des tableaux annexés au code électoral, en fixant le nombre de représentants par secteur ; je ne peux qu’être défavorable à votre amendement.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Défavorable.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 9.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 133
Nombre de suffrages exprimés 126
Majorité absolue 64
Pour l’adoption 21
Contre 105
(L’amendement no 9 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Emmanuel Grégoire, pour soutenir l’amendement no 14.
M. Emmanuel Grégoire
Cet amendement permettrait de rassembler tout notre hémicycle, et peut-être même le Sénat, en excluant Paris et Lyon du périmètre de la réforme.
M. Erwan Balanant
Et pourquoi pas Marseille, tant qu’on y est ?
(L’amendement no 14, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Runel, pour soutenir l’amendement no 19.
Mme Sandrine Runel
Chers camarades, vous allez apprendre des choses !
M. Sylvain Berrios
Collègues plutôt !
M. Erwan Balanant
Qu’allons-nous apprendre à propos des électeurs ?
Mme Sandrine Runel
Je demande un peu d’attention car cet amendement est très sérieux et un peu plus technique. Vous pourrez peut-être le voter car il ne concerne que Lyon et ne remettra pas en cause la constitutionnalité du texte, bien au contraire.
Il vise à actualiser le tableau de répartition des conseillers de Lyon par arrondissement au regard des évolutions démographiques de la ville, ce qui n’a pas été fait depuis 1983. Ce tableau comporte une colonne relative au nombre de conseillers d’arrondissement et une autre fixant le nombre de conseillers municipaux pour chaque arrondissement concerné. Le rapport entre le nombre de conseillers municipaux et la population est tout à fait insatisfaisant au regard des évolutions démographiques par arrondissement. Ainsi, depuis 1982, la population des 3ème et 7ème arrondissements a augmenté respectivement de 56 % et 68 %, alors que le nombre de conseillers est resté inchangé.
L’amendement vise à remédier à cette situation en corrigeant la répartition des sièges dans les neuf arrondissements de la ville sans changer ni le nombre total de conseillers d’arrondissement – 221 – ni le nombre de conseillers municipaux – 73 – puisque nous sommes très soucieux d’économiser les deniers publics.
Adopter cet amendement démontrerait que la concorde existe dans cet hémicycle et témoignerait de l’ouverture d’esprit de nos camarades, ou collègues, du bloc central ou commun. Dès lors que vous êtes soucieux de démocratie locale, il me paraît essentiel de le voter : si la réforme était adoptée – ce qui semble probable – vous assurerez une meilleure représentation des habitants à Lyon.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
J’ai hésité à répondre : « Bien essayé ! » On tourne en rond : vous voulez retirer Lyon de la réforme. Je ne peux que donner un avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Madame Runel, vous aviez déjà essayé de faire passer cet amendement lors du précédent examen du texte. L’article 2 actualise d’ores et déjà le tableau de répartition des élus d’arrondissement en fonction des évolutions démographiques. Vous présentez en réalité un amendement de repli après le rejet des amendements visant à sortir Lyon du périmètre de la réforme.
En outre, un certain nombre d’erreurs matérielles se sont glissées dans votre amendement – je l’avais déjà dit – puisque s’agissant des 5ème, 6ème et 7ème secteurs, vos mises à jour ne prennent pas en compte les évolutions démographiques en fonction du recensement le plus récent et ce, à une, voire à deux unités près. Avis doublement défavorable.
Mme la présidente
La parole est à Mme Marie-Charlotte Garin.
Mme Marie-Charlotte Garin
Je ne comprends pas : s’il s’agit juste d’une question technique ou de chiffrage, vous pouvez très bien sous-amender et proposer un chiffrage plus cohérent.
De notre côté, nous constatons que l’essor démographique de certains arrondissements n’est pas pris en compte ; les chiffres ne sont pas ajustés.
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Si, c’est dans la loi !
M. Sylvain Maillard
L’ajustement est dans la loi !
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Mignola, ministre délégué
En réponse à votre interpellation, je vous invite à lire précisément l’article 2, qui met à jour très précisément le nombre de conseillers d’arrondissement en fonction des évolutions démographiques de Lyon.
Mme Marie-Charlotte Garin
Si l’amendement est satisfait, dites-le !
(L’amendement no 19 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’article 2.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 131
Nombre de suffrages exprimés 129
Majorité absolue 65
Pour l’adoption 104
Contre 25
(L’article 2 est adopté.)
Article 3
Mme la présidente
Je suis saisie de plusieurs demandes de scrutin public : sur les amendements identiques nos 10, 21 et 25, par les groupes Ensemble pour la République et Socialistes et apparentés ; sur l’article 3, par le groupe Socialistes et apparentés.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 10, 21 et 25, tendant à supprimer l’article 3.
La parole est à M. Emmanuel Grégoire, pour soutenir l’amendement no 10.
M. Emmanuel Grégoire
À l’occasion de cet amendement, je souhaite aborder la question de l’information du Parlement.
Si, dans ses décisions n° 2009-581 et 2009-582 du 25 juin 2009, le Conseil constitutionnel a jugé que la clarté et la sincérité de la délibération parlementaire sont des exigences constitutionnelles et qu’il convient que chacun soit suffisamment informé et éclairé pour voter, force est de constater que l’examen de ce texte a été particulièrement chaotique.
Ainsi, c’est la première fois qu’une réforme aussi importante, touchant au mode de scrutin, est réalisée au moyen d’une proposition de loi et non d’un projet de loi, ce qui permet de s’exonérer de la réalisation d’une étude d’impact et de passer outre la saisine préalable du Conseil d’État. D’ailleurs, alors même que la présidente de l’Assemblée nationale avait envisagé une saisine pour avis du Conseil d’État, qui aurait éclairé nos débats, M. Maillard s’y est opposé de manière incompréhensible !
Au surplus, les avis ont été pour le moins fluctuants : certes, il est loisible de changer d’avis mais quand on n’est pas d’accord avec soi-même, le débat peut durer indéfiniment. Les arguments du rapporteur et du gouvernement se sont mutuellement contredits. En première lecture, aucun des amendements du rapporteur n’a été adopté ; en nouvelle lecture, un amendement majeur est déclaré irrecevable. Bref ce débat est chaotique, empli d’imprécisions et d’incohérences manifestes qui portent atteinte à la clarté et à la sincérité de la délibération parlementaire.
Mme la présidente
L’amendement no 21 de Mme Sandrine Runel est défendu.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l’amendement no 25.
Mme Elsa Faucillon
En cohérence avec notre demande de suppression de l’article 1er, nous demandons la suppression de l’article 3, qui acte une dépossession des conseils d’arrondissement de leurs principales prérogatives. D’autres orateurs l’ont souligné et je veux dire à mon tour que ce texte rompt le lien organique entre l’élection des conseils d’arrondissement et celle du conseil de Paris.
Celles et ceux qui ont pu y siéger savent que les conseils d’arrondissement ne sont pas des chambres consultatives : ils ont de réels pouvoirs et de réelles compétences que les habitants de Paris, de Lyon et de Marseille identifient bien. Nous ne voulons pas rompre ce lien.
Enfin, certains arrondissements seraient représentés tandis que d’autres ne le seraient pas, en fonction de critères qui ne sont pas définis, créant ainsi des inégalités entre arrondissements.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Même avis.
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 10, 21 et 25
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 132
Nombre de suffrages exprimés 130
Majorité absolue 66
Pour l’adoption 26
Contre 104
(Les amendements identiques nos 10, 21 et 25 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’article 3.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 129
Nombre de suffrages exprimés 128
Majorité absolue 65
Pour l’adoption 102
Contre 26
(L’article 3 est adopté.)
Article 4
Mme la présidente
Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 16, 22 et 24, tendant à supprimer l’article 4.
Sur ces amendements, je suis saisie par le groupe Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Emmanuel Grégoire, pour soutenir l’amendement no 16.
M. Emmanuel Grégoire
Qu’il me soit permis de revenir sur le sujet de la prime majoritaire : je répète qu’avec cette proposition de loi, vous imposez une prime majoritaire à la fois dérogatoire et dysfonctionnelle. Dès lors, nous proposons de supprimer cet article.
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Runel, pour soutenir l’amendement no 22.
Mme Sandrine Runel
Nous proposons de supprimer l’article 4 en raison de l’impréparation de cette loi, notamment en ce qui concerne Lyon. Vous avez découvert il y a deux mois à peine l’existence de la métropole de Lyon, que vous ne savez pas qualifier mais qui est une collectivité locale à statut particulier, selon les termes de la loi Maptam.
Nous répétons que si ce texte venait à être adopté, il serait prématuré de l’appliquer pour les prochaines élections municipales de mars 2026. Nous demandons un temps de réflexion sur sa mise en œuvre afin qu’il ne s’applique pas aux prochaines élections municipales mais aux suivantes. On ne change pas un mode de scrutin à moins de neuf mois d’une élection et à quelques semaines de l’ouverture des comptes de campagne !
Mme la présidente
L’amendement no 25 de Mme Elsa Faucillon est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Le but de ces amendements est de repousser l’entrée en vigueur de la loi afin qu’elle ne soit pas applicable pour les municipales de 2026. Cette loi sera – je l’espère – adoptée huit mois avant le scrutin : nous allons décliner ses modalités d’application dans différents codes et je ne veux pas croire que nous ne puissions nous organiser à plusieurs mois du début du scrutin.
L’adoption d’une loi applicable aux petites communes, soit à 80 % des communes françaises, ne vous a pas gênés…
M. Emeric Salmon
Si !
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
…et cette loi serait problématique ! Je suis un peu agacé par ce « deux poids, deux mesures » !
M. Sylvain Berrios
Et Toulouse ?
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Nous sommes tous habitants du territoire français. Je rappelle qu’en 1982, le mode de scrutin avait été modifié trois mois avant les élections.
M. Sylvain Maillard
Il a raison !
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Je rappelle que la réforme du mode de scrutin appliquée lors des élections municipales de 2014 a été adoptée en juin 2013 ; pourtant, personne ne s’est aventuré à contester la légitimité des résultats. Pourquoi reporter à 2032 l’application de cette réforme, qui n’est donc pas si mauvaise que cela ? Si elle est bonne, autant l’appliquer dès l’année prochaine. Avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Emmanuel Grégoire.
M. Emmanuel Grégoire
Monsieur le rapporteur, le texte que vous avez évoqué n’a rien à voir avec celui que nous examinons. Il tendait à ce que les listes soumises au scrutin soient paritaires ; cela ne change rien au système d’information, au système de récolement ou encore à l’organisation des comptes de campagne.
M. Emeric Salmon
Mais cela change l’organisation des communes !
M. Emmanuel Grégoire
Vous comparez deux réformes qui ne sont pas comparables. Si nous demandons un délai s’agissant du présent texte, c’est pour une raison simple : il faudra du temps pour que la navette parlementaire aboutisse, que le Conseil constitutionnel rende un avis, que le texte soit promulgué et que le guide du candidat et du mandataire soit publié, or les comptes de campagne doivent être tenus à compter de la première quinzaine de septembre, au plus tard. Nous parlons des trois plus grandes villes de France !
J’ai entendu M. Berrios parler de Toulouse, une ville que j’aime beaucoup et qui deviendra probablement la troisième plus grande ville de France. Nous avons inventé un monstre administratif dont seule la France a le secret : les quatre plus grandes villes du pays sont régies par quatre modes de scrutin différents ! Dans quel pays, dans quelle démocratie cela pourrait-il être considéré comme une bonne idée ? Nous pouvons en débattre, mais je crois que personne ne défend cela.
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 16, 22 et 24.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 129
Nombre de suffrages exprimés 129
Majorité absolue 65
Pour l’adoption 28
Contre 101
(Les amendements identiques nos 16, 22 et 24 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
La parole est à M. Emmanuel Grégoire, pour soutenir l’amendement no 12.
M. Emmanuel Grégoire
Pour toutes les raisons que je viens d’évoquer et qui ont trait à la complexité de l’organisation des élections, je propose de repousser la date de l’application de la réforme à 2032. Ainsi, elle ne concernera pas les prochaines élections mais les suivantes, ce qui laissera aux collectivités le temps de tout préparer.
(L’amendement no 12, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’article 4.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 132
Nombre de suffrages exprimés 130
Majorité absolue 66
Pour l’adoption 104
Contre 26
(L’article 4 est adopté.)
Article 5
Mme la présidente
Sur l’amendement no 15, je suis saisie par le groupe Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Emmanuel Grégoire, pour soutenir l’amendement no 15, qui tend à supprimer l’article 5.
M. Emmanuel Grégoire
Si je défends ces amendements, ce n’est pas seulement pour l’honneur ; c’est pour l’avenir et pour éviter la confusion qui naîtrait de cette réforme. En l’occurrence, j’évoquerai le contentieux électoral, en reprenant un exemple que j’ai déjà soulevé lors de la première lecture. Supposons qu’un maire d’arrondissement élu voie ses comptes invalidés ; peut-on considérer que son élection n’a pas eu de conséquences sur l’élection à la mairie centrale ? La question se pose aussi en sens inverse : si les comptes de campagne du candidat élu à la mairie centrale sont invalidés, cela remet-il en cause l’élection de tous les maires d’arrondissement issus de la même formation politique ? La juxtaposition, dans une même collectivité, de comptes de campagne distincts concernant les arrondissements et la mairie centrale fait peser sur l’élection un risque majeur de contentieux. Je pense qu’aucun juriste ne pourra y répondre ex ante et qu’il faudra attendre l’émergence du contentieux électoral pour que le sujet soit examiné. (Mme Nathalie Oziol s’exclame.) Cette immense imprudence révèle d’une part les impensés de la proposition de loi, d’autre part l’ambiguïté structurelle qui résulte de la coexistence de deux niveaux de légitimité politique dans la même collectivité.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Par respect du débat parlementaire, je vous répondrai. Vous proposez de supprimer l’article 5, qui est rédigé de la manière suivante : « Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le gouvernement remet au Parlement un rapport qui évalue la possibilité de transférer des compétences de la mairie centrale aux mairies d’arrondissement […]. » Cela n’a rien à voir avec l’argument que vous venez d’exposer.
M. Emmanuel Grégoire
Certes !
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Nous accomplissons un travail législatif, or vous proposez la suppression d’un article qui va plutôt dans votre sens, puisque vous nous invitez à nous pencher sur la répartition des compétences. Il conviendrait au contraire de se féliciter de l’existence de cet article. Avis défavorable.
Mme Danielle Simonnet
C’est absurde !
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Je souscris aux propos de M. le rapporteur. Quant au cas pratique évoqué par M. Grégoire, je rappelle qu’il arrive que plusieurs élections se tiennent simultanément. C’est exactement ce qui est arrivé en 2020, après l’application de la loi Maptam, pour les élections de la ville de Lyon et de la métropole de Lyon, et ce qui était arrivé auparavant pour les élections cantonales.
M. Emmanuel Grégoire
Ce sont des collectivités distinctes !
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Vous demandez si l’invalidation de l’élection d’un maire candidat aux élections départementales peut mettre en cause son élection lors de ce dernier scrutin. La réponse est non. Avis défavorable.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 15.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 134
Nombre de suffrages exprimés 132
Majorité absolue 67
Pour l’adoption 27
Contre 105
(L’amendement no 15 n’est pas adopté.)
(L’article 5 est adopté.)
Article 6
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 13 et 23, tendant à supprimer l’article 6.
La parole est à M. Emmanuel Grégoire, pour soutenir l’amendement no 13.
M. Emmanuel Grégoire
Monsieur le ministre, je n’ai pas compris votre réponse. Le contentieux électoral que vous évoquez concerne des collectivités distinctes : une élection municipale n’a rien à voir avec une élection départementale. Je souligne, au contraire, le risque de contentieux électoral qui résulte de la juxtaposition de deux niveaux d’élection dans une même collectivité. L’exemple de Lyon ne s’applique pas non plus, car les deux scrutins qui s’y déroulent concernent deux collectivités très différentes, à savoir une commune et une collectivité à statut particulier cumulant les compétences intercommunales et départementales. Nous nous apprêtons à instaurer, pour la première fois, un système dans lequel deux ingénieries distinctes, celles des campagnes d’arrondissement et de la campagne de la mairie centrale, coexisteront dans une seule collectivité.
Par ailleurs, je souhaite aborder la question de la propagande électorale, dont le coût et la complexité seront tous deux accrus par la réforme. La propagande électorale de l’arrondissement et celle de la mairie centrale, qui seront bien sûr cohérentes entre elles, seront-elles envoyées ensemble ? Certains prétendent que les deux votes n’ont rien à voir, mais ils sont politiquement et historiquement liés : tous ceux qui ont voté en 2020 pour élire leur maire d’arrondissement savent s’ils ont souhaité soutenir Anne Hidalgo, Rachida Dati ou un autre candidat.
M. Sylvain Maillard
Agnès Buzyn !
M. Emmanuel Grégoire
Les opérations de propagande électorale seront-elles jointes ou disjointes ? Quels critères permettront d’apprécier si ces documents peuvent être envoyés ensemble ? Les problèmes que je soulève ne sont pas insolubles, mais ils demanderont des mois de réflexion et de travail, ne serait-ce que pour éviter de gâcher du papier. Je rappelle en effet que les élections municipales, dans une ville comme Paris, nécessitent déjà l’impression de millions de bulletins ; avec cette réforme, il faudra en imprimer le double.
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Runel, pour soutenir l’amendement no 23.
Mme Sandrine Runel
Arrivés à l’article 6, le dernier du texte, vous vous apercevez que vous avez créé une usine à gaz. Craignant que les acteurs de ce grand bazar ne communiquent pas entre eux, vous décidez donc de créer une conférence des maires. Vous semblez penser que c’est l’idée du siècle, mais je vous invite à vous rendre à Lyon : vous verrez que la conférence des maires existe déjà ! Si j’étais rapporteure, je dirais que l’article est déjà satisfait.
Article après article, amendement après amendement, vous découvrez que votre réforme n’a aucun intérêt pour notre commune. Nous n’avons pas attendu votre réforme ni vos bidouillages pour organiser une conférence des maires permettant aux maires d’arrondissement de parler avec le maire de Lyon. Ma collègue Fanny Dubot, maire du 7e arrondissement, ou encore votre collègue Pierre Oliver, maire Les Républicains du 2e arrondissement, participent à cette instance et dialoguent tant avec la métropole de Lyon qu’avec le maire de Lyon.
Je le répète, cette réforme est dépourvue de bon sens. C’est une usine à gaz. Nous souhaitons donc supprimer l’intégralité du texte.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Encore une fois, les propos de M. Grégoire sont sans rapport avec son amendement. Ceux de Mme Runel, en revanche, concernent bien l’article 6. Il s’agit d’inscrire la conférence des maires dans le code général des collectivités territoriales ; cela devrait être un motif de satisfaction.
Mme Sandrine Runel
Elle existe déjà !
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Oui, nous connaissons bien ce type d’instances, qui existent notamment dans les intercommunalités de province. Elles sont utiles. Pourquoi vouloir les supprimer ? Vous soulignez qu’elles existent déjà, mais elles seront désormais inscrites dans la loi, ce qui devrait couper court à toute discussion. Référence est faite au règlement intérieur du conseil municipal, qui déterminera leur fonctionnement. Il s’agit donc d’un article de précision. Si vous votez contre, c’est seulement parce que vous êtes opposée au texte ; du point de vue d’un défenseur de la proposition de loi, l’article est cohérent et il n’y a aucune raison de le supprimer. Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Les arguments de M. Grégoire au sujet du statut des arrondissements et ceux de Mme Runel au sujet de la conférence des maires nous mènent au cœur de la proposition de loi. Depuis 1982 se sont développées diverses bonnes pratiques que nous avons évoquées lors de la première lecture. À la différence de toutes les autres communes de France – et, depuis la loi Notre, des EPCI –, les communes de Paris, de Lyon et de Marseille verront inscrire dans la loi les bonnes pratiques qui y sont d’ores et déjà appliquées. C’est une bonne chose.
Il en va de même en ce qui concerne les compétences. Nous avons beaucoup débattu pour savoir s’il fallait réformer d’abord la répartition des compétences, puis le mode de scrutin, ou l’inverse. À vrai dire, j’aurais apprécié que la commission mixte paritaire dure davantage qu’une vingtaine de minutes et que ses membres débattent du statut des maires d’arrondissement, de leur présence de droit au conseil municipal ou encore de l’articulation des compétences entre mairie centrale et mairie d’arrondissement, que le gouvernement s’est engagé à réformer. C’est le travail qui nous attend désormais. J’en profite pour remercier chacun, y compris les opposants au texte, pour la grande qualité du débat. Nos approches sont certes diverses, mais nous pouvons améliorer encore, dans les mois et les années à venir, la procédure démocratique dans ces trois grandes villes de France, sans qu’il y ait aucune antinomie entre ces progrès et le texte qui vous est proposé. Je suis donc défavorable aux amendements, mais favorable à l’idée de travailler ensemble à l’avenir.
Mme la présidente
La parole est à M. Emmanuel Grégoire.
M. Emmanuel Grégoire
Je réservais mes propos, monsieur le rapporteur, pour répondre à l’intervention de Mme Runel.
La conférence des maires est une bonne idée déjà mise en pratique. Historiquement, il y a toujours eu une instance de coordination des maires d’arrondissement, la première étant le Comité central républicain des vingt arrondissements, institué après la proclamation de la République le 4 septembre 1870. Cette démarche est au cœur de la gouvernance de la Ville.
L’article 5 concernait un rapport traitant de la répartition des compétences entre arrondissements et mairie centrale. En la matière, nous avons toujours dit qu’il aurait été plus logique pour le législateur de s’interroger sur les compétences avant de s’interroger sur le mode de scrutin. Nous ne sommes pas hostiles à une réflexion et à un travail collectifs, mais il faut prendre les choses dans le bon ordre ! Commencer par réformer le mode de scrutin avant de réformer la répartition des compétences, c’est de la procrastination ou – pour le dire plus sévèrement – du temps perdu.
Instaurer la conférence des maires, c’est une bonne idée, mais puisqu’elle existe déjà, c’est aussi réinventer l’eau chaude. D’ailleurs, réunir cette instance pour l’examen d’investissements localisés constitue une obligation légale, inscrite dans le code général des collectivités territoriales.
Mme la présidente
La parole est à M. Sylvain Berrios.
M. Sylvain Berrios
Comme l’a rappelé M. Grégoire tout à l’heure, nous avons créé un système d’une complexité infinie qui institue quatre règles différentes de scrutin pour les quatre plus grandes villes françaises. L’article 6 y ajoutera encore une complexité supplémentaire, puisque les modalités de fonctionnement de la conférence des maires seront déterminées par un règlement. En créant cette nouvelle instance de délibération, vous êtes en train d’ajouter de la complexité à la complexité.
Croyez-moi, les maires peuvent être effrayés d’une telle situation !
(Les amendements identiques nos 13 et 23 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l’amendement no 32.
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Cet amendement de cohérence tend à insérer l’article dans une partie du code général des collectivités territoriales qui le rend applicable non seulement à Paris, mais aussi à Lyon et à Marseille.
Les conférences des maires sont des outils qui existent déjà, monsieur Berrios : nous les inscrivons simplement dans la loi. Cela ne doit donc effrayer personne, et surtout pas les maires d’arrondissement.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Il s’agit d’un amendement rédactionnel qui vient d’être déposé. À titre personnel, avis favorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Emmanuel Grégoire.
M. Emmanuel Grégoire
Ce sera ma dernière intervention : j’en profite donc pour saluer moi aussi le caractère respectueux et argumenté de nos débats – nous ne nous sommes pas convaincus mutuellement mais nos discussions ont été de bonne tenue.
Cette proposition de loi aurait dû être considérée comme irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. Il est clair qu’elle emportera des coûts immenses, de l’ordre de plusieurs millions d’euros, dès le scrutin de l’année prochaine. Le président de la commission des finances comme le gouvernement ont voulu faciliter l’initiative parlementaire. Cela me semble au contraire constituer un précédent dangereux.
Je voudrais aussi rappeler les mots solennels du premier ministre, qui s’est engagé devant la représentation nationale – engagement réitéré au Sénat – à ne pas faire passer ce texte en force contre l’avis du Sénat. Je souligne que le cheminement du texte est dû au fait qu’il s’agit d’une proposition de loi : s’il s’était agi d’un projet de loi, l’examen aurait dû débuter au Sénat, puisqu’il concerne les collectivités territoriales, et non ici.
Monsieur le ministre délégué, le premier ministre honorera-t-il sa parole ? Si jamais le Sénat rejetait à nouveau le texte, en maintiendra-t-il l’inscription en lecture définitive en fin de semaine, comme c’est prévu ? Ou bien recommencerons-nous à travailler sur ce sujet passionnant, auquel je voudrais contribuer ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Merci, monsieur Grégoire, de me donner l’occasion de rappeler que l’interprétation des propos du premier ministre doit prendre en compte l’intégralité de ceux-ci !
M. Pierre Pribetich
Ah ! L’explication de texte !
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Il me semble même que votre groupe avait déposé une motion de censure en lisant le début d’une phrase, mais pas sa fin. Je n’y reviens pas.
Pour être très sérieux et exact, le premier ministre a dit qu’il n’imaginait pas qu’un accord ne puisse pas être trouvé entre le Sénat et l’Assemblée nationale sur un sujet comme celui-là. Il se trouve que cet espoir n’a pas été confirmé par ce qui s’est passé au Sénat, pour une raison que vous connaissez : un certain nombre de sénateurs se sont emparés de ce sujet et ont convaincu leurs groupes – ce qui peut s’entendre politiquement – qu’il ne fallait pas adopter cette réforme.
Dans ces conditions, l’attitude du gouvernement est de respecter les institutions, rien que les institutions, mais toutes les institutions.
J’ai bon espoir que les ouvertures faites par les rapporteurs et le gouvernement, en particulier concernant le rôle des maires d’arrondissement et les compétences des mairies d’arrondissement, nous permettent d’avancer ensemble au Sénat demain. Pas plus que M. Mattei, je ne vois ce qui empêcherait les deux assemblées de converger – et de continuer à travailler ensemble, aux côtés des élus, toutes couleurs politiques confondues, dans ces trois grandes villes de France. C’est en tout cas ce que j’appelle de mes vœux.
À ce stade, je ne veux pas envisager ce que sera la fin de la navette. Mais nos institutions nous donnent des règles sur ce point.
(L’amendement no 32 est adopté.)
(L’article 6, amendé, est adopté.)
Mme la présidente
Sur l’ensemble de la proposition de loi, je suis saisie par les groupes Ensemble pour la République et Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Explications de vote
Mme la présidente
La parole est à M. Olivier Fayssat.
M. Olivier Fayssat (UDR)
Le groupe UDR soutenait la version initiale de ce texte ; aucun amendement n’étant venu le dénaturer, nous voterons pour. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Franck Allisio.
M. Franck Allisio (RN)
Permettre aux Marseillais, aux Lyonnais et aux Parisiens de voter plus directement pour leur maire, c’est un progrès démocratique, comme le seraient l’instauration de la proportionnelle pour les élections législatives ou la création d’une banque de la démocratie. En revanche, refuser ce que souhaitent 90 % des Lyonnais, des Marseillais et des Parisiens serait un déni de démocratie.
Mme Danielle Simonnet
Mais c’est faux ! Ce ne sera pas une élection directe du maire !
M. Franck Allisio
Le groupe Rassemblement national votera ce texte.
Mme la présidente
La parole est à M. David Amiel.
M. David Amiel (EPR)
Je remercie le rapporteur Jean-Paul Mattei pour son travail remarquable et la grande ouverture dont il a fait preuve tant pendant nos travaux que durant ceux de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem.)
À l’inverse, je regrette l’attitude des socialistes parisiens (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP), qui ont refusé entre 2022 et 2024 de dialoguer sur cette proposition de loi avec notre président de groupe Sylvain Maillard, malgré nos demandes répétées. Ils ont aussi refusé, depuis le dépôt de cette proposition de loi en octobre 2024, d’échanger sur son contenu. Ils ont enfin refusé, au cours des deux lectures dans cette assemblée, de proposer des amendements pour améliorer ou corriger le texte ; ils n’ont déposé que des amendements de suppression.
Ce faisant, ils n’ont opposé que du mépris à la demande manifeste de démocratisation de l’immense majorité des Parisiens, des Lyonnais et des Marseillais. (Mme Céline Hervieu proteste.)
Le groupe Ensemble pour la République votera évidemment en faveur de cette proposition de loi, étape importante pour donner aux électeurs de ces trois villes les mêmes droits qu’aux habitants des autres communes et pour préparer les étapes ultérieures, notamment le renforcement du rôle des mairies d’arrondissement. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
M. Sylvain Maillard
Très bien !
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 153
Nombre de suffrages exprimés 151
Majorité absolue 76
Pour l’adoption 117
Contre 34
(La proposition de loi est adoptée.)
5. Ordre du jour de la prochaine séance
Mme la présidente
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Discussion de la proposition de loi portant création d’un statut de l’élu local.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra