Troisième séance du mardi 18 février 2025
Présidence de M. Xavier Breton
vice-président
M. le président
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
1. Traité sur la coopération dans le domaine de la défense entre la France et l’Espagne
Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’un projet de loi
M. le président
L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant la ratification du traité sur la coopération dans le domaine de la défense entre la République française et le royaume d’Espagne (nos 621, 718).
Présentation
M. le président
La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’Europe.
M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe
C’est avec beaucoup de joie et de fierté que je vous présente le projet de loi visant à autoriser la ratification du traité sur la coopération dans le domaine de la défense entre la République française et le royaume d’Espagne, un texte par lequel deux pays amis ont décidé d’approfondir leur coopération sur les questions stratégiques et de défense. Il est essentiel que les pays d’Europe renforcent leurs liens en la matière à l’heure de la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine, qui se déroule à nos portes, au moment où les États-Unis nous tournent le dos et où se pose la question de l’avenir de l’Alliance atlantique. Ce texte est donc tout à fait à propos.
La relation franco-espagnole est caractérisée par une forte et ancienne proximité, qu’est venu consacrer le traité d’amitié et de coopération signé à Barcelone le 19 janvier 2023 par le président de la République française et le président du gouvernement du royaume d’Espagne, Pedro Sánchez. Notre coopération dans le domaine de la défense, elle, est particulièrement dynamique. Elle couvre un large spectre et est renforcée par des relations étroites entre nos forces armées et nos industries de défense. Un accord de coopération dans le domaine de la défense, signé à Paris le 7 octobre 1983, régissait jusqu’alors notre relation bilatérale sur ces questions.
À l’occasion du 26e sommet franco-espagnol de Montauban, le 15 mars 2021, le président de la République et le président du gouvernement espagnol se sont accordés pour réviser le contenu de cet accord de 1983. Ils ont tous deux souligné leur volonté de maintenir une coopération étroite en matière de politique commune de sécurité et de défense. Les négociations visant à la conclusion d’un nouvel accord ont ainsi débuté en mai 2021 et ont duré un peu plus d’un an et demi. Pour des raisons liées à son droit interne, l’Espagne a proposé de conclure un traité entre États plutôt qu’un accord entre gouvernements.
C’est dans ce cadre que s’inscrit le projet de loi qui vous est soumis, visant à autoriser la ratification de ce traité, signé le 19 janvier 2023, en marge du sommet de Barcelone, par le ministre Sébastien Lecornu et son homologue espagnole, María Margarita Robles Fernández.
Le présent traité vise à actualiser le cadre juridique de la relation bilatérale de défense, fixé jusqu’à présent par l’accord de 1983, en prévoyant notamment des dispositions relatives au statut des forces et en intégrant des références aux cadres de coopération multilatéraux de l’Otan et de l’Union européenne. Conclure un nouvel engagement en 2023 avec l’Espagne a marqué une nouvelle étape de notre coopération étroite avec ce partenaire stratégique de premier plan, membre de l’Union européenne depuis 1986.
L’un des objectifs principaux du traité est de conférer un statut juridique protecteur aux personnels français et espagnols engagés dans des activités de coopération opérationnelle. Le traité prévoit le règlement de certaines questions essentielles au déploiement opérationnel, à l’instar des questions sanitaires – article 9 –, fiscales – article 12 –, disciplinaires – article 13 –, ou encore de questions liées au port et à l’utilisation d’armes – article 8.
Le traité institutionnalise également de nouveaux domaines de coopération qui ne figuraient pas explicitement ou qui n’étaient pas prévus dans l’accord de 1983, tels que la cyberdéfense, les menaces hybrides, le spatial, l’énergie et le changement climatique, ainsi que le rôle des femmes au sein des forces armées. Il définit en outre le cadre de gouvernance de cette coopération en institutionnalisant les consultations aux niveaux politique, stratégique, opérationnel et dans le domaine capacitaire.
L’Espagne a d’ores et déjà ratifié ce traité le 28 juin 2024. En ce sens, mesdames et messieurs les députés, autoriser la ratification du traité sur la coopération dans le domaine de la défense entre la République française et le royaume d’Espagne permettra l’entrée en vigueur rapide d’un engagement important pour nos forces armées, mobilisées sur plusieurs théâtres d’opérations aux côtés de nos alliés européens.
Dans le contexte actuel, la ratification de ce traité envoie un message fort : il montre que la France a la volonté d’approfondir, avec ses partenaires, ses relations dans le domaine de la défense. Vous le savez, le premier ministre espagnol, Pedro Sánchez, était à Paris il y a quelques jours, à l’invitation du président de la République, pour le sommet européen de soutien à l’Ukraine.
Nous travaillons ensemble à l’élaboration de la défense européenne et à la montée en capacité d’une industrie de défense européenne autonome. Ce traité fait suite à d’autres traités qui nous ont permis de renforcer nos liens avec nos partenaires stratégiques européens : je pense à l’Italie, avec le traité du Quirinal, mais aussi à l’Allemagne. Et nous signerons bientôt, d’ici le mois d’avril, le traité de Nancy avec la Pologne, qui est un acteur de premier plan de la défense en Europe.
Par ce traité, nous témoignons une nouvelle fois de l’engagement de la France aux côtés de ses partenaires et nous renforçons le lien fort et historique qui nous lie à nos voisins espagnols. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, Dem, HOR et LIOT. – M. Bruno Fuchs, président de la commission des affaires étrangères, applaudit également.)
M. le président
La parole est à M. Nicolas Forissier, rapporteur de la commission des affaires étrangères.
M. Nicolas Forissier, rapporteur de la commission des affaires étrangères
Il me revient, en tant que rapporteur de la commission des affaires étrangères, de présenter ses conclusions sur le projet de loi autorisant la ratification du traité franco-espagnol relatif à la coopération en matière de défense, signé le 19 janvier 2023 à Barcelone. Conclu en même temps qu’un traité d’amitié et de coopération beaucoup plus général – dit traité de Barcelone –, ce traité de défense est avant tout un signal politique fort. Confrontés à des menaces et à des défis communs, nos deux pays partagent une même ambition pour la défense européenne.
Le contenu de ce texte est classique, mais il détaille de nombreuses formes de coopération possibles – qu’elle soit stratégique, opérationnelle ou capacitaire –, en incluant les enjeux les plus actuels, tels que la gestion des crises sanitaires, la lutte contre le dérèglement climatique ou encore la place des femmes dans les forces armées.
Ce traité institutionnalise également des espaces de dialogue essentiels pour la relation bilatérale, tel que le Conseil franco-espagnol de défense et de sécurité (CFEDS), créé en 2005, puis abandonné en 2013. Il faudra s’assurer, monsieur le ministre, que ce conseil se réunit bien une fois par an, comme le prévoit le traité.
Il comprend, enfin, plusieurs articles consacrés spécifiquement au statut des forces : c’est un ajout important puisque, jusqu’ici, seul l’accord de statut des forces à l’étranger (Sofa) de l’Otan pouvait être mobilisé. Ainsi, ce traité entre la France et l’Espagne atteint son objectif : disposer d’un cadre juridique plus complet et pérenne quarante ans après le précédent accord bilatéral de défense.
Je précise aussi que ce traité n’a aucun impact financier. En tant que rapporteur pour avis de la mission Action extérieure de l’État, j’ai notamment pu vérifier que les crédits alloués à la mission de défense de l’ambassade de France en Espagne étaient suffisants.
Revenons maintenant au contexte du traité. La coopération bilatérale franco-espagnole est très riche, dans tous les domaines : politique, économique, social, culturel, scientifique. La France est le premier client de l’Espagne en matière de biens et son troisième fournisseur. Autre exemple très symbolique : on compte dix-neuf alliances françaises en Espagne.
Le meilleur résumé de la qualité et de la diversité de cette relation bilatérale est le traité de Barcelone, que j’ai déjà évoqué. Comme l’ont fait avant lui le traité d’Aix-la-Chapelle avec l’Allemagne, en 2019, et celui du Quirinal avec l’Italie, en 2021, il présente en détail notre relation bilatérale avec un grand partenaire européen et prévoit de la renforcer. Il est dommage que l’Espagne ne l’ait pas encore ratifié, mais si les choses avancent de notre côté, elles avanceront aussi du côté de nos partenaires et amis espagnols.
Dans le domaine spécifique de la défense, notre coopération est également dynamique, comme en témoignent une mission et une opération. Depuis novembre 2024, d’abord, l’Espagne a rejoint le groupement tactique commandé par la France en Roumanie dans le cadre de la mission Aigle, avec une contribution de 250 personnes et 35 véhicules. La France et l’Espagne déploient par ailleurs des forces importantes – 675 femmes et hommes chacune – dans le cadre de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul).
La coopération capacitaire est également très développée, avec plusieurs programmes structurants : les avions de transport multirôles tactiques A400M et stratégiques MRTT – Multi Role Tanker Transport –, le projet Eurodrone, les hélicoptères Tigre et NH90, le programme d’observation de la terre par satellite CSO – Composante spatiale optique –, ou encore le système de combat aérien du futur (Scaf). Notre collègue Sébastien Saint-Pasteur, rapporteur pour avis de la commission de la défense sur ce texte, a présenté ces coopérations dans son rapport.
Certes, l’Espagne concurrence la France sur certains segments industriels mais, dans un contexte de brutalisation des relations internationales, il apparaît indispensable, lorsque c’est possible, et sans compromettre nos intérêts nationaux, de chercher à travailler ensemble.
Si la coopération bilatérale en matière de défense est croissante entre nos deux pays, c’est aussi parce que l’Espagne apparaît comme un partenaire naturel – et je veux insister sur ce point.
Tout d’abord, nos deux pays partagent une même analyse des menaces et des défis pesant sur leurs intérêts nationaux. Il s’agit bien sûr de la déstabilisation de la sécurité européenne par la Russie, de l’instabilité au Sahel, de l’insécurité au Moyen-Orient, des trafics illicites dans le voisinage sud de l’Europe, des conséquences du dérèglement climatique, ou encore des attaques cyber et informationnelles. Face à ces menaces, la France comme l’Espagne se réarment. L’Espagne a nettement augmenté son budget de défense et prévoit d’y consacrer 2 % de son PIB en 2029. En 2023, elle s’est aussi dotée d’une stratégie ambitieuse pour consolider son industrie de défense.
Ensuite, et au-delà de la proximité entre nos deux pays, la France et l’Espagne partagent une même ambition pour la défense européenne. Parce qu’elles ont la même vision stratégique, elles sont les moteurs de la politique de sécurité et de défense commune de l’Union et elles plaident pour une autonomie stratégique de la défense européenne. La France et l’Espagne sont actives dans l’Otan. Elles déploient chacune plus de 2 000 militaires à l’est de l’Europe dans le cadre de la politique dite de réassurance de l’alliance.
Vous l’aurez compris, l’Espagne est pour nous un partenaire européen, et atlantique, de premier plan. Le traité dont il est question ce soir s’inscrit donc directement dans notre stratégie de défense. En outre, depuis la signature du traité, l’élection du président américain Donald Trump a ravivé les incertitudes sur le maintien du niveau d’engagement américain dans la défense du territoire européen. Il apparaît donc plus que jamais nécessaire de se rapprocher de nos autres alliés.
Je vous invite, mes chers collègues, à voter sans réserve en faveur de l’autorisation de la ratification de ce traité. Il s’agit d’un pas important. Je précise que l’Espagne a, pour sa part, ratifié le texte. La ratification par la France permettra donc l’entrée en vigueur de ce traité essentiel pour la coopération entre nos deux pays et pour la stratégie de défense européenne. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR et HOR et sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. le président
La parole est à M. Bruno Fuchs, président de la commission des affaires étrangères.
M. Bruno Fuchs, président de la commission des affaires étrangères
Membre de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, l’Espagne est l’un de nos principaux alliés européens. Nos armées travaillent ensemble et sont concernées par des programmes d’armements européens structurants. Nos deux pays partagent également un même niveau d’ambition pour la défense européenne.
Largement approuvée par la commission des affaires étrangères le 11 décembre 2024, la ratification de ce traité est apparue indispensable pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il est devenu nécessaire d’actualiser le cadre juridique de la coopération bilatérale afin de protéger nos militaires grâce à un accord avec l’Espagne de statut des forces à l’étranger. L’adoption du projet de loi permettra ainsi de sécuriser le cadre de la coopération entre les personnels militaires et civils des deux côtés des Pyrénées, notamment en matière d’accès aux soins et de fiscalité, ou encore en cas de décès d’un soldat.
Ensuite, la ratification se justifie pour des motifs stratégiques et géopolitiques. Plus que jamais, dans le contexte de la guerre en Ukraine et au vu de ses conséquences, notamment sur le lien transatlantique et les garanties de sécurité de notre allié américain, notre pays doit renforcer ses liens et sa coopération dans de multiples domaines avec ses partenaires historiques de confiance, au premier rang desquels figure l’Espagne.
Avec Madrid, nous partageons une même analyse des enjeux en Méditerranée et au Maghreb. Nous avons également une vision convergente de l’autonomie stratégique de l’Union européenne et une volonté commune de renforcer la base industrielle et technologique de la défense européenne. Le traité de Barcelone conforte précisément ces différents rapprochements.
Les champs de coopération proposés dans le texte ouvrent des perspectives importantes, non seulement sur les questions stratégiques du renseignement, de la lutte contre le terrorisme, de la cyberdéfense, des menaces hybrides et du spatial, mais également dans le domaine capacitaire, avec des projets et des programmes communs. Ils englobent aussi des sujets plus larges et novateurs, tels que la gestion des crises sanitaires, l’impact du changement climatique et le rôle des femmes au sein des forces armées, ce qui est une bonne chose.
D’ores et déjà, les coopérations industrielles franco-espagnoles sont importantes – le rapporteur et le ministre en ont donné de nombreux exemples. Sans aplanir les différences d’approche, notamment en matière industrielle, le traité dont il nous revient d’autoriser la ratification contribuera à renforcer la cohésion bilatérale sur ces enjeux.
Nos débats en commission ont toutefois mis en lumière l’importance que revêtira la fréquence des réunions du Conseil franco-espagnol de défense et de sécurité : créé en 2005, celui-ci ne s’est réuni qu’en 2023. Je ne peux que faire mien le souhait du rapporteur qu’il se réunisse régulièrement, pour une meilleure efficacité. Cette instance constitue, en effet, un outil essentiel de la dynamique créée par le traité de Barcelone et il faudra veiller à ce qu’elle ne reste pas une coquille vide – je réitère donc le souhait et les engagements évoqués par le rapporteur à cette tribune il y a quelques instants.
En autorisant la ratification du traité sur la coopération dans le domaine de la défense entre la République française et le royaume d’Espagne, signé à Barcelone le 19 janvier 2023 – tout le monde doit désormais connaître cette date, y compris dans les tribunes, puisque nous l’avons déjà mentionnée trois ou quatre fois ! –, nous permettrons à nos deux pays d’avancer ensemble vers un cadre de coopération plus moderne et mieux adapté aux nouvelles menaces auxquelles nous sommes collectivement exposés.
Pour conclure, il s’agit d’un signal important, attendu non seulement des deux côtés des Pyrénées, mais également à l’échelle européenne : renforcer la coopération entre la France et l’Espagne est un message fort envoyé aux autres partenaires européens.
Ce vote nous engage, car la France a donné sa parole à l’un de nos principaux partenaires européens. Dans le prolongement du vote de la commission des affaires étrangères le 11 décembre dernier, je voterai bien évidemment le projet de loi et je ne doute pas que notre assemblée suivra également son exemple. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, DR, HOR et LIOT. – M. le rapporteur applaudit également.)
Discussion générale
M. le président
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Geneviève Darrieussecq.
Mme Geneviève Darrieussecq
La France et l’Espagne entretiennent une amitié déjà ancienne, qui se traduit par des coopérations sur les plans économique et culturel, en matière d’infrastructures et, bien sûr, dans le domaine militaire, au cœur du présent projet de loi. Sur ce point, comme le souligne le rapport de la commission des affaires étrangères, la France et le royaume d’Espagne, en tant que pays amis et alliés historiques au sein de l’Otan, poursuivent une longue tradition de coopération, jusqu’à présent formalisée par l’accord signé il y a quarante ans, le 7 octobre 1983. Nos deux pays participent ainsi activement à des opérations de maintien de la paix au Liban et à des opérations dans l’océan Indien ou en Roumanie – cela a déjà été évoqué.
Il nous est proposé d’écrire une nouvelle page de cette relation bilatérale historique en adoptant le projet de loi autorisant la ratification d’un nouveau traité signé à Barcelone le 19 janvier 2023. Ce texte formalise l’ambition partagée par le président de la République, Emmanuel Macron, et le président du gouvernement espagnol, Pedro Sánchez, de bâtir un cadre de coopération plus moderne et plus adapté aux nouvelles menaces auxquelles sont exposés nos deux pays et, plus largement, l’Union européenne.
Les bouleversements géopolitiques en cours dans le monde, des États-Unis au conflit ukrainien, des velléités chinoises et indiennes à la tragédie du Moyen-Orient, doivent nous alerter et nous conduire à renforcer non seulement le pilier européen de l’Otan mais, surtout, une défense européenne autonome. Ce n’est qu’à ce prix que nous pourrons engager un rapport de force qui nous permettra de peser dans les négociations à venir.
Ainsi, tout en reprenant les fondamentaux de l’accord de 1983, ce texte intègre les leçons tirées du conflit en Ukraine. Il doit nous aider à mieux faire face aux attaques hybrides désormais omniprésentes dans les nouveaux espaces de conflictualité tels que le cyber, le champ informationnel, l’espace et les fonds marins. Il vise également à renforcer l’interopérabilité de nos forces armées et à consolider la coopération industrielle, deux conditions indispensables au renforcement de la défense européenne et de notre souveraineté industrielle.
Ce traité prévoit également l’organisation de consultations plus régulières entre nos deux pays afin d’établir des positions communes sur différents sujets internationaux. Ces échanges seront facilités par le Conseil franco-espagnol de défense et de sécurité, qui réunit les ministres de la défense et des affaires étrangères de chacun des deux États. Nous devons faire en sorte de rapprocher nos positions sur chaque sujet. C’est le gage de notre crédibilité sur le plan international.
La constitution d’un tel conseil aboutira à des évolutions concrètes, comme nous l’avons déjà expérimenté avec le Conseil franco-allemand de défense et de sécurité : celui-ci a permis de renforcer la coopération bilatérale, notamment grâce à la création d’une brigade franco-allemande, qui sera mise à disposition de l’Otan à partir de 2026.
Enfin, cet accord s’inscrit explicitement dans le cadre d’une étroite complémentarité avec nos partenaires communs de l’Otan et de l’Union européenne. Cette référence à nos instances multilatérales actives à l’échelle européenne constitue un réel progrès, car face à des menaces qui ciblent l’Europe et, de manière générale, le bloc occidental, il est plus que jamais nécessaire de construire ensemble l’architecture de notre sécurité commune.
Ce traité constitue donc une avancée réelle vers une coopération toujours plus poussée et adaptée aux nécessités actuelles. Nos deux pays et nos deux peuples ont noué, au fil des siècles, des liens intimes et forts que cet accord concrétise. Le temps présent nous appelle plus que jamais à nourrir ces liens pour renforcer l’alliance entre nos deux pays et donc le pilier européen de l’Otan. C’est pourquoi le groupe Les Démocrates votera ce projet de loi de ratification, en conscience et, surtout, avec un grand plaisir. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et EPR.)
M. le président
La parole est à M. Bertrand Bouyx.
M. Bertrand Bouyx
Le 19 janvier 2023, à Barcelone, la France a signé avec l’Espagne un traité consacrant l’amitié entre nos deux peuples. Il s’agissait du troisième traité de cette ampleur, après celui de l’Élysée conclu avec l’Allemagne et celui du Quirinal signé avec l’Italie – un quatrième sera bientôt entériné, nous l’espérons, avec la Pologne. Nous nous sommes ainsi engagés, avec nos partenaires espagnols, à renforcer notre coopération dans de nombreux domaines, dont celui de la défense.
La signature de ce traité a été l’occasion de renouveler le cadre de notre coopération dans le domaine de la défense, qui datait du 7 octobre 1983. Le nouveau cadre consacré par ce projet de loi permet de définir de nouvelles priorités pour notre défense commune, tant sur le volet opérationnel que capacitaire.
Sur le volet opérationnel, le traité liste de nombreuses coopérations possibles, ainsi que leurs modalités d’application : les échanges d’officiers de liaison et d’officiers d’échange, les visites officielles d’autorités, les entraînements et exercices communs, les échanges d’informations et de renseignements dans le domaine militaire.
Sur le volet capacitaire, il renouvelle notre engagement à développer des systèmes d’armement en commun, à l’image du système de combat aérien du futur. Ces derniers renforceront l’interopérabilité de nos armées, essentielle pour notre défense commune, pour notre participation aux exercices conjoints avec d’autres armées alliées et pour la défense du continent européen.
Le groupe Horizons & indépendants est également sensible à la définition d’autres domaines de coopération en matière de défense, au sein de ce traité, tels que l’énergie, le changement climatique et le rôle des femmes au sein des forces armées.
Nous accueillons tout aussi favorablement l’établissement d’instances de dialogue nouvelles, telles que le Conseil franco-espagnol de défense et de sécurité et le dialogue stratégique annuel entre la direction générale des relations internationales et de la stratégie et son homologue espagnole.
En définitive, ce traité de coopération est une nouvelle pierre à l’édifice de la défense commune au niveau européen – vous l’avez souligné, monsieur le ministre, dans vos propos. La France et l’Espagne ont toutes les deux soutenu l’adoption de la « boussole stratégique » européenne de 2022, qui a défini un cadre ambitieux de coopération pour l’ensemble des pays européens dans le domaine de la défense, au lendemain de l’agression russe contre l’Ukraine.
Avant de conclure, permettez-moi d’ajouter un mot sur l’Otan, objet majeur du traité. Je passerai rapidement sur le fait que les dispositions relatives au statut des forces sont largement fondées sur les standards en vigueur au sein de l’Organisation. Ne tombons pas dans l’écueil qui reviendrait à polluer le débat par des commentaires sur les dernières saillies de l’administration américaine. Il est question ici, d’abord et avant tout, de l’amitié qui nous lie avec l’Espagne, de notre participation commune à la défense européenne, au-delà de la seule Alliance atlantique. Mais gardons-nous aussi d’ignorer l’importance de l’inscription de notre coopération dans le cadre de l’Alliance atlantique. Supprimer d’une traite toute référence à l’Otan reviendrait à rayer d’un trait de plume nos valeurs communes. La France et l’Espagne partagent avec leurs alliés au sein de l’Otan des priorités stratégiques : la paix durable en Europe, fondée sur les valeurs que ses pays membres ont en commun, la liberté individuelle, la démocratie et l’État de droit. Ce sont bien ces valeurs que nous consacrons dans ce texte, des valeurs inscrites dans nos traités, auxquelles nous devons rester fidèles malgré la tempête.
Enfin, si l’Amérique devait, à l’avenir, se détourner de son engagement de garantir la sécurité de notre continent, nous avons là une occasion de travailler à concrétiser l’Europe de la défense. Avec ce traité bilatéral, la France, l’Espagne et à travers elles l’Europe peuvent non seulement devenir un pilier essentiel et influent de l’Alliance atlantique, mais aussi renforcer leur capacité à agir de manière autonome pour assurer leur défense.
Oui, demain, grâce à ce traité et à l’ensemble des traités de coopération qui nous lient avec nos partenaires, nous pourrons construire une véritable défense européenne. C’est pourquoi nous voterons en faveur du projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et DR et sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
M. le président
La parole est à M. Laurent Mazaury.
M. Laurent Mazaury
Le projet de loi que nous examinons revêt une importance capitale. Fruit d’une relation bilatérale étroite et de longue date, le traité qu’il vise à autoriser vient moderniser et renforcer notre partenariat stratégique avec l’Espagne, dans un contexte international marqué par des tensions croissantes et des défis sécuritaires complexes.
Face à des menaces qui n’ont jamais été aussi fortes, l’Europe de la défense, ou plutôt la défense de l’Europe,…
M. Jean-Paul Lecoq
Ce n’est pas la même chose !
M. Laurent Mazaury
…se construit d’abord par le biais d’accords bilatéraux de défense et de coopération stratégique. La France et l’Espagne partagent une histoire commune et des intérêts convergents en matière de défense et de sécurité. Depuis l’accord de coopération de 1983, nos deux pays n’ont cessé d’approfondir leur collaboration, notamment avec la création du Conseil franco-espagnol de défense et de sécurité en 2005, réunissant – hélas trop irrégulièrement jusqu’ici – les ministres de la défense et des affaires étrangères de nos deux pays. Nous souhaitons que ses réunions aient lieu plus fréquemment, comme l’a indiqué le président de la commission des affaires étrangères.
Ce nouveau traité vient actualiser le cadre juridique de notre relation bilatérale et l’adapter aux enjeux contemporains. Il ne s’agit pas seulement d’un accord de principe, mais d’un engagement fort et structurant, qui couvre l’ensemble du spectre de la coopération en matière de défense : interopérabilité des forces, formation des personnels, harmonisation des doctrines militaires, partage d’expertises en matière de cyberdéfense, sécurité maritime et coopération en matière de renseignement – autant de secteurs dans lesquels la complémentarité entre nos deux nations constitue un atout majeur.
L’adoption de ce traité s’inscrit pleinement dans la dynamique de renforcement de la défense européenne. Ensemble, nous avons participé à des missions de maintien de la paix et de stabilisation à travers le monde, notamment en Afrique avec l’opération Barkhane ou la mission de formation de l’Union européenne (EUTM) au Mali. Bien que ces opérations soient désormais terminées, elles ont démontré la nécessité d’une coopération accrue et coordonnée entre nos forces armées. Notre collaboration se manifeste également dans des projets industriels d’envergure, à l’image du Scaf et du programme de char de combat européen, en partenariat avec l’Allemagne. Par ailleurs, dans le domaine naval, nos pays sont engagés dans le projet de corvette européenne EPC, une initiative essentielle pour renforcer la capacité de surveillance et de protection des infrastructures critiques en Europe.
Ce traité offre un cadre juridique précis afin d’optimiser la coopération militaire et d’assurer une meilleure coordination entre nos forces armées. Il précise également les conditions d’accueil et de statut des personnels militaires déployés sur le territoire de chacun de nos pays, en encadrant le port de l’uniforme et des armes, l’accès aux infrastructures, ainsi que les questions fiscales. Il contient des dispositions essentielles sur la protection des informations classifiées, garantissant la sécurité des échanges sensibles entre nos deux nations.
Ce texte est examiné alors que les défis en matière de défense et de sécurité sont de plus en plus nombreux et critiques. En plus d’adapter notre cadre juridique, il permet de poser les bases d’une coopération plus étroite dans les années à venir. Les menaces hybrides, la nécessité d’une autonomie stratégique européenne et les tensions géopolitiques croissantes appellent des réponses coordonnées. La France et l’Espagne, en mutualisant leurs expertises et en coordonnant leurs stratégies, enverront un signal fort en faveur de la solidarité européenne et de la sécurité collective.
Par ailleurs, avec l’élection de Donald Trump aux États-Unis et les propos révélateurs tenus par ses représentants ces dernières heures, l’engagement américain sur le continent européen est remis en question et même clairement remis en cause, alors même que la guerre en Ukraine n’est pas terminée. L’incertitude quant à la position des États-Unis, mais la certitude d’un changement d’orientation, renforcent l’urgence pour l’Europe et avant tout pour la France de s’organiser de manière autonome et de pouvoir compter sur ses propres ressources. Il est impératif que nous puissions relever efficacement les défis sécuritaires actuels et futurs en dépendant le moins possible d’un soutien extérieur.
En votant en faveur de ce projet de loi, nous enverrons un message clair de solidarité entre deux nations amies résolument tournées vers l’avenir et prêtes à relever ensemble les défis de la défense et de la sécurité internationale. Je vous invite donc, mes chers collègues, à soutenir ce texte avec conviction. (Applaudissements sur les bancs des commissions.)
M. le président
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.
M. Jean-Paul Lecoq
Ce traité de défense avec l’Espagne nous conduit à nous interroger quant au but réel recherché : s’agit-il de renforcer l’Europe de la défense, de prendre le contre-pied de l’Otan ou de cultiver notre coopération avec un pays tiers tout en gardant notre souveraineté ?
Cet accord tend à clarifier et à consolider le cadre de notre coopération en matière de défense avec l’Espagne. Il participe donc à la sécurité juridique de chaque partie, notamment à celle des militaires et de leur famille. Nous ne pouvons pas critiquer ce point-là. Les accords comme celui-ci permettent une coopération profonde, qui porte sur des aspects à la fois technologiques et humains, dans les domaines de la santé, de la gestion de crise, de l’espace ; ils traitent de la féminisation des professions militaires et de bien d’autres sujets ; ils permettent aussi aux pays de se rapprocher et de renforcer leur collaboration dans différents domaines, d’améliorer leur droit ou leurs politiques.
À cet égard, la France, qui se plaît toujours à intégrer le respect des droits fondamentaux dans les accords qu’elle signe, accepterait-elle, pour une fois, de suivre à l’inverse son homologue espagnol, en reconnaissant l’État de Palestine ?
Mme Geneviève Darrieussecq
Et en décalant à 67 ans l’âge de la retraite ?
M. Sébastien Delogu
Ce n’est certainement pas avec ce ministre que la France reconnaîtra la Palestine !
M. Jean-Paul Lecoq
L’Espagne et d’autres pays européens l’ont reconnue. Nous aurions pu faire de même dans le cadre de cet accord qui, comme ceux du même genre, doit nous pousser à agir, et à agir mieux, en faveur de la paix et de la réconciliation.
En matière de sécurité, renforcer notre coopération dans la lutte contre la cybercriminalité ou le terrorisme en partageant nos connaissances et en agissant de concert paraît bénéfique pour la sécurité des concitoyens de nos deux pays et le respect de la démocratie. Nous avons vu récemment de nombreuses cyberingérences étrangères lors d’élections nationales, en Europe et ailleurs : ces agissements déstabilisent nos pays et nous devons nous en prémunir.
Nous préférons quant à nous privilégier de tels accords, dessinés en tenant compte des besoins réciproques, car ils permettent de s’éloigner de l’Otan et d’une Europe de la défense conçue selon la logique d’une Europe fédérale, à laquelle nous nous opposons fortement. Le groupe GDR est favorable à des coopérations européennes comme au principe d’une Union européenne dès lors que chacun garde sa souveraineté sans se mettre à la botte des États-Unis et de la culture de la guerre – et de l’économie de guerre qui lui est liée, telle que la souhaite d’ailleurs le président de la République.
Il y a peu, le président américain, récemment élu, exhortait les pays européens membres de l’Otan à allouer 5 % de leur PIB à leurs dépenses de défense. « Ils doivent payer la note ! S’ils payent plus, nous resterons », a-t-il lancé. Le principe de dépenser 2 % du PIB au titre de la défense avait été édicté lors du sommet de Newport, en 2014. En réalité, le locataire de la Maison-Blanche ne souhaite qu’une seule chose : que nous stimulions son industrie et que nous calquions nos intérêts de défense sur ceux des États-Unis – ni plus, ni moins.
Il est temps de faire valoir notre vision et de nous affranchir des diktats américains. Emmanuel Macron le rappelait lui-même en avril dernier lorsqu’il expliquait « vouloir aller plus loin, construire une défense européenne crédible ». Une telle défense européenne se construit à l’aide d’accords de coopération, dont certains pourraient même impliquer – pourquoi pas ? – nos voisins anglais, mais certainement pas sous la coupe de l’Otan ou de la fameuse Europe de la défense ; nous avons toujours refusé ce type d’alliances et nous continuerons. L’Union européenne n’est pas cette Europe fédérale à laquelle nous nous opposons. C’est pourquoi la référence à l’initiative européenne de défense, aussi brève soit-elle dans le texte, ne peut pas nous convenir.
Nous recherchons la paix, nous ne cherchons pas à préparer la guerre. J’ai souligné les bénéfices apportés par ce texte, mais parce que d’autres aspects, comme le rapprochement avec l’Otan, ne nous conviennent pas, nous nous abstiendrons lors du vote.
M. le président
La parole est à M. Matthieu Bloch.
M. Matthieu Bloch
Le groupe UDR est heureux de discuter d’un enjeu aussi fondamental que celui de la coopération militaire avec l’Espagne. Au-delà de notre appartenance commune à la civilisation judéo-chrétienne, l’Espagne s’avère un partenaire incontournable dans le domaine de la défense. Différentes raisons laissent penser que nos deux pays ont des intérêts stratégiques convergents : d’abord, l’adhésion commune à de nombreuses organisations internationales, à commencer par l’Otan et l’Union européenne. L’Espagne est aussi la sixième armée de l’Union européenne, avec pas moins de 136 000 femmes et hommes en service. Il s’agit donc non seulement d’un voisin, mais surtout d’un partenaire au poids militaire non négligeable.
Partisan de constituer un véritable pilier d’influence française au sein de l’Alliance atlantique, le groupe UDR considère l’Espagne comme un allié majeur dans cette tâche. Il est urgent que la France pèse de tout son poids au sein du bloc occidental, alors même qu’un désengagement américain paraît de plus en plus probable. L’histoire nous enseigne qu’aucune nation ne peut survivre seule aux grands bouleversements du monde. Or la situation géopolitique actuelle, particulièrement inquiétante, invite à créer de solides alliances.
Nos regards occidentaux sont actuellement rivés sur la Russie. Cependant, nous devons aussi suivre avec attention le déploiement de l’hyperpuissance militaire chinoise, ce pays ambitionnant de projeter ses intérêts en dehors de sa zone d’influence régionale. Force est de constater que le conflit ukrainien a redonné goût à de funestes élans guerriers que l’on croyait disparus. Nous avons vu se créer, autour de la Russie et avec elle, une dangereuse alliance de forces nucléaires entre la Chine, la Corée du Nord et l’Iran. Une telle alliance est de nature à bousculer l’équilibre géopolitique mondial, y compris dans le Pacifique. Dans cette situation inquiétante, tout partenariat bilatéral au sein de l’Otan, a fortiori avec une nation militaire comme l’Espagne, apparaît fondamental pour affermir l’influence de notre pays. Le monde dans lequel nous vivons n’a plus rien à voir avec celui d’hier : l’équilibre fragile qui nous permettait d’espérer une paix durable s’effondre peu à peu sous nos yeux.
Au niveau européen, l’Espagne s’est toujours tenue au côté de la France, particulièrement lorsqu’il s’est agi d’établir l’autonomie stratégique de l’Europe avec une coalition d’États décidés à se montrer plus assertifs dans la défense spécifique de leurs intérêts régionaux.
Par ailleurs, le véritable atavisme de l’Espagne pour l’industrie française de l’armement montre à quel point nous avons intérêt à consolider la relation que nous entretenons avec elle. C’est en effet l’Espagne qui a choisi la France en achetant 522 missiles Mistral à MBDA pour une valeur de 330 millions d’euros. C’est encore elle qui a choisi la France en achetant à Airbus des avions de surveillance maritime, pour un montant de 1,6 milliard, ainsi que des drones tactiques Sirtap pour 500 millions.
Le choix de la BITD – la base industrielle et technologique de défense – française n’est pas anodin. Alors que le déficit commercial de la France est devenu abyssal, l’exportation d’armes figure parmi nos derniers avantages comparatifs dans l’économie mondiale. Je n’oublie pas que notre BITD représente 200 000 emplois : il y a nos grands groupes, mais aussi 4 000 petites et moyennes entreprises (PME) et entreprises de taille intermédiaire (ETI). Alors qu’on ne compte plus les partenaires européens qui se fournissent en technologie américaine, l’Espagne a quant à elle fait un choix clair en misant sur l’excellence française.
L’Espagne est également un partenaire éminemment stratégique en matière de technologie militaire. Nous partageons déjà avec elle des projets stratégiques cruciaux, dont celui de constitution de l’Eurodrone, auquel sont également associés nos partenaires allemand et italien. Seul le développement d’une force de frappe technologique innovante nous permettra de « gagner la guerre avant la guerre », comme le préconisait notre chef d’état-major des armées (Cema). Plus important encore, nous avons combattu ensemble en Afghanistan, mais aussi contre le terrorisme au Sahel et au Proche-Orient. La France et l’Espagne se sont toujours associées pour faire face aux ennemis de la civilisation européenne et du droit.
Mme Marie Mesmeur
Oh là là !
M. Matthieu Bloch
Nous avons partagé le sang, les larmes et l’honneur des luttes. L’Espagne n’est pas un partenaire de circonstance, c’est un allié historique, un allié de terrain, un allié de combat.
Loin de diluer notre souveraineté, ce traité constitue un outil stratégique qui favorisera l’influence française au sein de l’Otan et bénéficiera à notre industrie de l’armement. Pour toutes ces raisons, mon groupe votera sans réserve ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
M. le président
La parole est à M. Michel Guiniot.
M. Michel Guiniot
Le texte que nous examinons vise à autoriser la ratification du traité sur la coopération dans le domaine de la défense entre la République française et le royaume d’Espagne. Ce dernier constitue depuis longtemps un allié fiable. Ce nouveau traité actualise l’accord en vigueur signé le 7 octobre 1983 et apporte des modifications importantes pour renforcer notre réponse commune aux nouvelles menaces, notamment hybrides, protéger les flux stratégiques, défendre notre liberté d’action dans les espaces stratégiques contestés – dont l’espace cyber – et consolider la coopération de nos forces armées.
Face aux nouveaux défis pour le continent, en particulier la menace terroriste qui n’a cessé de croître avec l’immigration incontrôlée, la réponse se doit d’être coordonnée entre les États. L’étude d’impact précise que 225 personnes, civiles et militaires, sont concernées par les enjeux du traité, dont la forme, plus solennelle, a été préférée à celle de l’accord.
Si cette actualisation était nécessaire, il est regrettable qu’un accord de défense entre deux pays souverains mentionne, en son article 3, la volonté de renforcer la défense à l’échelle de l’Union européenne, en complémentarité avec l’Otan. Pour reprendre les propos du député Jacobelli, tenus en commission de la défense, « on peut aussi regretter le verbiage européiste qui entoure ce traité ».
Le port et l’utilisation d’armes létales par des agents publics étrangers sur le territoire national, régi par l’article 8, constitue un sujet particulièrement délicat : la France et l’Espagne consentent ainsi à ce qu’une puissance étrangère puisse disposer d’hommes en armes sur leur territoire. Malheureusement, cette concession en matière de souveraineté est rendue nécessaire pour assurer la sécurité face à l’importation du terrorisme et de comportements particulièrement barbares.
J’appelle votre attention sur le premier alinéa de l’article 12 du traité, qui stipule que les membres en mission « sont exonérés par la partie d’accueil du paiement de tout impôt lié aux biens mobiliers à usage personnel dont ils sont propriétaires et qui sont en lien direct avec leur présence temporaire sur le territoire de la partie d’accueil ». Comme cela a été évoqué en commission, cette exonération vaut pour le timbre fiscal et pour la carte grise d’un véhicule, ainsi que pour la taxe sur la valeur ajoutée – je vous remercie, monsieur le rapporteur, de m’avoir apporté cette précision après consultation du ministère des affaires étrangères et du ministère des armées.
En commission, vous m’avez indiqué que « les activités prévues par le traité n’entraîneront pas de coûts supplémentaires car elles s’inscrivent dans le cadre d’une coopération existante » – je vous remercie également de cette précision. En effet, dans le contexte économique que nous connaissons, il importe de ne pas aggraver l’état des finances publiques.
Compte tenu de ces enjeux et de la nécessité d’une actualisation de l’accord de 1983, le groupe du Rassemblement national votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à M. Stéphane Vojetta.
M. Sébastien Delogu
La racaille de Twitter !
M. Stéphane Vojetta
Je tiens à préciser que j’ai préparé cette intervention avec l’aide de M. Gérard Lapierre, ancien attaché d’armement et attaché de défense adjoint à l’ambassade de France en Espagne.
Mme Marie Mesmeur
Vous ne pouviez pas l’écrire tout seul ?
M. Stéphane Vojetta
À travers lui, je souhaite rendre hommage à toutes les personnes, françaises et espagnoles, qui œuvrent chaque jour, à Madrid, à Paris, à Séville, à Toulouse et ailleurs, pour structurer notre relation bilatérale de défense. Je dois aussi évoquer Pedro Sánchez, chef du gouvernement espagnol, que nous avons vu hier, assis aux côtés du président de la République, travailler avec nos principaux partenaires à la redéfinition de notre politique de défense. Nous les avons vus travailler en Européens, en alliés, en voisins et en amis. Les jours que nous venons de vivre, du discours du vice-président américain J. D. Vance à Munich au sommet d’hier à l’Élysée, nous ramènent à l’impérieuse nécessité de renforcer les liens stratégiques et militaires en Europe.
Nous délibérons du projet de loi autorisant la ratification du traité de coopération en matière de défense entre la France et l’Espagne, signé à Barcelone le 19 janvier 2023. J’avais eu l’honneur d’assister à cette signature, en tant que député des Français d’Espagne et que témoin de la volonté de nos compatriotes d’un rapprochement accru entre deux pays frères.
Nombre d’entre vous l’ont souligné : ce traité place l’Espagne dans le club très fermé des pays avec lesquels la France entretient une relation de coopération renforcée. Il prolonge une pente ascendante dans les relations franco-espagnoles, en particulier depuis le sommet de Montauban du 15 mars 2021, qui avait débouché sur un projet de loi pour lequel j’avais déjà eu l’honneur de défendre la position de mon groupe politique au début de l’année 2022 : ce texte autorisait la ratification, après de longues décennies d’attente, de l’accord de double nationalité entre la France et l’Espagne.
Le traité que nous examinons actualise l’accord de 1983 et répond au nouveau contexte sécuritaire : menaces hybrides, cyberattaques, terrorisme et tentatives d’ingérences étrangères. Il instaure des mécanismes novateurs et essentiels pour renforcer la sécurité de nos deux nations : un partage accéléré du renseignement et une coopération accrue face aux cybermenaces et au terrorisme. Il renforce ainsi la solidarité entre Européens.
Par ailleurs, ce texte dépasse la seule coopération militaire puisqu’il consolide la coopération industrielle de défense, dans la droite ligne des ambitions européennes nourries par le président de la République depuis 2017. Dans un contexte de remilitarisation du monde, où l’innovation technologique se révèle décisive, ce traité encourage les partenariats entre nos industries de défense, en soutenant des projets structurants pour l’autonomie stratégique européenne. Je pense par exemple aux avions ravitailleurs MRTT, à l’hélicoptère d’attaque Tigre, à l’avion de transport A400M ou à l’Eurodrone, sans oublier le Scaf, projet phare de l’aviation de combat du futur développé conjointement par la France, l’Espagne et l’Allemagne, et dont le premier vol d’essai est prévu en 2028.
Par les coopérations qu’il promeut, ce texte assure une compétitivité accrue de nos tissus industriels de défense ; il renforce l’autonomie stratégique européenne et notre souveraineté industrielle et technologique face aux grands acteurs mondiaux. J’accompagnerai avec plaisir la présidente de l’Assemblée nationale qui visitera, ce vendredi, les installations d’Airbus à Madrid, symbole de la coopération franco-espagnole dans l’industrie aéronautique et de défense.
M. Sébastien Delogu
Quel honneur !
M. Stéphane Vojetta
Ce traité participe ainsi d’un effort plus large pour une défense européenne autonome durant toute la durée de vie des matériels, de la définition de leur emploi en passant par leur production et leur maintien en condition opérationnelle. La France et l’Espagne partagent la vision d’une Europe autonome, capable de défendre ses intérêts et son intégrité, et de contribuer à la sécurité mondiale, dans les cadres de coopération multilatéraux que constituent l’ONU, l’Otan ou l’Union européenne.
Le texte comporte également des mesures favorisant une coopération fluide entre nos forces armées, comme l’harmonisation de la fiscalité ou la gestion d’urgences telles que les décès en mission. Il s’agit de garantir une coordination sans faille, comme l’a illustré la présence des forces espagnoles en France à l’occasion des Jeux olympiques de Paris en 2024. Le Conseil franco-espagnol de défense et de sécurité assurera une gouvernance efficace et une coordination opérationnelle optimale grâce à un dialogue stratégique régulier et à l’organisation d’exercices conjoints. Il permettra aussi d’évaluer l’efficacité de notre coopération.
Ce traité n’est pas une simple formalité ; il constitue une avancée stratégique majeure pour nos relations bilatérales et pour la sécurité de l’Europe. Il est une promesse de renforcement de la sécurité, de la coopération et de l’amitié entre nos deux nations. En le ratifiant, nous engageons un avenir de progrès, et le groupe EPR votera donc ce texte avec enthousiasme. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, sur les bancs du groupe HOR et sur plusieurs bancs du groupe LIOT, ainsi que sur ceux des commissions.)
M. le président
La parole est à M. Bastien Lachaud.
Un député du groupe LFI-NFP
On va enfin entendre un discours raisonnable !
M. Sébastien Delogu
Le précédent était vraiment nul !
M. Bastien Lachaud
La France et l’Espagne sont des alliés et des amis. Nos coopérations s’inscrivent dans une vision stratégique commune. Nous avons des intérêts convergents sur le flanc sud de l’Europe, notamment l’espace méditerranéen. L’Espagne est l’un des pays avec lequel nous entretenons le plus vaste réseau d’officiers de liaison et d’échange. Les coopérations opérationnelles sont nombreuses entre nos deux pays. Ainsi, dans le domaine naval, l’Espagne fut le premier pays à accueillir, dans l’un de ses ports, l’un de nos sous-marins nucléaires d’attaque. Nous nous félicitons de ces collaborations qui fonctionnent. Cet accord de défense vient réactualiser celui de 1983 et, sur plusieurs aspects, il facilitera la coopération militaire entre nos deux pays.
En revanche, nous ne pouvons que nous inquiéter du cadre dans lequel il s’inscrit. Dans son article 3, cet accord se donne pour objectif de « renforcer l’Union européenne en matière de défense, en étroite complémentarité avec l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord ». Il cherche donc à développer l’Europe de la défense : c’est une erreur et une stratégie diplomatique néfaste.
En effet, depuis le début de la guerre en Ukraine, l’Union européenne s’arroge petit à petit la compétence de la défense, contre tout principe démocratique et contre la souveraineté populaire. Jamais les peuples européens n’ont donné leur accord pour que l’Union européenne traite de ces questions.
Mme Marie Mesmeur
Eh oui !
M. Bastien Lachaud
Le respect des traités aurait dû aussi l’interdire. C’est donc hors de tout cadre légal que l’Union européenne poursuit une marche en avant illégitime en matière de défense.
Mme Marie Mesmeur
Exactement !
M. Bastien Lachaud
L’objectif est clair : se vassaliser encore davantage par rapport aux États-Unis, puisque les traités européens stipulent que la défense européenne s’inscrit uniquement dans le cadre de l’Otan.
La conséquence de cette Europe de la défense est d’empêcher définitivement toute politique d’indépendance et de non-alignement. Cette obsession atlantiste a poussé plusieurs acteurs européens à anticiper les demandes de la nouvelle administration Trump, pour s’assurer de sa bienveillance. Ainsi, Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne (BCE), appelait à augmenter les dépenses de défense des pays européens en échange d’un non-rehaussement des barrières douanières de la part des États-Unis sur les produits en provenance de l’Union – ce qui satisferait pleinement l’Allemagne qui continuerait de vendre ses voitures.
Il en va de même des discussions sur le règlement relatif au programme européen pour l’industrie de la défense (Edip) : contre l’avis initial de la France, il permet d’acheter jusqu’à 35 % de matériel extra-européen, c’est-à-dire étatsunien. Sous couvert d’un fonds d’achat de matériel de défense, ce règlement ne servira qu’à financer massivement, avec l’argent des pays européens, l’industrie de guerre étatsunienne, qui est la clé de voûte de sa domination mondiale. Mark Rutte, secrétaire général de l’Otan, a d’ores et déjà admis que les pays européens devaient augmenter leur niveau de dépense dans la défense au-delà des 2 % du PIB, pour se rapprocher des 5 % exigés par le président Trump. Mais ces concessions, consenties avant toute négociation, n’auront pas l’effet escompté.
En effet, le monde a changé. La nouvelle administration Trump agit avec autoritarisme pour conserver son rôle de première puissance mondiale. L’actualité des derniers jours le montre bien. Nous devons comprendre que les enjeux géopolitiques et ce qui se joue devant nos yeux nous ont fait changer de monde en moins d’une semaine. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Sébastien Delogu
Excellent !
M. Bastien Lachaud
Donald Trump a humilié l’ensemble des pays européens. Il compte mettre fin à la guerre en Ukraine sans inclure les Ukrainiens, encore moins les pays européens.
M. Jean-Paul Lecoq
Quelle honte !
M. Bastien Lachaud
Avant toute négociation, il donne aux Russes les garanties de sécurité qu’ils demandent. Le vice-président étatsunien est venu ce week-end, en Allemagne, donner une leçon aux dirigeants européens. Tout cela s’est achevé par les larmes du président de la conférence de Munich, qui a conclu que nos valeurs communes n’étaient peut-être plus si communes que cela. Voilà ce qu’il se passe en ce moment dans le monde : les États-Unis défendent plus que jamais leurs intérêts et l’Otan nous y soumet. Le non-alignement diplomatique, que nous promouvons de longue date, apparaît désormais comme la seule solution. Même le ministre de la défense, Sébastien Lecornu, a fini par s’y ranger en Indonésie, du moins en apparence. La France doit défendre une diplomatie non alignée avec des alliés fiables hors de l’Otan. Seule cette approche peut nous permettre de sortir de la logique guerrière des blocs et de trouver un chemin pour construire la paix, qui demeure l’enjeu de notre temps face à la course à la guerre. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Laurent Croizier
Quelle naïveté !
M. le président
La parole est à M. Sébastien Saint-Pasteur.
M. Sébastien Saint-Pasteur
Quelles sont les avancées, par rapport à l’accord de 1983, de ce nouveau traité bilatéral en matière de défense ? Avant toute autre chose, il s’agit d’avancées pour nos soldats. Nous avons été presque unanimes, en commission, à voter en faveur de ce projet de loi de ratification. C’est dans un même esprit que nous abordons cette discussion d’un traité que nous devons regarder à hauteur de femme et d’homme. Il permettra de mieux protéger nos forces puisque nous n’avions pas jusqu’à présent, avec l’Espagne, d’accord sur le statut des forces. Ce traité pallie cette lacune. Il permettra de sécuriser le cadre juridique de la coopération entre les personnels militaires et civils des armées françaises et espagnoles.
Son intérêt est également stratégique et politique, quand le monde traverse de très fortes turbulences et que les menaces de nos compétiteurs stratégiques sont de moins en moins dissimulées. Nous devons donc envoyer à ces derniers un signal fort, en resserrant nos liens et notre coopération, dans de multiples domaines, avec nos partenaires historiques de confiance, au premier rang desquels, bien entendu, figure l’Espagne. L’Espagne et la France partagent une même volonté de renforcer l’autonomie stratégique de l’Union européenne, ce qui passe par la consolidation de la BITDE, la base industrielle et technologique de défense européenne. C’est le sens de ce traité, qui promeut une coopération renforcée au niveau opérationnel, stratégique et capacitaire.
Au niveau capacitaire, la coopération industrielle franco-espagnole est déjà particulièrement avancée dans le domaine aérospatial, sur les programmes d’avions de transport A400M, sur l’avion ravitailleur multirôles A330 MRTT, sur la rénovation à mi-vie des hélicoptères Tigre.
Des programmes, comme le Scaf et l’Eurodrone, sont développés en commun : ils font l’objet d’intenses discussions et devront passer très prochainement de nouvelles étapes. Leur développement est fondamental, du moment qu’ils respectent nos intérêts, dans le cadre d’un partenariat exigeant et profitable à chacun.
On ne peut certes prétendre que ce traité pourra résoudre, du jour au lendemain, les divergences industrielles ou les éventuels désaccords politiques entre les trois États parties prenantes au Scaf. Il ne décidera pas de l’éventuelle entrée du Scaf dans sa phase 2 mais il pourrait, plus modestement, renforcer la cohésion du couple franco-espagnol dans la phase de négociations préalable à son ouverture.
Cette cohésion est d’histoire ancienne : je ne peux m’empêcher de vous rappeler que la Nueve, compagnie rattachée à la deuxième division blindée du général Leclerc, a été la première à rentrer dans Paris lors de la Libération.
Mme Geneviève Darrieussecq
C’est vrai !
M. Sébastien Saint-Pasteur
Si nous prenons un peu de hauteur, ce traité est aussi une pièce du puzzle européen que nous devons assembler en considération de la nouvelle donne internationale. Ces partenariats constituent en effet une base solide pour le renforcement de la nécessaire coopération européenne.
Les socialistes seront au rendez-vous de ce sursaut européen auquel il nous faut prendre part, conscients de la nature et de la constance des motivations russes, lucides face au revirement américain et porteurs d’une nouvelle impulsion européenne.
Certaines mesures, à portée de main, doivent être posées sur la table : la déduction du déficit public du calcul des investissements de dissuasion – elle permettrait de reconnaître le rôle particulier joué par la France, dépositaire de la force de dissuasion – tout comme celle, pendant plusieurs années, des investissements de défense supérieurs à 2 % du PIB, ou encore la mise en œuvre, entre États, d’un mécanisme de compensation sociale et fiscale de 20 % sur les équipements de défense produits en Europe et à destination d’États européens.
Autant de mesures qui doivent être mises à l’étude afin de libérer l’effort que nous avons à consentir et de recentrer l’Europe sur elle-même. N’oublions pas que le mandat de M. Donald Trump, qui a prêté serment il y a moins d’un mois, va durer quatre ans. Quand le danger menace, il est urgent de nous fortifier contre lui : ce traité est une première étape en ce sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – Mme Geneviève Darrieussecq applaudit également.)
M. le président
Sur le vote de l’article unique du projet de loi, je suis saisi par le groupe Ensemble pour la République (« Ah ! » sur les bancs du groupe RN), le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire et le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires, d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Valérie Bazin-Malgras.
Mme Valérie Bazin-Malgras
Nous nous réunissons ce soir pour ratifier l’accord entre la France et l’Espagne relatif au renforcement et à l’actualisation de notre coopération en matière de défense et de sécurité.
Nos deux pays ont entretenu, de longue date, des relations bilatérales particulièrement denses : on peut remonter au traité des Pyrénées, signé en 1659 par Louis XIV et Philippe IV.
Nous sommes partenaires européens, membres de l’Otan – et je ne suis pas certaine que la levée de la procédure d’examen simplifiée ait été nécessaire, bien au contraire.
Comme l’a rappelé le rapporteur Nicolas Forissier lors de l’examen du texte en commission, cet accord est l’exemple parfait d’une coopération qui fonctionne. L’Espagne, qui partage nos valeurs et nos ambitions en matière de défense, est pour la France un allié européen et atlantique de premier plan. Ce traité consolidera une relation bilatérale déjà forte, marquée du sceau de la confiance et de la proximité.
L’Espagne a fait savoir à la France, il y a bientôt un an, qu’elle avait déjà achevé de ratifier le traité : il pourra donc entrer en vigueur lorsque nous aurons voté le projet de loi autorisant la ratification par la France.
L’accord encore en vigueur à ce jour a plus de quarante ans : il est devenu obsolète, dans la mesure où il ne prend pas en compte nombre de problématiques contemporaines. Ratifier ce traité, c’est donc instaurer un cadre juridique plus complet, institutionnaliser des mécanismes de consultation et de dialogue, favoriser une coopération plus étroite et mieux coordonnée. C’est aussi établir un statut des forces qui faisait défaut dans le précédent traité, protégeant par là même nos militaires déployés sur le territoire espagnol.
Diverses mutations survenues sur la scène internationale, depuis les années 1980, rendent nécessaire une modernisation du traité : développement du terrorisme ainsi que des menaces hybrides et cyber, changement climatique ou bien encore féminisation des armées.
Ratifier ce traité, c’est aussi faire un pas de plus vers l’autonomie stratégique de la défense européenne, de manière à appuyer l’Otan plus efficacement. Il faut, à cette fin, favoriser le développement de projets industriels communs et la consolidation de la base industrielle et technologique de défense européenne.
L’étude d’impact a conclu, comme l’a rappelé le rapport de notre commission, que les activités prévues par le traité n’entraîneront aucun coût supplémentaire.
Les articles relatifs au port d’armes et à la fiscalité, enfin, s’inscrivent dans le droit fil des stipulations de la Convention sur le statut des forces de l’Otan. L’accord que nous examinons s’inspire très largement des clauses classiques figurant dans les autres accords de coopération signés par la France en matière de défense et de sécurité et régissant le statut des forces – coopération qu’il doit contribuer à mieux organiser et à approfondir.
Permettez-moi donc d’insister sur sa nécessité stratégique et sur le rôle qu’il doit jouer dans le renforcement de l’autonomie européenne dont l’actualité – consternante, il faut bien le dire – nous rappelle à chaque instant l’importance.
Pour toutes ces raisons, le groupe Droite républicaine votera en faveur de la ratification de cet accord qui est un investissement pour la sécurité et la prospérité de nos deux pays. Il contribue à faire avancer notre défense, tout en consolidant nos liens historiques avec le royaume d’Espagne. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR, sur quelques bancs du groupe EPR et sur les bancs des commissions. – M. Laurent Mazaury applaudit également.)
M. le président
La parole est à M. Jean-Louis Roumégas.
M. Jean-Louis Roumégas
Face à l’essor de nouvelles menaces, et dans un contexte sécuritaire mondial incertain, il est urgent que les pays européens renforcent leurs liens et développent une défense autonome. La ratification d’un nouveau traité de coopération avec notre allié espagnol va donc dans le bon sens et mérite à ce titre d’être saluée.
Avec ses 623 kilomètres, la frontière avec l’Espagne est la plus longue que nous partageons avec un autre pays.
M. Romain Daubié
Non, notre frontière la plus longue est avec le Brésil !
M. Jean-Louis Roumégas
La coopération industrielle entre nos deux pays est intense, ainsi que dans le domaine spatial et le domaine militaire. L’espagnol est la deuxième langue la plus enseignée en France, tandis que le français jouit de la même position dans le système scolaire espagnol.
L’Espagne est par ailleurs déjà un partenaire essentiel en matière de défense, avec lequel nous partageons une vision commune. Les deux pays sont engagés ensemble dans différents projets – notamment dans le Scaf, en vue du renouvellement de leurs avions de combat.
Le traité dont nous devons autoriser aujourd’hui la ratification vient actualiser l’accord de 1983. Il facilite le dialogue entre nos deux pays au moyen, notamment, de la création de plusieurs instances. Il intègre également des références aux cadres de coopération multilatéraux de l’Otan et de l’Union européenne.
Ainsi son intérêt est-il double : renforcer les relations franco-espagnoles – refroidies ces dernières années par les désaccords autour du projet gazier MidCat – et renforcer la coopération européenne dans une période de fortes turbulences. Alors que l’Europe est prise en étau entre l’appétit territorial russe et les menaces répétées de Donald Trump de lâcher l’Otan, c’est essentiel.
On ne pourrait mieux répondre aux attaques de Trump, qui cherche à diviser les Européens en misant sur des relations personnelles et directes avec les exécutifs des différents pays. Le multilatéralisme et l’union, pour nos pays, sont les clés ; cet accord vient les renforcer.
L’Union européenne, plus que jamais, doit consolider ses liens et diversifier ses stratégies pour être autonome. Longtemps construite autour de la relation franco-allemande, elle gagnera à multiplier les axes de coopération entre pays frontaliers et à s’ouvrir davantage à la Méditerranée. Nous voterons donc pour la ratification de ce traité. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
M. le président
La discussion générale est close.
Discussion des articles
M. le président
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, l’article unique du projet de loi.
Article unique
M. le président
Je mets aux voix l’article unique.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 102
Nombre de suffrages exprimés 95
Majorité absolue 48
Pour l’adoption 95
Contre 0
(L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.)
(Applaudissements sur de nombreux bancs.)
2. Ordre du jour de la prochaine séance
M. le président
Prochaine séance, demain, à quatorze heures :
Questions au gouvernement ;
À dix-sept heures trente, discussion et vote sur la motion de censure déposée en application de l’article 49, alinéa 2, de la Constitution.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-deux heures quarante.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra