Deuxième séance du jeudi 20 février 2025
- Présidence de Mme Nadège Abomangoli
- 1. Impôt sur le patrimoine des ultrariches
- Présentation
- Discussion générale
- Discussion des articles
- Article unique
- Rappel au règlement
- Article unique (suite)
- Rappel au règlement
- Article unique (suite)
- Amendement no 1
- Rappel au règlement
- Article unique (suite)
- Amendement no 2
- Rappels au règlement
- Article unique (suite)
- Amendement no 3
- Rappels au règlement
- Suspension et reprise de la séance
- Rappel au règlement
- Article unique (suite)
- Rappel au règlement
- Article unique (suite)
- Suspension et reprise de la séance
- Amendement no 18
- Rappels au règlement
- Article unique (suite)
- Amendement no 44
- Rappel au règlement
- Article unique (suite)
- Rappel au règlement
- Article unique (suite)
- Rappel au règlement
- Article unique (suite)
- Amendement no 28
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Nadège Abomangoli
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1. Impôt sur le patrimoine des ultrariches
Discussion d’une proposition de loi
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de Mme Eva Sas et plusieurs de ses collègues instaurant un impôt plancher de 2 % sur le patrimoine des ultrariches (nos 768, 930).
Présentation
Mme la présidente
La parole est à Mme Eva Sas, rapporteure de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
Mme Eva Sas, rapporteure de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Si nous avons, avec ma collègue Clémentine Autain, souhaité vous soumettre cette proposition d’impôt plancher sur la fortune, c’est pour mettre fin à une injustice fiscale qui dure depuis trop longtemps, pour en finir avec le contournement de l’impôt par les plus fortunés et faire enfin évoluer un système fiscal où tout le monde – même les riches – contribue à l’effort public, sauf les ultrariches.
En effet, qu’observons-nous depuis vingt ans ?
D’un côté, les 500 plus grandes fortunes de France ont vu leur patrimoine multiplié par dix, passant de 124 milliards à 1 228 milliards d’euros ; le rendement du capital explose, atteignant 7 % à 10 % par an. Même en période de crise, le patrimoine des ultrariches ne subit qu’un impact temporaire et les fluctuations annuelles ne remettent jamais en cause la tendance de fond : une accumulation constante et massive du capital.
De l’autre côté, nous avons un système fiscal, certes, très progressif, mais jusqu’à un certain niveau de revenus. À partir du seuil des 0,1 % les plus aisés, il devient au contraire dégressif : pendant que les classes moyennes et populaires contribuent à hauteur de 50 % de leur revenu à l’effort collectif – tout impôt confondu, y compris la TVA et l’impôt sur les sociétés –, les milliardaires, eux, ne paient que 27 %, et même 2 % si l’on ne prend en compte que les impôts personnels.
Comment les plus riches font-ils pour payer si peu d’impôts ? D’abord, ils ont bien sûr bénéficié de l’affaiblissement de la fiscalité sur le capital depuis 2017, en particulier avec la transformation de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en impôt sur la fortune immobilière (IFI)…
M. Charles Sitzenstuhl
Excellente décision !
Mme Eva Sas, rapporteure
…et l’instauration de la flat tax. Mais surtout ils élaborent des schémas d’optimisation fiscale, notamment via des holdings dans lesquelles ils logent leur patrimoine et laissent leurs dividendes. Ils perçoivent donc très peu de revenus et ne paient en conséquence que très peu d’impôts. C’est précisément pour contrer ces mécanismes d’évitement que nous proposons l’impôt plancher sur la fortune.
Il s’agit d’un dispositif simple, inspiré des travaux que Gabriel Zucman a présentés devant le G20 : un impôt plancher qui garantit que chaque grande fortune paie au moins 2 % de la valeur de son patrimoine en impôts, tout impôt confondu. Concrètement, si le total des impôts personnels acquittés est inférieur à ce seuil, notre impôt viendra compenser la différence.
Cette mesure ne concerne que les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros. Il n’y aurait donc aucun impact pour les gérants de PME, les artisans ou les jeunes entrepreneurs. Ce seuil minimise le risque d’inconstitutionnalité : dès lors que le patrimoine descend en dessous de 100 millions, l’impôt plancher ne s’applique plus. Autrement dit, il préserve un patrimoine d’au moins 100 millions au contribuable. On ne peut donc pas parler d’impôt confiscatoire ou de rupture d’égalité devant les charges publiques. La vraie rupture d’égalité est celle d’un système où les plus riches échappent à l’impôt pendant que tout le monde paie.
M. Nicolas Sansu
Exactement !
Mme Eva Sas, rapporteure
Le Conseil constitutionnel n’a jamais statué sur un dispositif avec un seuil aussi élevé, et il ne pourra ignorer les études démontrant l’usage du bouclier fiscal par les ultrariches pour contourner l’impôt.
Certains brandiront bien sûr la menace de l’exil fiscal. Il faut certes la prendre en considération, mais avec discernement car, dans les faits, l’exil fiscal est toujours resté marginal : selon France Stratégie, seuls 0,2 % des contribuables soumis à l’ISF s’exilaient pour des raisons fiscales. Et pour fermer toute brèche, nous avons fait adopter en commission des finances un dispositif anti-exil fiscal : ceux qui s’expatrient resteront redevables de notre impôt pendant cinq ans.
Enfin, pour que cet impôt plancher soit opérant, il doit absolument inclure les biens professionnels, qui représentent 66 % du patrimoine des 380 foyers fiscaux les plus riches, et jusqu’à 90 % pour les plus aisés d’entre eux. Les exclure, ce serait vider l’impôt plancher de sa substance et réduire son rendement à peau de chagrin. Qu’on soit clair : quand nous parlons de biens professionnels de plus de 100 millions d’euros, nous ne parlons pas du four du boulanger, de commerces ou d’outils de travail, mais bien d’actions dans des multinationales.
Exonérer ces biens, ce serait créer une taxe sur les milliardaires qui ne touche pas les milliardaires. Exonérer ces biens, ce serait renoncer à 15 à 25 milliards d’euros de recettes. Peut-on se le permettre ? Non : ces fonds sont essentiels pour compenser une décennie de cadeaux fiscaux et réduire le déficit, pour renforcer nos services publics et financer la transition écologique. L’impôt plancher sur la fortune est donc une mesure utile, une mesure juste, une mesure de cohésion sociale.
Chers collègues, le choix qui vous incombe est simple : voulez-vous défendre l’intérêt général ou protéger les privilèges d’une poignée de milliardaires ? (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre chargée des comptes publics.
Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics
Ces derniers mois, les Français ont exprimé un fort besoin de stabilité. Avec l’adoption d’un budget de compromis, nous sommes sur le chemin de la stabilité politique. Or le corollaire de cette stabilité politique est la stabilité économique et surtout fiscale. Ainsi, comme Éric Lombard et moi l’avons indiqué, les impôts exceptionnels issus de la loi de finances pour 2025 – la surtaxe de l’impôt sur les sociétés (IS) et la contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR) – resteront exceptionnels, et il n’est pas question de créer de nouvel impôt.
Cette stabilité fiscale est primordiale pour créer les conditions qui permettent aux entrepreneurs, aux investisseurs et aux hommes et femmes de talent de créer de la richesse et de l’emploi en France. (Rumeurs sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) C’est notamment elle qui contribue à maintenir sur le territoire national des entreprises en forte croissance et à financer plus généralement nos start-up, nos PME innovantes et nos industries stratégiques. Ces entreprises sont les emplois d’aujourd’hui et plus encore de demain.
Le Sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle qui s’est tenu la semaine dernière à Paris illustre bien la compétition internationale qui se joue actuellement pour attirer les investissements d’avenir. Nos choix politiques et financiers ne peuvent faire fi de cette réalité, encore moins quand notre souveraineté et autonomie stratégique, voire notre existence même en tant qu’Européens, sont en jeu dans un monde instable.
Dans ce contexte, il est manifeste que la proposition de loi examinée ce jour, instaurant « un impôt plancher de 2 % sur le patrimoine des ultrariches », est à rebours des objectifs du gouvernement. Une telle contribution serait en effet à la fois confiscatoire et inefficace. (« Oh ! » sur les bancs du groupe EcoS.)
M. Alexis Corbière
Allons, deux petits pourcents !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Confiscatoire d’abord, car on ne peut raisonnablement pas soutenir un impôt Zucman…
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Et la justice sociale ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
…qui promet de produire cinq fois plus de rendement que l’ISF tout en étant concentré sur cent fois moins de contribuables : 2 000 personnes, ces fameux 0,01 % des foyers, alors que l’ISF touchait 350 000 contribuables en 2016. Jamais les biens professionnels n’avaient été inclus dans l’assiette de l’ISF.
M. Alexis Corbière
C’est bien le problème ! Nous voulons y remédier.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Taxer les biens professionnels, ce n’est pas taxer des actions ; c’est taxer les actions d’une entreprise dont on est propriétaire, souvent le fondateur.
M. Alexis Corbière
Oh, pauvres gens !
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Soixante-dix milliards de dividendes !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Cela aurait des effets catastrophiques en matière d’expatriation des contribuables…
M. Vincent Thiébaut
Eh oui !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
…et imposerait aux entreprises, notamment les entreprises de taille intermédiaire (ETI), de distribuer des dividendes à leurs actionnaires pour leur permettre de payer l’impôt, là où elles investissent aujourd’hui dans leur croissance et l’innovation.
M. Alexis Corbière
C’est faux !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés qui soutenez cette initiative, vous en êtes bien conscients : loin d’un impôt plancher ou d’un impôt minimum, vous créez là une contribution éminemment confiscatoire…
M. Nicolas Sansu
Mais non !
M. Alexis Corbière
Bonjour la subtilité ! C’est le soviétisme !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
…qui, si elle était adoptée, ferait immédiatement fuir à l’étranger les foyers les plus aisés et, avec eux, les capitaux.
Ce n’est pas moi qui affirme que cet impôt est confiscatoire, mais la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Mme Sophie Taillé-Polian
Avec Ferrand, ça ne va pas s’arranger !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Dans sa décision de 2012, il indiquait qu’avec un taux de 2 %, l’ISF devait « [s]’assortir d’un dispositif de plafonnement ou produisant des effets équivalents destiné à éviter une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ». En somme, le seul risque de cet impôt est que personne ne le paie.
Et vous le savez tellement bien, madame la rapporteure, que vous avez déjà imaginé la solution pour rattraper les 2 000 contribuables visés par votre nouvel impôt qui quitteraient le territoire national.
M. Alexis Corbière
Comme aux États-Unis !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Vous prévoyez en effet dans le dispositif un mécanisme d’exit tax renforcée, qui permettrait de continuer à imposer les exilés fiscaux durant plusieurs années après leur départ.
M. Alexis Corbière
Eh bien, c’est une bonne idée !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Mais que se passerait-il ensuite ? Il n’y aurait plus rien : plus de rendement, plus d’entreprises, plus d’investisseurs, plus d’impôts pour les Français. (MM. Vincent Thiébaut et François Jolivet applaudissent.) En fin de compte, c’est en cela que cette réforme serait inefficace : elle ne produirait aucune richesse supplémentaire dans le pays tout en provoquant des expatriations certaines.
M. Vincent Thiébaut
Une mesure populiste et démagogique !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Disons-le clairement, la taxe que vous proposez ne peut en aucun cas être instituée isolément, à l’échelle nationale, alors que nous évoluons en économie ouverte, dans un monde où le capital est éminemment mobile. Seule une approche pragmatique associant les pays de l’OCDE – où j’ai eu l’honneur d’être ambassadrice –, dans un cadre concerté, serait pertinente pour mener ce combat. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Alexis Corbière
Le capital tremble !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Et ce combat n’est pas vain : il y a quelques mois, nous avons, dans ce cadre, grâce à la très forte mobilisation de la France depuis plusieurs années, réussi à trouver un accord avec 140 pays sur l’imposition minimale des sociétés. (M. Vincent Thiébaut applaudit.)
M. Alexis Corbière
Tout est dans le « minimale » !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Cet impôt à 15 % existe grâce aux efforts de Bruno Le Maire, soutenu par Emmanuel Macron. (MM. Charles Sitzenstuhl et Vincent Thiébaut applaudissent.) Dans les années qui viennent, nous pouvons continuer ce combat.
L’approche qu’Éric Lombard et moi défendons au gouvernement, sous l’autorité du premier ministre, est, quant à elle, économiquement viable. (Exclamations sur les bancs du groupe EcoS.) Elle repose sur un principe simple, celui de l’efficacité fiscale. Il n’est pas question de surtaxer les Français qui produisent de la richesse…
Mme Sophie Taillé-Polian
Ce sont les travailleurs qui produisent la richesse !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
…ou réalisent des investissements productifs, ni ceux qui paient déjà un niveau d’impôt proportionné à leurs capacités, que ce soit au titre de l’impôt sur le revenu (IR), du prélèvement forfaitaire unique (PFU), de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR) ou de l’IFI. Je tiens à les rassurer : pour eux, l’environnement fiscal restera stable. Rappelons que, depuis 2017, avec la réforme de l’ISF transformé en IFI et la création du PFU, la France est devenue championne d’Europe en matière d’investissements directs étrangers.
Néanmoins – je rappelle devant vous, solennellement, l’engagement pris par le premier ministre –, promouvoir un cadre fiscal stable et attractif n’empêche pas de s’interroger sur des situations marginales de suroptimisation qui peuvent nuire à l’efficacité de l’impôt. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.)
M. Alexis Corbière
Oh là là ! Vous vous bolchevisez !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
La stabilité fiscale, ce n’est pas le statu quo. Plus précisément, il nous revient de nous assurer que les contribuables qui utilisent aujourd’hui des mécanismes légaux pour contourner l’impôt ne puissent plus le faire. Parallèlement, il nous faut veiller à ce que l’épargne aille prioritairement vers des investissements productifs en Europe, alors que chaque année 300 milliards d’euros partent depuis l’Union européenne vers les États-Unis, comme le rappelait récemment Enrico Letta.
M. Alexis Corbière
Lui aussi, son ennemi, c’est la finance !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Pour moi – et, je crois, chacun partage ici cet avis –, il n’est ni normal ni logique qu’un ménage dont le patrimoine dépasse plusieurs millions d’euros puisse thésauriser ses revenus non distribués dans une holding patrimoniale, financer son train de vie avec cette holding et ne jamais payer aucun impôt sur le revenu.
M. Nicolas Sansu
C’est pourtant bien ce qu’il se passe !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
En bref, nous voulons taxer la rente et non le rentier.
Cependant, nous ne manierons cette fiscalité que d’une main tremblante, suivant la même boussole, la même méthode qui, depuis 2017, nous a permis de devenir le pays le plus attractif d’Europe.
Quelle est cette méthode ? Elle consiste à prendre le temps de la concertation avec toutes les parties prenantes,…
M. Maxime Laisney
Ça fait combien de temps que vous êtes au pouvoir ?
Mme Sophie Taillé-Polian
Sept ans !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
…à y associer des économistes, à étudier les dispositifs en vigueur à l’étranger – comme l’imposition des holdings au Luxembourg – susceptibles de guider notre action, avant d’en proposer un qui puisse réorienter l’épargne vers les investissements productifs européens plutôt que de créer une nouvelle taxe.
Ainsi, là où vous déposez une proposition de loi sans étude d’impact sérieuse, le gouvernement a lancé une concertation au cours des derniers jours.
M. Alexis Corbière
Pas trop vite, ne vous précipitez surtout pas !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Dans les deux prochains mois, monsieur le député, un groupe d’économistes va être interrogé, ainsi qu’un groupe juridique et technique, sur les questions de redistribution et de droits.
M. Alexis Corbière
Un groupe d’économistes va être interrogé ?
Mme Marie-Charlotte Garin
Il y aura un numéro vert, aussi ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Ces travaux dureront deux mois, seront menés dans la plus grande transparence et vous seront présentés début mai, tous ceux qui le voudront étant invités à s’associer à notre démarche.
C’est en suivant cette méthode qu’Éric Lombard et moi-même concrétiserons les engagements du premier ministre devant vous tous, mesdames et messieurs les représentants de la nation, dans un souci d’équité et d’efficacité. (M. Charles Sitzenstuhl applaudit.)
Discussion générale
Mme la présidente
La parole est à Mme Clémentine Autain.
Mme Clémentine Autain
Comment expliquer qu’Isabelle, médecin à l’hôpital public, paie plus d’impôts, en proportion de ses revenus, que Bernard Arnault ?
M. Charles Sitzenstuhl
C’est faux !
Mme Clémentine Autain
Comment accepter que Karim, boulanger, ou Mélissa, secrétaire de mairie, produisent plus d’efforts pour la collectivité que les héritiers de Chanel ? Comment supporter que Tao, cheminot ou ingénieur, soit lui aussi proportionnellement plus imposé que Françoise Bettencourt ?
Mme Dominique Voynet
Elle a raison !
Mme Clémentine Autain
Visant à instaurer un impôt plancher, minimum, de 2 % sur le patrimoine des ultrariches, ceux qui possèdent plus de 100 millions d’euros, la proposition de loi que ma collègue Eva Sas et moi-même défendons a pour objectif d’introduire un minimum de justice, et je dirais même de décence, dans une société qui voit exploser les inégalités et dont le système fiscal, censément progressif, est en réalité régressif pour les 0,01 % les plus riches de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Charles Sitzenstuhl
Vous vous croyez aux États-Unis ?
Mme Sandra Regol
Aux États-Unis, c’est bien plus. Révisez un peu !
Mme Clémentine Autain
Dans notre République pourtant, chacun, chacune doit contribuer au bien commun à la hauteur de ses moyens. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui a valeur constitutionnelle, affirme que la contribution commune doit être « également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». Or les Français paient en moyenne 50 % de leurs revenus en impôts – tout compris : TVA, impôt sur le revenu et cotisations sociales –, quand les milliardaires, eux, n’en acquittent que 27 %, presque deux fois moins. C’est stupéfiant, révoltant, inacceptable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP. – M. Nicolas Sansu applaudit également.)
M. Alexis Corbière
Incroyable !
Mme Clémentine Autain
C’en est au point que l’on se demande comment une telle situation est possible. Mais voilà : les ultrariches ont recours à des mécanismes, légaux, d’optimisation fiscale qui leur permettent de contourner l’impôt. C’est pourquoi notre taxe, inspirée des travaux de l’économiste Gabriel Zucman, s’attaque au patrimoine des ultrariches, seul reflet de leur véritable niveau de richesse en ces temps de capitalisme financiarisé.
Avec notre méthode, en taxant à 2 %, c’est-à-dire à un taux faible, une toute petite partie de la population, environ 1 800 personnes, nous pouvons faire entrer dans les caisses de l’État entre 15 et 25 milliards d’euros,…
M. Mathieu Lefèvre
Ce n’est pas très précis !
Mme Clémentine Autain
…une somme significative, dont nous avons tant besoin ces temps-ci pour réparer nos services publics ou agir concrètement au service de la transition écologique. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
M. Alexis Corbière
Excellente idée !
M. Charles Sitzenstuhl
Baissez les dépenses, au lieu d’augmenter les impôts !
Mme Clémentine Autain
Les gouvernements successifs ont jusqu’ici vidé les caisses publiques pour subventionner les riches et les grands groupes économiques…
M. Charles Sitzenstuhl
C’est faux. Les recettes ne cessent d’augmenter !
Mme Clémentine Autain
…au nom de la sacro-sainte compétitivité et dans l’attente quasi mystique d’un improbable ruissellement.
Les baisses d’impôt au bénéfice du haut de la pyramide sociale ont eu un impact colossal sur le budget de l’État : la Cour des comptes estime à 62 milliards d’euros en 2023 le manque à gagner pour nos caisses publiques.
Pendant ce temps, en quinze ans, la richesse des détenteurs des 500 plus grandes fortunes de France a bondi de 1 000 milliards d’euros, ce qui correspond à un taux de croissance d’environ 10 % par an ! Faut-il préciser ici que les revenus du travail n’ont pas vraiment suivi la même courbe et que le service public, patrimoine de celles et ceux qui n’en ont pas,...
M. Emeric Salmon
C’est la nation !
Mme Clémentine Autain
…n’a cessé de dépérir ? Car comme l’écrivait Victor Hugo : « C’est de l’enfer des pauvres qu’est fait le paradis des riches. » (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
Alors, si les Français nous écoutent, ils doivent se dire : « Ah, enfin une mesure consensuelle, juste, évidente ! »
M. Mathieu Lefèvre
Non, pas consensuelle !
M. Charles Sitzenstuhl
Nous sommes contre !
Mme Clémentine Autain
Eh bien, non : nous faisons face à une série d’objections de la part de certains de nos collègues, du centre droit au Rassemblement national, et de la ministre des comptes publics, Amélie de Montchalin.
À ceux qui osent nous dire que cet impôt serait confiscatoire – vous avez prononcé le mot plusieurs fois, madame la ministre –,…
M. Mathieu Lefèvre
Elle a raison !
Mme Clémentine Autain
…nous répondons qu’au cours des quarante dernières années, la fortune des milliardaires a crû, net d’inflation, de 7 % par an en moyenne. En cas d’instauration de cet impôt à 2 %, ils s’enrichiraient juste un peu moins chaque année,…
Mme Sophie Taillé-Polian
Oh, les pauvres !
Mme Clémentine Autain
…alors que le budget de l’État y gagnerait beaucoup. L’avancée que constitue cette proposition de loi, qui en appelle d’autres, reste donc mesurée.
M. Charles Sitzenstuhl
« Qui en appelle d’autres » : avec vous, c’est toujours plus d’impôts ! (Exclamations sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP.)
M. Alexis Corbière
Les amis du capital s’énervent !
Mme Clémentine Autain
À ceux qui évoquent le risque d’inconstitutionnalité en raison de l’absence de plafonnement, nous répondons que c’est bien ironique de la part de ceux qui ont voté la loi « immigration » sans se soucier de l’avis du Conseil constitutionnel ! Au nom de l’égalité devant les charges publiques, nous estimons du reste que le Conseil ne saurait aller à l’encontre de notre proposition.
À ceux qui nous disent encore qu’il faudrait exonérer les biens professionnels, qui représentent pourtant de 70 à 90 % de l’assiette visée, nous répondons que cela reviendrait à laisser les ultrariches échapper à l’impôt. En effet, les biens professionnels des actionnaires majoritaires de grands groupes et de multinationales ne correspondent pas à un outil de production, mais, pour l’essentiel, à des actions, des actifs financiers : à de tels niveaux de richesse, ces biens n’ont rien à voir avec le four du boulanger ou la ferme de l’agriculteur. Quant à « séparer la rente des rentiers », cela me fait penser à l’argument de la séparation entre l’œuvre et l’artiste – on peut vraiment faire mieux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. – M. Mickaël Bouloux applaudit également.)
M. Alexis Corbière
Comme avec Gérard Depardieu !
Mme Clémentine Autain
À ceux qui nous disent qu’il suffirait de s’attaquer aux holdings, nous leur répondons qu’il ne faut pas seulement boucher l’un des trous de la passoire, au risque de déplacer le débit vers d’autres montages d’optimisation. Avec notre impôt plancher, plus d’échappatoire à l’impôt !
Enfin, à ceux qui nous disent que notre impôt ferait fuir les grandes fortunes,…
Mme Sophie Taillé-Polian
De toute façon, ils ne paient pas !
Mme Clémentine Autain
…nous répondons que le risque d’exil fiscal est largement surestimé dans le débat public, comme le montrent différentes études, et surtout que nous avons les moyens d’empêcher cette fuite, grâce à un dispositif anti-exil fiscal que nous adossons à notre impôt.
Mes chers collègues, je veux croire qu’une majorité de notre hémicycle aura raison de toutes ces réticences. Rejeter notre proposition de loi, ce serait sanctuariser le droit des milliardaires à ne pas payer d’impôts ! Qui, parmi vous, peut sérieusement l’assumer devant les Français ? (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR. – Les députés du groupe EcoS se lèvent et continuent d’applaudir.)
Mme la présidente
La parole est à M. Emmanuel Mandon.
M. Alexis Corbière
Un ami des riches !
M. Emmanuel Mandon
La justice fiscale est, pour le groupe Démocrates, un objectif fondamental.
Mme Sandra Regol
Vous allez donc voter pour la proposition de loi ?
M. Emmanuel Mandon
Elle est au cœur du débat sur ce texte. Elle figure dans notre pacte social depuis la Déclaration des droits de l’homme de 1789.
M. Alexis Corbière
Restons-en là !
M. Emmanuel Mandon
Dans ce cadre, la politique fiscale doit viser un double objectif : s’assurer que chacun apporte sa contribution à l’impôt à la hauteur de ses moyens réels ; agir en faveur d’une redistribution des ressources, inspirée par l’équité.
Mme Sandra Regol
C’est bien le sens de la proposition de loi !
M. Emmanuel Mandon
À l’heure où beaucoup de ménages français font face à d’importantes difficultés matérielles, il est difficile d’admettre que les contribuables les plus fortunés puissent, par des montages financiers adéquats, mettre en échec la nécessaire progressivité de l’impôt.
Nous devons apporter des réponses efficaces et concrètes à une situation que l’opinion publique peine à comprendre. Mais précisément, la question est de savoir si la méthode retenue…
M. Alexis Corbière
Ah, la méthode !
M. Emmanuel Mandon
…dans la proposition de loi permettra d’atteindre l’objectif que ses auteurs prétendent lui assigner,…
Mme Sandra Regol
Ce ne sont pas ses auteurs, mais des économistes !
M. Emmanuel Mandon
…au risque d’engendrer la déception. (Exclamations sur les bancs du groupe EcoS.)
M. Alexis Corbière
Voilà, n’allons pas trop vite !
M. Emmanuel Mandon
Nous pensons, en effet, que l’instauration d’un impôt plancher de 2 % sur le patrimoine des « ultrariches »,…
M. Aurélien Le Coq
Vraiment raisonnable !
Mme Sandra Regol
On peut faire plus !
M. Emmanuel Mandon
…aussi bien privé que professionnel, manquerait largement sa cible, et ce pour plusieurs raisons.
Du point de vue technique, l’intégration du patrimoine professionnel dans l’assiette de cet impôt ne tient pas compte de la nature et de la fluidité de ce type de patrimoine. Comme elle équivaut à une taxation brute d’un stock, elle amoindrirait progressivement, mais inexorablement, la capacité des entreprises à innover, à investir, à redistribuer et, de ce fait, à embaucher.
M. Maxime Laisney
Nous parlons de patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros !
M. Emmanuel Mandon
Elle se heurte surtout au principe de réalité : la course au moins-disant fiscal fait partie des éléments constitutifs de la concurrence internationale telle qu’elle se joue aujourd’hui.
Mme Christine Arrighi
Justement !
M. Emmanuel Mandon
Il est donc indispensable d’aborder la fiscalité des plus grandes fortunes…
Mme Christine Arrighi
Des ultrariches !
M. Emmanuel Mandon
…à l’échelle mondiale. Je m’appuie pour le dire sur les intéressants travaux de l’économiste Gabriel Zucman, pour qui seul un accord mondial permettrait la création d’un impôt international progressif sur l’extrême richesse. (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)
M. Jean-Paul Mattei
On peut ne pas être d’accord !
M. Emmanuel Mandon
Je retiens également sa suggestion de créer une exit tax, que plusieurs pays européens pourraient accepter d’appliquer rapidement.
En revanche, l’instauration unilatérale d’un impôt, de surcroît mal conçu, n’aboutirait qu’à faire courir un risque majeur à l’attractivité de notre pays. C’est pourquoi le groupe Les Démocrates votera contre la proposition de loi. (Exclamations sur les bancs du groupe EcoS.)
M. Mathieu Lefèvre
Très bien, Emmanuel !
M. Emmanuel Mandon
Cela étant, il s’engage et s’engagera résolument en faveur d’initiatives susceptibles, à court et moyen terme, d’améliorer l’équité de notre système fiscal Je rappelle qu’il a soutenu activement la création d’une contribution différentielle sur les hauts revenus dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2025. Nous approuvons pleinement l’annonce par le premier ministre d’une réflexion concertée sur la création d’une taxe anti-optimisation fiscale ; un projet de loi en ce sens est d’ailleurs en préparation. Dans le cadre de cette réflexion qu’il espère transpartisane, le groupe Les Démocrates est prêt à présenter des propositions – mon collègue Jean-Paul Mattei aura, je l’espère, l’occasion de les développer.
M. Alexis Corbière
Quelle farce !
M. Emmanuel Mandon
Notre groupe souhaite en particulier que l’on réfléchisse à des dispositifs fiscaux permettant d’inciter les sociétés à réinvestir et à redistribuer les abondantes réserves financières accumulées depuis plusieurs années. Il approuve également l’idée d’un système de précompte sur les revenus remontés dans les holdings familiales. Comme toute forme de contournement de l’impôt et tout phénomène de rente, la suroptimisation fiscale doit être combattue à l’échelle la plus pertinente, c’est-à-dire la plus efficace.
M. Alexis Corbière
Ça fait sept ans que vous répétez ça !
M. Emmanuel Mandon
Agir en ce sens aurait pour effet d’encourager dans le même temps l’innovation et l’investissement, ce qui est indispensable. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – MM. Charles Sitzenstuhl et Matthieu Lefèvre applaudissent également.)
M. Alexis Corbière
En résumé, vous êtes d’accord, mais il ne faut rien faire, en tout cas pas tout de suite et pas comme ça !
Mme la présidente
La parole est à M. François Jolivet.
M. François Jolivet
L’intitulé de la proposition de loi est accrocheur ; il est pur, il est dur, et la mécanique proposée brutale. (Exclamations sur les bancs du groupe EcoS.)
L’impôt plancher qu’elle prévoit semble bien éloigné de la réalité économique : il s’appliquerait quels que soient les revenus générés par le patrimoine, sans que soient prises en compte les crises économiques, les fluctuations des marchés ou même les obligations déjà en vigueur.
M. Alexis Corbière
Quel Français paie ses impôts en fonction des crises ?
M. François Jolivet
C’est donc une double peine : un entrepreneur dont l’entreprise connaît une mauvaise année devrait payer malgré tout ; un propriétaire d’actifs immobiliers, peu liquides, serait contraint de vendre à perte.
M. Alexis Corbière
Oh, les pauvres !
M. Sébastien Delogu
Pauvres riches !
M. François Jolivet
Confiscatoire, une telle fiscalité ne ferait qu’encourager l’exil fiscal dans des pays que vous aimez bien – l’Espagne, le Portugal – ou que vous aimez moins, comme la Suisse, toujours désireuse d’accueillir des sièges sociaux. Elle priverait ainsi la France de talents, d’emplois et de contributions économiques durables.
Mme Mathilde Feld
Les talents, ce sont ceux qui travaillent !
M. François Jolivet
À quoi bon vouloir taxer davantage, s’il ne reste finalement plus rien à taxer ?
M. Hendrik Davi
Il y a de la marge !
M. Alexis Corbière
C’est subtil ! On ne l’avait pas encore entendu, cet argument !
M. François Jolivet
La proposition de loi risque également de nuire gravement aux licornes françaises – dont certains, dans vos rangs, font la promotion –, alors qu’elles peinent déjà à rivaliser avec leurs concurrentes américaines ou asiatiques. Elles sont souvent déficitaires plusieurs années avant d’atteindre la rentabilité ; mais même en l’absence de rentabilité, vous voulez les soumettre à l’impôt. Les taxer sur leur patrimoine plutôt que sur leurs revenus, c’est sans doute les condamner à l’échec.
M. Alexis Corbière
Oh là là !
M. François Jolivet
Votre texte est ensuite doublement porteur d’insécurité juridique. Je n’insisterai pas sur son caractère confiscatoire (Exclamations sur les bancs du groupe EcoS)…
M. Alexis Corbière
Deux pour cent !
M. François Jolivet
…ni sur la position du Conseil constitutionnel à ce sujet, mais je veux faire appel à la réflexion de ceux qui, parmi nous, sont juristes : vous ignorez l’existence de personnes morales, qui sont propriétaires de leur bien.
M. Alexis Corbière
On n’entend que des personnes immorales, depuis quelques instants !
M. François Jolivet
Jusqu’à preuve du contraire, c’est encore de cette manière que les choses fonctionnent chez nous : si vous niez l’existence de personnes morales, je crains que ne s’effondre le modèle économique que nous cherchons tous à défendre ici. (Mme Marina Ferrari applaudit.)
Pire encore, la proposition ne prévoit aucune exception pour les actifs professionnels. Qu’un chef d’entreprise investisse dans son outil de travail ou laisse dormir son argent sur un compte bancaire, selon vous, c’est la même chose ; pour nous, c’est différent (Exclamations sur quelques bancs du groupe EcoS) car lorsqu’on investit dans sa propre entreprise, on crée des emplois.
Par ailleurs, nous pensons que cette proposition, qui devrait, nous dit-on, rapporter 20 milliards par an…
M. Alexis Corbière
Vingt-cinq !
M. François Jolivet
C’est contesté, cher collègue !
M. Mathieu Lefèvre
Il faut reconnaître que ce n’est pas clair !
M. François Jolivet
La proposition, disais-je, inclut dans son champ les personnes domiciliées en France depuis plus de dix ans. Nous accueillons en ce moment même des investisseurs dans le secteur de l’intelligence artificielle ; or on sait que dans ce domaine, les investissements se font sur le long terme. Au bout de dix ans, ils seront concernés par le dispositif ; soyons sûrs qu’ils partiront et ne reviendront jamais chez nous ! Les conséquences sont évidentes : moins d’investissements directs étrangers (IDE) et un signal désastreux envoyé à ceux qui créent de la valeur et des emplois dans notre pays.
Ce texte démontre une vision…
Mme Danielle Simonnet
…de justice ? Solidaire ?
M. François Jolivet
…qui méconnaît le rôle des capitaux dans l’économie et leur circulation dans le monde. En réalité, même si je comprends la nécessité pour l’État de dégager des recettes (« Ah ! » sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS),…
M. Alexis Corbière
Nous sommes sauvés !
M. Charles Sitzenstuhl
Nous avons assez de recettes !
M. François Jolivet
…le rendement que vous annoncez me semble illusoire. L’ISF rapportait 4 milliards, mais les 25 milliards dont vous parlez ne sont qu’une illusion. Vous brandissez ce chiffre comme un étendard, mais il flotte dans un vent qui n’existe pas ! D’ailleurs, ce texte ignore les effets de second ordre qu’aurait une telle taxe sur la valorisation des actifs. Comme l’a démontré l’économiste Antoine Levy, la taxation excessive d’un actif entraîne une dépréciation immédiate de sa valeur.
M. Alexis Corbière
Deux pour cent, ce n’est pas excessif !
M. François Jolivet
Plutôt que de ressusciter une fiscalité inefficace, peut-être pourrions-nous nous concentrer sur la lutte contre l’évasion fiscale (« Oui, aussi ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP)…
M. Alexis Corbière
N’hésitez pas !
M. François Jolivet
…et l’optimisation agressive ! Le gouvernement nous présentera bientôt, je crois, un projet de loi sur le sujet. (M. Vincent Thiébaut applaudit.)
Le tableau économique que vous dressez me semble absurde. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Taxer lourdement les grandes fortunes n’est pas faire preuve de justice fiscale ;…
M. Alexis Corbière
Deux pour cent, ce n’est pas taxer lourdement !
M. François Jolivet
…c’est avouer son impuissance budgétaire. Si la justice fiscale est un impératif, elle ne doit pas s’appliquer au détriment de la prospérité collective. Ce texte ne répare rien : il fait le choix du décrochage de notre économie.
M. Maxime Laisney
Elle a déjà décroché !
M. François Jolivet
Les députés du groupe Horizons & indépendants ne le voteront pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme Danielle Simonnet
Solidaires des riches !
Mme la présidente
La parole est à M. Joël Bruneau.
M. Joël Bruneau
La présente proposition de loi aborde une question qui revient de manière récurrente dans notre assemblée : comment faire participer les plus fortunés au financement des comptes de la nation ?
M. Christophe Bex
C’est la question essentielle !
M. Joël Bruneau
Nous sommes d’accord. Il est vrai que sur une longue période, les 1 % des ménages les plus riches sont ceux qui ont vu leur fortune croître le plus – c’est un fait. Dans un pays aussi attaché que le nôtre à l’égalité, du moins sur le plan théorique, il est normal que l’on cherche à faire appliquer à tous le principe de progressivité de l’impôt, dans un souci légitime de justice fiscale.
C’est d’ailleurs parce que nous avons une fiscalité progressive et un système très redistributif…
Mme Mathilde Feld
Pas tant que ça !
M. Joël Bruneau
…que l’écart de revenu entre les 10 % les plus pauvres et les 10 % les plus riches, qui est de un à dix-huit avant impôt, est réduit de un à trois après impôts et aides sociales.
Mme Mathilde Feld
Et les écarts de patrimoines, on en parle ?
M. Christophe Bex
On parle des patrimoines, pas des revenus !
M. Joël Bruneau
De fait, nous sommes déjà un pays plus égalitaire que bien d’autres. J’ai bien compris que cette idée d’impôt plancher vise à aller plus loin, en ciblant particulièrement les 1 % dont, de fait, le patrimoine a considérablement augmenté.
M. Nicolas Sansu
Non ! 0,04 % !
M. Joël Bruneau
Oui, comme vous voudrez. Un impôt plancher de 2 % sur le patrimoine a tout de l’idée séduisante à certaines oreilles – Proudhon ne disait-il pas : « La propriété, c’est le vol » ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS. – M. Mickaël Bouloux applaudit également.)
C’est bien ce que je disais : l’idée peut sembler séduisante ! Mais un tel impôt a aussi tout de la fausse bonne idée. D’abord, cette proposition se fonde sur une confusion commune, dans certains esprits – notamment parmi nous –, lorsqu’il est question de fiscalité : la confusion entre le stock et le flux. (M. Mathieu Lefèvre applaudit.)
Cela mérite d’être rappelé : tout patrimoine a été constitué grâce à des revenus qui ont préalablement été soumis à l’impôt – un impôt qui, en France, est réellement progressif.
M. Aurélien Le Coq
Ce n’est pas le cas !
Mme Christine Arrighi
C’est faux !
M. Joël Bruneau
Ensuite, vous oubliez que nous ne sommes pas seuls au monde. L’un des privilèges des très riches, c’est de pouvoir déménager du jour au lendemain. Instaurer un tel impôt en France, qui est déjà l’un des pays de l’OCDE où la pression fiscale est la plus forte, incitera forcément à ce que l’assiette de l’impôt change de table, si je puis dire. En l’absence d’une homogénéité à l’échelle internationale, un tel dispositif inciterait immanquablement certains des contribuables concernés, si ce n’est tous, à s’exiler.
Mme Christine Arrighi
On s’en passera !
M. Alexis Corbière
On en trouvera qui nous coûteront moins cher !
M. Joël Bruneau
Je sais, madame la rapporteure, que vous avez inséré en commission un dispositif d’exit tax, mais nous savons tous les deux qu’il ne manquera pas d’être contourné. Il y a en effet une constante : l’impôt excessif est un puissant carburant pour l’inventivité des conseillers en patrimoine.
M. Maxime Laisney
Parce que les riches trichent !
M. Joël Bruneau
Troisièmement, c’est une fausse bonne idée et même une très mauvaise idée d’inclure les biens professionnels dans l’assiette de l’impôt. Même à l’époque du programme commun de la gauche, à la fin des années 1970 – j’étais alors encore jeune –, ils en étaient exclus. Ce n’est pas un hasard, tout de même !
Alors que la France est hélas devenue essentiellement un pays de consommation financée par la dette publique, taxer l’outil de production est plus qu’une erreur : c’est une faute historique.
M. Alexis Corbière
La nature du capital a changé depuis les années 1970 !
M. Joël Bruneau
En s’attaquant indistinctement à tous les actifs, l’impôt proposé compromettrait gravement l’investissement et l’outil de production ; il serait un frein à l’innovation, à la croissance économique et donc à l’emploi.
Enfin, à supposer que cette taxe soit une bonne idée – ce que je ne crois pas, vous l’avez compris –, est-elle réellement applicable et rapporterait-elle les 15 ou 20 milliards que ses défenseurs en attendent ? C’est vieux comme le monde : un impôt efficace repose sur une assiette large.
Mme Eva Sas, rapporteure
Taxer les pauvres !
M. Joël Bruneau
Taxer lourdement quelques centaines de contribuables rapporte seulement s’ils restent, d’abord – ce sont eux qui constituent l’assiette, en quelque sorte –, et ensuite si leurs décisions patrimoniales ne changent pas.
Mme Farida Amrani
On n’a pas compris !
M. Joël Bruneau
Ainsi, par nature, un tel impôt présente une rentabilité instable et incertaine, voire très aléatoire.
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Ça vaut le coup d’essayer !
M. Joël Bruneau
En outre, un tel impôt pourrait rapidement être remis en cause sur le plan constitutionnel – même si je sais bien que pour vous, ce n’est pas grave. En instaurant un taux plancher, il s’apparente à une taxation confiscatoire, ce qui poserait un problème de conformité avec les principes dégagés par le Conseil constitutionnel. Rappelons que dans sa décision de 2012, ce dernier avait déjà censuré une taxation jugée « excessive au regard [des] facultés contributives » des contribuables concernés. Il est donc plus que probable qu’une telle mesure se heurterait à la même censure, nous exposant à une insécurité juridique qui nuirait davantage encore à notre attractivité économique.
Mme Gabrielle Cathala
On verra bien !
M. Joël Bruneau
On verra bien ? Voulez-vous faire les choses sérieusement ou est-ce simplement de la com’ ?
Tout cela signifie-t-il que rien ne doit être fait en matière de fiscalité des hauts patrimoines ? (« Non ! » sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Sans doute, non !
Mme la présidente
Merci de conclure, cher collègue.
M. Joël Bruneau
Par exemple, mes collègues commissaires aux finances ont proposé, lors des débats en commission, une taxation plus ciblée des revenus des holdings familiales (« C’est fini ! » sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS) et des dispositions destinées à lutter contre certaines pratiques d’évitement fiscal.
Mme la présidente
Merci, monsieur le député.
M. Joël Bruneau
Si l’on peut s’interroger sur la fiscalité portant sur les plus hauts patrimoines… (Mme la présidente coupe le micro de l’orateur, dont le temps de parole est écoulé. – Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.)
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Sansu.
M. Alexis Corbière
Fais entendre la voix de la classe ouvrière !
M. Nicolas Sansu
Je tiens tout d’abord à saluer l’initiative d’Eva Sas, de Clémentine Autain et du groupe Écologiste et social (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS), qui nous permet de débattre de cet impôt plancher, calculé sur le patrimoine des quelque 1 800 foyers les plus riches de notre pays, détenteurs de fortunes de plus de 100 millions d’euros.
Comme notre rapporteure l’a indiqué, c’est une question de justice et d’égalité. Le patrimoine des centimillionnaires a explosé ces dernières décennies, captant de plus en plus de richesses qui manquent pour répondre aux besoins sociaux et humains en matière d’activité, de services publics et de transition écologique. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
M. Mickaël Bouloux
Eh oui !
M. Nicolas Sansu
Les centimillionnaires participent deux fois moins, en proportion de leurs revenus, que tous les autres contribuables, remettant en cause le consentement à l’impôt et donc notre pacte fiscal, pilier du pacte social. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Stéphane Peu applaudit également.)
M. Alexis Corbière
Exactement !
M. Nicolas Sansu
Cette incongruité s’explique facilement : les ultrariches versent leurs dividendes à des holdings qui ne sont pas transparentes. L’impôt sur le revenu et le prélèvement forfaitaire unique échouent donc à taxer ces transferts de revenus. La raquette fiscale est trouée et la mesure proposée ce jour, discutée au G20, soutenue par des économistes de renom et même préconisée par certains très riches, comme en témoigne l’appel publié dans le journal Les Échos du 9 janvier dernier, est de salubrité fiscale et sociale. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Personne ne devient centimillionnaire et a fortiori milliardaire par son travail : ça n’existe pas ! (Mêmes mouvements.)
M. Aurélien Le Coq
Bravo !
M. Nicolas Sansu
On le devient grâce au travail des autres, grâce à des mécanismes de rente et d’héritage qui permettent une accumulation confinant à la spoliation.
M. Alexis Corbière
Bravo ! Ce sont eux qui confisquent !
M. Aurélien Le Coq
C’est du vol !
M. Nicolas Sansu
J’ajoute qu’à ces niveaux de patrimoine, le patrimoine professionnel et le patrimoine personnel se confondent : restreindre l’assiette reviendrait à vider de toute sa portée ce filet de sécurité du consentement à l’impôt – car c’est bien de cela qu’il s’agit.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Il a raison !
M. Nicolas Sansu
Les amendements présentés tant par les macronistes que par la droite et l’extrême droite pour affaiblir la portée de cette mesure démontrent, si besoin était, que le bloc de celles et ceux qui font allégeance aux grandes fortunes au détriment du peuple, ne se fissure pas. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Madame la ministre, vous honoreriez la France en appuyant ce combat juste, mais vos annonces du jour concernant la taxation du patrimoine ressemblent fort à des tentatives de diversion :…
M. Alexis Corbière
Elle soutient les riches !
M. Nicolas Sansu
…elles excluent les biens professionnels et rapporteraient dix à vingt fois moins que l’impôt plancher ici proposé. (Mêmes mouvements.) Pourtant, la proposition de loi présentée par Mme Sas est si raisonnable,…
M. Alexis Corbière
Presque trop !
M. Nicolas Sansu
…prévoyant un seuil d’assujettissement à 100 millions pour un impôt construit comme une contribution différentielle, qu’il faudrait être de mauvaise foi pour faire croire que le garagiste de Vierzon ou le chef d’une PME de 100 salariés, voire un notaire de province, seraient concernés ! La classe moyenne, même en retenant une définition très élargie, est exclue de cette contribution. (« Évidemment ! » sur les bancs du groupe EcoS.)
Évidemment, on nous ressort l’argument de l’exil fiscal qui séduirait nos grandes fortunes. Mais des outils existent pour l’éviter ! Les États-Unis taxent tout citoyen américain, où qu’il se trouve sur la planète,…
M. Emeric Salmon
Les États-Unis, c’est votre modèle, maintenant ?
M. Nicolas Sansu
…et l’exit tax peut être renforcée. Cessons les cris d’orfraie, quand on voit par exemple que le groupe le plus riche de France possède d’ores et déjà plus de 200 filiales offshore dans des paradis fiscaux (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS) : il n’a pas attendu l’adoption de cette mesure de justice fiscale !
Face à cette mesure juste et modérée, tout se passe comme d’habitude : le camp libéral jette l’anathème sur le camp social à chaque remise en question de la concurrence fiscale, érigée en loi d’airain.
M. Alexis Corbière
C’est vrai !
M. Nicolas Sansu
Partout dans le monde, cette concurrence fiscale renforce une oligarchie financière qui cumule le pouvoir économique, le pouvoir technologique, le pouvoir médiatique et le pouvoir politique. (Mêmes mouvements.)
M. Benjamin Lucas-Lundy
Très bien ! Il a raison !
M. Nicolas Sansu
Là est le danger : cette prise de pouvoir à visage découvert par les ultrariches, fervents partisans d’un capitalisme radicalisé, qui mène à l’impérialisme, à la guerre et aux régimes autoritaires. L’histoire est truffée de ces choix des plus fortunés d’offrir le pouvoir aux fascistes pour sauver et développer leur pouvoir financier et économique, ces « irresponsables » dont parle si bien Johann Chapoutot dans son dernier ouvrage. (Mêmes mouvements.)
M. Mathieu Lefèvre
Arrêtez ! Il faut être un peu sérieux !
M. Nicolas Sansu
Mes chers collègues du bloc central, le vote que vous allez commettre en dira plus long que n’importe lequel de vos discours.
M. Mathieu Lefèvre
On vote comme on veut, monsieur Sansu !
M. Nicolas Sansu
En votant cette proposition de loi, nous allons bien au-delà de la justice fiscale ; nous ne nous contentons pas de mobiliser 15 à 20 milliards d’euros pour les services publics, ce qui est nécessaire, et de répondre à l’urgence climatique : nous faisons œuvre utile pour que l’oligarchie financière cesse de pourrir nos démocraties et de nous entraîner, bras tendu, vers les rives les plus sombres ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
M. François Cormier-Bouligeon
Que voulez-vous dire par là ?
M. Nicolas Sansu
C’est cela qui est à l’ordre du jour ; pour ces raisons, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine soutient pleinement cette initiative et votera le texte sans aucune réserve. (Les députés des groupes LFI-NFP et EcoS se lèvent et applaudissent. – M. Stéphane Peu et quelques députés du groupe SOC applaudissent également.)
M. Benjamin Lucas-Lundy
On peut passer au vote : tout a été dit !
M. Alexis Corbière
La motion de Sansu est passée ! (Sourires.)
Mme la présidente
La parole est à M. Olivier Fayssat.
M. Olivier Fayssat
Il y a la défense de l’environnement, ce vœu pieux auquel nous adhérons tous, et puis il y a l’écologie idéologique d’extrême gauche.
M. Benjamin Lucas-Lundy
C’est bon, il a coché toutes les cases !
M. Olivier Fayssat
Bienvenue dans une idéologie obscure où l’écologie devient un simple camouflage pour des combattants de la France insoumise, bras armé du socialisme, chargé d’abattre un glaive vengeur sur les suppôts du capitalisme. La gauche pastèque, verte à l’extérieur, rouge à l’intérieur ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Benjamin Lucas-Lundy
Il cite Le Pen à la tribune !
M. Olivier Fayssat
Vous l’attendiez, vous n’êtes pas déçus.
Dans leur monde, le travail et la croissance sont une malédiction polluante qui s’est abattue sur l’humanité. Et aujourd’hui, l’extrémisme pseudo-écologique nous propose de trancher l’une des têtes du Cerbère capitaliste : les plus aisés.
Prendre 25 milliards à 2 000 Français, c’est une folie. Vous voulez taxer leur patrimoine mais aussi l’outil de travail pourvoyeur d’emploi et richesse ! Vous menacez même la transmission d’entreprises et allez tuer des milliers de PME et ETI. Pour vous, ces 2 000 Français sont les « 200 familles » des complots marxistes et fascistes d’il y a cent ans.
Mme Mathilde Feld
Regardez-vous donc !
M. Olivier Fayssat
Pour vous, ces Français riches de plus de 100 millions ne peuvent devoir leur fortune qu’à l’esclavagisme. Ils seraient si riches qu’on pourrait leur faire les poches, il leur en resterait toujours trop.
Mais avant d’allumer le bûcher, revenons au péché originel, premier et dernier point d’accord entre nous : la dépense publique est hors de contrôle. Non contente d’être abyssale, elle continue d’exploser.
Mme Danielle Simonnet
Arrêtons les cadeaux aux riches, alors !
M. Olivier Fayssat
Pour 1 euro de croissance, nous générons 2 euros de dette. Le budget de l’État est en déficit structurel depuis 1974 ! À ce stade de la réflexion, nous devons choisir entre deux directions : celle du toujours plus d’impôts – c’est tout ce que vous savez proposer, vous le confirmez encore aujourd’hui – ou bien, la nôtre, celle de la liberté et de la baisse de la fiscalité. Nous ne voulons pas d’un État qui ponctionne toujours plus.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Voilà ce que sont les lepénistes : les meilleurs amis des milliardaires.
M. Olivier Fayssat
Oui, derrière Éric Ciotti, nous sommes le grand parti de la baisse de la fiscalité et de la liberté économique,…
M. Benjamin Lucas-Lundy
Et les ciottistes aussi !
M. Olivier Fayssat
…loin du logiciel budgétaire socialiste du gouvernement macroniste, LR et marxiste de la gauche extrême.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Vous n’aimez pas Karl Marx ?
M. Olivier Fayssat
Nous voulons encourager la réussite, pas la punir. Parce que plus d’impôts, ce n’est pas plus de justice ; c’est moins d’investissement, moins de croissance, moins de liberté.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Ce qu’il peut être ringard ! Il a dû trouver le modèle de son discours dans un vieux minitel, celui de Jean-Marie Le Pen !
M. Olivier Fayssat
La gauche nous vend un impôt plancher à 2 % sur la fortune. Il est irresponsable de faire de la politique en faisant de ceux qui réussissent le bouc émissaire de la société.
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
C’est vous qui êtes irresponsable !
M. Olivier Fayssat
Vos recettes, nous les connaissons : elles ont fait 100 millions de morts avec le communisme (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR), elles ont ruiné et affamé des peuples aux quatre coins du monde.
Mme Danielle Simonnet
Arrêtez !
M. Benjamin Lucas-Lundy
C’est grotesque !
M. Olivier Fayssat
Vous excitez les foules – enfin, vous essayez, parce qu’en fait, vous n’excitez plus grand monde – en leur faisant croire qu’il suffit de 2 000 jugés trop riches pour en enrichir 67 millions d’autres. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.) En vérité, ce n’est que 31 euros que vous comptez redistribuer chaque mois aux Français ! Pour 30 euros, vous faites fuir des milliards du pays ! Et après, vous allez vous en prendre à ceux qui ont un peu moins, et ainsi de suite, car nous sommes tous le riche de quelqu’un. Vous vous attaquerez ainsi à chaque euro qui dépasse. Avec vous, un impôt n’a jamais de plafond, mais il a toujours un plancher, qui monte.
Vous créez un impôt provisoire ? Il devient permanent. Vous augmentez « un peu » les impôts ? Ils explosent. Et à la fin, c’est toujours la classe moyenne qui paye, celle qui n’a pas les moyens de s’expatrier.
Votre objectif politique doit être dénoncé : c’est l’égalité, en effet, mais dans la misère. Là où nous voulons plus de richesse pour tous, vous voulez moins de riches. Là où nous voulons moins de pauvres par le travail, vous voulez la pauvreté pour tous.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Qu’il est ringard !
M. Olivier Fayssat
La vérité, c’est que nous sommes déjà étranglés ! Les Français sont déjà écrasés par les taxes et les impôts : 70 milliards d’euros d’impôts en plus depuis 2017.
Quand on taxe trop, les investisseurs fuient vers des pays plus attractifs, l’économie ralentit et, par conséquent, les recettes fiscales baissent et l’État finit par perdre de l’argent en voulant en gagner plus. Un impôt trop élevé décourage le travail, la prise de risque et l’investissement. Vous croyez que l’argent coule à flots mais, en réalité, les entrepreneurs, les investisseurs et les travailleurs réagissent aux taxes. À chaque fois, les talents fuient et in fine, Bercy se retrouve avec moins d’argent que prévu. Cela s’appelle la courbe de Laffer, principe économique enseigné en première année de faculté d’économie et d’école de commerce.
Mme Christine Arrighi
Ne parlez pas de ce que vous ne connaissez pas.
M. Olivier Fayssat
Vous refusez d’intégrer la notion de consentement à l’impôt. Cela pouvait fonctionner en URSS, mais en France, les gens sont libres de partir – enfin, libres… Un amendement de la rapporteure tente quand même d’enfermer les citoyens grâce à une taxe destinée à empêcher toute décision de sortie hâtive, en imposant un délai de réflexion de dix ans, rien que cela ! C’est une vraie frontière, que vous voulez installer : écolo pour tous ceux qui veulent venir et soviétique à l’intérieur, pour ceux qui voudraient s’échapper. On se rapproche du goulag.
Nous ne le dirons jamais assez : la croissance ne vient pas de l’impôt mais de la liberté économique. La justice sociale ne vient pas de la spoliation mais de la prospérité.
M. Alexis Corbière
On dirait un éditorial de Jean Cau.
M. Olivier Fayssat
Tant qu’il restera de l’argent quelque part, vous le traquerez et vous exigerez qu’on le verse dans le puits sans fond de votre politique suicidaire. La démocratie, ce n’est pas proposer à 99 % de la population de confisquer les biens de 0,1 % des citoyens, ni même 0,001 %. Nous avons déjà le système de redistribution le plus généreux au monde. Ne tuez pas la poule, elle ne pondra plus, et les autres s’envoleront du poulailler France.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Les chars soviétiques sont devant la Banque de France ! Peints en vert !
M. Olivier Fayssat
Dans votre amnésie ingrate, vous oubliez même que le capital que vous voulez encore taxer n’est que le reliquat qui a survécu à l’enfer fiscal. Nous ne voterons pas cette folie fiscale – et je vous remercie pour vos acclamations. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Claire Marais-Beuil.
M. Stéphane Peu
Après la copie, l’original.
M. Alexis Corbière
Deuxième service !
Mme Claire Marais-Beuil
Taxez, taxez, il en restera toujours quelque chose ! Cette formulation, adaptée d’une célèbre maxime, correspond assez bien à l’état d’esprit qui anime globalement les bancs de la gauche de cet hémicycle lorsque le sujet fiscal fait son apparition dans le débat public.
M. Charles Sitzenstuhl
C’est pour ça que vous avez voté avec eux !
Mme Claire Marais-Beuil
Une solution pour tenir compte des enjeux climatiques ? Une taxe. Une solution pour répondre aux questions énergétiques ? Une taxe. Une solution pour remédier aux injustices fiscales ? Une taxe. Vous n’avez que ce mot à la bouche. Vous pensez « taxe », vous respirez « taxe », vous vivez « taxe » !
M. Benjamin Lucas-Lundy
C’est mieux que : « un problème, une OQTF » !
Mme Claire Marais-Beuil
Non, chers collègues socialistes et écologistes, votre folie fiscale n’est pas la réponse à tous les maux de ce pays.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Ne psychiatrisez pas le débat, nous ne sommes pas fous !
Mme Claire Marais-Beuil
L’injustice fiscale est un sujet sérieux et c’est précisément pour cette raison qu’il doit être traité avec sérieux. Doit-on vous rappeler que vous avez été au pouvoir à de multiples reprises ?
Mme Mathilde Feld
Ah non !
M. Alexis Corbière
On se souvient tous de ce gouvernement écologiste…
Mme Claire Marais-Beuil
Et qu’avez-vous fait pour traiter ce problème lorsque vous étiez aux responsabilités ? Qu’ont fait les députés socialistes et écologistes lorsqu’ils avaient la majorité au Parlement entre 2012 et 2017 ? Rien, absolument rien. Votre bilan est nul au premier sens du terme. Vous n’avez rien fait et désormais vous vous agitez, dans un esprit purement démagogique, pour inventer une nouvelle taxe, comme si notre pays n’était pas déjà le plus taxé du monde.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Mensonge !
Mme Claire Marais-Beuil
Et vous, collègues macronistes, j’espère qu’au moins vous ne succomberez pas au chant des sirènes de la gauche. – du moins, au brouhaha. Réveillez-vous ! Vous qui prétendez défendre la valeur du travail, qui êtes la béquille d’un gouvernement en sursis, êtes-vous prêts à taxer davantage nos concitoyens dans le seul but de vous donner bonne conscience et tenter ainsi d’effacer votre gestion calamiteuse ? (Exclamations sur les bancs du groupe EPR.)
M. Charles Sitzenstuhl
Vous allez vous abstenir pour que le texte soit voté ! Quelle escroquerie !
Mme Claire Marais-Beuil
En réalité, notre groupe est le seul à défendre réellement la justice sociale et la justice fiscale. (Rires sur les bancs du groupe EcoS.)
M. Charles Sitzenstuhl
La blague !
Mme Claire Marais-Beuil
Eh oui, souffrez que nous vous rappelions cette vérité. Nous avons des propositions concrètes pour lutter contre l’injustice fiscale. Celle-ci trouve bien souvent sa source dans la fraude, mais aussi dans la spéculation financière, qui nuit à l’économie réelle. L’urgence, c’est de protéger nos compatriotes les plus fragiles et de lutter contre la spéculation, et non de taxer ceux que vous qualifiez avec mépris d’ultrariches.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Allez, on va avoir droit à l’AME !
M. Alexis Corbière
On n’a pas encore parlé de l’islam…
Mme Claire Marais-Beuil
Par ailleurs, faire de la France le seul pays du monde à surtaxer les contribuables les plus aisés qui font bien souvent preuve d’une mobilité internationale particulièrement développée n’aura pour conséquence évidente que de les faire fuir à l’étranger, et avec eux les emplois qu’ils ont ou auraient pu créer en France. Votre proposition de loi est parfaitement inique sur le plan économique.
Mme Florence Herouin-Léautey
Vous avez voté pour en commission !
Mme Claire Marais-Beuil
Notre proposition est simple mais efficace : transformer votre taxe, et plus généralement l’impôt sur la fortune immobilière, en impôt sur la fortune financière, tel que cela avait déjà été énoncé dans le programme présidentiel de Marine Le Pen. C’est précisément l’objet des amendements déposés par notre groupe en commission et que vous avez refusés, encore ce matin.
Injustice en effet, et par ailleurs absurdité économique, que de taxer toujours et encore plus le patrimoine immobilier, bien souvent le fruit du travail et du sacrifice de générations entières…
M. Maxime Laisney
Et un peu de l’héritage, non ?
Mme Claire Marais-Beuil
…qui espèrent pouvoir transmettre ces biens aux générations qui leur succéderont. Notre philosophie est de protéger la transmission, celle des biens privés comme des biens professionnels par l’intermédiaire des entreprises, et non d’aboutir à leur dilapidation en raison d’une pression fiscale trop forte.
La proposition de loi prévoit également d’inclure les biens professionnels dans l’assiette de votre taxe. C’est une erreur, chers collègues, car cela nuira nécessairement à l’investissement dans notre pays et à la création de richesses.
Chers collègues, le sujet de l’injustice fiscale est sérieux. Et c’est justement parce qu’il est sérieux qu’il ne peut s’accommoder de la démagogie caractérisée par cette proposition de loi.
M. François Cormier-Bouligeon
Vous allez donc voter contre, cette fois ?
Mme Claire Marais-Beuil
Nos compatriotes ont soif de justice fiscale, mais ils ne réclament pas la création permanente de taxes et d’impôts. Plutôt qu’un énième guide du matraquage fiscal rédigé par la gauche à destination des contribuables, nous prônons les solutions de bon sens susceptible de traduire dans la loi cette exigence légitime, sans pour autant pointer du doigt nos compatriotes en raison de leur situation patrimoniale.
M. Alexis Corbière
Le grand capital vous remercie !
Mme Claire Marais-Beuil
En l’état, nous ne pouvons que nous abstenir sur cette proposition de loi qui n’est absolument pas à la hauteur des enjeux auxquels les Français sont confrontés. (MM. Mathieu Lefèvre et François Cormier-Bouligeon s’exclament.)
M. Emeric Salmon
Le groupe EPR s’abstient aussi puisque ses membres ne sont pas là !
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
En cette journée de niche écologiste, nous aurions pu parler de solutions pour aider la France à s’adapter au réchauffement climatique, à accélérer la transition vers l’industrie bas-carbone, à faciliter l’isolation thermique des bâtiments. Nous aurions aussi pu parler de biodiversité, de tri des déchets, de qualité de l’air, de pollution lumineuse, bref de toutes ces questions écologiques si urgentes. Mais les députés verts ont jugé plus utile d’aller vers leur seule véritable passion : le matraquage fiscal.
M. Alexis Corbière
Surtout, touchez pas au grisbi !
M. Benjamin Lucas-Lundy
C’est n’importe quoi ! On va parler de l’alimentation en eau potable juste après !
M. Charles Sitzenstuhl
Voilà donc une taxe de plus, dans notre France qui est déjà la championne d’Europe de la pression fiscale.
Madame la rapporteure, le rendement escompté de votre taxe est de 25 milliards d’euros – 25 milliards d’euros de prélèvements obligatoires supplémentaires, alors que la loi de finances pour 2025 prévoit déjà 25 milliards d’euros de mesures fiscales nouvelles. Au total, on infligerait à la France un choc fiscal de 50 milliards d’euros pour la seule année 2025. Dans un contexte de ralentissement de l’économie et de guerre commerciale, c’est absolument irresponsable.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Cette fois, c’est le minitel d’Alain Madelin qui a été retrouvé…
M. Charles Sitzenstuhl
Mes chers collègues, ne vous trompez pas de combat : la maladie française n’est pas le manque d’impôts,…
M. Benjamin Lucas-Lundy
C’est le macronisme !
M. Charles Sitzenstuhl
…mais l’excès d’impôts. Trop d’impôts, partout, tout le temps, tous ces impôts qui entravent la compétitivité de notre économie, tous ces impôts qui découragent l’esprit d’entreprise. C’est pourquoi en 2017, avec Emmanuel Macron et Bruno Le Maire, nous avons supprimé l’ISF, une taxe contre-productive, qui faisait fuir les investisseurs.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Les grands penseurs !
M. Charles Sitzenstuhl
Or voilà que justement, avec ce nouvel impôt plancher sur la fortune, vous revenez à cette vieille rengaine de l’ISF, c’est-à-dire à cette politique qui a tué l’industrie française pendant trente ans, celle qui a conduit la France au chômage de masse, à la fuite des talents et au découragement des investisseurs.
On voit bien que certains se donnent bonne conscience en faisant la chasse à ceux qu’ils appellent les ultrariches. Mais cette rhétorique est fallacieuse. Par des raisonnements biaisés, des comparaisons infondées avec les États-Unis, et, plus grave, en mélangeant patrimoine privé et patrimoine professionnel dans le calcul de l’impôt, ce qui revient à nier nos traditions juridiques, elle laisse croire que la France serait un paradis fiscal où les citoyens très fortunés échappent au fisc. Non, la France n’est pas un paradis fiscal !
Par ailleurs, les 25 milliards que vous croyez récupérer d’un côté, vous les perdrez vite de l’autre côté.
Pourquoi ? Parce que la fiscalité est une dynamique,…
M. Alexis Corbière
Contrairement à ce discours…
M. Charles Sitzenstuhl
…ce que vous savez très bien puisque la commission des finances, réunie en commission d’enquête, essaie de comprendre les problèmes de prévisions fiscales des deux dernières années. Ainsi, vous perdrez très vite ces 25 milliards car les personnes ciblées par la taxe iront investir ailleurs ; certaines quitteront la France…
Mme Sabrina Sebaihi
Qu’elles partent : elles ne paient rien de toute façon !
M. Charles Sitzenstuhl
…le rendement de votre taxe chutera, et, in fine, vous détruirez des emplois et créerez du chômage, augmentant ainsi la dépense sociale et la dépense publique.
Un mot pour conclure…
M. Benjamin Lucas-Lundy
Déjà ?
M. Charles Sitzenstuhl
Chers collègues de gauche, nous ne connaissons que trop bien votre tactique du salami : aujourd’hui, vous jurez de faire les poches des seuls ultrariches ; demain, vous vous attaquerez aux riches puis, après-demain, viendra le tour de la classe moyenne ! (Protestations sur les bancs du groupe EcoS.)
M. Benjamin Lucas-Lundy
C’est vous qui faites les poches des classes moyennes !
Mme Sabrina Sebaihi
Avec vous, les Français ont les poches trouées !
M. Charles Sitzenstuhl
Mme Clémentine Autain a levé le lièvre en affirmant à cette tribune il y a quelques minutes que vous aviez dans votre besace d’autres idées de taxes et d’impôts. Soyez bien conscients que des millions de Français reçoivent parfaitement votre message : ils voient le délire fiscal dans lequel la France est retombée depuis six mois.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Arrêtez de psychiatriser le débat !
M. Charles Sitzenstuhl
Nous vivons dans un pays où une fiscalité délirante alimente une dépense publique délirante, un pays où l’État devrait tout faire, tout payer, tout rembourser, tout rendre gratuit, s’occuper de tout, c’est-à-dire à la fin, ne décider correctement de rien. (M. Mathieu Lefèvre applaudit.) Le véritable enjeu budgétaire est d’abord de contenir et de baisser la dépense.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Il dit la même chose que le RN !
M. Charles Sitzenstuhl
La France n’a pas besoin d’une taxe de plus,…
M. Benjamin Lucas-Lundy
Elle a besoin de moins de macronisme !
M. Charles Sitzenstuhl
…la France n’a pas besoin d’un impôt supplémentaire.
M. Mickaël Bouloux
Elle a besoin que tu t’arrêtes !
M. Charles Sitzenstuhl
Nous nous opposerons à ce texte. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, HOR et Dem.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Gabrielle Cathala.
Mme Gabrielle Cathala
Il possède autant que les 20 millions de Français les plus pauvres. Ses émissions de CO2 sont 1 200 fois supérieures à celles d’un Français moyen. Selon ses mots, Trump apporte « un vent d’optimisme » parce qu’il baisse les impôts des plus fortunés. Pour lui, l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir n’est pas bien grave tant qu’il paie moins d’impôts. Vous l’aurez reconnu : je parle de Bernard Arnault, le symbole de l’indignité des 141 milliardaires français ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.) Un homme dont Jordan Bardella, dans un élan d’empathie et de convergence des luttes, a entendu le cri d’alarme :…
M. Philippe Ballard
Quelle démagogie !
Mme Gabrielle Cathala
…Bernard souffre de fins de mois si difficiles, il est vrai, qu’il en vient à immatriculer dans les îles Caïman son yacht de 130 millions. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et Ecos.)
Voilà ce qu’est la victoire du néolibéralisme : celle d’avoir forgé une oligarchie dépourvue de sens moral. Dans les LuxLeaks apparaissent trente-sept des cinquante familles les plus riches de France. La fraude, l’évasion, l’évitement fiscal sont systématiques chez ces gens, dont la fortune augmente en moyenne de 7 % par an depuis trente ans, ces gens qui se gavent mais dont le taux effectif d’imposition est deux fois plus faible que celui du reste de la population !
Oui, l’économiste Gabriel Zucman a raison quand il dit que la France est un paradis fiscal pour milliardaires ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.) Quand les 3 milliards d’euros de dividendes de la famille Arnault échappent à l’impôt, c’est un privilège fiscal ! Quand le groupe Bolloré bénéficie d’un régime spécial qui lui fait économiser 500 millions d’euros d’impôt, c’est aussi un privilège fiscal ! Quand il suffit à la famille Mulliez de se délocaliser en Belgique, à quelques centaines de mètres de la frontière française, pour cacher ses 50 milliards pendant qu’elle supprime plus de 2 300 postes chez Auchan, brisant ainsi 2 300 familles, c’est un privilège fiscal et un matraquage social ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)
M. Pierre Pribetich
C’est une honte !
Mme Gabrielle Cathala
Cela fait quarante ans que la politique fiscale consiste à détaxer les riches et à les laisser éviter l’impôt dans l’espoir qu’ils daignent investir en France mais, malheureusement, depuis des années, les investissements des plus riches, à l’image de ceux de Vincent Bolloré et de Pierre-Édouard Stérin, ont surtout ruisselé sur l’extrême droite. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et GDR.)
M. Maxime Laisney
Elle a raison !
Mme Gabrielle Cathala
Quels sont les résultats de cette politique des Mozart de la finance ? Premièrement, la concentration des richesses atteint des sommets. Depuis 2019, la fortune totale des milliardaires français a augmenté de 24 milliards d’euros, soit 13 millions par jour !
M. Alexis Corbière
C’est incroyable !
Mme Gabrielle Cathala
Alors qu’il y a 11 millions de pauvres dans notre pays, les 1 % les plus riches gagnent en six jours ce qu’un Français appartenant aux 50 % les moins favorisés de la population gagne en un an.
Deuxièmement, l’impôt est devenu dégressif. Et pas qu’un peu : les 378 familles les plus riches de notre pays ne paient que 2 % d’impôt sur leurs revenus – soit vingt fois moins que le reste de la population –…
M. Alexis Corbière
C’est incroyable !
Mme Gabrielle Cathala
…et 0,5 % sur leur patrimoine grâce à l’exil fiscal et à des holdings opaques.
M. Alexis Corbière
Voilà ce qu’ils défendent !
Mme Gabrielle Cathala
La proportionnalité de l’impôt – payer en fonction de ses facultés – est pourtant un principe inscrit dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et GDR.) Sans cette justice fiscale, comment nos concitoyens pourraient-ils consentir à leurs propres impôts ? Exonérer les ultrariches, c’est fragiliser tout le consentement à l’impôt !
Tout ça, c’est votre bilan, vous les partis de gouvernement ! Votre bilan : les 500 personnes les plus riches de France détiennent des fortunes équivalentes à 42 % de notre PIB ! Le bilan de M. Macron et de ses complices : la fortune des 500 familles les plus riches a doublé depuis 2017 ; celle de M. Rodolphe Saadé, 32 milliards, a été multipliée par cinq en seulement un an ; celle de la famille Hermès, 155 milliards, a plus que doublé en cinq ans ; celle de la famille Wertheimer, qui détient Chanel, 115 milliards, a augmenté trois fois plus sous les mandats de M. Macron que durant les vingt années précédentes et celle de la famille Bettencourt, 100 milliards, a augmenté davantage sous Emmanuel Macron qu’en trente ans.
Pour 80 % de ces familles de milliardaires, la prise de risque se résume à être bien né et avoir hérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Rendons-nous à l’évidence : les ultrariches ne paieront jamais d’impôts par eux-mêmes ; il faut les contraindre pour qu’ils contribuent à la hauteur de leurs moyens. Dès lors, une garantie minimale d’imposition du patrimoine est un premier pas intelligent parce que tout citoyen qui respecte l’esprit des lois – donc ni M. Mulliez, ni M. Arnault, ni M. Bolloré – paye déjà plus de 2 % de ses revenus. Pour les bons citoyens, cette loi sera sans effet.
Il faudra néanmoins aller plus loin.
M. Mathieu Lefèvre
C’est son utopie !
Mme Gabrielle Cathala
Si la taxe Zucman sécurise seulement la contribution de 1 800 ménages – puisqu’elle touche ceux dont le patrimoine dépasse 100 millions d’euros –, la concentration des richesses est telle qu’elle devrait malgré tout rapporter au mimimum près de 20 milliards de recettes par an. C’est plus de 200 fois le budget annuel pour la jeunesse et le sport ! C’est assez d’argent pour rénover 500 000 passoires thermiques ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, SOC et GDR.)
Certes, elle ne règle pas le problème de la concentration excessive des richesses. Notre projet pour les milliardaires, c’est avant tout qu’il n’y en ait plus et que devenir milliardaire ne soit plus un rêve ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR.) Les milliardaires sont le signe que les richesses n’irriguent plus le tissu social mais s’accumulent en un seul point. Ils sont le signe des 250 milliards par an de valeur ajoutée que le capital a volé au travail depuis quarante ans. Alors vive l’imposition des plus fortunés, principal outil pour redistribuer les richesses et financer nos services publics ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP, dont plusieurs députés se lèvent, et sur les bancs des groupes SOC, EcoS et GDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Mickaël Bouloux.
M. Mickaël Bouloux
L’accroissement parallèle des inégalités et du patrimoine des plus riches s’est accentué ces vingt dernières années. Les plus grandes fortunes de France, et, en particulier les 180 foyers fiscaux concernés par cette proposition de loi, – qui, avec leurs conseils ont la capacité de zigzaguer parmi les outils particulièrement inventifs de l’évasion fiscale – ont vu leur patrimoine exploser tandis que leur imposition a été largement allégée depuis 2017.
Alors que les finances publiques sont exsangues, dans un contexte financier et social empreint de brutalité, face une crise écologique qui nécessite des investissements publics massifs, notre effort doit porter sur la meilleure répartition de recettes supplémentaires. La justice fiscale doit être une priorité.
La proposition de loi que nous examinons est une des solutions. Elle vise à instaurer un impôt plancher de 2 % sur les très grandes fortunes afin de renforcer les recettes publiques. Cette mesure, inspirée par les travaux de l’économiste Gabriel Zucman, permettrait d’apporter à l’État au minimum 15 à 20 milliards d’euros annuels.
M. Emeric Salmon
Quinze, vingt, vingt-cinq milliards, il faudrait savoir !
M. Mickaël Bouloux
Contrairement à ce qu’ont affirmé certains orateurs, il ne s’agit aucunement d’un prélèvement excessif mais d’une contribution minimale au bien commun. (MM. Marcellin Nadeau et Arnaud Simion applaudissent.) Notre société ne sera prospère et viable que si les plus aisés participent équitablement à l’effort collectif.
M. Alexis Corbière
C’est vrai !
M. Mickaël Bouloux
La justice fiscale est essentielle pour restaurer la cohésion sociale dont notre pays a besoin. Comment justifier que les travailleuses et les travailleurs paient une part proportionnellement plus importante de leurs revenus que les milliardaires ?
Je pourrai multiplier les arguments mais je préfère être bref afin de préserver du temps pour le débat et d’arriver plus rapidement au vote du texte. Cette proposition de loi répond à une urgence sociale et économique. Nous soutiendrons la version défendue par Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NFP, EcoS et GDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Thierry Liger.
M. Thierry Liger
La proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui prévoit d’instaurer un impôt plancher de 2 % sur le patrimoine global des grandes fortunes. Ainsi, 1 800 contribuables – dont le patrimoine, incluant l’outil professionnel, dépasse les 100 millions d’euros – seraient visés. Cette nouvelle taxe, dite Zucman, rapporterait 15 à 25 milliards d’euros aux finances publiques selon une estimation dont la fiabilité reste à démontrer.
Cette proposition de nos collègues écologistes repose sur la thèse selon laquelle la France serait devenue un paradis fiscal pour milliardaires car elle les autoriserait à placer les revenus de leur patrimoine au sein de holdings et d’échapper ainsi à l’imposition et à la taxation des dividendes.
Concrètement, les contribuables concernés seraient redevables d’un impôt correspondant à la différence entre l’ensemble des sommes dont ils s’acquittent au titre d’impôts existants sur leurs revenus et le montant correspondant à 2 % de la valeur nette de leur patrimoine. Si la proposition de loi était adoptée, la France deviendrait le premier pays européen à instituer cet impôt sur la fortune revisité alors même qu’avec un taux de prélèvements obligatoires supérieur de 5 points à la moyenne de la zone euro en 2023, elle détient déjà le taux de prélèvements obligatoires le plus élevé de l’OCDE.
Sous couvert de justice fiscale, la mesure est en réalité économiquement dangereuse puisqu’elle opère une confusion entre des revenus – soumis à l’IR – qui peuvent fluctuer et le patrimoine – notamment professionnel – qui se bâtit sur la durée.
Ainsi, le texte ne prévoit aucun plafond de taux d’imposition. Cet impôt étant assis sur le patrimoine et non sur les revenus, certains contribuables pourraient être amenés à payer bien plus que 70 % de leurs revenus réels.
De plus, il faut rappeler que les bénéfices non distribués en dividendes appartiennent à la société et non aux actionnaires. Or la proposition de loi impose un stock indépendamment du rendement qu’il est susceptible de générer pour son propriétaire. De nombreux contribuables pourraient alors être redevables de sommes très importantes quand bien même leurs entreprises ne seraient pas encore rentables : pensons aux jeunes entreprises de haute technologie – les licornes – dont la valorisation peut devenir rapidement importante avant qu’elles ne réalisent profits et bénéfices.
Mes chers collègues comment pouvez-vous invoquer la justice fiscale lorsque la mesure que vous proposez pourrait manifestement devenir confiscatoire ? Avez-vous déjà oublié que nous venons d’adopter un budget comprenant une contribution différentielle sur les hauts revenus, une contribution exceptionnelle sur les grandes entreprises, une contribution exceptionnelle sur le fret maritime, une taxe sur les rachats d’actions, une hausse du taux de la taxe sur les transactions financières et une réduction du crédit d’impôt recherche (CIR) ?
M. Alexandre Portier
Ils sont ivres de taxes !
M. Thierry Liger
Enfin, en prévoyant que les non-résidents fiscaux en France pourraient être imposés s’ils disposent d’investissements dans notre pays, cette proposition de loi constitue un très mauvais signal envoyé aux entrepreneurs mais également aux investisseurs étrangers quant à l’attractivité de la France. Alors même que tous les acteurs économiques font part de leurs inquiétudes, que les investissements ont globalement reculé de 5 % en 2024 – et même de 17 % dans l’industrie –, que nous connaissons un record de défaillances d’entreprises depuis quinze ans, il serait irresponsable que la France soit le seul pays au monde à instaurer un tel impôt.
À l’heure où nous devons faire face à de nombreux défis économiques, sociaux, budgétaires, nous devons mettre sur la table des réponses concrètes, renforçant notamment notre compétitivité et notre attractivité, pour protéger notre souveraineté. Dans ce but, encourager et défendre l’esprit d’entreprendre doit rester notre priorité à tous.
M. Alexandre Portier
C’est le fondement d’une nation !
M. Thierry Liger
Aux yeux du groupe de la Droite républicaine, cette proposition de loi est en contradiction avec les intérêts du pays, qui sont d’améliorer sa compétitivité et son attractivité. La France a besoin de tout sauf d’un nouvel impôt.
M. Alexandre Portier
Exactement !
M. Thierry Liger
Les députés de la Droite républicaine voteront contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. Alexandre Portier
C’est l’intervention la plus juste que j’ai entendue cette semaine !
Mme la présidente
La discussion générale est close.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je voulais vous rappeler posément les difficultés posées par cette proposition, étant précisé que le gouvernement est conscient, comme de nombreux Français, que les holdings patrimoniales peuvent être le moyen de contourner la loi fiscale.
Nous sommes en premier lieu défavorables à la proposition de loi pour des raisons juridiques : depuis la décision du Conseil constitutionnel du 9 août 2012, un impôt de 2 % tel que celui envisagé nécessite un plafonnement. Le plafonnement n’a pu être supprimé dans le cadre de l’ISF que lorsque le taux de l’impôt était de 0,5 %. La circonstance que la présente proposition de loi prévoit un seuil de patrimoine de 100 millions ne signifie pas que le Conseil constitutionnel appréciera différemment l’enjeu du plafonnement.
Ensuite, sur le plan économique, je répète tout d’abord que, depuis 1984, les biens professionnels n’ont jamais été compris dans l’assiette de l’ISF. Il était alors clairement apparu que leur prise en compte, entre 1982 et 1984, avait produit des effets défavorables sur l’économie.
Deuxièmement, l’irrégularité des revenus – car ils ne sont pas forcément constants dans le temps – n’est pas uniquement une question technique, c’est aussi un enjeu économique.
Troisièmement, une entreprise créée – on parle souvent par exemple des licornes et des autres start-up – peut, certes, faire l’objet d’une forte valorisation boursière. Cependant, si elle réinvestit l’ensemble de ses bénéfices – parfois très faibles – et qu’elle ne distribue donc aucun dividende, il peut arriver que les fondateurs et actionnaires n’en tirent aucun revenu, et ce même si, en théorie et grâce à la bourse, la valeur de l’entreprise est forte.
Or le modèle que vous proposez n’apporte pas de solution à ces différentes situations.
J’aimerais à présent donner trois chiffres car il est toujours important, au début d’un débat, de donner des éléments concrets. Vous dites que l’exil fiscal est un mythe, qu’on nous bassine avec ce sujet alors qu’il ne représente qu’une petite partie de la réalité. Sachez donc qu’entre 2011 et 2016, 580 foyers fiscaux dont le patrimoine était supérieur au seuil de l’ISF de l’époque ont quitté la France.
Plusieurs députés des groupes LFI-NFP et EcoS
Sur combien ?
M. Nicolas Sansu
Sur 385 000 assujettis !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Cela représente un tiers de l’assiette que vous prenez en compte, madame la rapporteure. Parmi eux, 160 sont revenus entre 2018 et 2021.
Mme Sabrina Sebaihi
C’est un argument fallacieux !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je me contente de vous donner les chiffres, ensuite chacun pense ce qu’il veut.
Mme Sabrina Sebaihi
Donnez la totalité des chiffres !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
C’est ce que je fais.
Mme Sabrina Sebaihi
Sur combien de personnes ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je vous dis que, parmi les Français éligibles à l’ISF, 580 sont partis entre 2011 et 2016 et que 160 sont revenus.
Plusieurs députés des groupes EcoS et GDR
Seulement 580 sur 385 000 foyers !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
En effet, 385 000 contribuables étaient éligibles à l’ISF en 2016. (« Ah ! » et exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.)
Mme Danielle Simonnet
Et voilà ! Donc 580, c’est rien !
Mme Sabrina Sebaihi
Votre argument est malhonnête !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
J’aimerais donner un dernier chiffre. Si vous appliquez un taux de 2 % à un stock de patrimoine qui génère un rendement de 7 % – je reprends vos hypothèses, madame la rapporteure –, cela signifie que le taux moyen d’imposition sur le revenu implicite s’élève à 28 %…
M. Matthias Tavel
Ce n’est pas assez !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
…et donc que le PFU, dans votre modèle, atteint 41 % alors qu’il est aujourd’hui de 30 %. Il me semble utile d’éclairer la représentation nationale en donnant les ratios que nous connaissons.
Dans le modèle que nous avons élaboré et que nous allons soumettre à la consultation, le taux potentiel – qui exclut les biens professionnels – pour certains actifs gérés par des holdings patrimoniales pourrait être de 0,5 %, soit le résultat d’une opération très simple : le rendement théorique de 3 % multiplié par l’impôt sur le revenu qui fait partie du PFU, soit environ 12 %, auquel on additionne la CEHR, soit 4 %. Autrement dit, 3 % multipliés par 16 %, ce qui donne environ 0, 5 %. Le dispositif sur lequel nous travaillons permet donc d’assurer une stricte stabilité fiscale.
M. Matthias Tavel
C’est bien le problème !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Nous n’augmentons aucun taux ni aucun impôt, nous appliquons simplement un impôt minimal existant en prenant en compte un rendement minimal théorique.
On peut donc présenter votre impôt comme un PFU à 41 % – une proposition que l’on peut tout à fait entendre. Je vous précise cependant qu’au vu des seuils que vous fixez, et même s’il s’agit d’une contribution différentielle, le gouvernement s’y oppose.
Il me semblait utile d’éclairer le débat en apportant des données chiffrées, précises et incontestables. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem ainsi que sur plusieurs bancs du groupe DR.)
Discussion des articles
Mme la présidente
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, l’article unique de la proposition de loi.
Article unique
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Paul Mattei.
M. Jean-Paul Mattei
Tout à l’heure, mon collègue Thierry Mandon a rappelé que notre groupe était très attaché à la justice fiscale.
Cette proposition de loi trouve son origine dans un rapport de l’Institut des politiques publiques (IPP) et dans une théorie de Gabriel Zucman, un économiste très talentueux avec lequel j’ai d’ailleurs échangé à plusieurs reprises sur ces questions. Le débat mérite d’être posé.
Cependant, cet article n’est pas opérant. Tout d’abord, il représente un retour en arrière puisqu’il prévoit d’inclure le patrimoine privé et professionnel et vise également les personnes, à l’étranger, qui investissent en France.
D’autre part, vous ne distinguez pas personnes physiques et personnes morales. Nous sommes certes confrontés à une accumulation de richesses, essentiellement professionnelles – j’ai pu le vérifier dans le cadre du rapport que j’ai rédigé avec Nicolas Sansu. Cependant, les actionnaires n’ont pas droit au bénéfice – même s’ils ont d’autres droits. C’est l’assemblée générale de l’entreprise qui décide de l’affectation du bénéfice. Celui-ci est un bien de l’entreprise, il entre souvent en jeu dans la production, il peut être utilisé au profit des salariés, de l’investissement et du développement mais il n’appartient pas aux actionnaires en tant qu’individus. La mesure proposée est donc une très mauvaise idée.
J’aime bien modéliser les projets, j’ai donc procédé à un petit calcul : une taxe de 2 % sur un patrimoine de 100 millions, cela représente 2 millions de recettes fiscales.
M. Nicolas Sansu
Tout compris !
M. Jean-Paul Mattei
Or, pour atteindre ce montant, les dirigeants de l’entreprise doivent distribuer 6,6 millions de dividendes. S’ils ne détiennent que 30 % du capital de l’entreprise, ils devraient même en verser près de 20 millions. Ils vont donc chercher cette somme à l’intérieur de l’entreprise – autant d’argent en moins pour le développement ou l’intéressement des salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
Votre idée est intéressante mais le dispositif ne fonctionne pas. Si un tel texte était adopté, il provoquerait des effets pervers. Cependant, il faut continuer de mener une réflexion sur la justice fiscale. (Mêmes mouvements.)
M. Fabien Di Filippo
Il ne faut pas laisser passer ce texte !
Mme la présidente
La parole est à M. Mathieu Lefèvre.
M. Mathieu Lefèvre
Alors que nous nous apprêtons à discuter des amendements, je note qu’une partie de l’hémicycle me semble totalement déconnectée des réalités économiques du pays. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
Mme Clémentine Autain
Il a raison, ce sont eux qui sont déconnectés !
M. Inaki Echaniz
Le budget, c’était vous, monsieur Lefèvre, alors calmos !
M. Fabien Di Filippo
Pourquoi n’écoutent-ils pas l’orateur ?
M. Mathieu Lefèvre
Malgré les baisses d’impôts décidées par Emmanuel Macron – ne vous en déplaise –, la France n’est pas un paradis fiscal. (Nouvelles exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.) J’ai écouté les orateurs, notamment Mme Cathala qui distinguait les bons et les mauvais citoyens, aussi permettez-moi de m’exprimer.
Il n’y a pas, d’un côté, les bons citoyens et, de l’autre, les mauvais – ceux-là mêmes qui créent des entreprises, gagnent de l’argent et donnent des emplois aux Français. (Exclamations prolongées sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Contrairement à vous, je souhaite que notre pays compte plus de milliardaires, plus de personnes comme M. Saadé ou M. Arnault même si, bien sûr, je veux qu’ils paient leurs impôts en France, c’est d’ailleurs pourquoi la ministre a raison de rappeler qu’une action internationale est nécessaire.
Ce que j’entends dans votre discours, c’est un nivellement par le bas. Vous refusez l’entreprise comme la création de richesses. Vous voulez que certains quittent le pays et que notre économie soit livrée à des fonds vautours, de court terme, qui mineront notre souveraineté.
M. Inaki Echaniz
Un peu d’humilité !
M. Mathieu Lefèvre
S’agissant du rendement recherché, madame la rapporteure, vous avez évoqué 15 à 25 milliards de ressources, l’équivalent du budget du ministère de la justice. Vous pourriez peut-être vous montrer un peu plus précise et améliorer vos prévisions pour nous indiquer exactement le montant que rapporterait réellement votre mesure.
M. Inaki Echaniz
Et vous, alors, avec le budget ?
M. Mathieu Lefèvre
Par ailleurs, je sais bien que les collègues du Rassemblement national ne sont pas à une contradiction près mais je rappelle que cette taxe a été adoptée dans le cadre du projet de loi de finances avec leurs voix – nous ne l’aurions pas adoptée si nous avions voté.
Plusieurs députés
Vous n’étiez pas là !
M. Mathieu Lefèvre
Or, la semaine dernière, en commission des finances, au moment du vote sur ce texte, ils se sont abstenus. Cette taxe antiéconomique, contre l’emploi, qui livrera notre économie aux fonds vautours et aux fonds étrangers, a été adoptée avec la bienveillance du Rassemblement national. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem.) Nous devons le dire et le répéter : le Rassemblement national est une arnaque intellectuelle (Exclamations sur les bancs du groupe RN) mais surtout une escroquerie économique majeure. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
Il faut évidemment supprimer cet article.
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Juvin.
M. Philippe Juvin
Une telle taxe risque de faire apparaître un peu plus notre pays comme un repoussoir.
Mme Sophie Taillé-Polian
Il faut éviter l’appel d’air pour les riches !
M. Philippe Juvin
Alors que nous sommes déjà champions du monde toutes catégories de la fiscalité, vous voulez en remettre une couche ! Taxer, c’est faire preuve de paresse intellectuelle. Nous savons bien que le véritable enjeu, c’est la diminution des dépenses. Si la France est en difficulté, ce n’est pas à cause d’un excès de recettes mais d’un excès de dépenses. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR.) Pour y remédier, la solution est toujours la même : il faut d’abord envisager des baisses de dépenses. Ensuite seulement, on pourra réfléchir aux recettes.
Mme Sophie Taillé-Polian
Avec toutes les niches fiscales, il y a de quoi faire !
M. Philippe Juvin
Par ailleurs, comme l’a dit notre collègue Mattei, le péché original de ce texte, c’est la prise en compte des biens professionnels. Par définition, les entreprises taxées répercutent toujours – c’est mécanique – les coûts qu’elles doivent supporter, soit en augmentant le prix du service ou de la prestation proposés ou du bien produit, soit en réduisant les emplois, soit en votant avec leurs pieds. Car, oui, votre mesure aboutira à un exil fiscal.
Certains expliquent qu’une telle taxe doit être mondiale. Il se trouve qu’ici nous votons pour des mesures en vigueur dans notre pays. Si vous votez pour ce texte, vous observerez des effets négatifs – mais, comme d’habitude, seulement en France. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.
M. Jean-Philippe Tanguy
Nous nous efforcerons d’améliorer l’article unique afin que la mesure corresponde à l’impôt sur la fortune financière que nous appelons de nos vœux, comme l’a expliqué Claire Marais-Beuil. De mémoire, ce dispositif est d’ailleurs assez proche de l’impôt sur la fortune non productive, proposé par notre collègue du Modem Jean-François Mattei.
Oui, cher collègue Lefèvre, nous sommes en faveur de la justice fiscale, c’est-à-dire que nous considérons qu’il n’est pas normal que les plus favorisés ne paient pas au moins autant d’impôts que les classes moyennes – ni même, parfois, que les classes populaires. Car, même si vous pouvez continuer de vous livrer à des outrances en expliquant que ce point de vue est antiéconomique et qu’il constitue une escroquerie, c’est bien la définition de la justice fiscale – à moins que vous en connaissiez une autre, et dans ce cas nous serions curieux de savoir ce que vous proposez concrètement en la matière, vous qui vous contentez généralement de dénoncer.
Par ailleurs, il y a bien une demande sociale et populaire de justice fiscale. Voilà pourquoi, collègues de gauche, je ne m’énerverai pas sur ce sujet.
M. Philippe Juvin
Sur ce sujet !
M. Jean-Philippe Tanguy
Je ne dirai pas que vos diagnostics sont toujours caricaturaux ni que Mme Sas – si du moins elle daigne m’écouter – n’a pas bien travaillé.
M. Fabien Di Filippo
Et pourtant !
M. Jean-Philippe Tanguy
Car elle a fait un travail de qualité. Toutefois, vous faites des choix idéologiques.
Mme Marie Mesmeur
Et vous, non, peut-être ?
M. Jean-Philippe Tanguy
En imposant les biens professionnels, vous aboutirez au résultat inverse à celui que vous visez car vous défavorisez l’enracinement. Vous pourriez travailler avec les forces politiques – y compris du centre – favorables à la justice fiscale mais vous le refusez, uniquement par idéologie, parce que vous agissez hélas par électoralisme.
Continuez de nous insulter et le résultat que vous obtiendrez, c’est que nous voterons contre le texte plutôt que de nous abstenir. Car vous savez bien que si nous ne nous abstenons pas, votre taxe est envoyée aux oubliettes.
Mon groupe – comme moi-même – assume politiquement la volonté de travailler en faveur de la justice fiscale. Arrêtons les caricatures. Si nous sommes traités de communistes par les uns et de fascistes par les autres, c’est sans doute que nous sommes au centre (« Ah ! » et sourires sur les bancs des groupes EPR et Dem), si l’on considère non pas le paysage politique mais les attentes des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. Fabien Di Filippo
C’est pour ça qu’ils soutiennent Bayrou !
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu
J’aimerais tout d’abord répondre à Mme la ministre. Cette proposition de loi ne concerne pas tout le monde mais 1 800 foyers fiscaux. Vous avez évoqué les 580 personnes qui se sont exilées à cause de l’ISF. Or je rappelle qu’on comptait à l’époque 385 000 foyers assujettis à l’ISF. Par conséquent, ne dites pas que cette mesure encouragera les départs. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
D’autre part, monsieur Mattei, il s’agit d’une contribution différentielle. Par conséquent, vous ne pouvez pas affirmer que 2 % seraient prélevés sur le stock de patrimoine. C’est une taxe qui peut atteindre l’équivalent de 2 % du patrimoine, ce qui est différent. Si les milliardaires et les centimillionnaires paient l’impôt sur le revenu et l’IFI par exemple, on ne sera pas très loin des 2 %, dans ce cas il ne faudra pas aller chercher beaucoup d’argent pour atteindre le montant demandé.
Par ailleurs, vous savez qu’à ce niveau de fortune, les revenus personnels et professionnels se confondent puisque ces personnes conservent leur argent dans des holdings familiales qui ne sont pas transparentes. Par conséquent elles n’ont pas besoin de percevoir des revenus, ce qui leur évite de payer des impôts sur le revenu. La taxe Zucman permet d’empêcher un tel comportement.
Vous parlez d’une mesure confiscatoire mais, en réalité, ceux qui confisquent, ce sont bien les milliardaires qui s’en mettent plein les fouilles en prenant le travail des autres. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et LFI-NFP ainsi que sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Mme Danielle Simonnet
Il a raison !
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Le Coq.
M. Aurélien Le Coq
Vous nous expliquez que les patrons des entreprises, qui possèdent de nombreuses actions et touchent des dividendes, ne seraient pas en mesure de payer un tel impôt. Vous prétendez aussi que si l’État ne percevait pas cette taxe, les entreprises utiliseraient cet argent pour augmenter les salaires ou les investissements.
En réalité, vous avez distribué à ces mêmes personnes des centaines de milliards, en cadeaux fiscaux, en niches fiscales, en crédits d’impôts. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Les grandes entreprises ont ainsi reçu 200 milliards et les baisses d’impôts ont atteint 70 milliards, ce qui explique d’ailleurs le phénomène d’ultraconcentration.
Or tous ces cadeaux n’ont pas permis la création d’un seul emploi ni un seul investissement productif. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit également.) Si le patrimoine des ultrariches augmente, c’est justement parce que nous ne percevons pas d’impôt de ce type alors qu’ils peuvent bien sûr le payer.
Vous passez votre temps à pleurer en évoquant la dette et le déficit, en expliquant que nous manquons d’argent.
Vous n’avez pas fait de manières lorsqu’il s’est agi, pour nourrir votre budget, d’aller chercher 1 milliard d’euros chez les apprentis ou 400 millions chez les autoentrepreneurs ! Ces apprentis, à qui vous avez pris 30 euros sur 1 000, peuvent bien payer, contribuer, partager, parce qu’ils ne produisent rien, peut-être ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et GDR.) En revanche, il n’est pas possible de faire contribuer M. Bernard Arnault, qui possède une fortune équivalente à 13 millions d’années de Smic.
Si on leur prend 2 % de leur patrimoine, les contribuables visés par cette proposition ne perdront pas d’argent et continueront même à en gagner et à voir croître ce patrimoine, car sa rentabilité s’est élevée à 7 % en moyenne pendant les quarante dernières années. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Marietta Karamanli.
Mme Marietta Karamanli
Nous soutenons l’initiative de nos collègues du groupe EcoS. Lors de la précédente législature, en 2022, mes collègues du groupe Socialistes et apparentés et moi-même avions déposé une proposition de loi qui visait le même objectif en se fondant sur les mêmes constats et études.
M. Fabien Di Filippo
Elle était tout aussi mauvaise !
Mme Marietta Karamanli
Seulement, le rétablissement en France d’un impôt ciblant spécifiquement les grandes fortunes s’inscrit aujourd’hui dans un contexte très différent de celui qui prévalait il y a quelques années. La taxation des super-riches figure au premier plan des débats internationaux, notamment dans le cadre du G20. Cela résulte d’une prise de conscience née des progrès considérables en matière d’échange de renseignements. Ils mettent à notre disposition de nouveaux outils qui permettent de comprendre l’évasion fiscale et de lutter contre elle.
Si, à un moment donné, le gouvernement a entendu créer une nouvelle taxation temporaire et exceptionnelle, il ne touche d’aucune façon aux millionnaires et aux milliardaires. Alors que les salaires sont taxés suivant un barème progressif, les dividendes sont soumis à un prélèvement forfaitaire unique, la flat tax, dont le taux s’élève à 12,8 %. Du reste, les plus riches ne vivent pas des revenus du travail ni même des dividendes qu’ils perçoivent mais de l’argent qu’ils placent dans les entreprises. Or un revenu acquis à un contribuable mais non encore réalisé ne peut faire l’objet d’un impôt.
Ces très, très riches se servent de leurs actions pour garantir d’autres achats ou parts d’entreprises, ce qui explique la formidable concentration des richesses à laquelle nous assistons. Certaines de leurs pratiques consistent, grâce à un régime de succession très favorable, à acheter, emprunter et mourir.
En taxant les patrimoines qui excèdent 100 millions d’euros à un taux de 2 %, nous irons peu à peu vers davantage de justice fiscale. Les 15 à 25 milliards d’euros que cette taxe permettra de dégager contribueront au désendettement et aux investissements dans les domaines qui nous intéressent, notamment l’éducation et la santé. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC. – Mme Sandrine Rousseau applaudit également.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux demandes de scrutin public : la première, par le groupe Ensemble pour la République, sur les amendements identiques nos 34, 47 et 48 ; la seconde, par le groupe Écologiste et social, sur les amendements nos 1 et 2.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Mme la présidente
Je suis saisie de trois amendements identiques nos 34, 47 et 48 visant à supprimer l’article unique.
La parole est à M. Mathieu Lefèvre, pour soutenir l’amendement no 34.
M. Mathieu Lefèvre
Il serait utile que vous répondiez à certaines questions factuelles, madame la rapporteure. Premièrement, quel est le rendement escompté de l’impôt que vous proposez de créer ? Vous estimez qu’il sera compris entre 15 et 25 milliards d’euros mais un écart de 10 milliards d’euros est substantiel : c’est plus que le budget du ministère de la justice.
Deuxièmement, comment répondez-vous à l’argument constitutionnel formulé contre le texte ? Alors que François Hollande lui-même avait maintenu le plafonnement de l’ISF, la proposition ne prévoit aucune forme de plafond.
Troisièmement, comment répondez-vous aux critiques aux termes desquelles la mesure proposée porte atteinte au droit de propriété ? Je vous ai entendus toutes et tous saluer la célèbre citation de Proudhon mais je vous rappelle que le droit de propriété fait partie de nos droits fondamentaux.
Enfin, s’agissant de l’outil professionnel, vous n’avez pas répondu aux critiques que soulève le risque que cette taxe ferait peser sur la transmission d’entreprises autant que sur les jeunes entreprises innovantes – dont la valorisation est souvent élevée mais qui disposent de peu de liquidités – et sur les entreprises en difficulté qui font de la recherche et développement pour améliorer leurs produits.
À toutes ces questions, nous n’avons reçu aucune réponse. Pour cette raison, il est impératif de supprimer l’article unique et de replacer cette proposition dans le contexte international où elle doit s’inscrire, comme nous l’avons fait autour de Bruno Le Maire s’agissant de l’imposition des géants du numérique et de l’imposition minimale mondiale des groupes, qui rapportent des centaines de millions d’euros.
Évidemment, il faut lutter contre l’optimisation fiscale et il est insupportable que des personnes contribuent pour moins de 1 % de leurs revenus à la solidarité nationale. Mais c’est au moins à l’échelon européen et dans le respect des dispositions constitutionnelles et juridiques que j’évoquais que nous devons lutter contre ces phénomènes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l’amendement no 47.
M. Fabien Di Filippo
Je défends cet amendement au nom du groupe Droite républicaine. Sans surprise, tous nos collègues ont fait part de nos griefs à l’égard de la mesure que vous proposez, chers collègues du groupe EcoS. Son caractère économiquement suicidaire la distingue des autres propositions que vous vous apprêtez à défendre à partir de cet après-midi à travers le prisme idéologique toujours très déformant qui est le vôtre.
M. Nicolas Sansu
Parce que vous n’avez pas de prisme idéologique, vous ?
M. Fabien Di Filippo
Il s’agit peut-être, à terme, de la plus dangereuse d’entre toutes. J’aurai largement le temps de vous l’expliquer au cours des heures qui viennent.
S’il faut supprimer l’article unique instaurant un nouvel impôt sur le patrimoine, c’est parce que, parmi les pays de l’OCDE, la France détient déjà le record des prélèvements obligatoires. Si taxer davantage constituait une solution, nos comptes publics seraient revenus à l’équilibre depuis bien longtemps.
Comme nous l’avons affirmé tout au long du débat budgétaire, la priorité pour redresser les finances publiques est de diminuer la dépense. Vous avez pu mesurer l’ampleur des difficultés économiques qu’a suscitées l’instabilité gouvernementale dans chacun de nos territoires, au cours des dernières semaines. L’inquiétude générale a parfois conduit certains chefs d’entreprise à réduire leur voilure ou à quitter le territoire, voire le pays.
Nous n’avons pas besoin d’une perspective de court terme satisfaisant certaines de vos pulsions relatives à ceux qui ont réussi – tant mieux pour eux car tout le monde en profite – mais d’une vision de long terme. (Protestations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Madame, plutôt que de me crier dessus, je vous encourage vivement à prendre le micro et à nous expliquer votre vision économique, sans doute très pertinente. Si le modèle que vous défendez avait pu nous conduire à la réussite par le passé, la Russie ne menacerait pas de dominer l’Europe puisque nous serions tous fiers d’appartenir à l’URSS ! (Sourires sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Hadrien Clouet
Bravo, excellent !
M. Fabien Di Filippo
Il faut remettre les pieds sur terre, supprimer cet article et passer aux textes suivants : c’est une perche que je vous tends.
M. Philippe Juvin
Bravo !
M. Emeric Salmon
C’est du bolchevisme !
M. Fabien Di Filippo
Si au moins ça marchait !
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l’amendement no 48.
M. Charles Sitzenstuhl
La discussion de cet amendement me permet de revenir sur plusieurs éléments versés au débat.
Depuis plusieurs mois, nos collègues de gauche répètent un mensonge : les recettes fiscales auraient diminué. C’est rigoureusement faux ! Je l’ai déjà affirmé lors du débat budgétaire, chiffres à l’appui. La direction générale des finances publiques (DGFIP) a publié des chiffres clairs : les recettes fiscales nettes du pays augmentent constamment chaque année. Ainsi, en 2013, elles atteignaient 415 milliards d’euros ; en 2017, à la fin du mandat de François Hollande et au début de celui d’Emmanuel Macron, 450 milliards d’euros ; et, en 2023, 543 milliards d’euros.
Voilà la vérité, contraire à ce que vous prétendez ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR. – Protestations sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.) Ce n’est parce que nous avons diminué le taux de certains impôts et en avons supprimé d’autres que, mécaniquement, les recettes baissent. Au contraire, ces mesures ont relancé l’activité, ce qui a permis de capter davantage de recettes fiscales.
Nous assistons à une supercherie politique. Dans quelques heures, votre texte sera adopté en raison de l’abstention de l’extrême droite qui, en contradiction avec ce qu’affirment ses membres, s’apprête à vous aider à approuver cette taxe antiéconomique, antientreprise, antibusiness. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Alexis Corbière
Vous aussi, vous avez réussi grâce à l’abstention du Rassemblement national !
M. Charles Sitzenstuhl
Vous pouvez bien nous expliquer, au groupe RN, que vous voulez soutenir l’entrepreneuriat mais la vérité est que vous votez tous les impôts que propose la gauche et que vous êtes comptables du délire fiscal qui s’est emparé de l’Assemblée nationale depuis six mois ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Eva Sas, rapporteure
Mon intervention vaudra pour de nombreux amendements qui seront examinés ultérieurement. J’aborderai d’abord le risque d’exil fiscal. Sans le nier, il convient de le relativiser. Cette menace, souvent brandie lorsqu’on projette de taxer les plus riches, est assez rarement mise à exécution. Les chiffres de France Stratégie sont clairs : en 2017, quand l’ISF existait encore, seuls 0,2 % des 385 000 contribuables qui y étaient assujettis ont choisi de s’exiler.
Ensuite, ce texte prévoit une exit tax telle que la mesure continuerait de s’appliquer pendant cinq ans aux contribuables qui choisiraient de quitter le territoire national, freinant ceux qu’un tel exil tenterait.
Dernier point : il faut bien sûr créer une taxe mondiale. Nous en sommes tous d’accord : il est à tout le moins nécessaire que plusieurs pays mènent une action concertée, comme celle qui a été lancée lors du dernier G20. C’est justement en adoptant l’impôt plancher que nous proposons que la France s’honorera de jouer un rôle pionnier.
M. Mathieu Lefèvre
Ah, la France pionnière !
Mme Eva Sas, rapporteure
C’est ainsi que nous avons procédé en adoptant la taxe Gafam, qui a ouvert la voie à une taxation internationale des multinationales.
J’en viens à la question de la constitutionnalité. Le Conseil constitutionnel n’a jamais eu à statuer sur une taxe qui s’applique aux contribuables dont le patrimoine dépasse 100 millions d’euros.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Voilà !
Mme Eva Sas, rapporteure
Comment trouverait-il confiscatoire une mesure qui ne s’applique plus en deçà d’un tel seuil, garantissant à ceux qui le possèdent de pouvoir jouir d’un patrimoine de 100 millions ?
À tout le moins, il vaut la peine de lui poser la question, sachant que sa jurisprudence, qui date de 2011, est ancienne et très antérieure aux études scientifiques qui ont été menées à ce sujet, en particulier aux travaux de l’IPP et de Gabriel Zucman. Ces derniers démontrent objectivement que les plus riches instrumentalisent le bouclier fiscal pour échapper à l’impôt.
À ce sujet, une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) avait été posée en 2011 et le Conseil constitutionnel avait jugé de façon assez claire que le législateur pouvait intervenir pour éviter que les contribuables « n’aménagent leur situation en privilégiant la détention de biens qui ne procurent aucun revenu imposable ». Notre proposition vise précisément à éviter la minimisation des revenus grâce aux holdings.
À madame la ministre, qui indique que le taux moyen d’imposition sur le revenu qui touchera les contribuables assujettis à la taxe que nous proposons s’élèvera à 28 % – Oh là là, mon Dieu ! –, je répondrai d’abord que 28 % n’est pas égal à 41 %. (Mme Cyrielle Chatelain et M. Emmanuel Duplessy applaudissent.)
Ensuite, je rappelle qu’il s’agit d’un taux moyen tout impôt confondu, qui ne paraît nullement exorbitant quand on sait que la tranche marginale d’imposition des revenus du travail compris entre 82 342 et 177 106 euros se voit appliquer un taux de 41 %. Ce taux ne vous choque pas, mais il serait extravagant de taxer les revenus du capital à 28 % ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et plusieurs bancs du groupe SOC.)
M. Fabien Di Filippo
C’est marginal !
Mme Eva Sas, rapporteure
Enfin, concernant le calcul du rendement de l’impôt proposé, je conseille à M. Lefèvre de lire notre rapport : cela peut être utile quand on étudie une proposition de loi. Vous trouverez page 37 le calcul qui nous conduit à une estimation comprise entre 15 et 25 milliards d’euros. Le patrimoine imposable s’élève à environ 1 200 milliards d’euros ; tout impôt confondu, il est actuellement taxé à un taux de 0,3 %. L’impôt plancher que nous proposons est donc un impôt différentiel, de l’ordre de 1,7 %.
Nous avons cependant minoré cette estimation de 1 200 milliards car il n’existe en France aucune base permettant l’établissement de statistiques fiables. Il s’agit d’un problème démocratique et de transparence : parce qu’ils ne sont pas taxés, la DGFIP ne recense pas les patrimoines des plus riches. Nous avons donc appliqué à cette estimation un coefficient de prudence, d’où cette estimation comprise entre 15 et 25 milliards d’euros.
Je suis évidemment défavorable à ces amendements de suppression. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
M. Fabien Di Filippo
On va jeter une pièce en l’air et voir de quel côté elle tombe !
Mme Danielle Simonnet
C’est très clair, madame la rapporteure !
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
En ce qui concerne votre proposition d’exit tax, vous nous dites qu’elle permettrait de faire payer pendant cinq ans un impôt aux gens qui auraient quitté le pays mais, comme je l’ai dit à la tribune, cela signifierait qu’après ce délai, il n’y aurait plus ni l’entreprise ni le rendement. Ce serait lose-lose :…
M. Alexis Corbière
En français !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
…ni la création de richesses et d’emplois en France, ni le rendement pour l’État. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Et puis vous faites des comparaisons avec l’ISF, mais vous proposez cinq fois le rendement de l’ISF sur cent fois moins de contribuables !
M. Nicolas Sansu
Ça ne nous a pas échappé !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Il s’agirait d’une imposition non optimale puisqu’elle serait très importante et concernerait peu de monde – et que ce peu de monde passerait beaucoup plus facilement les frontières que les 385 000 contribuables au titre de l’ISF à l’époque. Je pense donc qu’il faut utiliser avec beaucoup de parcimonie les comparaisons de mobilité de la base fiscale.
Enfin, comme vous le savez, la holding patrimoniale est un dispositif que nous suivons avec attention parce qu’il y a en effet des contournements.
M. Nicolas Sansu
À hauteur de dizaines de milliards, tout de même !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Nous allons consulter, y travailler et revenir dans deux mois afin de présenter à votre assemblée un mécanisme que nous souhaitons efficace, ciblé et durable. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.) Je suis défavorable à cette proposition de loi de la première à la dernière ligne et donc favorable à ces amendements de suppression. S’ils n’étaient pas adoptés, je m’en remettrais à la sagesse de l’Assemblée sur tous les amendements susceptibles d’améliorer le texte.
Mme la présidente
La parole est à Mme Clémentine Autain.
Un député du groupe EcoS
Un peu de bon sens !
Mme Christine Arrighi
Et d’intelligence !
Mme Clémentine Autain
« Allumer le bûcher », « impôts excessifs », « l’économie va s’écrouler », « vous avez des pulsions pour taxer les milliardaires »… Mais auriez-vous, chers collègues, complètement perdu pied avec le réel ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur de nombreux bancs du groupe SOC. – M. Marcellin Nadeau applaudit également.) Nous débattons aujourd’hui de la proposition d’imposer à 2 % le patrimoine de personnes qui détiennent plus de 100 millions d’euros. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur de nombreux bancs du groupe SOC.)
Vous êtes en réalité complices de l’accaparement de richesses considérables aux mains d’une poignée d’ultrariches, qui se payent le luxe ultime d’échapper à l’effort commun en ne contribuant pas à l’impôt. Au nom d’un propos généraliste sur l’air du « trop d’impôts », vous défendez les intérêts d’une infime minorité de nos concitoyens, ceux dont la richesse est si vertigineuse qu’on se demande même à quels besoins elle peut correspondre. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur de nombreux bancs du groupe SOC. – M. Marcellin Nadeau et Mme Karine Lebon applaudissent également.) J’ai même entendu dire : « L’ISF a tué l’industrie française. » Collègues macronistes, il est vrai que depuis que vous l’avez supprimé, la situation est merveilleuse : 300 plans de licenciement sont en cours et 300 000 emplois sont en jeu. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe EcoS et sur plusieurs bancs des groupes SOC et GDR.)
J’entends dire également que Gabriel Zucman aurait préconisé d’établir au préalable une taxe à l’international, mais vous avez bien mis en place une taxe française sur les Gafam : donnons d’abord l’exemple et, ensuite, nous entraînerons d’autres pays. C’est dans ce sens que cela doit être envisagé et que Gabriel Zucman nous invite à le faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS, sur de nombreux bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe GDR.)
Quant à l’exil fiscal, madame la ministre, vous savez bien qu’il ne représentait que 0,2 % des assujettis à l’ISF.
M. Mathieu Lefèvre
C’était déjà trop !
Mme Clémentine Autain
C’est tout petit. Arrêtez avec cet argument ! Et ayez conscience que 80 % des Français souhaitent le retour de l’ISF, que l’écrasante majorité de nos concitoyens veulent de la justice fiscale. (Mêmes mouvements.) L’Assemblée va-t-elle refléter la volonté des Français ou est-ce qu’on va continuer à être au service d’une infime minorité de lobbyistes, de gens hyper-riches qui font la pluie et le beau temps dans notre pays, au mépris de la démocratie et au mépris de celles et ceux qui ont le moins ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS, sur de nombreux bancs des groupes SOC et GDR et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
Merci, chère collègue.
Mme Clémentine Autain
Voilà bien notre différence et notre désaccord, chers collègues : pour nous, si on ne partage pas les richesses, les pauvres vont continuer à être pauvres. Oui, il faut investir dans le bien commun et, pour y parvenir, il faut de la justice fiscale. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, SOC et GDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Matthias Renault.
M. Matthias Renault
Je voudrais tout d’abord rappeler à nos collègues Sitzenstuhl et Lefèvre qu’il y a une réalité arithmétique dans cette assemblée, à savoir trois blocs : un bloc de gauche, un bloc central et un bloc national. (« Un bloc d’extrême droite ! » sur divers bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.)
Mme Marie Mesmeur
Le groupe RN n’est pas de droite, il est d’extrême droite !
M. Matthias Renault
Vous êtes théoriquement en position de force par rapport au bloc de gauche et si vous voulez que cette proposition de loi soit rejetée, il suffit que vos collègues viennent et votent. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Vous ne pouvez pas sans arrêt supplier le Rassemblement national de vous venir en aide parce que vous n’êtes pas là. (Mmes Clémentine Autain et Sandrine Rousseau applaudissent.)
Mme Mathilde Panot
Arrêtez votre comédie ! C’est à cause de vous que Ferrand va présider le Conseil constitutionnel !
M. Hadrien Clouet
Vous avez sauvé Ferrand par votre abstention !
M. Matthias Renault
Deuxièmement (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP),…
Mme la présidente
On laisse parler l’orateur.
M. Matthias Renault
…j’indique que nous voterons contre ces amendements de suppression, pour une raison simple : nous voulons débattre. (Mêmes mouvements.) Les députés de votre bloc ont déposé des amendements assez intéressants visant, par exemple, à sortir les biens professionnels du patrimoine taxable ou à transformer la valeur nette du patrimoine en croissance du patrimoine. Voilà des pistes intéressantes que l’on peut explorer dans le cadre d’un dialogue constructif. Nous voulons, pour notre part, que s’engage l’examen de l’article unique. Et si vous voulez rejeter ce texte, rappelez vos troupes et alors vous l’emporterez. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe RN.)
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Daniel Labaronne, pour un rappel au règlement.
M. Nicolas Sansu
C’est de l’obstruction !
M. Daniel Labaronne
Mon intervention se fonde sur l’article 100 relatif à la bonne tenue des débats. J’ai levé la main pour venir en défense de ces amendements de suppression…
Mme Danielle Simonnet
Ce n’est pas un rappel au règlement !
M. Daniel Labaronne
…car je constate, madame la présidente, que vous avez donné la parole à deux orateurs qui n’avaient pas la même position que moi. Je souhaite donc qu’il y ait une répartition équitable entre les orateurs pour et les orateurs contre. (Mme Stéphanie Rist et M. David Amiel applaudissent.)
M. David Amiel
Élémentaire !
M. Hadrien Clouet
Respectez la présidence, monsieur Labaronne !
M. Matthias Tavel
Et relisez le règlement !
Mme la présidente
J’ai en effet donné la parole à Mme Autain, qui est pour ces amendements, puis à M. Renault, qui n’est pas forcément contre. Mais comme votre groupe a été interpellé, je vous laisse poursuivre.
M. Pierre Cazeneuve
Merci, madame la présidente ! (Brouhaha.)
M. Daniel Labaronne
Laissez l’orateur s’exprimer sur les amendements en discussion !
Article unique (suite)
M. Daniel Labaronne
Nous avons bien entendu ce que vous avez dit, cher collègue Renault.
Mme Danièle Obono
Mais réglez donc ça entre vous !
M. Daniel Labaronne
Cette journée est consacrée aux textes proposés par les écologistes et vous êtes les premiers à critiquer l’écologie punitive… Mais nous sommes en présence ici d’une fiscalité punitive. (Protestations sur les bancs du groupe EcoS.) Vous pouvez faire tout le bruit que vous voulez, vous n’empêcherez pas les députés qui ne sont pas d’accord avec vous de s’exprimer. C’est notre droit le plus légitime ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
Une députée du groupe EcoS
Même quand vous dites n’importe quoi !
M. Daniel Labaronne
Vous avez parlé de justice fiscale, mais j’aimerais savoir ce que vous entendez par là. Il me semble que le taux progressif sur les revenus du capital est déjà très élevé, conduisant à des taux effectifs très importants. Et notre fiscalité sur les revenus du capital se caractérise par une double imposition : d’abord une imposition sur les bénéfices des sociétés, puis une imposition sur les dividendes par le biais du PFU. Mais vous nous dites : « Les impôts sur le capital sont très inférieurs aux impôts sur le travail. » (Brouhaha continu.) Sauf que vous les mettez ainsi sur le même plan alors qu’ils sont de nature différente : les impôts sur le revenu du travail, c’est du one shot, alors que les impôts sur les revenus du capital, c’est à deux coups, comme je viens de le rappeler. Vous comparez les deux fiscalités de manière totalement erronée, je me permets de vous le rappeler.
Mme la présidente
Il faut conclure, monsieur Labaronne.
M. Daniel Labaronne
Pour terminer,…
Un député du groupe RN
C’est bon, il faut débrancher la prise !
M. Sylvain Maillard
Il est à la fois bon et précis !
M. Daniel Labaronne
…je souligne que si on est contre l’augmentation des dividendes et aussi contre les taxes le matin, on ne peut pas être pour l’après-midi !
Mme la présidente
Vous dépassez largement votre temps de parole.
M. Daniel Labaronne
J’en appelle, chers collègues, à la cohérence de votre discours. Je le respecte, mais je crois qu’il y a tout de même une incompatibilité de… (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’orateur. – M. Sylvain Maillard et M. David Amiel applaudissent ce dernier.)
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre Cazeneuve, pour un rappel au règlement.
M. Hadrien Clouet
Pour une intervention capitale ! (M. Clouet imite la voix de Georges Marchais.)
M. Pierre Cazeneuve
Pour un tout petit rappel au règlement, sur le fondement de l’article 70, alinéa 3. Monsieur Tanguy, vous vous êtes étonné qu’on traite votre groupe à la fois de communiste et de facho (Protestations sur les bancs du groupe RN), mais c’est parce que vous avez le même programme que les communistes – la retraite à 62 ans…
Mme la présidente
Monsieur Cazeneuve, vous exagérez ! Restez-en au fond !
M. Pierre Cazeneuve
Vous êtes communistes et fachos ! Voilà le problème ! (Mêmes mouvements.)
Mme la présidente
Ce n’est pas du tout un rappel au règlement.
Article unique (suite)
Mme la présidente
Nous allons passer au vote sur les amendements de suppression.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 34, 47 et 48.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 241
Nombre de suffrages exprimés 240
Majorité absolue 121
Pour l’adoption 53
Contre 187
(Les amendements identiques nos 34, 47 et 48 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l’amendement no 1.
M. Fabien Di Filippo
Il vise à supprimer les alinéas les plus problématiques – à savoir les alinéas 1 à 40 – de ce texte de loi auquel nous sommes opposés puisque nous sommes contre l’institution d’une charge fiscale supplémentaire qui pénaliserait avant tout, gardons-le à l’esprit, la création d’emplois et de richesses en France. Cette mesure idéologique n’apporterait aucune réponse viable et structurelle aux difficultés de notre pays. L’urgence n’est pas d’augmenter toujours plus les impôts,…
M. Aurélien Le Coq
C’est de faire payer les plus riches !
M. Fabien Di Filippo
…vu notre taux de prélèvements, qui place déjà notre pays sur le podium, au sein de l’Union européenne et même dans le monde – voire, certaines années, sur la plus haute marche. Il faut mettre fin avant tout au dérapage de nos finances publiques. Même si je sais que ce n’est pas une musique très douce aux oreilles de nos collègues, il y va de l’intérêt de la plus grande partie des Français, notamment des plus modestes.
Je donnerai un exemple qui va encore plus loin que ce qu’a dit M. Mattei tout à l’heure : prenons le cas d’une personne qui crée une start-up dans laquelle elle garde une participation ; sa société décolle, elle est valorisée de manière importante et atteint le seuil des 100 millions d’euros…
M. Pierre Pribetich
Mais qui a 100 millions ?
M. Fabien Di Filippo
…mais, ne nous trompons pas, c’est son patrimoine professionnel, elle n’en a donc pas la jouissance immédiate – à moins d’être condamnée par la loi pour abus de biens sociaux. Il ne faut pas tout confondre. Et même si elle ne verse pas de dividendes, elle devra donner 2 % de son capital tous les ans. Qu’est-ce qu’elle va faire ? Je poursuivrai ma démonstration plus tard pour ne pas abuser du temps de parole.
Ce texte, si on ne sort pas les biens professionnels de l’assiette prévue, est encore pire que ce qu’on aurait pu penser.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Eva Sas, rapporteure
Mon avis est évidemment défavorable. Je vais donner un avis global sur l’ensemble de l’œuvre de M. Di Filippo, si j’ose dire, à savoir ses vingt-six amendements.
M. Fabien Di Filippo
Rappel au règlement !
Mme Eva Sas, rapporteure
Vous proposez ainsi de supprimer un à un – ou deux par deux selon les cas – tous les alinéas de la proposition de loi, uniquement pour ralentir les débats. Dans votre frénésie, vous avez même déposé des amendements dont l’adoption rendrait le texte plus strict : je pense au no 3, qui supprime le régime des impatriés, pourtant un dispositif d’assouplissement,…
M. Bastien Lachaud
Nous voterons cette disposition !
Mme Eva Sas, rapporteure
…aux nos 6 et 7, qui rendent l’imposition plus forte pour les couples mariés ou pacsés, et au no 24, qui supprime un dispositif permettant d’échelonner le paiement pour ceux qui manquent de liquidités – ce qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler l’exemple que vous venez de citer.
Vous êtes ainsi pris d’une sorte de frénésie d’amendements qui n’ont d’autre but que de faire de l’obstruction…
M. Fabien Di Filippo
C’est insupportable d’entendre ça !
Mme Eva Sas, rapporteure
…et qui arrivent même à se contredire les uns les autres. Mon avis sera donc défavorable à tous vos amendements, qui ne visent qu’à faire de l’obstruction. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR.)
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour un rappel au règlement.
M. Fabien Di Filippo
Madame la présidente, vous avez été témoin de l’accusation profondément injuste (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR) dont j’ai été nommément la cible. Mon cœur saigne (Les exclamations redoublent) parce que, depuis ce matin, j’ai systématiquement essayé d’orienter les débats vers le fond des choses, contrairement à beaucoup d’entre vous (L’orateur se tourne vers les bancs d’où proviennent les exclamations) qui avez une vision très idéologique. Je n’accepte donc pas qu’on m’accuse de faire de l’obstruction. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.) Je n’ai même pas déposé un amendement par milliard d’euros que vous comptez prélever. (Rires sur les bancs du groupe EcoS.) On peut bien prendre deux minutes pour discuter de chaque milliard que vous voulez retirer de la poche des Français ! (Vives exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.) Ce n’est pas trop !
Enfin – et, ensuite, j’en aurai fini, madame la présidente –, il y a deux semaines, lors de la niche du groupe DR, vous avez déposé 200 amendements. Ça, c’était de l’obstruction pour essayer de nous empêcher de voter. Vos bonnes leçons, vous pouvez donc vous les garder ! (Applaudissements ironiques sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Article unique (suite)
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement sur l’amendement no 1 ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.
Mme la présidente
La parole est à Mme Gabrielle Cathala.
Mme Gabrielle Cathala
Visiblement, nous sommes partis pour une après-midi de malhonnêteté intellectuelle et de propos caricaturaux. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Emeric Salmon
L’hommage du vice à la vertu !
M. Fabien Di Filippo
Ne soyez pas si dure avec vos collègues !
Mme Gabrielle Cathala
Aussi caricaturaux que ceux de M. Woerth qui, à l’automne dernier, lors du débat budgétaire, nous avait accusés de vouloir appauvrir les milliardaires.
Je répondrai d’abord à M. Sitzenstuhl. Je comprends que vous soyez mal à l’aise puisqu’avant d’être député, vous conseilliez M. Le Maire. Peut-être lui avez-vous donc donné de mauvais conseils qui ont contribué à accroître de 1 000 milliards d’euros la dette de la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS, ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.) Vous avez affirmé que notre pays ne souffrait pas d’un problème de recettes. Pourtant, la Cour des comptes, une institution libérale, dit le contraire (Protestations sur les bancs du groupe EPR), puisque l’État perd 70 milliards d’euros par an à cause des suppressions de l’impôt de solidarité sur la fortune et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), à cause de la baisse de l’impôt sur les sociétés et de tous les cadeaux fiscaux faits par M. Macron aux plus riches. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Charles Sitzenstuhl fait mine d’applaudir.)
Ensuite, comme il est désormais habituel, on nous oppose que la mesure instituée par la proposition de loi serait inconstitutionnelle. Je remarque que le risque d’inconstitutionnalité ne vous gênait pas lorsqu’il s’agissait de voter avec l’extrême droite la loi « immigration », dont trente articles ont été censurés par le Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS, ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.) Ni ce matin quand, avec le soutien du gouvernement, la droite extrême (Protestations sur les bancs du groupe UDR) a voté au Sénat l’interdiction de se marier avec un étranger en situation irrégulière (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS), ce qui est contraire à une décision du Conseil constitutionnel de 2003 qui fait de la liberté du mariage une composante de la liberté personnelle garantie par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Enfin, à propos du caractère confiscatoire qu’aurait la proposition de loi, vous avez ressorti les arguments utilisés lorsqu’un individu, depuis revenu sur les bancs de l’hémicycle, un bolchevik qui a été président de la République, M. Hollande, proposait de taxer les riches à 75 %. Or, à l’époque, le Conseil constitutionnel n’a pas censuré la mesure parce qu’elle aurait été confiscatoire…
M. Charles Sitzenstuhl
Si !
Mme Gabrielle Cathala
…mais parce qu’elle visait les personnes et non les foyers fiscaux.
Mme la présidente
Il faut conclure, chère collègue.
Mme Gabrielle Cathala
La loi de M. Hollande était mal écrite, ce qui, malheureusement pour vous, n’est pas le cas de la proposition de Mme Sas.
Enfin, je m’adresse aux collègues du groupe RN,… (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’oratrice. – Les députés du groupe LFI-NFP applaudissent cette dernière.)
Mme la présidente
La parole est à M. Paul Midy.
M. Paul Midy
Je vais faire un peu voyager l’Assemblée, jusqu’en Norvège, et lui raconter une petite histoire. En 2023, il y a à peine plus que quelques mois, la Norvège s’est dit que ce serait une bonne idée d’augmenter les impôts des riches, qu’ainsi les recettes publiques allaient augmenter de 150 millions d’euros. Apparemment, beaucoup de gens dans cet hémicycle partagent ce type d’idées. Mais savez-vous ce qu’il s’est finalement passé ? Beaucoup de riches Norvégiens ont quitté le pays et, avec eux, 50 milliards d’euros de patrimoine. Dès l’année suivante, les recettes ont baissé de 450 millions d’euros. Le pays s’est donc retrouvé avec un trou de 600 millions dans son budget. (Mme Mathilde Feld et M. Hadrien Clouet s’exclament.)
Bien sûr qu’on a besoin de ressources publiques, mais il faut les faire rentrer intelligemment. Ce que vous proposez est idiot…
M. Hadrien Clouet
C’est toi, l’idiot !
M. Paul Midy
…et risque de faire baisser les recettes de l’État. Ne faisons pas de choses idiotes !
Je réponds par ailleurs à notre collègue qui, tout à l’heure, m’a interpellé avec virulence. Je vous donne l’exemple d’une entrepreneuse qui a créé une start-up – je suis désolé d’utiliser un mot qui vous fait un peu peur. Dans cette société, on vient de découvrir que, grâce à l’intelligence artificielle, le cancer du sein va pouvoir être détecté cinq ans plus tôt qu’avec les techniques actuelles. Quand une telle chose se produit, la valorisation de l’entreprise fait un bond très important. Reste que sa fondatrice n’a pas plus d’argent dans sa poche. Avec votre impôt idiot, elle devrait emprunter des millions d’euros pour garder le contrôle de son entreprise qui contribue à la santé du futur. En résumé : la taxation et les ressources publiques, oui ! mais les idioties, non merci ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – Mme Karine Lebon et M. Inaki Echaniz s’exclament.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 225
Nombre de suffrages exprimés 224
Majorité absolue 113
Pour l’adoption 46
Contre 178
(L’amendement no 1 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l’amendement no 2.
M. Fabien Di Filippo
Il vise à supprimer plusieurs alinéas problématiques de la proposition de loi. Vous l’avez compris, nous ne souhaitons pas que l’économie française supporte d’imposition supplémentaire. Avec cet amendement, je cible les alinéas qui prévoient que les résidents français concernés par l’impôt créé soient taxés sur leurs biens situés en France comme sur ceux basés à l’étranger.
J’en reviens à mon exemple d’un entrepreneur dont la société vaudrait 100 millions d’euros sans qu’elle verse de dividendes, puisqu’elle est en plein développement. Comment va-t-il trouver les 2 millions d’euros que vous voulez lui demander chaque année ? Vous allez le forcer à vendre une partie de ses biens personnels et, si cela ne suffit pas, une partie de son entreprise. C’est complètement ubuesque ! À qui va-t-il vendre ? À des investisseurs étrangers. Vous nous avez accusés de vouloir conforter un système d’accaparement des richesses – j’y reviendrai parce qu’en France, l’impôt est de plus en plus concentré. Si votre proposition était appliquée, on assisterait à un accaparement du capital français par des intérêts économiques étrangers. Êtes-vous bien conscients de ce que vous voulez instaurer ? L’exemple cité par le précédent orateur est tout à fait éclairant. Non seulement votre mesure mettrait un coup d’arrêt à la recherche dans de nombreux domaines mais, surtout, elle ouvrirait en grand les portes de la France à des intérêts étrangers qui, grâce à leurs montages fiscaux, ne paieraient pas votre impôt.
Êtes-vous consciente de cela, madame la rapporteure ? Pouvez-vous m’apporter une réponse sur ce point ? Parce qu’en incluant le patrimoine professionnel dans l’assiette de l’impôt, vous allez provoquer son démantèlement. Cela relève d’une profonde et douloureuse irresponsabilité. (M. Paul Midy applaudit.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Eva Sas, rapporteure
Défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.
Mme la présidente
Sur les amendements identiques nos 5 et 37, je suis saisie par le groupe Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Sylvain Berrios.
M. Sylvain Berrios
Comme le groupe Horizons & indépendants demandait la parole depuis un petit moment, je vais devoir revenir sur deux ou trois points précédemment évoqués.
M. Antoine Léaument
Il faut déposer des amendements et travailler !
M. Sylvain Berrios
Tout d’abord, nous ne reprochons pas son abstention au Rassemblement national. Nous sommes simplement surpris de son manque de courage et d’idées. L’abstention est un refuge facile quand on n’a pas de courage.
M. Emeric Salmon
Et l’absentéisme, c’est quoi ?
M. Sylvain Berrios
La seconde chose concerne nos collègues de l’ultragauche. Il est assez piquant de se voir accusé d’obstruction par ceux qui ont été capables, il y a quelques jours, de déposer dix-sept amendements sur le seul titre d’un texte ! (M. Charles Sitzenstuhl applaudit.)
J’en viens à l’amendement en débat. La taxe proposée est punitive. Vous avez le droit, si c’est dans vos convictions, de vouloir punir les riches.
Un député du groupe LFI-NFP
Mort aux riches !
M. Antoine Léaument
Ce sont des voleurs ! Il faut les punir !
M. Sylvain Berrios
Vous confirmez ce que je viens de dire… Le problème de cet impôt, outre qu’il est punitif et confiscatoire, est qu’il dilapide le fruit du travail. Vous sciez la branche sur laquelle les salariés sont assis !
M. Hadrien Clouet
Les riches sont assis sur des milliards !
M. Sylvain Berrios
En effet, quand leurs propriétaires ne pourront plus payer l’impôt, les entreprises seront livrées à des fonds d’investissement, au mieux français et au pire étrangers, comme l’a souligné M. Di Filippo. Ce jour-là, il sera trop tard et il ne vous restera qu’à pleurer avec les salariés qui tomberont dans les mains des fonds d’investissement américains. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs du groupe Dem.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Ersilia Soudais.
Mme Ersilia Soudais
Au cours de ce débat plutôt ubuesque, j’ai entendu nombre de phrases qui m’ont choquée, comme lorsque quelqu’un a dit vouloir plus de milliardaires, plus de Bernard Arnault. En effet, vouloir plus de milliardaires dans notre pays, vouloir plus de Bernard Arnault, c’est y vouloir plus de pauvres. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Pour qu’il y ait des riches, il faut qu’il y ait des pauvres. Pour qu’on ait plus de Bernard Arnault, il faut des millions d’Alison obligées de vivre dans des logements sociaux insalubres. Pour avoir plus de Bernard Arnault, il faut des millions d’Aurélie qui peinent à finir le mois avec leur maigre revenu d’accompagnante d’élèves en situation de handicap (AESH). (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Pour avoir davantage de Bernard Arnault, il faut des millions de Laëtitia qui se brisent le dos pour un salaire de misère dans un supermarché. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Vous prétendez que c’est en France qu’on est le plus taxé,…
M. Laurent Jacobelli
C’est vrai, oui !
Mme Ersilia Soudais
…que c’est un pays terrible pour les riches, alors que toutes les études montrent au contraire que le fossé entre les riches et les pauvres ne cesse de se creuser. En effet, en 2021, le patrimoine des 10 % les plus riches était 163 fois supérieur à celui des 10 % les plus pauvres, contre 158 fois en 2018. On voit donc que les riches se portent bien, et même un peu trop bien. Nous sommes donc loin d’être menacés par les tanks bolcheviques.
Pour ma part, je n’ai pas envie d’avoir davantage de Bernard Arnault,…
M. Kévin Pfeffer
Vous n’avez rien compris !
M. Laurent Jacobelli
Laissez-le tranquille ! Il crée des emplois quand, vous, vous créez des problèmes.
Mme Ersilia Soudais
…qui, non seulement, créent des pauvres mais, en plus, n’aiment pas la France. Je rappelle que Bernard Arnault a conditionné son attachement à la France au fait de ne pas être poussé à délocaliser par des augmentations d’impôts. Vous aimez bien accuser les personnes racisées (Protestations sur les bancs des groupes RN et UDR) de ne pas être suffisamment attachées à la France ;…
Mme Hanane Mansouri
Comment tout mélanger !
Mme Ersilia Soudais
…ce serait bien de le reprocher aussi à Bernard Arnault. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Rappels au règlement
Mme la présidente
La parole est à Mme Claire Marais-Beuil, pour un rappel au règlement.
Mme Claire Marais-Beuil
Je souhaite répondre au bloc central.
Mme la présidente
Pouvez-vous me préciser sur quel article se fonde votre rappel au règlement, dont j’espère qu’il en est vraiment un ?
Mme Claire Marais-Beuil
Excusez-moi, madame la présidente : sur l’article 70, alinéa 3. Chers collègues, je pense que vous faites preuve d’amnésie. Il me semble que vous avez soutenu le gouvernement Barnier, dont le budget, que vous avez voté en commission… (Mme la présidente coupe le micro de l’oratrice.)
Mme la présidente
Ce n’est pas un rappel au règlement. Vous êtes inscrite sur l’amendement suivant. Vous pourrez alors répondre sur le fond.
La parole est à M. Daniel Labaronne.
M. Daniel Labaronne
J’interviens sur le fondement de l’article 100 pour la bonne qualité de nos débats. Quand on entend un de nos collègues dire : « Vous avez le droit de ne pas aimer les riches », quand on en entend un autre crier : « Mort aux riches ! » et un autre encore qu’ils sont des voleurs qu’il faut punir (Vives exclamations sur divers bancs),…
Mme la présidente
Ce n’est pas non plus un rappel au règlement !
M. Daniel Labaronne
…il s’agit d’une incitation à la haine et à la violence !
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre Cazeneuve, en espérant qu’il s’agisse cette fois d’un véritable rappel au règlement.
M. Pierre Cazeneuve
C’est un rappel au règlement sur le fondement de l’alinéa 3 de l’article 70, madame la présidente.
M. Damien Girard
Il n’y a rien de personnel !
M. Pierre Cazeneuve
Cet alinéa vise les attaques personnelles. Or, quand on affirme que le Rassemblement national est un groupe qui n’est pas courageux, et pas capable de se positionner sur ce texte, quand on soutient qu’il s’agit de fachos avec un programme économique de communistes, il ne s’agit pas d’une attaque personnelle, mais de la vérité ! (Protestations sur les bancs du groupe RN. – Applaudissements sur plusieurs bancs.)
Mme la présidente
Je vous rappelle qu’il s’agit d’une niche parlementaire. Si vous voulez prendre la parole, inscrivez-vous. Il ne s’agit pas de rappels au règlement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Article unique (suite)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 2.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 216
Nombre de suffrages exprimés 215
Majorité absolue 108
Pour l’adoption 46
Contre 169
(L’amendement no 2 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l’amendement no 3.
M. Fabien Di Filippo
Je mesure pleinement l’immense responsabilité qui pèse sur mes épaules. Au milieu des anathèmes, j’essaie de continuer à discuter du fond. Madame la rapporteure, s’il vous plaît, de votre côté, essayez au moins de répondre à certaines de mes questions.
Mme Eva Sas, rapporteure
C’est ce que vous souhaitez, mais non !
M. Fabien Di Filippo
Il s’agit ici de supprimer les alinéas 6 et 7, à la fois mal écrits et dangereux. (Mme Mathilde Panot s’exclame.)
J’ai écouté madame Soudais : ses propos viennent anéantir le peu de crédibilité économique que conservait le NFP ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.) Selon elle, nous devrions avoir honte de considérer qu’il faudrait plus de Bernard Arnault, « honte » car ses salariés se casseraient le dos. (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Mais, chers collègues, connaissez-vous le salaire moyen au sein du groupe LVMH ?
M. Antoine Léaument
Il faut parler du salaire médian, plutôt !
M. Fabien Di Filippo
Il s’élève à plus de 5 700 euros par mois. (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Plusieurs députés du groupe LFI-NFP
Et le salaire médian ?
Mme la présidente
S’il vous plaît, seul l’orateur a la parole. Nous perdons du temps.
M. Fabien Di Filippo
Votre parallèle avec les accompagnants d’élèves en situation de handicap ou les aides-soignantes est donc complètement hors de propos. C’est grâce à ces entrepreneurs, qui mènent à bien des projets et créent de la valeur ajoutée, que les salariés peuvent être bien payés.
M. Sylvain Maillard
Eh oui !
M. Christophe Blanchet
Il a raison !
M. Fabien Di Filippo
Cela génère ensuite de bonnes rentrées fiscales, qui nous permettront de mieux payer les fonctionnaires et de réduire la dette. C’est ce qu’on appelle un cercle vertueux. Ce n’est pas en traitant les gens de voleurs comme vous l’avez fait et en jetant l’anathème sur ceux qui créent de la richesse productive dans notre pays que nous nous en sortirons ! (M. Laurent Jacobelli applaudit.)
Rappels au règlement
Mme la présidente
La parole est à Mme Béatrice Roullaud, pour un rappel au règlement.
Mme Béatrice Roullaud
Sur le fondement de l’alinéa 3 de l’article 70 qui dispose que le député qui se livre à une mise en cause personnelle, qui interpelle un autre député ou qui adresse à un ou plusieurs de ses collègues des injures, provocations et menaces, peut faire l’objet de mesures disciplinaires.
M. Sylvain Maillard
Ce n’est pas un rappel au règlement pour mise en cause personnelle !
Mme Béatrice Roullaud
M. Cazeneuve… (Exclamations sur plusieurs bancs.) Notre collègue Cazeneuve, je reprends ses termes, vient à l’instant de nous traiter… (Protestations sur plusieurs bancs.)
Mme Marie Mesmeur
Vaut-il mieux être facho ou communiste ? (Sourires.)
Mme Béatrice Roullaud
Je parle, j’aimerais qu’on m’écoute ! (Sourires sur plusieurs bancs du groupe EPR.) Je ne prends pas souvent la parole et j’aimerais qu’on me laisse m’exprimer. (« Oh… » sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
Mme la présidente
S’il vous plaît, seule l’oratrice a la parole.
Mme Béatrice Roullaud
Je reprends vos mots : vous venez à l’instant de traiter notre groupe de fachos.
Mme Marie Mesmeur
C’est ce que vous êtes !
Mme Mathilde Panot
Ce n’est plus un rappel au règlement !
Mme Béatrice Roullaud
Laissez-moi m’exprimer ! (Exclamations sur divers bancs.) Laissez-moi m’exprimer ! (Brouhaha.)
M. Damien Girard
Des fois, ils ont des fulgurances !
Mme Béatrice Roullaud
Cher collègue, c’est à vous que je m’adresse ! Selon vous, ce n’est pas une injure.
Mme Dominique Voynet
Ce n’est pas une injure, c’est une statistique.
Mme Béatrice Roullaud
Si, c’est une injure ! Selon vous, ce serait la vérité, mais cela ne lave pas l’injure, et une injure est un délit ! Quand vous traitez un homosexuel de pédé, il a beau être homosexuel, c’est une injure… (Exclamations sur de nombreux bancs.)
Mme Dominique Voynet
Qui a dit ça ?
Mme Béatrice Roullaud
… et cela mérite des poursuites.
Mme la présidente
Merci, madame la députée, je pense que nous avons compris le sens de votre intervention.
Mme Béatrice Roullaud
Attendez ! Attendez ! (Brouhaha. – La présidente coupe le micro de l’oratrice.)
Mme la présidente
L’injure n’est pas caractérisée.
M. Sylvain Maillard
Mais c’est un truc de malade !
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre Cazeneuve.
M. Pierre Cazeneuve
À nouveau sur le fondement de l’alinéa 3 de l’article 70. Se rend-on compte de ce que vient de dire la collègue du groupe Rassemblement national ? Elle compare des insultes homophobes, qui sont pénalement réprimées… (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, EcoS et Dem. – Protestations sur les bancs du groupe RN.)
Ce que vous venez de faire, ça s’appelle de l’homophobie et ça relève du pénal ! (Mêmes mouvements.) Comment pouvez-vous faire la comparaison avec des insultes qui n’en sont pas ? « Fasciste », c’est un positionnement politique, et vous l’incarnez parfaitement ! (Vives protestations sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
Merci de bien vouloir conclure.
M. Pierre Cazeneuve
Pour être plus précis d’ailleurs, je ne vous ai pas qualifiés de fachos, mais de fachos et de communistes ! (M. Sylvain Maillard applaudit. – Bruit.)
Mme la présidente
Sans doute pouvons-nous clore ce débat. Nous avons bien compris les positions des uns et des autres. Madame la rapporteure, vous souhaitez une suspension ?
Mme Eva Sas, rapporteure
Oui.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt, est reprise à dix-sept heures vingt-cinq.)
Mme la présidente
La séance est reprise. J’invite chacun à la retenue afin que nous puissions continuer sereinement l’examen de ce texte.
M. Hadrien Clouet
Très bien ! Quelle sagesse !
Mme Mathilde Panot
Bravo, madame la présidente ! Vous êtes talentueuse !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 3 ?
Mme Eva Sas, rapporteure
Défavorable. Vous voulez supprimer le dispositif destiné à encourager l’installation en France et le retour d’expatriation par l’aménagement d’un régime fiscal plus favorable aux impatriés. Vos amendements de suppression d’alinéas, quasi pavloviens, si vous me permettez l’expression, aboutissent en l’espèce à un résultat contraire à vos convictions.
M. Emeric Salmon
Elle vous brise les reins !
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.
Mme la présidente
La parole est à M. Sylvain Maillard.
M. Sylvain Maillard
Le débat est intéressant puisque deux visions totalement différentes du monde économique s’affrontent.
Mme Mathilde Panot
Eh oui, vous et nous !
M. Sylvain Maillard
Pour vous, la richesse, c’est un camembert qu’on se partage.
M. René Pilato
Mais arrêtez !
M. Sylvain Maillard
En conséquence, les riches ont forcément volé les autres – je reprends les propos de M. Léaument. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Quelle est notre vision ?
M. René Pilato
Regardez votre bilan !
M. Sylvain Maillard
Si 500 millions de personnes sont sorties de la pauvreté en Asie ou en Afrique au cours des vingt dernières années, c’est bien parce qu’on crée de plus en plus de richesses ! Nous pensons donc qu’il faut créer de la richesse en France, pour créer des emplois.
M. René Pilato
Mais vous êtes dans un rêve depuis 2017 !
M. Sylvain Maillard
Depuis huit ans, nous baissons les impôts car, être champion du monde des impôts, cela ne permet pas de créer des emplois. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Nicolas Sansu s’exclame également.)
Tout à l’heure, votre collègue hurlait, estimant que nous n’avions fait que des cadeaux. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Mais quel est notre plus gros cadeau ? C’est la suppression de la taxe d’habitation – 23 milliards d’euros ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR. – M. Roland Lescure s’exclame.)
Plus nous baissons les impôts, plus nous créons de la richesse et plus nous finançons notre modèle social. J’y insiste, nos visions sont donc totalement opposées. Pourquoi ne pouvons-nous souscrire à vos propositions ? Que va-t-il se passer au cours de l’année et demie qui vient ? Les industriels, les commerçants, tous ceux qui auraient voulu créer de l’emploi en France, n’auront qu’une idée : partir !
M. René Pilato
La France, on l’aime ou on la quitte ! Vous n’êtes pas des patriotes !
M. Sylvain Maillard
Une telle taxation est confiscatoire.
Mme Dominique Voynet
Non, elle est essentielle !
M. Sylvain Maillard
Elle n’a aucun intérêt ; pire, elle est dangereuse. En outre, vous refusez le débat puisque vous ne prenez pas la parole. Quoi qu’il arrive, même si votre proposition de loi est votée, elle finira par mourir à l’Assemblée nationale.
Mme Claire Marais-Beuil
Oui !
Mme la présidente
La parole est à M. Vincent Thiébaut.
M. Vincent Thiébaut
Je remercie le groupe Écologiste et social d’avoir inscrit ce débat à l’ordre du jour (« Ah ! » sur les bancs du groupe EcoS), même si nous ne sommes pas d’accord sur la méthode. La richesse permet la répartition et la redistribution, et nous en avons besoin en France.
Au-delà des clivages dogmatiques et des petites phrases prononcées à la légère, nous devons nous interroger sur le modèle français de république, sur ce que doit signifier être Français et « faire nation ». Madame la ministre, nous devons poursuivre ce débat de fond car il interpelle les Français, mais aussi les députés de tous les bancs. Et j’espère qu’il pourra se poursuivre dans un contexte plus serein car, même si le groupe Horizons & indépendants est en désaccord avec l’approche adoptée, il est nécessaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)
(L’amendement no 3 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l’amendement no 4.
M. Fabien Di Filippo
Il relève de la même logique que le reste de mes amendements et tend à supprimer l’alinéa 8, qui soumet à l’impôt proposé les personnes physiques n’ayant pas établi leur résidence fiscale en France.
Nous nous heurtons ici à une différence d’appréciation, madame la rapporteure. Vous affirmez que mes propositions pourraient gêner les personnes qui voudraient rapatrier leur importante fortune en France. Étant donné que vous souhaitez prendre chaque année 2 % de tout ce qu’elles possèdent à partir du moment où elles auront posé un orteil sur le sol français, vous ne pouvez plus parler de rapatriement ou d’attractivité fiscale. Votre argument est hors de propos.
Que pensent les économistes français de gauche de cette proposition ? Olivier Blanchard, ancien économiste en chef du Fonds monétaire international (FMI), trouve que l’idée mérite d’être creusée, pour des raisons de justice fiscale. Les personnes qui possèdent plus de 100 millions d’euros peuvent vendre des actions de société si nécessaire, sans que ce soit une catastrophe pour qui que ce soit. Il déclare ne pas se faire trop de souci pour eux, mais juge le taux de 2 % trop élevé car beaucoup de personnes concernées risquent de quitter la France, ce qui entraînera une baisse substantielle de la base de taxation. Il plaide donc pour un taux beaucoup plus bas. Ainsi, même à gauche, des économistes susceptibles de soutenir votre proposition considèrent qu’un taux de 2 % est confiscatoire !
Je vous demande donc de reconsidérer vos arguments, madame la rapporteure. Vous considérez qu’une assiette de 1 200 milliards d’euros permettra de récolter 25 milliards d’euros de ressources fiscales par an. Mais c’est un fusil à un coup.
M. Sylvain Maillard
Oui !
M. Fabien Di Filippo
Comment cette assiette fiscale évoluera-t-elle au fil des ans, et à combien évaluez-vous les pertes de recettes directes et annexes ? J’estime qu’à partir de dix-huit mois, le rendement de l’ensemble des recettes fiscales du pays deviendra négatif ! (M. Mathieu Lefèvre applaudit.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Eva Sas, rapporteure
Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.
M. Sylvain Maillard
Madame la rapporteure, c’est un point important : que se passera-t-il après quelques années ?
Mme Eva Sas, rapporteure
Tous les points sont importants !
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
La rapporteure Sas et Mme Cathala ont brièvement évoqué la taxe sur les services numériques, dite taxe Gafa, votée en 2019 dans cet hémicycle. Mme Cathala a fait référence à mon travail au côté du ministre de l’économie et des finances de 2017 à 2021, travail dont je suis très fier. Je tire une grande fierté d’avoir contribué à faire avancer le débat mondial sur la taxation des Gafa…
M. Sylvain Maillard
C’est vrai !
M. Charles Sitzenstuhl
…et à avoir fait adopter la taxe sur les services numériques en 2019 avec Bruno Le Maire, sous l’impulsion d’Emmanuel Macron. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et HOR.)
M. Sylvain Maillard
Il a raison !
M. Charles Sitzenstuhl
Je souhaite rebondir sur ce qu’a dit la rapporteure sur ce sujet, car il y a un lien avec le présent débat. Les entreprises assujetties à la taxe sur les services numériques étaient pour la plupart établies hors d’Europe, surtout aux États-Unis et en Chine, mais certaines se trouvent en France. Ces entreprises travaillent avec les consommateurs du marché français – qui ne sont pas mobiles. C’est là où réside la différence fondamentale qui empêche de faire le parallèle avec ce que vous appelez la taxe Zucman.
Un député du groupe LFI-NFP
On le fera quand même !
M. Charles Sitzenstuhl
Les personnes que vous souhaitez taxer sont mobiles, voire très mobiles. Si vous mettez en place cet impôt plancher, vous pourrez vous rengorger en vous disant que c’est une première en Europe et dans le monde, mais ces contribuables partiront bien vite. Avec la taxe sur les services numériques, nous pouvions nous permettre d’être à l’avant-garde puisque les Gafa ne peuvent pas partir : ils ont besoin des consommateurs locaux. On ne peut donc pas faire le parallèle.
M. Sylvain Maillard
Très bien !
Mme Dominique Voynet
Il commence à se répéter un peu !
Mme la présidente
La parole est à Mme Béatrice Roullaud.
Mme Sarah Legrain
Oh là là, attention !
Mme Béatrice Roullaud
Je voudrais m’excuser auprès de la représentation nationale car j’ai fait une comparaison qui n’avait pas lieu d’être et qui était très maladroite.
M. Sébastien Peytavie
Ce sont les éléments de langage que vous a donnés M. Tanguy pendant la suspension ?
Mme Béatrice Roullaud
Je souhaitais simplement dire que nous ne sommes pas des « fachos »,…
Mme Marie Mesmeur
Mais si, vous êtes des fachos !
M. Nicolas Sansu
En tout cas vous n’êtes pas communistes !
Mme Béatrice Roullaud
…et que, par ailleurs, la vérité ne dédouane pas l’injure, qui est un délit quand elle est publique. Je suis vraiment désolée si j’ai pu en offenser certains. Si mes propos ont été mal compris, c’est sans doute parce qu’ils étaient maladroits.
Mme la présidente
Ce n’était pas sur l’amendement mais dont acte !
La parole est à M. François Gernigon.
M. Damien Girard
Mais cela fait deux prises de parole en faveur de l’amendement !
M. Fabien Di Filippo
C’est parce qu’il est très bon !
M. François Gernigon
Je voudrais rappeler quelques chiffres pour remettre les choses en perspective. Il a été dit que les dividendes perçus par Bernard Arnault et son groupe LVMH ont augmenté de 20 %. C’est vrai : le dividende est passé de 10 à 12 euros par action. Comme chaque action vaut environ 700 euros, la rémunération s’élève à 1,7 % avant impôt, et à 1,2 % après l’application de la flat tax. Comparez cette rémunération à celle du livret A, dont le taux a déjà atteint 3 % – il rapporte 2,5 % à présent. Je ne serais pas choqué si le taux de rémunération des actions de Bernard Arnault était multiplié par deux pour atteindre celui du livret A ! Je ne vois pas où est le problème.
Les salariés de LVMH font partie des 20 % des Français les mieux rémunérés, toutes catégories socioprofessionnelles confondues.
M. Nicolas Sansu
Et les sous-traitants ?
M. François Gernigon
Où est le problème ? Bernard Arnault n’atteint pas ses objectifs sur le dos des salariés. Il paie 40 % de ses impôts en France alors qu’il n’y réalise que 8 % de son chiffre d’affaires. Où est le problème ? (M. Vincent Thiébaut applaudit.) Cherchez-le. Plutôt que de fustiger cet homme au risque de le faire partir, il vaudrait mieux le cloner, disposer de cinquante ou cent Bernard Arnault en France, car nous avons besoin de création de richesses ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
(L’amendement no 4 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 5 et 37.
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l’amendement no 5.
M. Sylvain Maillard
Il représente son groupe à lui tout seul. Désormais, ce n’est plus le groupe DR, mais le groupe difilippiste !
M. Fabien Di Filippo
Il tend à supprimer l’alinéa 9, qui introduit une forme d’exit tax. Cette taxe durcirait encore l’imposition des personnes et des investisseurs, plus précisément des « personnes physiques domiciliées en France depuis plus de dix ans et pendant au moins l’une des cinq dernières années, sur leurs biens situés en France ou hors de France, sauf si elles remplissent les conditions mentionnées au deuxième alinéa du 1o ». Les personnes qui auraient passé un temps minime sur notre territoire seraient donc frappées par cette contribution. Votre raisonnement vous trahit : vous anticipez déjà que beaucoup d’investisseurs voudront déguerpir à vitesse grand V !
Plusieurs députés des groupes EPR et Dem
Eh oui !
M. Fabien Di Filippo
Ce sera donc la dernière occasion de les ratiboiser !
Madame la rapporteure, si vous voulez que ce texte garde la moindre crédibilité, expliquez-nous comment vous anticipez l’évolution de l’assiette de la taxe que vous voulez créer, dont la taille diminuera très rapidement. À quel moment estimez-vous que le rendement de l’ensemble des recettes fiscales de l’État deviendra négatif ? C’est le chemin vers la paupérisation accélérée ! Et ce sont les Français les plus modestes, semble-t-il si chers à Mme Soudais, qui seront les premières victimes de cette stratégie.
Tout à l’heure, j’ai évoqué l’avis d’économistes de gauche sur ce texte. Je souhaite à présent citer Philippe Aghion, beaucoup plus critique. Cet économiste spécialiste de l’innovation déclare que le problème avec la taxe Zucman, c’est qu’elle inclut l’outil de travail. Il préférerait que l’on explore la piste d’une révision de la législation sur les holdings familiaux, notamment au niveau européen, car il ne faut pas agir uniquement au niveau français si l’on veut que la mesure soit efficace. Il s’oppose à un impôt de ce type s’il n’existe qu’en France car cela réduira l’attractivité du pays. Il conclut en rappelant que nous sommes déjà un des pays les plus redistributifs au monde, un de ceux où la charge fiscale est la plus élevée. Madame la rapporteure, il est temps de nous apporter des éclaircissements.
M. Sylvain Maillard
On en a besoin sur ce point !
Mme Mathilde Panot
M. Di Filippo est le député des riches !
Mme la présidente
La parole est à M. Mathieu Lefèvre, pour soutenir l’amendement no 37.
M. Mathieu Lefèvre
Il tend à supprimer l’alinéa 9, qui est un aveu de faiblesse, comme l’a souligné M. Di Filippo. Votre taxe est spoliatrice : il vous faut donc poursuivre les contribuables pour qu’ils ne partent pas du pays et qu’ils s’en acquittent. L’essentiel du rendement que vous escomptez ne vient pas de l’impôt de 2 % mais de cette exit tax, par ailleurs contraire à la liberté d’entreprendre, à la liberté d’aller et venir et au droit à la propriété – mais je sais que vous n’en avez rien à faire. Il faut supprimer cette disposition.
Je profite de cet amendement pour évoquer une proposition du Rassemblement national qu’il semble vouloir passer sous silence. Lors de sa campagne présidentielle, Mme Le Pen proposait d’exonérer d’impôt sur le revenu les moins de 30 ans, sans prévoir de plafond. Cette disposition aurait permis à des milliardaires d’échapper complètement à l’impôt. Et voilà qu’on voit fleurir dans les rangs du Rassemblement national une volonté acharnée de lutte effrénée contre l’optimisation fiscale, alors que leur propre programme contient de quoi faire de l’optimisation fiscale et d’échapper à l’impôt ! (Protestations sur les bancs du groupe RN. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Eva Sas, rapporteure
Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Paul Mattei.
M. Sylvain Maillard
Il va mettre tout le monde d’accord !
M. Jean-Paul Mattei
Je remercie M. Di Filippo et les autres auteurs d’amendements à cet article, qui est certes un article unique, mais très riche…
Mme Danielle Simonnet
Il rapportera aussi beaucoup à l’État !
M. Jean-Paul Mattei
…– il précise les catégories de contribuables concernés et définit l’assiette de la contribution.
Nous avons beaucoup parlé d’exil fiscal, mais il faut souligner que dans les exemples qui ont été donnés, le patrimoine professionnel n’est jamais pris en compte dans l’assiette, contrairement à ce que vous proposez – l’effet sera démultiplié. Nous disposions déjà d’outils pour contrebalancer les effets non désirés de certaines contributions, comme le pacte Dutreil ISF, qui atténuait l’impact négatif de l’ISF pour les actionnaires d’entreprises qui ne faisaient pas partie des dirigeants. Cela ne fonctionne pas bien.
Votre texte permet d’ouvrir un débat intéressant, mais il n’est pas abouti. Beaucoup de problèmes ne sont pas réglés. Prenons l’exemple de la valorisation des sociétés.
M. Sylvain Maillard
Eh oui !
M. Jean-Paul Mattei
Le texte parle de valeur vénale : c’est le prix sur lequel le vendeur et l’acquéreur se mettent d’accord. C’est une notion très difficile à utiliser.
Vous ouvrez beaucoup de possibilités, ce qui pose un risque d’attractivité pour notre territoire. Les personnes physiques n’investiront plus en France – il n’y aura plus que des fonds de pension étrangers, et cela me gêne beaucoup. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem. – M. Paul Midy applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Daniel Labaronne.
M. Daniel Labaronne
Notre collègue Di Filippo a posé la question de l’assiette. Du temps de François Hollande, on a décidé d’appliquer le principe de la barémisation à l’impôt sur les revenus du capital, à l’image de l’impôt sur le revenu. On escomptait alors 400 millions d’euros de recettes fiscales supplémentaires. Le Comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital estime que seuls 100 millions ont été récupérés.
C’est-à-dire qu’en définitive, en mettant en place la barémisation, on a obtenu moins de recettes fiscales qu’on en escomptait. Car la bonne stratégie fiscale pour obtenir du rendement, c’est d’avoir des taux bas et une assiette la plus large possible. Or vous proposez exactement l’inverse, c’est-à-dire des taux élevés et une assiette très étroite…
M. Fabien Di Filippo
Et fragile ! Une assiette de porcelaine !
M. Daniel Labaronne
Si bien que ceux qui sont concernés, notamment les détenteurs de capital ou de patrimoine, vont quitter le pays. C’est une évidence, puisque le capital est mobile. C’est toujours ce qui se produit. Il faut donc que vous nous expliquiez comment vous comptez, d’abord, évaluer les actifs professionnels, mais aussi empêcher les délocalisations. (M. Gabriel Attal applaudit.)
Mme Sandra Regol
Ça fait des heures qu’on vous explique !
M. Daniel Labaronne
Parce que notre conviction profonde, c’est que votre taxe aura un rendement négatif… (Mme la présidente coupe le micro de l’orateur, dont le temps de parole est écoulé.)
M. Nicolas Sansu
Mais non !
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 5 et 37.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 197
Nombre de suffrages exprimés 197
Majorité absolue 99
Pour l’adoption 59
Contre 138
(Les amendements identiques nos 5 et 37 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l’amendement no 6.
M. Fabien Di Filippo
Je suis surpris que ce soit déjà mon tour… (Sourires.) Mais je vais naturellement défendre cet amendement, qui vise à supprimer l’alinéa 10 et la mesure qui entend soumettre les couples mariés – vous le proposez aussi pour les couples pacsés – à une imposition commune. On pourrait ergoter sur le fait que ce soit un bien ou un mal mais, vous l’aurez compris, nous sommes opposés au principe même de ce texte.
J’en profite pour répondre à Mme Autain qui, tout à l’heure, expliquait que certains défendaient les intérêts du peuple et d’autres ceux des lobbys. Depuis un peu plus d’une heure maintenant, j’ai évoqué les salariés de LVMH, les Français modestes, la fuite des capitaux, et je crois avoir démontré que ceux qui défendent les intérêts du peuple ne sont pas forcément ceux que l’on croit.
Mme Danielle Simonnet
C’est ça !
M. Fabien Di Filippo
Ne pensez pas être les seuls à avoir des valeurs. Vous défendez davantage une idéologie que des valeurs. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.) Je m’efforce de vous ramener à la raison…
M. Ian Boucard
La voix de la sagesse !
M. Fabien Di Filippo
…mais si j’ai tort, mes chers collègues, madame la rapporteure, pourquoi ne parvenez-vous pas à réfuter mes arguments sur la réduction de l’assiette de l’impôt que vous proposez ? On vient de vous expliquer que c’était une toute petite assiette, très fragile, une assiette de porcelaine, sur laquelle vous misez 25 milliards d’euros et tout l’avenir du pays !
M. Mickaël Bouloux
La démonstration n’était pas concluante !
M. Fabien Di Filippo
Il est temps de nous apporter une réponse…
M. Damien Girard
On l’a déjà fait !
M. Fabien Di Filippo
…sans quoi cela signifie qu’en adoptant un tel texte, non seulement vous n’améliorerez pas le sort des gens que vous prétendez défendre mais, en plus, vous appauvrirez l’ensemble du pays et détruirez des emplois.
Il n’est quand même pas compliqué de réaliser une étude prospective et de constater que, le mieux étant l’ennemi du bien, le rendement fiscal d’une taxe n’est pas garanti.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Eva Sas, rapporteure
Défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.
Mme la présidente
La parole est à Mme Clémentine Autain.
Mme Clémentine Autain
Monsieur Di Filippo, nous pensons que ce qui détruit l’emploi, c’est la rente du capital – c’est la grande différence entre nos deux visions.
M. Daniel Labaronne
Arrêtez !
Mme Clémentine Autain
Nous ne pouvons plus nous payer le luxe d’avoir des milliardaires qui accaparent les richesses, tandis que la rente du capital est contraire à l’intérêt de celles et ceux qui produisent les richesses, c’est-à-dire les travailleurs et les travailleuses. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et quelques bancs des groupes LFI-NFP et GDR.)
C’est aussi simple que ça et c’est pourquoi j’appelle les députés à voter contre vos amendements…
M. Fabien Di Filippo
Ils sont si mauvais que ça ?
Mme Clémentine Autain
…qui détruisent cet impôt plancher sur des fortunes absolument colossales, grâce auquel les finances publiques pourraient récupérer entre 15 et 25 milliards d’euros. Nous n’appauvrissons pas le bien commun,…
M. Daniel Labaronne
Mais bien sûr que si !
Mme Clémentine Autain
…nous l’enrichissons !
M. Emmanuel Mandon
C’est la révolution de 1917 !
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour un rappel au règlement.
M. Charles Sitzenstuhl
Il se fonde sur l’article 56, alinéa 1, selon lequel « les ministres, les présidents et les rapporteurs des commissions saisies au fond obtiennent la parole quand ils la demandent ».
Nous aimerions beaucoup que la rapporteure demande la parole parce que cela fait maintenant plusieurs dizaines de minutes que nous posons des questions de fond importantes, sur la comparaison avec la taxe Gafa, sur le rendement de la taxe, sur l’affaire des biens professionnels, et nous n’avons absolument aucune réponse. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
M. Damien Girard
Elle a déjà donné les réponses !
M. Charles Sitzenstuhl
J’en déduis que soit vous avez mal travaillé, soit vous êtes gênés par nos arguments.
M. Fabien Di Filippo
Ça commence à devenir suspect !
M. Ian Boucard
Il faut éclairer le débat !
M. Charles Sitzenstuhl
Madame la rapporteure, s’il vous plaît, nous voulons des réponses !
Mme la présidente
Si la rapporteure ne demande pas la parole, je ne la lui donne pas. Elle est libre de répondre comme elle l’entend.
Article unique (suite)
Mme la présidente
La parole est à M. Bruno Fuchs.
M. Bruno Fuchs
Puisque Mme la rapporteure ne souhaite pas apporter d’éléments au débat, je vais le faire, au sujet du rendement dans la durée de ce type de prélèvement.
Mme Clémentine Autain
Mais pourquoi a-t-il la parole ?
Mme Danielle Simonnet
Il est pour ou contre l’amendement ?
M. Bruno Fuchs
L’institut Rexecode a étudié les effets dans la durée de l’impôt sur la fortune, depuis sa création, en 1981 : il a privé la France de 45 milliards d’euros, correspondant à la fuite de capitaux et équivalent à 400 000 emplois non créés, sachant que ces chiffres ne tiennent pas compte des investissements qui ne se sont pas faits dans le pays à cause de l’ISF.
M. Emmanuel Duplessy
Et ça a rapporté combien ?
M. Bruno Fuchs
Si l’on ajoute, comme l’a rappelé notre collègue Mattei, que vous voulez en plus imposer l’outil de travail, on imagine facilement que cela ne fera qu’aggraver les conséquences mises en lumière par cette étude, qui n’est pas une étude d’impact sur le futur, mais une analyse de la réalité depuis 1981.
(L’amendement no 6 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l’amendement no 7.
Mme Dominique Voynet
On avait hâte !
M. Antoine Léaument
C’est la niche Di Filippo !
M. Fabien Di Filippo
Si c’est la niche Di Filippo, je retire d’emblée ce texte, si vous le permettez. (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes DR et EPR.) Malheureusement, contrairement à vous, je vis dans la réalité et pas dans un monde où tous nos fantasmes se réaliseraient. Là réside notre différence de point de vue sur la fiscalité.
M. Erwan Balanant
Il devrait être nommé député de l’année !
M. Fabien Di Filippo
Si je veux aussi supprimer l’alinéa 11, c’est à cause de la faiblesse insupportable de votre raisonnement. Comme vient de le dire Mme Autain, vous pensez qu’on peut produire sans capital. Le problème, c’est le capital.
M. Antoine Léaument
Il l’a dit !
M. Fabien Di Filippo
Pensez-vous vraiment qu’on peut produire sans capital ? Pire encore, sans doute pensez-vous – je suis sûr que c’est le cas de certains parmi vous – que l’intégralité du capital peut être possédée par l’État.
Mme Danielle Simonnet
Il y a la propriété collective, les coopératives, par exemple !
M. Fabien Di Filippo
C’est très inquiétant de soutenir un modèle qui, dans une certaine mesure, relève du bolchevisme (« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Vous prônez la possession du capital par les travailleurs, mais lorsqu’une start-up se monte, ceux qui la créent et s’engagent dans son développement – certainement plus de trente-cinq heures par semaine – ne sont-ils pas des travailleurs ? Suffit-il qu’ils ouvrent la bouche pour que les dollars leur tombent du ciel ? (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
M. Raphaël Arnault
C’est vous qui les taxez !
Mme Alma Dufour
C’est vous qui préférez taxer les PME plutôt que Bernard Arnault !
M. Fabien Di Filippo
Ce n’est pas comme ça que ça marche ! Il faut de l’instinct, du travail, mais à la fin, cela crée des emplois, et des emplois bien payés.
Je profite de cette nouvelle occasion pour enjoindre à Mme la rapporteure de sortir de son silence. Le but de ces amendements n’est pas de vous bloquer,…
M. Damien Girard et Mme Danielle Simonnet
Bien sûr que non !
M. Fabien Di Filippo
…sinon nous en aurions déposé dix fois, cent fois plus. Non, il s’agit d’avoir un débat de fond autour d’arguments économiquement construits. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – M. Ian Boucard applaudit également.) J’aimerais simplement que vous y répondiez ou que vous reconnaissiez que vous ne le pouvez pas, après quoi chacun pourrait se déterminer très tranquillement sur la crédibilité de cette proposition de loi. (Mêmes mouvements.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Eva Sas, rapporteure
Défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.
Mme la présidente
La parole est à M. Sylvain Berrios.
M. Sylvain Berrios
Il est quand même dommage que la rapporteure ne développe pas ses avis et que nous n’ayons pas de réponse à nos questions. M. Labaronne évoquait tout à l’heure, avec raison, la mobilité des outils de production et de ceux qui peuvent produire, mais il y a aussi tous ceux qui ne peuvent pas partir.
M. Hadrien Clouet
Oh non !
M. Bastien Lachaud
Oh, les pauvres !
M. Sylvain Berrios
Parfaitement, les pauvres. Car ceux qui ne partent pas, ce sont souvent les patrons d’ETI, qui, dans vos circonscriptions, font vivre le territoire.
M. Nicolas Sansu
On parle de 100 millions d’euros !
M. Sylvain Berrios
Mme Autain a dit que la rente du capital était la source de tous les maux. Cela peut peut-être s’entendre des rentes immobilières, financières ou foncières, mais la rente que l’on retire de biens professionnels, si elle est pour partie destinée à alimenter les dividendes, sert aussi à payer le salaire de tous ceux qui travaillent, de tous les salariés.
Ainsi, en taxant les biens professionnels, vous ne taxez pas que les ultrariches mais aussi, en réalité, les salariés. Pensez-y car, encore une fois, vous êtes en train de scier la branche sur laquelle sont assis les salariés que vous prétendez défendre. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes HOR, EPR et DR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Clémentine Autain.
Mme Clémentine Autain
Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement. Nos collègues de la Droite républicaine ont pris l’habitude de faire de l’obstruction lors de l’examen de nos textes.
M. Kévin Pfeffer
Une experte parle !
M. Sylvain Berrios
Et vous ? Dix-sept amendements sur un titre !
Mme Clémentine Autain
En l’occurrence, il s’agit de gagner du temps pour éviter que soit voté un impôt plancher destiné aux ultrariches. C’est votre unique objectif, et c’est donc la dernière fois que je prends la peine de vous répondre. (M. Benjamin Lucas-Lundy et Mme Marie Pochon applaudissent.) Vous demandez des clarifications et vous posez des questions. Eva Sas, moi-même et les collègues du Nouveau Front populaire y avons répondu dans nos interventions liminaires, lors de la discussion générale à laquelle beaucoup d’entre vous n’ont pas assisté. Mais le débat a été clairement posé, vous connaissez nos positions – elles sont simples et reposent sur des principes très clairs. Notre désaccord est identifié. Désormais, avançons. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
(L’amendement no 7 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de plusieurs demandes de scrutin public : sur l’amendement no 8, par le groupe Rassemblement national, et sur les amendements nos 9, 55 et 45, par le groupe Écologiste et social.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l’amendement no 8.
M. Fabien Di Filippo
Permettez-moi tout d’abord de répéter qu’il n’y a aucune volonté d’obstruction de notre part. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR. – M. Paul Midy applaudit.) Un amendement, soit deux minutes de discussion, par milliard d’euros prélevé, cela ne me semble pas exagéré.
M. Gabriel Attal
Ils font pareil !
M. Fabien Di Filippo
Je veux bien que vous ayez pris l’habitude d’être chèrement payé à l’heure, mais on peut quand même se permettre de parler. Et que penser de la précédente niche DR où, pour éviter un vote, vous avez déposé 200 amendements, 200 sous-amendements même, à la dernière minute – voilà qui relevait bien d’un stratagème !
M. Jean-Claude Raux
Donc, vous vous vengez !
M. Fabien Di Filippo
Dois-je vous rappeler que certains de vos membres ont même pris la parole contre des amendements de leur groupe ? J’en suis bien loin.
Permettez-moi d’être fidèle à ma ligne de conduite et d’en revenir au fond (M. Gabriel Attal applaudit), dont j’aimerais que vous acceptiez de discuter avec moi. Je souhaite supprimer les alinéas 13 et 14, sans doute les alinéas les plus sordides de ce texte.
M. Nicolas Sansu
Rien que ça !
M. Fabien Di Filippo
Il s’agit de supprimer l’article 885 B du code général des impôts, qui précise que « [l’impôt plancher sur la fortune] est assis et les bases d’imposition déclarées selon les mêmes règles et soumis aux mêmes sanctions que les droits de mutation par décès, sous réserve des dispositions particulières du présent chapitre ».
Imposer à ce point la création de richesse en France, c’est signer l’acte de décès de chaque entreprise qui y serait soumise. C’est donc de bon aloi de leur appliquer ce qu’on appelle l’impôt sur la mort.
L’alinéa 14 dispose que « les exonérations prévues en matière de droits de mutation par décès ne s’appliquent pas à l’impôt plancher sur la fortune ». Bien sûr ! Il ne faudrait surtout pas qu’un événement malheureux de la vie s’immisce dans votre volonté de capter toute richesse privée. Il faut que votre chasse aux voleurs, j’ai failli dire aux sorcières, se poursuive jusque dans la tombe, si ce n’est jusqu’à la génération suivante, parce qu’ils ont eu le malheur de vouloir créer une entreprise, de la richesse et de l’emploi. C’est ce que vous voulez. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes DR et EPR.)
M. Gabriel Attal et M. Christophe Blanchet
Bravo !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Eva Sas, rapporteure
Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.
Mme la présidente
La parole est à M. Daniel Labaronne.
M. Daniel Labaronne
Nous menons un débat riche et intéressant, dans lequel se confrontent deux visions de l’économie.
Mme Alma Dufour
Vous racontez n’importe quoi depuis tout à l’heure !
M. Daniel Labaronne
On a le droit d’exprimer un point de vue, non ?
M. Christophe Blanchet
Eh oui !
M. Daniel Labaronne
Les questions que pose M. Di Filippo sont importantes et la représentation nationale aimerait avoir des réponses. Comment allez-vous valoriser les outils de production ?
Mme Eva Sas, rapporteure
J’ai déjà répondu !
M. Daniel Labaronne
Quel est le rendement que vous attendez et comment l’avez-vous calculé ?
M. Charles Sitzenstuhl
Silence gêné sur les bancs de gauche !
M. Daniel Labaronne
Qu’allez-vous faire pour empêcher la fuite du capital ?
Mme Eva Sas, rapporteure
Silence gêné face à l’absurdité de vos interventions !
M. Daniel Labaronne
Quelles sont vos perspectives pour mener le débat au niveau européen ?
M. Damien Girard
Arrêtez cinq minutes !
M. Daniel Labaronne
Avez-vous des éléments qui vous laissent penser que ce qui serait mis en place en France, bien que je ne le souhaite pas, pourrait être étendu au niveau européen ?
Mme Marie-Charlotte Garin
Les deux minutes sont écoulées, non ?
M. Sébastien Peytavie
Ça fait bien cinq minutes !
M. Daniel Labaronne
Nous avons évoqué le PFU – Mme la ministre précisant qu’il s’agit d’un taux de 30 % –, qui viendrait s’ajouter aux 25 % d’impôt sur les sociétés et à l’impôt sur la production, quel que soit son niveau, mais comment ferez-vous pour ne pas décourager l’initiative ? L’innovation ? L’investissement ? La créativité ? La productivité ? La compétitivité ? Répondez-nous !
Mme Mathilde Feld
En augmentant le smic et les salaires !
M. Daniel Labaronne
Nous voulons comprendre comment, dans un environnement international dans lequel la mobilité du capital est importante, cette taxe ne conduirait pas au déclassement de l’économie française. Répondez-nous ! (M. Gabriel Attal applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. Ian Boucard.
M. Ian Boucard
Notre débat est très intéressant et je remercie M. Di Filippo de nous en avoir donné l’occasion. Il ne fait pas de l’obstruction. Il vous explique point par point, alinéa après alinéa, pourquoi votre proposition de loi ne peut pas fonctionner et pourquoi elle serait néfaste pour l’économie.
À l’occasion de votre niche parlementaire, vous avez choisi, dans le pays le plus taxé au monde, de venir ajouter jusqu’à 25 milliards d’euros de rab de taxes. Pourquoi pas ? (M. Charles Sitzenstuhl applaudit.)
Le précédent gouvernement proposait une contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises, mais vous avez choisi de le censurer. Cela nous amène à nous interroger sur votre volonté de justice fiscale. D’autant plus que vous jugez bon, finalement, de proposer, la tête enfarinée, un texte dont on ne comprend ni les calculs ni les arguments. M. Di Filippo, à l’exception, un peu, de Mme Autain, est d’ailleurs le seul à offrir des arguments, puisque la rapporteure ne nous expose pas le raisonnement qui fonde votre proposition de loi.
Vous reprochez à M. Di Filippo de faire de l’obstruction. Je vois plutôt un collègue qui vous explique point par point, alinéa après alinéa, pourquoi il est en désaccord avec votre texte. Ce n’est pas ce que vous avez fait lors de la niche parlementaire de la Droite républicaine, lorsque, par idéologie, vous avez déposé 200 amendements et sous-amendements et que vous avez essayé de bloquer le texte.
M. Sébastien Peytavie
Parce que vous n’êtes pas en train d’agir par idéologie ?
M. Ian Boucard
Je vous rappelle qu’il a été impossible d’aller au bout de cette niche parlementaire, parce qu’à vingt-trois heures, des députés du groupe La France insoumise empêchait la représentation nationale de mener ses débats.
Mme Marie Mesmeur
Vous savez très bien pourquoi nous avons agi de la sorte ! Notre collègue avait été insultée ! C’est scandaleux !
M. Ian Boucard
Voilà de l’obstruction ! Ce n’est pas du tout ce que fait M. Di Filippo, qui vous répond, je le répète, argument après argument. (M. Fabien Di Filippo applaudit.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 8.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 183
Nombre de suffrages exprimés 182
Majorité absolue 92
Pour l’adoption 87
Contre 95
(L’amendement no 8 n’est pas adopté.).
Mme la présidente
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l’amendement no 9.
M. Fabien Di Filippo
Je sens, à l’annonce des résultats, que je suis sur le point de convaincre une majorité de l’hémicycle. (Rires sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.) Je ne me roulerai pas au sol pour empêcher les débats, je vous le promets, mais la volonté finira par triompher. J’y crois.
J’ai précisé que les alinéas 13 et 14 étaient sûrement les plus sordides du texte, mais les 15 et 16 n’ont rien à leur envier car vous poursuivez désormais les enfants mineurs. C’est intéressant.
L’alinéa 15 dispose que « l’assiette de l’impôt plancher sur la fortune est constituée par la valeur nette, au 1er janvier de l’année d’imposition, de l’ensemble des biens, droits et valeurs imposables appartenant aux personnes mentionnées à l’article 885 A, et à leurs enfants mineurs lorsqu’elles ont l’administration légale des biens de ceux-ci ».
Il s’agit de l’ensemble du patrimoine de la famille, personnel comme professionnel. La période d’imposition débute au 1er janvier, de manière à inclure les cadeaux de Noël des gamins :…
M. Nicolas Sansu
Oh là là !
M. Fabien Di Filippo
…la console de jeux, la bicyclette… – un maximum de choses pour atteindre le seuil de 100 millions d’euros et leur en prendre 2 %. (MM. Gabriel Attal et Ian Boucard applaudissent.)
M. Nicolas Sansu
Cent millions d’euros de cadeaux !
M. Fabien Di Filippo
Vous prendrez tout ! Vous irez jusque dans la salle de jeux ! C’est votre philosophie économique. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Ian Boucard
Vous n’aurez pas sa liberté de penser !
M. Fabien Di Filippo
Je souhaite bien du plaisir à ceux qui décideront quand même d’entreprendre dans un pays dans lequel près d’un tiers de l’hémicycle partage cette mentalité.
Vous connaissez notre attachement aux valeurs familiales. Elles prennent un sacré coup.
M. Ian Boucard
Merci à Fabien de protéger les enfants !
M. Fabien Di Filippo
La vérité blessant un peu trop, la rapporteure ne voudra sans doute pas me répondre.
M. Ian Boucard
Bravo !
M. Fabien Di Filippo
En désespoir de cause, je m’adresse à Mme la ministre pour éventuellement obtenir une réponse aux questions, posées par mes collègues et moi-même, au sujet de l’évaluation de la valeur des entreprises, des biens, des parts dans une société ou de l’évolution potentielle de l’assiette. Certes, ce n’est pas votre texte, mais si vous avez des éléments sur sa faisabilité, c’est avec plaisir que vous nous éclairerez, faute de pouvoir entendre la rapporteure. (MM. Gabriel Attal, Ian Boucard et Daniel Labaronne applaudissent.)
(À dix-huit heures cinq, Mme Clémence Guetté remplace Mme Nadège Abomangoli au fauteuil de la présidence.)
Présidence de Mme Clémence Guetté
vice-présidente
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Eva Sas, rapporteure
Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme la présidente
Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.
Mme la présidente
La parole est à M. Bruno Fuchs.
M. Bruno Fuchs
Vous cherchez à réduire le capital disponible en France pour investir plus facilement dans l’éducation, dans l’environnement, dans la sécurité ou dans la santé. Or on constate qu’en l’absence de capitaux, les entreprises ferment ou sont rachetées par des capitaux étrangers.
En 2021, 124 entreprises françaises sensibles l’ont été. Exxelia, fabricant de composants électroniques pour le Rafale, a été racheté par l’entreprise américaine Heico ; ADIT, qui œuvre dans l’intelligence économique, est passée sous le contrôle du fonds d’investissement canadien Sagard ; Proxinvest, la société d’analyse financière, est passée sous le contrôle de l’entreprise américaine Glass Lewis ; Reden Solar, spécialiste de l’énergie photovoltaïque, a été racheté par un consortium d’investisseurs australiens, allemands et canadiens.
Sans capital, on peut ni faire de l’économie, ni développer les investissements et l’emploi, ni créer de la richesse à investir pour le bien commun – pas dans une économie mondialisée. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem et EPR.)
Mme la présidente
La parole est à M. René Pilato.
M. René Pilato
Vous voulez ralentir le débat, comme l’a rappelé Clémentine Autain,…
M. Fabien Di Filippo
Pas du tout !
M. René Pilato
…j’irai donc au plus vite.
D’abord, vous avez un bilan auquel vous avez contribué. Ensuite, cela fait sept ans que 62 milliards d’euros manquent aux caisses de l’État. Enfin, le budget est systématiquement adopté grâce au 49.3 qui nous empêche d’en discuter.
Cette proposition vise à faire rentrer 15 à 20 milliards d’euros dans les caisses de l’État, afin de compenser des manques provoqués par votre refus d’aller récupérer certaines choses.
Nous soutenons cette proposition. Arrêtez de ralentir les débats.
Collègue Filippo,…
M. Fabien Di Filippo
C’est Di Filippo !
M. Ian Boucard
Philippot, il était ailleurs !
M. Sébastien Peytavie
Ils sont pareils, on ne fait pas la différence !
M. René Pilato
…je vais vous dire une chose. Excusez-moi, collègue Di Filippo, ce sont les travailleurs qui créent la richesse. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP. – M. Pierrick Courbon applaudit également.) Parce que si vous disposez d’un tas de tôle et d’un tas d’argent, s’il n’y a pas un travailleur qui fait quelque chose de la tôle, il ne se passe rien.
M. Fabien Di Filippo
Et si vous n’avez pas de capital, il ne se passe rien non plus !
M. René Pilato
Vos billets, c’est du vent. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Fabien Di Filippo.
M. Fabien Di Filippo
Il n’y a pas que le travailleur qui plie la tôle à mains nues ; il y a aussi le capital qui lui permet de travailler.
Vous savez, un patron, ce n’est pas quelqu’un qui ne travaille pas par principe.
Mme Clémentine Autain
Bernard Arnault, si !
M. Fabien Di Filippo
Généralement, quand c’est le cas, l’entreprise ne dure pas très longtemps.
M. Christophe Blanchet
Eh oui !
M. Fabien Di Filippo
J’aurais voulu faire un rappel au règlement, parce qu’on vient de m’accuser d’être macroniste – une des pires choses dont on pourrait m’accuser. Mes collègues en sont témoins, s’il y a bien une chose dont je ne peux être suspecté ces sept dernières années – et j’accepte volontiers tous les autres qualificatifs –, c’est d’être macroniste.
M. Gabriel Attal
Il a raison !
Mme la présidente
Vous ferez donc un rappel au règlement sur l’insulte. Nous allons passer au scrutin.
M. Fabien Di Filippo
J’en viens au fond de l’amendement.
Mme la présidente
Allez-y, alors.
M. Fabien Di Filippo
L’alinéa 16 présente votre vision de la famille, conservatrice, si ce n’est rétrograde, puisqu’il dispose que « dans le cas de concubinage notoire, l’assiette de l’impôt est constituée par la valeur nette, au 1er janvier de l’année d’imposition, de l’ensemble des biens, droits et valeurs imposables appartenant à l’un et l’autre concubins et aux enfants mineurs mentionnés au premier alinéa du présent article ». Vous irez donc jusque dans les chambres à coucher pour vérifier s’il n’y a pas de quoi élargir l’assiette du patrimoine et taxer davantage les gens ?
M. Ian Boucard
C’est la police des mœurs !
M. Fabien Di Filippo
Il ne vous suffisait pas d’impliquer les enfants dans votre combine, maintenant nous touchons à de prétendues histoires de concubinage.
M. René Pilato
Ça s’appelle un foyer fiscal !
M. Christophe Blanchet
C’est grossier !
Mme Sandrine Rousseau
Vous gagnez du temps !
M. Matthias Tavel
Allez, allez !
M. Fabien Di Filippo
Vous pouvez dire : « Allez, allez ! » Quand j’aurai des réponses sur le fond, je serai prêt à discuter de tout cela, mais pour l’instant, force est de constater que vous m’opposez seulement votre mutisme. Sur la valorisation des sociétés, l’évolution de l’assiette, les conséquences économiques ou la paupérisation du pays : rien de rien de rien ! (MM. Gabriel Attal et Christophe Blanchet applaudissent.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 9.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 208
Nombre de suffrages exprimés 207
Majorité absolue 104
Pour l’adoption 90
Contre 117
(L’amendement no 9 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l’amendement no 55.
M. Charles Sitzenstuhl
J’essaierai d’être fidèle à la réflexion de Jean-René Cazeneuve, auteur de l’amendement et ancien rapporteur général du budget.
L’alinéa 15 de l’article unique dispose que « l’assiette de l’impôt plancher sur la fortune est constituée par la valeur nette, au 1er janvier de l’année d’imposition, de l’ensemble des biens, droits et valeurs imposables appartenant aux personnes mentionnées à l’article 885 A, et à leurs enfants mineurs lorsqu’elles ont l’administration légale des biens de ceux-ci ».
L’amendement tend à la réécriture de cet alinéa et vise à corriger une approche dogmatique et idéologique de la taxation du patrimoine en recentrant l’impôt sur la seule croissance nette des actifs. La proposition initiale, en instaurant un impôt plancher de 2 % sur l’ensemble du patrimoine des plus fortunés, relève davantage d’un réflexe antiriches que d’une réflexion économique. Taxer un patrimoine qui décroît s’apparente à de la spoliation pure et simple.
M. Nicolas Sansu
À 100 millions, on ne peut pas parler de spoliation !
M. Charles Sitzenstuhl
La gauche a toujours la même obsession : taxer les réussites plutôt que de les encourager. Un impôt plancher sur le patrimoine, sans considération des rendements réels, conduirait à une spoliation inacceptable. À terme, c’est l’investissement et la croissance qui en pâtiront, donc l’emploi.
Nous avons déjà vu ce film avec l’ISF. Entre 2012 et 2017, 60 000 contribuables ont quitté la France, dont 4 000 étaient redevables de l’impôt sur la fortune, ce qui représentait une perte de plusieurs milliards d’euros d’assiette fiscale et d’investissements. Revenir à une logique confiscatoire, c’est encourager les entrepreneurs, investisseurs et talents à fuir plutôt qu’à créer de la richesse en France.
Je vous invite à soutenir cet amendement de Jean-René Cazeneuve.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Eva Sas, rapporteure
L’amendement mérite une réponse car il ne se limite pas, comme d’autres, à changer le titre ou à supprimer, sans trop y réfléchir, un alinéa – je n’ai pas cédé aux provocations de M. Di Filippo, par souci de faire progresser les débats. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
M. Fabien Di Filippo
Je suis pourtant tout ouïe !
Mme Eva Sas, rapporteure
Vous proposez de taxer la croissance du patrimoine plutôt que le patrimoine lui-même. C’est intéressant, mais je n’y suis pas favorable : fixer à 100 millions d’euros par an le seuil au-delà duquel l’enrichissement est taxé ferait passer le nombre de contribuables assujettis de 1 800 à 42.
M. Charles Sitzenstuhl
Vous reconnaissez donc qu’il n’y a pas assez de riches en France !
Mme Eva Sas, rapporteure
Votre amendement tend surtout à vider de sa substance cette proposition de loi, d’autant qu’une taxe de 2 % appliquée à la croissance du patrimoine procurerait de très faibles revenus à l’État. J’aurais pu le soutenir si vous aviez proposé un autre seuil et un autre taux, mais en l’état, mon avis est défavorable.
J’en profite pour vous rappeler que le rendement moyen du capital varie de 7 % à 10 % par an. Certains disent que ces personnes seront spoliées ou forcées à vendre des actions ; non, il s’agit seulement de prendre une petite partie de ce rendement pour le rendre à la collectivité. La seule chose que nous demandons, c’est que chacun contribue à l’effort public. Vous, vous vous abritez derrière des exemples pour ne pas taxer les milliardaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Restreindre la taxation aux variations du capital n’est pas une mauvaise idée, puisque l’impôt s’appliquerait à une sorte de revenu. Néanmoins, la proposition de loi, dans son ensemble, nous semble fragile et inconstitutionnelle – en tout cas difficilement défendable devant le Conseil constitutionnel.
M. Nicolas Sansu
Ça dépend de ce qu’en pense Richard !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Sur cet amendement, je préfère donc m’en remettre à la sagesse de l’Assemblée. Juridiquement et économiquement, ce texte raterait sa cible ; l’impôt n’aurait aucun rendement, il affaiblirait notre pays et pourrait convaincre les entrepreneurs que nous préférerions les voir verser des dividendes pour l’acquitter plutôt que d’investir dans leurs entreprises. Je laisse donc votre assemblée juger cet amendement avec conscience et rigueur : il ne manque pas d’intérêt, mais c’est aux parlementaires de jouer leur rôle vis-à-vis d’une proposition qui, je le répète, ne produira pas les effets qu’escomptent ses défenseurs.
M. Gabriel Attal
Ce serait pire !
Mme la présidente
La parole est à Mme Ségolène Amiot.
Mme Ségolène Amiot
Je rappelle que cet impôt concerne des foyers fiscaux qui, s’ils devaient voir leur patrimoine taxé à 99 %, resteraient quand même millionnaires ! Quant à Bernard Arnault, il serait toujours milliardaire… Or le plancher d’imposition est fixé ici à 2 %, pas à 99 % ; c’est donc y aller un peu fort que de parler de confiscation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Paul Mattei.
M. Jean-Paul Mattei
Il ne faut pas s’étonner du périmètre de l’imposition proposée : il correspond exactement à celui de l’ISF, dans le cas d’un couple vivant en concubinage. À l’évidence, il s’agit ici d’un ISF sur le patrimoine professionnel, les auteures de la proposition de loi s’étant inspirées de la loi sur l’IFI et des anciennes dispositions relatives à l’ISF.
L’amendement no 55 me paraît intéressant, car il vise à taxer le flux plutôt que le stock – le patrimoine immobile. Mais j’y insiste : ce texte, s’il était adopté, poserait un grave problème d’attractivité. Nous aurions à constater un exil fiscal, qui était modéré jusque-là, puisque la proposition de loi vise à instaurer un ISF dont le taux serait supérieur à la tranche marginale de l’IFI, de 1,5 %. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem et EPR.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 55.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 205
Nombre de suffrages exprimés 166
Majorité absolue 84
Pour l’adoption 44
Contre 122
(L’amendement no 55 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Mathieu Lefèvre, pour soutenir l’amendement no 45.
M. Mathieu Lefèvre
Je veux souligner les incohérences de ce texte et son caractère confiscatoire. J’entendais Mme Amiot nous dire : « Taxons 99 % du patrimoine, après tout, ce ne sera pas si grave ! »
Mme Ségolène Amiot
Ce n’est pas ce que j’ai dit !
M. Gabriel Attal
Si !
M. Mathieu Lefèvre
A-t-elle relu la décision du Conseil constitutionnel relative à la loi de finances pour 2013 que ses amis socialistes avaient fait voter ? Le Conseil a estimé que ce qui est considéré comme confiscatoire n’est pas une taxe, mais la somme de toutes les impositions, dès lors qu’elle atteint les deux tiers du revenu.
Heureusement que nous vivons dans un pays où le droit de propriété est reconnu comme fondamental ! Pourtant, vous voulez le bafouer puisque vous n’entendez pas taxer le rendement du capital, mais le capital lui-même.
Mme Naïma Moutchou
Eh oui !
M. Mathieu Lefèvre
Or ce n’est pas du tout le projet défendu par Gabriel Zucman, encore moins celui du gouvernement, lequel est conforme à la Constitution et de nature à préserver l’attractivité du pays. Il faut distinguer l’imposition minimale et l’imposition différentielle, que défend courageusement Amélie de Montchalin.
Enfin, madame la rapporteure, vous n’avez pas répondu à la question relative aux biens professionnels, pas plus qu’à celle de Paul Midy sur les entreprises innovantes, fortement valorisées, mais dont la trésorerie est faible.
Mme Eva Sas,, rapporteure
Vous ne maîtrisez pas ces dossiers.
M. Mathieu Lefèvre
Vous n’avez pas non plus expliqué ce que devront faire, demain, les entreprises qui mènent des activités de recherche et développement : seront-elles obligées de distribuer des dividendes ?
Mme Sandra Regol
La rapporteure ne répond pas aux provocations.
M. Mathieu Lefèvre
Qu’avez-vous à dire de la transmission des entreprises ? Son coût est bien plus élevé en France qu’en Allemagne, par exemple, ce qui fait que nos entreprises de taille intermédiaire sont deux fois moins nombreuses – elles sont un peu moins de 6 000 – qu’outre-Rhin.
Vous n’avez pas répondu à toutes ces questions, et pour une raison simple : la proposition de loi que vous vous apprêtez à adopter, avec la bienveillance du Rassemblement national (Exclamations sur les bancs du groupe RN), n’est pas une proposition de loi contre les ultrariches, mais pour l’ultrachômage !
M. Damien Girard
Oh !
M. Sébastien Delogu
C’est nul.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Eva Sas,, rapporteure
L’amendement vise à substituer la taxation des revenus à la taxation du patrimoine : c’est exactement ce qu’il ne faut pas faire ! Actuellement, l’État taxe les revenus, qui sont minimisés par les schémas d’optimisation fiscale : vous n’avez donc rien compris des stratégies d’évitement fiscal des plus riches ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)
Mme Alma Dufour
À l’évidence !
Mme Eva Sas,, rapporteure
Vous n’avez en fait qu’un seul argument, celui de l’exil fiscal : les ultrariches vont quitter le pays, attention, c’est le retour de la Grande Peur ! Mais cet exil fiscal que vous convoquez à tout propos, vous ne le documentez pas.
M. Daniel Labaronne
C’est faux !
Mme Eva Sas,, rapporteure
Sur quoi vous basez-vous ? La seule indication que nous ayons à ce sujet, c’est que lorsque l’ISF était en vigueur, 0,2 % des contribuables qui y étaient soumis quittaient la France ; voilà la réalité. L’exil fiscal est un mythe. Citons également le cas de la Suède, qui a allégé son impôt sur la fortune en 2007 : une étude récente a montré que cette mesure n’avait pas provoqué un retour des exilés fiscaux.
M. Sylvain Berrios
S’ils sont bien là où ils sont, ils ne vont pas revenir !
Mme Eva Sas,, rapporteure
Il n’y a pas d’effet, ou alors marginal, à la hausse ou à la baisse. La taxation des plus riches n’a pas l’impact que vous lui prêtez et l’exil fiscal, votre seul argument pour protéger les milliardaires, n’est qu’un fantasme. On ne peut pas à chaque fois se cacher derrière son petit doigt !
De surcroît, nous avons déjà répondu à votre argument : l’exit tax doit permettre de maintenir pendant cinq ans l’imposition des contribuables expatriés. Et pourtant, vous avez cherché à la supprimer ! Alors que nous voulons freiner l’exil fiscal, vous l’encouragez en indiquant à ceux qui seraient tentés qu’ils peuvent quitter le pays et payer moins d’impôt ailleurs.
Vous n’avez d’autre argument que la menace de l’exil fiscal, un fantasme. Votre seul but est de protéger les milliardaires. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)
M. Gabriel Attal
Vous ne répondez à aucune question.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Cessons de comparer ce qui n’est pas comparable : les effets, les mouvements induits par une mesure qui consisterait à imposer cent fois moins de contribuables à un taux cinq fois plus élevé ne peuvent être rapportés à ceux de l’ISF.
Mme Dominique Voynet
Oui, la mesure vise des contribuables beaucoup plus riches !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
La proposition de loi concernait 1 800 personnes seulement, alors que 385 000 contribuables étaient assujettis à l’ISF quand il était en vigueur.
M. Nicolas Sansu
Ce n’est pas la même chose.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Précisément. Dès lors, vous ne pouvez pas vous appuyer sur l’exemple de l’ISF pour soutenir que l’exil fiscal serait marginal.
M. Nicolas Sansu
Mais arrêtez !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Si je vous suis, que se passera-t-il à l’issue des cinq années d’application de l’exit tax ? La sixième année, la France n’aura plus d’entreprises et votre impôt n’aura plus aucun rendement ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. Nicolas Sansu
Et il pleuvra des grenouilles ?
Mme Dominique Voynet
Ce serait la preuve que ces gens-là n’ont d’autre valeur que l’argent.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Pourquoi le sujet des biens professionnels est-il important, comme le disait Paul Midy ? Prenons l’exemple du créateur d’une entreprise cotée, qui découvre une technologie permettant d’anticiper le cancer du sein – par ailleurs une bonne nouvelle pour le pays : la valorisation de son entreprise augmente.
Mme Dominique Voynet
Les start-up ne sont jamais valorisées à hauteur de 100 millions d’euros.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Si ! Je peux d’ailleurs demander à mon équipe de me communiquer les valorisations des licornes françaises cotées sur Euronext. Certaines atteignent plusieurs centaines de millions d’euros !
Reprenons mon exemple : le fondateur de cette entreprise ne se verse aucun dividende et ne perçoit aucun revenu, mais réinvestit tout dans l’entreprise elle-même, à condition – pas toujours vérifiée – qu’elle enregistre un bénéfice net. Vous voyez bien que, dans ce cas, les biens professionnels ne sont pas liés à la possession d’actions, mais à la possession d’actions d’une entreprise qu’il a lui-même créée. Le cas des start-up mérite donc d’être analysé avec précision et son traitement exige évaluation et concertation.
Pour la ministre des comptes publics que je suis, les holdings patrimoniales sont aussi un enjeu. Nous avons lancé il y a quelques jours une concertation juridique et une concertation technique. Nous voulons toucher le bon public, que l’impôt ait du rendement et que les entreprises ne quittent pas la France. La question que vous posez est la bonne, mais la réponse que vous apportez, avec ce dispositif, ne tomberait pas juste. Je le redis, les holdings patrimoniales, quand elles permettent de contourner l’impôt de manière abusive, sont un problème pour le pays.
Mme Christine Arrighi
En sept ans, rien n’a été fait !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je recherche l’efficacité, pas le départ des entreprises et la diminution du rendement. Sur cet amendement, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée, tout en étant résolument opposée à cette proposition de loi, qui ne permettra pas d’atteindre vos objectifs. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
Je soutiens cet amendement qui, comme tous ceux que nous avons défendus, tend à dégonfler cette proposition de loi – nous l’assumons.
Madame la rapporteure, nous sommes heureux que vous ayez commencé à répondre sur le fond, mais un point demeure sans réponse. Il y a six ans, Emmanuel Macron et Bruno Le Maire ont instauré une taxe sur les services numériques, la taxe Gafam. Dans votre rapport, vous indiquez que « la France pourrait ainsi jouer un rôle précurseur dans la taxation minimale des plus riches, comme elle l’a été dans la taxation minimale des multinationales, en instaurant la taxe Gafam » – au passage, je me réjouis que vous saluiez le travail mené par le gouvernement et sa majorité lors de la XVe législature.
Plus tôt dans nos débats, je vous ai rappelé que la valeur que cherchent à capter les Gafam – américains ou chinois – est immobile. Cette valeur, c’est nous, les usagers des réseaux sociaux, les 67 millions de Français. Vous comprenez bien que ces Français ne vont pas quitter le pays !
Or ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement l’exil fiscal, c’est aussi l’attractivité du pays. Avec une telle taxe, les acteurs étrangers qui ont investi en France entre 2017 et 2024 renonceront à s’implanter en France, certains qu’ils seront de passer sous les fourches caudines de votre taxe confiscatoire.
M. Matthias Tavel
On ne les a jamais vus, ces investisseurs !
M. Charles Sitzenstuhl
Pourquoi prenez-vous toujours l’exemple de la taxe Gafam alors que les enjeux ne sont pas les mêmes – immobilité de la valeur d’un côté, mobilité des contribuables de l’autre ?
Mme la présidente
La parole est à Mme Clémentine Autain.
Mme Clémentine Autain
Ce qui fait aussi notre attractivité, c’est notre modèle social, ce sont nos services publics. Pour les faire vivre, il faut partager les richesses, donc il faut trouver de l’argent pour abonder les caisses publiques. Or vous passez votre temps à nous expliquer qu’il ne faut surtout pas imposer les plus fortunés, que la priorité est de réduire la dépense publique. En matière d’attractivité, vous passerez votre tour ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 45.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 203
Nombre de suffrages exprimés 199
Majorité absolue 100
Pour l’adoption 46
Contre 153
(L’amendement no 45 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 10 et 39.
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l’amendement no 10.
M. Fabien Di Filippo
Il tend à supprimer les alinéas 17 et 18 qui prévoient d’inclure les contrats d’assurance, notamment d’assurance vie, dans l’assiette de taxation. Nous sommes à un moment de notre histoire économique où les besoins de financement sont très importants. Hélas, votre présence dans cet hémicycle empêche que les efforts nécessaires soient faits pour juguler la dette publique, financer l’État et préserver la protection sociale. Bien que notre modèle social vive largement à crédit, vous préférez vous reposer sur les générations futures plutôt que d’encourager les placements.
M. Christophe Blanchet
Eh oui !
M. Fabien Di Filippo
C’est une erreur, car souscrire des contrats d’assurance, des plans d’épargne retraite et faire des placements sur les marchés revient à financer, dans une certaine mesure, la dette de l’État. Or votre impôt plancher réduira mécaniquement le montant des sommes placées, enclenchant un cercle vicieux de pénurie des financements de l’État, jusqu’à précipiter le choc contre le mur de la dette ! Les conséquences ne frapperont pas les personnes les plus riches, que vous dénoncez depuis des heures, mais les Français les plus modestes. Sortez au moins de l’assiette les outils financiers qui présentent une utilité ! Leur utilité sera plus grande encore demain, lorsque l’évolution de la démographie aura brisé notre système de retraite par répartition et que les gens n’auront d’autre solution que de placer un peu d’argent pour ne pas vivre dans la misère une fois à la retraite.
Mme la présidente
La parole est à M. Mathieu Lefèvre, pour soutenir l’amendement no 39.
M. Mathieu Lefèvre
Il s’agit de sortir de l’assiette l’assurance vie, dont chacun sait qu’elle comble les besoins de financement de l’État français et des administrations publiques.
Madame la rapporteure, vous ne m’avez pas répondu sur le caractère confiscatoire de votre taxe, qui n’est pas plafonnée. M. Di Filippo et moi-même cherchons seulement à vous alerter sur cet aspect juridique…
Mme Sandra Regol
À d’autres !
M. Mathieu Lefèvre
Nous écrivons la loi. Or, dans le considérant 87 de sa décision de décembre 2012 portant sur la loi de finances pour 2013, après que la majorité socialiste de l’époque avait renforcé l’ISF, le Conseil constitutionnel soulignait la nécessité d’un tel plafonnement. Où est le plafond dans ce texte ? Je n’en vois pas !
Vous avez également évoqué une fiscalité de 28 %, oubliant de tenir compte de l’ensemble des impositions. Dans la même décision, considérant 18, le Conseil constitutionnel précise pourtant qu’il faut additionner les impôts sociaux, nationaux, locaux, les impôts sur le revenu et sur le patrimoine pour apprécier le caractère confiscatoire d’une imposition. Ce n’est pas ce que vous faites. Aussi convient-il à tout le moins de sortir les contrats d’assurance de l’assiette de cet impôt confiscatoire.
(À dix-huit heures trente-cinq, Mme Nadège Abomangoli remplace Mme Clémence Guetté au fauteuil de la présidence.)
Présidence de Mme Nadège Abomangoli
vice-présidente
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?
Mme Eva Sas, rapporteure
J’y suis évidemment défavorable. L’étude menée sur le cas suédois a clairement montré qu’il ne sert à rien de supprimer l’impôt sur la fortune. Ses auteurs soulignent que « même en tenant compte des externalités sur d’autres impôts, les réactions migratoires induites par l’ISF sont à elles seules bien trop faibles pour que son abolition soit rentable ». L’article d’Alternatives économiques qui rend compte de cette étude précise que « pour chaque couronne suédoise de recette fiscale supplémentaire, prélevée mécaniquement via la hausse du taux de l’ISF, seulement 0,24 couronne est perdue en raison des départs à l’étranger des potentiels assujettis ». L’exil fiscal n’a donc aucun effet significatif. Les arguments qui sont avancés ne correspondent à aucune réalité. Vous n’avez à ce jour aucun exemple, dans aucun pays, à nous donner. (Exclamations sur les bancs du groupe EPR.)
M. Paul Midy
En Norvège, l’exil fiscal a coûté 50 milliards d’euros !
Mme Eva Sas, rapporteure
C’est tout à fait faux. Il n’existe aucun exemple d’une perte de base fiscale significative due à l’exil fiscal !
S’agissant de la taxation mondiale des multinationales, nous avons ouvert la voie en instaurant la taxe Gafam. Nous voulons faire la même chose avec les personnes physiques, en instaurant une taxation minimale au niveau international. Vous n’avez pas l’air d’y croire, puisque vous répétez sans cesse que cela entraînerait un exil fiscal ; si vous y étiez favorable, vous ne parleriez pas d’exil fiscal, car les milliardaires n’auraient alors nulle part où aller pour échapper à l’impôt…
Il y a néanmoins des signes encourageants : Gabriel Zucman a remis son rapport au G20, et le gouvernement français a appuyé son initiative. J’espère que vous y êtes également favorables et que vous allez défendre cette proposition car vous n’avez pas l’air disposés à le faire !
M. Emmanuel Mandon
Si, on en a parlé !
Mme Eva Sas, rapporteure
L’Espagne, la Belgique, l’Allemagne dans une certaine mesure, ont soutenu l’idée d’une taxation minimale des plus riches. Nous pourrions au moins prévoir une action concertée. Elle réduirait évidemment les conséquences de l’exil fiscal sur l’assiette fiscale.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
La dimension internationale de ces initiatives est effectivement très importante. Lorsque la base fiscale est mobile, comme dans le cas des 1 800 contribuables que vous cherchez à atteindre, il est primordial de se coordonner au niveau international. L’exemple de la taxe Gafam est différent, M. Sitzenstuhl l’a rappelé, car les entreprises du numérique veulent rester en France : il fallait faire en sorte qu’elles contribuent à l’effort national alors qu’elles ne disposent pas toujours, au départ, d’un établissement fiscal en France.
Je voudrais expliciter la position de la France au G20. Le G20 finances se réunit d’ailleurs en présence d’Éric Lombard la semaine prochaine en Afrique du Sud. La France, le Brésil et d’autres pays se sont engagés à appliquer le pilier 3 de l’OCDE.
Le pilier 1 vise les entreprises qui n’ont pas d’établissement stable, donc plutôt celles du numérique. On en connaît désormais les paramètres et ce pilier 1 est progressivement mis en œuvre. Le pilier 2 vise à imposer un taux minimum d’imposition aux très grandes entreprises. En octobre 2021, grâce au fort soutien de Bruno Le Maire et d’Emmanuel Macron, près de 140 pays se sont ainsi accordés sur un taux minimum de 15 %.
Le pilier 3 sur la taxation des plus riches doit suivre la même procédure. Il faut d’abord collecter des données : quels impôts sont acquittés par les milliardaires dans les différents pays ? Puis il faut comparer ces données, ce qui suppose de les rendre comparables, car ces impôts sont très différents. Ensuite, il faut estimer les possibilités de fuite devant l’impôt liées aux différents régimes fiscaux. Enfin, mais seulement au terme de ce travail méthodique, viendra le temps de la négociation, destinée à instaurer un taux minimum et un taux différentiel. La proposition formulée par Gabriel Zucman n’a de sens qu’à condition d’être coordonnée. Sinon, il se passera la même chose que ce qui s’est déjà passé avec les entreprises, qui trouvaient un paradis fiscal où s’installer, faisant disparaître la base fiscale sans que les États gagnent quoi que ce soit.
Éric Lombard défendra au G20 finances cette position, que nous avons déjà défendue au sein de l’OCDE – j’en sais quelque chose, je l’ai fait pendant deux ans. Bref, nous ne renonçons pas à faire progresser le pilier 3 de la réforme fiscale internationale. À l’échelle nationale, nous cherchons le mécanisme approprié, en respectant un cadre – celui de la stabilité des impôts et des bases –, afin de lutter contre les contournements abusifs. Je vous présenterai le résultat de nos travaux dans deux mois : ce n’est pas remis aux calendes grecques ! Quant à notre position internationale, il me semble l’avoir présentée clairement devant vous. Je m’en remets donc à la sagesse de votre assemblée sur ces deux amendements identiques.
Mme la présidente
La parole est à Mme Mathilde Feld.
Mme Mathilde Feld
C’est formidable : à l’écouter, le gouvernement aurait des solutions pour tout ! On se demande ce qu’il a bien pu faire depuis sept ans et comment nous en sommes arrivés là. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Vos grands cours d’économie seraient peut-être audibles si l’économie française était florissante. Que s’est-il donc passé ces sept dernières années ? (Mêmes mouvements.)
M. Mathieu Lefèvre
Comment cela se passerait avec vous ?
Mme Mathilde Feld
Si aucun pays ne se lance, cette imposition ne verra jamais le jour. Soyons fiers d’être des pionniers ! Je rappelle qu’une personne sur sept vit avec moins de 1 102 euros dans ce pays. Ces gens consomment l’ensemble de leur revenu et payent des impôts sur la totalité, car ils payent la TVA. (Mêmes mouvements.) Ce n’est pas le cas des milliardaires, qui ne payent des impôts que sur une partie ridicule de leur revenu, ne serait-ce que parce qu’il est humainement impossible de consommer intégralement ce qu’ils gagnent. Revenons à la vraie vie ! On parle de consentement à l’impôt, de justice fiscale, je vous prie de voter cette proposition de loi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Daniel Labaronne. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP. – Sourires.)
Mme Mathilde Panot
Le capital va s’exprimer !
M. Antoine Léaument
Le « capitâl », tu veux dire !
M. Daniel Labaronne
Madame la rapporteure, vous prétendez qu’il n’existe pas d’étude sur la réduction de l’assiette fiscale causée par l’exil fiscal. Connaissez-vous le rapport final (Plusieurs députés du groupe LFI-NFP se moquent de l’intonation de l’orateur) du Comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital ? (Mêmes mouvements. – Rires.) J’ai eu l’honneur de faire partie de ce comité et d’y représenter l’Assemblée nationale. (Mêmes mouvements.)
Mme la présidente
Laissez parler M. Labaronne, s’il vous plaît.
M. Daniel Labaronne
Que trouve-t-on dans ce rapport ? Ce que tout le monde sait sauf vous, apparemment : le régime français de fiscalité du capital est le plus punitif, le plus contraignant des pays développés !
M. Maxime Laisney
Cela n’empêche manifestement pas les milliardaires de s’enrichir !
M. Daniel Labaronne
Dans ce rapport, il est aussi question de l’évolution des départs à l’étranger, et des retours des contribuables assujettis à l’IFI. La France a connu un exil fiscal massif sous la présidence de François Hollande, lorsque des mesures confiscatoires ont été prises !
Mme Eva Sas, rapporteure
Citez le rapport !
M. Daniel Labaronne
C’est dedans, madame ! Je peux vous citer précisément les chiffres, si vous le souhaitez !
Mme Eva Sas, rapporteure
Allez-y !
M. Daniel Labaronne
Grâce à nos dispositifs fiscaux visant à alléger la fiscalité du capital – à l’alléger, non à la supprimer ; rassurez-vous, elle reste à un niveau élevé ! –, le pays a vu revenir des exilés fiscaux. Ne dites donc pas qu’il n’existe pas d’étude sur le sujet. Expliquez-moi aussi pourquoi nous avons été, pendant quatre années consécutives, le premier pays d’accueil des investissements directs étrangers.
M. Hadrien Clouet
Grâce à nos services publics !
(Les amendements identiques nos 10 et 39 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l’amendement no 11.
M. Pierre Pribetich
Défendu !
M. Fabien Di Filippo
Devant l’insistance de mes collègues du Nouveau Front populaire, je vais défendre l’amendement : je ne voudrais surtout pas les décevoir !
M. Antoine Léaument
C’est trop tard !
M. Fabien Di Filippo
L’amendement vise à supprimer les alinéas 19 à 22, qui incluent des biens privés – essentiellement des biens d’habitation – dans l’assiette de cet impôt. Je comprends votre volonté d’élargir le plus possible l’assiette de l’impôt, pour qu’un maximum de contribuables soient touchés ; ils auront bien du mérite à rester en France si un tel texte devait s’appliquer.
Je reprends l’exemple précédent pour illustrer la nocivité d’une telle mesure. Notre entrepreneur voit donc sa société valorisée à 100 millions d’euros.
M. Emmanuel Duplessy
Ils sont peu dans ce cas, tout de même !
M. Fabien Di Filippo
Comment calculez-vous cette valorisation ? On ne le sait toujours pas, la rapporteure est incapable de nous l’expliquer. Raisonnons donc de façon théorique. Cette société ne verse pas de dividendes puisque c’est le début de son activité. Comme son créateur doit verser 2 % de ce qu’il possède, soit 2 millions d’euros, il lui faudra vendre des biens personnels, y compris sa maison. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Avec votre texte, les personnes qui fondent des entreprises ou des start-up à succès n’ont même plus le droit d’avoir une voiture ou une maison. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Mme Danielle Simonnet
Une voiture à 2 millions d’euros ?
M. Fabien Di Filippo
Bien sûr, cela ne vous fera pas pleurer. Vous avez l’indignation sélective. Pourtant, ce que j’essaye de vous expliquer, c’est qu’en incluant les biens professionnels, vous placez les gens dans une situation inextricable : la valeur d’une société ne correspond pas à un revenu dont on peut immédiatement jouir. Vous devez intégrer cette dimension dans votre raisonnement.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Eva Sas, rapporteure
Défavorable.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du tourisme, pour donner l’avis du gouvernement.
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée chargée du tourisme
Sagesse.
Mme la présidente
La parole est à Mme Clémentine Autain.
Mme Clémentine Autain
Le groupe Écologiste et social votera contre l’amendement.
Mme la présidente
La parole est à M. Laurent Jacobelli.
M. Laurent Jacobelli
Notre débat est crucial : il porte sur l’adhésion à l’impôt, sur le juste impôt, celui qui permet de financer notre modèle social et d’investir. Cependant, l’impôt qui semble davantage vous plaire, c’est l’impôt confiscatoire,…
M. Damien Girard
Confiscatoire, à 2 % ?
M. Laurent Jacobelli
…celui qui nuit à l’économie, à tous les Français et d’abord aux plus pauvres. Face à ce débat passionnant et fondamental, je m’étonne du silence de Mme le rapporteur. Madame, on connaissait votre mépris envers le Rassemblement national, mais vous refusez même de répondre à un collègue du groupe DR !
Mme Eva Sas, rapporteure
J’ai répondu !
M. Laurent Jacobelli
Comme si la question fiscale était pour vous une question réservée, dont seules la gauche et l’extrême gauche pouvaient traiter ; comme s’il s’agissait d’un outil sadique pour s’en prendre à ceux qui gagnent de l’argent en France et font tourner l’économie !
M. Paul Midy
Vous n’avez qu’à voter contre le texte !
M. Laurent Jacobelli
Madame, sortez de votre mutisme ! Les Français veulent comprendre les raisons de cet acharnement fiscal : levez-vous et répondez ! Votre silence est assourdissant.
Mme Sandra Regol
Elle n’a pas à vous obéir !
(L’amendement no 11 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l’amendement no 13.
Mme Dominique Voynet
Pour changer !
M. Fabien Di Filippo
Il est temps d’aborder une question décisive : celle de la concentration de l’impôt en France.
M. Damien Girard
Et la concentration des amendements dans cette assemblée ?
M. Fabien Di Filippo
Vous semblez penser qu’il y a des gens très riches qui n’en payent pas et des gens très pauvres qui payent tout. Les propos tenus par Mme Feld, du groupe La France insoumise, sont aberrants du point de vue économique : elle affirme que les petits revenus payent l’impôt sur l’ensemble de ce qu’ils gagnent. Elle confond impôt et taxes.
M. Pierre-Yves Cadalen
Ce sont des prélèvements obligatoires !
M. Fabien Di Filippo
Vous êtes toujours les premiers à vouloir augmenter les taxes, en refusant de les remettre en question. Ceux qui gagnent de petits revenus ne payent pas l’impôt sur l’ensemble de ce qu’ils gagnent : ils ne payent pas d’impôt sur le revenu, ils payent des taxes sur l’ensemble de ce qu’ils consomment, comme tous les Français.
Mme Mathilde Feld
Comme ils consomment l’intégralité de leur revenu, ils payent davantage de taxes !
M. Fabien Di Filippo
Vous faites un amalgame entre impôt et taxe. S’agissant de la concentration de l’impôt, environ 44 % des foyers français le payent, soit moins d’un sur deux.
M. Nicolas Sansu
Et alors ?
M. Fabien Di Filippo
Vous pouvez prendre le micro pour me répondre, cela me fera très plaisir !
Mme Sandra Regol
Nous ne sommes pas là pour vous faire plaisir !
M. Fabien Di Filippo
En dix ans, la part des foyers fiscaux assujettis à l’impôt sur le revenu a baissé de deux points. Cela signifie qu’en France, la levée de l’impôt se concentre sur un nombre de plus en plus réduit de personnes. Le nombre de foyers fiscaux exonérés de tout impôt a progressé de 5,8 millions – c’est énorme.
Mme Christine Pirès Beaune
Et le produit de la TVA ?
M. Fabien Di Filippo
En revanche, le nombre de foyers fiscaux assujettis à l’impôt n’a progressé que de 0,4 million. Cela signifie que le mouvement de concentration de l’impôt sur une minorité de Français est de plus en plus prégnant. Et vous venez en rajouter une couche ! Ce que nous souhaitons, c’est que les Français puissent jouir librement du fruit de leur travail, à tous les niveaux de l’échelle sociale : cela s’appelle la liberté économique.
M. Laurent Jacobelli
Ils n’aiment pas la liberté !
M. Fabien Di Filippo
Vous êtes les premiers à pleurer…
Mme la présidente
Votre temps de parole est écoulé.
M. Fabien Di Filippo
Alors je reviendrai tout à l’heure, madame la présidente !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Eva Sas, rapporteure
Défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée
Sagesse.
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Le Coq.
M. Aurélien Le Coq
Monsieur Di Filippo, ce n’est pas en répétant dix, vingt ou cent fois un mensonge qu’il deviendra une vérité ! Les plus riches de ce pays, il est temps de vous en rendre compte, payent en proportion moins d’impôt sur le revenu que les plus pauvres. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Les milliardaires payent moins de 2 % d’impôt sur leurs revenus. Lorsqu’on nous explique que le montant des impôts est très élevé en France, c’est en faisant référence aux taux nominaux. Or la réalité est que ces taux ne sont pas effectifs, parce que les plus riches fuient ou esquivent l’impôt. (Mêmes mouvements.) Je le répète, les plus riches payent moins d’impôt sur le revenu que les autres, et les milliardaires en payent vingt fois moins. Et même en considérant l’ensemble des prélèvements obligatoires, les milliardaires en payent deux fois moins que le reste de la population.
Je tiens à répondre à M. Sitzenstuhl. Il affirme que la magnifique politique d’Emmanuel Macron et de Bruno Le Maire, à laquelle il est très fier d’avoir participé, a permis, en baissant les impôts et en instaurant partout des exonérations, de rapporter finalement davantage à l’État. C’est vrai, les recettes fiscales ont augmenté entre 2017 et 2024, passant de 292 milliards à 345 milliards d’euros. Seulement, cette augmentation est principalement due à celle de la TVA, qui est passée de 156 milliards en 2016 à 217 milliards en 2024, soit plus de 60 milliards d’augmentation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs du groupe EcoS.) La réalité, c’est que l’argent qui rentre dans les caisses de l’État est prélevé sur les plus pauvres et sur les travailleurs ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Mathieu Lefèvre.
M. Mathieu Lefèvre
Je donnerai deux chiffres à M. Le Coq : en France, 40 000 contribuables acquittent 13 % de l’impôt sur le revenu…
M. Nicolas Sansu
Il n’y a pas que l’impôt sur le revenu, arrêtez !
M. Mathieu Lefèvre
…et 10 % des foyers fiscaux assujettis à l’impôt sur le revenu acquittent 70 % de son produit.
Mme Delphine Batho
Et la TVA ?
M. Mathieu Lefèvre
Ce sont les statistiques publiées par la direction générale des finances publiques ; peut-être irez-vous jusqu’à les contester, monsieur Le Coq ?
Par ailleurs, madame Sas, vous avez indiqué qu’il n’existait pas d’étude sur les départs et les retours de contribuables assujettis à l’ISF. Or un rapport de la DGFIP produit à la demande du Parlement indique qu’en 2014, on comptait 915 départs pour 311 retours, tandis qu’en 2018, une fois l’ISF supprimé, on comptait une centaine de départs pour 240 retours. Pour reprendre votre expression, M. Le Coq, répéter une contrevérité n’en fait pas une vérité.
(L’amendement no 13 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l’amendement no 14.
M. Fabien Di Filippo
J’ai peut-être aujourd’hui tenu un petit peu plus le micro que mes collègues. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
M. Alexis Corbière
On ne l’a pas remarqué !
M. Fabien Di Filippo
Mais c’est que je n’ai pas encore réussi à tous vous convaincre ! Je vais donc continuer.
M. Alexis Corbière
Cela risque de durer longtemps !
M. Fabien Di Filippo
Il est une chose dont je peux me targuer aujourd’hui : ne pas avoir prononcé le moindre mensonge depuis ce matin…
Mme Sophie Taillé-Polian
Parce que les autres jours, ce n’est pas pareil ? C’est votre jour de vérité ?
M. Fabien Di Filippo
…et être resté relativement équilibré et factuel dans mes propos. Ce n’est pas parce que mes questions ne vous plaisent pas ou qu’elles ne reçoivent pas de réponse qu’elles constituent des mensonges !
Le problème n’est pas que vous taxiez trop les revenus de certaines personnes ; elles sont déjà, en France, excessivement taxées, puisque certaines payent plus de la moitié de leurs revenus sous forme d’impôt.
Mme Clémentine Autain
Oui, c’est le cas de la majorité des Français !
M. Mickaël Bouloux
Mais pas des riches !
M. Fabien Di Filippo
C’est l’intégration des biens professionnels dans l’assiette de cette taxe qui pose problème. Vous êtes les premiers à pleurer quand une usine ferme.
M. Alexis Corbière
Vous, non ?
M. Fabien Di Filippo
Vous enfilez alors l’écharpe tricolore pour aller défiler avec les salariés. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Mais permettez-moi de vous décrire un mécanisme économique très simple et rationnel : le chef d’entreprise qui a bâti des usines, à qui vous voulez demander de donner chaque année 2 % de tout ce qu’il possède, finira par s’exiler.
Mme Christine Arrighi
Pour aller où ?
M. Laurent Alexandre
Parce qu’actuellement, aucun ne se barre à l’étranger ?
M. Fabien Di Filippo
Pensez-vous que quelqu’un qui part vivre dans un autre pays, où il bénéficie d’autres conditions, continuera à ouvrir des usines en France ? Beaucoup d’usines sont là parce que leurs dirigeants, historiquement, sont implantés en France, s’y sentent bien et continuent de défendre notre pays. Il ne faut pas caricaturer cette situation. Si, demain, ils partent vivre au Portugal, au Luxembourg ou ailleurs, leurs investissements iront dans d’autres pays où la main-d’œuvre est à bas coût.
Mme Alma Dufour
Allez voir les ouvriers, il y en a 300 000 sur le carreau !
M. Fabien Di Filippo
Vous êtes en train d’assassiner la production française. La deuxième chose, qui montre que c’est vous qui mentez, monsieur Le Coq, c’est que…
Mme la présidente
Merci, monsieur le député !
M. Fabien Di Filippo
Alors je reviens tout à l’heure pour ce deuxième point !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Eva Sas, rapporteure
Défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée
Sagesse.
Mme la présidente
La parole est à M. Marc de Fleurian.
M. Marc de Fleurian
Je veux répondre à M. Le Coq qui a évoqué, à juste titre, la justice fiscale. Il a mentionné l’impôt sur le revenu que les plus riches réussiraient à esquiver.
Mme Alma Dufour
Même la ministre le dit.
M. Marc de Fleurian
C’est une question intéressante. M. Le Coq a également évoqué la taxation de la consommation, dont on sait qu’elle touche davantage les milieux populaires et les gens les plus modestes. C’est aussi une question intéressante. À ces deux questions pertinentes, celle de l’imposition des revenus – c’est-à-dire un flux entrant – et celle de la taxation de la consommation – c’est-à-dire un flux sortant –, vous répondez par une proposition de loi qui vise à taxer le patrimoine, c’est-à-dire un stock.
M. Nicolas Sansu
Le stock que nous entendons taxer est l’équivalent du flux !
M. Marc de Fleurian
Quel est le lien entre l’éventuelle injustice – dont il est légitime de débattre – représentée par la taxation d’un flux entrant et celle d’un flux sortant, et la taxation d’un stock ? J’aimerais qu’on m’explique.
M. Sylvain Berrios
Sans explication, ils vont s’abstenir !
Mme la présidente
La parole est à M. Daniel Labaronne.
M. Daniel Labaronne
J’ai évoqué le quatrième rapport du Comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital, publié en octobre 2023. Il y est précisé, page 21 : « La même analyse est menée sur les départs à l’étranger et les retours d’entrepreneurs. Un effet favorable est également trouvé – à la baisse sur les départs, à la hausse sur les retours […]. »
Je voudrais revenir sur l’augmentation des recettes fiscales due à la TVA : c’est une excellente nouvelle !
M. Nicolas Sansu
C’est dû à l’inflation !
Mme Alma Dufour
Comment pouvez-vous dire ça ? La pauvreté des Français est une bonne nouvelle ?
M. Daniel Labaronne
C’est le fruit de la politique de l’offre que Bruno Le Maire a conduite sous l’autorité du président de la République ! En effet, davantage de TVA signifie davantage de valeur ajoutée. Or la somme des valeurs ajoutées, c’est le produit intérieur brut ! Donc une croissance de la TVA signifie une croissance du PIB, ce qui veut dire que notre économie a engendré davantage de consommation finale…
Mme Alma Dufour
Si les gens n’ont pas à manger, c’est une bonne nouvelle ? Ça suffit, maintenant !
Mme la présidente
S’il vous plaît, laissez l’orateur s’exprimer !
M. Daniel Labaronne
S’il y a eu plus de TVA, c’est qu’il y a eu davantage de valeur ajoutée, donc plus de croissance, alimentée par la consommation et l’investissement des ménages, ainsi que par l’investissement public et privé. C’est le signe que notre politique de l’offre a réussi.
M. Nicolas Sansu
Vous avez perdu les élections !
M. Daniel Labaronne
Grâce à elle, nous avons pu créer des emplois, réindustrialiser notre économie et attirer des entrepreneurs étrangers sur notre sol au point que, pendant quatre années consécutives, la France a été en Europe le premier pays d’accueil des investissements directs étrangers. Il est donc normal que les recettes de la TVA augmentent.
(L’amendement no 14 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Mathieu Lefèvre, pour soutenir l’amendement no 40.
M. Mathieu Lefèvre
Il vise à supprimer l’alinéa 25, qui étend la double présomption de propriété à l’impôt plancher sur la fortune.
Permettez-moi de vous faire part de ma circonspection vis-à-vis de l’attitude du Rassemblement national. Celui-ci manifeste, par la voix de M. Di Filippo, sa désapprobation de cette taxe…
M. Laurent Jacobelli
Il n’est pas encore au Rassemblement national !
M. Mathieu Lefèvre
…tout en s’apprêtant à la laisser voter. Cherchez l’incohérence.
Vous n’avez toujours pas répondu, madame la rapporteure, aux questions portant sur la constitutionnalité de cet impôt : j’en suis très inquiet, et j’en tire la conclusion que vous n’avez pas d’argument à nous opposer au sujet du plafonnement. Vous n’avez pas non plus d’argument à propos du cumul des impositions, qui, comme le Conseil constitutionnel l’a indiqué, ne doit pas dépasser un certain niveau. Pas d’argument non plus sur la question de la liberté de circulation entravée par la nouvelle exit tax que vous voulez instaurer. Vous n’avez, enfin, aucun argument relatif à l’atteinte manifeste au droit de propriété dont se rend coupable cette proposition de loi.
Je suis inquiet de voir que la loi s’écrit sur un coin de table, que des parlementaires hostiles au texte le laisseront finalement passer, et que ceux qui souhaitent le voir adopter n’ont aucune conscience de ses conséquences, tant juridiques qu’économiques.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Eva Sas, rapporteure
Défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée
Sagesse.
Mme la présidente
La parole est à Mme Alma Dufour.
Mme Alma Dufour
Entendre ce genre de leçons de la part d’un bloc responsable d’une telle catastrophe économique, ce n’est plus supportable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Vous savez ce qui est fait sur un coin de table ? Vos prévisions de croissance, que l’OCDE dément depuis deux ans, vos prévisions de déficit – à 4,4 % pour l’année 2024, quand nous l’avons finie à 6 % ! Avec 67 000 faillites l’an passé, la France a battu un record historique ! Et quand 300 000 emplois sont en train d’être détruits, vous osez venir donner des leçons d’économie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs des groupes SOC et EcoS.)
M. François Cormier-Bouligeon
Mensonges !
Mme Alma Dufour
Vous venez de vous féliciter de l’augmentation des recettes de la TVA, mais c’est la pauvreté des Français dont vous vous réjouissez – pauvreté qui touche maintenant les classes moyennes. Vous vous réjouissez de ce qu’une personne sur deux n’arrive plus à faire ses courses quand vient le quinze du mois ! Vous êtes complètement hors-sol, et c’est pour cela que les Français ne veulent plus de vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. François Cormier-Bouligeon
C’est mieux qu’au Venezuela !
Mme la présidente
La parole est à M. Marc de Fleurian.
M. Marc de Fleurian
Vous avez évoqué tout à l’heure, monsieur Lefèvre, notre possible abstention sur ce texte de loi – la question est compliquée car nous, nous étions d’accord pour taxer les surprofits, qui sont un flux. Vous nous reprochez notre abstention et vous nous accusez de ne pas faire preuve de constance dans nos votes : que penser de telles remontrances quand on sait que vous et vos amis du bloc central étiez absents de la discussion budgétaire ? Il n’y avait personne ! Vous avez laissé passer un budget NFP-compatible, un budget de prédation. (Protestations sur les bancs du groupe EPR.)
M. Charles Sitzenstuhl
Et vous, vous l’avez voté !
Mme Mathilde Panot
Allez régler vos comptes à la buvette !
M. Antoine Léaument
Envoyez-vous des SMS !
M. Marc de Fleurian
Contrairement à vous, nous sommes présents lors des discussions budgétaires. Si vous vouliez éviter la catastrophe budgétaire – dont vous êtes responsables –, si vous vouliez permettre à notre pays de retrouver sa santé financière et budgétaire, il aurait fallu accepter de travailler avec nous pendant ces discussions, au lieu de remettre le budget, du fait de votre absence, entre les mains de l’extrême gauche et de le laisser ainsi sombrer.
(L’amendement no 40 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Sur l’amendement no 15, je suis saisie par le groupe UDR d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour le soutenir.
M. Fabien Di Filippo
Cette demande de scrutin public me touche beaucoup car elle témoigne, chers collègues, de l’importance que revêt auprès de vous la suppression de l’alinéa 26.
Beaucoup de choses ont déjà été dites à l’occasion de la défense du précédent amendement, mais je souhaite revenir sur notre débat – c’était une promesse faite à M. Le Coq, et sachez que je ne manque jamais à mes promesses.
M. Le Coq nous a dit – mauvaise foi, ?illères, prisme idéologique déformant, que sais-je ? – que les populations les plus pauvres payaient, en France, beaucoup plus d’impôt sur le revenu que les plus riches.
M. Antoine Léaument
En pourcentage !
M. Fabien Di Filippo
Je lui rappelle que 56 % des foyers ne payent pas l’impôt sur le revenu.
Plusieurs députés du groupe LFI-NFP
Mais ils paient la TVA !
M. Fabien Di Filippo
Cela étant dit, la concentration fiscale se fait de plus en plus sur les classes moyennes, celles qui travaillent et ont l’impression de devoir toujours tout payer, se privent de vacances et de loisirs, sans – malheureusement – ne jamais bénéficier d’aucune aide.
M. Vincent Jeanbrun
C’est la vérité !
M. Fabien Di Filippo
Jamais vous ne votez le moindre allégement du fardeau fiscal qui pèse sur ces Français-là ! Vous en conviendrez pourtant, ce sont eux qui portent la France par le travail. Avec cette taxation, vous ne réglerez pas leurs problèmes car tout ce que vous réussirez à faire, nous l’avons démontré, c’est détruire les emplois les mieux rémunérés, ceux-là mêmes qui permettent encore à certains, dans cette classe moyenne, d’avoir des projets et de bâtir, pour leurs enfants et leurs familles, de meilleures conditions d’existence. J’aimerais que vous en preniez conscience, puisque j’ai bien compris que Mme la rapporteure ne répondra pas à mes questions.
M. Vincent Jeanbrun
Très bien !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Eva Sas, rapporteure
Je vais y revenir pour la énième fois – apparemment vous n’avez pas assisté à la présentation du texte et vous n’écoutez de toute façon pas les explications qu’on vous donne.
Vous avez fait dire au Comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital, monsieur Labaronne, des choses qu’il ne dit absolument pas.
M. Daniel Labaronne
J’ai lu son rapport !
Mme Eva Sas, rapporteure
Je vais donc vous citer les chiffres : entre 2011 et 2016, il y a eu en moyenne 950 départs et 370 retours ; entre 2018, année de la transformation de l’ISF en IFI, et 2021, il y a eu en moyenne 260 départs et 380 retours. On constate, en effet, un petit peu plus de retours que de départs, mais vous conviendrez que c’est assez marginal. Le comité explique : « Cette évolution porte toutefois sur de petits effectifs, de l’ordre de quelques centaines, à comparer avec les quelque 150 000 contribuables assujettis à l’IFI. »
M. Mathieu Lefèvre
Votre taxe aussi ne concerne que quelques centaines de personnes !
Mme Eva Sas, rapporteure
Le comité relativise donc l’importance de l’exil fiscal, dans un sens comme dans l’autre. Dans les trois rapports, si vous les avez bien lus, les auteurs indiquent qu’ils n’ont pu détecter aucun impact sur l’économie réelle de ces réformes de la fiscalité du capital. Le comité indique même que « les travaux de recherche n’ont pas détecté d’impact du PFU sur l’investissement et les salaires ».
M. Daniel Labaronne
Mais lisez tout !
Mme Eva Sas, rapporteure
Toute votre démonstration qui consiste à prouver que l’allégement de la fiscalité du capital suscite beaucoup d’investissements en France…
M. Vincent Jeanbrun
C’est pourtant la base, madame la rapporteure !
Mme Eva Sas, rapporteure
…et que son alourdissement se traduirait à l’inverse par des départs – est démentie par les trois rapports du comité.
M. Daniel Labaronne
Que vous n’avez pas lus en entier !
Mme Eva Sas, rapporteure
Relisez ces rapports et arrêtez de leur faire dire n’importe quoi. Avis défavorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée
Sagesse.
Mme la présidente
Je suis saisie de trois demandes de scrutin public, sur l’amendement no 16 par les groupes Rassemblement national et UDR, sur l’amendement no 41 par le groupe UDR.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Claire Marais-Beuil.
Mme Claire Marais-Beuil
Oui, il nous arrive de nous abstenir et sur ce texte, nous avons fait un choix. Mais si vous voulez un vote contre, monsieur Lefèvre, comptez sur les collègues de votre groupe, pas sur nous ! Vous ne cessez de nous dénigrer et vous vous voudriez, avec ça, notre soutien ? (Exclamations sur les bancs du groupe EPR.) Envoyez plutôt à vos amis quelques SMS pour leur demander de revenir en séance. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN et du groupe UDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Cyrielle Chatelain.
Mme Cyrielle Chatelain
Le groupe Écologiste et social suivra l’avis éclairé de la rapporteure Eva Sas et votera contre cet amendement.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 15.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 165
Nombre de suffrages exprimés 164
Majorité absolue 83
Pour l’adoption 59
Contre 105
(L’amendement no 15 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l’amendement no 16.
M. Fabien Di Filippo
Il vise à supprimer les alinéas 27 et 28. Vous le savez, ce n’est pas d’un partage insuffisant des richesses que notre économie souffre,…
M. Inaki Echaniz
Elle souffre du bilan macroniste !
M. Fabien Di Filippo
…mais de la grande complexité du système fiscal et des normes qui l’étouffent. Qu’on ne vous entende plus parler, après un débat comme celui-ci, de l’attractivité de notre pays et de notre économie, arc-boutés que vous êtes sur vos certitudes !
M. Inaki Echaniz
C’est vous qui être butés !
M. Fabien Di Filippo
Tous les rapports montrent à quel point les entreprises et les patrons français sont écrasés sous le poids des normes. Certains affirment que là où, il y a vingt ans, ils passaient une journée par semaine à faire des papiers, ils y passent maintenant quasiment la semaine, voire une partie du week-end.
Mme Eva Sas, rapporteure
Quel rapport ?
M. Fabien Di Filippo
Si vous voulez les aider, il faut agir sur ces sujets. Soupçonner les riches et les entrepreneurs, les taxer par principe de voleurs – comme on l’a fait dans vos rangs tout à l’heure –, ce n’est pas aider l’économie française, ce n’est pas favoriser l’emploi, ce n’est pas inciter à une meilleure rémunération des emplois. Vous voulez les imposer davantage tout en leur demandant de mieux payer leurs salariés ? Vous n’obtiendrez aucun résultat de cette manière. Car d’où vient l’argent ?
M. Antoine Léaument
Du travail des salariés !
M. Fabien Di Filippo
Une entreprise, ça ne fonctionne pas comme l’État français : vous ne pouvez pas emprunter sur les marchés mondiaux en comptant sur la génération suivante pour rembourser. Nous rentrons maintenant dans le dur, la deuxième partie des amendements : nous allons essayer de remettre un peu de réalisme dans tout ça.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Eva Sas, rapporteure
Défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée
Sagesse.
Mme la présidente
La parole est à M. Daniel Labaronne.
Mme Sandra Regol
Di Filippo, Labaronne, Di Filippo, Labaronne !
M. Daniel Labaronne
Je n’ai pas bien compris l’indignation de notre collègue de La France insoumise. Oui, je suis fier de la politique économique que nous avons menée.
M. Pierre Pribetich
Une dette de 3 300 milliards d’euros !
M. Emeric Salmon
Un socialiste qui nous parle de dette ?
M. Daniel Labaronne
Nous avons eu le taux de croissance le plus élevé des pays européens, en dépit des crises sévères auxquelles nous avons été confrontés. Elles nous ont coûté très cher, mais nous avons réussi à protéger aussi bien les Français que notre économie. Nous avons été le premier pays d’accueil des investissements directs étrangers. Nous avons réindustrialisé notre économie. Nous avons créé des emplois. Nous avons réussi à faire baisser le chômage.
M. Inaki Echaniz
Et vous avez perdu les élections !
M. Daniel Labaronne
Cette politique de l’offre, vous n’avez eu de cesse de la critiquer, sans faire aucune proposition constructive pour améliorer la compétitivité de notre économie, sa productivité, son attractivité auprès des investisseurs étrangers. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) C’est nous qui avons mené cette politique, avec les résultats économiques que nous connaissons !
M. Laurent Jacobelli
Il est drôle !
M. Daniel Labaronne
Je salue à nouveau l’action de Bruno Le Maire, sous l’autorité du président de la République. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
Mme la présidente
Un peu de calme ! Sinon, je laisse M. Labaronne parler encore plus longtemps !
M. Daniel Labaronne
J’estime que les réformes que nous avons engagées étaient nécessaires. La libéralisation du marché du travail, la réforme de la fiscalité du capital, le soutien à l’innovation étaient indispensables et ont eu des résultats positifs pour notre économie.
Mme la présidente
La parole est à Mme Clémentine Autain.
Mme Clémentine Autain
Le groupe Écologiste et social votera contre l’amendement.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 16.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 165
Nombre de suffrages exprimés 139
Majorité absolue 70
Pour l’adoption 34
Contre 105
(L’amendement no 16 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Mathieu Lefèvre, pour soutenir l’amendement no 41.
M. Mathieu Lefèvre
Il s’agit d’aligner les modalités d’abattement de cette nouvelle taxe sur celles qui sont retenues pour l’IFI. Pour l’instant, en effet, ces modalités sont moins favorables.
Un mot pour notre collègue du Rassemblement national. Je ne sais pas s’il a lu le programme de Mme Le Pen, mais celle-ci prévoit un impôt sur la fortune immobilière, c’est-à-dire sur un stock. (Protestations sur les bancs du groupe RN.)
M. Laurent Jacobelli
Ah non !
M. Mathieu Lefèvre
Il faudrait vous mettre à la page !
Un mot également pour nos collègues de La France insoumise, qui s’étonnent de l’endettement du pays : pour M. Mélenchon, la dette était totalement annulable et ne représentait donc pas un problème. Je rappelle également qu’à longueur d’interventions, ils proposent des dépenses supplémentaires (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP), sans aucun égard pour les déficits publics, qu’ils se contrefichent des règles européennes (Mêmes mouvements)… Vous voyez, vous applaudissez : au fond, vous partagez avec le Rassemblement national le même mépris du droit européen, la même méconnaissance de la contrainte dans laquelle nous sommes enserrés. On peut certes vivre au pays des rêves, s’imaginer à l’écart du monde et penser qu’on peut dépenser sans compter ; mais il n’y a que des populistes pour y croire – les Français savent bien, eux, que notre dette n’est pas annulable et que nous ne sommes ni un paradis fiscal ni une île. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et HOR.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Eva Sas, rapporteure
Je ne suis pas sûre que vous ayez lu votre propre amendement. En effet, celui-ci propose, s’agissant des résidences principales, d’aligner les modalités d’abattement sur celles qui valent pour l’IFI, en remplaçant l’abattement de 1 million d’euros par un abattement de 30 %. Il favorise donc les contribuables dont les résidences principales coûtent plus de 3,4 millions d’euros. Voilà votre objectif dans la vie ! Le matin, vous vous levez et vous venez dans l’hémicycle pour y défendre les propriétaires de résidences principales dont la valeur dépasse 3,4 millions. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR.) De toute évidence, nous ne poursuivons pas les mêmes buts !
Mme Ayda Hadizadeh
Pas touche aux milliardaires !
Mme Eva Sas, rapporteure
Visiblement, vous n’avez pas non plus écouté la présentation du texte ; je reviens donc sur la question de sa constitutionnalité. Si la proposition de loi ne prévoit pas de plafonnement en fonction des revenus, c’est que c’est précisément en minimisant leurs revenus, et grâce au bouclier fiscal, que les plus riches échappent à l’impôt. Toutefois, elle demeure conforme à la Constitution. D’une part, la décision dont vous parlez est antérieure aux études que nous évoquons,…
M. Mathieu Lefèvre
Et alors ?
Mme Eva Sas, rapporteure
…des travaux de l’Institut des politiques publiques à la présentation de Gabriel Zucman devant le G20, qui démontrent que le bouclier fiscal est utilisé pour contourner l’impôt. D’autre part, dans sa réponse à la QPC de 2011, le Conseil constitutionnel reconnaît que le législateur peut faire obstacle à ce que les contribuables soumis à l’ISF – je cite et je vous prie de prendre note, si possible, car cela m’évitera de répondre plusieurs fois à la même question –…
M. Vincent Jeanbrun
Pas de mépris ni de condescendance, s’il vous plaît !
Mme Eva Sas, rapporteure
…« n’aménagent leur situation en privilégiant la détention de biens qui ne procurent aucun revenu imposable ». L’objet de notre texte est précisément de contrer ces schémas d’optimisation fiscale qui minimisent le revenu. Il y a donc toute chance que le Conseil constitutionnel, suivant sa propre jurisprudence, considère que la proposition de loi est constitutionnelle.
M. Mathieu Lefèvre
Si vous le dites !
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée
Sagesse.
Mme la présidente
La parole est à M. Laurent Jacobelli.
M. Laurent Jacobelli
Cher collègue Lefèvre, non seulement vous ne connaissez pas votre propre amendement, mais vous ne connaissez pas votre programme non plus ! L’impôt sur la fortune immobilière a été créé par Emmanuel Macron et non par le Rassemblement national. Nous souhaitons le supprimer et le remplacer par un impôt sur la fortune financière.
M. Mathieu Lefèvre
C’est vous qui ne connaissez pas votre programme !
M. Laurent Jacobelli
Alors, de grâce, pas de leçons, d’autant que vous ne savez manifestement pas de quoi vous parlez !
En réalité, vous vous en prenez à nous parce que vous ne pouvez pas vous en prendre à vos collègues de gauche et d’extrême gauche : vous menez la même politique, celle de l’asphyxie fiscale. Nous sommes le leader mondial des prélèvements, rapportés au PIB,…
Mme Ayda Hadizadeh
Dans les prélèvements, il y a ceux pour les retraites !
M. Laurent Jacobelli
…nous détenons un record de dette – 3 300 milliards – et le service public dégringole : l’éducation nationale, la santé, la police, la justice. Vous avez placé la France dans une faillite que vous voulez encore accélérer. Libérons les Français, libérons les entrepreneurs, laissons-les créer de la richesse plutôt que de partager la misère ! Tout compte fait, vous êtes les mêmes.
Mme Danielle Simonnet
Et vos propositions pour le seuil d’exemption de TVA ? Vous arrivez à vous regarder dans la glace ?
Mme la présidente
La parole est à Mme Clémentine Autain.
Mme Clémentine Autain
Le groupe Écologiste et social votera contre l’amendement.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 41.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 165
Nombre de suffrages exprimés 158
Majorité absolue 80
Pour l’adoption 51
Contre 107
(L’amendement no 41 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Sur les amendements identiques nos 17 et 42 et sur l’amendement no 18, je suis saisie par le groupe Rassemblement national de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l’amendement no 17.
M. Fabien Di Filippo
J’espère, madame la présidente, que vous aurez noté la tentative de nos collègues de gauche de tronquer la discussion et de nous empêcher de débattre en prenant la parole sans développer le moindre argument.
M. Vincent Jeanbrun
C’est clair !
M. Damien Girard
Et vous, au groupe DR, vous répétez cent fois la même chose !
M. Fabien Di Filippo
J’espère que vous donnerez la parole à des gens qui soutiennent les amendements proposés, comme vous l’avez fait depuis le début. Certaines attitudes ne concourent pas à la sérénité de la discussion, ni au débat de fond, et si nos collègues du NFP ne se verront pas décerner le prix Nobel d’économie cet après-midi, ils ne décrocheront pas non plus celui de la bonne foi !
L’amendement no 17 propose de supprimer l’alinéa 29, qui se rapporte lui aussi à l’assiette : « Les valeurs mobilières cotées sur un marché sont évaluées selon le dernier cours connu ou selon la moyenne des trente derniers cours qui précèdent la date d’imposition. »
En quoi cette taxation confiscatoire des valeurs mobilières est-elle problématique ? L’effet pervers auquel elle donnera lieu sera bien plus puissant que les effets bénéfiques sur lesquels vous comptiez, mais dont on a déjà vu qu’ils ne seraient pas au rendez-vous. En effet, l’investisseur français n’aura aucun intérêt à laisser son capital en France : il ira plutôt l’investir à l’étranger. En revanche, quand on cherchera des capitaux pour développer des entreprises françaises, il faudra faire appel aux résidents étrangers – chinois, russes, américains ? – qui peuvent avoir, par rapport à nos entreprises, une visée prédatrice. Vous privez nos entreprises de capitaux français et vous les condamnez, si elles veulent se développer, à ne compter que sur des capitaux étrangers.
Si l’on prend le CAC40 – cet exemple emblématique ne vous siéra pas, mais tant pis –, les résidents étrangers détiennent la moitié des actions qui en composent la valeur. Autrement dit, la moitié des quarante plus grandes entreprises françaises est entre les mains d’intérêts étrangers. Si cela ne vous inquiète pas et ne vous fait vous poser aucune question sur notre système fiscal et le manque de soutien dont pâtissent nos investisseurs et nos entrepreneurs, c’est un problème.
Mme la présidente
La parole est à M. Mathieu Lefèvre, pour soutenir l’amendement no 42.
M. Mathieu Lefèvre
Nos discussions évoluent, madame la rapporteure : tout à l’heure, il n’y avait pas de données sur l’exil fiscal, mais grâce à Daniel Labaronne, nous avons retrouvé ces données qui montrent une inversion de la courbe en 2018.
M. Emmanuel Duplessy
Arrêtez ! Nous avons toujours dit que c’était marginal !
M. Mathieu Lefèvre
J’observe également que M. Jacobelli n’a pas démenti mes propos relatifs à un impôt sur le stock du capital, car c’est bien ce que propose Mme Le Pen.
L’amendement no 42 a pour vocation d’appeler l’attention de la représentation nationale sur le fait que nous serions les seuls à commettre cette folie fiscale : assujettir l’outil professionnel à une taxe sur le patrimoine. Êtes-vous capables de citer un autre pays qui l’aurait fait ?
M. Laurent Jacobelli
Le Venezuela ? L’URSS ?
M. Mathieu Lefèvre
J’attends que Mme la rapporteure nous cite un exemple – je ne suis pas certain qu’il en existe.
Combien de fois j’ai vu notre pays heureux d’être le pionnier, le fer de lance mondial des réformes ? J’ai vu aussi combien cela nous a coûté. La taxe sur les transactions financières, mise en œuvre courageusement au taux de 0 % par le gouvernement de Lionel Jospin, a fait de la France la risée de l’Europe. Le fait d’appliquer, avant tout le monde, les directives relatives à la compliance et à l’obligation de reporting pour les grandes entreprises a valu bien des déboires à notre économie. Cette idée que la France, la fleur au fusil, pourrait éclairer le monde de sa lumière en se tirant une balle dans le pied est dangereuse. Comme M. Di Filippo, je vous préviens : demain, ce sont les fonds privés étrangers, vautours dotés d’une vision à court terme, qui risquent de venir grappiller et dévorer les carcasses de notre économie.
Mme Marie Mesmeur
Et des nuées de sauterelles s’abattront.
M. Mathieu Lefèvre
Voilà ce que nous risquons si cette proposition de loi est adoptée – grâce à la bienveillance des amis de Mme Le Pen !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Eva Sas, rapporteure
Défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée
Sagesse.
Mme la présidente
La parole est à Mme Gabrielle Cathala.
Mme Gabrielle Cathala
Nous sommes évidemment contre ces amendements et je prie nos collègues de droite et de droite extrême de cesser cette obstruction ridicule. (Protestations sur les bancs des groupes RN, EPR et DR.) Vous aviez fait la même chose à l’occasion de la journée d’initiative parlementaire du groupe LFI-NFP – ce jour où vous nous aviez dit qu’on était en forme à 65 ans pour travailler. N’hésitez pas à persévérer dans cette voie : après les prochaines législatives, vos bancs seront encore plus clairsemés !
Mme Naïma Moutchou
On verra !
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
Parlant de législatives, chers collègues Insoumis, vu le score dans la première circonscription de l’Isère, je serais un peu plus prudent dans mes déclarations !
Mme Marie Mesmeur
De toute façon, vous ne respectez pas le résultat des élections !
M. Charles Sitzenstuhl
Je soutiens ces amendements qui visent à atténuer la portée de cette taxe. Nous sommes nombreux à la juger confiscatoire ; c’est un débat important.
Mme Sandra Regol
Important ? C’est la vingt-huitième fois que vous le dites.
M. Charles Sitzenstuhl
La rapporteure en a parlé à l’instant, et Mme Amiot – si ma mémoire est bonne – a carrément considéré, un peu plus tôt, qu’on pouvait prendre 99 % et que la notion d’impôt confiscatoire n’avait pas de sens.
M. Emmanuel Duplessy
Ce n’est pas ce qu’elle a dit !
M. Charles Sitzenstuhl
C’est pourtant une notion constitutionnelle très claire, dont on ne peut pas faire fi. Je vous renvoie à un excellent article de l’avocat Stéphane Austry, publié sur le site du Conseil constitutionnel, qui commente la décision de 2012 – après celle de 2011 prise à la suite d’une QPC – sur la loi de finances pour 2013 proposée par la gauche. « [On] sait que le Conseil constitutionnel censure, sur le terrain du principe d’égalité devant les charges publiques, les impositions présentant un caractère confiscatoire. Il considère ainsi que l’exigence d’égalité devant l’impôt ne serait pas respectée si l’impôt revêtait un caractère confiscatoire ou faisait peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive…
M. Matthias Tavel
C’est vous qui êtes excessifs !
M. Charles Sitzenstuhl
…au regard de leurs facultés contributives […]. Depuis 2012, le Conseil constitutionnel porte cette appréciation relative au caractère confiscatoire d’une imposition sur le revenu en prenant en considération l’ensemble des impositions portant sur le même revenu et acquittées par le même contribuable […]. Ceci lui permet de déterminer un taux marginal maximal d’impositions applicables à un même revenu qui, s’il est excessif, est considéré comme confiscatoire. »
Mme la présidente
Merci de conclure !
M. Charles Sitzenstuhl
Donc cette notion existe et… (Mme la présidente coupe le micro de l’orateur dont le temps de parole est écoulé.)
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Laurent Jacobelli, pour un rappel au règlement.
M. Laurent Jacobelli
Il se fonde sur l’article 100, relatif à la bonne tenue des débats.
Mme Cathala prétend que nous ferions de l’obstruction, mais faire des propositions, échanger, comprendre et dialoguer, cela s’appelle la démocratie – je sais que vous avez du mal avec cette notion !
M. Vincent Jeanbrun
Oui, vous avez un problème avec la démocratie !
M. Laurent Jacobelli
En plus de vouloir confisquer les biens des Français, vous voulez confisquer leur parole ? Nous ne sommes pas au Venezuela ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Article unique (suite)
Mme la présidente
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Eva Sas, rapporteure
Je tiens à répondre à l’argument du caractère prétendument confiscatoire. Vous citez une décision de 2012, antérieure aux études de l’IPP.
M. Daniel Labaronne
Une étude n’est pas une jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Mme Eva Sas, rapporteure
Une note de l’IPP, parue en juin 2023, objective l’utilisation du bouclier fiscal afin de contourner l’impôt. Le Conseil constitutionnel pourrait justement s’appuyer sur ces éléments pour valider la constitutionnalité de la proposition de loi.
M. Sylvain Berrios
« Pourrait s’appuyer » !
Mme Eva Sas, rapporteure
Il n’y a donc pas lieu de penser qu’il sanctionnerait le texte.
Par ailleurs, vous soutenez que l’impôt plancher serait confiscatoire. Or il ne s’appliquerait qu’au-delà d’un seuil de 100 millions d’euros de patrimoine, de sorte que la proposition de loi garantit une sorte de socle, un capital de 100 millions par contribuable étant préservé. Dès lors, comment le Conseil constitutionnel pourrait-il considérer le dispositif comme confiscatoire ?
M. Vincent Jeanbrun
Les mots ont un sens ! Vous n’y connaissez rien !
Mme Eva Sas, rapporteure
J’aimerais que vous renonciez à cet argument car rien ne prouve que le Conseil constitutionnel sanctionnerait ce texte.
M. Vincent Jeanbrun
Rien ne prouve le contraire !
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 17 et 42.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 171
Nombre de suffrages exprimés 170
Majorité absolue 86
Pour l’adoption 37
Contre 133
(Les amendements identiques nos 17 et 42 ne sont pas adoptés.)
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à dix-neuf heures trente-cinq.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l’amendement no 18.
M. Fabien Di Filippo
Nous ne sommes pas encore sortis du maelstrom qu’est l’assiette de cet impôt confiscatoire. Il nous faudra d’ailleurs revenir sur cette qualification car je sens bien, madame la rapporteure, que nous vous laissons sur votre faim. Pour notre part, nous entendons lever les doutes et les craintes en répondant à toutes les questions.
M. Charles Sitzenstuhl
Il a raison !
M. Fabien Di Filippo
On montre du doigt des personnes au patrimoine très important, qui, bien souvent, ont fondé ou développé de grandes entreprises. Et on affirme que, parce que ces personnes très riches existent, alors il y a fatalement des personnes très pauvres.
Mme Ségolène Amiot
De combien de licenciements sont-elles responsables ?
M. Fabien Di Filippo
Dans les entreprises appartenant aux quelques centaines de personnes que vous ciblez, les salaires moyens sont bien souvent très supérieurs au salaire moyen, ou médian, en France.
Mme Sandrine Rousseau
Salaire moyen ou salaire médian ? Ce n’est pas la même chose !
M. Fabien Di Filippo
Nous avons évoqué le groupe LVMH tout à l’heure, grâce à Mme Soudais, et l’on pourrait multiplier les exemples. Arrêtez donc de dire que les personnes extrêmement riches provoqueraient la misère dans notre pays, puisqu’au contraire, elles pratiquent l’intéressement, la rémunération sur seize mois, assurant un niveau de rémunération moyen bien supérieur à ce qu’on trouve dans d’autres entreprises de notre pays. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Il faut cesser de dire des contrevérités. Les salariés, dans ces entreprises, bénéficient de conditions salariales très intéressantes. (M. Laurent Alexandre s’exclame.) Monsieur Alexandre, si vous avez des contre-exemples, produisez-les, de manière chiffrée. Je ne comprends pas ce que vous essayez de me hurler.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Eva Sas, rapporteure
Défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée
Sagesse.
Mme la présidente
La parole est à M. Sylvain Berrios.
M. Sylvain Berrios
Nous avons établi le caractère confiscatoire de cet impôt. Nous avons montré que, dès lors qu’il touche le patrimoine professionnel, il entraînerait des destructions d’emploi. Nous avons aussi prouvé que le texte n’était pas solidement ancré du point de vue juridique : Mme la rapporteure a fait mention d’une étude, alors que nous renvoyions à la jurisprudence, ce qui n’est pas tout à fait la même chose.
M. Vincent Jeanbrun
Ce n’est pas sérieux !
M. Sylvain Berrios
Le texte n’est pas plus solide en matière budgétaire, puisqu’il nous a été indiqué qu’il raterait sa cible.
Notre pays est le plus taxé au monde. Ce n’est pas une nouveauté. Tout le monde le sait, même les députés de gauche. Mais cela ne les dérange pas et ils souhaitent, tous ensemble, aggraver la situation. Les orateurs du Rassemblement national ont indiqué qu’ils pensaient que nous étions à l’origine de la dérive des comptes publics.
M. Emeric Salmon
On a encore le droit de penser !
M. Sylvain Berrios
C’est bien leur droit mais ils entendent – n’est-ce pas, monsieur Jacobelli ? – laisser passer ce texte qui ne fera qu’accroître cette dérive.
M. Emeric Salmon
Les députés de votre groupe ne sont pas venus voter contre.
M. Sylvain Berrios
Vous rendez-vous compte de ce que vous allez faire ? Vous êtes d’accord avec tout ce que je viens de dire, mais par idéologie, par calcul stratégique ou tactique, en vue de gains à la petite semaine… (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’orateur. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Le Coq.
M. Aurélien Le Coq
Les débats entre les soutiens de M. Richard Ferrand, dans l’autre moitié de l’hémicycle, commencent à nous fatiguer. Le groupe LFI-NFP votera contre l’amendement.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 18.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 166
Nombre de suffrages exprimés 165
Majorité absolue 83
Pour l’adoption 60
Contre 105
(L’amendement no 18 n’est pas adopté.)
Rappels au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour un rappel au règlement.
M. Fabien Di Filippo
Sur le fondement de l’article 70, alinéa 3, madame la présidente. J’essaie de débattre sur le fond, je développe des concepts, je tente d’expliciter la notion d’impôt confiscatoire. Et que me jetez-vous au visage, monsieur Le Coq ? Après m’avoir traité de macroniste, ce qui est diffamatoire (applaudissements et sourires sur divers bancs), vous prétendez, ce qui est encore plus diffamatoire, que je suis un soutien de Richard Ferrand ! Sachez qu’en tant que commissaire aux lois à titre temporaire, j’ai voté contre sa nomination. J’aimerais que vous parliez du fond des choses.
Mme la présidente
La parole est à M. Laurent Jacobelli, pour un rappel au règlement.
M. Laurent Jacobelli
Sur le fondement de l’article 70, alinéa 3, pour une mise en cause personnelle. Sylvain Berrios m’a interpellé nommément, sous-entendant que nous ne savions pas où nous allions. C’est vous qui êtes perdus : après avoir accru la pression fiscale, vous jouez les vierges effarouchées !
Mme la présidente
Monsieur Jacobelli, vous répondez sur le fond de l’amendement.
M. Laurent Jacobelli
Mais cela concerne le fond de l’amendement !
Mme la présidente
Justement, il s’agit d’un rappel au règlement.
M. Laurent Jacobelli
Cette mise en cause, je vous la retourne. (Mme la présidente coupe le micro de l’orateur.)
Article unique (suite)
Mme la présidente
Sur l’amendement no 44, je suis saisie par le groupe Droite républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Mathieu Lefèvre, pour le soutenir.
M. Mathieu Lefèvre
Pour en revenir au fond, ce texte vise à taxer indistinctement les bénéfices, qu’ils soient distribués ou non. Par conséquent, quelle sera l’attitude des entreprises ? La nécessité de distribuer leurs bénéfices les empêchera d’investir pour l’avenir, notamment en recherche et développement. De ce fait, elles ne pourront se démarquer de leurs concurrents pour assurer leur pérennité et les emplois qui en dépendent.
Cet amendement, qui vise à exclure les bénéfices non distribués de l’assiette de cette nouvelle taxe, mérite donc d’être pris en considération. C’est bien le moins que nous puissions faire, si nous voulons assurer à nos entreprises quelque liberté d’entreprendre en les laissant piloter leurs revenus, éviter de compromettre l’émergence de champions français et voir un maximum de petites entreprises devenir moyennes et de moyennes entreprises devenir grandes. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour un rappel au règlement.
M. Charles Sitzenstuhl
Ce rappel au règlement sera rapide, mais il est important, à cause des dérives dans certains rappels au règlement d’aujourd’hui.
Sur le fondement de l’article 58, alinéa 3 : « Lorsque, manifestement, son intervention n’a aucun rapport avec le Règlement… » et bla bla bla. Les derniers rappels au règlement n’avaient absolument rien à voir avec des faits personnels.
Mme la présidente
Vous venez de dire « bla bla bla » : j’ai justement coupé le micro de M. Jacobelli, après qu’il a indiqué la raison de son rappel au règlement. (Applaudissements.)
Article unique (suite)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Eva Sas, rapporteure
Défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée
Sagesse.
Mme la présidente
La parole est à M. Fabien Di Filippo.
M. Fabien Di Filippo
Je sais que ma prise de parole était très attendue, notamment par Mme la rapporteure, qui n’accepte pas l’idée que cet impôt puisse être considéré comme confiscatoire. Cette idée s’appuie pourtant sur des fondements juridiques très précis. Il y a deux catégories d’impositions confiscatoires. Les premières méconnaissent l’intérêt général, comme les impositions fiscales à caractère punitif – on peut en discuter mais votre impôt, à mes yeux, en fait partie – et les impositions fiscales détournées de leur objet. Mais mettons cela de côté : je fais un pas vers vous en considérant que, du point de vue de l’intérêt général, cet impôt n’est pas confiscatoire. (Exclamations sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
J’en viens à la deuxième catégorie, dont le caractère confiscatoire est le plus objectivement étayé. Ce sont les impositions dont le montant dépasse les facultés contributives des personnes qu’elles visent.
M. Sylvain Berrios
Eh oui !
M. Fabien Di Filippo
Ce peut être une atteinte excessive au droit de propriété. Ainsi en irait-il si on prenait, chaque année, 2 % de tout ce qu’une personne possède.
Mme Sandra Regol
Ce n’est pas confiscatoire !
Mme Danielle Simonnet
Ils s’en sortiront, croyez-moi !
M. Fabien Di Filippo
Excusez-moi, mais même devant des magistrats avec lesquels vous pourriez partager certaines accointances, une telle mesure aurait du mal à tenir.
Ce peut être une atteinte excessive aux revenus des contribuables. Tiens ! Voilà qui est intéressant. Vous créez un dispositif qui permettra de taxer ce que gagnent les personnes concernées bien au-delà de 100 % ou même de 1 000 %, puisque vous prenez 2 % de ce qu’elles possèdent !
M. Sylvain Berrios
C’est stalinien !
M. Fabien Di Filippo
Si elles n’ont pas de revenus ou si leurs revenus sont très faibles, vous entendez prendre 1 000 ou 10 000 fois leur revenu de l’année sans que cela vous dérange le moins du monde – et même si cela doit les pousser à vendre leur entreprise. Nous sommes ici en plein dans la définition d’un impôt confiscatoire ! Je mets au défi n’importe qui ici…
Mme Sandrine Rousseau
Ça fait deux minutes !
M. Fabien Di Filippo
…de me prouver le contraire, c’est-à-dire que la majorité des personnes que vous visez ne seraient pas frappées par une imposition qui excéderait complètement leurs revenus. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
M. Marc de Fleurian, demandez-vous la parole contre l’amendement ?
M. Marc de Fleurian
Je m’exprimerai tout à l’heure, madame la présidente.
M. Mathieu Lefèvre
Le temps de réfléchir !
Mme la présidente
La parole est donc à Mme Clémentine Autain.
Mme Clémentine Autain
Le groupe Écologiste et social votera contre l’amendement.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 44.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 174
Nombre de suffrages exprimés 171
Majorité absolue 86
Pour l’adoption 60
Contre 111
(L’amendement no 44 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de plusieurs demandes de scrutin public : sur l’amendement n° 53, par les groupes Rassemblement national, Ensemble pour la République et Écologiste et social ; sur le sous-amendement n° 61, par les groupes Rassemblement national et Écologiste et social.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Mathieu Lefèvre, pour soutenir l’amendement no 53, qui fait l’objet d’un sous-amendement no 61.
M. Mathieu Lefèvre
Nous en avons déjà longuement parlé : il s’agit d’exclure l’outil professionnel de l’assiette.
Madame la rapporteure, si vous n’avez pas répondu s’agissant des comparaisons internationales, c’est bien qu’aucun autre pays au monde n’inclut les biens professionnels dans la taxation de son stock de capital – les pays qui taxent leur stock de capital ne sont d’ailleurs pas légion.
Je veux rappeler pourquoi la taxation de l’outil professionnel serait un drame pour notre pays. Nous avons de grandes difficultés à faire grandir nos PME et nos ETI en raison, évidemment, de la taxation excessive qui pèse sur les entreprises, particulièrement lors de leur transmission. Si nous avons créé le pacte Dutreil, c’est d’abord parce que l’imposition sur le stock de capital était beaucoup trop élevée : le remettre en cause constituerait une grave atteinte à notre tissu productif et menacerait les emplois.
Mme la présidente
La parole est à Mme Claire Marais-Beuil, pour soutenir le sous-amendement no 61.
Mme Claire Marais-Beuil
Comme nous l’avons déjà dit à de nombreuses reprises, nous sommes pour l’impôt sur la fortune financière et non sur la fortune immobilière. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Ce qui est écrit étant toujours préférable à ce qui est dit, parce que les paroles s’envolent alors que les écrits restent, gravons dans le marbre que les biens professionnels sont exclus de l’assiette de cet impôt. Cela va dans le sens de ce que nous avons toujours défendu, de ce que Marine Le Pen a défendu pendant sa campagne présidentielle. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Eva Sas, rapporteure
Soyons clairs : adopter cet amendement et ce sous-amendement reviendrait à exonérer les milliardaires de l’impôt sur les milliardaires !
Mme Danielle Simonnet
Et voilà !
Mme Eva Sas, rapporteure
Plus des deux tiers du patrimoine des 0,001 % les plus riches sont composés de biens professionnels. Je le dis à M. Labaronne : ce chiffre est issu d’une étude effectuée par l’Institut des politiques publiques, commandée par le Comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital, qu’il affectionne tant.
Vous entendez réduire à néant l’assiette de cet impôt.
M. Vincent Jeanbrun
Bien sûr ! Nous voulons créer de la richesse !
Mme Eva Sas, rapporteure
Il faut bien comprendre que les biens professionnels dont nous parlons, ce ne sont pas l’atelier, le four ou le moulin : ce sont des biens qui font partie de patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros.
M. Daniel Labaronne
Et alors ?
M. Vincent Jeanbrun
Il y a des machines qui coûtent 100 millions d’euros !
Mme Eva Sas, rapporteure
Ce sont par exemple les actions de multinationales, celles dont nous parlions tout à l’heure, qui sont logées dans des holdings et qui rapportent 7 à 10 % par an.
Tout à l’heure, M. Di Filippo a dit que nous allions prendre 2 % de leur patrimoine aux contribuables concernés. C’est faux. La seule chose que nous demandons, c’est que la somme prélevée, en additionnant tous les impôts, représente 2 % du patrimoine : c’est très faible !
M. Fabien Di Filippo
Qu’est-ce que 2 millions, après tout ?
Mme Eva Sas, rapporteure
Je le répète, il y a parmi ces biens professionnels des actions qui rapportent 7 à 10 % par an – c’est la rentabilité de ce type de capital ! Nous ne prenons donc qu’une toute petite partie de ce rendement. Arrêtez de dire que nous allons spolier les gens,…
M. Vincent Jeanbrun
C’est pourtant exactement ce que vous voulez faire !
Mme Eva Sas, rapporteure
…que c’est confiscatoire,…
M. Fabien Di Filippo
C’est confiscatoire ! Madame la ministre, intervenez !
Mme Eva Sas, rapporteure
…ou que nous allons leur prendre une partie de leur patrimoine. On ne prend qu’une partie du rendement des actions ! Je le répète : exclure les biens professionnels de l’assiette de cet impôt reviendrait à exonérer les milliardaires de l’impôt sur les milliardaires. Arrêtez de vider le texte de sa substance et cessez de protéger les milliardaires ! Avis défavorable. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR.)
M. Vincent Jeanbrun
Ce que nous voulons protéger, ce sont les emplois !
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée
Avis défavorable sur le sous-amendement. Sur l’amendement, sagesse.
Mme la présidente
La parole est à Mme Clémentine Autain.
Mme Clémentine Autain
Nous voici au cœur de la logique de notre impôt plancher, dont la spécificité est précisément de prendre en compte la façon très contemporaine, dans un monde capitaliste financiarisé, par laquelle les milliardaires structurent leur fortune pour échapper à l’impôt. Oui, nous incluons les mal nommés « biens professionnels » ! On imagine sous ces mots le four du boulanger, la ferme de l’agriculteur, les frigos du charcutier ou l’usine d’une PME,…
M. Fabien Di Filippo
On parle bien d’usines, de sièges sociaux !
Mme Clémentine Autain
…mais il s’agit ici de tout autre chose : le patrimoine des multimillionnaires, de celles et ceux – surtout ceux, d’ailleurs – qui gagnent des fortunes, que nous voulons taxer à partir de 100 millions d’euros et qui est essentiellement composé d’actifs financiers. Ce sont des actions ! Si on les excluait de l’impôt, l’assiette serait finalement très restreinte et, pour donner un exemple concret, Bernard Arnault ne serait plus imposé que sur 10 % de son patrimoine. Autant dire que l’on viderait littéralement de sa substance notre impôt plancher.
J’ajoute, en réponse aux propos tenus tout à l’heure par un membre du Rassemblement national, que l’extrême droite ne comprend visiblement pas la manière dont les fortunes sont structurées.
Mme Claire Marais-Beuil
Ne vous inquiétez pas pour nous !
Mme Clémentine Autain
Vous nous parlez d’immobilier mais la réalité, c’est que la fortune des milliardaires est structurée sur du patrimoine financier, qu’ils font fructifier en échappant à l’impôt. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
M. Laurent Jacobelli
On a très bien compris !
Mme Clémentine Autain
Je voudrais enfin dire un mot aux macronistes : au moment même où vous menez une bataille acharnée pour empêcher d’imposer à 2 % le patrimoine des ultrariches, vous vous êtes mis en tête de baisser le seuil de la franchise de TVA pour les autoentrepreneurs et les petits indépendants. (Mêmes mouvements.)
Mme Danielle Simonnet
Honte à vous !
Mme Clémentine Autain
Cela indique bien quelles sont vos priorités. C’est scandaleux de raisonner ainsi ! Oui, il faut de la justice fiscale, et cela passe par l’adoption de notre impôt plancher.
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
La collègue Autain vient de sous-entendre que nous cherchions à entraver les débats en faisant de l’obstruction. (Exclamations sur les bancs du groupe EcoS.) Mais non, nous voulons que la discussion ait lieu et ne vous inquiétez pas : il ne reste que dix-huit amendements et le texte sera soumis au vote – c’est entendu, y compris sur nos bancs.
Bien sûr, nous voterons pour l’amendement no 53, qui est un amendement du groupe EPR, et contre le sous-amendement du Rassemblement national. En effet, dans ce débat, le Rassemblement national est d’une hypocrisie complète ! (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Ils nous font exactement le même cinéma que cet automne sur le budget :…
M. Laurent Jacobelli
Vous êtes aussi peu nombreux qu’à ce moment-là !
M. Charles Sitzenstuhl
…devant les caméras de télévision, ils expliquent, parce que c’est bien vu, qu’ils soutiennent les entreprises et les entrepreneurs – c’est toujours le même sketch de la part de Laurent Jacobelli et de ses collègues –,…
Mme Claire Marais-Beuil
Mise en cause personnelle !
M. Charles Sitzenstuhl
…alors qu’en réalité, ils font tout pour que cette taxe soit votée. En commission des finances, ils se sont abstenus pour que le texte passe ; ils ne cherchent en aucune façon à s’y opposer. Ils ont fait le même cirque cet automne, lors de l’examen de la première partie du budget, sur les recettes (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR) : ils sont responsables, avec la gauche, des 60 milliards d’impôts supplémentaires…
Mme Sandra Regol
Ça fait deux minutes !
M. Charles Sitzenstuhl
…qui ont été votés et sur lesquels le 49.3, bien sûr, est ensuite revenu. On ne peut pas croire à leur sincérité !
M. Laurent Jacobelli
Rappel au règlement !
M. Charles Sitzenstuhl
Ne faites pas un rappel au règlement : ce n’est pas une mise en cause personnelle ! (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Je fais de la politique, je parle sur le fond.
Mme Marie-Charlotte Garin
C’est long, présidente !
M. Sébastien Peytavie
En ressenti, ça fait dix minutes !
M. Charles Sitzenstuhl
Alors, arrêtez votre numéro de claquettes : vous ne soutenez ni les entreprises ni les entrepreneurs et vous participez à la folie fiscale dans laquelle le pays est retombé depuis six mois. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Laurent Jacobelli, pour un rappel au règlement.
M. Laurent Jacobelli
Sur le fondement de l’article 70, alinéa 3, pour mise en cause personnelle. Cela fait plusieurs fois que des élus macronistes me mettent en cause.
Mme la présidente
Monsieur Jacobelli, ce n’est pas une mise en cause personnelle : un commentaire politique a été fait sur l’attitude de votre groupe. (Applaudissements sur divers bancs.)
M. Laurent Jacobelli
« Jacobelli » : il n’y en a qu’un !
Mme la présidente
C’est exagéré ! C’était un commentaire politique de vos positions, monsieur Jacobelli, pas une mise en cause personnelle. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Article unique (suite)
Mme la présidente
Je mets aux voix le sous-amendement no 61.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 183
Nombre de suffrages exprimés 179
Majorité absolue 90
Pour l’adoption 35
Contre 144
(Le sous-amendement no 61 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 53.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 185
Nombre de suffrages exprimés 183
Majorité absolue 92
Pour l’adoption 72
Contre 111
(L’amendement no 53 n’est pas adopté.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Marc de Fleurian, pour un rappel au règlement.
M. Marc de Fleurian
Sur le fondement de l’article 100 de notre règlement. Il est vrai qu’il n’y a pas eu de mise en cause personnelle de mon collègue Jacobelli et du groupe Rassemblement national. En revanche, certaines prises de parole ont faussé nos débats et nui à leur bonne conduite.
Mme Naïma Moutchou
Non !
Plusieurs députés du groupe RN
Si !
Mme la présidente
Monsieur de Fleurian, si vous le souhaitez, je vous inscris pour que vous vous exprimiez sur l’amendement suivant – le no 28 – et que vous apportiez des corrections à ce qui a été dit. Ce n’est pas un rappel au règlement ! (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Article unique (suite)
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Le Coq, pour soutenir l’amendement no 28.
M. Aurélien Le Coq
Chers collègues du Rassemblement national, la soirée aura au moins eu le mérite de montrer à tout le monde que vous êtes les ennemis du peuple français (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP) parce que vous ne voulez pas faire passer ce texte. Vous avez dit, dès le départ, que nous allions nous en prendre à ceux qui étaient le plus en difficulté. M. Jacobelli a même osé déclarer que nous allions prendre leurs maisons alors que nous voulons simplement faire en sorte que les centimillionnaires participent davantage à une meilleure répartition des richesses.
L’amendement que nous voulions vous proposer tend à rétablir la rédaction adoptée lors de l’examen du projet de loi de finances. Si aucune mesure n’a été prise pour mieux répartir les richesses, en prenant aux milliardaires plutôt qu’à ceux qui se font toujours ponctionner, et que nous avons besoin de la niche des écologistes pour ramener un peu de justice fiscale et sociale dans notre pays, c’est bien parce que le Rassemblement national, non content de sauver Emmanuel Macron (Vives protestations sur les bancs du groupe RN)…
M. Emeric Salmon
C’est vous qui avez voté pour lui !
M. Aurélien Le Coq
…à cinq reprises en ne votant pas les motions de censure, a rejeté les recettes supplémentaires que nous avions réussi à faire adopter dans le budget. (Exclamations continues sur les bancs du groupe RN.)
Messieurs et mesdames du Rassemblement national, vous n’êtes que des complices de la Macronie. Je retire l’amendement.
(L’amendement no 28 est retiré.)
Mme la présidente
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
2. Ordre du jour de la prochaine séance
Mme la présidente
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion de la proposition de loi instaurant un impôt plancher de 2 % sur le patrimoine des ultrariches ;
Discussion de la proposition de loi d’expérimentation visant à l’instauration d’une sécurité sociale de l’alimentation ;
Discussion de la proposition de loi visant à protéger durablement la qualité de l’eau potable ;
Discussion de la proposition de loi visant à faciliter l’accès des demandeurs d’asile au marché du travail ;
Discussion de la proposition de loi visant à sauvegarder et pérenniser les emplois industriels en empêchant les licenciements boursiers ;
Discussion de la proposition de loi visant à protéger les salariés et les salariées du nettoyage en garantissant des horaires de jour.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra