Deuxième séance du jeudi 13 mars 2025
- Présidence de Mme Clémence Guetté
- 1. Lutte contre les fermetures abusives de comptes bancaires
- Présentation (suite)
- Discussion générale
- Mme Sophie Pantel
- Mme Marina Ferrari
- Mme Félicie Gérard
- M. Michel Castellani
- M. Emmanuel Maurel
- M. Alexandre Allegret-Pilot
- M. Bruno Clavet
- M. David Amiel
- M. Aurélien Le Coq
- M. Tristan Lahais
- M. Philippe Juvin
- M. Belkhir Belhaddad
- M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
- Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire
- M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
- Discussion des articles
- Explications de vote
- Vote sur l’ensemble
- 2. Effets psychologiques de TikTok sur les mineurs
- 3. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Clémence Guetté
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1. Lutte contre les fermetures abusives de comptes bancaires
Suite de la discussion d’une proposition de loi
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi visant à lutter contre les fermetures abusives de comptes bancaires (nos 321, 1025).
Présentation (suite)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Paul Mattei, rapporteur de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
En adoptant à l’unanimité, le 9 octobre dernier, la proposition de loi de M. le sénateur Philippe Folliot, la chambre haute a voulu manifester son engagement en faveur d’une meilleure protection des clients des banques. Je sais qu’une telle initiative ne manquera pas de susciter dans notre assemblée le même intérêt, dans la continuité des travaux que nous menons en vue de mieux encadrer et de mieux réguler les pratiques commerciales des banques, après l’adoption de la proposition de loi visant à réduire et à encadrer les frais bancaires sur succession, dont la deuxième lecture est en cours au Sénat.
Les fermetures abusives de comptes bancaires sont un phénomène social mal documenté. Elles n’en constituent pas moins une injustice à bas bruit, aux dires des associations de consommateurs que j’ai rencontrées et de nombre de nos mandants, dont vous n’avez pas manqué de relayer les expériences malheureuses.
Quelque 83 millions de comptes bancaires sont actifs en France et 99 % de nos concitoyens disposent d’un compte. La plupart n’en possèdent qu’un seul, qui sert de support aux opérations de la vie courante. C’est pour ces derniers qu’une résiliation brusque et non motivée emporte les conséquences les plus graves.
Les raisons qui peuvent conduire une banque à résilier une convention de compte courant, c’est-à-dire à fermer un compte, sont diverses et certaines sont bien sûr légitimes, notamment lorsque le client a commis des incivilités répétées ou manqué avec persistance de transmettre les informations que la banque est tenue de recueillir.
Dans d’autres cas, les raisons qui ont poussé la banque à résilier apparaissent plus obscures. Il arrive que le conseiller bancaire ne soit pas désireux de les exposer à son client, qui se retrouve alors dans un grand désarroi. Une résiliation en l’absence de tout manquement de la part du client a de fortes chances de résulter d’une pratique commerciale que nous sommes fondés, je crois, à considérer comme abusive.
Certains de nos concitoyens semblent particulièrement exposés à ce qui constitue bien plus qu’un désagrément passager, lorsque les conditions pour trouver une autre banque dans un délai court ne sont pas réunies. Cela peut être le cas des Français de l’étranger, mais cette situation concerne avant tout les Français les plus fragiles économiquement, que les banques peuvent considérer comme des clients à risque ou pas assez intéressants. Nous devons les protéger. Nous devons aussi garantir aux entreprises, en particulier aux PME ainsi qu’aux artisans et commerçants, la stabilité et la prévisibilité des relations bancaires, car les particuliers ne sont pas les seuls à rencontrer de telles difficultés.
Les banques ne constituent pas un service public, exception faite de la mission d’accessibilité bancaire confiée à la Banque postale. Ce sont des entreprises privées, obéissant à des logiques commerciales, qui définissent librement leur stratégie de risque en ciblant tel profil de clientèle plutôt que tel autre. Elles n’en exercent pas moins, au service de nos concitoyens, une mission d’intérêt général. Tant le législateur que le pouvoir réglementaire ont accru le caractère indispensable des services qu’elles fournissent.
Établir et conserver une relation de confiance avec une banque est nécessaire pour disposer d’un compte de dépôt, dont on a besoin pour recevoir son salaire, percevoir des prestations sociales, s’acquitter de ses factures et payer ses impôts. Je rappelle à titre d’exemple que tout versement de salaire en espèces est proscrit au-delà de 1 500 euros ou encore qu’un particulier ne peut effectuer auprès d’un professionnel un paiement en espèces d’un montant supérieur à 1 000 euros. Sans moyen de paiement adapté, pour un particulier comme pour une entreprise, toute activité économique normale est impossible. Ajoutons à cela que les banques sont dans une situation de monopole, s’agissant en particulier de l’octroi de prêts.
Le législateur est donc fondé à considérer qu’un intérêt général s’attache à la loyauté, à l’équité et plus largement au maintien, autant qu’il est possible, des relations contractuelles entre une banque et son client.
Le premier droit du client – c’était l’objet de la version initiale de la proposition de loi déposée au Sénat – devrait être de connaître les motifs de la résiliation de son compte. La communication de ces motifs, qu’elle se fasse systématiquement ou à la demande du client, constitue un gage de transparence et permet surtout à celui qui voit son compte fermer d’en comprendre les raisons et d’éviter que cette situation ne se reproduise à l’avenir.
Cette simple information contribuera de manière importante à combattre le sentiment d’impuissance et d’arbitraire que ressentent les clients concernés. Notre économie, qui repose sur des relations de confiance entre ses différents acteurs, a tout à gagner à une telle évolution. Pour autant, la connaissance par le client des motifs de résiliation ne rompt pas l’asymétrie de fait qui existe entre la banque et lui, dès lors qu’il ne peut les contester.
Afin d’assurer aux consommateurs une véritable protection contre les fermetures abusives, le texte qui vous est présenté aujourd’hui va plus loin, puisqu’il prévoit l’interdiction pour une banque de résilier une convention de compte de dépôt si le motif de résiliation porte exclusivement sur l’un des quatre critères suivants : l’absence de rentabilité ; le refus par le client d’accepter une modification de la convention ; le fait que le montant des retraits soit jugé trop important par l’établissement de crédit ; la qualité d’élu de la République du client. Ce dernier motif a été introduit par la commission des finances de notre assemblée.
Je suis pleinement favorable à un encadrement plus strict des conditions de résiliation unilatérale par les banques. En revanche, je ne suis pas convaincu qu’une interdiction pour des motifs prédéfinis, que les banques auront beau jeu de ne pas mentionner, soit effective. Le risque est que la motivation communiquée au client ne soit finalement que de pure forme sans que celui-ci puisse la contester.
Avant d’exposer plus en détail la réécriture globale que je propose, je dois vous avertir des risques juridiques que mes travaux m’ont conduit à identifier grâce aux auditions tant des représentants de l’administration et du secteur bancaire en général que des associations de consommateurs. Il convient de les prendre en compte, si nous ne voulons pas que le dispositif sur lequel nous voterons tout à l’heure demeure inopérant.
Le premier de ces risques tient principalement au caractère automatique de la communication des motifs de résiliation par les banques qui, comme vous le savez, sont tenues à des obligations de vigilance particulières en ce qui concerne la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Lorsque les banques constatent des opérations douteuses sur un compte, par exemple des retraits incompatibles avec le train de vie ordinaire du client ou encore des virements injustifiés vers certains pays présentant des risques élevés, elles sont tenues d’effectuer un signalement auprès de Tracfin. Ce signalement peut les conduire – c’est bien légitime –, à résilier le compte d’un client afin de ne pas se rendre complices des opérations en cause. Naturellement, dans ce cas, il est inenvisageable pour la banque de faire connaître le motif de la résiliation. Ce faisant, elle s’exposerait d’ailleurs à des sanctions. Nous devons donc absolument éviter de faire peser sur les banques des injonctions contradictoires et je vous invite à être particulièrement attentifs à la rédaction de l’article 2.
Le deuxième risque a trait à la constitutionnalité de la loi, si nous la votons telle qu’elle vous est présentée. En effet, il ne faut pas se méprendre sur la nature de la relation qui lie les banques à leurs clients : la convention de compte de dépôt demeure un contrat intuitu personae, c’est-à-dire nécessairement conclu en considération de la personne des contractants.
Pour finir, vous me permettrez de vous présenter en quelques mots l’équilibre général que je propose. Le dispositif que je vous invite à voter établit un triple niveau de protection pour les clients des banques et leur apporte donc des garanties bien plus substantielles que la seule communication des motifs de résiliation.
D’une part, il encadre les conditions dans lesquelles une banque est fondée à résilier une convention de compte courant : elle ne peut motiver légitimement cette résiliation par des considérations liées à la seule absence de rentabilité individuelle du client ou à la lourdeur administrative de la gestion du profil de certains clients, en particulier des personnes politiquement exposées.
D’autre part, il impose à la banque, dès la notification à son client de la résiliation de sa convention de compte, de lui faire part de la possibilité dont il dispose de saisir le médiateur de l’établissement, pour vérifier que le motif de cette résiliation est bien légitime et recevoir des explications au sujet de ce motif.
Enfin, la saisine du médiateur, du fait de la prorogation automatique du préavis de deux mois qui en découle, permet au client lésé de bénéficier d’un délai supplémentaire pour faire face aux conséquences de la résiliation.
Cette proposition de loi traite d’enjeux importants, mais elle court le risque d’être inapplicable si l’Assemblée nationale ne veille pas à renforcer la sécurité juridique de son dispositif. La réécriture que je propose, par le rôle qu’elle confère au médiateur et au dialogue qui s’établit avec le client, permettra aussi – ce n’est pas accessoire – de réhumaniser la relation bancaire et de lutter efficacement contre le sentiment d’arbitraire, tout en instituant une véritable voie de recours, à même d’inciter les banques à renforcer leurs bonnes pratiques et à toujours prendre en compte l’intérêt du client.
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Les gens sont seuls face aux banques. Seuls, car une banque n’agit pas à titre gracieux, elle ne compatit pas : elle ne suit que le fanal de son propre profit. Seuls, car une banque, pour n’être ni une autorité publique ni un juge, n’en est pas moins capable de priver de compte bancaire individus et entreprises, unilatéralement et sans avoir à se justifier.
Pourtant, avant d’atteindre ce point de rupture qu’est la fermeture de compte, les établissements de crédit sont bien heureux de dégager, sur le dos de leurs clients, des profits en constante augmentation. Selon le journal Le Monde, les bénéfices des cinq grands groupes bancaires français ont encore augmenté de 11 % en 2024 par rapport à 2023. Ce sont 32 milliards d’euros de profits, qui assoient un peu plus leur empire sur les gens et les entreprises. En outre, les banques renoncent publiquement à leurs engagements climatiques, en se retirant par exemple de la Net Zero Banking Alliance, et se frottent les mains à l’idée de financer les dépenses militaires qu’elles ont rapidement traduites en juteux profits.
Ces mêmes établissements de crédit se satisfont également, en Europe, d’engranger chaque année entre 5 et 6 milliards d’euros de frais bancaires, selon les chiffres de la Cour des comptes européenne, qui juge ces montants bien trop élevés.
D’où vient que ces immenses entreprises, qui ne connaissent que si peu la crise, peuvent priver quelqu’un d’un service essentiel sans en rendre compte ? En effet, permettre à quelqu’un de disposer d’un compte en banque constitue bien un service essentiel. C’est tout le sens de l’article L. 312-1 du code monétaire et financier, qui prévoit le droit à l’ouverture d’un compte de dépôt, dont je rappelle qu’il est également obligatoire.
Les protections en vigueur sont largement insuffisantes. Vous n’êtes pas assez rentable pour votre banque ? Elle peut fermer votre compte bancaire sans explication. Vous êtes une personne politiquement exposée, c’est-à-dire tout simplement un élu ? La banque peut, dès votre élection, fermer votre compte bancaire ou ceux des membres de votre famille sans explication. Qui, ici, n’a pas connu, pour soi-même ou son entourage, la fermeture sans crier gare et sans raison légitime d’un compte particulier – voire d’un compte d’entreprise, ce qui met celle-ci en danger ? Il est souvent difficile à celui que marque cet opprobre de retrouver une autre banque.
Actuellement, un délai de préavis de deux mois est certes imposé à la banque, mais pensez-vous qu’un tel délai soit suffisant pour les clients qui rencontrent des difficultés financières ? Je rappelle qu’en France, selon CSA Research, près d’une personne sur quatre est à découvert à partir du 16 du mois. Pensez-vous qu’un préavis change quoi que ce soit pour ceux qui habitent dans une zone rurale isolée, où l’offre de services bancaires est limitée, voire inexistante, ne serait-ce que dans les communes qui n’ont pas les moyens de s’offrir un distributeur bancaire ? À ce sujet, une proposition de loi visant à lutter contre la désertification bancaire dans les territoires ruraux a été adoptée au Sénat et déposée auprès de notre assemblée en juillet dernier.
La fermeture d’un compte peut légitimement donner lieu à un litige bancaire. On en revient encore au profit : celui des professionnels du litige bancaire, comme l’association France Conso Banque, dont l’action se résume en trois chiffres : un numéro surtaxé à 80 centimes la minute, 90 euros pour une adhésion et 200 euros pour une conciliation.
Il est ainsi fort commode que les consommateurs ignorent leurs droits, même s’il existe un médiateur, et demeurent pris dans la gangue de l’arbitraire bancaire.
Toutefois, j’entends les inquiétudes légitimes relatives aux fermetures de comptes pour soupçon de blanchiment de capital ou de financement du terrorisme. L’objet de cette proposition de loi n’est pas de miner le travail des services de renseignement financier de l’État, notamment Tracfin. Mes portes et celles de ma commission leur sont grandes ouvertes, notamment pour une audition en commission à envisager d’ici très peu de temps. Nous pourrions ainsi étudier concrètement la manière de préserver leur action, sans pour autant pénaliser la quasi-totalité des usagers qui n’ont aucun rapport avec le blanchiment ou le terrorisme.
Je souhaite que ce texte soit adopté dans sa version la plus étendue, et si ce n’était pas le cas, il sera toujours temps de le modifier au cours de la navette. Mais je le dis clairement : je ne voudrais pas que les inquiétudes, sans doute légitimes, de Tracfin et, je le sais, du rapporteur, soient instrumentalisées par un lobby bancaire qui veut que rien ne change.
Je conclurai en prenant un peu de hauteur : l’enjeu des fermetures abusives de comptes bancaires n’est qu’un des nombreux visages de l’asymétrie entre le client et sa banque. La notion même de client mérite d’être remise en question. En effet, si nous disposions en France d’un pôle public bancaire, on pourrait parler d’usager et non de client, et considérer alors l’accès à des services bancaires comme un service public et non exclusivement comme la source d’un profit privé toujours croissant sur le dos de celles et ceux qui peinent toujours plus. Mais dans la situation actuelle, limiter les fermetures abusives de comptes bancaires ne corrigera que modérément l’asymétrie de la relation bancaire car c’est insuffisant à l’échelle de ce qu’il faudrait imposer aux banques, même si cela offrira une protection supplémentaire pour les consommateurs. Voilà pourquoi j’appuierai ce texte dans sa version étendue. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Discussion générale
Mme la présidente
La parole est à Mme Sophie Pantel.
Mme Sophie Pantel
Cette proposition de loi peut permettre de mieux protéger nos concitoyens, notamment les plus fragiles, des pratiques parfois peu scrupuleuses de certains grands groupes bancaires, puisqu’elle vise à contrôler les clôtures abusives de comptes. Elle est donc accueillie favorablement par le groupe Socialistes et apparentés. Nous apporterons ainsi une pierre à l’édifice d’un meilleur encadrement des pratiques de l’oligopole bancaire français et nous formulons le vœu d’être amenés à nouveau à légiférer de manière constructive, comme nous l’avons fait récemment ici au sujet des banques, en émettant régulièrement des votes à l’unanimité. Je pense au débat portant sur l’encadrement des CumCums, lors duquel l’ensemble de cet hémicycle s’était rassemblé en faveur d’un texte permettant de lutter contre cette fraude fiscale des banques. Je pense également aux discussions portant sur l’encadrement des frais bancaires prélevés sur les successions, au terme desquelles le travail transpartisan que nous avions entrepris s’était conclu, lui aussi, par un vote à l’unanimité. Mais j’en profite pour rappeler qu’en dépit de l’unanimité des deux chambres sur l’encadrement des CumCums, celui-ci reste en attente d’une décision du Conseil constitutionnel, et que l’encadrement des frais sur succession est en attente d’une inscription à l’ordre du jour au Sénat.
Aujourd’hui, le groupe Socialistes et apparentés votera évidemment, je le répète, le texte qui nous est proposé, et s’opposera aux amendements qui viseraient à le détricoter. À cet égard, j’appellerai votre attention sur trois points sur lesquels se sont cristallisés les débats en commission et qui m’obligent à rappeler quelques éléments de contexte.
Le premier est d’ordre technique. La proposition de loi, dans la version que nous soutenons, a vocation à imposer à une banque de fournir à son client une explication du motif de la clôture, ni plus ni moins. Il est vrai que techniquement, un cas extrêmement rare peut poser problème : celui où une banque clôture un compte d’une personne suspectée de blanchiment ou de financement d’activités illégales, voire de terrorisme. La parfaite information du client n’est alors pas souhaitable. Ce point doit évidemment être traité avec la rigueur nécessaire, mais sans qu’on remette en cause l’objectif du texte : protéger les populations les plus vulnérables face aux abus de certains groupes bancaires. C’est dans ce but que nous proposerons un amendement permettant de concilier ces deux enjeux : la communication du motif serait impérative et automatique, sauf dans les circonstances extrêmes que je viens d’évoquer. En ce cas, les services de renseignement français seraient chargés d’utiliser la latitude qui est la leur pour indiquer aux banques concernées la conduite à tenir au cas par cas.
Le deuxième point est d’ordre économique. La souscription d’un compte bancaire n’est pas un acte de consommation anodin puisqu’elle engage la vie quotidienne et que celle-ci est étroitement liée aux facultés de paiement qui découlent dudit compte. Nous ne pouvons ignorer ce point sans risquer de sacrifier la défense de nos concitoyens sur l’autel de la libre concurrence partout et tout le temps.
Le troisième point est d’ordre conceptuel. Il a pu en effet être reproché à l’encadrement des clôtures de comptes d’être une entrave au droit des contrats ou à la liberté d’action des agents économiques. Mais je tiens à rappeler que les banques n’évoluent absolument pas dans un marché concurrentiel en France : à l’abri d’un oligopole très rentable, elles bénéficient du monopole de la création monétaire et sont les seules à avoir le droit de transformer 1 euro de dépôt en 10 euros de crédit. En plus, l’État assure la stabilité des banques en garantissant leurs dépôts et en se portant éventuellement à leur chevet comme l’ont montré les crises précédentes. Il n’y a donc pas de raison que leurs relations avec les clients s’inscrivent dans un libéralisme exacerbé.
Au moment où nous allons débattre, dans le cadre de l’examen de cette proposition de loi, du modèle des affaires des banques, il me semble important de rappeler que ces dernières se rémunèrent deux fois : une fois en prélevant des frais sur nos comptes, et une seconde fois en utilisant notre argent comme ressources pour leurs opérations financières.
Nous voterons donc ce texte, mais en proposant plusieurs améliorations. J’appelle notamment votre attention sur l’amendement visant à rétablir l’article 1er qui allongeait le délai de préavis pour une clôture de compte de deux à quatre mois pour tous les Français, et sur l’amendement permettant d’articuler protection des consommateurs et sécurité nationale, conformément au premier point que j’ai développé.
Mme la présidente
La parole est à Mme Marina Ferrari.
Mme Marina Ferrari
Le texte que nous examinons, issu du travail du sénateur Folliot, tend à lutter contre les fermetures abusives de comptes bancaires en assurant une meilleure protection des consommateurs dans les relations qu’ils entretiennent avec leur banque. Actuellement, vous le savez, la fermeture d’un compte à l’initiative de la banque se fait d’une manière complètement discrétionnaire, celle-ci n’étant pas tenue de justifier sa décision. Cette résiliation unilatérale doit toutefois être précédée d’un préavis de deux mois. Ainsi, l’absence de motivation donnée par la banque, et surtout l’impossibilité de demander des explications exposent aujourd’hui le client à une forme d’arbitraire qui est souvent source d’une grande incompréhension. Cette situation est d’autant moins satisfaisante qu’elle peut ouvrir la porte à certaines dérives au détriment du client : alors que les banques peuvent être amenées à fermer des comptes bancaires en raison d’un manquement de sa part ou si son comportement rend difficile la poursuite de la relation contractuelle, les résiliations peuvent également être motivées par des raisons purement commerciales. Dans ce dernier cas, certains clients, particuliers ou entreprises, jugés peu rentables ou trop risqués, se voient ainsi fermer leur compte bancaire, et par la suite, peuvent rencontrer de réelles difficultés pour établir à nouveau une relation contractuelle avec une autre banque qui soit satisfaisante. Ces difficultés sont d’ailleurs exacerbées en zone rurale où l’offre de services bancaires est plus réduite, voire parfois inexistante. De plus, la fermeture du compte bancaire peut entraîner des charges particulièrement lourdes quand le client était lié à sa banque par d’autres relations contractuelles, par exemple lorsqu’un prêt obtenu auprès de celle-ci permettait de rembourser des échéances… Le remboursement devient alors très compliqué.
Les associations de consommateurs confirment que les fermetures de comptes peuvent donner lieu à des abus, même si malheureusement, et c’est fort regrettable, il n’existe pas en l’état de données chiffrées. L’article 3, introduit en commission, vise à résoudre ce problème en prévoyant qu’un rapport annuel sur les résiliations unilatérales soit remis au Parlement.
Par ailleurs, afin de protéger les consommateurs de fermetures de comptes potentiellement abusives, la rédaction initiale du texte proposait qu’en cas de fermeture d’un compte bancaire, la banque fournisse gratuitement aux clients qui en auraient fait la demande expresse le motif de cette résiliation. Mais ce dispositif a largement évolué depuis puisque, tel qu’issu des travaux de notre commission des finances, le texte prévoit dorénavant l’automaticité de la communication de la motivation et l’interdiction non plus de trois mais de quatre motifs de résiliation si celle-ci se fonde exclusivement sur l’un d’entre eux : l’absence de rentabilité du compte, le refus du client d’accepter une modification de la convention, les montants des retraits jugés trop importants, le quatrième étant maintenant la qualité d’élu de la République.
À notre sens, cette interdiction soulève de sérieuses difficultés car une telle disposition pourrait nuire à l’efficacité et à la sécurité juridique du texte. Certains motifs d’interdiction de résiliation sont imprécis : je pense notamment à la notion de rentabilité des comptes ou à celle de qualité d’élu de la République, lesquelles mériteraient d’être mieux définies. L’interdiction de résiliation unilatérale résultant d’un refus par le client d’accepter une modification de la convention pourrait, quant à elle, porter une atteinte excessive à la liberté contractuelle.
Par ailleurs, point plus saillant encore, la dérogation à l’obligation de motivation lorsque celle-ci contrevient aux objectifs de sécurité nationale ou de maintien de l’ordre public pourrait conduire à une forme de divulgation en négatif pour les clients qui ont fait l’objet d’une déclaration de soupçon auprès de Tracfin. En effet, en l’absence d’information par la banque sur le motif de la résiliation, le client serait alors certain de faire l’objet d’une surveillance. CQFD.
Comme en commission, le rapporteur Mattei va donc nous proposer une rédaction alternative de l’article 2 pour pallier toutes ces difficultés. Elle permettrait, si elle était adoptée, de qualifier précisément ce qui constituerait une fermeture de compte abusive tout en donnant la possibilité au client qui penserait subir l’arbitraire de saisir un tiers de confiance en la qualité du médiateur de l’établissement bancaire pour vérifier que son compte n’a pas été fermé de manière illégitime. Cette solution aurait également le mérite de remettre de l’humain au cœur de la relation bancaire par le nouveau rôle attribué au médiateur. Si cette réécriture était adoptée, le groupe Les Démocrates voterait en faveur de ce texte qui permettrait alors de concilier le renforcement de la protection des consommateurs avec la liberté contractuelle et les exigences qui pèsent sur les banques. (M. le rapporteur applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Félicie Gérard.
Mme Félicie Gérard
Nous examinons une proposition de loi qui concerne un sujet du quotidien pour certains de nos compatriotes : les fermetures abusives de comptes bancaires. L’initiative de ce texte revient au sénateur Philippe Folliot. Sa proposition de loi a mis en lumière un sujet important. Les pistes envisagées par la version originale de ce texte semblaient appropriées puisqu’elles allaient dans le sens d’un dialogue nécessaire entre les acteurs du secteur bancaire et les pouvoirs publics.
Mais après avoir déjà été fortement remaniée lors de son examen au Sénat, la proposition de loi, dans sa rédaction actuelle, rend automatique l’information du client en cas de fermeture de compte décidée par l’établissement bancaire, précise que ce dernier dispose d’un délai de quinze jours pour motiver sa décision et interdit la fermeture d’un compte pour des motifs non fondés. Ces nouvelles mesures nous semblent disproportionnées et contre-productives au regard du rôle crucial que jouent les établissements bancaires, notamment dans la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.
Disproportionnée tout d’abord, car la rédaction actuelle crée un déséquilibre dans la relation entre l’établissement bancaire et le client en ne respectant pas les principes de liberté contractuelle. Un client peut aujourd’hui fermer son compte bancaire sans avoir à se justifier et, par parallélisme des formes, une banque possède la même faculté. La proposition de loi semble ignorer la nature contractuelle de la relation liant la banque à son client, et ne tient pas compte non plus des solutions qui existent déjà pour les personnes dont le compte est résilié.
Contre-productif ensuite, car le texte qui nous est proposé ne prend pas suffisamment en compte, je le redis, le rôle que jouent les banques dans la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme en limitant trop fortement la capacité des banques à fermer un compte suspect sans avoir à en révéler la raison. Or cette capacité donnée aux banques est une pierre angulaire de notre dispositif de renseignement financier, donc de la lutte contre le blanchiment.
En outre, nous manquons cruellement de données et d’analyses de fond sur les résiliations de comptes de dépôt par les banques. Le sujet n’est pas encore suffisamment documenté. À cet égard, l’engagement pris par le gouvernement de saisir le comité consultatif du secteur financier pour évaluer la réalité des pratiques bancaires en matière de résiliation de compte est un premier pas encourageant.
Ces différents points de vigilance ont été au cœur de nos débats en commission des finances. Le rapporteur du texte, Jean-Paul Mattei, a d’ailleurs formulé en commission des propositions claires de nature à sécuriser juridiquement la proposition de loi et à préserver la capacité des banques à agir pour lutter contre le blanchiment et le terrorisme. Par sa proposition de compromis, il avait trouvé, aux effets indésirables du texte, une réponse qui nous semblait à la fois efficace et mesurée.
Nous regrettons donc que les débats en commission n’aient pas permis d’éclaircir les nombreux points d’ombre qui existent encore, malgré les avertissements répétés de M. le rapporteur sur les risques qu’entraînerait l’adoption de la proposition de loi en l’état.
Au groupe Horizons & indépendants, nous partageons pleinement l’objectif d’améliorer l’information des clients, mais nous considérons que sa poursuite ne doit pas se faire au détriment de principes fondamentaux du droit ou de l’efficacité de nos dispositifs de lutte contre la fraude et le terrorisme.
En l’état, la proposition de loi ne permet pas de garantir ces éléments. Nous soutiendrons donc les amendements de réécriture proposés par M. le rapporteur. Le sort qui leur sera réservé conditionnera notre vote final sur le texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR. – Mme Marina Ferrari applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Michel Castellani.
M. Michel Castellani
Le groupe LIOT se réjouit de l’examen d’une proposition de loi qui vise à mettre fin à une situation injuste et lourde de conséquences pour les personnes victimes d’une fermeture abusive de leur compte bancaire. Il semble en effet anormal qu’une banque puisse décider de la fermeture d’un compte sans que son titulaire n’ait son mot à dire.
La possibilité d’une telle décision unilatérale crée un déséquilibre dans la relation entre une banque et ses clients, qui peuvent se retrouver exclus du système bancaire sans explication ni recours. Cette situation recèle potentiellement un effet très important pour les particuliers, notamment les plus précaires, les entreprises, les associations et, plus généralement, toute personne ou tout organisme pour lesquels l’accès aux services financiers est essentiel, pour ne pas dire indispensable, dans son activité quotidienne. Elle engendre également des difficultés majeures dans la recherche d’une nouvelle banque, en particulier pour les personnes résidant dans des zones rurales ou à l’étranger.
Elle peut susciter un sentiment d’injustice et d’incompréhension chez les clients concernés. Les fermetures peuvent résulter de diverses stratégies internes des établissements bancaires, comme une évolution de leur politique de gestion des risques les conduisant à écarter certains clients jugés fragiles ou exagérément risqués. Une banque peut également choisir d’abandonner certaines catégories de clientèle, dans le cadre d’une stratégie commerciale la conduisant à préférer se concentrer sur des segments plus rentables.
De plus, ne connaissant pas les raisons de la fermeture de leur compte, les clients ne peuvent pas prendre les mesures nécessaires pour éviter que la situation se reproduise ailleurs. Ce manque d’explications renforce la méfiance à l’égard des établissements bancaires et cette opacité peut être perçue comme une forme de discrimination, notamment lorsque des professions ou secteurs d’activité sont plus particulièrement visés par des fermetures soudaines.
La situation doit donc changer. La proposition de loi introduit une obligation pour les établissements bancaires de fournir gratuitement, sur demande du client, une justification écrite en cas de fermeture de compte. Cette mesure simple permettrait aux usagers d’identifier les raisons exactes de la résiliation et, le cas échéant, de prendre les mesures nécessaires pour éviter qu’une telle situation se reproduise. Elle permettrait également de limiter les pratiques abusives et d’assurer une meilleure transparence dans la gestion des risques bancaires. La proposition de loi comporte donc différentes mesures justes qui introduisent plus de transparence dans le processus de fermeture d’un compte.
Le groupe LIOT soutient la proposition de M. le rapporteur de récrire certaines dispositions concernant la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme afin de ne pas affaiblir le dispositif Tracfin. Il soutient également l’obligation de justification si le compte fermé appartient à une personne politiquement exposée.
Nous soutenons la proposition de loi, car elle répond aux attentes des clients et peut tous nous concerner. Le groupe LIOT votera en sa faveur sous réserve du sort que connaîtront les amendements de M. le rapporteur. Plus largement, nous affirmons la nécessité d’un système bancaire qui soit plus responsable et plus respectueux des droits de ses clients et qui, par conséquent, devra aller plus loin que ne le prévoit la proposition de loi.
Mme la présidente
La parole est à M. Emmanuel Maurel.
M. Emmanuel Maurel
En examinant la proposition de loi votée à l’unanimité par le Sénat sur les fermetures abusives de comptes bancaires, nous faisons œuvre utile auprès des Français – n’est-ce pas, monsieur Amiel ? Des millions d’entre eux, appartenant le plus souvent aux classes populaires, en situation de précarité ou venant de subir un accident de vie, sont en effet exposés à cette mésaventure particulièrement handicapante et source, on le comprend, d’une très forte angoisse.
Chaque année, plusieurs dizaines de milliers de comptes sont fermés par les banques et ce nombre explose en temps de crise économique et sociale, ce qui n’est pas un hasard. La plupart du temps, la fermeture d’un compte bancaire correspond donc bien à une situation de pauvreté extrême, voire absolue, dont le client n’est pas responsable. Cela n’empêche pas certaines banques, dont on connaît la brutalité, de prendre une telle décision de façon très injuste.
Pour le dire poliment, les établissements bancaires ne se caractérisent pas toujours par leur empathie ni par leur patience vis-à-vis des clients qui se retrouvent soudainement dans la gêne. Cette situation est d’autant plus révoltante que le système bancaire français, contrairement à d’autres, n’est ni sur le fil du rasoir ni au bord du précipice. Par souci d’insistance, je répète ce qui a été dit par le président Coquerel : en 2024, les banques françaises ont enregistré 32 milliards d’euros de bénéfices, après 27 milliards en 2023 et 25 milliards en 2022. Il s’agit donc d’un secteur qui se porte bien, qui s’enrichit parfois sur le dos de ses clients et qui devrait avoir une attitude un peu plus responsable.
Si les fermetures abusives de comptes n’ont aucune justification économique étant donné la bonne santé des banques que je viens de rappeler, elles plongent de nombreuses personnes et leur famille dans des difficultés inextricables et elles minent la confiance de nos concitoyens dans les institutions financières, considérées à juste titre comme déconnectées des contraintes de la vie quotidienne.
La moindre des choses que puisse faire la représentation nationale est de réduire cette nuisance. La proposition de loi que nous examinons fait suite à plusieurs avancées, comme le plafonnement des frais d’incidents bancaires ou l’interdiction des frais bancaires manifestement excessifs. Toutefois, il reste beaucoup à faire. Par exemple, pour reprendre ce qu’a dit M. le président de la commission, l’accumulation en montants colossaux des frais bancaires perçus sans aucune justification économique fait partie des problèmes que nous devons régler.
Notre travail s’inscrit dans le cadre d’une idée simple : l’inégalité de la relation contractuelle entre la banque et son client. Je le dis pour Mme Gérard, même si elle est partie : il faut mettre fin au mythe selon lequel la relation entre une banque et un client résulterait d’un contrat entre deux parties égales. Dans les faits, la relation est totalement asymétrique.
Par ailleurs, sans faire des banques un service public, la possession d’un compte est la condition préalable à l’accomplissement d’actes aussi élémentaires que la perception d’un salaire, le paiement de factures ou le remboursement d’un prêt. Sans compte bancaire, on est donc démuni, dans tous les sens du terme. À l’ère digitale, où le client est gentiment mais fermement incité à tout faire lui-même au moyen d’applications censées lui faciliter l’existence, l’interruption ou l’arrêt d’un service bancaire entraîne une véritable paralysie sociale. Notre tâche est d’améliorer le quotidien des Français et de corriger une relation profondément asymétrique – n’en déplaise à Mme Gérard –, d’où l’utilité du texte proposé par M. Mattei et de certains des amendements qui seront soumis au débat.
Le premier garde-fou tient dans l’obligation faite à l’établissement bancaire de motiver sa décision et de l’assortir d’un préavis. Sur ce dernier point, je pense qu’on peut prévoir une durée plus longue que deux mois. L’obligation de motivation ne doit bien sûr pas aboutir à des situations rocambolesques qui permettraient à un escroc, un voleur ou un terroriste d’apprendre ce qu’on sait de lui. La rédaction du texte devrait nous les épargner. Pour le reste, notre but doit être de protéger les consommateurs honnêtes et de les prémunir contre le sentiment d’arbitraire et d’impuissance que provoquent les fermetures abusives.
Par ailleurs, le droit d’avoir un compte bancaire ne doit pas pouvoir être remis en cause par une simple absence de rentabilité du client, par sa réticence à accepter une modification de son contrat ou par des retraits d’argent jugés trop importants par son agence. J’espère que l’Assemblée maintiendra cet encadrement, qui constitue l’autre innovation importante de la proposition de loi. Voilà pourquoi notre groupe votera en faveur de ce texte, qui aura au moins le mérite de faciliter l’existence d’un certain nombre de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. Alexandre Allegret-Pilot.
M. Alexandre Allegret-Pilot
Comme souvent, nous manquons peut-être l’essentiel. Pour l’affichage, ce texte est plus que bienvenu. En droit, il est inapplicable et ne résoudra en rien les difficultés qui minent la vie de nos concitoyens. Serions-nous dans un exercice de communication ?
Les fermetures inexpliquées de comptes bancaires perturbent trop souvent, trop silencieusement, la vie des Français. Oui, il est impératif de protéger les consommateurs et nécessaire d’imposer aux banques une justification claire de leurs décisions. Non, certains motifs de fermeture ne sont pas acceptables.
La lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme est fondamentale. Cependant, cette cause ne doit pas être détournée et les banques ne doivent pas se substituer pas aux institutions, en devenant des juges de fortune, des inspecteurs financiers ou des polices politiques.
Aujourd’hui, elles disposent d’un pouvoir discrétionnaire exorbitant. Elles peuvent fermer arbitrairement les comptes d’individus, d’associations ou de partis politiques, sans avoir à se justifier. Il en sera malheureusement de même sous l’empire de ce texte. Leur pouvoir disproportionné ouvre la porte à toutes les dérives. Ce n’est pas aux banques d’exercer une justice parallèle au gré de leurs propres appréciations. Cette délégation de pouvoir ne dit pas son nom : elle est une délégation d’abus de pouvoir.
Il y a trois mois, j’ai constaté que je n’avais plus accès à un de mes comptes bancaires. J’ai contacté la filiale d’un très grand groupe français dont j’étais le client et qui m’a indiqué qu’il s’agissait probablement d’un désagrément temporaire. Après plus de deux mois dans cette situation, j’ai reçu un courrier de cet établissement, qui administrait mes dépôts depuis sept ans. Sans un courriel personnalisé, sans un appel, sans un rendez-vous avec un conseiller, et alors qu’en sept ans ni virement suspect ni le moindre découvert n’avaient été enregistrés, ce courrier m’informait de la fermeture unilatérale et discrétionnaire de mon compte, comme la loi l’autorise, sans aucune forme de justification. La seule évolution qu’avait connue ce compte en banque concernait le statut de son titulaire, passé de simple citoyen à député d’opposition.
C’est inadmissible, d’autant qu’une justification n’aurait rien changé au résultat. Je sais que nous sommes nombreux, dans cet hémicycle et en dehors, entrepreneurs, militants, journalistes, associations, à faire les frais de cette pression économique motivée par des raisons politiques. L’argumentation prudentielle et réputationnelle ne saurait être entendue, tant elle est inaudible.
Nous pouvons continuer à donner des leçons de démocratie à la Terre entière ou nous pouvons commencer par balayer devant notre porte. C’est le sens de l’amendement que j’ai présenté, avec le groupe UDR et avec le soutien du Rassemblement national, et qui a été adopté en commission.
À l’UDR, nous croyons fermement aux vertus du libre jeu du marché. Mais nous croyons aussi à l’équilibre des forces et, donc, à la protection du consommateur. Le monopole bancaire doit être mieux encadré, pour mettre un terme à ces abus qui font honte à la France, qui déstabilisent l’économie et qui dissuadent l’entreprise individuelle comme l’aventure collective.
Ces pratiques fragilisent des entreprises déjà confrontées quotidiennement aux défis économiques et aux lourdeurs administratives. Comment honorer les commandes, régler les fournisseurs ou assurer le versement des salaires quand un compte bancaire est brutalement clôturé ? Quelles sont ces pratiques dignes des régimes les moins recommandables ? La stabilité économique, mais aussi la confiance des salariés, des fournisseurs et des clients, sont en jeu. Surtout, alors que le nombre de défaillances d’entreprises atteint un record historique, ce sont nos PME que nous achevons.
Nous sommes donc évidemment pour une obligation claire et vérifiable de la communication de la motivation d’une fermeture d’un compte bancaire. Nous sommes aussi favorables au fait que certains motifs soient irrecevables, afin de protéger nos concitoyens d’une combinaison qui ne devrait pas exister, celle qui lie monopole et arbitraire.
Pour autant, parce que ses membres sont attentifs à la liberté d’entreprise et à la qualité de la norme, le groupe UDR refuse la dérive introduite par les communistes au Sénat. J’appelle votre attention sur ce point. Dans son esprit actuel et parce qu’elle créerait une obligation d’immobilité perpétuelle à la charge des établissements, elle constitue une contrainte économique intenable. Notre groupe veut protéger les consommateurs, il ne veut pas tuer les banques. Par ailleurs, la rédaction actuelle est un jeu de dupes puisque la banque n’aurait qu’à invoquer cumulativement deux critères ou à conclure des contrats à durée déterminée pour s’extraire de l’interdiction de fermer un compte.
L’idée était pourtant intéressante : à l’article 2, le 2o du V bis porte sur toutes les modifications à l’initiative de la banque, même les plus saugrenues, affectant substantiellement l’équilibre économique de la relation. Le 3o, relatif au montant des retraits qui pourraient être jugés trop importants par la banque, fait quant à lui référence à une condition potestative. Ce texte est malheureusement un ballon de baudruche qui va vite se dégonfler. Les Français méritent mieux que l’amateurisme, à supposer qu’il soit involontaire.
Enfin, et parce qu’une obligation n’a aucune consistance si elle n’est pas assortie de sanctions, nous avons déposé, avec nos alliés du Rassemblement national, plusieurs amendements qui visent à rendre effectives les nouvelles obligations des banques. On peut toujours espérer que vous les voterez en pensant à tous les Français qui subissent cette forme insupportable de discrimination qu’est la fermeture abusive de leur compte bancaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Bruno Clavet.
M. Bruno Clavet
Avoir un compte en banque est une nécessité absolue. Sans compte, impossible de percevoir un salaire, de payer un loyer, de régler ses factures ou de faire fonctionner une entreprise ou une association. Être privé d’un compte bancaire constitue donc un facteur majeur d’exclusion.
Pourtant, une banque peut fermer un compte unilatéralement, du jour au lendemain, sans justification ni voie de recours. Cette décision brutale peut frapper un particulier, une entreprise, une association, un commerçant ou un agriculteur, mais aussi un syndicat ou un parti politique et leurs membres. Des élus locaux, des militants, parfois même leurs conjoints ou leurs parents subissent de véritables persécutions bancaires : certains voient leur compte fermé sans motif, d’autres essuient des refus répétés pour en ouvrir un, ce qui compromet non seulement leur vie de tous les jours, mais aussi leur capacité à exercer leur mandat ou à mener des campagnes électorales.
Ces pratiques, qui relèvent d’une forme de discrimination, constituent une entrave à l’exercice démocratique – aucune autre entité privée ou publique ne bénéficie d’un tel pouvoir discrétionnaire dans notre pays –, et il est impératif d’agir pour corriger ce problème. Le texte qui nous est présenté constitue un premier pas contre les fermetures abusives de comptes bancaires et le groupe Rassemblement national soutiendra les mesures de transparence qui y sont proposées. Cependant il pourrait aller plus loin, en prévoyant par exemple, selon des critères définis, des sanctions financières pour les banques qui fermeraient un compte de façon unilatérale et abusive. Il pourrait également prévoir l’aménagement d’une contribution des banques privées pour financer la mission d’accessibilité bancaire de La Banque Postale. Tel sera l’objet des amendements que nous vous présenterons.
En outre, les fermetures abusives ne sont qu’un symptôme d’un problème plus large, car c’est bien l’ensemble du rapport de force entre les banques et leurs clients qui est profondément déséquilibré. En effet, il existe un autre scandale : le matraquage financier des classes populaires par des frais bancaires injustifiés et exorbitants. Quelques chiffres pour l’illustrer : en 2023, les banques françaises ont encaissé 7 milliards d’euros en frais d’incidents bancaires ; chaque année, la somme prélevée sur les plus précaires, via les frais de découvert et de rejet de prélèvement, s’élève à 2,2 milliards d’euros ; 13 millions de Français sont concernés, tous les ans, par des frais d’incidents. Il s’agit donc d’un système d’une grande perversité, où la détresse des uns fait la prospérité des autres.
C’est aussi un engrenage : vous tombez dans le rouge pour pallier l’augmentation du coût de la vie ? La banque ne vous laisse aucune chance et vous facture des frais. Vous injectez de l’argent pour remonter la pente ? Les frais ont déjà grignoté une partie de votre dépôt. Alors vous n’avez plus d’autre choix que de souscrire à un crédit, un prêt à la consommation – une solution temporaire qui devient un piège financier. Résultat : des millions de Français sont à la limite du glissement définitif, mais sont maintenus dans l’illusion de pouvoir s’en sortir – tout simplement parce qu’ils continuent à rapporter des milliards.
Je parle ici des Français de la classe modeste, de la classe populaire, ceux qui travaillent, se lèvent tôt et font tourner le pays, mais que vous, socialistes et macronistes, avez abandonnés. Voilà des années que vous leur promettez de vous attaquer à la question des frais bancaires, avec le succès que l’on connaît. En 2013, François Hollande annonçait un plafonnement des frais bancaires pour les clients les plus fragiles, mais cela n’a donné qu’un encadrement minimal qui n’a strictement rien changé. En 2018, Emmanuel Macron promettait de s’attaquer aux frais d’incidents bancaires, mais n’a finalement accouché que d’une charte d’engagement des banques, qu’aucune ne respecte. Enfin, en 2021, Bruno Le Maire affirmait vouloir faire pression sur les établissements bancaires pour modérer leurs tarifs ; résultat : trois ans plus tard, les frais n’ont jamais été aussi élevés – preuve, s’il en fallait, que les macronistes ne sont pas les maestros de la finance qu’ils prétendent être. Peut-être sont-ils soumis à leurs amis banquiers, peut-être manquent-ils de courage ; j’ai envie de vous dire que c’est sûrement les deux.
Bref, en la matière, tous ceux qui se sont succédé au pouvoir ont échoué à protéger les classes populaires, et c’est d’ailleurs pour cela qu’elles ne votent plus pour vous. Le Rassemblement national, lui, défendra l’intérêt des Français. Nous voulons que des sanctions réelles et dissuasives soient appliquées contre les banques qui abusent de leur position dominante. En résumé, nous voulons établir un équilibre dans les relations entre les banques et leurs clients. Notre conviction, c’est que le système bancaire ne doit pas être une machine à ponctionner les classes populaires et moyennes, mais un outil au service de l’économie réelle, des travailleurs, des commerçants, des artisans et des entreprises. Le Rassemblement national se battra pour que le système bancaire cesse d’être un prédateur et devienne un partenaire au service de tous les Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. David Amiel.
M. David Amiel
Comme les orateurs précédents, nous partageons naturellement les intentions des auteurs de la proposition de loi. La fermeture d’un compte bancaire, sans justification, parfois du jour au lendemain, plonge ceux qui en sont victimes – commerçants, artisans, tous nos concitoyens – dans une situation très difficile. Il existe certes un droit au compte bancaire, mais organiser, en quelques semaines, le déplacement de ses comptes est loin d’être aisé. Obtenir des explications de l’établissement bancaire qui vous met dans une telle situation apparaît donc, franchement, comme la moindre des choses. C’est l’exigence qu’on aurait dans bien d’autres situations contractuelles similaires ; il n’y a pas de raison que, sur ce point, la relation entre un client et une banque sorte du droit commun. Pour lutter contre le sentiment d’arbitraire et d’impuissance des clients, qui perdent confiance dans le système contractuel et dans les établissements financiers, il fallait donc avancer.
La question principale – et délicate – qui doit nous occuper aujourd’hui est toutefois de savoir comment procéder pour informer les clients honnêtes sans avertir les délinquants et les criminels. Loin des propos idéologiques qui ont été agités à cette tribune, c’est ce souci de garantir l’efficacité des procédures judiciaires et des enquêtes qui doit nous guider. Car le risque est d’informer les personnes qui font l’objet d’une déclaration de soupçon pour blanchiment ou financement du terrorisme : leur faire connaître la raison de la clôture de leur compte, c’est leur donner le temps de faire disparaître les preuves.
En l’état actuel, la proposition de loi ne répond pas à cette préoccupation puisque la solution qui consisterait à ne pas informer les clients dans quelques cas, dont celui du blanchiment, serait évidemment une manière de les informer par la négative. S’il n’y a qu’une seule situation dans laquelle votre compte est fermé sans explications, il ne faut pas être grand clerc pour deviner que vos agissements sont connus. C’est loin d’être anecdotique puisque plus de 50 % des signalements à Tracfin sont aujourd’hui opérés par les établissements financiers. Comme l’a rappelé Mme la ministre déléguée, l’interdiction de demander la clôture d’un compte pour des retraits massifs d’espèces freinera également la lutte contre le blanchiment d’argent. Tel qu’il est actuellement rédigé, l’article 2 de la proposition de loi risque donc de fragiliser considérablement les enquêtes.
Le président Coquerel l’a lui-même reconnu, notant à cette tribune que les inquiétudes de Tracfin étaient légitimes et proposant de conduire des auditions supplémentaires pour améliorer le texte dans le cadre de la navette. Nul besoin cependant d’attendre : le rapporteur proposera des amendements de réécriture de l’article 2 qui permettront d’intégrer ces préoccupations essentielles. En effet, lors de l’examen en commission, nos inquiétudes, qui sont loin d’être dérisoires – il s’agit de la lutte contre la fraude fiscale, la criminalité organisée et le terrorisme –, n’ont pas été prises en compte.
Nous devons construire un dispositif qui offre aux clients les informations auxquelles ils ont le droit d’avoir accès, sans menacer le travail mené pour la sécurité des Français. Le groupe Ensemble pour la République soutiendra donc les propositions du rapporteur Mattei. (Mme Marina Ferrari applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Le Coq.
M. Aurélien Le Coq
Le régime des banquiers, c’est terminé – voilà la loi dont nous aurions besoin. La proposition de loi qui nous est soumise ne suffira pas à supprimer les abus des banques, ces escrocs qui sélectionnent leurs clients de manière discrétionnaire, s’engraissent sur le dos des plus pauvres, fraudent le fisc, multiplient les investissements polluants ; mais c’est mieux que rien.
Dans notre pays, avoir accès à un service bancaire est un droit, mais de trop nombreuses banques décident de fermer des comptes bancaires sans avoir à le justifier. Les pauvres, dehors – pardon, il faut dire que le profil du client est « trop à risque », c’est-à-dire, si l’on traduit, qu’il ne rapporte pas suffisamment d’argent –, et sans qu’il y ait besoin d’explications ; c’est le régime du fric et de l’arbitraire.
Pourtant, un compte en banque fermé du jour en lendemain crée des difficultés bien concrètes. Comment vivre ne serait-ce que quelques jours, quelques semaines, voire quelques mois sans compte bancaire ? Sans compte bancaire, pas de salaire, pas de pension de retraite, pas de remboursements de frais médicaux, pas de paiement de loyer.
En commission, les macronistes se sont évertués à tout faire pour que ce tout début de mise en place d’une minuscule transparence des banques soit encore amoindri. Là où le texte contraint – et vous parlez d’une contrainte – les banques à justifier les fermetures de comptes à leurs clients, vous trouvez que c’est déjà trop :…
M. David Amiel
Vous ne m’avez pas écouté !
M. Aurélien Le Coq
…les Français devraient en plus faire la démarche de demander eux-mêmes la justification à la banque.
En réalité, vous savez pertinemment que pour beaucoup de nos concitoyens, le recours à un droit est un parcours du combattant. Ainsi, 17 % de la population française est concernée par l’illectronisme ; l’exclusion numérique touche 15 millions de Français dont 5 millions cumulent fragilité sociale et numérique. Vous rêvez de la start-up nation, mais vous vous moquez que votre monde, aussi dématérialisé que déshumanisé, sacrifie toute une partie de la population. Si en plus cela peut permettre aux banques de n’avoir de comptes à rendre à personne, tant mieux !
Si, au moins, le manque de transparence était le seul abus des banques ; mais trop, ce n’est jamais assez pour un banquier. Je profite de ma prise de parole à cette tribune pour dénoncer un véritable scandale : combien de Français, en ouvrant leur compte en banque, constatent qu’on leur a volé de l’argent – pardon, qu’on leur a prélevé des commissions d’intervention, des frais de découvert ou des frais de prélèvement ? Oui, les banques se remplissent les poches en se servant dans les comptes en banque des plus pauvres. Elles prennent, à ceux qui galèrent pour manger, de quoi engraisser un peu plus les actionnaires, sous le regard complice des gouvernements macronistes, qui pensent sans doute qu’il est dans l’ordre des choses que les riches prennent aux pauvres. Cependant, je l’ai dit : pour un banquier, trop, ce n’est jamais assez, alors ces frais augmentent : 14 % en 5 ans, et cette année encore ils devraient augmenter de 5 %. Au nom de quoi les banques sont-elles ainsi autorisées à prélever cet impôt privé ? C’est un racket organisé.
Pourquoi les frais bancaires sont-ils du vol ? Parce qu’ils ne rémunèrent rien, ne correspondent à aucun travail ; ce sont des opérations menées en quelques secondes, automatisées, sur lesquelles les banques font en moyenne 86 % de marge. Le butin, lui, est élevé : 6,5 milliards d’euros pris chaque année à 8 millions de Français. À qui profite le crime ? Aux actionnaires, comme d’habitude : en 2024, les cinq plus grands groupes bancaires français ont réalisé 32 milliards d’euros de profit, et les deux plus grands groupes bancaires ont chacun versé 6 milliards d’euros de dividendes. Les banques sont en lice pour le record du plus grand braquage de l’année. Remarquez, en matière de record, les actionnaires ont la palme : ils ont touché 100 milliards d’euros de dividendes l’année dernière – année où le nombre d’entreprises qui ferment a également battu un record. Coïncidence, évidemment !
Pendant ce temps, les pauvres paient, paient et paient encore – en moyenne, 300 euros de frais bancaires par an. La Macronie nous vantait le ruissellement, mais elle a fait mieux : elle a réussi à inverser la gravité. La richesse ruisselle des travailleurs et des précaires, qui produisent, vers les actionnaires, qui se gavent.
Le groupe LFI-NFP votera cette proposition de loi qui oblige les banques à rendre un minimum de comptes à leurs clients, mais ce n’est qu’un début. Il faut désormais contrôler drastiquement les banquiers : la présidente Mathilde Panot a déposé une proposition de loi pour plafonner les frais bancaires ; celle-ci doit être adoptée. Il est temps de siffler la fin de la récré. (M. le président de la commission des finances applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. Tristan Lahais.
M. Tristan Lahais
Je vous demande de pardonner la redondance de mon intervention avec celles qui l’ont précédée, notamment celles venant de la gauche de cet hémicycle.
En 2025, certains de nos compatriotes peuvent encore découvrir un beau jour, par un courrier de leur banque, que leur compte bancaire sera clôturé dans un délai de deux mois, sans autre information justifiant cette décision unilatérale. Pourtant, posséder un compte bancaire, comme d’ailleurs certains documents administratifs, est indispensable pour pouvoir effectivement s’insérer dans la société et parer à bien des nécessités de la vie quotidienne : recevoir un salaire, verser un loyer, exercer une activité professionnelle, toucher des allocations ou encore acquitter ses factures. Ces fermetures abusives, dont le seul but est d’améliorer la rentabilité des établissements bancaires, aggravent les difficultés sociales de nombre de nos compatriotes.
Pour les personnes concernées, une course de vitesse s’engage afin de trouver une nouvelle banque, d’ouvrir un nouveau compte bancaire, de réorganiser les différents virements opérés via l’ancien compte, etc. Il s’agit d’un véritable périple pour nos concitoyens vivant en zone rurale – au cours de la décennie qui vient de s’écouler, les banques ont toutes fermé leurs portes dans 654 communes. Encore le fameux délai de deux mois est-il souvent écourté – mes collègues Mélanie Vogel et Karim Ben Cheikh l’ont maintes fois répété au Sénat et dans cette assemblée – par les difficultés de communication rencontrées par nos concitoyens vivant hors de France.
Aussi la proposition de loi que nous étudions constitue-t-elle une petite avancée : elle permettra de corriger dans une certaine mesure une asymétrie du droit, excessivement favorable aux banques et défavorable à nos concitoyens. Laissées à la discrétion des banques, ces fermetures arbitraires leur permettaient en effet de se séparer des comptes fragiles sans avoir à se justifier, quitte à plonger leurs clients, déjà précaires, dans une détresse plus grande encore.
Cette situation pose également un problème pour les banques qui assurent un rôle de service public auprès des clients exclus du système bancaire ordinaire : celles-ci se retrouvent en première ligne du fait du désengagement des autres établissements.
Grâce au travail de nos collègues sénateurs des groupes de gauche – que je remercie –, la version du texte parvenue en commission des finances permet de lutter concrètement contre les fermetures abusives des comptes bancaires : en contraignant les banques à informer systématiquement leur client des motifs ayant conduit à la fermeture de son compte, nous contribuons à prévenir le non-recours au droit de la part de nos concitoyens qui pourraient être confrontés à une fermeture abusive.
Toutefois, nous regrettons que la proposition de loi n’aille pas assez loin et ne s’inscrive pas dans une démarche plus large de régulation du secteur bancaire. En effet, les banques sont plus promptes à fermer les comptes non rentables qu’à verdir leurs investissements – toujours estimés à 100 milliards d’euros dans les énergies fossiles – ou à lutter contre l’évasion fiscale.
Il faudra tôt ou tard que nous nous penchions sur le scandale que constitue la cherté des services financiers, illustration des pratiques d’un secteur fort avec les faibles et faibles avec les forts. La France est parmi les pays d’Europe où les frais bancaires sont les plus élevés, au détriment des ménages les plus modestes et des personnes en situation de précarité. En 2018, UFC-Que choisir estimait à 6,7 milliards le montant des frais bancaires facturés et évaluait la marge moyenne réalisée sur les incidents bancaires à environ 86 %. Opaque et injuste, un véritable impôt privé s’est mis en place, au profit des seules banques ; il est aujourd’hui impératif de l’abroger, en fixant pour ces frais une cible : leur rentabilité ne devrait pas excéder la rentabilité moyenne des autres activités du secteur.
Enfin, nous devons lutter plus généralement pour l’inclusion financière de toutes et tous. Les associations défendent des propositions visant à améliorer la détection de la fragilité bancaire, à mieux informer les clients de leurs droits ou encore à plafonner les frais d’incidents. Ce travail devrait nous mobiliser davantage. Nous soutiendrons donc cette proposition de loi, mais également tous les amendements de nos collègues tendant à promouvoir la régulation et l’inclusion.
Mme la ministre et M. le rapporteur ont souligné certains défauts du dispositif, susceptibles de compromettre la sécurité nationale. Ces difficultés doivent nous conduire non à renoncer à octroyer davantage de droits aux personnes les plus frappées par l’exclusion, mais à étudier les modalités permettant de les lever. Comme d’autres collègues de gauche l’ont souligné, des amendements ont été déposés à cette fin et nous les soutiendrons. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. – M. le président de la commission des finances applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Juvin.
M. Philippe Juvin
L’objectif de cette proposition de loi est louable sur le principe : il n’est pas normal que l’on ferme abusivement un compte bancaire. Chacun voit bien toutes les difficultés que cela peut causer dans la vie quotidienne. Il faut un compte bancaire pour percevoir ses revenus, s’acquitter de son loyer, effectuer des paiements. Oui, il est parfaitement légitime que toute personne puisse être informée des raisons pour lesquelles une banque prend la décision, parfois lourde de conséquences, de clôturer son compte. Pourtant, il convient de se garder de certains écueils, que cette proposition de loi n’évite pas.
Le premier est sans doute la dramatisation. J’ai entendu notre collègue Le Coq : dans un propos particulièrement modéré, subtil, équilibré, sage et réfléchi, il a successivement qualifié les banquiers d’escrocs, de voleurs et ajouté une troisième qualification que j’ai notée sur une feuille laissée sur mon pupitre. Bref. Si nous commençons à discuter sur de telles bases, il sera difficile de nous mettre d’accord.
M. Charles Sitzenstuhl
Il peut faire mieux !
M. Philippe Juvin
Probablement !
Nous sommes perplexes sur les dispositions proposées par le texte. Nous pouvons tout d’abord nous interroger sur l’ampleur réelle du phénomène. En effet, le service de médiation auprès de la Fédération bancaire française, organisme chargé de résoudre les litiges qui peuvent survenir entre des clients et des établissements bancaires, indique dans son rapport d’activité de 2023 : « Autrefois, les clôtures abusives constituaient aussi des cas de saisines fréquents : cela a quasiment disparu ».
Il faut en outre rappeler que notre droit prévoit déjà plusieurs protections, notamment un préavis de deux mois en cas de résiliation, ce qui laisse un temps raisonnable à la personne concernée pour trouver une autre banque qu’elle soit physique ou en ligne. Le droit au compte permet également à toute personne physique ou morale de s’adresser à la Banque de France qui lui désigne ensuite un établissement pour lui permettre d’ouvrir un compte bancaire. Dire que rien n’existe est faux. Dire que ce serait l’enfer, que des gens arriveraient avec un pistolet automatique pour vous braquer n’est pas tout à fait exact non plus. La réalité est plus subtile et peut-être moins catastrophique.
Cette proposition de loi est-elle bien ficelée ? Dans sa version actuelle, elle pose plusieurs difficultés. Pour le dire simplement, elle est pleine de bonnes intentions, mais contribue à créer de nouveaux problèmes. Or, comme bien souvent avec les politiques publiques, il y a ce que l’on voit, c’est-à-dire les conséquences à court terme d’une mesure et ses gagnants, et ce que l’on ne voit pas, c’est-à-dire les effets inattendus, indirects et à plus long terme.
Dans le cas de cette proposition de loi sur la fermeture des comptes bancaires, l’obligation de motivation systématique pourrait faire obstacle au travail réalisé avec les banques par Tracfin en matière de lutte contre le blanchiment d’argent ou le financement du terrorisme. En effet, l’article 2 prévoit que les banques ont l’obligation d’indiquer systématiquement au client les motifs de la résiliation, sauf « lorsque cette motivation contrevient aux objectifs de sécurité nationale ou de maintien de l’ordre public ». Ainsi, le silence de la banque indiquerait de fait à la personne concernée qu’elle est soupçonnée par Tracfin de pratiquer des activités liées au blanchiment d’argent ou au financement du terrorisme.
Enfin, nous vous alertons sur les interdictions de résiliation pour certains motifs que contient l’article 2, particulièrement celui relatif au refus du client d’une modification de la convention. Que signifie une telle interdiction en pratique ? Elle pourrait contraindre les banques à négocier au cas par cas les clauses et les tarifs de chaque client. Est-ce là la simplification que nous voulons apporter au pays ? Tout le monde est pour la simplification, mais nous ne cessons de complexifier la vie du pays et de ses acteurs. Outre la lourdeur administrative qu’il introduit – comme si nos entreprises en avaient encore besoin –, ce texte constitue une entorse manifeste aux principes fondamentaux du droit des contrats, dont la liberté contractuelle. Comme bien souvent en France, le législateur, dans un geste infantilisant, veut s’immiscer dans des relations contractuelles entre adultes. Ce n’est pas son rôle et, quant à nous, nous croyons en la liberté et aux contrats !
Aussi, parce que nous pensons que ce texte créerait plus de difficultés qu’il n’apporterait de solutions, la Droite Républicaine votera contre la proposition de loi, du moins en l’état. Notre position pourra évoluer après l’examen des amendements, si les dispositions les plus problématiques sont écartées au cours des débats.
Mme la présidente
La parole est à M. Belkhir Belhaddad.
M. Belkhir Belhaddad
La fermeture d’un compte bancaire peut avoir de lourdes conséquences, tant pour un particulier que pour une entreprise. Il s’agit d’un problème social à bas bruit. Sans compte en banque, il est impossible de percevoir un salaire, de payer un loyer, de régler ses factures ou de faire fonctionner une entreprise ou une association.
Sur ce point, le droit semble consacrer un déséquilibre dans la relation du consommateur avec sa banque : actuellement, en dehors des cas relevant du droit au compte, les banques qui ferment un compte de dépôt n’ont pas à le justifier.
Face à cette situation, de nature à susciter un sentiment d’impuissance et d’arbitraire chez le client concerné, je ne peux que partager l’objectif visé par la proposition de loi, qui tend à introduire davantage de transparence et d’équilibre dans la relation entre les banques et leurs clients.
Il ne faudrait pas occulter le fait que le compte bancaire génère de la rémunération pour les banques, notamment les frais perçus au titre de la tenue de compte, qui peuvent d’ailleurs donner lieu à des abus.
Encadrer de manière plus juste les conditions de fermeture unilatérale d’un compte bancaire semble ainsi pertinent. Même si les mesures prévues par la proposition de loi ne semblent concerner qu’un nombre restreint de consommateurs, celle-ci s’inscrit également dans les débats relatifs à la lutte contre l’exclusion bancaire ou encore à la question du plafonnement des frais bancaires, puisqu’elle aborde la relation client-banque.
Malgré la légitimité de ses objectifs, la proposition de loi soulève, en l’état, de nombreux problèmes. Trouver un juste équilibre entre l’exigence de justification en cas de fermeture de compte bancaire, le respect des obligations des banques en matière de lutte contre le blanchiment et contre le terrorisme, et celui du principe de la liberté contractuelle – évoquée il y a quelques instants – est en effet essentiel.
Par ailleurs, comme je l’ai indiqué, il n’existe pas de chiffres ou de statistiques sur l’ampleur du phénomène des fermetures de comptes bancaires. À cet égard, le rapport à remettre au Parlement que prévoit la proposition de loi permettra d’ajuster au mieux les mesures prises.
À l’heure du tout-numérique et de l’automatisation de la relation client, l’intelligence artificielle risque de remplacer le conseiller bancaire. Il importe pourtant que le client ne se sente plus démuni et puisse être accompagné en cas de résiliation unilatérale de son compte bancaire, en particulier dans les territoires ruraux ou isolés, où accéder au service bancaire est de plus en plus difficile. Même si je partage l’objectif visé par la proposition de loi, le texte issu des travaux de la commission des finances ne me semble pas entièrement satisfaisant sur ces points.
M. le rapporteur propose différents aménagements qui répondent aux enjeux à l’origine de la proposition de loi, tout en améliorant la sécurité juridique du dispositif. Par le rôle donné au médiateur et au dialogue qui s’établit entre la banque et le client dont la convention de compte a été résiliée, par l’institution d’une voie de recours, les modifications envisagées sont à même d’amener les banques à faire évoluer leurs pratiques dans le bon sens, conformément aux intérêts de leurs clients.
Pour peu que les modifications proposées par M. le rapporteur soient adoptées, je voterai le texte : celui-ci traite d’enjeux importants pour nos concitoyens et, même lorsque le monde connaît des bouleversements majeurs, le législateur doit continuer de se saisir des sujets de préoccupation quotidiens des Françaises et des Français.
Mme la présidente
La discussion générale est close.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
L’objet de ce texte est non de faire le procès des banques, mais de rétablir un peu de transparence dans la relation contractuelle entre le client et la banque, ce qui me semble nécessaire.
Une fois n’est pas coutume, nous sommes amenés à améliorer la copie du Sénat. À ce titre, je regrette que n’ayons pas essayé de réfléchir sur le fond en commission. C’est pourquoi j’ai proposé un amendement de réécriture de l’article 2.
Cela a été dit par plusieurs orateurs, dont je me permets de reprendre les propos : il n’est pas question de prétendre qu’en cas de fermeture d’un compte, il n’existerait aucune information. Néanmoins, par rapport à un document écrit, numérique, éventuellement produit de façon automatique à l’aide d’une intelligence artificielle, et fournissant une réponse qui ne résoudra peut-être rien, prévoir l’intervention d’un tiers de confiance indépendant, le médiateur – dont la mission, bien encadrée, consiste à répondre aux exigences du client – constitue une avancée.
Cette assemblée est souveraine et je peux entendre des points de vue différents, mais puisque nous sommes d’accord sur le fond, il ne reste que des problèmes de forme. Laissons une chance à la relation entre la banque et son client : si nous y remettons un peu d’humain, je crois que nous aurons fait un grand pas.
Mme la présidente
Sur les amendements identiques nos 4 et 31, je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire
Mon intervention sur la présentation du texte ayant eu lieu lors de la séance précédente, je me contenterai de trois remarques en réaction à ce qui vient d’être dit.
La première va dans le sens des propos du rapporteur. Plusieurs orateurs ont fait le procès des banques en mentionnant le niveau de leurs profits et les frais qu’elles facturent à leurs clients ; ce n’est pas le sujet du texte, qui concerne tout ce qui a trait à la fermeture des comptes bancaires. Il ne faudrait pas que le vote sur ce texte ne serve qu’à exprimer, sur certains sujets, une opposition que je ne partage d’ailleurs pas. Une telle démarche ne correspond pas à l’esprit de la proposition de loi ; il ne faut pas se tromper de combat.
Deuxièmement, vous avez été plusieurs – notamment MM. Amiel et Juvin, ainsi que Mmes Gérard et Ferrari – à relever des difficultés dont j’ai moi-même fait état. Monsieur le président de la commission des finances, vous avez indiqué qu’il faudrait utiliser la navette pour en venir à bout, ce qui revenait implicitement à reconnaître leur existence. Mais j’appelle votre attention sur un élément : nous ne pouvons être certains, à ce stade, qu’une navette aura bien lieu.
Je vous invite donc à prendre en compte cette réalité en faisant preuve de bon sens et de pragmatisme, en particulier concernant Tracfin, la cellule de renseignement financier, qui a besoin de disposer de certaines informations spécifiques. Je rappelle que la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic sera examinée ici même dans quelques jours ; elle comporte un volet sur le financement du terrorisme et si le présent texte était adopté en l’état, il irait à l’encontre de certains de ses dispositifs. (Mme Marina Ferrari applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Je serai rapide, parce que je sais que le rapporteur a un train à prendre. (Sourires.)
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Pas tout de suite !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Plus sérieusement, j’entends l’argumentaire selon lequel il n’y aurait pas lieu, ici, de faire le procès des banques, et qu’il ne s’agirait que de gérer leurs relations avec les clients. Mais enfin, si nous examinons ce texte, c’est bien qu’il y a un problème avec les banques. Si ce n’était pas le cas, il ne serait pas question, dans son titre même, de « fermetures abusives » ; un autre intitulé aurait été choisi. Il y a un souci entre les banques et leurs clients en France, dont témoignent ces fermetures de comptes mais aussi, par exemple, des taux d’intérêt prohibitifs, dès qu’un particulier est un peu à découvert, par lesquels les banques peuvent le ruiner sans crier gare.
Pourtant, je rappelle que nous sommes dans l’obligation d’avoir un compte bancaire : d’une certaine manière, nous sommes captifs ; nous n’avons pas le choix. En outre, quand une banque ferme votre compte – cela m’est arrivé et je connais des gens à qui c’est arrivé –, il n’est pas simple de retrouver un compte dans une autre banque. Il y a donc bien un problème avec les banques, et j’aurais aussi pu évoquer les frais bancaires qui peuvent être débités pour différentes raisons. On a souvent souligné, d’ailleurs, que l’Europe accusait un retard considérable en la matière. Il est nécessaire de légiférer, peut-être pas pour faire le procès des banques mais au moins pour formuler des critiques fortes, afin d’améliorer la situation. (M. Aurélien Le Coq applaudit.)
Discussion des articles
Mme la présidente
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
Article 1er
Mme la présidente
Je suis saisie de quatre amendements, nos 4, 31, 40 et 41, tendant à rétablir l’article 1er, supprimé par la commission. Ils peuvent être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 4 et 31 sont identiques.
La parole est à Mme Sophie Pantel, pour soutenir l’amendement no 4.
Mme Sophie Pantel
Cet amendement du groupe Socialistes et apparentés vise à allonger le délai de préavis de deux à quatre mois. Nous proposons de généraliser une mesure qui existait déjà, dans le texte du Sénat, pour les Français vivant à l’étranger, à l’ensemble des titulaires de compte, qu’ils résident en France ou hors de France. L’objectif est de permettre un meilleur accompagnement des publics précaires, qui subissent tout particulièrement la complexité de la vie administrative. Je précise que cet amendement a été élaboré en lien avec l’association UFC-Que choisir.
Mme la présidente
L’amendement no 31 de M. Aurélien Le Coq est défendu.
La parole est à M. Tristan Lahais, pour soutenir les amendements nos 40 et 41, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Tristan Lahais
L’amendement no 40 vise le même objectif que celui de Mme Pirès Beaune – que Mme Pantel a présenté – et celui de M. Le Coq : allonger de deux à quatre mois le délai de préavis pour celles et ceux qui verraient leur compte bancaire supprimé. Je précise que cette demande est formulée par l’ensemble des associations du secteur social, notamment le Secours catholique, Emmaüs, l’UFC-Que choisir et bien d’autres.
Quant à l’amendement no 41, il vise – dans l’hypothèse où les précédents ne seraient pas adoptés – à faire passer ce délai de deux à quatre mois pour les seuls Français résidant à l’étranger. C’est une mesure réclamée par nos collègues députés et sénateurs des Français de l’étranger, car ils reçoivent de nombreux retours à ce sujet : lorsqu’une banque décide de fermer le compte d’une personne vivant à l’étranger, l’information arrive à celle-ci plus tardivement que si elle résidait en France. La complexité administrative qui s’ensuit, et qui a déjà été évoquée, est probablement imputable davantage à ces délais trop courts qu’à des droits insuffisamment garantis.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Je rappelle qu’en commission, nous avons débattu de ces délais et supprimé l’article 1er. Je comprends votre point de vue : mieux vaut avoir quatre mois plutôt que deux pour se retourner, et ce n’est pas seulement le cas pour les détenteurs de compte résidant à l’étranger. Cependant, nous nous heurtons à un problème qui a trait à la transposition du droit européen : ce dernier prévoit un délai de deux mois, ce qui fragilise votre argumentaire. Vous aurez peut-être l’impression que je radote quand j’en reparlerai au moment de présenter mon amendement de réécriture de l’article 2. J’ajoute que la saisine du médiateur bancaire, qui aura un mois pour se prononcer, permettra d’allonger le délai de deux à trois mois.
Avis défavorable, donc, à ces quatre amendements, au vu de ce problème lié à la transposition du droit européen : leur adoption créerait un risque d’inconstitutionnalité.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Les deux premiers amendements – nos 4 et 31 – allongent le délai de préavis de deux à quatre mois et donnent en outre au ministère de l’économie la possibilité de l’augmenter encore. L’amendement no 40 se limite à l’allongement du délai, sans donner cette capacité supplémentaire au ministère. Enfin, l’amendement no 41 propose de revenir à la version initiale du Sénat.
Je donne un avis défavorable à l’ensemble de ces amendements, pour les mêmes raisons que le rapporteur. Une directive européenne fixant à deux mois ce délai de préavis a été transposée dans le droit français. Le préavis de deux mois est donc inscrit dans notre droit : y contrevenir pourrait entraîner des sanctions de la part de la Commission européenne, ce qui me met dans l’impossibilité de donner un avis favorable à votre proposition. Au demeurant, un tel délai me paraît suffisant : en soixante jours, il est possible de s’organiser.
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Je soutiens ces amendements. Il ne me semble pas très pertinent d’anticiper les décisions du Conseil constitutionnel : au pire, celui-ci pourrait faire supprimer le dispositif dont nous débattons sans revenir sur l’ensemble du texte. Je me demande par ailleurs si la disposition européenne que nous transposons ne vise pas à protéger le consommateur en fixant un délai de deux mois minimum.
M. Aurélien Le Coq
Bien sûr !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Dès lors, il n’entre pas dans l’esprit de la mesure d’origine d’empêcher un mieux-disant par rapport au droit européen ; si c’était le cas, j’en serais très étonné.
Mme la présidente
La parole est à Mme Claire Marais-Beuil.
Mme Claire Marais-Beuil
Le Rassemblement national soutient ces amendements. En effet, lorsqu’un particulier ou une entreprise subit une fermeture abusive de compte – c’est arrivé à certains de nos collègues –, deux mois semblent très courts pour accomplir l’ensemble des démarches nécessaires. Dans le cas d’une entreprise, il faut s’adresser à ses fournisseurs et à ses clients : allonger le délai à quatre mois nous paraît tout à fait raisonnable. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Arthur Delaporte.
M. Arthur Delaporte
Le risque d’une surtransposition, principal obstacle à l’adoption de ces amendements, ne me semble pas problématique en soi : nous ne ferions que protéger davantage le consommateur. Par ailleurs, le rapporteur Mattei a argué de possibles distorsions de concurrence, mais introduire un préavis de quatre mois me paraît au contraire relever d’une saine concurrence : les clients vont automatiquement se diriger vers les banques qui leur proposeront la meilleure protection et feront valoir, en l’occurrence, un avantage concurrentiel. Vraiment, dans le cas qui nous occupe, l’argument de la norme européenne ne saurait nous être opposé.
J’en profite pour vous remercier, madame la ministre, de mettre en avant l’exigence de constitutionnalité et de conventionnalité : j’aimerais que vous le fassiez aussi en d’autres matières, par exemple sur les sujets migratoires. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
N’oubliez pas les sujets fiscaux, collègue Delaporte ! Nous avons voté il y a quelques jours une proposition de loi, issue de vos rangs, qui était anticonstitutionnelle. Votre exigence, en la matière, est donc toujours à géométrie variable. D’ailleurs, c’est aussi le cas s’agissant des surtranspositions.
Le groupe EPR votera contre ces amendements. Un cadre européen fixe le délai à deux mois, et voilà que vous proposez de passer à quatre. Vous êtes très nombreux, sur presque tous les bancs de l’hémicycle, à ne cesser d’affirmer que nous surtransposons trop en France ; mais chaque fois que nous pourrions arrêter de surtransposer, certains d’entre vous – et ici, je le crains, une majorité – veulent faire l’inverse. Dans le cas présent, nous nous engagerions dans une surtransposition supplémentaire !
M. Philippe Juvin
Absolument !
Mme Claire Marais-Beuil
C’est pour le bien des gens ! Arrêtez !
M. Charles Sitzenstuhl
On se dit à chaque fois que ce sera indolore, que seuls certains publics et un faible nombre d’entreprises seront concernés, mais c’est l’addition de toutes ces petites surtranspositions – à l’image de celle que vous allez voter dans quelques instants – qui crée in fine pour notre pays des problèmes de compétitivité.
Mme Claire Marais-Beuil
Non, ce n’est pas vrai !
M. Emmanuel Duplessy
OK, Mozart !
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Le Coq.
M. Aurélien Le Coq
Il y a quelque chose que je ne comprends pas dans votre argumentaire. Vous nous dites que dans le fond, passer de deux à quatre mois serait plutôt une bonne chose – c’est ce que j’ai cru comprendre de l’intervention de la ministre –,…
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Non, je n’ai pas dit ça !
M. Aurélien Le Coq
…et vous vous raccrochez à des arguments auxquels vous donnez une coloration juridique mais dont le collègue Delaporte vous a démontré qu’ils ne tenaient pas. Le président de la commission des finances a enfoncé le clou en expliquant que dans l’esprit de la directive, le préavis de deux mois était pensé comme le minimum nécessaire pour protéger les usagers. Ici, nous proposons de faire mieux ! Cela ne pose aucun problème d’ordre juridique.
Au bout d’un moment – je le dis et je l’assume –, il faut arrêter de louvoyer, en mobilisant de faux arguments, pour essayer d’atténuer les contraintes qui pèsent sur les banques ! La vraie question que nous devons nous poser, c’est celle des conséquences d’une telle mesure sur la vie des gens, au quotidien : quand leur compte bancaire est fermé, comment font-ils pour se retourner ? Vous avez évoqué les difficultés plus grandes auxquelles des entreprises ou des associations pourraient être confrontées, mais qu’en est-il des gens qui vivent dans des territoires ruraux, où le maillage des agences bancaires est plus faible qu’ailleurs et où il est plus difficile d’ouvrir un compte en banque ? Allonger le délai à quatre mois pour tous, c’est apporter une sécurité supplémentaire pour les consommateurs : il n’est nul besoin d’invoquer des arguments rocambolesques pour nous expliquer que c’est impossible.
M. Charles Sitzenstuhl
Il n’empêche qu’on surtranspose !
Mme la présidente
La parole est à M. Alexandre Allegret-Pilot.
M. Alexandre Allegret-Pilot
La surtransposition est problématique quand elle risque de soumettre les productions françaises à la concurrence déloyale de produits importés qui ne seraient pas soumis aux mêmes contraintes, en particulier dans le secteur de l’agriculture. En l’espèce, ce n’est pas de cela qu’il s’agit puisque nous proposons simplement de mieux protéger les Français qui détiennent des comptes dans des banques françaises.
D’autre part, un préavis de deux mois peut sembler extrêmement court car il est fréquent que la résiliation d’un compte, potentiellement après une décision arbitraire, s’accompagne de nombreuses autres épreuves personnelles. Deux mois peuvent-ils suffire pour réorganiser toute une vie, ne serait-ce qu’en raison des délais de notification des décisions ?
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Juvin.
M. Philippe Juvin
Pour information, le préavis est de deux mois en Allemagne, en Italie, en Espagne, et d’un mois en Belgique.
Mme Claire Marais-Beuil
Ce n’est pas une raison !
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
J’ai bien compris votre intention mais je crains que l’allongement du délai ne crée une insécurité juridique. Vos arguments, je le répète, ne me convainquent pas. Surtout, la fermeture d’un compte emporte d’autres conséquences, tout aussi graves : qu’adviendra-t-il des prêts en cours ? Une déchéance du terme sera-t-elle décidée si un crédit à la consommation a été contracté ? C’est pour toutes ces raisons que ma proposition de solliciter le médiateur me semble plus efficace que le simple allongement des délais.
Si nous parvenions à ce que la décision de fermeture d’un compte puisse être suivie d’un dialogue entre le client et un tiers de confiance qui serait chargé d’établir les effets collatéraux de la résiliation, nous aurions réalisé une belle avancée, d’autant plus que ce médiateur aurait un mois pour rendre sa décision, ce qui prorogerait d’autant le préavis prévu – sachant que la banque ne pourrait pas fermer les comptes tant que le médiateur n’aurait pas rendu son avis.
Bien sûr, on peut toujours décider que le préavis durera quatre mois, ce qui le porterait à cinq dans les faits, si le médiateur est saisi, mais prenons garde à l’effectivité d’une telle mesure.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Monsieur Le Coq, vous avez semblé dire que j’étais favorable à l’allongement du préavis de deux à quatre mois, mais vous m’avez mal comprise et je tiens à préciser que ce n’est pas du tout le cas.
Pour ce qui est de la surtransposition, la réponse est sans équivoque : l’adoption de cet amendement en serait une.
M. Charles Sitzenstuhl
Oui !
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Et je me souviens très bien que bon nombre d’entre vous, parmi lesquels je me range d’ailleurs, ont régulièrement dénoncé et regretté les surtranspositions. (Exclamations sur les bancs du groupe SOC.)
Enfin, au cas où l’organisme financier suspecterait une fraude, n’y aurait-il pas intérêt à lui permettre de clôturer le compte le plus rapidement possible ? La réponse est probablement positive.
Mme Claire Marais-Beuil
Mais carrément ! Du jour au lendemain, par exemple !
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
En allongeant le délai de deux à quatre mois, vous offrez la possibilité au titulaire du compte de poursuivre ses activités frauduleuses.
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 4 et 31.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 48
Nombre de suffrages exprimés 48
Majorité absolue 25
Pour l’adoption 36
Contre 12
(Les amendements identiques nos 4 et 31 sont adoptés ; en conséquence, l’article 1er est ainsi rétabli et les amendements nos 40 et 41 tombent.)
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)
Article 2
Mme la présidente
La parole est à M. Arthur Delaporte.
M. Arthur Delaporte
Cet article, qui vise à encadrer les pratiques bancaires, est d’utilité publique comme le reste de la proposition de loi, même si l’on peut regretter son manque d’ambition, notamment pour ce qui concerne les frais bancaires. Grâce à l’argent que nous y déposons, madame la ministre, certains établissements bancaires financent des entreprises nuisibles au climat, surpayent leurs dirigeants, engrangent des bénéfices dans des paradis fiscaux, matraquent les clients fragiles. Un magazine a dressé un comparatif des banques françaises et a mesuré l’éthique de leur comportement. Ce magazine, c’est 60 millions de consommateurs, seul magazine grand public à appartenir à un établissement public à caractère industriel et commercial, l’Institut national de la consommation (INC), dont l’une des principales missions est de recouper, produire, analyser et diffuser des informations, études, enquêtes et essais, selon l’article L. 822-2 du code de la consommation.
Si j’évoque aujourd’hui 60 millions de consommateurs et l’UFC-Que choisir, c’est parce que leur survie est en jeu. Si le gouvernement décide, lors du conseil d’administration de l’INC qui se réunira demain matin, de vendre 60 millions de consommateurs à un investisseur privé, dites-moi qui aura le courage de lancer une étude comparative entre les établissements bancaires ? L’une des principales caractéristiques de l’INC est l’indépendance : si on fait entrer des investisseurs privés à son conseil d’administration, cette indépendance sera perdue alors même qu’elle est la seule manière de garantir la protection et l’intérêt des consommateurs.
Je le dis à dessein car nous examinons un texte destiné à protéger le consommateur : le client des banques. Si l’INC perd son indépendance, elle ne pourra plus mener des enquêtes qui permettent d’orienter les clients vers les banques les plus vertueuses. Il faut revitaliser le mouvement consumériste. L’État doit prendre sa part et je salue d’ailleurs le travail réalisé par Olivia Grégoire pour engager un plan de relance du titre. Madame la ministre, ne les abandonnez pas, les consommateurs vous attendent : il y va de la meilleure protection de toutes et tous.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.
M. Jean-Philippe Tanguy
Nous voulions prendre la parole sur cet article, ce que nous n’avons pas fait en commission, pour relater la manière dont les choses se sont passées. Ce texte, qui nous a été présenté dans un premier temps comme de peu d’importance, a suscité une vive réaction du lobby bancaire, qui s’est empressé de solliciter les députés, les accusant de remettre en cause la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. On ne parle pourtant que d’un privilège bancaire exorbitant, un privilège commercial, très douloureusement vécu par des milliers de Françaises et de Français, toutes catégories sociales et toutes origines confondues, qui, du jour au lendemain, se voient privés d’un outil économique fondamental et indispensable.
Si vous voulez sortir le marteau pour écraser une mouche, continuez à nous servir des arguments aussi déplacés que la garantie de l’équité des droits commerciaux ou la sécurité nationale ! Nous nous devons de dénoncer ce type de manœuvre, ce genre de lobbying, qui ne présente aucun intérêt pour les Français.
Regardons plutôt les choses en face : il est insupportable que les banques usent de leur privilège exorbitant de pouvoir choisir leurs clients, littéralement à la tête du client, sans donner la moindre raison, tout simplement parce qu’elles ont décidé qu’elles étaient plus importantes que toutes les autres entreprises de France. Vous êtes épicier, vous servez tous les clients, c’est normal. Vous êtes coiffeur, vous coiffez tout le monde, c’est normal. Vous ne refusez pas un client parce que sa tête ne vous revient pas, que ses opinions vous contrarient, qu’il aurait déplu à la notabilité locale ou je ne sais quoi encore.
L’aveuglement des services de l’État face aux pratiques du lobby bancaire est insupportable et je suis très fier que le Rassemblement national, avec d’autres, ait soutenu cette proposition pour que l’on rétablisse l’équité et que tous les Français soient traités de la même manière face aux banques, même les plus puissantes. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
Sur l’amendement no 39, je suis saisie par le groupe Les Démocrates d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Le conseil d’administration de l’INC doit en effet se réunir demain. J’ai reçu les organisations syndicales mercredi et j’ai travaillé avec plusieurs acteurs sur le sujet parce que l’État se doit de répondre aux difficultés conjoncturelles et structurelles qui se posent afin d’assurer le bon fonctionnement de l’INC et le maintien, voire le développement, de 60 millions de consommateurs. Le gouvernement est engagé à envisager toutes les évolutions possibles.
Un arbitrage a été rendu cet automne, ne vous en déplaise, monsieur Delaporte – vous le savez d’autant mieux qu’il en a été fait état lors du précédent conseil d’administration de l’INC. Au demeurant, nous sommes ouverts à toutes les pistes car ce qui nous importe, je le répète, est le maintien et le développement de ce titre. Je serai aux côtés de tous les acteurs qui permettront que cet objectif soit atteint.
M. Arthur Delaporte
Le magazine doit rester indépendant !
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements, nos 39 et 14, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 39.
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Nous en arrivons au cœur de ce texte. Je vous propose de rédiger différemment l’article 2 afin d’imposer aux établissements de crédit, dès la notification à leur client de la résiliation de sa convention de compte, de mentionner la possibilité pour ce dernier de saisir le médiateur de l’établissement. Ce médiateur, bien évidemment, ne sera pas libre de faire ce qu’il veut : il devra s’assurer, dans un délai d’un mois, que la résiliation intervient pour un motif légitime. Il appartient au législateur de caractériser ce motif légitime. Une résiliation serait ainsi abusive si elle était motivée par l’absence de rentabilité du compte ou la lourdeur administrative de la gestion de certains profils, comme celui de personnes politiquement exposées – même si, j’en conviens, on ne saurait légiférer pour les seules personnes politiquement exposées.
Le médiateur devra également examiner les conséquences de la fermeture du compte. Il sera donc amené à jouer un rôle essentiel d’accompagnement et de conseil. Le médiateur, rappelons-le, est une personne indépendante qui doit rendre des comptes à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et à la Banque de France.
Reste la question de la charge de travail qui pèsera sur le médiateur. Nous manquons d’éléments statistiques sur le nombre de fermetures de comptes dans le pays pour savoir s’il sera surchargé ou non, mais cette proposition me semble tout de même préférable à la réponse standardisée qui serait apportée au client si l’amendement n’était pas adopté. Surtout, elle permet de lever le risque de nuire au travail de Tracfin – le président de la commission des finances l’a évoqué et nous en avons parlé en commission. D’une certaine manière, le médiateur jouera un rôle de filtre, mais il permettra également de réhumaniser les relations bancaires.
Je vous demande d’étudier cette disposition avec attention. Nous sommes tous d’accord sur le fait qu’un client dont le compte a été fermé a droit à des explications. Je vous propose simplement qu’au lieu d’une réponse écrite, il se voie proposer un entretien avec un médiateur, qui sera l’équivalent d’un tiers de confiance. De surcroît, il lui sera toujours possible de faire appel à un juge s’il continue de considérer que la décision est abusive une fois l’avis du médiateur rendu.
De fait, dès lors que le médiateur sera saisi, il aura un mois pour se prononcer. Le préavis, fixé à quatre mois à la suite de l’adoption, il y a quelques instants, des amendements identiques nos 4 et 31, sera prorogé d’autant, ce qui le portera à cinq mois.
Pour résumer, nous sommes d’accord sur le fond mais il faut améliorer la forme et remettre de l’humain dans les relations.
Mme la présidente
L’amendement no 14 de Mme Virginie Duby-Muller est défendu.
Je suppose que vous êtes favorable à votre amendement, monsieur le rapporteur, mais quel est votre avis sur l’amendement no 14 ?
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Sagesse.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement sur ces deux amendements ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Avec l’article 2, nous sommes en effet au cœur du texte. Quatre points sont évoqués dans l’amendement du rapporteur. Le premier concerne l’obligation faite aux banques de motiver la fermeture des comptes. La motivation systématique nous pose problème pour les raisons que j’ai évoquées lors de la discussion générale. D’après l’article tel qu’il a été adopté au Sénat, la banque doit motiver la décision de résiliation « sauf lorsque cette motivation contrevient aux objectifs de sécurité nationale ou de maintien de l’ordre public ». Si la banque reste silencieuse, on en déduira facilement la raison de ce silence. Elle sera par conséquent contrainte d’inventer une motivation pour détourner les soupçons. De ce point de vue, la proposition du rapporteur nous convient donc parfaitement.
L’amendement vise ensuite à étendre le dispositif aux établissements de paiement. Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée nationale sur ce point.
Il limite, par ailleurs, les motifs justifiant la résiliation d’une convention de compte de dépôt, qui passent de quatre à deux, ce qui en diminue l’impact. Nous sommes plutôt favorables à cette mesure car les motifs d’interdiction initiaux ne nous convenaient pas du tout.
Enfin, vous proposez la possibilité de recourir à un médiateur chargé de vérifier que la résiliation est intervenue pour « un motif légitime ». On peut s’interroger sur l’étendue de sa mission : le médiateur pourra-t-il diligenter des contrôles ? Je m’en remets aussi à la sagesse de l’Assemblée sur cette question, notamment parce que la notion de « motif légitime » est difficile à appréhender.
Ainsi, cet amendement réécrit en partie l’article 2 dans le sens souhaité par le gouvernement. Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée sur l’amendement no 39 et sur l’amendement no 14.
Mme la présidente
La parole est à M. David Amiel.
M. David Amiel
Je voudrais rappeler à notre collègue Jean-Philippe Tanguy qui affirme que son parti poursuit un combat avec ce texte…
Mme Caroline Parmentier
Oui, c’est le cas !
M. David Amiel
…que le Rassemblement national n’est pas à l’origine de la proposition de loi : elle nous vient du Sénat et son rapporteur est Jean-Paul Mattei, du groupe Les Démocrates.
De surcroît, le Rassemblement national ne promeut pas le combat contre le blanchiment et le financement du terrorisme. Or le problème qui nous est posé est le suivant : comment informer les clients honnêtes qui se retrouvent dans une situation de détresse parce que leurs comptes sont fermés sans alerter les clients malhonnêtes faisant l’objet de procédures judiciaires ou d’enquêtes de la part de Tracfin et des services financiers ? Le groupe Ensemble pour la République a cette préoccupation en tête et souhaite continuer de protéger les Français.
Mme Béatrice Roullaud
Tu parles !
M. David Amiel
À cet égard, l’amendement de notre collègue Mattei est très intéressant : grâce à l’institution d’un tiers de confiance, il fait évoluer le droit pour rendre justice à ceux dont le compte est fermé sans explication tout en protégeant le travail de nos services de police et d’investigation.
La semaine prochaine, nous évoquerons le narcotrafic dans cet hémicycle : je suis certain que les députés d’extrême droite feront assaut de propositions contre le blanchiment qui alimente ce trafic, alors même qu’ils auront voté aujourd’hui pour le faciliter !
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Le Coq.
M. Aurélien Le Coq
Ces deux amendements ont le même effet : ils suppriment l’obligation initialement imposée aux banques par la proposition de loi de motiver leur décision de fermer un compte bancaire. S’ils sont adoptés, il incombera au client de demander à sa banque si elle aurait l’obligeance et la gentillesse d’accepter de lui donner la raison de cette décision.
Je le répète : ce n’est pas parce qu’un droit existe qu’il est facile d’y recourir. Il existe des entraves à l’utilisation des droits, par exemple l’illectronisme, que j’ai évoqué lors de la discussion générale : dans notre pays, le taux de non-recours aux droits par manque d’information est très élevé.
Nous parlons ici d’un sujet sérieux, qui concerne des personnes souvent en situation précaire, privées de compte en banque. Ce n’est pas parce qu’un contrat mentionnera en petits caractères que la loi autorise potentiellement à faire un recours pour obtenir l’intervention d’un médiateur ou qu’il est possible de demander une justification à la banque que ces droits seront réellement ouverts et efficaces.
Nous voterons donc contre ces amendements : le principe devrait être d’obliger les banques à donner une justification lorsqu’elles clôturent un compte, de manière à éviter toute fermeture arbitraire. Il ne devrait pas exister, d’un côté, des cas où la banque donne un motif parce que le client aurait effectué des démarches et, de l’autre, des situations où la banque n’aurait pas à se justifier parce que le consommateur ne connaissait pas les formalités à suivre.
Comme en commission, vous vous cachez derrière la question de Tracfin et du blanchiment, mais un amendement du groupe socialiste permettra de revenir sur la question en ajoutant un délai supplémentaire avant notification.
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Monsieur Le Coq, il n’y a aucune volonté dilatoire dans cet amendement : « La notification de la résiliation mentionne la possibilité pour le client, à tout moment au cours du préavis, de saisir le médiateur de l’établissement de crédit. »
M. Aurélien Le Coq
C’est une simple possibilité !
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
La banque va informer le client qu’elle ferme son compte et lui préciser qu’il peut saisir un médiateur. Qu’est-ce qu’une explication apporterait de plus ?
M. Aurélien Le Coq
Elle donnerait une raison au client !
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
J’aimerais que nous nous arrêtions deux minutes. Je poursuis la lecture : « Celui-ci vérifie, dans un délai d’un mois, que la résiliation intervient pour un motif légitime » – Mme la ministre a évoqué le caractère aléatoire du motif légitime, mais c’est une notion bien connue en droit – « et qu’elle n’emporte pas de conséquences excessives pour le client, notamment au regard des autres relations contractuelles existantes. » C’est une plus-value par rapport à ce que vous proposez !
Vous voulez une version de l’article 2 conforme à celle de nos amis sénateurs, mais allons plus loin ! Il me semble qu’il est bénéfique de pouvoir saisir le médiateur, possibilité qui sera mentionnée dans la notification. Je ne vois pas ce que votre amendement apporte.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 39.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 47
Nombre de suffrages exprimés 46
Majorité absolue 24
Pour l’adoption 15
Contre 31
(L’amendement no 39 n’est pas adopté.)
(L’amendement no 14 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Le Coq, pour soutenir l’amendement no 32.
M. Aurélien Le Coq
Il vise à faire l’inverse de ce qui était prévu dans les deux amendements qui viennent d’être rejetés, c’est-à-dire à garantir que le client est immédiatement informé de la fermeture de son compte par une notification, celle-ci exposant la motivation de cette décision. D’autre part, en raison de l’illectronisme que j’ai évoqué, il assure que cette notification est transmise par courrier, et non par simple communication électronique. Nous examinerons, je crois, dans quelques minutes, un autre amendement qui va dans le même sens.
Mme la présidente
Sur l’amendement no 29, je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
La commission avait accepté cet amendement. À titre personnel, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Vous ajoutez une notification de la motivation, de surcroît sur support papier. Avis défavorable.
(L’amendement no 32 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Inaki Echaniz, pour soutenir l’amendement no 29.
M. Inaki Echaniz
J’ai l’honneur de présenter ce très bon amendement de Mme Pirès Beaune, qui répond à un certain nombre d’interrogations soulevées lors de l’examen des amendements précédents. Il vise à articuler une information automatique des propriétaires de compte clôturé et un dispositif permettant d’appréhender les cas exceptionnels relatifs aux objectifs de sécurité nationale ou de maintien de l’ordre public.
Ainsi, il est proposé de maintenir l’obligation faite à la banque de communiquer systématiquement au client le motif de la fermeture de son compte tout en maintenant les échanges entre la banque et Tracfin. Pour ce faire, il est proposé d’allonger de dix à vingt jours le délai accordé à la banque pour motiver sa décision afin de lui laisser, le cas échéant, un temps d’échange supplémentaire avec Tracfin.
J’espère que cet amendement recevra l’assentiment du rapporteur et du gouvernement : il peut faire consensus dans la mesure où il apporte la solution la plus adéquate aux situations auxquelles nous sommes confrontés.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Cet amendement qui vise à concilier la protection du consommateur et les contraintes liées à Tracfin me semble un peu compliqué, et générateur de lourdeurs administratives pour Tracfin. J’aurais souhaité son retrait au profit du no 45, issu d’un travail avec les services concernés, mais je crains que vous n’acceptiez pas dans la mesure où notre collègue Pirès Beaune est absente. Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Avec cet amendement, vous proposez, d’une part, de faire passer le délai dont disposent les organismes financiers pour motiver leur décision de dix à vingt jours et, d’autre part, de prévoir que les établissements de crédit prennent attache avec Tracfin afin d’obtenir de sa part les éléments à communiquer au client. Cela semble compliqué. Les organismes financiers font une déclaration de soupçon sur la base d’un faisceau d’indices. Tant que l’infraction n’est pas qualifiée, il est difficile pour Tracfin d’indiquer à la banque les éléments à communiquer. Au demeurant, les organismes financiers ont l’habitude et savent comment agir.
Je regrette que vous n’ayez pas adopté l’amendement du rapporteur, qui donnait un certain nombre de possibilités aux organismes financiers et à Tracfin. En le rejetant, vous privez Tracfin de ces possibilités alors même que vous souhaitez accroître ses prérogatives. Si les organismes financiers ont l’obligation d’indiquer les raisons de la résiliation du compte sauf en cas de soupçon, le silence de la banque donne au titulaire du compte l’information qu’il a été signalé. Votre amendement contredit votre objectif. Avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Je suis en train d’étudier l’amendement du rapporteur, qui précise l’avoir travaillé avec Tracfin. Si je comprends bien, l’objectif est le même que l’amendement de Mme Pirès Beaune et il évite les allers-retours.
L’amendement de Jean-Paul Mattei supprime la mention « sauf lorsque cette motivation contrevient aux objectifs de sécurité nationale ou de maintien de l’ordre public » et ajoute : « Il ne peut faire état de motifs dont la divulgation contreviendrait aux objectifs de sécurité nationale ou de maintien de l’ordre public. » Cela revient au même que l’amendement de Christine Pirès Beaune selon lequel, dans ce cas-là, il appartient à Tracfin de donner à la banque la motivation de la clôture du compte qu’elle pourra communiquer. Avec l’amendement Mattei, les objectifs de sécurité nationale conduisent la banque à devoir donner une explication pour éviter que son silence ne dévoile l’existence d’une déclaration de soupçon.
Je laisse toute latitude aux auteurs de l’amendement, mais il me semble que si un amendement du rapporteur va dans le même sens que le leur et bénéficie du soutien de Tracfin, il est peut-être plus opportun. C’est un avis personnel.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 29.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 41
Nombre de suffrages exprimés 40
Majorité absolue 21
Pour l’adoption 26
Contre 14
(L’amendement no 29 est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Juvin, pour soutenir l’amendement no 27.
M. Philippe Juvin
Par cet amendement, nous proposons de revenir à la rédaction initiale de la proposition de loi. En effet, le caractère systématique de la motivation de la résiliation peut avoir des effets pervers – nous avons déjà donné quelques exemples puisque nous avons abondamment débattu de cet argument.
Il est souhaitable de remplacer les mots « de la décision de résiliation » par les mots « de réception de la demande du client ». Il est bien sûr normal que le client connaisse le motif de la résiliation de son compte s’il en fait la demande – mais il faut qu’il en fasse la demande.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Cet amendement a été accepté par la commission et j’y suis favorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Cet amendement vise à revenir à la rédaction de la proposition de loi telle qu’elle avait été déposée au Sénat. Elle prévoit que le client dont le compte a été fermé peut obtenir, sur demande, des informations sur les raisons qui ont motivé cette fermeture.
C’est une bonne mesure qui permet de trouver un équilibre. En effet, grâce à cet amendement, et comme le réclament les uns et les autres, le client qui souhaite connaître les raisons de la fermeture de son compte peut obtenir ces informations, et ce sans que cela mette en difficulté les cellules de renseignement financier.
Si ce dispositif n’est pas adopté, nous conserverons la rédaction actuelle de l’article 2, qui crée une obligation de motivation de la résiliation d’un compte, ce qui empêcherait les cellules de renseignement financier d’agir dans les mêmes conditions.
J’invite d’ailleurs l’ensemble des députés à consulter la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, dont nous allons discuter la semaine prochaine, car elle comporte un volet relatif à la lutte contre le blanchiment, avec des mesures très fortes.
Elle prévoit ainsi de renforcer les prérogatives de la cellule de renseignement financier en lui donnant la possibilité d’accéder à certains fichiers. Or si l’amendement de M. Juvin n’est pas adopté et que nous maintenons la rédaction actuelle de l’article 2, la cellule sera privée de certains moyens d’action, ce qui est contraire à nos objectifs.
De même, la proposition de loi sur le narcotrafic prévoit, dans le cadre de la lutte contre le blanchiment, une radiation d’office de certaines sociétés écrans si elles ne respectent pas leurs obligations en matière de bénéficiaire effectif. Elle contient également des mesures de renforcement de la prévention du blanchiment dans certains secteurs particulièrement exposés, notamment l’interdiction de paiement en espèces. Là encore, l’article 2 entre en contradiction avec ces dispositions.
Je vous invite donc à voter l’amendement qui constitue un bon compromis et, en guise d’avis, je dis : sagesse.
Mme la présidente
La parole est à M. Tristan Lahais.
M. Tristan Lahais
Nous sommes tous favorables à la lutte contre le blanchiment et contre toutes les pratiques qui gangrènent notre société. Cependant, il ne faut pas l’invoquer comme un argument massue afin de vider de son contenu le texte que nous examinons.
Un débat binaire oppose ici ceux qui estiment que le client doit lui-même demander les raisons de la fermeture de son compte à ceux qui souhaitent que ces informations soient données de façon automatique, comme le garantit la proposition de loi – c’est d’ailleurs sa qualité principale, voire exclusive.
Nous faisons partie de la deuxième catégorie, d’autant plus que nous savons que les personnes les plus fragiles, les plus exclues de la société sont celles qui ont le moins tendance à recourir effectivement à leurs droits.
Nous sommes conscients qu’une telle disposition comporte des effets de bord, qui peuvent par ailleurs être positifs. Par exemple, le fait d’obliger la banque à motiver la fermeture d’un compte bancaire peut l’inciter à revenir sur sa décision, dans le cas, par exemple, où la raison initiale – et cachée – est le manque de rentabilité dudit compte.
En résumé, soit on est favorable à la lutte contre le non-recours aux droits et dans ce cas on considère que l’automaticité est la principale qualité du texte – par conséquent, les prochains amendements donneront lieu aux mêmes joutes oratoires –, soit on n’y est pas favorable et, dans ce cas, on propose des amendements qui vident le texte de son contenu. C’est le cas de l’amendement no 27, qui vise à dénaturer cette proposition de loi en la privant de son seul intérêt.
(L’amendement no 27 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Inaki Echaniz, pour soutenir l’amendement no 8.
M. Inaki Echaniz
Il vise à garantir l’envoi et la prise de connaissance par le client de la justification par l’établissement bancaire de sa décision de clôturer un compte en banque, au moyen d’une lettre recommandée avec accusé de réception. Cette mesure vise à assurer la visibilité de la décision.
M. Aurélien Le Coq
Très bien !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
L’amendement a été accepté par la commission. Avis de sagesse à titre personnel.
(L’amendement no 8, repoussé par le gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 45.
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Je le retire parce qu’il entrerait en contradiction avec l’amendement que nous avons adopté il y a quelques instants.
(L’amendement no 45 est retiré.)
Mme la présidente
L’amendement no 15 de Mme Virginie Duby-Muller est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Sagesse.
(L’amendement no 15 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
L’amendement no 43 de M. le rapporteur est rédactionnel.
(L’amendement no 43, accepté par le gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Le Coq, pour soutenir l’amendement no 38.
M. Aurélien Le Coq
Dans le texte tel qu’il est rédigé, une banque ne peut invoquer un motif de résiliation « qui porte exclusivement » sur un des critères cités pour justifier la fermeture d’un compte. Nous proposons de modifier la rédaction en précisant simplement que le motif de résiliation ne peut comporter l’un des critères. Car, avec la rédaction actuelle, si une banque veut fermer un compte parce qu’il n’est pas suffisamment rentable, il lui suffit d’ajouter un deuxième critère – qui soit, lui, acceptable.
Nous souhaitons que les critères qui ne peuvent être invoqués pour justifier la fermeture d’un compte ne soient pas cités du tout parmi les motifs de résiliation – et pas seulement qu’ils ne soient pas cités de manière exclusive.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
J’émettrai un avis défavorable car cet amendement va un peu loin. Les sénateurs avaient été plus prudents en choisissant la formule « porte exclusivement ». Si l’on adopte votre amendement, toute fermeture de compte sera impossible.
M. Aurélien Le Coq
Mais non !
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Cet amendement vient encore durcir le dispositif d’interdiction de clôture de compte par la banque pour certains motifs prévus à l’article 2. Ce n’est évidemment ni souhaitable ni opérationnel. Vous élargissez trop le dispositif si bien que la mesure deviendra très difficile à appliquer, voire inapplicable. Avis défavorable.
(L’amendement no 38 est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 44.
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Il vise à éviter les fermetures de comptes « liées au caractère individuel du client ou de son bénéficiaire direct », autrement dit à protéger les consommateurs face à une fermeture de compte qui ne serait motivée que par la non-rentabilité.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Vous voulez préciser qu’il est interdit pour une banque de clôturer un compte avec pour motif la faible rentabilité du client.
Il est vrai que l’absence de rentabilité est une notion vague, qui peut faire l’objet de différentes appréciations et évaluations.
En apportant cette précision utile, vous mettez le doigt sur un vrai problème. Il est en effet important de prendre en considération toutes les caractéristiques individuelles. Même si le problème n’est pas entièrement résolu par votre amendement, je m’en remets à la sagesse de votre assemblée.
(L’amendement no 44 est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 46.
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
À la différence du précédent, il vise à limiter les motifs qu’une banque ne peut pas présenter pour résilier un compte. L’article 2 issu de la rédaction du Sénat rangeait « le refus par le client d’accepter une modification de la convention » et le fait que l’établissement de crédit juge les montants de retraits trop importants parmi les arguments inopposables. Je suis d’autant plus à l’aise pour revenir sur ces deux points que nous venons d’adopter un amendement qui empêche les fermetures de comptes fondées sur le seul motif d’un manque de rentabilité.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Cet amendement me semble très pertinent et important. Il vise à supprimer deux motifs d’interdiction de résiliation prévus par l’article 2 : le refus par le client de la modification de la convention de compte et le retrait d’espèces excessif.
Nous savons que la circulation des espèces pose des difficultés en matière de lutte contre le blanchiment. Tout ce qui permet de contrôler ces flux, ces mouvements contribue à cette lutte. Il faut donc porter une attention particulière à cette question. D’ailleurs, la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic prévoit, dans son volet relatif à la lutte contre le blanchiment, l’interdiction du paiement en espèces pour la location de véhicules.
Il faut être particulièrement vigilant sur tout ce qui contribue à la circulation des espèces.
Avis favorable sur cet amendement qui apporte une vraie réponse en la matière.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 46.
(Le vote à main levée n’étant pas concluant, il est procédé à un scrutin public.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 36
Nombre de suffrages exprimés 36
Majorité absolue 19
Pour l’adoption 16
Contre 20
(L’amendement no 46 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Sur l’amendement n° 3, je suis saisie par le groupe Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Philippe Juvin, pour soutenir l’amendement no 28.
M. Philippe Juvin
La proposition de loi, dans sa version adoptée par la commission des finances, prévoit d’interdire à un établissement de crédit de résilier un compte lorsqu’un client refuse une modification de la convention. Cela instaure de facto un engagement perpétuel contraire au code civil. Le secteur bancaire deviendrait ainsi le seul à ne pas pouvoir résilier un contrat si le client n’accepte pas les modifications des conditions générales, ce qui marquerait un virage très important en matière de droit des contrats. Je vous propose donc, par cet amendement, de supprimer cette disposition.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Il est favorable, d’autant que je viens de défendre l’amendement no 46 qui tendait aussi à supprimer l’alinéa 7.
Je rappelle qu’une limitation de la capacité des parties à modifier un contrat est contraire au droit des conventions et au code civil : il y va de la liberté contractuelle. Je vous invite donc à soutenir cet amendement, qui me semble logique et qui correspond à l’état de notre droit.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Cet amendement, inspiré par le bon sens, se fonde sur la liberté des contrats – car il est bien question de la relation contractuelle entre le banquier et son client. Interdire à une banque de motiver la résiliation en invoquant « le refus par le client d’accepter une modification de la convention » serait contraire aux principes fondamentaux du droit des contrats. De plus, comme le soulignait Philippe Juvin, les établissements financiers rencontreraient un certain nombre de difficultés opérationnelles s’ils devaient gérer une multitude de conventions au regard du grand nombre de comptes ouverts chez eux.
Notre avis est donc favorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Le Coq.
M. Aurélien Le Coq
Nous l’avons dit plus tôt : les banques et les clients ne sont pas à égalité. Nous en avons à l’instant la démonstration.
Si vous supprimez l’alinéa 7, vous recréez la possibilité des fermetures abusives de comptes sans limites.
Une banque souhaitant fermer un compte pourra tout simplement imposer à son titulaire une nouvelle convention prévoyant par exemple une augmentation drastique des frais bancaires ou des stipulations inacceptables pour lui. Dès lors qu’ouvrir un compte bancaire est un droit et qu’en détenir un est indispensable ; dès lors qu’un établissement bancaire et son client se sont entendus sur l’ouverture d’un compte, il n’y a pas de raison qu’une banque puisse pousser son client à rompre le contrat au motif qu’il n’aurait pas accepté toutes les nouvelles conditions qu’elle choisirait. En l’espèce, la négociation commerciale serait biaisée par un rapport de force absolument inégal.
Accepter l’amendement no 28 ferait perdre beaucoup de son sens à la proposition de loi.
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Juvin.
M. Philippe Juvin
Vous avez raison, le contrat qui lie une banque et son client présente une asymétrie. Toutefois, réfléchissez à une chose : si vous privez une banque de la possibilité de rompre un contrat dont les clauses ne lui conviendraient plus – en d’autres termes, si vous revenez sur le droit actuel –, que se passera-t-il ?
Les banques signeront des contrats défavorables à leurs clients. Par exemple, des contrats d’une durée d’un an ou de six mois, qu’il serait possible de reconduire après chaque échéance et dont le possible non-renouvellement plongerait les clients dans l’incertitude. Inévitablement, les établissements bancaires trouveront la parade. Ce que vous pensez être une protection du consommateur jouera contre lui.
Je suis d’accord avec vous, les contrats bancaires présentent une certaine asymétrie, mais je crains qu’en appelant au rejet de l’amendement no 28, vous ne jouiez contre votre propre camp.
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Je veux rappeler à M. Le Coq qu’en droit, le contrat perpétuel n’existe pas. Notre collègue Juvin a parfaitement raison de redouter l’apparition de contrats bancaires à durée déterminée, d’un an, qui tomberont facilement et se révéleront préjudiciables pour les consommateurs.
Il faut être réaliste. Le code civil est ainsi fait qu’un contrat à durée indéterminée doit toujours pouvoir être modifié. Autrement, l’un des grands principes du droit disparaîtrait.
On peut évidemment critiquer certains contrats d’adhésion, parfois trop complexes pour qu’on en lise toutes les clauses, je l’admets. En revanche, il convient de respecter une certaine liberté contractuelle, le socle de notre droit en France.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
On ne peut pas imaginer qu’un organisme financier gère autant de conventions de comptes que de clients, vous pouvez certainement le reconnaître. Lorsque vous allez faire des achats dans de grandes enseignes, vous ne discutez pas les conditions générales de vente, qui sont les mêmes pour tous les clients. En effet, il n’est pas possible d’imaginer des conditions particulières et individualisées dans chaque relation commerciale et il en va de même pour les banques, qui ne comptent pas autant de conventions que de clients.
L’amendement no 28, pour cette raison, apporte une réponse aux différentes inquiétudes qui se sont exprimées.
(L’amendement no 28 n’est pas adopté.)
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Ça va faire des contrats de trois mois !
M. David Amiel
Ils s’unissent encore ! (M. David Amiel montre la gauche et la droite de l’hémicycle.)
M. Roland Lescure
Même au sujet des banques, ils se mettent d’accord.
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l’amendement no 3.
M. Charles Sitzenstuhl
Il vise à supprimer l’alinéa 9 de l’article 2, qui a été introduit en commission et qui a suscité notre étonnement : il tend à inscrire dans la loi que le simple fait d’être élu de la République empêche que votre banque ferme votre compte.
D’abord, pourquoi les élus de la République bénéficieraient-ils par principe d’un régime spécial ? Ensuite, le statut d’élu de la République couvre une réalité très vaste. En l’occurrence, est-il seulement question des parlementaires ? Est-il question des élus locaux, au nombre de 560 000 ? Le fait d’être conseiller municipal vaudrait alors protection.
M. Philippe Juvin
Ou conseiller prud’homal !
M. Charles Sitzenstuhl
Les conseillers des Français de l’étranger, eux aussi élus de la République, seraient-ils couverts par cette protection ? Peut-on considérer que les élus consulaires, les membres des chambres de commerce et d’industrie (CCI), des chambres de métiers et de l’artisanat (CMA) et des chambres d’agriculture (CA) seraient protégés ? Ma question prend tout son sens quand on sait que la plupart des membres des CCI, des CMA et des CA sont chefs d’entreprise, qui seraient donc protégés.
Au-delà du problème de principe, un problème légistique se pose : l’alinéa 9 est très mal écrit et n’est pas juridiquement sécurisé. Il faut donc le supprimer !
M. Aurélien Le Coq
Il faut plutôt voter l’amendement no 22 !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
L’exclusion de ce motif de résiliation résulte d’un amendement de M. Allegret-Pilot adopté en commission. La formulation proposée me semble toutefois inopérante, et je souhaite le retrait de l’amendement no 3, au profit de l’amendement suivant, no 35, tendant à réécrire l’alinéa 9 de l’article 2 pour y introduire le critère de l’exposition du client à des risques mentionnés à l’article L. 561-10 du code monétaire et financier. En l’occurrence, il s’agit des personnes politiquement exposées et leurs familles.
Mme la présidente
Maintenez-vous l’amendement, M. Sitzenstuhl ?
M. Charles Sitzenstuhl
Oui.
Mme la présidente
La parole est à M. Alexandre Allegret-Pilot.
M. Alexandre Allegret-Pilot
Je crains, monsieur Sitzenstuhl, que vous n’ayez pas suivi les débats en commission et que vous n’ayez pas compris la disposition proposée. Elle ne tend pas à empêcher la fermeture des comptes de tout élu de la République, mais à l’empêcher au seul motif du statut de son titulaire.
Ainsi, le compte d’un élu consulaire ne devrait pas être fermé exclusivement en raison de son mandat. C’était formulé très clairement.
Du reste, notre collègue Jean-Philippe Tanguy a déposé un amendement de repli, l’amendement no 19, qui vise justement à préciser ce point, si cela vous semble nécessaire. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Marc de Fleurian.
M. Marc de Fleurian
J’alimenterai ce débat intéressant par un bref témoignage personnel. M. Sitzenstuhl se demandait si les conseillers municipaux étaient des élus de la République particulièrement exposés : c’est le cas et mon expérience le prouve. Certains élus locaux, dans des zones économiques dynamiques, peuvent se livrer à des pratiques mafieuses, forts du poids important qu’ils ont acquis en tant que premiers employeurs dans leur bassin d’emploi. Ainsi, des conseillers municipaux d’opposition, affiliés au Rassemblement national, peuvent être persécutés, le cas échéant par des intermédiaires déloyaux. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
Madame la ministre, excusez-moi de ne pas vous avoir donné la parole plus tôt. Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Le gouvernement est défavorable à toutes les interdictions de résiliation des comptes, j’ai déjà eu l’occasion de le dire. L’amendement no 3 tendant à supprimer l’un des quatre motifs d’interdiction prévus par la proposition de loi, nous le soutenons.
Au demeurant, on peut se demander pourquoi certains citoyens seraient protégés par une interdiction de résiliation et pas d’autres.
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Juvin.
M. Philippe Juvin
L’amendement no 3 doit être considéré avec l’amendement no 38 de M. Le Coq, adopté à l’instant, qui a fait disparaître la notion de critère exclusif. Ainsi, dès lors que l’une des quatre justifications est donnée, la fermeture du compte est impossible.
Le texte se trouve considérablement durci par ces dispositions. Je crains d’ailleurs que des conseillers municipaux ne puissent même plus ouvrir de compte, si leur banquier constate qu’ils sont sur une liste de clients très protégés.
M. Alexandre Allegret-Pilot
C’est déjà le cas.
M. Philippe Juvin
Au motif qu’on veut protéger un certain nombre de consommateurs – c’est ainsi qu’on les nomme en droit européen –, on les prive de certains droits. C’est extrêmement dangereux.
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Le Coq.
M. Aurélien Le Coq
Le texte et l’amendement que nous avons adopté n’empêchent pas la fermeture du compte bancaire d’un élu de la République, quel que soit son mandat : ils empêchent que la qualité d’élu justifie cette fermeture.
Modifiée par l’adoption de l’amendement no 35, la proposition de loi est, à l’instant où je vous parle, ainsi rédigée : « l’établissement de crédit ne peut résilier une convention de compte de dépôt conclue pour une durée indéterminée si le motif de résiliation comporte l’un des critères suivants ».
Le fait d’être élu ne peut plus être avancé comme motif de résiliation. Il est d’ailleurs normal qu’une banque ne puisse pas annoncer à son client que son compte bancaire est supprimé parce qu’il est élu, parce qu’il est syndicaliste ou parce que son compte n’est pas assez rentable… C’est bien de cela qu’il est question.
M. Philippe Juvin
Les banquiers se contenteront de ne plus mentionner ce motif, mais rien n’aura changé.
M. Aurélien Le Coq
Nous sommes défavorables à la suppression de l’alinéa 9, mais nous soutiendrons l’amendement no 22 de M. de Courson, qui permet de préciser notre intention en utilisant la notion de personnalité politiquement exposée.
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
Le débat est important, mais les arguments avancés ne m’ont pas convaincu. Pensez-vous que les banquiers souhaitant fermer un compte pour une raison économique ou financière seront assez stupides pour écrire noir sur blanc qu’ils agissent ainsi en raison du mandat électif de leur client ?
M. Aurélien Le Coq
En tout cas, ça les obligera à trouver une autre justification !
M. Charles Sitzenstuhl
Les dispositions que vous défendez créeront une insécurité juridique considérable,…
M. Nicolas Dragon
Oh là là !
M. Charles Sitzenstuhl
Notamment du fait de la rédaction de la proposition de loi. Vous dites que le motif d’une fermeture de compte ne peut être la qualité d’élu, mais c’est pourtant bien ce qui est écrit.
M. Jean-Philippe Tanguy
C’est justement la disposition que l’amendement tend à modifier !
M. Charles Sitzenstuhl
Par conséquent, un individu dont le compte serait fermé pour une raison économique, financière ou autre, pourrait invoquer son mandat d’élu – au sein d’un conseil municipal, d’une chambre de commerce et d’industrie ou autre – pour engager un contentieux.
L’alinéa 9 est très mal écrit et je propose que nous le supprimions. Des réflexions sont sans doute à mener, mais si on en reste là, on va engraisser des cabinets d’avocats et on prend le risque de voir s’ouvrir de multiples contentieux.
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Je remarque que nous ne débattons plus de savoir si nous cherchons à protéger les élus : c’est une bonne chose car ce n’est pas la question.
Le problème concret que nous pointons du doigt, je l’espère sans démagogie, et qui n’est pas acceptable, concerne ceux des élus – et parfois des membres de leur famille ou leurs associés – qui voient leur compte bancaire, y compris professionnel, être fermé en raison de leur exposition politique. (Approbations sur les bancs du groupe RN.) On ne le sait pas explicitement, puisque la décision n’est pas motivée en ce sens, mais je connais personnellement une personne à qui c’est arrivé, et dont la boîte a failli couler. Je ne cherche pas à défendre les élus mais bien à modifier une situation devenue anormale. J’ignore comment rédiger parfaitement l’alinéa en question, mais nous devons régler cette question sans nourrir de complexe auto-démagogique – je ne dis pas que c’est ce que vous faites, monsieur Sitzenstuhl !
M. Aurélien Le Coq
Si, si ! (M. Charles Sitzenstuhl sourit.)
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
La proposition de loi doit aussi tenir compte de ce problème particulier.
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Vous avez raison de revenir à la lettre du texte, monsieur Le Coq, mais n’oubliez pas l’adverbe : « l’établissement de crédit ne peut résilier une convention de compte de dépôt […] si le motif de résiliation porte exclusivement sur l’un des critères suivants ». Vous avez oublié « exclusivement » !
M. Aurélien Le Coq
Mais non et puis la rédaction de l’alinéa 9 doit être modifiée par l’amendement suivant !
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Il n’empêche : la « qualité d’élu de la République » n’est pas reconnue dans notre droit.
M. Aurélien Le Coq
C’est pourquoi l’amendement no 22, que nous examinerons ensuite, propose une nouvelle rédaction !
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Je suis d’accord, d’où mon amendement identique no 35 – remarquez, nous pourrons très bien adopter le no 22 signé par M. de Courson, je n’en fais pas une affaire personnelle ou d’antériorité – car la rédaction serait ainsi beaucoup plus précise, en faisant référence au code monétaire et financier. Il ne s’agit pas de protéger les élus, j’en conviens, mais nous devons rédiger le texte de manière plus conforme à notre droit.
M. Inaki Echaniz
Nous sommes d’accord !
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 3.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 51
Nombre de suffrages exprimés 51
Majorité absolue 26
Pour l’adoption 14
Contre 37
(L’amendement no 3 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de trois amendements, nos 22, 35 et 19, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 22 et 35 sont identiques.
L’amendement no 22 fait l’objet d’un sous-amendement, no 48.
L’amendement no 19 fait l’objet de deux sous-amendements, nos 52 et 50.
Sur le sous-amendement no 48 et l’amendement no 19, ainsi que sur les sous-amendements nos 52 et 50, je suis saisie par le groupe Rassemblement national de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l’amendement no 22.
M. Michel Castellani
Précisons un peu les choses avec cet amendement de mon collègue Charles de Courson, qui tend à ce que l’alinéa 9 mentionne désormais « l’exposition du client à des risques mentionnés au 1° de l’article L. 561-10 » du code monétaire et financier.
L’article 2 entend limiter la faculté des banques de rompre unilatéralement la convention de compte – cela a été dit. La commission des finances a souhaité perfectionner le dispositif issu du Sénat. Cependant, la notion de « personne politiquement exposée », définie par le droit de l’Union européenne et transposée dans le droit français, serait plus adaptée que celle d’« élu de la République », qui est générique.
L’article L. 561-10 du code monétaire et financier fait en effet mention de la personne exposée à « des risques particuliers en raison des fonctions politiques, juridictionnelles ou administratives qu’elle exerce ou a exercées ou de celles qu’exercent ou ont exercées des membres directs de sa famille ou des personnes connues pour lui être étroitement associées ».
L’exposé sommaire de l’amendement comporte la liste des personnes concernées, telle que précisée par l’Autorité des marchés financiers (AMF) et l’article R. 561-18 du code monétaire et financier – je vous fais grâce de cette lecture.
Mme la présidente
L’amendement identique no 35 de M. le rapporteur est défendu.
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy, pour soutenir le sous-amendement no 48.
M. Jean-Philippe Tanguy
Il tend à élargir la disposition aux opinions syndicales du client de la banque, l’appartenance syndicale motivant aussi les persécutions – ne nous cachons pas derrière notre petit doigt ! – menées par les notables et autres hiérarques locaux. Un ouvrier défendant le maintien d’une usine, par exemple, peut déplaire à certains hauts dignitaires du régime…
M. Charles Sitzenstuhl
Quel régime ?
M. Jean-Philippe Tanguy
…et voir en conséquence ses droits bancaires entravés. Nous pourrions aussi parler des persécutions en raison de l’appartenance à une association. Tout cela existe : bienvenue dans le monde réel ! C’est la politique la plus sale, la politique la plus dégueulasse !
Mme Caroline Parmentier
Eh oui !
M. Jean-Philippe Tanguy
Lorsque vous êtes un syndicaliste et que vous déplaisez au gros bonnet du coin disposant d’un compte avec énormément d’argent dans la banque locale, il peut – entre autres pratiques – faire fermer votre compte, ça arrive ! (L’orateur se tourne vers le centre de l’hémicycle.) Je comprends que vous ne vous sentiez pas concernés, vous n’avez pas d’ouvriers dans vos rangs ! (Sourires et applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole reste à M. Jean-Philippe Tanguy, pour soutenir l’amendement no 19.
M. Jean-Philippe Tanguy
Nous préférons rédiger l’alinéa 9 en mentionnant la « qualité de personne politiquement exposée », soit la dénomination utilisée contre nous. Il ne s’agit certainement pas d’un privilège : les personnes politiquement exposées, le président Coquerel l’a dit, sont menacées par le lobby bancaire – nous aurions pu évoquer également le monde de l’assurance ; elles sont persécutées.
Quand vous êtes membre du RN ou de l’UDR, mais ce doit aussi être le cas pour certaines forces de gauche, vous n’avez pas le droit à un compte de campagne ; on vous fait perdre une, deux, trois semaines à faire le tour des banques pour faire exercer votre droit au compte. C’est la réalité ! Lorsque vous êtes membre d’un petit parti – je viens moi-même de Debout la France –, c’est la même chose. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe EPR.) On perd parfois un mois de campagne à courir après les banques.
Mme Laure Miller
C’est le cas pour tous les partis !
M. Jean-Philippe Tanguy
Et même après avoir exercé son droit bancaire, on peut encore se voir refuser une carte de crédit, un chéquier, un virement. Bref, tout est fait pour empêcher ces candidats d’exercer leurs droits pendant que d’autres font campagne, c’est la réalité !
M. Vincent Thiébaut
C’est faux !
M. Jean-Philippe Tanguy
Même chose pour les syndicalistes, y compris ceux qui sont contre nous – qu’ils le soient ne nous empêche pas de défendre des principes, même si je sais que ça vous fait mal ! Et le sous-amendement no 52 concerne les élus locaux…
Mme la présidente
Monsieur Tanguy, M. Clavet est le seul signataire du sous-amendement no 52. Je vais lui donner la parole.
M. Jean-Philippe Tanguy
Alors j’ai terminé ! (Sourires et applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Bruno Clavet, pour soutenir les sous-amendements nos 52 et 50.
M. Bruno Clavet
Je suis d’accord avec mon collègue Tanguy. Le but du sous-amendement no 52 est d’inclure les élus locaux dans le champ des personnes concernées. Vous m’inciterez sans doute à m’en tenir à la liste des personnes politiques exposées fixée par l’arrêté du 17 mars 2023, mais les élus locaux – dieu merci ! – n’en font pas partie. Il s’agit non de les surprotéger mais simplement de leur donner les mêmes droits que les élus nationaux vis-à-vis des banques. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements et sous-amendements en discussion commune ?
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Je suis favorable à l’amendement no 22 que nous évoquions tout à l’heure, car il apporte une précision utile.
Monsieur Tanguy, vous n’êtes pas le seul à connaître la vie : arrêtez de nous faire passer pour des gens hors-sol, franchement !
M. Jean-Philippe Tanguy
Vous n’êtes pas victime de ce que j’ai décrit !
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Quand on a été maire d’une petite commune et qu’on a vécu pendant des années au contact des habitants, on connaît aussi la vie !
M. Roland Lescure
Bien mieux que M. Tanguy, d’ailleurs !
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Ça commence à bien faire : vous n’êtes pas le seul à connaître le terrain. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR.)
Quant à votre sous-amendement, il est inutile, puisque la discrimination syndicale est déjà visée par le code pénal. Il n’apporte rien sur le plan juridique. Mon avis sera donc défavorable comme sur votre amendement no 19 et sur les sous-amendements afférents. La rédaction proposée par M. de Courson permet de couvrir l’ensemble des risques que vous évoquez pour les personnes politiquement exposées ; en renvoyant au code monétaire et financier, elle est suffisamment claire.
Mme Caroline Parmentier et M. Frédéric Weber
Mais bien sûr…
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Il est inutile d’en rajouter, à moins de rendre la loi bavarde ou de vouloir se donner bonne conscience pour je ne sais quelles raisons.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Le statut de personne politiquement exposée, attaché à la qualité d’élu de la République, entraîne des obligations et donne lieu à une vigilance particulière, nous en convenons tous. Cependant, de temps en temps, les établissements bancaires prennent la décision de résilier la convention de compte de dépôt d’une personne politiquement exposée en tenant compte d’autres facteurs, pas forcément de son statut. J’émettrai donc avis un de sagesse sur les amendements nos 22, 35 et 19.
Le sous-amendement no 48 sur les opinions syndicales est satisfait par le code pénal : la fermeture d’un compte bancaire pour ce motif constituerait une discrimination illégale. Je vous demande donc de le retirer ; sinon, j’y serai défavorable.
Je suis également défavorable aux sous-amendements nos 50 et 52 qui visent à compléter la liste des motifs de résiliation – le statut d’élu local du client – qui ne peuvent pas être invoqués par les banques.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.
M. Jean-Philippe Tanguy
Monsieur le rapporteur, je dis simplement qu’il faut tenir compte de la formation politique à laquelle vous appartenez, pas que vous ne connaissez rien à la vie. (« Si ! » sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem.) Non, je n’ai pas dit ça, mais je ne suis pas surpris, car vous n’acceptez pas le débat et n’entendez que ce que vous voulez. Je ne m’adresse pas à vous, de toute façon, mais uniquement à M. le rapporteur. Monsieur Mattei, tant mieux si vous n’êtes pas concerné par le genre de persécutions que j’ai décrites – peut-être l’avez-vous été sous l’ère Sarkozy, cela dit. Quant à nous, nous les connaissons bien, tout comme les syndicalistes et les lanceurs d’alerte…
M. Roland Lescure
Et Georges Marchais !
M. Jean-Philippe Tanguy
…qui n’utilisent d’ailleurs pas le code pénal ! Un syndicaliste confronté à la Société générale ou à la BNP n’est pas en mesure de faire valoir le code pénal, cela n’existe pas ! Il n’ira jamais dépenser des milliers d’euros dans une procédure perdue d’avance.
Mme Caroline Parmentier
Évidemment !
M. Jean-Philippe Tanguy
Nous maintenons donc nos sous-amendements, dans l’espoir qu’en les votant, la gauche protégera, pour une fois, les libertés syndicales et les élus locaux, au lieu de les repousser parce qu’ils viennent de nous !
Mme la présidente
Je mets aux voix le sous-amendement no 48.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 51
Nombre de suffrages exprimés 48
Majorité absolue 25
Pour l’adoption 26
Contre 22
(Le sous-amendement no 48 est adopté.)
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR.)
(Les amendements identiques nos 22 et 35, sous-amendés, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je mets maintenant aux voix le sous-amendement no 52.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 48
Nombre de suffrages exprimés 48
Majorité absolue 25
Pour l’adoption 26
Contre 22
(Le sous-amendement no 52 est adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix le sous-amendement no 50.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 53
Nombre de suffrages exprimés 52
Majorité absolue 27
Pour l’adoption 26
Contre 26
(Le sous-amendement no 50 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 19, tel qu’il a été sous-amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 52
Nombre de suffrages exprimés 51
Majorité absolue 26
Pour l’adoption 27
Contre 24
(L’amendement no 19, sous-amendé, est adopté.)
(Applaudissements sur quelques bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Inaki Echaniz, pour soutenir l’amendement no 26.
M. Inaki Echaniz
Cet amendement de mon collègue Jiovanny William vise à garantir la continuité territoriale en matière bancaire en s’opposant à toute possibilité de fermer un compte de dépôt en cas de déménagement en outre-mer, que l’établissement soit représenté ou non à l’échelle locale. Plusieurs administrés ultramarins ont signalé avoir été contraints de changer d’établissement bancaire après leur déménagement en outre-mer. Or les frais bancaires sont plus élevés dans ces territoires, de sorte qu’il est légitime pour un résident ultramarin de vouloir maintenir son compte bancaire dans l’Hexagone. Aucun motif juridique ne peut justifier ce genre de pratique, d’autant que les démarches sont pour l’essentiel dématérialisées et soumises à signature électronique.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Sagesse.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
L’amendement est satisfait. On ne peut admettre qu’une résiliation de compte soit décidée par la banque au motif qu’une personne réside en outre-mer. Les Français, qu’ils demeurent en métropole ou en outre-mer, doivent être traités de la même façon s’agissant des relations contractuelles avec leur banque. Cependant, cette interdiction existe déjà, puisque toute discrimination fondée sur le lieu de résidence est illégale. L’ajouter dans le texte n’entraînerait aucune modification du droit existant. C’est pourquoi je vous demande de retirer votre amendement, sans quoi mon avis sera défavorable.
Mme la présidente
Je suis saisie de plusieurs demandes de scrutin public : sur les amendements nos 12, 10 et 11, par le groupe UDR, et sur l’amendement no 33, par le groupe Rassemblement national.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Philippe Naillet.
M. Philippe Naillet
Contrairement à ce que vient de dire Mme la ministre, l’amendement n’est malheureusement pas satisfait dans les faits.
M. Jean-Philippe Tanguy
Eh oui !
M. Philippe Naillet
Sans vouloir singulariser les outre-mer ou tenir à leur égard un discours misérabiliste, la réalité demeure qu’ils sont considérés comme des territoires à part. La rédaction de cet amendement rappelle à juste titre la terrible injustice que nous subissons : les frais bancaires dans les outre-mer sont nettement plus élevés que dans l’Hexagone. Nous faisons donc l’objet d’une double discrimination s’agissant des comptes bancaires.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Lorsque j’indique que l’amendement est satisfait, c’est sur le plan juridique. Le droit en vigueur interdit de fermer un compte bancaire en prenant motif du lieu de résidence.
(L’amendement no 26 est adopté.)
M. Inaki Echaniz
Bravo !
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Le Coq, pour soutenir l’amendement no 33.
M. Aurélien Le Coq
Il va dans le même sens que les précédents. Il s’agit de proscrire toute discrimination fondée sur les opinions, les activités politiques ou les activités associatives.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Nous avons déjà longuement débattu de ce sujet et cet amendement me semble superfétatoire. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Je demande également le retrait, sans quoi mon avis sera défavorable.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 33.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 54
Nombre de suffrages exprimés 53
Majorité absolue 27
Pour l’adoption 38
Contre 15
(L’amendement no 33 est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Alexandre Allegret-Pilot, pour soutenir les amendements nos 12 et 10, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Alexandre Allegret-Pilot
Ils tendent à imposer une sanction aux banques en cas de fermeture arbitraire du compte bancaire d’un parlementaire. Dans l’amendement no 12, la banque fautive se voit imposer par l’ACPR une amende qui ne peut être inférieure à 20 000 euros. Dans l’amendement no 10, outre la sanction financière, l’établissement bancaire a l’obligation de justifier sa décision et l’absence de lien avec l’activité parlementaire de l’intéressé.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Il serait bon de retirer ces amendements. Notre assemblée vient d’adopter les amendements précédents relatifs aux personnes politiquement exposées ; nul besoin d’en rajouter.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Vous proposez d’interdire la fermeture du compte bancaire d’un parlementaire. J’appelle votre attention sur le fait que les amendements précédemment adoptés conduiront les banques à prendre des précautions considérables au moment de l’ouverture d’un compte bancaire.
M. Philippe Juvin
Eh oui !
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Vous venez en effet d’adopter des amendements qui visent à interdire les résiliations de compte bancaire en raison de la résidence en outre-mer, des opinions ou des activités politiques du client. Ces amendements incluent les organisations syndicales, les parlementaires, ainsi que les personnes ayant qualité d’élu de la République. En poursuivant dans cette voie, vous allez créer de réelles difficultés pour de nombreux citoyens qui souhaiteront ouvrir un compte. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.) Avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Alexandre Allegret-Pilot.
M. Alexandre Allegret-Pilot
J’entends vos remarques : d’un point de vue légistique, c’est certainement loin d’être magistral, compte tenu de cet enchevêtrement d’amendements. Cependant, les amendements en discussion, à la différence des précédents, introduisent une sanction ; or une obligation sans sanction n’est pas une obligation.
Mme la présidente
La parole est à M. David Amiel.
M. David Amiel
Ces amendements diffèrent des précédents. Il ne s’agit plus de protéger les parlementaires de fermetures de comptes qui seraient liées à l’exercice de leur activité ou à leurs opinions politiques – de telles fermetures seraient évidemment scandaleuses…
M. Robert Le Bourgeois
Ah !
M. David Amiel
…et sont déjà interdites par le droit pénal. Ces amendements visent à octroyer une immunité de fait aux parlementaires, quels que soient les motifs qui conduiraient à fermer leur compte : un parlementaire qui se livrerait à du blanchiment d’argent ou à des manœuvres délictuelles se verrait ainsi protégé par un droit exorbitant, auquel les autres citoyens n’auraient pas accès. Cela revient à créer une nouvelle immunité parlementaire et financière qui me paraît totalement déplacée eu égard au droit et à la nécessité de permettre le travail des services d’enquête et de justice, y compris lorsqu’ils s’intéressent à des parlementaires. Il faut évidemment protéger la liberté d’expression et d’opinion politique – le droit le prévoit déjà –, mais octroyer aux parlementaires un blanc-seing pour la seule raison qu’ils sont titulaires d’un mandat me paraît scandaleux et contraire au principe d’égalité.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 12.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 55
Nombre de suffrages exprimés 54
Majorité absolue 28
Pour l’adoption 26
Contre 28
(L’amendement no 12 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 10.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 50
Nombre de suffrages exprimés 49
Majorité absolue 25
Pour l’adoption 26
Contre 23
(L’amendement no 10 est adopté.)
Mme la présidente
Sur l’amendement no 17 et l’article 2, je suis saisie par le groupe Rassemblement national de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Alexandre Allegret-Pilot, pour soutenir l’amendement no 11.
M. Alexandre Allegret-Pilot
Il concerne cette fois l’ensemble des clients et vise à ce que les frais de transfert du compte soient à la charge de la banque qui en a décidé la fermeture.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Cet amendement me semble satisfait. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Cet amendement est satisfait. Je demande également son retrait, sans quoi mon avis sera défavorable.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 11.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 45
Nombre de suffrages exprimés 45
Majorité absolue 23
Pour l’adoption 28
Contre 17
(L’amendement no 11 est adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements, nos 17 et 34, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy, pour soutenir l’amendement no 17.
M. Jean-Philippe Tanguy
Dans le même esprit que l’amendement no 34 de M. Le Coq, il vise à pénaliser les infractions que nous venons de caractériser – celles qui concernent les parlementaires et les autres infractions, que la ministre a énumérées. Il faut sanctionner les banques qui manquent à leurs obligations. Le dispositif proposé est un peu plus sévère que celui prévu par l’amendement no 34, puisqu’il prévoit d’emblée une amende de 15 000 euros.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 17 ?
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Cet amendement me semble d’ores et déjà satisfait par le code monétaire et financier. En effet, ce dernier prévoit, au livre VI, des pouvoirs de contrôle et de sanction confiés à l’ACPR en cas de non-respect par les acteurs du secteur financier des obligations prévues par la législation. L’ACPR dispose déjà d’un pouvoir de sanction administrative et pécuniaire, qui peut s’étendre, dans les cas les plus graves, à la suspension ou au retrait de l’agrément. Nul besoin de créer une sanction qui existe déjà. Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Défavorable pour les mêmes raisons.
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Le Coq, pour soutenir l’amendement no 34.
M. Aurélien Le Coq
Il tend effectivement à sanctionner les banques lorsqu’elles ne respectent pas les règles. Nous avons commencé ce débat en reconnaissant qu’un problème se posait en matière d’encadrement, de régulation et de contrôle des activités bancaires. En effet, les banques usent et abusent de leur position dominante et de l’impossibilité pour leurs clients, notamment les plus précaires, de se défendre. Nous sommes ainsi convenus qu’un minimum de réglementation était nécessaire.
Madame la ministre, vous avez déclaré, en abordant l’examen du texte, que nous n’étions pas là pour faire le procès des banques. Or sur chacun des amendements qui tentent de fixer un cadre, d’instaurer des règles, que ce soit pour éviter que l’on s’en prenne à certains en raison de leur activité syndicale ou politique ou de leur statut d’élu, ou pour empêcher que l’on dénonce une convention lorsque l’autre partie n’a aucun moyen de se défendre, les soutiens du gouvernement ont chaque fois répondu qu’il fallait faire attention car, si on les contraint davantage, les banques réussiront à contourner les règles et feront en sorte de ne pas respecter la loi.
Vous avez donc reconnu vous-mêmes que nous nous trouvions face à des individus, les banquiers, qui n’en ont rien à faire de rien, à part de leur profit, et qui sont prêts à truander sur tous les plans, jusqu’à refuser d’ouvrir des comptes aux gens. Vous l’avez vous-mêmes reconnu : les banques n’ouvriront plus de compte à personne si on continue comme ça ! Or nous instaurons des règles qui sont nécessaires, parce que les banques font déjà tout pour ne pas aider les gens et faire du profit sur leur dos. Et lorsque ces règles ne sont pas respectées, les banques doivent effectivement être sanctionnées. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Vos propos, monsieur Le Coq, manquent de modération : j’ai donné des avis favorables, notamment sur les amendements présentés par M. le rapporteur, qui adaptaient le texte, tendaient à le rendre plus cohérent et apportaient des réponses aux questions de la liberté contractuelle ou du blanchiment d’argent – sujets que vous n’avez d’ailleurs pas voulu considérer.
Je n’essaye pas d’exonérer les organismes financiers de toute sanction. Si je donne un avis défavorable à ces amendements, c’est parce que les dispositifs de sanction existent déjà : sanctions administratives, pécuniaires et pouvant même aller, dans les cas les plus graves, jusqu’au retrait de l’agrément – une sanction tout sauf anodine !
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Bien sûr !
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution veille à l’application de ces sanctions : l’existant suffit. Avis défavorable, donc.
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
Nous nous opposerons à ces deux amendements, qui sont en effet satisfaits. Mais pardonnez-moi de le dire quelque peu brutalement : un certain nombre des amendements que nous avons adoptés depuis plusieurs minutes relèvent du grand n’importe quoi ! (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Nous sommes en train de légiférer, avec beaucoup de légèreté, sur des sujets extrêmement compliqués et je m’émeus de ce que la gauche de gouvernement ait laissé passer certains de ces amendements.
L’effet qui se produira sera l’inverse de celui que vous espérez. (M. Aurélien Le Coq s’exclame.) La catégorie des élus peut s’entendre dans un sens très large : conseillers municipaux, élus des CCI, des CMA ou des chambres d’agriculture. Les personnes exerçant des mandats électoraux, et c’est une bonne nouvelle, sont de plus en plus jeunes. Dès lors, les banques pourraient être amenées à ne plus prendre aucun risque et refuser d’ouvrir un compte à une jeune personne talentueuse, investie dans la vie publique locale, qui pourrait un jour être élue et devenir maire ou parlementaire. Nous risquons de rigidifier le système de manière très problématique.
J’espère que la poursuite de l’examen de ce texte nous permettra de revenir sur ces dispositions. Nous avons légiféré bien trop vite, madame la ministre. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.
M. Jean-Philippe Tanguy
Ne vous inquiétez pas, cher collègue, il y a le droit au compte, tout ira bien.
Nous retirons notre amendement : après vérification, il s’avère que le rapporteur à raison et qu’il est satisfait.
(L’amendement no 17 est retiré.)
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Sans vouloir polémiquer, monsieur Sitzenstuhl, je trouve un peu léger l’argument consistant à dire que, si l’on est en désaccord avec vous, on ne peut pas gouverner. D’autant plus léger que les représentants des forces qui gouvernent sont peu nombreux aujourd’hui dans cet hémicycle,…
M. Charles Alloncle
C’est quoi ces leçons de morale ?
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
…ce qui peut expliquer pourquoi M. le rapporteur rencontre quelques difficultés à faire passer son texte. (M. Charles Sitzsenstuhl proteste.) Si ce texte était aussi important, si les propositions du rapporteur étaient aussi essentielles, vous devriez tous être là.
M. David Amiel
Vous n’êtes pas plus présents de votre côté, monsieur le président !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Mais nous ne sommes pas du côté du gouvernement et nous ne nous plaignons pas des amendements qui sont adoptés ! Vous, au moins, vous êtes présents, mais peut-être les absents de votre camp auraient-ils dû se déplacer pour défendre la proposition de loi du rapporteur. (Exclamations sur les bancs du groupe Dem.)
M. David Amiel
C’est quand même gonflé !
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Le Coq.
M. Aurélien Le Coq
Vos propos, monsieur Sitzsenstuhl, illustrent bien ce que j’expliquais juste avant : la voracité des établissements bancaires ne connaît pas de limite. Vous dites qu’ils se refuseront à courir le moindre risque. Vous aimez pourtant nous expliquer d’habitude que ces gens aiment en prendre pour créer de l’argent et de la valeur ! (M. Charles Sitzenstuhl sourit.) Vous nous auriez trompés jusqu’à présent ? Ces établissements seraient donc voraces, peu intéressés par les conditions d’existence des gens ? Eh bien, monsieur Sitzenstuhl, je suis d’accord avec vous : le prochain texte dont nous devons débattre doit être un texte sur le pôle public bancaire. (M. Charles Sitzenstuhl s’exclame.) Nous réglerions ainsi la question en allant au fond du problème.
(L’amendement no 34 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’article 2, tel qu’il a été amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 57
Nombre de suffrages exprimés 57
Majorité absolue 29
Pour l’adoption 43
Contre 14
(L’article 2, amendé, est adopté.)
Après l’article 2
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements nos 16 et 18 portant article additionnel après l’article 2.
Sur ces amendements, je suis saisie de demandes de scrutin public par le groupe Rassemblement national.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy, pour soutenir l’amendement no 16.
M. Jean-Philippe Tanguy
Je le retire : compte tenu des nombreux amendements que nous venons d’adopter, nous devons réexaminer la disposition – ce sera pour une prochaine fois.
(L’amendement no 16 est retiré.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy, pour soutenir l’amendement no 18.
M. Jean-Philippe Tanguy
Il vise à garantir qu’une personne disposant d’un compte bancaire peut disposer des services de base – il ne s’agit pas seulement d’avoir un compte, encore faut-il pouvoir s’en servir. Les moyens de rétorsion du lobby bancaire et de ses amis sont nombreux. On vous ouvre un compte, mais sans mettre à votre disposition de moyen de paiement : pas de chéquier, et c’est la croix et la bannière pour faire un virement. Vous êtes client, mais vous ne l’êtes pas vraiment, et on vous fait bien comprendre que vous devriez aller voir ailleurs – comme vous ne pouvez pas aller ailleurs, vous vous retrouvez bloqué avec un compte sans services.
Exercer ses droits auprès de la Banque de France prend six mois à un an. Pour un parti politique, j’y ai passé deux ans et demi – juste pour le chéquier, je n’ai toujours pas obtenu la carte bancaire. Nous ne vivons pas dans un monde parallèle où la démocratie se porte bien. Nous ne sommes malheureusement pas en Suisse, mais dans la France macroniste.
Notre amendement est tout simple : lorsqu’on a un compte, on a également droit aux services bancaires essentiels. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Vous faites référence, dans votre amendement, à l’article L.312-1 du code monétaire et financier, qui indique déjà que toute personne physique ou morale a droit à l’ouverture d’un compte dans un établissement de crédit. Or une association et un syndicat ont une personnalité morale. Votre amendement est donc satisfait. Je vous demande de le retirer, sous peine d’ajouter encore des dispositions à des dispositions. À défaut, avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Le droit, pour les partis politiques, les associations et les fondations d’ouvrir un compte bancaire est, en effet, déjà garanti par la loi – nous l’avons évoqué à de nombreuses reprises. Inutile donc d’ajouter quoi que ce soit dans le texte.
Je vous rappelle que 30 000 personnes ont demandé à bénéficier de ce droit en 2024. Leur nombre a diminué puisqu’elles étaient 69 000 en 2015, ce qui indique que les établissements financiers répondent favorablement aux demandes d’ouverture de compte.
Votre amendement étant satisfait, je vous demande de le retirer ; à défaut, mon avis sera défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.
M. Jean-Philippe Tanguy
Je maintiens l’amendement. J’entends cependant vos remarques : il est mal rédigé et nous le retravaillerons en vue de la deuxième lecture.
Ses motifs restent valables : actuellement, le droit au compte ne s’accompagne pas du droit d’accéder aux services bancaires de base. On peut avoir un compte bancaire sans avoir droit à rien. Il faut venir signer un papier pour le moindre virement, qui prend deux mois. Les banques font preuve de mauvaise volonté.
C’est toujours le même débat, madame la ministre : oui, le droit prévoit des protections, mais les banques contournent systématiquement ce droit pour suivre leur propre loi – c’est bien pour cela qu’elles s’agitent et s’énervent au sujet de ce texte. Certaines forces politiques ne veulent pas voir la réalité, mais nous, nous la voyons car nous l’avons vécue. Nous défendons un vrai droit au compte, garantissant l’accès aux services bancaires de base. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 18.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 53
Nombre de suffrages exprimés 53
Majorité absolue 27
Pour l’adoption 30
Contre 23
(L’amendement no 18 est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe RN et sur quelques bancs du groupe UDR.)
Article 3
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 36.
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
L’article 2 n’ayant pas été adopté dans la rédaction que j’aurais souhaitée et le médiateur n’étant donc pas reconnu comme compétent pour se prononcer sur le caractère légitime de la résiliation d’un compte, cet amendement, de nature rédactionnelle, vise à offrir au consommateur confronté à une résiliation la possibilité de le saisir. Les droits des consommateurs se trouvent ainsi renforcés.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Cet amendement permet au médiateur de formuler des remarques dans le rapport sur les résiliations de comptes remis chaque année au Parlement, sans pour autant lui imposer des obligations qu’il ne serait pas en mesure de respecter. La production de données chiffrées sur les résiliations de comptes, dont nous manquons, aura un intérêt.
M. Jean-Luc Warsmann
Avis favorable ! Avançons !
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Le champ des informations que les établissements doivent transmettre à la Banque de France dépasse néanmoins ce seul cadre et comprend des informations déjà publiées par la Banque de France ou par les médiateurs dans leur rapport annuel. Sur cet amendement, je m’en remets donc à la sagesse de cette assemblée.
(L’amendement no 36 est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Inaki Echaniz, pour soutenir l’amendement no 5, qui fait l’objet du sous-amendement no 53.
M. Inaki Echaniz
Cet excellent amendement de ma collègue Christine Pirès Beaune vise à faire en sorte que le compte rendu annuel d’activité établi par chaque médiateur intègre le nombre de résiliations unilatérales présenté par les établissements bancaires.
La préparation de l’examen de cette proposition de loi a en effet permis de démontrer l’absence de données chiffrées en matière de fermetures abusives de comptes bancaires. Si l’ancienne secrétaire d’État à la consommation avait annoncé la saisine du Comité consultatif du secteur financier pour quantifier le nombre de fermetures de comptes jugées abusives, il apparaît nécessaire de profiter de ce véhicule législatif pour faire en sorte que les comptes rendus annuels d’activité des établissements bancaires soient utilisés pour comptabiliser ces fermetures. Nous aurons ainsi des chiffres précis.
Le sous-amendement déposé par le rapporteur Mattei me fait espérer un avis favorable de sa part sur cet amendement.
Mme la présidente
Le sous-amendement no 53 de M. le rapporteur est rédactionnel.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 5 ?
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Favorable sous réserve de l’adoption de mon sous-amendement.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement sur l’amendement et le sous-amendement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Sagesse pour les deux.
(Le sous-amendement no 53 est adopté.)
(L’amendement no 5, sous-amendé, est adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 30 et 37.
La parole est à M. Philippe Naillet, pour soutenir l’amendement no 30.
M. Philippe Naillet
Il s’agit de confier à la Commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation (CECMC) la mission de remettre chaque année au Parlement un rapport sur les motifs de résiliation des conventions de compte de dépôt ou de contrats-cadre de services de paiement, sur les litiges portés devant les médiateurs et sur la mise en œuvre du droit au compte.
Mme la présidente
L’amendement no 37 de M. le rapporteur est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Favorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Sagesse.
M. Jean-Luc Warsmann
C’est juste un rapport !
(Les amendements identiques nos 30 et 37 sont adoptés.)
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l’amendement no 13.
M. Charles Sitzenstuhl
Il vise simplement à préciser que le rapport doit également être envoyé au gouvernement. La Banque de France étant indépendante, si elle envoie un rapport au Parlement, cela ne signifie pas qu’elle l’envoie au gouvernement. Il serait logique de l’écrire dans le texte.
(L’amendement no 13, accepté par la commission et le gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente
Sur l’article 3 et l’amendement no 25, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Inaki Echaniz, pour soutenir l’amendement no 7 rectifié.
M. Inaki Echaniz
Dans la même logique que nos amendements précédents, il s’agit ici de préciser que le rapport annuel remis par le gouverneur de la Banque de France au Parlement indique le nombre de fermetures de comptes réalisées sur une année par les établissements bancaires.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Sagesse.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Même avis.
(L’amendement no 7 rectifié est adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’article 3, tel qu’il a été amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 41
Nombre de suffrages exprimés 35
Majorité absolue 18
Pour l’adoption 33
Contre 2
(L’article 3, amendé, est adopté.)
Après l’article 3
Mme la présidente
La parole est à Mme Claire Marais-Beuil, pour soutenir l’amendement no 25, portant article additionnel après l’article 3.
Mme Claire Marais-Beuil
Nous sommes garants de l’équilibre entre la liberté d’entreprendre des établissements bancaires et la protection des droits fondamentaux de leurs clients. Or, lorsqu’elle est abusive et insuffisamment – voire pas – justifiée, la fermeture d’un compte bancaire peut avoir de lourdes conséquences sur les particuliers comme sur les entreprises : impossibilité de percevoir un salaire, de payer des fournisseurs ou, pire, de maintenir une activité économique.
C’est d’ailleurs la raison d’être de cette proposition de loi. Lors de nos débats en commission, nous avons tous déploré l’absence d’un bilan sur les fermetures abusives. L’amendement vise donc à demander au gouvernement de remettre au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, un rapport sur ce thème.
Il s’agit non d’un simple exercice administratif, mais d’un outil indispensable pour évaluer les effets réels de la loi. Il devra notamment fournir des données précises sur le nombre et les motifs des fermetures et préciser la répartition entre particuliers et entreprises.
Notre demande est pragmatique et garantira la transparence et la justice pour tous. Je vous invite à soutenir cet amendement. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Si l’article 3 n’avait pas été adopté, nous pourrions considérer que votre amendement est pertinent, mais il est inutile puisque cet article, que nous venons d’adopter, prévoit la remise d’un rapport contenant ces données statistiques transmises par les établissements.
M. Jean-Philippe Tanguy
Il a raison !
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Je m’étonne de vos arguments – au demeurant importants – sur la liberté d’entreprendre, la protection des clients et la liberté contractuelle. Il aurait fallu en faire état avant l’examen du texte, pour éclairer nos débats. En outre, l’article 3 prévoit déjà la communication de certaines données dans le rapport. Enfin, le délai que vous proposez, de six mois après la promulgation de la loi, est trop court pour que les données soient pertinentes.
(L’amendement no 25 est retiré.)
Explications de vote
Mme la présidente
La parole est à M. David Amiel.
M. David Amiel (EPR)
Nous sommes entrés dans ce débat parlementaire avec la volonté d’aider nos concitoyens modestes, fragiles, honnêtes, dont le compte en banque est fermé du jour au lendemain, sans information ni recours possibles. Or nous nous retrouvons avec un texte dans lequel les parlementaires sont les seuls Français à pouvoir faire n’importe quoi sur le plan financier, sans aucune conséquence sur leur compte en banque. (« Oh ! » sur les bancs du groupe RN.) La création de ce nouveau privilège par l’extrême droite illustre la confusion qui règne au sein des partis qui la constituent et leur perte totale de valeurs et de repères en matière politico-financière ! (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Je regrette que les amendements du rapporteur Jean-Paul Mattei n’aient pas été adoptés. Ils allaient dans le bon sens et visaient à aider non les parlementaires, mais nos concitoyens honnêtes – salariés, chefs d’entreprise, artisans, commerçants.
M. Laurent Jacobelli
Tous ceux que vous avez ruinés !
M. David Amiel
Je regrette aussi que les dispositifs qui permettaient à Tracfin et à nos services d’enquête de travailler sereinement, proposés par le rapporteur, n’aient pas été adoptés. Certains amendements de nos collègues socialistes vont dans le bon sens, mais ils sont très insuffisants face à l’ampleur de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Malheureusement, nous voterons donc contre cette proposition de loi. (M. Charles Sitzenstuhl applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Le Coq.
M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP)
Le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire votera bien sûr pour cette proposition de loi. Il est urgent de réguler et d’encadrer le système bancaire.
Dans un pays qui compte 11 millions de pauvres, où une proportion immense de la population peine à se nourrir et à se chauffer, comment peut-on accepter que les banques qui réalisent plus de 30 milliards de bénéfices, notamment les deux plus grands groupes bancaires, se permettent de verser plus de 6 milliards de dividendes tout en continuant de taxer chaque année les plus pauvres, à travers les frais bancaires, à hauteur de 6 milliards ? Comment accepter que ces mêmes banquiers en profitent pour exclure les plus pauvres en fermant abusivement leurs comptes ?
Ce texte est un premier pas. Mais vous avez raison, chers collègues macronistes, les banques risquent de vouloir contourner la loi et chercheront toujours des parades pour discriminer un peu plus, tout verrouiller et éviter de prendre le moindre risque.
M. Charles Sitzenstuhl
Vous voyez le mal partout !
M. Aurélien Le Coq
Protéger quoi ? Protéger qui ? Leurs profits et leurs dividendes ! Il va donc falloir y revenir parce que le sujet bancaire n’est pas un petit sujet dans notre pays.
M. Charles Sitzenstuhl
Ça, c’est sûr !
M. Aurélien Le Coq
Nous parlons de millions de gens qui chaque fois qu’ils consultent leurs comptes bancaires, chaque fois qu’ils ouvrent un mail de leur banque, ont peur et craignent que leur banquier ait pris plus que son dû, leur ait fait un sale coup qu’ils ne comprennent pas et contre lequel ils ne sont pas capables de se défendre. C’est pourquoi nous plaidons pour une justification automatique des fermetures de comptes et pour qu’il ne soit plus possible d’apporter n’importe quelle justification. Le rapport est inégal entre les banques et nos concitoyens !
Ce texte n’est qu’un premier pas, j’y insiste. Je suis fier d’annoncer que la présidente du groupe La France insoumise, Mathilde Panot, a déposé cette semaine une proposition de loi visant à plafonner les frais d’incidents bancaires et à bloquer les frais bancaires courants pour tous les clients physiques, les petites et moyennes entreprises et les associations à but non lucratif. (MM. David Amiel et Charles Sitzenstuhl s’exclament.) J’espère que nous aurons l’occasion d’en débattre. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Tristan Lahais.
M. Tristan Lahais (EcoS)
Ce texte n’est pas parfait et il est loin de répondre à toutes les questions que nous avons soulevées lors des débats, mais il renforce le droit fondamental des citoyens à accéder à un compte bancaire, droit indissociable de leurs activités quotidiennes et de leur insertion dans la société. Je fais confiance à la navette parlementaire pour améliorer ce qui doit l’être, notamment en matière de sécurité.
Je veux répondre à nos collègues qui entretiennent une forme de confusion et nous accusent de faire n’importe quoi. Certaines dispositions du texte consacrent des droits nouveaux, comme l’interdiction de fermer un compte bancaire au motif de son absence de rentabilité. D’autres, en revanche, ne font qu’expliciter des interdictions existantes, comme celle de discriminer un client parce qu’il est élu.
M. Charles Sitzenstuhl
Et alors ?
M. Tristan Lahais
Pourquoi ce texte, me direz-vous ? La réponse est dans son titre : l’objectif est de lutter contre les fermetures abusives de comptes bancaires. Si le législateur s’interroge sur d’éventuels abus, c’est que la loi, sous sa forme actuelle, est parfois contournée par les banques. D’où l’automatisation de la justification des fermetures de comptes : il s’agit de lutter contre le caractère abusif de certaines d’entre elles et peut-être, à la fin, de diminuer le nombre de comptes fermés.
M. Inaki Echaniz
Très bien !
Mme la présidente
La parole est à Mme Félicie Gérard.
Mme Félicie Gérard (HOR)
Nous regrettons le rejet des amendements du rapporteur Jean-Paul Mattei, pourtant de nature à mieux encadrer la proposition de loi.
M. Éric Martineau
L’excellent Jean-Paul Mattei !
Mme Félicie Gérard
Son objectif n’était pas de faire le procès des banques. En l’état, les débats n’ont pas permis d’améliorer le texte et des risques importants pèsent toujours sur les capacités des banques à lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Le groupe Horizons & indépendants votera donc contre ce texte.
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Juvin.
M. Philippe Juvin (DR)
Nous plaidons pour la réduction des charges administratives et, au terme de nos discussions, elles ont augmenté. (M. Charles Sitzenstuhl applaudit.)
M. Charles Sitzenstuhl
Très juste !
M. Philippe Juvin
Nous croyons aux vertus de la simplification et, en l’espèce, on complexifie la vie économique.
M. Éric Martineau
C’est vrai !
M. Philippe Juvin
Nous pensons qu’il faut faire confiance aux Français et, ici, on dynamite le droit des contrats.
Nous voulons éviter de surtransposer les directives européennes – tout le monde le souhaite sur ces bancs. Pourtant, nous avons surtransposé !
M. Charles Sitzenstuhl
Exactement !
M. Philippe Juvin
Peut-être ce texte va-t-il faire baisser le nombre de fermetures abusives, mais je suis surtout convaincu qu’il va contribuer à la hausse, elle aussi abusive, des refus d’ouvrir des comptes bancaires !
Le texte rate donc totalement sa cible.
M. Éric Martineau
On est d’accord ! Complètement raté !
M. Philippe Juvin
Il faut voter contre. (M. Aurélien Le Coq s’exclame.)
Mme la présidente
La parole est à M. Inaki Echaniz.
M. Inaki Echaniz (SOC)
Madame Gérard, ce texte ne fait pas le procès des banques : il vise à défendre et à protéger les consommateurs qui se retrouvent dans des situations difficiles sans que les banques ne se justifient.
Après l’adoption de la proposition de loi, les plus modestes seront les gagnants. Ils seront systématiquement informés de la fermeture de leur compte et le motif avancé devra être valable.
Je me réjouis de l’adoption de plusieurs amendements du groupe Socialistes et apparentés, notamment de ceux de ma collègue Christine Pirès Beaune, qu’on ne peut pas accuser de faire du zèle ou d’être incompétente ! Je me réjouis également de l’adoption de l’amendement de notre collègue Jiovanni William visant à prendre en compte la spécificité des outre-mer.
Monsieur Juvin, vous pouvez toujours estimer que la protection des consommateurs est une charge ; pour nous, c’est un devoir et un combat que nous mènerons tout au long de notre mandat ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.
M. Jean-Philippe Tanguy (RN)
Le groupe Rassemblement national votera pour ce texte. Nous en aurions fait ainsi même si nos amendements n’étaient pas passés car la version initiale du rapporteur Mattei, dont je salue le travail, était bonne. Nous avons souhaité améliorer le texte pour qu’il corresponde davantage à notre vision, aux valeurs et au programme grâce auxquels nous avons été élus – c’est notre droit en tant que parlementaires et le rapporteur le sait. Comme les changements que nous proposions étaient importants, nos amendements ont été adoptés, grâce à la présence de nos élus.
M. Roland Lescure
Il faut bien protéger la rente !
M. Jean-Philippe Tanguy
Vous pouvez le déplorer, mais c’est le droit parlementaire. Cela ne remet pas en cause le travail du rapporteur, que nous avons complété de la façon qui nous semblait opportune.
Je salue aussi la qualité des réponses de la ministre – c’est suffisamment rare pour être souligné. Elle a répondu sans s’énerver, sans insulter l’opposition, sans nous accuser de faire n’importe quoi, en nous opposant des arguments qui portaient sur le fond.
Nous ne sommes pas d’accord, mais il faut reconnaître quand le travail parlementaire est de qualité et je pense qu’il l’a été.
S’il a été nécessaire de déposer ce texte, c’est bien qu’il y a un procès à faire à certaines pratiques bancaires. Il faut le dire : certains se comportent comme des voyous ! On m’a ainsi appelé pour m’expliquer que si je ne la bouclais pas, il y aurait des fermetures d’agences dans ma circonscription : comment qualifier ce type de comportement ?
M. Emmanuel Mandon
Ça, c’est chaud !
M. Charles Sitzenstuhl
Il faut porter plainte, monsieur Tanguy !
M. Jean-Philippe Tanguy
C’est un comportement de voyou ! Quand on empêche des syndicalistes, des personnalités politiques, des élus locaux de faire leur travail, quand on discrimine les territoires d’outre-mer, de quoi se rend-on coupable ? D’un comportement de voyou ! Ces situations existent, nous ne sommes pas dans le monde des Bisounours, il n’y a pas d’un côté les gentilles banques et de l’autre les méchants syndicalistes. C’est peut-être votre vision du monde, mais ce n’est pas celle du Rassemblement national.
Le monde est imparfait et les comportements de voyou doivent être dénoncés pour ce qu’ils sont. C’est pour cela que nous légiférons : si le monde était parfait, si tout le monde était gentil, si les agents économiques n’avaient pas d’autre intérêt que de garantir un marché pur et parfait, nous n’aurions pas besoin de lois et vous ne seriez pas élu, monsieur Sitzenstuhl ! Peut-être que cela me ferait plaisir cinq minutes, mais sur le long terme ce serait un peu dommage pour le Parlement. Si nous sommes ici, c’est parce que le monde n’est pas merveilleux, parce que l’oligarchie ne gère pas le pays dans l’intérêt général. Voilà la réalité ! Si vous voulez vous contenter de déplorer que le monde ne fonctionne pas comme vous le souhaitez, il faut démissionner !
M. Charles Sitzenstuhl
Mais c’est vous qui vous plaignez !
M. Jean-Philippe Tanguy
Nous, nous sommes dans le monde réel – c’est vous que je vise, monsieur Sitzenstuhl, pas M. Mattei. Vous ne cessez de réinventer le monde ! Pourquoi agissez-vous ainsi ? Parce que vous vous apprêtez à perdre un moyen de persécution politique ! (M. Charles Sitzenstuhl rit.) Vous le savez, et nous aussi, puisque nous la subissons ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Roland Lescure
C’est de la paranoïa !
M. Jean-Philippe Tanguy
Vous vous apprêtez à perdre un moyen de pression contre les syndicats ; nous le savons, puisque nous accueillons des syndicalistes dans nos permanences. Vous vous apprêtez à perdre un moyen de pression contre les associations locales, qui gênent parfois certains intérêts ; nous le savons, c’est une perte pour vous. C’est pour cela que le lobby bancaire a beaucoup fait pour ne pas perdre ce privilège exorbitant.
Nous avons fait du bon travail et nous avons été courageux. Derrière notre action, il y a le vote des Françaises et des Français. Cela a été long, mais aujourd’hui des forces populaires existent et elles ont la force politique suffisante pour mettre un terme à vos magouilles. Prenez-en acte : ce n’est pas terminé ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Alexandre Allegret-Pilot.
M. Alexandre Allegret-Pilot (UDR)
Beaucoup ont tendance à se cacher derrière Tracfin et à utiliser le levier économique pour laisser libre cours à l’arbitraire, à l’abus et donc à la répression politique.
M. Roland Lescure
C’est sûr qu’il s’y connaît, question Tracfin !
M. Alexandre Allegret-Pilot
Permettre que des comptes soient fermés avant qualification par l’autorité compétente, c’est mettre la charrue avant les bœufs et détourner l’esprit de la loi. Le présent texte permettra de limiter les abus.
Comme cela a été souligné, cette proposition de loi comporte de nombreux effets de bord – elle peut être facilement contournée. Pour autant, grâce à notre travail collectif, nous l’avons substantiellement améliorée. Nous voterons donc pour. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Je remercie l’ensemble des collègues pour ce débat intéressant.
M. Roland Lescure
De haute tenue !
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Bien évidemment, j’aurais préféré qu’une autre version du texte soit adoptée, mais je respecte le vote de l’Assemblée. Dans nos discussions, les banques ont souvent été stigmatisées. Une banque, ce n’est pas un être à part, c’est avant tout des femmes et des hommes.
M. Éric Martineau
Tout à fait !
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Je voudrais avoir une pensée pour les nombreux collaborateurs qui œuvrent dans l’intérêt de leurs clients et qui essaient de faire correctement leur travail.
M. Philippe Juvin
Très bien !
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
Je ne suis pas certain que nous allons leur faciliter la tâche. Des dérives existent et ce texte va dans le bon sens. Je regrette cependant que nous n’ayons pas remis l’humain au centre de notre débat. Dans cette société qui parle beaucoup d’intelligence artificielle, il me semble, à l’âge qui est le mien,…
M. Éric Martineau
Vous êtes tout jeune !
M. Jean-Paul Mattei, rapporteur
…que la véritable modernité du futur, c’est l’humain. J’aimerais en tout cas que nous le replacions au cœur de nos discussions.
Je remercie les collaborateurs qui m’ont accompagné dans ce travail, en particulier M. Grasset, ainsi que Mme la ministre : lorsque vous étiez assise un peu plus haut dans cet hémicycle, c’était déjà un plaisir de travailler avec vous, madame Louwagie ; je suis heureux de vous voir à ce poste aujourd’hui.
Merci à tous pour ce débat sain, qui s’est déroulé de manière apaisée et respectueuse. C’est un gage d’enrichissement pour notre démocratie. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Je remercie le rapporteur Mattei, car c’est grâce à lui si le texte est bon. Je ne comprends pas très bien les arguments de ceux qui critiquent l’adoption de l’amendement socialiste sur Tracfin, qui me semble éviter les écueils dénoncés. Je l’ai comparé à celui de Jean-Paul Mattei car ils sont très similaires. Les détracteurs de la version actuelle du texte disent être d’accord sur le fond, mais pas sur sa rédaction. Pourtant, elle améliore sensiblement les choses.
Monsieur Mattei, les critiques faites à l’encontre des banques ne visent pas les collaborateurs. Les employés des banques nous disent souvent être désolés des ordres qui viennent d’en haut, qu’ils sont contraints d’appliquer.
M. Aurélien Le Coq
C’est vrai !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Cette proposition de loi facilitera leur travail et leur permettra d’établir des rapports plus humains avec leurs clients. Je pense qu’ils ne demandent que cela.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Je remercie les députés qui ont participé à l’examen de ce texte, ainsi que le rapporteur, qui a beaucoup travaillé et cherché à diminuer le risque d’inconstitutionnalité de la proposition de loi en tenant compte des votes en commission. Il a apporté des réponses en matière de simplification et de lutte contre le blanchiment.
La proposition de loi telle qu’elle a été adoptée est très éloignée de la version initiale du Sénat.
M. Éric Martineau
Eh oui !
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
À l’origine, le texte permettait aux clients dont le compte avait été fermé de connaître les motifs de cette décision. Il s’agissait d’un texte simple, qui maintenait une relation contractuelle équilibrée entre les parties ; nous nous en sommes beaucoup éloignés. La proposition de loi retournera au Sénat et je rejoins ce qu’a dit le président de la commission des finances : j’espère que certains points seront corrigés à la faveur de la navette parlementaire.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures trente-cinq, est reprise à dix-huit heures quarante, sous la présidence de Mme Nadège Abomangoli.)
Présidence de Mme Nadège Abomangoli
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est reprise.
2. Effets psychologiques de TikTok sur les mineurs
Discussion d’une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution de Mme Laure Miller et plusieurs de ses collègues tendant à la création d’une commission d’enquête sur les effets psychologiques de TikTok sur les mineurs (nos 783, 1030).
Présentation
Mme la présidente
La parole est à Mme Laure Miller, rapporteure de la commission des affaires sociales.
Mme Laure Miller, rapporteure de la commission des affaires sociales
« J’ai empêché mes enfants d’aller trop sur les réseaux sociaux avant leurs 14 ou 15 ans et j’essayais de suivre ce qu’ils faisaient. Je pense qu’il faut en faire plus dans ce domaine. Nous avons été un peu naïfs quant à l’impact de ces outils. » Voilà ce qu’a déclaré Bill Gates lors d’un entretien sur France Inter le 3 février dernier. Ce n’est pas le seul acteur majeur du numérique à développer des outils qui captent perpétuellement notre attention tout en en préservant ses propres enfants. Ces entrepreneurs savent ce qui est mis entre les mains de nos jeunes, de nos enfants, et en connaissent les conséquences psychologiques.
Le défi de l’impact des écrans et de l’accès des jeunes aux réseaux sociaux est encore devant nous car leur emprise ne fait que grandir et, avec elle, ses effets néfastes. Plus d’un jeune de 7 à 12 ans sur trois dispose d’un smartphone. Le temps d’écran moyen est en constante augmentation. Pas moins de 86 % des 8-18 ans sont inscrits sur les réseaux sociaux, 82 % des 10-14 ans consultent internet sans leurs parents, et un jeune âgé de 11 à 12 ans sur deux est inscrit sur l’application TikTok. Voilà pour les chiffres.
Quel est l’impact de ce phénomène ? Il peut engendrer une dépendance, aller de pair avec du cyberharcèlement, conduire à de mauvaises rencontres, notamment avec des prédateurs sexuels, et entraîner une baisse de l’estime de soi, ainsi qu’une augmentation de la sédentarité et de l’isolement.
Nous faisons face à un paradoxe : alors que de plus en plus de voix s’élèvent pour dénoncer l’influence délétère des réseaux sociaux sur le bien-être psychique des jeunes, ces derniers sont de plus en plus exposés auxdits réseaux. En parallèle, la santé mentale des jeunes s’impose comme un enjeu de santé publique majeur et incontestable. La mission d’information sur la prise en charge des urgences psychiatriques dont nos collègues Nicole Dubré-Chirat et Sandrine Rousseau ont été les corapporteures l’a récemment démontré. Dans ce contexte, le réseau social TikTok incarne un paradoxe particulièrement morbide puisqu’il confronte le public le plus vulnérable aux biais de fonctionnement les plus délétères.
Pourquoi limiter les travaux d’une commission d’enquête à TikTok ? Dernier né des réseaux sociaux, il a pris une importance majeure à une vitesse fulgurante. Plus de 15 millions de personnes utilisent TikTok chaque mois en France. Cette importance est exacerbée chez les plus jeunes : 63 % des enfants de 12 ans possèdent un compte TikTok, alors que le réseau est normalement interdit aux moins de 13 ans. Contrairement à Facebook ou Twitter, où la viralité repose principalement sur le partage manuel et les interactions des utilisateurs, TikTok promeut directement ses contenus à un large public, sans que l’utilisateur ait besoin d’intervenir activement. Le réseau impose une logique de rapidité : les vidéos qui y sont diffusées durent entre 15 et 60 secondes, ce qui est singulièrement addictif.
Des défis viraux y sont massivement diffusés – on pense au récent « paracétamol challenge » –, qui mettent directement en danger la vie de jeunes utilisateurs. Par ailleurs, il s’agit du réseau social dont la politique de modération est la plus opaque et très probablement la plus inefficace, alors qu’il se distingue par une amplification de l’exposition aux contenus violents, à caractère sexuel ou relatifs à la souffrance psychique.
Mme Laure Miller
Chers collègues, l’objectif de mon intervention est de vous convaincre, d’une part, de la recevabilité de cette proposition de résolution et, d’autre part, de son opportunité.
Je vous rappelle rapidement les conditions de recevabilité des propositions de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête. Elles sont énoncées à l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 et aux articles 137 à 139 du règlement de l’Assemblée nationale, et détaillées dans mon rapport, qui vous a été transmis.
Premièrement, la commission d’enquête doit porter sur des faits précis ou sur la gestion d’un service public. On peut difficilement prétendre que ce n’est pas le cas ici puisqu’il s’agit de se focaliser sur les liens existants entre le paramétrage et les usages d’un réseau social, d’un côté, et les répercussions psychiques associées chez une catégorie spécifique d’utilisateurs, de l’autre : l’objet de la commission d’enquête est donc à la fois précis et circonscrit.
Deuxièmement, la commission d’enquête ne doit pas porter sur des faits pour lesquels une procédure judiciaire est en cours, point qui appelle une précision. Comme le rappelle l’exposé des motifs, la société TikTok fait l’objet de poursuites judiciaires mettant en cause la responsabilité du réseau social dans la dégradation de la santé mentale de plusieurs adolescentes et le suicide de deux d’entre elles. Une action en responsabilité encore pendante devant le tribunal judiciaire de Créteil met en cause la société TikTok. Néanmoins, le garde des sceaux, interrogé sur ce point par la présidente de l’Assemblée nationale, a répondu, par courrier en date du 12 février 2025, qu’il n’avait pas « connaissance de procédure en cours susceptible de recouvrir le périmètre de la commission d’enquête parlementaire envisagée ». La commission devra toutefois veiller, durant ses travaux, à ne pas faire porter ses investigations sur des faits relevant de la compétence exclusive de l’autorité judiciaire.
Troisièmement, la commission d’enquête ne doit pas porter sur un objet pour lesquels les pouvoirs d’enquête reconnus aux parlementaires ont été mobilisés au cours des douze derniers mois. Depuis le début de la nouvelle législature, aucune commission d’enquête n’a porté sur les effets psychologiques des réseaux sociaux ni sur la santé mentale des mineurs, même si deux commissions en cours abordent la santé mentale des mineurs de manière indirecte : l’une porte sur les violences commises dans les secteurs du cinéma, de l’audiovisuel, du spectacle vivant ; l’autre, que je connais bien pour avoir l’honneur de la présider et dont la rapporteure est Isabelle Santiago, porte sur les manquements des politiques publiques de protection de l’enfance. Elles présentent donc, toutes deux, un lien très indirect avec l’objet de la présente proposition de résolution.
Quid à présent de l’opportunité d’une commission d’enquête sur les effets psychologiques de TikTok sur les mineurs, au-delà même des arguments que j’ai déjà développés en préambule ?
Le Sénat a enquêté sur TikTok, mais son travail, d’une qualité qui mérite d’être saluée, l’abordait sous l’angle des ingérences, sans cibler les répercussions psychologiques sur les mineurs. Il me semble donc que la commission d’enquête devra s’employer à confirmer ou infirmer les hypothèses formulées par plusieurs études, qui constitueront autant d’axes de travail.
Parmi les hypothèses de travail, il s’agira notamment de déterminer : si l’application propose davantage ou non de contenus dangereux aux individus vulnérables, comme l’affirme une étude publiée en décembre 2022 – comparativement à des profils standards, les utilisateurs manifestant un intérêt pour les questions de santé mentale seraient douze fois plus exposés à des vidéos traitant du suicide ; si l’application encourage ou non le passage à l’acte suicidaire et à l’automutilation, comme le dénonce un rapport récent d’Amnesty International ; si l’application amplifie ou non la mise à disposition de contenus hypersexualisés, qui déstabiliseraient les utilisateurs les plus jeunes et favoriseraient le développement de troubles tels que la dysmorphophobie – trouble mental qui affecte la perception de son propre corps, notamment des défauts corporels – ou les désordres alimentaires, comme l’indique le rapport de la commission d’enquête sénatoriale publié en juillet 2023 sur l’influence du réseau social TikTok.
Le dispositif de la présente proposition de résolution souligne qu’il s’agira en outre « de proposer des dispositifs concrets et de grande envergure pour protéger nos jeunes ». La commission d’enquête aura en particulier vocation : à étudier les dispositifs de captation de l’attention utilisés par TikTok, ainsi que leurs effets psychologiques, en particulier sur les mineurs ; à examiner les risques liés à l’exposition des jeunes utilisateurs aux contenus dangereux et à l’addiction numérique ; à proposer des mesures concrètes de régulation des contenus, de sécurité numérique et de modération des pratiques de la plateforme, afin de protéger les mineurs.
Au terme de cet exposé, je pense que nous pouvons considérer que ni la recevabilité ni l’opportunité de la proposition de résolution que je vous présente aujourd’hui ne font débat, ce dont atteste le nombre relativement important d’amendements que vous avez déposés.
Notre vote intervient alors qu’en Albanie les fournisseurs d’accès à internet ont l’obligation, ce jour, de bloquer l’accès à TikTok sur tout le territoire. Cette décision très forte, prise en décembre après une large consultation de plusieurs dizaines de milliers de parents et d’enseignants, fait suite à la mort d’un élève de 14 ans consécutivement à un conflit sur le réseau social. Si cette décision intervient aujourd’hui en Albanie, vous savez tous que la question est posée dans un nombre croissant de pays dans le monde.
Je remercie les députés qui ont cosigné ma proposition de résolution et ceux qui sont impliqués sur ce sujet. Je pense que nous avons tous la même conviction : notre assemblée doit mener ces travaux pour donner une portée politique forte, d’une part, à la dénonciation des effets directs de TikTok sur la santé mentale de nos jeunes et, d’autre part, à la nécessité de trouver des solutions concrètes pour protéger nos enfants.
Je vous appelle ainsi, mes chers collègues, à voter cette proposition de résolution, modifiée par trois amendements adoptés en commission, et à participer activement à ses travaux pour aborder, lors des auditions, l’ensemble des points qui vous intéressent. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – M. Arthur Delaporte applaudit également.)
M. Charles Sitzenstuhl
Bravo !
Mme la présidente
La parole est à Mme Marie Lebec.
Mme Marie Lebec
Je souhaite en préambule remercier notre collègue Laure Miller d’introduire au cœur de notre hémicycle un sujet essentiel pour la protection des jeunes, quotidiennement confrontés à la violence qui peut émaner des réseaux sociaux.
La santé mentale est la grande cause nationale de 2025 et l’une des priorités de cette année est le développement de la prévention et du repérage précoce. La proposition de résolution s’inscrit pleinement dans cette perspective. En effet, l’objectif de prévention nous impose d’être particulièrement attentifs aux jeunes populations. Selon Santé publique France, la santé mentale des 11-17 ans s’est plus particulièrement dégradée entre 2018 et 2022. Environ 15 % des collégiens et des lycéens présentent un risque important de dépression.
Par ailleurs, selon l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep), 90 % des 12-17 ans déclarent posséder un téléphone mobile. Le temps hebdomadaire moyen passé sur internet par les 13-19 ans est de plus de 15 heures. C’est un chiffre qui doit nous alerter et nous inciter à réfléchir sur la manière de prévenir les troubles psychologiques que peuvent créer les écrans chez nos enfants et nos jeunes.
TikTok est une application mobile qui compte en moyenne près de 22 millions d’utilisateurs actifs par mois. Elle fait également l’objet de critiques régulières quant au manque d’encadrement des contenus, au mésusage des données personnelles et à la désinformation massive qui y règne. Les jeunes utilisateurs y passent en moyenne 1 heure 47 minutes par jour et ne sont pas toujours armés face à cette réalité. Nous pouvons donc légitimement interroger les conséquences de cet usage sur leur santé mentale.
Dans ce contexte, proposer la création d’une commission d’enquête sur les effets psychologiques de TikTok sur les mineurs apparaît tout à fait utile. En effet, elle permettra d’évaluer précisément l’impact négatif du réseau social sur le développement de la santé mentale des plus jeunes.
Les modifications apportées en commission des affaires sociales viennent préciser le champ de la commission d’enquête sans dénaturer son objectif. Elle constituera pour nous un véritable outil permettant d’identifier les risques liés à TikTok et d’envisager des mesures pour protéger les jeunes.
Le groupe Ensemble pour la République soutiendra cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Arnaud Saint-Martin.
M. Arnaud Saint-Martin
TikTok. Le phénomène est massif, le scroll est infini. Initier une commission d’enquête sur ses effets psychologiques sur les mineurs est donc une bonne chose car le problème mérite examen, mais nous ne validerons pas cette initiative sans signaler différentes marges de progression et des biais de cadrage préjudiciables.
Premièrement, quand bien même il resterait des zones d’ombre, les effets toxiques liés à l’usage de l’application sont dorénavant connus. Le dispositif algorithmique rend viraux des contenus brefs et vérolés : désinformation, manipulation sémantique, trucages visuels et sonores, TikTok est, comme bien d’autres réseaux sociaux numériques, un cloaque informationnel. Défilement infini, dark patterns – interfaces truquées –, enfermement dans des bulles de filtres : les sphères de l’influence sont sans limite. Elles encouragent aussi la sujétion marchande aux publicitaires, elles façonnent des perceptions et des désirs, quelles que soient les générations.
On pourrait multiplier les exemples d’usages problématiques et de contenus destructeurs. TikTok a ainsi été poursuivi en justice aux États-Unis en 2022 après la mort de deux jeunes filles de 8 et 9 ans, embrigadées dans le « blackout challenge », ou défi de l’étouffement jusqu’à l’évanouissement – hélas mortel dans les deux cas. De tels drames et d’autres, dont deux suicides d’adolescentes en France, ont suscité des vagues d’émotion et des assignations en justice. On sait également combien le cyberharcèlement prolifère et porte atteinte à l’intégrité d’utilisateurs jetés à la vindicte des trolls.
On en conviendra pourtant, tout n’est pas à jeter : on pourrait mentionner les usages qui rivalisent souvent d’audace dans la construction de formats qui alternent entre le divertissement, l’information au grand public, la vulgarisation de sujets complexes, les créations artistiques, la mise en scène décalée ou l’ostentation de soi ludique. Mais, en l’état, cela ne doit pas détourner de l’exigence critique et de la nécessité de réguler.
Deuxièmement, il est une limite que nous avons largement signalée en commission : pourquoi n’envisager que les seuls effets de TikTok ? Les Gafam-X états-uniens sont tout aussi experts en matière de développement et de renforcement de pratiques dangereuses et addictives.
M. Frédéric Maillot
Exactement !
M. Arnaud Saint-Martin
Si l’enjeu est d’évaluer les formes et les facteurs d’addiction numériques, en particulier chez les jeunes, alors on ne voit pas pourquoi il faudrait isoler TikTok du reste des plateformes. Ce sont les mêmes mécanismes de consommation compulsive qui sont à l’œuvre, les mêmes stratégies de propagande, parfois en plus néfastes. Parce qu’on peut toujours pointer du doigt les autorités chinoises, sublimées dans un algorithme captivant, il est tout aussi problématique pour notre souveraineté de laisser les enfants céder aux sirènes de X, dont le PDG sévit au sein de l’administration Trump. Les contenus engrammés par l’algorithme muskisé de X sont tout aussi dévastateurs pour l’attention, voire pires, puisqu’ils propagent l’idéologie nauséabonde de leur détenteur.
Mais c’est finalement le but politique de cette proposition de résolution qui pose question au premier chef. On le voit bien, c’est l’un des sujets clivants du moment pour bien des familles ; moralement paniqués, les parents, tout aussi connectés, se trouvent souvent bien démunis pour faire face au souhait de leur enfant de disposer d’un smartphone, lequel peut, lorsqu’il est utilisé à l’excès, faire écran à d’autres activités sociales. Hasard, coïncidence ? TikTok vient tout juste d’annoncer qu’il promet de responsabiliser davantage les familles dans l’utilisation de la plateforme par les enfants et de les discipliner par des limites internes à l’application. C’est une réponse nettement insuffisante, voire hypocrite.
Troisièmement, j’en viens au titre de la proposition. Plutôt que de pointer les « effets psychologiques » de l’utilisation des réseaux, nous proposons d’utiliser la notion plus extensive de « risques psycho-sociaux ». L’objectif de cette suggestion est de souligner le caractère intrinsèquement social de cet usage. Les écrans sont des vecteurs techniques de sociabilité et de socialisation, et c’est leur potentiel de transformation ou d’altération des interactions sociales qui nous intéresse. « Seuls ensemble », pour reprendre la formule de la psychologue et anthropologue Sherry Turkle, les utilisateurs entrent dans des relations en ligne et ce sont ces réseaux de sociabilité que les mastodontes du capitalisme numérique de surveillance espèrent capter et exploiter.
Enfin, il sera indispensable de surmonter le stade du diagnostic et d’aller plus loin que les travaux parlementaires qui ont ouvert la voie ces dernières années ; il faudra aller au-delà de l’incantation. Le risque est grand que l’on n’apprenne finalement très peu de choses que l’on ne savait déjà, et qu’entre-temps la situation ait empiré. C’est pourquoi il faudra bien évaluer, y compris les conséquences des mesures qui s’imposent. Imaginons par exemple que l’application soit prohibée pour telle ou telle raison : au vu de l’encastrement social profond des technologies numériques, il y a fort à parier qu’une autre application remplirait le vide. Autrement dit, c’est un besoin socialement, culturellement, économiquement et, le cas échéant, politiquement construit, sur lequel il convient d’agir à la racine.
En résumé, nous devons nous donner les moyens de concevoir des alternatives « démarchandisées » à l’hypersollicitation et à l’enrôlement des plateformes Gafam-X et autres TikTok. Faute de quoi, on n’en aura pas fini d’initier des commissions en quête de leur objet.
Mme la présidente
La parole est à M. Arthur Delaporte.
M. Inaki Echaniz
Le meilleur d’entre nous ! TikTok tremble !
M. Arthur Delaporte
Tiktok est « une machine à sous de dopamine ». La dopamine, c’est le neurotransmetteur du plaisir. L’application balance des shots de plusieurs ingrédients permettant de libérer la dopamine : vidéos hypnotisantes, musique addictive, danses, contenus personnalisés… Le problème ? La dopamine active le circuit de la récompense, qui n’avait pas vocation, initialement, à être ciblé par le visionnage et le défilement de vidéos aléatoires. À l’instar de l’alcool, des drogues ou des jeux d’argent, la libération de dopamine sur TikTok altère en parallèle d’autres systèmes cérébraux, impliqués notamment dans la régulation des émotions et du bien-être. La pratique addictive de l’application n’est plus motivée par le plaisir, mais par le besoin de sortir d’un état émotionnel négatif.
Je vous propose une expérience : tapez les mots-clés « TikTok » et « dopamine » dans la barre de recherche de l’application ; vous tomberez sur cette vidéo d’une influenceuse, likée 110 000 fois, qui explique le besoin irrépressible de dopamine qui affecte son comportement : « Les vidéos, nous dit-elle, j’arrive pas à les écouter en vitesse normale, je ne peux plus regarder de films ou de séries, je préfère passer quatre heures sur TikTok. »
Les 2 000 commentaires sous la vidéo sont tout aussi affolants : certains confient l’avoir visionnée en accéléré, quand d’autres expriment leur impossibilité de couper cette application ou d’écouter les gens parler.
Tout cela est connu. De nombreux travaux de recherche ont analysé l’addiction à l’application. Pire, des documents ont révélé aux États-Unis que l’application est au courant, et leur teneur est édifiante puisqu’ils indiquent que « l’utilisation compulsive de TikTok est liée à une série d’effets négatifs sur la santé mentale, comme la perte de la capacité d’analyse », et pénalise aussi « la formation de la mémoire, l’aptitude à la contextualisation, à la conversation, à l’empathie ». C’est TikTok qui le dit.
Côté santé, les effets sont aussi gratinés. Que dire de cette vidéo likée 135 000 fois qui vante l’utilisation d’une poudre coupe-faim ? Ou de cette vidéo traitant d’un faux remède dont votre médecin ne vous parlera jamais, tout simplement parce qu’il est néfaste pour la santé ? De ces vidéos qui enseignent comment se scarifier ou se mutiler sans éveiller de soupçons ? Ce sont ces vidéos qui ont conduit au suicide de jeunes et qui font l’objet d’une plainte déposée par le collectif Algos Victima, mobilisé contre les dangers de cette application.
Ces vidéos amorcent la spirale de la fonction algorithmique. Il suffit d’aimer une vidéo triste pour que le fil de vidéos se transforme en champ de vidéos encourageant la tristesse ou l’état dépressif. Bien sûr, TikTok n’a pas pour seule vocation de proposer ce genre de contenu, mais à maintenir l’utilisateur sur sa plateforme. Son modèle économique repose sur la manipulation et l’addiction. Ses effets sur les jeunes sont délétères.
Tentons une autre expérience. Il suffit de se rendre dans une classe de primaire – de CM1 ou de CM2. Demandez à ces enfants combien possèdent un compte TikTok, puis combien, parmi ceux-là, ont déjà vu un contenu choquant sur l’application. Vous constaterez qu’ils sont au moins quatre ou cinq sur une vingtaine d’enfants, alors que TikTok est seulement autorisé à partir de 13 ans, comme l’ensemble des réseaux sociaux.
On observe d’autres comportements sur TikTok, tels que la mendicité numérique, à l’œuvre sur la plateforme par l’intermédiaire des lives et des matchs.
Depuis plusieurs mois, j’alerte sur ce phénomène très inquiétant où des utilisateurs, parfois des enfants, versent jusqu’à plusieurs centaines d’euros à des influenceurs qui s’affrontent en direct pour récolter un maximum de cadeaux en criant et en citant les pseudos des donateurs afin de générer un sentiment d’appartenance à une communauté. L’influenceur empoche la moitié du cadeau et la plateforme l’autre moitié.
TikTok est devenu une sorte de casino qui ne dit pas son nom à cette différence près qu’il n’y a pas de possibilité d’un gain financier : la seule récompense est la reconnaissance.
La semaine dernière, j’ai évoqué en commission le cas de Julien Tanti, qui récolte régulièrement des dons de sa communauté et qui, fruit du hasard et de la loi sur les influenceurs, vient d’être sanctionné par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pour des publications sur Instagram, visibles par des mineurs, vantant le copy trading, promesse illusoire d’une richesse accessible à moindres frais.
Sur les questions de fiscalité, des zones d’ombre persistent autour de ce géant du numérique. L’attitude algorithmique en matière électorale constitue l’autre zone d’ombre, comme nous l’a enseigné le cas de la Roumanie.
Vous l’aurez compris, le groupe socialiste soutiendra avec la plus grande vigueur la création de cette commission d’enquête, indispensable pour créer un environnement numérique plus sain. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Frédéric Maillot applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Claude Raux.
M. Jean-Claude Raux
Le groupe Écologiste et social tient tout d’abord à saluer le travail de Mme Laure Miller, rapporteure, en faveur de la mise en place d’une commission d’enquête sur les impacts psychologiques de TikTok sur les mineurs.
Le rapport d’information sur la prise en charge des urgences psychiatriques, rédigé par nos collègues Sandrine Rousseau et Nicole Dubré-Chirat, démontre non seulement que les chiffres de la souffrance psychique des jeunes explosent – les tentatives de suicide chez les adolescentes ont augmenté de 133 % depuis 2020 –, mais aussi que la consommation de psychotropes chez les jeunes grimpe en flèche. Partout, les réseaux sociaux et leur influence sur la vie des jeunes inquiètent les familles et les professionnels de santé.
TikTok est un cas à la fois emblématique et particulier : il n’est pas un réseau social comme les autres et son algorithme capte les jeunes comme aucun autre. Les 4-18 ans – vous m’avez bien entendu – y passent chaque jour en moyenne une heure et quarante-sept minutes.
Les vidéos sont taillées pour capturer l’attention en alternant dopamine et frustration avec pour conséquences une concentration en miettes, une mémoire éclatée, un sommeil en sursis.
Surtout, TikTok glorifie l’apparence et la performance en imposant des standards inatteignables, en intensifiant la comparaison sociale, en déformant la perception du corps et en entretenant une pression permanente. Résultat : une montée en flèche de l’anxiété, une explosion des cas de dysmorphophobie et de troubles alimentaires, en particulier chez les jeunes filles.
Ce n’est pas tout. À travers son effet de bulle, TikTok accentue la vulnérabilité de certains jeunes. Des études révèlent que celles et ceux déjà en détresse reçoivent jusqu’à douze fois plus de contenus liés au suicide et à l’automutilation. Alors que la plateforme se vante de rapprocher la jeunesse, en réalité, elle rapproche trop souvent de nombreux jeunes de l’autodestruction.
Et que dire de la haine en ligne ? Elle y est omniprésente ; elle détruit l’estime de soi ; elle enferme dans la peur et l’isolement. Elle ne concerne pas que les jeunes, mais elle arrive au pire moment pour eux : celui où l’on construit son identité.
Même si cela est hors du champ de la présente proposition de résolution, comment parler de TikTok sans évoquer les risques d’ingérence étrangère ? Sans régulation, sans modération, les réseaux sociaux peuvent constituer un danger pour la santé psychologique, nous l’avons évoqué, mais ils peuvent aussi nuire gravement à la santé de notre démocratie. À l’heure où la scène internationale connaît des bouleversements d’alliances, nous devons protéger notre société des volontés néfastes de déstabilisation et garantir l’intégrité de l’information.
Cela étant, ne versons pas dans la caricature conservatrice des réseaux sociaux. Ils peuvent aussi être des espaces d’émancipation, d’information et de création.
Je pense aux témoignages massifs des mouvements MeToo, MeTooGay, MeTooInceste ou encore BlackLivesMatter qui ont rendu concrètes et visibles à tous l’ampleur des violences sexistes et sexuelles ou du racisme systémique dans notre société.
Je pense aux médias en ligne qui permettent à des personnes parfois exclues du champ du pouvoir médiatique de traiter de thèmes jusque-là invisibilisés – elles participent ainsi au nécessaire pluralisme de l’information.
Je pense enfin à toute la création artistique rendue accessible et moins élitiste, à toute cette jeunesse créatrice qui trouve le moyen de s’extraire des codes et de sortir des sentiers battus.
Si nous voulons que les réseaux sociaux deviennent vertueux pour les individus et la société, nous avons besoin de preuves et d’éléments concrets pour armer notre action, encadrer les algorithmes, limiter l’exposition aux contenus toxiques et exiger une véritable responsabilité des plateformes. Il faut que la représentation nationale passe enfin à l’action.
Nous soutenons pleinement la création de cette commission d’enquête et attendons avec exigence ses conclusions.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean Moulliere.
M. Jean Moulliere
Le phénomène TikTok nous rappelle à quel point les réseaux sociaux modernes peuvent exercer une influence profonde sur la psychologie des jeunes. Nous constatons que les effets observés sont en partie le reflet de problématiques communes à l’ensemble des réseaux sociaux, mais que TikTok tend à les exacerber par la nature de son format et de son algorithme, qu’il s’agisse de l’addiction, des troubles de l’attention, des dégradations de l’estime de soi, des risques pour la santé mentale ou des perturbations des interactions sociales.
Ces constats sont d’autant plus alarmants que des études scientifiques récentes montrent que la consommation excessive de contenus courts, régulièrement renouvelés et adaptés aux préférences des utilisateurs, affecte la capacité de concentration des jeunes esprits.
D’autres plateformes telles qu’Instagram, YouTube et Snapchat fonctionnent également avec des algorithmes de recommandation conçus pour maximiser le temps passé sur leurs interfaces. Cependant, TikTok s’en distingue par la puissance de son système de personnalisation, qui analyse en quelques secondes les intérêts des utilisateurs et les plonge dans un cycle de consommation continue. L’utilisation quotidienne de TikTok chez les adolescents est en moyenne supérieure de 40 % à celle des autres réseaux sociaux, accentuant les risques évoqués.
L’un des objectifs majeurs de la commission d’enquête sera d’analyser la responsabilité des plateformes en matière de protection des mineurs. Plusieurs pays ont déjà amorcé des régulations dans ce domaine. La Chine, pays d’origine de TikTok, impose par exemple une limite de quarante minutes par jour aux utilisateurs de moins de 14 ans grâce à son application locale Douyin. À l’inverse, l’Europe reste encore en retard dans l’encadrement des usages, malgré l’adoption du règlement européen relatif à un marché unique des services numériques (DSA) qui vise à renforcer la transparence des algorithmes et des contenus promus.
Le défi est de taille, mais les bénéfices en valent la peine ; il y va du bien-être d’une génération qui grandit avec un flux vidéo infini dans la poche. Transformer ce flux en un allié plutôt qu’en un piège est un impératif sociétal. Les premiers pas ont été faits, y compris par la plateforme elle-même, mais un cadre renforcé reste nécessaire pour adapter nos outils numériques à l’humain – et non l’inverse.
Ce texte va dans le sens de l’engagement du groupe Horizons & indépendants pour une reprise en main de la régulation des services numériques chez les enfants, déjà abordée par la loi du 7 juillet 2023 visant à instaurer une majorité numérique à 15 ans, et dont nous attendons toujours la publication des décrets d’application.
Pour toutes ces raisons, le groupe Horizons & indépendants partage la position commune sur l’opportunité de la création de cette commission d’enquête. Nous avons la responsabilité d’agir aujourd’hui pour offrir aux générations futures un espace numérique plus sûr, plus éthique et adapté à leur développement.
Mme la présidente
La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric Petit
Jean-Noël Barrot, alors ministre délégué chargé de la transition numérique, avait déclaré à propos du réseau social TikTok : « La promesse initiale de construire un algorithme d’exploration qui permet la découverte du monde et des contenus culturels n’est pas tenue. Au contraire, nous sommes face à un algorithme d’enfermement. »
Nous examinons une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur les effets psychologiques de TikTok sur les mineurs. En tant que démocrate, cela me mène à une réflexion plus globale : TikTok forme-t-il des jeunes citoyens éclairés ? Participe-t-il à la construction de nos jeunes ou bien renforce-t-il des troubles mentaux déjà nombreux après la pandémie du covid-19 ? Les plus jeunes électeurs étaient en classe de quatrième, troisième ou seconde pendant la pandémie. Nous avons manqué d’attention psychologique pour répondre au défi extraordinaire – extraordinaire car inédit – posé par l’enfermement d’une génération d’adolescents pendant plusieurs mois.
Déjà en 2023, le Sénat s’interrogeait sur l’utilisation de TikTok, son exploitation des données et sa stratégie d’influence grâce aux travaux d’une commission d’enquête. Parmi ses recommandations finales, figuraient la mise en place d’un véritable système de vérification de l’âge et l’instauration d’un blocage de l’application après un certain temps d’utilisation pour les mineurs. Ses utilisateurs sont de plus en jeunes : les 4-18 ans y passent en moyenne une heure et quarante-sept minutes par jour, alors que l’application est interdite aux moins de 13 ans en France. Aujourd’hui, 70 % des utilisateurs de TikTok en France ont moins de 24 ans, et 40 % des 16-25 ans utilisent TikTok quotidiennement.
TikTok est très addictif. En suggérant à ses utilisateurs de consulter du contenu personnalisé apparaissant dans un fil d’actualité intitulé « Pour toi », issu d’un puissant algorithme, il les enferme dans des bulles de filtres. Il en va de même de la plateforme X, depuis sa reprise par Elon Musk.
L’algorithme de TikTok lui permet de déduire de leurs habitudes de consultation les caractéristiques et les centres d’intérêt de ses utilisateurs. Le réseau social chinois les classe ainsi en fonction de leurs profils psychologiques. Catégoriser de cette manière de jeunes mineurs en pleine construction revient à les enfermer dans un monde clos. Le réel, c’est quand on se cogne, comme disait Lacan. Or nous protégeons et enfermons nos jeunes dans un endroit, certes confortable, mais irréel, au moment de leur vie où ils doivent découvrir la réalité.
TikTok participe-t-il à la formation de jeunes citoyens éclairés ? Pour répondre à cette question, nous devons également garder à l’esprit qu’il s’agit d’un réseau chinois et prendre en considération l’existence de luttes d’influence.
Outre la désinformation abondante dont les jeunes peuvent être les premières victimes, TikTok les enferme dans des bulles. Son algorithme tend à réduire la visibilité des contenus qui, même au prix de leur confort, pourraient les en faire sortir – c’est ce qu’on appelle le shadow banning –, et à en promouvoir d’autres. Ce faisant, il contribue au renfermement des jeunes, à leur manque d’ouverture et de confrontation à des cultures et des pensées nouvelles et, évidemment, aux difficultés qu’ils rencontrent dans le cadre de leurs relations sociales, si l’on peut encore les appeler ainsi.
En 2023, l’Organisation mondiale de la santé, l’OMS, a considéré que la solitude était une « menace urgente pour la santé » mondiale. Elle cause des effets aussi néfastes que la consommation de quinze cigarettes par jour.
Dans des périodes essentielles de leur développement, comme leur jeune enfance ou leur adolescence, il est fondamental que les mineurs soient poussés vers l’extérieur, vers le réel, pour y vivre leurs propres expériences, découvrir la réalité du monde qui les entoure et construire de nouvelles relations sociales. Ils doivent façonner leur ouverture plutôt que subir un enfermement au sein de leurs propres bulles numériques, conçues par un algorithme.
Le groupe Démocrates souhaite que cette commission d’enquête nous permette de déterminer si le réseau social TikTok contribue à nourrir la souffrance psychologique des jeunes. Nous voterons donc en faveur de cette proposition de résolution.
Mme la présidente
La parole est à Mme Constance de Pélichy.
Mme Constance de Pélichy
Si nos générations sont les dernières à être nées avant internet, nos enfants sont nés avec internet et les réseaux sociaux. Contrairement à nous, ils n’ont pas connu l’époque où les téléphones portables ne servaient qu’à passer des appels ou à envoyer des messages. Sitôt qu’ils obtiennent leurs premiers téléphones, généralement lorsqu’ils sont au collège – quand ce n’est pas plus tôt –, ils ont accès à un nombre incalculable d’applications et de plateformes en ligne, où les contenus sont peu modérés, voire pas du tout, et rarement adaptés à leur âge.
Nous avons déjà légiféré pour prévenir les dérives associées à l’usage des réseaux sociaux par les plus jeunes, que ce soit par l’intermédiaire du contrôle parental ou, plus drastiquement, en en interdisant l’accès aux moins de 13 ans. Nous savons toutefois que ces protections ne suffisent pas et sont aisément contournées.
Parmi les nombreuses plateformes qui existent sur le marché, il en est une qui se démarque des autres, car elle est omniprésente chez les jeunes : TikTok. Elle cumule les records en matière d’exposition peu modérée à des contenus violents, à caractère sexuel ou mettant en scène la souffrance psychique. Or nos enfants accèdent seuls et sans aucun recul à ces contenus, à un âge où ils se construisent émotionnellement, où ils développent leur rapport à leur corps, à la sexualité, à l’autre. Ils se trouvent confrontés avec brutalité et violence à des contenus parfois choquants, notamment des images.
En parallèle, on observe une dégradation continue et impressionnante de la santé mentale des jeunes, tout particulièrement des jeunes femmes. Le nombre des hospitalisations liées à des tentatives de suicide a tout simplement explosé, à tel point que l’on étudie la corrélation entre l’exposition à des contenus violents ou dangereux et la détresse psychique des plus jeunes.
En la matière, TikTok est particulièrement pointé du doigt. Il fait l’objet de poursuites judiciaires qui mettent en cause la responsabilité de ce réseau social dans la dégradation de la santé mentale de plusieurs adolescentes et le suicide de deux d’entre elles.
La commission d’enquête que l’on nous propose de créer permettrait de vérifier ce qu’avancent plusieurs études, à savoir que TikTok propose davantage de contenus dangereux aux individus vulnérables, mais aussi que son algorithme hyperpuissant cible des individus au profil fragile et les enferme dans des bulles d’anxiété et de mal-être.
Vidéos ayant trait au suicide, faisant la publicité de moyens de se donner la mort, promouvant des produits supposés faire perdre du poids, contenus hypersexualisés et altérant irrémédiablement l’image de soi et la confiance, désinformation, sans compter la haine en ligne : telles sont les spirales de contenus auxquelles sont exposés les jeunes.
Michel Barnier avait vu juste en faisant de la santé mentale la grande cause nationale de 2025. La dégradation de la santé mentale est une bombe à retardement silencieuse. Parmi ses causes, certes multiples, l’addiction numérique joue un rôle non négligeable.
La question du périmètre de la commission d’enquête s’est légitimement posée. Doit-on le circonscrire à TikTok ou l’élargir à toutes les applications comparables ? L’algorithme hyperpuissant de TikTok et sa capacité à capter l’attention des plus jeunes plaident en faveur d’une restriction du périmètre à cette seule application. Il ne fait cependant nul doute que les enseignements que nous tirerons de nos travaux et les préconisations qui en seront issues devront s’appliquer à tous les réseaux sociaux, afin de garantir un environnement numérique plus sain.
Nous avons aussi le devoir d’expliquer les dangers et les effets psychologiques délétères bien réels de ces applications et d’alerter à leur sujet. Nos travaux y contribueront.
Le groupe LIOT soutiendra évidemment la création de cette commission d’enquête sur les effets psychologiques de TikTok sur les mineurs. (Mme Constance Le Grip applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. Frédéric Maillot.
M. Frédéric Maillot
Il y a quelques semaines, je traînais sur les réseaux sociaux quand je suis tombé sur une vidéo dans laquelle une spécialiste du comportement des enfants affirmait – cela m’a profondément interpellé – que personne n’avait préparé nos enfants à avoir un doudou greffé à leur main à longueur de journée. Elle parlait du téléphone, comme d’un doudou qu’ils caressent avant de s’endormir et qu’ils caressent encore au réveil. Ces quelques mots disent l’importance que cet objet a pris dans nos vies et dans celles de nos enfants.
Le téléphone amène avec lui les applications, dont TikTok, qui sont présentes dans nos foyers et captent la pleine attention de nos enfants. En l’espace de seulement quelques années, TikTok est devenu l’un des plus grands réseaux sociaux au monde : il compte plus de 1,6 milliard d’utilisateurs. Son public est principalement composé d’enfants. Bien qu’elle leur soit théoriquement – je dis bien théoriquement – interdite, cette application est utilisée par 63 % des jeunes Français de moins de 12 ans et moins.
De nombreuses études ont d’ores et déjà documenté les dérives qu’ellee entraîne. Amnesty International a réalisé deux enquêtes dont la dernière, qui date de 2023, met en exergue la spirale dévastatrice dans laquelle sont piégés les plus jeunes utilisateurs de cette plateforme, du fait des dérives que les interventions précédentes ont énumérées.
En mars 2023, le président du groupe sénatorial Les Indépendants - République et territoires lançait une commission d’enquête sur l’utilisation du réseau social TikTok, son exploitation des données, sa stratégie d’influence. Ce choix était motivé par l’accumulation de doutes relatifs à l’utilisation des données par le réseau social chinois et à son impact sur les mineurs.
En février 2024, la Commission européenne décidait, quant à elle, d’ouvrir une procédure formelle afin de déterminer si TikTok avait enfreint le règlement européen relatif à un marché unique des services numériques. Ses inquiétudes avaient particulièrement trait à la protection des mineurs, à la transparence de la publicité et à la gestion des risques liés à la conception addictive et aux contenus préjudiciables.
Tout récemment, l’ICO – l’équivalent britannique de la Cnil, la Commission nationale de l’informatique et des libertés – a décidé d’ouvrir une enquête sur TikTok mais également sur deux autres réseaux sociaux, pour comprendre comment ces plateformes utilisent les données produites par les activités des mineurs en ligne et dans quelle mesure les algorithmes de TikTok présentent aux jeunes des contenus dangereux ou inappropriés.
La désinformation constitue un autre fléau propre à cette application. Dans le débat à venir, nous défendrons des amendements visant à clairement nommer cette dérive et à l’examiner dans le cadre de la commission d’enquête. Une étude menée entre janvier et mars 2020 a ainsi révélé que 20 à 32 % des vidéos relatives au covid-19 diffusées sur la plateforme contenaient des informations fausses ou trompeuses.
En 2022, une analyse menée par NewsGuard a confirmé ces éléments en dévoilant que 20 % des vidéos d’actualité diffusées sur TikTok contenaient des informations trompeuses. Une étude de l’Ifop a, quant à elle, montré que 69 % des 18-24 ans adhéraient à au moins une contre-vérité scientifique, ce qui illustre l’ampleur du défi que nous devons relever en matière d’éducation à l’information. Eh oui : il suffit de disposer du wifi et de TikTok pour devenir, en l’espace de deux minutes, expert scientifique !
La présente proposition de résolution est donc d’une actualité incontestable. Il est urgent d’agir face à TikTok mais sans doute aussi, plus largement, face à toute plateforme ayant recours à des algorithmes invasifs et addictifs, qui influencent la démocratie et lui nuisent. Imaginez ce qu’aurait été la dernière élection présidentielle américaine sans le réseau social X !
Dans ce contexte, les députés communistes et des pays dits d’outre-mer du groupe GDR sont favorables à la proposition qui nous est soumise. Cette commission d’enquête nous permettra de disposer d’éléments précis relatifs aux dispositifs de captation de l’attention déployés par TikTok. Le danger est devant nous, il est entre les mains de nos enfants et nous devons le regarder en face. Il nous appartient d’éduquer les parents face à ces dérives et de faire comprendre aux jeunes que TikTok n’est pas la vie réelle. Pour mener pleinement ce combat, nous devons diffuser autant d’informations authentiques que possible.
Mme la présidente
La parole est à M. Éric Michoux.
M. Éric Michoux
Le réseau social TikTok est de plus en plus souvent accusé de mise en danger de la vie d’autrui, en particulier de nos enfants. Il suscite de nombreux problèmes, des troubles de l’alimentation au suicide, en passant par l’automutilation et l’anorexie.
La plateforme est aussi régulièrement épinglée pour maltraitance numérique. En ce moment, ce ne sont pas moins de onze familles françaises qui ont porté plainte contre TikTok. Les parents reprochent à l’application le manque de modération de son algorithme, mais également son caractère addictif.
En tant que parlementaires, nous ne pouvons plus ignorer les alertes répétées des parents, des associations et des professionnels de l’enfance. Ils sont unanimes : la plateforme nuit à la santé des enfants et à leur développement psychique. Elle les expose à des contenus potentiellement haineux, dangereux, illicites et renforce leur dépendance aux écrans.
On estime que les moins de 18 ans y passent en moyenne deux heures par jour. L’usage de TikTok est normalement interdit aux moins de 13 ans ; pourtant, 63 % d’entre eux y sont déjà inscrits ! C’est notre jeunesse, donc notre avenir, que nous sommes en train de détruire en les exposant à cette drogue numérique.
En tant que parents, nous sommes effrayés par ce constat : ce n’est pas parce que nos enfants sont chez nous, dans leurs chambres, qu’ils sont en sécurité.
Sous couvert de divertissement, cette application expose à un danger car elle peut nuire gravement à leur santé mentale.
Dans sa version sociale, si on peut le dire comme cela, TikTok rémunère les utilisateurs en fonction de leur temps de présence sur l’application. On gagne sa vie à perdre son temps.
Pire, la plateforme héberge des prédateurs sexuels aux abois et favorise la haine en ligne.
Elle est également régulièrement accusée de faire la promotion de produits interdits aux mineurs tels que les sachets de nicotine, les snus et des drogues. Ces substances peuvent être achetées en direct via TikTok !
Plus largement, le débat que nous avons aujourd’hui nous met aussi devant l’échec des gouvernements successifs en matière de prévention et de dépendance vis-à-vis des réseaux sociaux. Ceux-ci nuisent pourtant gravement à l’ouverture de nos enfants sur le monde, à leur créativité, à leur curiosité et à leurs capacités de concentration. Pour preuve de l’existence de ce danger, les dirigeants des Gafa – Google, Apple, Facebook, Amazon – inscrivent leurs enfants dans des écoles où tous les écrans sont interdits.
M. Arnaud Saint-Martin
Ça, c’est une légende !
M. Éric Michoux
Au cœur de la problématique, il y a un vrai sujet : celui de la gestion des données des utilisateurs, notamment des data, lesquelles seront les prochains carburants de notre économie numérique. Rappelons que les énergies fossiles étaient le carburant de notre économie industrielle et que nous avons détruit notre industrie automobile au profit de l’industrie automobile chinoise. Après les voitures électriques chinoises, les batteries chinoises, les panneaux photovoltaïques chinois, l’électronique chinoise, maintenant, nous donnons nos data aux Chinois. Même l’IA la plus utilisée en France, DeepSeek, est chinoise.
Espérons que cette nouvelle commission d’enquête prendra également en compte les dimensions de souveraineté industrielle et numérique à travers la gestion des data, car c’est très important.
Le groupe UDR, vous l’avez compris, madame la rapporteure, votera pour la création de cette commission d’enquête. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Caroline Parmentier.
Mme Caroline Parmentier
Vous l’avez tous dit : TikTok est un réseau social à part à cause des ravages qu’il occasionne chez les jeunes et même chez les très jeunes, qu’il prend pour cible ! Rappelons que 45 % des 11-12 ans utilisent TikTok alors que son accès est en principe interdit aux moins de 13 ans. Les 4-18 ans y passent en moyenne deux heures par jour !
Dotée d’un algorithme de recommandation extrêmement performant qui identifie le sujet et ses centres d’intérêt, l’application parvient en effet à maintenir des heures durant ses utilisateurs devant leur écran en les alimentant de façon systématique et ciblée comme si elle lisait dans leurs pensées, y compris en les envoyant dans un terrier de contenus nuisibles et dangereux. Cette captation de l’attention qui tourne à l’addiction s’accompagne d’une mise en avant et d’un enfermement des utilisateurs dans des contenus dangereux, éventuellement hypersexualisés.
Les effets psychologiques de cette plateforme sur les jeunes constituent une menace de santé publique, d’autant qu’un enfant ou un jeune adolescent n’a pas les capacités cognitives pour faire le tri dans le flot d’informations qu’il reçoit ainsi et qui peut gravement l’affecter. Il est plus vulnérable à l’intimidation, à la pression de ses semblables, ainsi qu’aux contenus négatifs. Et les innombrables consultations desdits contenus démontrent que la réglementation ou l’autoréglementation a échoué.
En novembre 2024, sept familles du collectif Algos Victima ont déposé plainte contre TikTok devant la justice française pour « provocation au suicide » et « propagande ou publicité des moyens de se donner la mort ». C’est une première en France. Sur les sept adolescentes victimes, deux ont mis fin à leurs jours : Charlize et Marie étaient alors âgées de 15 ans.
Dans son documentaire sur l’emprise numérique, la réalisatrice Élisa Jadot, qui s’était inscrite avec un profil fictif, celui de Lily, 13 ans, dénonce les tutos vidéos qui lui indiquaient comment se pendre dans sa chambre. En quatre minutes et quarante-trois secondes, elle a été confrontée aux premières vidéos lui montrant des techniques de scarification avec la lame de son taille-crayon et faisant l’apologie du suicide.
La bulle de filtre alimente le culte de l’image, les diktats de beauté, le harcèlement, la dépression, les troubles de l’alimentation, l’automutilation, les pensées suicidaires. Comparativement à des profils standards, certains utilisateurs manifestent un intérêt pour les questions de santé mentale… et se voient du coup proposer dans leur fil d’actualité douze fois plus de vidéos traitant du suicide, et toutes les cinq ou six minutes, des vidéos traitant d’amaigrissement, d’automutilation ou de suicide.
Le groupe RN a déposé plusieurs amendements qui proposent d’orienter les travaux de cette commission vers des vidéos qui promeuvent, outre les incitations au suicide, l’automutilation et les troubles du comportement alimentaire. Je rappelle que la commission d’enquête sur les ingérences étrangères, menée par notre collègue Jean-Philippe Tanguy, avait déjà identifié et dénoncé le danger TikTok. Le Rassemblement national soutient donc la proposition de résolution et la création de cette commission d’enquête nécessaire afin que nous puissions nous concentrer sur les effets de TikTok sur la santé de nos enfants et de nos adolescents.
Ce réseau ne fait pas seulement le bruit d’une bombe à retardement. Il en est une. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La discussion générale est close.
Discussion des articles
Mme la présidente
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, l’article unique de la proposition de résolution.
Article unique
Mme la présidente
Je vous invite à être concis afin de nous éviter de siéger ce soir.
La parole est à M. Arnaud Saint-Martin, pour soutenir l’amendement no 10.
M. Arnaud Saint-Martin
Pourquoi proposons-nous que la commission d’enquête traite des risques psycho-sociaux plutôt que des effets psychologiques des dispositifs de captation de l’attention utilisés par TikTok ? Cette précision me paraît essentielle parce qu’il s’agit de redéfinir le périmètre de l’ensemble de la commission et donc de ses futures préconisations.
J’ai dit dans la discussion générale que la commission d’enquête, telle qu’elle résulterait du texte actuel de la proposition de résolution, ne prendrait en compte que les effets psychologiques alors que les risques sont en réalité éminemment sociaux en ce qu’ils définissent des manières d’agir et d’interagir de toute une génération. Les réseaux sociaux, et pas seulement TikTok d’ailleurs, s’imbriquent ainsi dans un modèle de fonctionnement de la société, une évolution de l’attention – qui est objet aussi d’une économie –, de structurations des interactions sociales, des rapports sociaux et des manières de se présenter au monde.
Un amendement sur le titre complétera en conséquence celui que je viens de défendre pour cibler de façon plus efficace l’objet de cette commission d’enquête.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur cet amendement ?
Mme Laure Miller, rapporteure
Monsieur le député, vous avez raison, les risques psycho-sociaux sont bien un axe de travail de cette commission d’enquête, je vous le garantis. C’est d’ailleurs le sens de l’amendement adopté en commission des affaires sociales la semaine dernière, qui étend le périmètre de l’étude aux répercussions « sur les relations sociales intrafamiliales et extrafamiliales ». J’avais alors indiqué que j’étais défavorable à ce qu’on établisse une liste des axes de travail car celle-ci ne pourrait être que faussement exhaustive.
Par ailleurs, je comprends à la lecture de votre amendement que vous proposez de supprimer le terme « psychologiques », n’est-ce pas ?
M. Arnaud Saint-Martin
C’est pour étendre le périmètre.
Mme Laure Miller, rapporteure
C’est bien ce qui me semblait. Cette suppression m’embête un peu et je préfère que les termes « effets psychologiques » soient inscrits dans l’objet de la commission d’enquête. L’avis est défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Arthur Delaporte.
M. Arthur Delaporte
J’étais favorable à l’amendement de mon collègue, mais comme on a adopté en commission un amendement dont j’étais l’auteur sur la question des relations de l’individu, les risques psycho-sociaux sont déjà inclus.
Et puis surtout, la suppression du terme « psychologiques » rendrait la phrase incompréhensible.
M. Arnaud Saint-Martin
J’ai compris.
Mme la présidente
Maintenez-vous l’amendement ?
M. Arnaud Saint-Martin
Oui.
(L’amendement no 10 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Sur les amendements nos 18 et 15, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Caroline Parmentier, pour soutenir l’amendement no 18.
Mme Caroline Parmentier
Nous proposons d’étudier et de quantifier les dispositifs de captation de l’attention utilisés par TikTok ainsi que leurs effets psychologiques, notamment en termes de pensées et de comportements liés à l’automutilation. L’algorithme de TikTok, conçu pour maximiser le temps passé sur la plateforme, expose particulièrement certains jeunes à des contenus nuisibles qui génèrent une spirale émotionnelle négative susceptible d’aggraver leur vulnérabilité psychologique. Alors que 70 % des utilisateurs de TikTok en France ont moins de 24 ans et qu’une majorité d’entre eux sont des jeunes adolescents, je pense qu’il est essentiel d’analyser ces mécanismes et leurs impacts afin de mieux protéger les mineurs de ces contenus menant à l’automutilation et de formuler des recommandations adaptées pour contrer ces risques spécifiques.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Miller, rapporteure
Je partage tout à fait ce que vous précisez dans votre amendement, je ne peux qu’abonder dans votre sens et cette question sera évidemment traitée dans le cadre de la commission d’enquête – je l’ai d’ailleurs évoqué dans mon propos liminaire.
Cependant, comme pour l’amendement précédent et comme pour tous les amendements similaires qui vont suivre, je ne peux qu’émettre un avis défavorable en reprenant le même argument : allonger la liste dans un souci d’exhaustivité serait illusoire parce qu’on ne parviendrait évidemment pas à y inclure tous les sujets en lien avec les contenus de TikTok. Le risque serait que certains sujets soient laissés de côté, faute d’avoir été explicitement inclus dans le périmètre de l’article unique. Je vous garantis que nous traiterons de toute façon du sujet évoqué par votre amendement et que nous essaierons d’en tirer les conséquences. Avis défavorable.
Mme la présidente
Madame Parmentier, maintenez-vous l’amendement ?
Mme Caroline Parmentier
Je le maintiens.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 18.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 17
Nombre de suffrages exprimés 16
Majorité absolue 9
Pour l’adoption 7
Contre 9
(L’amendement no 18 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Caroline Parmentier, pour soutenir l’amendement no 15.
Mme Caroline Parmentier
Cet amendement vise à orienter spécifiquement les travaux de la commission d’enquête sur TikTok vers l’étude des mécanismes de recommandation de contenus susceptibles d’exacerber les troubles alimentaires chez les jeunes utilisateurs.
Ce réseau, fort de plus de 15 millions d’utilisateurs actifs en France, a un impact significatif sur la santé mentale des adolescents et des jeunes adultes en particulier sur les habitudes et les troubles du comportement alimentaire.
Ainsi, une exposition de moins de dix minutes à des contenus pro-anorexiques sur TikTok suffit à provoquer une insatisfaction corporelle chez les jeunes femmes. On sait qu’il y a des groupes sur la plateforme, qualifiés de communautés « pro-ana », ou pro-anorexie, partageant des conseils dangereux, parfois mortels, et qui encouragent des habitudes alimentaires délétères.
À un âge où les enfants et les adolescents se construisent et se comparent, ce type de contenu peut être particulièrement pernicieux et destructeur. Il me paraît important que la commission d’enquête examine en profondeur les mécanismes par lesquels TikTok recommande et diffuse ces contenus, et ce afin de proposer des mesures concrètes pour protéger la santé mentale de ses jeunes utilisateurs. (M. Yoann Gillet applaudit.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Miller, rapporteure
Avis défavorable, comme précédemment et pour la même raison, en garantissant qu’on étudiera évidemment ce sujet.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 15.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 18
Nombre de suffrages exprimés 16
Majorité absolue 9
Pour l’adoption 7
Contre 9
(L’amendement no 15 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Arnaud Saint-Martin, pour soutenir l’amendement no 1.
M. Arnaud Saint-Martin
Cet amendement, que nous avions déjà proposé en commission, vise à étendre le périmètre de la commission d’enquête en interrogeant plus largement le modèle de capture de l’attention développé systématiquement par l’ensemble des réseaux sociaux – certains collègues l’ont rappelé –, ce qui montre bien qu’il y a anguille sous roche.
De nombreux chercheurs ont travaillé sur ce sujet pour en déterminer les effets sur la santé mentale des mineurs, et je pense qu’il serait bon de les interroger. C’est bien l’ensemble de ce système économique qui se fonde sur ce modèle. Les plateformes enferment les utilisateurs dans une sorte de prison dorée de laquelle ils auront du mal à s’évader, d’autant plus qu’elles perfectionnent régulièrement leurs algorithmes pour renforcer toujours plus la pertinence de la recommandation. Ainsi, certaines usent de dark patterns, des interfaces truquées qui manipulent l’utilisateur – je pourrais donner des exemples mais je veux avancer.
Par conséquent, si l’on souhaite s’attaquer à la toxicité des plateformes numériques comme TikTok et prendre des mesures plus ambitieuses de lutte contre l’usage des dark patterns, qui sont au cœur du modèle, il faut élargir davantage le périmètre de la commission d’enquête en y intégrant évidemment tous les acteurs qui, de près ou de loin, font profit de capter le temps de cerveau disponible de la jeunesse.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Miller, rapporteure
Votre amendement évoque l’usage d’interfaces truquées, n’est-ce pas ?
M. Arnaud Saint-Martin
Oui, c’est ça.
Mme Laure Miller, rapporteure
Mon argumentation sera la même que celle que j’ai exposée en commission des affaires sociales la semaine dernière : je partage évidemment votre opinion et je pense qu’il faut examiner de près ce qu’on appelle les dark patterns, mais il ne faut pas céder à la tentation de lister l’ensemble des usages qui connaissent actuellement un essor sur les réseaux sociaux, au risque d’être dépassés au cours de nos travaux. Je préfère donc ne pas inclure explicitement le sujet dans l’article unique. Avis défavorable.
(L’amendement no 1 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Arnaud Saint-Martin, pour soutenir l’amendement no 2.
M. Arnaud Saint-Martin
L’amendement no 1 portait sur les interfaces truquées, mais il visait aussi à élargir le champ de l’enquête à d’autres plateformes que TikTok. Il en va de même avec celui-ci. Je pense que c’est important à des fins de comparaison. Les réseaux sociaux ont tous le même type d’activité, les mêmes systèmes de marchandisation de l’attention des jeunes. Il faut élargir le périmètre de l’enquête.
Des travaux existent qui nous donneront de la matière pour monter en puissance et qui nous permettront de généraliser nos constats en effectuant des recoupements. Nous pourrons ainsi améliorer la qualité des mesures que nous serons susceptibles de préconiser à la fin de l’enquête. Je vois bien que cet élargissement du spectre n’entre pas du tout dans vos intentions, mais je tiens à dire encore une fois que ce serait une bonne stratégie.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Miller, rapporteure
Nous avons déjà eu ce débat. Ne pensez pas que je sois fermée d’esprit mais, si je vois bien que vous avez une stratégie, la mienne est inverse. J’ai le souvenir de commissions d’enquête avec des objets très larges qui ont abouti à une liste infinie de préconisations sans qu’il en ressorte grand-chose. Mon idée est de se concentrer sur un sujet circonscrit et de prendre le temps de le traiter en profondeur. Ensuite, si nous arrivons à trouver des solutions très opérationnelles à propos de TikTok et de la protection des enfants, rien n’empêchera de les transposer à d’autres réseaux sociaux si cela paraît pertinent. Avis défavorable.
(L’amendement no 2 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Chers collègues, me donnez-vous votre accord pour une éventuelle prolongation de cette séance au-delà de vingt-heures pour terminer l’examen de la proposition de résolution ? (Assentiment.) Je vous en remercie.
Mme la présidente
La parole est à M. Arnaud Saint-Martin, pour soutenir l’amendement no 3.
M. Arnaud Saint-Martin
Dans ces conditions, je peux m’exprimer un peu plus longuement.
Il s’agit de souligner le rôle de l’éducation dans la lutte contre l’utilisation prolongée des réseaux sociaux. L’école doit prendre la responsabilité d’informer les enfants et les adolescents, de leur faire comprendre les risques liés à l’utilisation de telles plateformes. Il ne faut pas le demander seulement aux parents, comme TikTok l’a fait récemment. Je fais référence à la responsabilisation des familles dans l’utilisation de l’application, qui individualise le traitement de l’usage alors qu’il faudrait prendre le problème à la racine et promouvoir une éducation numérique. Seule l’école en a la compétence.
L’amendement vise non seulement à ce que la commission d’enquête examine comment les acteurs éducatifs se saisissent de la question, mais aussi à ce que l’éducation fasse partie du champ de ses recommandations – sans présager des résultats de ses travaux, évidemment.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Miller, rapporteure
Cet amendement vise à rappeler ce dont nous sommes tous convaincus : le caractère essentiel de la prévention et de l’éducation dans l’apprentissage des usages du numérique. Avis défavorable sur un amendement qui tend à présager des conclusions de la commission d’enquête, même s’il va de soi que nous partageons tous ces objectifs de prévention et d’éducation, et que l’apprentissage des usages fera partie des thèmes de nos travaux.
(L’amendement no 3 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
L’amendement no 6 de Mme Karine Lebon est défendu.
(L’amendement no 6, repoussé par la commission, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Arnaud Saint-Martin, pour soutenir l’amendement no 4.
M. Arnaud Saint-Martin
Harcèlement, sexisme, racisme, fausses informations, influences étrangères, influence sur les élections : les réseaux sociaux – j’y insiste : l’ensemble des réseaux sociaux – sont un terrain fertile pour le développement de pratiques illégales encouragées par leurs propriétaires.
L’amendement vise à dénoncer cette situation ainsi qu’à permettre à la commission d’enquêter sur ces pratiques et de cibler les grands dirigeants de ces plateformes, qui sont responsables de leurs contenus. Les responsables sont ceux qui ne régulent pas, ceux qui mettent leur réseau social au service de leurs idées parfois nauséabondes, ceux qui permettent au harcèlement de proliférer en l’ignorant ou, pire, en mettant en avant des communautés de harceleurs par la grâce des algorithmes. Ceux qui ne prennent pas de mesures pour faire supprimer instantanément les contenus illégaux, qu’ils soient racistes, sexistes, homophobes ou pédopornographiques, doivent évidemment en répondre.
Je pourrais citer de nombreux exemples, mais je pense que nous sommes tous d’accord pour constater un défaut de responsabilité des propriétaires de réseaux sociaux en matière de régulation. L’amendement vise à souligner que ce sujet doit faire partie du spectre de l’enquête, parce que l’heure est grave. On n’a jamais vu autant de contenus circuler de façon endémique et produire autant d’effets, qu’il s’agisse de désinformation, d’ignorance ou, parfois, de racisme, qui altèrent puissamment les interactions sociales.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Miller, rapporteure
Nous soulignons tous la responsabilité importante des dirigeants des plateformes. Toutefois, ce n’est pas la seule. Les hommes et les femmes politiques, ainsi que les influenceurs, peuvent aussi faire circuler de fausses informations ou des contenus racistes, homophobes ou autrement problématiques. Pourquoi donc s’arrêter aux seuls dirigeants ?
Par ailleurs, la commission d’enquête ne sera pas un tribunal. L’adoption de l’amendement inscrirait dans l’article unique une sorte d’ambiguïté qui l’affaiblirait en laissant penser qu’elle jugerait les dirigeants des plateformes ou qu’elle déterminerait leurs responsabilités. Nous aborderons ce sujet lors de nos auditions et de nos échanges mais je préfère ne pas l’inscrire dans la proposition de résolution. En conséquence, je donne un avis défavorable.
(L’amendement no 4 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Sur les amendements nos 16 et 17 ainsi que sur l’article unique, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Je suis saisie d’une demande similaire par le groupe Ensemble pour la République sur la proposition de résolution.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Arthur Delaporte, pour soutenir l’amendement no 5.
M. Arthur Delaporte
Il vise à évoquer un sujet qui, à mon sens, n’a pas été suffisamment traité dans nos discussions. Il s’agit de la sensibilisation et de l’éducation à l’esprit critique, ainsi que de l’impact des réseaux sociaux sur ces points.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Miller, rapporteure
Il ne fait aucun doute que la commission d’enquête étudiera ce sujet de préoccupation important. Toutefois, pour les raisons précédemment développées, je préfère qu’on ne l’inscrive pas dans la proposition de résolution et qu’on s’en tienne à un objet un peu plus général.
(L’amendement no 5 est retiré.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Caroline Parmentier, pour soutenir l’amendement no 16.
Mme Caroline Parmentier
Vous lui serez favorable, madame la rapporteure, j’en suis sûre ! L’utilisation croissante de TikTok par des mineurs soulève des inquiétudes quant à leur exposition à des contenus inappropriés et à des interactions potentiellement dangereuses. Bien que TikTok ait mis en place des outils de contrôle parental, notamment le mode « connexion famille », leur efficacité est fréquemment mise en cause et en échec. La possibilité de contournement par les adolescents et l’inefficacité partielle des filtres de contenu ne sont plus à démontrer. La commission d’enquête devrait évaluer rigoureusement ces outils et leurs défaillances, et explorer des pistes d’amélioration.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Miller, rapporteure
Je partage l’objectif visé par cet amendement et je pense que nous devrons en passer par une telle évaluation. Je soulignerai toutefois deux limites. La première est que je préfère ne pas trop toucher au cadre de la proposition de résolution.
La seconde est que l’alinéa 4 du texte prévoit déjà que la commission d’enquête propose des mesures concrètes visant à protéger les mineurs, ce qui implique d’évaluer les dispositifs existants.
En conséquence, je formule une demande de retrait et, à défaut, ce sera un avis défavorable.
(L’amendement no 16 est retiré.)
Mme la présidente
L’amendement no 7 de M. Yannick Monnet est défendu.
(L’amendement no 7, repoussé par la commission, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Caroline Parmentier, pour soutenir l’amendement no 17.
Mme Caroline Parmentier
Il s’agit de comploter… (Sourires.) Plutôt de compléter la proposition de résolution par un alinéa prévoyant une analyse comparative des algorithmes et des dispositifs de protection des mineurs déployés par TikTok et par sa version chinoise, Douyin. Les différences notables entre ces deux plateformes, pourtant issues d’une même entreprise, soulèvent des interrogations sur les choix technologiques et éthiques opérés en fonction des contextes géographiques.
En Chine, Douyin applique des mesures strictes pour les mineurs et une priorisation des contenus éducatifs et culturels. À l’inverse, TikTok, dans sa version occidentale, expose les jeunes utilisateurs à des contenus potentiellement nuisibles et favorise une utilisation prolongée. Analyser attentivement ces différences serait tout à fait bénéfique pour les Occidentaux, et donc pour les Français.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Miller, rapporteure
Vous avez parfaitement raison sur le fond et ce sujet fera partie du périmètre d’intervention de la commission d’enquête. Toutefois, pour les mêmes raisons que celles précédemment évoquées, je suggère le retrait de l’amendement. À défaut, mon avis sera défavorable.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 17.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 16
Nombre de suffrages exprimés 15
Majorité absolue 8
Pour l’adoption 8
Contre 7
(L’amendement no 17 est adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’article unique, tel qu’il a été amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 17
Nombre de suffrages exprimés 17
Majorité absolue 9
Pour l’adoption 17
Contre 0
(L’article unique, amendé, est adopté.)
Titre
Mme la présidente
La parole est à M. Arnaud Saint-Martin, pour soutenir les amendements nos 12 et 11, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Arnaud Saint-Martin
J’insiste, puisqu’ils visent à remplacer le mot « psychologiques » par le mot « psycho-sociaux » et à faire porter l’enquête sur les conséquences sociales de l’utilisation prolongée des réseaux sociaux et de la dépendance qu’ils créent chez les plus jeunes.
Le deuxième objectif des amendements est d’ouvrir l’enquête à l’ensemble des réseaux sociaux et de ne pas la limiter à TikTok. D’une plateforme à l’autre, on a affaire aux mêmes mécanismes, aux mêmes algorithmes, plus ou moins exacerbés et plus ou moins renforcés. Élargir le champ des travaux de la commission d’enquête me semble donc la bonne méthode.
(L’amendement no 12, repoussé par la commission, n’est pas adopté.)
(L’amendement no 11, repoussé par la commission, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Nous avons achevé l’examen de l’ensemble des amendements à l’article unique et au titre.
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de résolution.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 23
Nombre de suffrages exprimés 23
Majorité absolue 12
Pour l’adoption 23
Contre 0
(La proposition de résolution est adoptée.)
3. Ordre du jour de la prochaine séance
Mme la présidente
Prochaine séance, lundi 17 mars, à seize heures :
Discussion de la proposition de loi visant à renforcer la stabilité économique et la compétitivité du secteur agroalimentaire ;
Discussion de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic ;
Discussion de la proposition de loi organique fixant le statut du procureur de la République national anti-criminalité organisée.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra