Deuxième séance du jeudi 20 mars 2025
- Présidence de Mme Clémence Guetté
- 1. Sortir la France du piège du narcotrafic
- Discussion des articles (suite)
- Article 23 (appelé par priorité - suite)
- Amendement no 546
- M. Vincent Caure, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
- M. Gérald Darmanin, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice
- Amendements nos 607, 201, 573 et 815
- Sous-amendement no 1001
- Amendements nos 216, 712, 217, 218 et 346
- Article 23 bis A (appelé par priorité)
- Article 14 (appelé par priorité)
- M. Michaël Taverne
- M. Ugo Bernalicis
- M. Jérémie Iordanoff
- M. Sébastien Huyghe
- M. Gérald Darmanin, ministre d’État
- M. Éric Pauget, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
- M. Florent Boudié, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
- Amendements nos 753, 463, 147, 149, 947 et 35
- Suspension et reprise de la séance
- Après l’article 14 (amendements appelés par priorité)
- Amendement no 345
- Article 8 (appelé par priorité)
- M. Michaël Taverne
- M. Éric Bothorel
- Mme Gabrielle Cathala
- M. Paul Christophle
- Mme Sandra Regol
- M. Corentin Le Fur
- Mme Anne Bergantz
- Amendements nos 379, 517 et 831
- M. Bruno Retailleau, ministre d’État, ministre de l’intérieur
- Amendements nos 411 et 851
- Sous-amendement no 993
- Amendements nos 514, 826 et 619
- Rappel au règlement
- Après l’article 8 (amendements appelés par priorité)
- Rappel au règlement
- Suspension et reprise de la séance
- Après l’article 8 (amendements appelés par priorité – suite)
- Article 8 bis (appelé par priorité)
- M. Michaël Taverne
- M. Paul Midy
- M. Antoine Léaument
- Mme Marietta Karamanli
- Mme Anne Le Hénanff
- Amendements nos 205, 416, 518, 830, 417, 190, 422, 421, 419 et 829
- Après l’article 8 bis (amendements appelés par priorité)
- Amendements nos 204 rectifié et 571
- Article 8 ter (appelé par priorité)
- Article 23 (appelé par priorité - suite)
- Discussion des articles (suite)
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Clémence Guetté
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1. Sortir la France du piège du narcotrafic
Suite de la discussion d’une proposition de loi
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic (nos 907, 1043 rectifié).
Discussion des articles (suite)
Mme la présidente
Ce matin, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles de la proposition de loi, s’arrêtant à l’amendement no 546 à l’article 23.
Article 23 (appelé par priorité - suite)
Mme la présidente
L’amendement no 546 de Mme Christelle Petex est défendu.
La parole est à M. Vincent Caure, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission.
M. Vincent Caure, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
Je demande le retrait de l’amendement. À défaut, notre avis sera défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l’avis du gouvernement.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice
Même avis.
Mme la présidente
Monsieur Liégeon, maintenez-vous l’amendement ?
M. Eric Liégeon
Oui.
(L’amendement no 546 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
L’amendement no 607 de M. le rapporteur est rédactionnel.
(L’amendement no 607, accepté par le gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Arthur Delaporte, pour soutenir l’amendement no 201.
M. Arthur Delaporte
Essentiel, il vise à supprimer les mots « et à leurs abords immédiats » à la fin de l’alinéa 56 de l’article 23.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Vincent Caure, rapporteur
Il est défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Même avis : je n’ai pas été convaincu par les arguments de M. Delaporte. (Sourires.)
(L’amendement no 201 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de plusieurs demandes de scrutin public : sur les amendements identiques nos 573 et 815, par le groupe Ensemble pour la République, et sur l’article 23, par les groupes Ensemble pour la République et Rassemblement national.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 573 et 815, qui font l’objet du sous-amendement n°1001.
La parole est à M. Mathieu Lefèvre, pour soutenir l’amendement no 573.
M. Mathieu Lefèvre
Il vise à conforter la disposition prévue par l’article 23, c’est-à-dire la possibilité de filmer les cellules en cas d’incident grave, et est formulé de manière à souligner le caractère exceptionnel du recueil d’images. Son adoption démontrerait que ce texte est respectueux des libertés publiques – comme s’y est engagé le garde des sceaux et alors que certains ici soutiennent le contraire.
Le recueil d’images est nécessaire pour préparer les opérations de maintien de l’ordre – il est donc de nature à protéger les agents de l’administration pénitentiaire – et recueillir des preuves en vue de la judiciarisation d’un incident survenant à l’intérieur des cellules.
Mme la présidente
L’amendement no 815 de M. le rapporteur est défendu.
La parole est à M. Arthur Delaporte, pour soutenir le sous-amendement no 1001.
M. Arthur Delaporte
Comme l’amendement no 216, qui sera examiné plus tard, il tend à éviter qu’il soit possible de filmer l’intérieur des cellules à n’importe quelle condition. La captation d’images à l’intérieur des cellules est attentatoire à la dignité des personnes et au respect de leur vie privée ; elle ne peut être justifiée qu’en cas de menace et d’incident grave touchant à la sécurité de l’établissement pénitentiaire.
Les incidents touchant à l’ordre et à la discipline sont moins graves que ceux engageant la sécurité et ne devraient pas motiver une telle atteinte aux libertés individuelles. Tout événement pouvant revêtir un caractère disciplinaire, nous voulons éviter que tout fournisse l’occasion de filmer l’intérieur des cellules. (M. Pierre Pribetich applaudit.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Vincent Caure, rapporteur
Il est défavorable. Il me semble préférable de conserver la rédaction de l’amendement no 573 et de garantir la possibilité de filmer l’intérieur des cellules en cas d’événement touchant à l’ordre et à la discipline.
M. Pierre Pribetich
Pourquoi ?
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Même avis. J’en profite pour remercier M. Lefèvre pour son excellent amendement, qui tend à concilier garantie des libertés et garantie de la sécurité, mais également pour son soutien à l’administration pénitentiaire.
M. Charles Sitzenstuhl
Il faut dire que M. Lefèvre est un grand libéral !
Mme la présidente
La parole est à M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis
Si je vous suis bien, quand on restreint les libertés, on en est garant. Vous êtes des génies du sophisme ; avec vous, on en apprend tous les jours !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Prenez des notes !
M. Ugo Bernalicis
Monsieur le ministre, vous faites même des émules, mais vous les déformez plus que vous ne les formez !
En réalité, les dispositions que vous défendez seront inutiles : filmer l’intérieur d’une cellule à l’aide d’un drone orienté vers une fenêtre équipée d’un caillebotis est vain. Vous ne verrez rien ! Ce dispositif n’est pas opérationnel.
Par contre, à terme, vous voulez pouvoir filmer à l’intérieur des cellules. Pour l’instant, il ne serait possible que de filmer depuis l’extérieur et dans certaines circonstances exceptionnelles, mais tout cela produit un effet de cliquet et doit permettre de savoir jusqu’où aller avec l’accord du Conseil constitutionnel.
Monsieur le ministre, savez-vous qu’en Italie les principaux trafiquants sont filmés en permanence dans leur cellule ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Ce n’est pas ce que nous proposons.
M. Ugo Bernalicis
Ce n’est pas ce que vous proposez aujourd’hui. En sera-t-il toujours ainsi demain ?
De vous à moi, si la Constitution le permettait, proposeriez-vous la vidéosurveillance continue des cellules des quartiers de lutte contre la criminalité organisée ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Non !
M. Ugo Bernalicis
Oh, à d’autres !
M. Antoine Léaument
Menteur !
M. Ugo Bernalicis
Vraiment, vous me décevez, vous êtes trop mou, monsieur Darmanin ! (Sourires.)
M. Philippe Ballard
Remplacez-le, alors !
M. Ugo Bernalicis
Décidément, tout se perd !
La force de la France, des droits humains et de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen réside dans les limites que nous nous sommes fixées et que d’autres pays n’ont pas adoptées. (M. Antoine Léaument applaudit.) D’ailleurs, que ces limites ne soient pas respectées par plus de pays, au moins en Europe, pose problème.
Nous ne voulons pas franchir la ligne rouge que représente la vidéosurveillance de l’intérieur des cellules, d’autant qu’une telle mesure ne sert à rien. Les équipes d’intervention peuvent déjà déverrouiller les cellules et y pénétrer : je ne vois pas en quoi l’usage d’un drone permettrait de réaliser ce qu’on ne peut pas réaliser aujourd’hui par d’autres moyens.
M. Pouria Amirshahi
Très bien !
Mme la présidente
La parole est à M. Arthur Delaporte.
M. Arthur Delaporte
Je n’ai pas eu de réponse à la question que pose mon sous-amendement. Je partage l’avis d’Ugo Bernalicis sur l’effet de cliquet et les difficultés à apporter des garanties suffisantes.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, définir une atteinte grave à la discipline ? Je comprends ce qu’est une atteinte grave à la sécurité – le danger couru par des agents en cas de mutinerie, par exemple –, mais qu’est-ce qu’une atteinte grave à l’ordre ou à la discipline qui justifierait la vidéosurveillance par drone des cellules ?
(Le sous-amendement no 1001 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 573 et 815.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 68
Nombre de suffrages exprimés 48
Majorité absolue 25
Pour l’adoption 20
Contre 28
(Les amendements identiques nos 573 et 815 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
La parole est à M. Arthur Delaporte, pour soutenir l’amendement no 216.
M. Arthur Delaporte
Je constate que nous sommes majoritaires et que nous aurions pu faire adopter le sous-amendement no 1001.
M. Emeric Salmon
Non, nous n’avons pas pris part au vote.
Mme la présidente
Non, monsieur Delaporte. Un groupe a changé son vote entre les deux scrutins, qui n’ont donc pas le même résultat. Comptez sur ma vigilance pour faire respecter le résultat des votes.
M. Emeric Salmon
Sans nous, le gouvernement ne peut pas agir !
Mme la présidente
Veuillez en venir à l’amendement no 216.
M. Arthur Delaporte
Il vise à retirer les atteintes à l’ordre et à la discipline des motifs de recours à la vidéosurveillance par drone.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Vincent Caure, rapporteur
Il est défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à M. Michaël Taverne.
M. Michaël Taverne
On vient de vivre une situation intéressante : quand le Rassemblement national ne se positionne pas, les soutiens du gouvernement ne font pas adopter leurs amendements. Ainsi, vous proposez et nous disposons.
M. Emeric Salmon
Eh oui !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Mais non !
M. Michaël Taverne
Les faits en attestent…
M. Emeric Salmon
C’est vrai !
M. Michaël Taverne
…et je vais vous expliquer pourquoi.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Pourquoi ne pas avoir voté contre le sous-amendement, tout simplement ?
M. Emeric Salmon
On a préféré s’abstenir.
M. Michaël Taverne
Ne vous énervez pas, le débat se passait bien jusqu’à présent : espérons que cela continue !
M. Florent Boudié, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
Il faut avancer !
M. Michaël Taverne
Pourquoi nous sommes-nous abstenus ? Les amendements visaient à permettre la vidéosurveillance de la cellule en vue d’une éventuelle intervention des équipes régionales d’intervention et de sécurité (Eris), des forces mobiles – c’est un peu plus rare – ou même d’un groupe d’intervention du troisième niveau.
Mais savez-vous que depuis l’extérieur on ne voit strictement rien de l’intérieur des cellules ?
M. Ugo Bernalicis
C’est ce que je disais !
M. Michaël Taverne
À un moment donné, il faut prendre en considération le travail des agents pénitentiaires. Pensez-vous réellement qu’ils utiliseront un drone pour voir ce qui se passe chez le voisin, à 200 ou 400 mètres d’un quartier de haute sécurité ?
Les agents pénitentiaires travaillent avec professionnalisme et discernement, ils ne vont pas aller regarder ce qui se passe à gauche et à droite. Ce qui est important pour eux, c’est de surveiller les abords de l’enceinte de la prison pour vérifier si une évasion est sur le point d’être commise.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d’État.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Nous entendons votre position, mais elle est incohérente. En commission, vous avez voté ce dispositif,…
M. Michaël Taverne
Non.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Si ! Mais il est vrai que M. Lefèvre a cherché à le faire mentionner dans un alinéa séparé, de manière à éviter qu’une éventuelle censure du Conseil constitutionnel ne fasse disparaître la mesure que nous défendons.
M. Ugo Bernalicis
Tiens donc !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Les longs débats que nous venons de vivre n’ont donc pas lieu d’être.
Mme la présidente
La parole est à M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis
En revanche, il y a lieu de débattre de votre stratégie consistant à pousser à bout le Conseil constitutionnel. Vous indiquiez à l’instant avoir voulu déplacer la mention d’un dispositif dans l’article afin d’éviter une censure complète. Quel aveu ! Vous ne respectez pas le bloc de constitutionnalité. Vous pressentez une censure, mais vous proposez quand même la vidéosurveillance par drone, alors même qu’elle ne serait pas du tout efficace.
Par principe, ou plutôt par dogmatisme, vous défendez une utilisation intensive des outils technologiques disponibles. Or ce n’est pas ainsi qu’on doit faire la loi, surtout quand il est question des lieux de privation de liberté et de l’équilibre entre la liberté et l’ordre public – équilibre que les statues ornant l’hémicycle nous invitent à rechercher à chaque instant.
La vérité, c’est que ces drones, vous les utiliserez quand bon vous semble, dans le cadre d’opérations diverses ou dès que vous aurez reçu une information annonçant une projection ou un début de mouvement. Nous aurons alors abandonné une fois de plus l’usage de solutions humaines, pourtant bien plus efficaces.
Mme la présidente
La parole est à M. Mathieu Lefèvre.
M. Mathieu Lefèvre
Je ne veux pas allonger les débats, mais je note que le Rassemblement national, qui se fait pourtant fort de mener la vie dure aux narcotrafiquants dans les prisons, refuse que des caméras permettent de documenter des désordres graves.
M. Emeric Salmon
Nous ne nous sommes pas opposés à la mesure, nous nous sommes abstenus !
M. Mathieu Lefèvre
Qui, en fin de compte, est du côté des agents de l’administration pénitentiaire et des forces de l’ordre ? Ce sont ceux qui défendent la vidéosurveillance par drone.
Vous, vous vous y opposez et manifestement, le vote n’est qu’un jeu pour vous : vous voulez nous montrer que tantôt vous aidez le gouvernement à être majoritaire, tantôt vous le placez en minorité.
M. Emeric Salmon
Mais vous n’êtes que douze représentants du bloc central dans l’hémicycle !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
C’est déjà pas mal !
M. Mathieu Lefèvre
Pardon, mais ce qui est en jeu ici, c’est la situation de nos forces de l’ordre et des agents pénitentiaires, qui méritent mieux que ce jeu de dupes.
M. Yoann Gillet
Soyez sérieux !
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 216.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 85
Nombre de suffrages exprimés 68
Majorité absolue 35
Pour l’adoption 33
Contre 35
(L’amendement no 216 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandra Regol, pour soutenir l’amendement no 712.
Mme Sandra Regol
L’Unicef, notamment, nous a alertés quant aux dangers de capter par drone des images de mineurs. L’amendement vise à l’interdire.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Vincent Caure, rapporteur
Défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à Mme Gabrielle Cathala.
Mme Gabrielle Cathala
Nous discutons à présent d’amendements de repli, mais j’aimerais que nous revenions au cœur du sujet : à quoi serviraient ces drones ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Oh là là…
M. Florent Boudié, président de la commission des lois
C’est vrai qu’on n’en a pas assez débattu ce matin !
Mme Gabrielle Cathala
Depuis le début de l’examen de l’article, le Rassemblement national argumente ainsi : puisque les trafiquants et les détenus utilisent des drones, l’administration pénitentiaire devrait pouvoir en faire autant. Or les détenus s’en servent pour faire entrer des kilos de cannabis, des téléphones prépayés, des couteaux ; il me semble que les agents pénitentiaires n’ont pas besoin de tout ça ! Monsieur le ministre, avant d’en terminer avec cet article, pouvez-vous me répondre : à quoi serviraient les drones dans les prisons ?
Mme la présidente
La parole est à M. Michaël Taverne.
M. Michaël Taverne
Depuis le début, nous avons bien spécifié que nous étions favorables à l’usage de drones à des fins de surveillance de l’enceinte pénitentiaire. Ces drones ne peuvent toutefois pas voir ce qu’il se passe à l’intérieur de la cellule, c’est techniquement impossible d’après les Eris ! Connaissez-vous mieux la situation que les Eris ? Si la réponse est oui, vous n’avez plus qu’à quitter le gouvernement et à vous engager en leur sein !
Monsieur Lefèvre, vous avez encore cherché à faire une leçon de morale au Rassemblement national, alors qu’on ne vous a pas vu de la semaine dans l’hémicycle !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Il était là tout le temps ! Je sais qu’il n’est pas très charismatique, mais il était là ! (Sourires.)
M. Michaël Taverne
C’est la première fois que vous défendez un amendement, et vous en profiter pour nous critiquer ! Pardonnez-moi, mais vous devriez plutôt participer au débat. Depuis le début de l’examen, heureusement que notre groupe est là, sinon le texte aurait été vidé de sa substance ! Ayez des arguments plus convaincants et cessez votre politique politicienne. Pour l’instant, la discussion se passe bien… Les Français méritent de la cohérence en matière de sécurité. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
(L’amendement no 712 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Arthur Delaporte, pour soutenir l’amendement no 217.
M. Arthur Delaporte
Les mesures dont nous discutons étant particulièrement attentatoires à la vie privée, puisqu’il serait possible de filmer l’intérieur des cellules en cas de menaces graves à la discipline – je n’ai d’ailleurs toujours pas compris ce que recouvrait ce terme, monsieur le ministre, je suis preneur d’explications ! –, l’amendement vise à introduire un double contrôle. Puisque les autorisations de survol sont aujourd’hui délivrées par le préfet, et parce que les drones de surveillance des prisons dont nous parlons pourront aussi survoler ses alentours, nous suggérons que le représentant de l’État délivre aussi une autorisation, en plus de celle de la direction interrégionale des services pénitentiaires (Disp). Nous respectons le travail des directeurs de l’administration pénitentiaire, mais il serait singulier qu’ils aient autorité sur la captation d’images à l’extérieur de la prison ;…
M. Florent Boudié, président de la commission des lois
C’est leur métier !
M. Arthur Delaporte
…cela constituerait une extension exagérée de leurs prérogatives.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Vincent Caure, rapporteur
Défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Je pensais que votre question sur la discipline était rhétorique, monsieur Delaporte. Je comprends à présent que ce n’était pas le cas, et je vous prie de m’excuser si je ne vous avais par répondu. Qu’est-ce que la discipline par rapport à l’ordre public, c’est bien cela que vous voulez savoir ?
M. Arthur Delaporte
Par rapport à la sécurité, oui.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Ce n’est pas la même chose. Quand un détenu prend en otage un autre détenu, vous conviendrez qu’il s’agit d’un problème d’ordre public. Quand un détenu récupère une livraison de téléphone, des papiers ou un couteau envoyé par drone – comme cela arrive fréquemment – ou par une projection ou depuis un hélicoptère, cela relève du disciplinaire.
M. Arthur Delaporte
Ce n’est pas de la sécurité ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Non, c’est du disciplinaire. Tout ne relève pas de la sécurité : lorsque du shit ou de la viande est livré dans la prison, c’est du disciplinaire !
M. Ugo Bernalicis
Il faut peut-être vous interroger si les détenus se font livrer de la viande !
Mme la présidente
La parole est à Mme Élisa Martin.
Mme Élisa Martin
Vous avez souhaité créer un régime d’incarcération exceptionnel dans des prisons de haute sécurité afin de « sortir la France du piège du narcotrafic ». Je ne suis pas certaine que cela fonctionnera dans la mesure où vous n’analysez pas les causes de ce dernier. Vous cherchez à présent à durcir tous azimuts les conditions d’incarcération dans toutes les prisons de France. N’est-il pas possible de réfléchir plutôt à des technologies permettant de neutraliser les drones ? Cette question n’a pas été abordée. Vous privilégiez une logique de cliquet : il ne s’agit déjà plus de lutter contre les narcotrafiquants, mais de durcir le régime carcéral en général… au risque d’attiser les tensions. Comme, dans le même temps, vous ne jurez que par la technologie sans parier sur la présence humaine, vous accroissez tendanciellement le danger pour les agents pénitentiaires. Vous avez raison, les prisonniers se font livrer tout et n’importe quoi, dont des produits alimentaires, ce qui me conduit à m’interroger : il faut peut-être repenser la manière de nourrir les détenus – on pourrait se rendre au centre pénitentiaire de Grenoble-Varces ensemble, si vous le souhaitez – ainsi que le cantinage.
M. Ugo Bernalicis
Pourquoi les détenus ne pourraient-ils pas cantiner du CBD ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Pourquoi pas de la cocaïne, pendant que vous y êtes ?
(L’amendement no 217 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Arthur Delaporte, pour soutenir l’amendement no 218.
M. Arthur Delaporte
Il vise à garantir la proportionnalité de l’usage de drones en le réservant aux situations où ils apparaissent comme le seul moyen d’atteindre les objectifs visés. J’en parlais tout à l’heure avec mon collègue député du Calvados : puisque les mairies disposent déjà de caméras aux abords des établissements, que peuvent apporter des drones ? Il faut prouver leur utilité, compte tenu des dispositifs de vidéosurveillance classiques de l’espace public déjà en place.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Vincent Caure, rapporteur
Vous avez tendance à mélanger les dispositifs :…
Mme Élisa Martin
C’est vous qui les mélangez !
M. Vincent Caure, rapporteur
…la décision du Conseil constitutionnel du 20 janvier 2022 auquel votre exposé sommaire fait référence concerne les dispositifs de captation installés sur des drones prévus par la loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure ; ces dispositifs sont réservés aux services de police et de gendarmerie, dans le cadre de l’exercice de leurs missions de prévention des atteintes à l’ordre public, pour lesquelles le préfet doit délivrer une autorisation. La décision du Conseil constitutionnel ne vise donc pas les autorisations délivrées par les autres autorités administratives. Précédemment, vous proposiez une double autorisation. Il me semble que, là encore, votre proposition alourdirait inutilement le dispositif. Il revient à la seule autorité pénitentiaire de prendre cette décision ; elle est suffisamment encadrée. Avis défavorable.
(L’amendement no 218, repoussé par le gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandra Regol, pour soutenir l’amendement no 346.
Mme Sandra Regol
Nous avons beaucoup parlé des algorithmes en commission et nous en reparlerons incessamment. Le présent amendement vise à interdire le traitement algorithmique des images captées par les drones. Les drones ne survolant pas les prisons par milliers, les images ne seront pas si nombreuses que cela : il est donc inutile d’utiliser des algorithmes pour les traiter. Après nos discussions en commission, et pour que les choses soient claires et nettes, nous proposons d’inscrire dès à présent cette interdiction dans le texte.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Vincent Caure, rapporteur
Nous étions en effet convenus de retravailler cette question pour mieux faire, je suis donc favorable à cet amendement.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à M. Antoine Léaument.
M. Antoine Léaument
Ce matin, M. Darmanin nous disait que dans cinquante ans, des gens se demanderaient comment diable les Insoumis pouvaient s’opposer aux drones équipés de caméras. Voilà ce qui inquiétait les gens il y a soixante-dix-sept ans :
« Au loin, un hélicoptère passa entre les toits, plana un instant comme une libellule, et s’en alla dans une longue courbe. C’était la patrouille de police, épiant à travers les fenêtres des gens. Mais les patrouilles importaient peu, à vrai dire. Seule la Police des Pensées importait. »
M. Emeric Salmon
Nous aurons droit à la lecture des contes de Perrault, ensuite !
M. Antoine Léaument
« Derrière Winston, la voix du télécran continuait à disserter sur la fonte et la réussite du neuvième plan triennal. Le télécran recevait et transmettait simultanément. Le moindre son qu’émettait Winston, au-delà du niveau d’un très léger murmure, serait capté ; de plus, tant qu’il restait visible de la plaque de métal, il pouvait être vu aussi bien qu’entendu. Il n’y avait bien sûr aucun moyen de savoir si vous étiez surveillé à un instant donné. À quelle fréquence ou selon quels critères la Police des Pensées se branchait sur un système en particulier, mystère. Il était même possible qu’ils vous surveillassent en permanence. En tout cas, ils pouvaient se brancher sur vous quand bon leur semblait. Vous deviez vivre – et viviez, d’une habitude devenue innée – en présumant que le moindre de vos bruits était entendu, que le moindre de vos mouvements, sauf dans le noir, était scruté. »
Cet extrait est tiré de 1984, monsieur le ministre de la justice…
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Oui, on avait reconnu…
M. Antoine Léaument
…j’allais dire monsieur le ministre de l’intérieur. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Avec les écoutes téléphoniques, que nous allons examiner dans un instant, avec les drones, vous préparez l’entrée dans le monde de 1984. Nous n’en voulons pas !
M. Olivier Marleix
N’importe quoi !
M. Philippe Ballard
Hors sujet !
Mme la présidente
La parole est à M. Jocelyn Dessigny.
M. Jocelyn Dessigny
L’obstruction va-t-elle cesser, de sorte que nous puissions réellement travailler sur le texte ? Voilà trois jours que LFI et ses complices font en sorte de retarder au maximum son examen. Qu’attendez-vous ?
Mme Sandra Regol
Ce n’est pas de l’obstruction, ce que vous êtes en train de faire ? Vous auriez dû suivre les discussions !
M. Jocelyn Dessigny
Espérez-vous être en supériorité numérique un jour ou l’autre ? Cessez d’espérer, nous serons toujours présents pour nous opposer à vous, tout au long de la discussion, parce que ce texte est important !
M. Jean-François Coulomme
Évidemment, c’est le vôtre !
M. Jocelyn Dessigny
Nous en avons besoin pour garantir la sécurité des Français ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d’État.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Monsieur Léaument, je vous remercie pour votre séance de lecture. Comme chacun sait, 1984 c’est 1948 à l’envers, date de l’écriture du livre par George Orwell : il me semble qu’à l’époque, il n’y avait plus que des régimes communistes pour faire l’objet de sa dénonciation ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN, EPR, DR et HOR.)
Mme Danielle Simonnet
Vous pensez qu’ils sont nostalgiques du stalinisme, chez LFI ? (Sourires.)
(L’amendement no 346 est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’article 23, tel qu’il a été amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 110
Nombre de suffrages exprimés 110
Majorité absolue 56
Pour l’adoption 67
Contre 43
(L’article 23, amendé, est adopté.)
Article 23 bis A (appelé par priorité)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d’État.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Au préalable, au cas où vous voudriez gagner du temps, j’indique que le gouvernement sera favorable aux amendements de suppression de cet article, d’où qu’ils viennent.
M. Pouria Amirshahi
Pour quelle raison ?
Mme la présidente
Plusieurs orateurs sont néanmoins inscrits sur l’article. Souhaitez-vous prendre la parole ? Monsieur Ballard ? Vous avez la parole.
M. Philippe Ballard
L’article fait du recours à la visioconférence le principe pour la comparution, devant une juridiction d’instruction, d’une personne détenue mise en examen, prévenue, accusée ou condamnée pour des délits ou des crimes relevant de la criminalité organisée.
Mme Sandra Regol
Je croyais qu’il ne fallait pas faire d’obstruction ! Mettez-vous d’accord, au RN !
M. Bryan Masson
Vous devriez prendre des notes !
M. Philippe Ballard
Nous nous devons d’évoquer à cet instant le drame d’Incarville, qui a entraîné la mort d’Arnaud Garcia et de Fabrice Moello. Nos pensées vont évidemment à leurs collègues et à leurs proches. Ce drame a rappelé combien la sécurité des agents était faillible. C’est pourquoi il est nécessaire de prendre des mesures pour éviter de futurs drames et garantir la sécurité du personnel pénitentiaire lors des transferts. Il s’agit d’une demande de l’ensemble – l’ensemble ! – des syndicats de la pénitentiaire et des forces de l’ordre. Le recours à la visioconférence pour les délinquants et criminels les plus dangereux pourrait permettre de réduire les déplacements, lors desquels les escortes parcourent parfois plusieurs centaines de kilomètres pour des audiences d’à peine quelques minutes – cela a été dit.
La tenue par défaut d’audiences en visioconférence pour ces détenus permettrait, dans un contexte de manque d’effectifs et de contrainte budgétaire due au déficit creusé par les macronistes, de redéployer vers d’autres missions les forces de police, de gendarmerie et de l’administration pénitentiaire.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Il faut avancer !
M. Philippe Ballard
Quand on écoute l’argumentation de certains élus de gauche ou de certains syndicats d’avocats à ce sujet, on a l’étonnante impression qu’il ne s’agit pas pour eux de narcotrafiquants, mais de voleurs de poules ou d’oranges.
M. Antoine Léaument
Cessez d’argumenter sur cette base !
M. Philippe Ballard
Vous vivez dans le monde des Bisounours : vous évoquez la prise de la Bastille, vous citez la devise Liberté, Égalité, Fraternité…
M. Antoine Léaument
Vous n’aimez pas la France ! Notre drapeau est lié à la prise de la Bastille !
M. Philippe Ballard
C’est parfaitement louable, mais nous avons affaire à des narcotrafiquants qui emploient des méthodes proches du terrorisme, comme kidnapper quelqu’un et l’assassiner en le laissant brûler dans un coffre de voiture ! Il s’agit de narcotrafiquants, pas de voleurs de poules, redescendez sur terre ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Élisa Martin.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
On avance !
M. Florent Boudié, président de la commission des lois
On ne va pas y arriver, madame Martin !
Mme Élisa Martin
Je souhaiterais rapidement exprimer notre opposition au recours à la visioconférence.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
J’ai donné un avis défavorable ! On va supprimer l’article !
Mme Élisa Martin
Ce recours pose, en effet, plusieurs problèmes. D’abord, il faut que la visioconférence fonctionne, ce qui n’est pas toujours le cas s’agissant des services de l’État. Ensuite, elle porte atteinte aux droits de la défense. En réalité, votre objectif – y compris en instaurant ces prisons de haute sécurité –, c’est de créer les conditions pour que les personnes parlent et collaborent avec les services de justice.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Vous manquez à votre groupe, madame la présidente ! Il faudrait y mettre un peu d’ordre !
Mme Élisa Martin
Vous comprenez bien que dans ces affaires de narcotrafic, souvent délicates, un lien doit pouvoir s’établir entre les magistrats et le détenu. Ce n’est pas à la suite d’un traitement inhumain, administré dans vos prisons de haute sécurité, que le juge pourra créer les conditions favorables à ce que la personne se livre. Se livrer, cela ne peut se faire à travers un écran, que l’on soit devant ou derrière lui.
Mme la présidente
La parole est à M. Jérémie Iordanoff.
M. Jérémie Iordanoff
Je serai bref, puisque le ministre a indiqué qu’il donnerait un avis favorable aux amendements de suppression. Nous manifesterons ainsi notre refus de faire d’une exception une généralité.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Merci !
M. Benjamin Lucas-Lundy
Droit au but !
Mme la présidente
La parole est à M. Olivier Fayssat.
M. Olivier Fayssat
En complément de mon éminent collègue Philippe Ballard, j’ajouterai que le recours à la visioconférence ne permet pas seulement de gagner du temps ou d’éviter de mettre en danger les agents pénitentiaires. Il faut avoir à l’esprit une information que je tiens directement de l’administration pénitentiaire : les transferts pénitentiaires monopolisent entre 25 et 30 % des effectifs.
M. Arthur Delaporte
C’est mensonger !
M. Olivier Fayssat
Ces transferts ne se réduisent pas aux transferts judiciaires ; ils incluent notamment les transferts médicaux. Il est donc dans l’intérêt de chacun de remplacer, chaque fois que cela sera possible, ces transferts par une visioconférence. La sécurité s’en trouvera améliorée. N’oublions pas que dans ma circonscription, à Marseille, la directrice de la prison des Baumettes, Mme Karine Lagier, ainsi que son chef adjoint de la détention, ont vu un contrat mis sur leur tête après l’augmentation des fouilles des cellules. Cela prouve bien que ces dernières contrarient les détenus dans la gestion de leur empire à l’extérieur. Or pour faire des fouilles, il faut des effectifs : ne négligeons donc pas le recours à la visioconférence. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDR et sur plusieurs bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
Sur les amendements identiques nos 22, 182, 370, 535, 748 et 952, tendant à supprimer l’article 23 bis A, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Les amendements nos 22 de M. Jérémie Iordanoff et 182 de Mme Colette Capdevielle sont défendus.
La parole est à Mme Ersilia Soudais, pour soutenir l’amendement no 370.
Mme Ersilia Soudais
Nous sommes heureux que M. le ministre ait émis un avis favorable sur ces amendements. Pour notre part, nous n’avons pas attendu le Conseil d’État pour déterminer s’il était opportun et conforme à la Constitution de généraliser la visioconférence pour la comparution des personnes détenues, qu’elles aient été condamnées ou non. Il faut garder à l’esprit que l’état d’une démocratie se mesure notamment à la façon dont elle traite ses criminels et les personnes accusées. N’oublions pas que ces personnes restent avant tout des êtres humains…
M. Philippe Ballard
Oh là là !
Mme Ersilia Soudais
…et qu’on ne gère pas l’humain avec du numérique.
M. Ugo Bernalicis
Vous pensez que ce ne sont pas des êtres humains ?
M. Philippe Ballard
Ce sont des narcotrafiquants, ce sont des terroristes !
Mme la présidente
Les amendements nos 535 de Mme Émeline K/Bidi, 748 de M. Sacha Houlié et 952 de M. Vincent Caure, rapporteur, sont défendus.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Favorable.
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 22, 182, 370, 535, 748 et 952.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 115
Nombre de suffrages exprimés 113
Majorité absolue 57
Pour l’adoption 111
Contre 2
(Les amendements identiques nos 22, 182, 370, 535, 748 et 952 sont adoptés ; en conséquence, l’article 23 bis A est supprimé et les amendements nos 23 et 183 rectifié tombent.)
Article 14 (appelé par priorité)
Mme la présidente
La parole est à M. Michaël Taverne.
M. Michaël Taverne
Nous abordons l’examen d’un article très important, qui concerne les collaborateurs de justice – autrement dit, les repentis. Il pose, au-delà de la dimension politique, une question morale : peut-on faire confiance à des gens qui se disent prêts à collaborer mais qui ont du sang sur les mains ?
Lors de l’examen en commission, notre position a évolué.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Ah !
M. Michaël Taverne
Eh oui ! Les débats sont faits pour cela.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
C’est bien !
M. Michaël Taverne
Vous voyez, monsieur le garde des sceaux : nous sommes responsables, au Rassemblement national !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Je n’ai pas dit cela ! Mais c’est un work in progress !
M. Michaël Taverne
En effet, il faut reconnaître que M. le rapporteur Éric Pauget a trouvé le juste milieu. Cela dit, nous demeurons très vigilants : accorder une immunité complète à des gens qui ont du sang sur les mains, pour nous, c’est non. Pour ce qui est des aménagements de peine, c’est un autre sujet.
Le statut de repenti existe depuis près de quarante ans en Italie – il y a fait ses preuves et y est entré dans les mœurs. Je me souviens d’une coopération effectuée avec les carabiniers, qui nous avaient alors mis en garde : le statut de pentito – repenti – n’est pas adapté à toutes les sociétés. Chaque société a sa psychologie, sa physiologie, sa façon de voir les choses. Il s’agit donc d’un article très sensible. En l’état actuel de sa rédaction, modifiée en commission à la suite de l’adoption des amendements du rapporteur, nous y sommes favorables.
Mme la présidente
La parole est à M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis
Nous sommes, depuis longtemps, très favorables au statut de repenti. Nous avions été heureux d’apprendre du précédent garde des sceaux, M. Dupond-Moretti, qu’il engageait une réflexion à ce sujet. Il est regrettable que ce statut ne soit pas introduit par un projet de loi, préparé par une réflexion de la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) et assorti d’une étude d’impact. Cela nous aurait aidés, y compris pour améliorer l’application du dispositif ; on devra sans doute y revenir à un moment ou à un autre.
Le principe général est de quitter le terrain de la morale, sur lequel nous ne parviendrons jamais à nous convaincre, pour gagner celui de l’efficacité. Le statut de repenti permet-il de démanteler un réseau, d’obtenir des noms, de confondre des assassins, de briser le cercle vicieux du narcotrafic ?
Cela étant, l’élément central du statut de repenti ne peut se réduire à un régime carcéral moins sévère. Autrement dit, la dureté du régime carcéral demeure une raison secondaire s’agissant des motifs qui peuvent pousser quelqu’un à parler. Ce qui est premier, c’est la garantie de sécurité, pour la vie de cette personne et, dans bien des cas – comme il en ressort des enquêtes réalisées en Italie –, pour sa famille.
Ce statut doit donc absolument inclure, comme contrepartie, la possibilité d’obtenir une nouvelle identité. C’est essentiel si l’on veut que ce statut fonctionne et que les gens parlent. Si vous n’incluez pas cette dimension et que vous vous limitiez aux réductions de peine – qui sont déjà prévues par le droit puisque le juge peut en octroyer aux informateurs –, le dispositif ne sera pas utilisé et manquera sa cible.
Mme la présidente
La parole est à M. Jérémie Iordanoff.
M. Jérémie Iordanoff
L’article 14 introduit un statut du repenti intéressant, qui sera très utile pour remonter des filières. Il doit évidemment s’accompagner de moyens d’enquête, en particulier pour la police judiciaire. En réalité, ce statut existe déjà dans notre droit, avec les dispositions relatives aux informateurs. Nous en avons déjà débattu en commission et nous recommencerons à l’occasion de la discussion des amendements, mais il est dommage que l’Assemblée revienne sur ce qui a été fait au Sénat : il ne faut pas réintroduire l’élément moral. Soit le débat porte sur la dimension morale, et alors le statut du repenti ne doit pas être créé ; soit on considère que l’efficacité prime, et que ce statut, en permettant de récolter les informations nécessaires pour remonter les filières, sera positif pour l’ensemble de la société, et alors il faut mener cette logique à son terme.
En l’occurrence, les conditions de détention ne doivent pas servir de moyen de pression pour que les personnes acceptent ce statut : ce serait peu efficace et moralement douteux. Il faut privilégier les remises de peine et laisser le juge décider de l’utilité de leur octroi. Cet article doit donc être apprécié à l’aune de son efficacité compte tenu du but recherché, pas à celle de la morale.
Mme la présidente
La parole est à M. Sébastien Huyghe.
M. Sébastien Huyghe
Les réseaux criminels prospèrent sur l’omerta, la peur et la loi du silence. Briser ce cercle infernal est impératif. Le statut de repenti actuellement en vigueur est trop limité. Cet article lui donne une nouvelle portée en élargissant son champ d’application aux crimes commis en bande organisée et au trafic d’armes, en renforçant la protection de ceux qui ont fait le choix de collaborer avec la justice, et en garantissant des réductions ou exemptions de peine claires.
Il ne s’agit pas d’impunité mais d’efficacité : faire parler ceux qui connaissent les rouages du crime, c’est démanteler les réseaux, identifier leurs chefs et éviter de nouvelles victimes. C’est aussi envoyer un message fort : l’État sait frapper là où ça fait mal. Enfin, permettre à un repenti de changer définitivement d’identité lorsque sa vie est menacée est une mesure de bon sens : nous ne pouvons demander à ces témoins-clés de risquer leur vie sans leur offrir, en contrepartie, une protection efficace. Le groupe Ensemble pour la République votera donc en faveur de cet article.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d’État.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Il s’agit, en effet, d’un article important et je me réjouis que les différents groupes politiques de l’Assemblée nationale s’y déclarent favorables. Sachez, monsieur Iordanoff, que s’il existe déjà un statut de repenti dans notre droit, il ne fonctionne pas, voire pas du tout.
Mme Sandrine Runel
Même pour les macronistes ? (Rires.)
M. Sacha Houlié
Doucement, Sandrine ! (Sourires.)
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Ce dispositif est une chose sérieuse : il préviendra des passages à l’acte, des homicides ou des tentatives d’homicide, et évitera à certaines personnes de sombrer dans le trafic de stupéfiants et l’hyperviolence. Il mérite effectivement la réflexion de chacun.
Je suis favorable à ce que propose le rapporteur Pauget, même si tout est perfectible : un compromis devra être trouvé en commission mixte paritaire (CMP) avec le Sénat. Il ne s’agit pas, comme vous l’avez bien souligné, monsieur Bernalicis, de réduire ce dispositif à une négociation à propos du régime carcéral, et ce n’est pas notre intention. En effet, ce dernier est tout à fait secondaire lorsqu’on considère les principales raisons qui peuvent pousser quelqu’un à collaborer avec la justice.
Je comprends les interrogations morales que le dispositif soulève : doit-il ou non s’appliquer aux auteurs de crimes de sang ? Doit-il être assorti d’une convention ? Qui en décide et comment ? Toutefois, notre réflexion doit également porter, comme monsieur Bernalicis l’a évoqué – et M. Léaument m’avait dit sensiblement la même chose lorsque je l’avais reçu au ministère – sur les modalités pratiques : comment fait-on pour garantir l’anonymat ? Quelles seront les conditions de détention du repenti ? Comment sa famille sera-t-elle traitée ?
Nous prendrons un décret, relativement au circuit d’information, et une instruction sera donnée par les services du ministère de la justice, en lien avec le Siat – service interministériel d’assistance technique. Sur cette base, je propose que le président de la commission des lois, s’il en est d’accord, désigne, avec chacun des groupes politiques de l’Assemblée nationale, un représentant par groupe. Nous pourrons ensuite, avec le comité ainsi constitué, échanger dans la confidentialité sur la mise en application de la loi – quelle que soit sa rédaction définitive à l’issue des travaux de l’Assemblée, du Sénat et de la CMP. Chacun des parlementaires sera ainsi à même de poser des questions et de se voir informé : y aura-t-il des échanges de détenus avec d’autres prisons en Europe, pour protéger leur identité ? La protection couvrira-t-elle l’intégralité de la famille, ou seulement la famille nucléaire ? Quelle rémunération pourra-t-on imaginer, comme cela se fait en Italie ? Autant de questions importantes et graves, notamment sur le plan moral. Si, toutefois, nous ne nous donnons pas les moyens de faire parler ceux qui sont dans les organisations criminelles, nous n’obtiendrons pas d’information – nous n’avons pas affaire à des enfants de chœur.
Dans les pays qui ont un statut du repenti, notamment l’Italie, la convention comprend un engagement, pour ce dernier, de mettre fin à sa carrière criminelle.
M. Ugo Bernalicis
Oui, bien sûr !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Ce n’est pourtant pas le cas pour les infiltrés civils, dispositif que certains promeuvent mais auquel j’ai toujours été défavorable.
M. Ugo Bernalicis
Nous aussi !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Il reviendra au seul magistrat de décider si les informations que le repenti s’apprête à donner justifient son entrée dans le dispositif. Un conventionnement écrit précisera ce à quoi chacun s’engage. Il faudra ensuite assurer la sécurité du repenti, qui craindra pour sa vie – le dispositif ne sera attractif qu’à cette condition.
Le magistrat pourra refuser que quelqu’un qui serait venu le solliciter rentre dans le dispositif. Prenons l’exemple de la French Connection, dont nous avons parlé avant-hier : si quelqu’un se présentait en disant : « Voilà, j’ai tué le juge Michel, mais je peux vous livrer l’organisation criminelle à laquelle j’appartiens », on peut imaginer que le magistrat refuse de passer avec lui une convention ! C’est une question morale. Même chose avec celui qui dirait : « J’ai tué le préfet Érignac, mais je viens vous livrer mon organisation » : serions-nous prêts à oublier ses actes, alors qu’il a porté atteinte à l’intégrité de l’État ?
Il faut aussi prendre en compte les victimes :…
M. Ugo Bernalicis
Justement !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
…on ne saurait donner un blanc-seing à l’auteur d’un crime de sang quand elles attendent légitimement que la justice soit rendue. La discussion est particulièrement complexe : c’est pour cette raison que je m’engage, madame la présidente, monsieur le président de la commission, non seulement à ce que les actes réglementaires soient présentés à la commission des lois de chacune des deux chambres, mais encore à ce que nous formions un groupe de travail, dans les deux mois suivant le vote de la loi, pour échanger sur ce dispositif proposé par le gouvernement. Même si cela ne figure pas dans la loi, je saurai tenir parole, comme je l’ai fait pour la Lopmi en 2023. Les questions soulevées par M. Bernalicis sont en effet très importantes pour la réussite du dispositif.
Mme la présidente
J’en prends bonne note, monsieur le ministre.
Sur l’amendement no 753, je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Éric Pauget, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
M. Éric Pauget, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
L’article 14 revêt à mes yeux une grande importance, et je voudrais dire un mot sur le statut de repenti.
En tant que tel, ce statut n’est pas nouveau. Institué en 2004 par la loi Perben 2, il n’a cependant été effectif qu’à partir de 2014. En 2024, le constat est sans appel : ça ne fonctionne pas. Nous ne gérons que quarante-deux repentis, quand l’Italie, sur la même période de dix ans, en gère un millier.
L’objectif de notre loi est de lutter contre le haut du spectre criminel et les réseaux mafieux. On ne doit pas se priver, dans cette lutte, du statut du repenti.
La difficulté est de trouver le juste équilibre entre l’attractivité du statut et les exigences de la morale. Dans sa rédaction initiale, le texte ne prévoyait pas la possibilité d’accorder l’immunité au repenti, possibilité que les sénateurs ont introduite lors de son examen. Nous sommes revenus, en commission des lois, à une position d’équilibre, en supprimant l’immunité mais en conservant l’applicabilité du dispositif aux auteurs de crimes de sang.
Il faut également prendre en compte l’outil de la convention. Les différents amendements à suivre nous invitent à pousser le curseur un peu plus d’un côté ou de l’autre : mais je pense que nous devons laisser un peu de souplesse. La convention ne doit pas tout figer. Chaque cas de repenti est un cas particulier, avec des conséquences particulières.
N’oublions pas les services qui instruisent et préparent ce statut du repenti, comme le Siat ou la Commission nationale de protection et de réinsertion (CNPR).
Le statut de repenti, enfin, ne s’accorde pas en quarante-huit heures : il se prépare longuement avec la personne concernée, et demande plusieurs mois de travail et de mise en confiance.
Nous ne devons pas perdre de vue tous ces éléments. Notre priorité est de rendre le statut plus attractif, afin qu’il soit plus efficace dans la lutte contre le narcotrafic. N’oublions pas non plus qu’il s’agit de rendre plus opérationnel un dispositif qui existe déjà – on ne peut se contenter de quarante-deux repentis. Nous devons enfin faire confiance au Siat et à la CNPR, qui travaillent déjà sur ce sujet.
Je suis très favorable, monsieur le garde des sceaux, à votre proposition de former un groupe de travail qui, avec le Siat et la CNPR, pourra améliorer le dispositif afin de lui conférer une efficacité maximale.
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
M. Florent Boudié, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
Je vais réagir aux propos du ministre et commenter à cette occasion l’amendement no 753 de notre collègue Sacha Houlié.
Contrairement à vous, cher collègue Houlié, je pense qu’il revient au législateur, et non au pouvoir réglementaire, de fixer ces règles générales : qui peut octroyer ce statut de repenti, et comment.
Vous aviez déjà, monsieur le ministre, constitué pour la Lopmi un comité de pilotage permettant d’étudier l’ensemble des décrets d’application. Je note donc avec beaucoup de satisfaction votre proposition, qui nous permettra de travailler ensemble sur les décrets prévus pour cette nouvelle disposition, dans un comité qui sera bien entendu représentatif des différentes sensibilités de notre hémicycle.
Entre la loi Perben 2, qui ne tenait pas compte des crimes de sang, et l’immunité envisagée par les sénateurs, l’équilibre est à notre portée : c’est la proposition du rapporteur Pauget que nous avons adoptée il y a quelques jours en commission des lois.
Mme la présidente
La parole est à M. Sacha Houlié, pour soutenir l’amendement no 753.
M. Sacha Houlié
Il reprend la rédaction proposée il y a plus d’un an par Éric Dupond-Moretti. Nous avions alors travaillé, le président Marcangeli et moi-même, à une proposition de loi sur ce même sujet.
L’amendement, pour commencer, tend à supprimer le vocable de collaborateur de justice. Qui croyez-vous attirer dans le statut de repenti en le désignant de cette façon ? On ne risque pas de dépasser les quarante-deux : un « collaborateur », c’est précisément ce qu’une personne qui commence à parler à la justice ne veut pas devenir !
Il y a ensuite cet important formalisme que le Sénat a apporté – même si nous l’avons en partie corrigé en commission en ne mentionnant plus certains éléments qui relèvent du réglementaire. C’est la procédure dans son ensemble, cependant, qui relève du réglementaire. Le statut est déjà prévu par l’article 132-78 du code pénal et la loi doit s’en tenir aux grands principes. Elle n’a pas à détailler le délai, la procédure, et tout ce bavardage auquel on s’est livré.
Nous devons simplement conserver le principe de l’extension, dans deux registres, du statut de repenti.
La réduction de peine, d’abord, ne doit pas être réservée à ceux qui ont participé à la commission d’une infraction, mais être étendue à ceux qui ont été mis en cause et qui, au cours de l’enquête, se livrent à des déclarations.
Elle doit, ensuite, pouvoir être étendue aux cas de crimes, meurtres ou assassinats, quand elle permettrait l’identification du coauteur.
Vous demandiez tout à l’heure que l’on fasse confiance au magistrat dans sa conduite de l’enquête. Quel besoin alors de ce juridicisme qu’est le conventionnement ? Les services de la Chancellerie n’avaient rien imaginé de tel quand nous avions rédigé notre proposition avec le garde des sceaux Dupond-Moretti et le président Marcangeli.
Je vous suis, monsieur le rapporteur, dans votre volonté de ne pas tout rigidifier. C’est le sens de mon amendement, qui réécrit l’article de manière qu’il s’en tienne aux grands principes. (Mme Colette Capdevielle applaudit.)
Mme Sandrine Runel
Bravo !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Pauget, rapporteur
Avis défavorable. Le statut de repenti crée une importante dérogation au droit commun qui ne saurait être renvoyée au cadre réglementaire. N’oublions pas que le Siat et la CNPR sont spécialisés dans ce statut et qu’ils nous ont alertés, lors des auditions en commission, sur la nécessité de laisser aux agents du Siat une certaine marge de manœuvre. Il faut prendre en compte la fiabilité de ce que peut nous dire le repenti, la dimension temporelle de la question – les choses peuvent être amenées à évoluer au cours de la procédure –, le problème de la sécurité de l’environnement du repenti. Autant de paramètres qui, avec d’autres, rendent nécessaire un cadre très équilibré entre le législatif, qui définit la finalité – lutter contre les têtes de réseaux et le haut du spectre du narcotrafic – et une certaine souplesse indispensable pour rendre ce statut attractif et sans laquelle on ne pourrait assurer la sécurité du repenti ou de son entourage.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Même avis.
Mme la présidente
J’ai reçu cinq demandes de prise de parole. Sur ce premier amendement, qui est un amendement de réécriture générale, je laisserai tous les groupes s’exprimer, comme s’il s’agissait d’un amendement de suppression. Ensuite, nous accélérerons.
M. Ugo Bernalicis
Sauf que l’amendement suivant est aussi un amendement de réécriture générale !
Mme la présidente
La parole est à M. Sacha Houlié.
M. Sacha Houlié
Qui va conseiller à un prévenu ou un détenu de rentrer dans ce dispositif ? C’est son avocat. Or l’Association des avocats pénalistes considère que la procédure rigide que vous avez inscrite dans le texte l’en empêcherait – l’avocate Clarisse Serre, qui a accompagné des repentis, argumente également dans ce sens.
Si je m’accorde avec vous pour dire que le périmètre du dispositif relève de la loi, les déclarations que le ministre a faites tout à l’heure montrent assez que c’est par voie réglementaire que devront être apportées un nombre important de précisions – c’est notamment le cas pour le rôle du Siat. Détailler dans la loi les questions relatives aux délais, aux recours, à l’ensemble de la procédure, c’est rendre rigide un processus qui, dès lors, ne trouvera pas à s’appliquer. Il sera tout aussi inefficace que le dispositif figurant aujourd’hui dans le code pénal.
Mme la présidente
La parole est à M. Antoine Léaument.
M. Antoine Léaument
Nous entendons souvent dire, à propos de ce texte, que nous aurions des réticences à lutter contre le narcotrafic. J’avais pourtant eu l’occasion de vous dire, monsieur le ministre, que nous tomberons d’accord au moins sur ce dispositif des repentis.
Il permet en effet d’obtenir des informations, et n’est pas sans soulever une question philosophique majeure : faut-il, au nom de l’efficacité dans la prévention des crimes, octroyer des remises ou des aménagements de peine pour les personnes prêtes à entrer dans un dispositif d’information ? Ou ces informations ne valent-elles pas la peine, et vaut-il mieux alors punir les personnes ?
Nous en avons beaucoup débattu entre nous et nous avons tranché dans le premier sens : mieux vaut avoir des informations, quitte à parfois exempter de peine des personnes qui se sont rendues coupables d’actes graves.
Nous vous proposerons différentes réécritures du dispositif. Soyons clairs – j’en avais discuté avec vous, monsieur le ministre, à l’occasion de la mission dont j’étais le corapporteur avec M. Mendes, et je le répète devant la représentation nationale : pour passer des quarante-deux repentis actuels à l’équivalent du millier de repentis italiens, il faudra revoir le dimensionnement des services qui gèrent le système, dont le travail implique notamment des changements d’identité.
Mme la présidente
Sur l’amendement no 463, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Colette Capdevielle.
Mme Colette Capdevielle
Le groupe Socialistes et apparentés votera l’amendement de M. Houlié pour plusieurs raisons. Nous invitons nos collègues à l’examiner attentivement et à le voter.
M. Houlié l’a très bien expliqué, les mots ont un sens. Il faut proscrire le terme « collaborateur de justice », peu attractif.
En outre, un avocat doit être présent à tous les stades de la procédure, condition essentielle à la réussite du dispositif. Nous devons nous assurer que celui que nous votons est opérant. Tel qu’il existe, ce n’est pas le cas, et les chiffres le confirment, mais ce n’est pas le cas non plus de ce que vous proposez.
Enfin la proposition de M. Houlié est le fruit d’un travail parlementaire abouti. Il faut le reconnaître en la votant. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. Pouria Amirshahi.
M. Pouria Amirshahi
Sur ce sujet, monsieur le ministre, nous sommes globalement d’accord, et c’est heureux. Si nous étions entrés directement dans le vif du sujet – la lutte contre le narcotrafic, ses chefs, et le démantèlement des réseaux de crime organisé – et par des dispositifs innovants comme celui-ci, nous aurions gagné du temps.
Nous sommes également favorables à votre proposition : permettre à la commission des lois de prendre connaissance des dispositions réglementaires en associant tous les groupes, si j’ai bien entendu.
Cela permettra de clarifier et de préciser le dispositif, notamment la rémunération, les règles de sécurité, les conditions de détention – il faudra s’assurer que les repentis ne se retrouvent pas dans la même prison et, a fortiori, pas dans la même cellule que des membres appartenant aux réseaux qu’ils ont dénoncés.
Il faudra aussi vérifier le sérieux des informations pour l’enquête, sans pénaliser les repentis s’ils ont fourni des informations solides mais que, pour différentes raisons liées à l’enquête, elles n’ont pas permis de démanteler les réseaux.
Une partie du succès du dispositif se jouera entre le magistrat et le repenti. Sur ce point aussi, je vous rejoins, il faut faire confiance à nos magistrats.
Mme la présidente
La parole est à Mme Naïma Moutchou.
Mme Naïma Moutchou
Je remercie le rapporteur pour le travail, amorcé en commission des lois, sur ce sujet difficile.
Monsieur le ministre, nous sommes d’accord, le dispositif des repentis est un levier essentiel pour désorganiser les réseaux criminels. Vous avez raison, c’est un sujet sensible sur les plans moral et humain.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle mon groupe avait déposé un amendement en commission, visant à exclure les crimes de sang du dispositif, dans une volonté d’interroger notre idée de la Justice avec un grand J, notamment le traitement réservé aux victimes. Nous avons entendu le rapporteur, et l’ensemble des orateurs, et n’avons pas déposé cet amendement en séance.
Pour autant, nous en sommes tous d’accord, la réflexion n’est pas encore aboutie, notamment sur le plan juridique, et c’est la conséquence de nos interrogations sur un plan plus moral. M. Houlié évoque la présence de l’avocat, mais nous pourrions également parler des contrôles, de la rémunération ou du périmètre. Le nombre d’amendements déposés sur cet article est d’ailleurs à la hauteur des interrogations. Mon groupe ne s’est pas encore positionné sur tous les points.
Il y a donc encore du travail, même s’il n’est pas certain que nous puissions répondre à tout. C’est pourquoi nous saisissons votre main tendue, monsieur le ministre, et votre proposition d’associer l’ensemble des groupes.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 753.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 124
Nombre de suffrages exprimés 116
Majorité absolue 59
Pour l’adoption 24
Contre 92
(L’amendement no 753 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 463.
M. Ugo Bernalicis
Il s’agit de rétablir le dispositif dans une version proche de celle issue des débats au Sénat, mais comportant quelques modifications Ainsi, la convention y prévoit les types de peines et leur aménagement, et cette souplesse nous semble attractive car de nature à libérer la parole.
Nous souhaitons aussi que ce document puisse proposer des aménagements de peines ab initio. Cela permettrait de couvrir certains cas de figure, et d’assurer la protection du repenti et de sa famille afin qu’il accepte de donner des informations.
Nous plaidons également pour que, dès la conclusion de la convention, le repenti puisse demander le bénéfice des protections – une nouvelle identité par exemple. Sans un minimum de certitudes, celui qui veut entrer dans le dispositif des repentis n’ira pas, et nous risquons de tourner en rond.
Pourquoi sommes-nous partis de la version du Sénat ? Parce que le dispositif du rapporteur, qui a le soutien du ministre, ne prévoit qu’une atténuation de peine. Ce dispositif existe déjà pour les informateurs et c’est déjà la philosophie pénale : même s’il a commis une infraction, celui qui passe à table et donne des informations bénéficie d’une peine inférieure à celui qui n’a pas coopéré avec la justice.
Si nous voulons que ce nouveau dispositif fonctionne, et qu’il y ait davantage de repentis, il faut aller plus loin dans la protection et les garanties.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Pauget, rapporteur
Avis défavorable. Je le répète, en commission des lois, nous avons trouvé un certain équilibre. Il n’est peut-être pas parfait – nous allons continuer à travailler – mais il faut essayer de le préserver.
Votre amendement revient par exemple sur l’immunité, disposition très spécifique introduite en séance au Sénat. En Italie, les repentis ne bénéficient pas de l’immunité totale. (M. Ugo Bernalicis s’exclame.)
Par contre, vous avez raison, monsieur Léaument, il faudra des moyens supplémentaires. Le Siat et la CNPR sont calibrés pour gérer une quarantaine de repentis. Si notre ambition, que je crois partagée, est de lutter plus largement contre les têtes de réseau du narcotrafic, et donc d’intégrer plus de repentis, il faudra déployer plus de moyens, notamment au sein du Siat. C’est une des conditions de la réussite du dispositif.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à M. Antoine Léaument.
M. Antoine Léaument
Je comprends les arguments des uns et des autres – c’est tout l’intérêt de ce débat. Souvent, nos positions sont totalement arrêtées – on ne change pas d’avis.
M. Florent Boudié, président de la commission des lois
Cela ne vous arrête pas !
M. Antoine Léaument
Mais, sur ce dispositif des repentis, je pense que notre assemblée peut évoluer, à l’écoute des arguments des uns et des autres.
Quel est notre objectif ? S’agit-il d’être efficace et d’obtenir un maximum d’informations pour empêcher des crimes et démanteler des réseaux ? Ou s’agit-il d’abord pour la justice de punir le criminel après qu’il a commis un crime ?
Nous pensons qu’il est préférable d’empêcher les crimes. Nous ne sommes pas opposés à la punition, mais notre amendement apporte des garanties supplémentaires, favorables au dispositif – ainsi, un procès à huis clos garantit la transmission d’un maximum d’informations.
J’invite nos collègues à écouter les arguments en faveur de notre amendement de réécriture globale, qui devrait rassembler une majorité d’entre nous. Il y va de l’efficacité de l’action publique. Il est dommage de ne pas évoluer sur un sujet comme celui-ci…
Mme la présidente
La parole est à M. Pouria Amirshahi.
M. Pouria Amirshahi
L’intérêt de cet amendement est double. Il s’appuie sur nos débats, ce texte étant d’abord le fruit d’un travail parlementaire, mais il est aussi compatible avec le cadre général proposé par le ministre et le président de la commission des lois puisqu’il distingue clairement ce qui relève du législatif et ce qui relève du réglementaire.
Même si sa rédaction peut être améliorée, l’amendement explicite certaines dispositions qui ne peuvent relever que du législatif : les conditions et le cadre du procès, les conditions dans lesquelles les témoins peuvent être amenés à témoigner, par exemple. Quand le ministre aura posé le cadre réglementaire, il ne sera plus possible d’apporter ces précisions.
Si vous maintenez votre avis défavorable, monsieur le rapporteur, pourriez-vous au moins nous expliquer comment répondre à certaines interrogations, sérieuses et réelles ? Si les garanties ne sont pas clairement explicitées, et la sécurité juridique assurée, les repentis potentiels seront moins nombreux à vouloir se mouiller. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d’État.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Vous ne pouvez pas nier qu’il n’est pas simple, pour l’administration, de calibrer le dispositif avec autant de versions différentes votées par les parlementaires.
M. Ugo Bernalicis
Pour nous non plus !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Nous ne cachons rien et c’est d’ailleurs pourquoi j’ai proposé au président de la commission des lois de réfléchir ensemble, concrètement.
Je ne veux pas être facétieux…
Mme Elsa Faucillon
Non ? (Sourires.)
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
…mais je note que les dispositions introduites en matière de visioconférences nous aideront en la matière – elles permettront aux repentis d’être entendus. En Italie, le dispositif des repentis est un succès notamment parce que les confrontations sont réalisées par visioconférence, et que les repentis ne sont pas identifiables. Je l’ai vu lors d’un procès en Italie.
M. Ugo Bernalicis
Ah oui, lors du procès !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Le mis en cause est confronté au repenti par visioconférence, ce qui permet de préserver son identité et d’éviter que les protagonistes ne se croisent lors du procès.
M. Ugo Bernalicis
Oui, c’est une garantie.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Je veux démontrer que la visioconférence permet ce que ne permet pas une confrontation physique. À l’occasion du procès, ou même lors de l’instruction, on arrive à vérifier la véracité des informations fournies par le repenti. En outre, on utilise ces informations sans le mettre en danger. Ainsi, quand il s’agit de petites mains, on peut anonymiser son témoignage – c’est moins simple avec des associés dans le crime, qui peuvent plus facilement se reconnaître.
Dans une affaire récente – je n’entrerai pas dans le détail –, ces techniques ont d’ailleurs permis à nos amis italiens de nous transmettre des informations sur des meurtres commis en France.
J’y insiste car cela nous permettra de garantir la protection des repentis.
Supposons que les informations fournies sont fiables, que l’auteur présumé du crime, qu’il soit de sang ou non, ne raconte pas d’histoires. La deuxième question, c’est de déterminer durant combien de temps cette personne doit bien se comporter, ce qui passe notamment par la rupture de tout lien avec une organisation criminelle, pour continuer de bénéficier de la convention établie avec le magistrat. Nous proposons que cette période dure dix ans pour les délits et vingt ans pour les crimes : le délinquant ou le criminel repenti doit passer ce délai sans nouvelle condamnation. Sinon, il faudra revenir sur l’accord passé entre la justice et l’individu – c’est en tout cas ce que nous proposons de faire. En fin de compte, c’est le magistrat qui tranchera.
Je comprends tous les problèmes pratiques soulevés, mais je ne peux apporter de réponse globale. Je suis d’accord avec MM. Léaument, Bernalicis et Pauget : il faut évidemment redimensionner le Siat.
Il faudrait explorer la possibilité de pratiquer des échanges de détenus entre prisons européennes, ce qui permettrait de garantir leur sécurité. Cela soulève évidemment beaucoup de questions, par exemple relatives au droit à la vie privée et familiale de ces détenus – faudrait-il faire déménager la famille ? – ou à ses possibilités de réinsertion. Ce n’est pas si simple.
Comme vous, monsieur Bernalicis, je regrette que ces dispositions ne fassent pas partie d’un projet de loi distinct ; nous aurions eu plus de temps pour travailler, notamment à partir de l’avis du Conseil d’État. Je comprends aussi ce qui a été dit par M. Amirshahi, tout en modérant ses propos : en parlant de l’Office français antistupéfiants (Ofast) et du parquet national de lutte contre la criminalité organisée (Pnaco), nous n’avons pas commencé par…
M. Antoine Léaument
Pas l’Ofast !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
…oui, vous avez raison, monsieur Léaument : la direction nationale de la police judiciaire (DNPJ) et le Pnaco. Nous n’avons pas commencé par des sujets qui n’avaient rien à voir avec le narcotrafic, comme vous l’avez prétendu. Si nous n’avions pas introduit le statut de repenti dans ce texte, vous nous l’auriez reproché – et à juste titre !
M. Pouria Amirshahi et M. Ugo Bernalicis
C’est vrai !
M. Antoine Léaument
Bien vu !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Nous avons donc saisi l’occasion que représentait cette proposition de loi.
Je vous rappelle que j’ai été nommé garde des sceaux le 24 décembre, pour égayer la soirée de Noël de M. Bernalicis. (Rires sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Le 22 janvier, le texte est arrivé en commission des lois au Sénat. Avouez que cela ne laissait pas beaucoup de temps pour travailler convenablement sur le statut de repenti ! Certes, M. Dupond-Moretti, à qui je souhaite rendre hommage, l’avait annoncé et lancé une réflexion. Mais vous voyez bien que l’on peut envisager beaucoup de variations.
Je ne peux que m’engager à fournir le travail nécessaire. Monsieur Amirshahi, vous pouvez d’ailleurs m’y contraindre, puisque je me suis engagé à ce que les décrets d’application soient examinés et retravaillés en amont par les commissions des lois – je sais que vous au moins croyez à ma parole, tout comme, je l’espère, le président de la commission des lois et le rapporteur Pauget, qui me connaissent assez pour savoir qu’on peut compter sur moi.
En 2004, M. Perben avait créé le statut de repenti, qui n’a véritablement vu le jour qu’en 2014, comme M. Pauget l’a rappelé. Nous pouvons donc bien prendre un peu de temps pour le retravailler en amont. Je comprends toutes les questions, mais je n’ai pas toutes les réponses !
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 463.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 127
Nombre de suffrages exprimés 112
Majorité absolue 57
Pour l’adoption 24
Contre 88
(L’amendement no 463 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
L’amendement no 147 de M. Paul-André Colombani est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Pauget, rapporteur
La durée proposée me semble trop courte, mais cet amendement a le mérite de soulever le problème de la fiabilité des informations communiquées par le repenti : les délais prévus par le texte laissent le temps d’éprouver cette fiabilité.
Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis
Nous sommes en train de parler de délais. Je veux alerter M. le ministre : les dispositions législatives conditionneront ce qu’il sera possible de faire par arrêté ou circulaire. Si nous ne prévoyons pas de donner un peu de latitude, mais de simples réductions de peine, un conventionnement très limité, et la définition de la période pendant laquelle il sera possible d’expertiser les informations fournies, avant de revenir le cas échéant sur le statut du repenti, nous ne donnerons pas au futur repenti les garanties qui le convaincront de rejoindre le dispositif.
Nous nous apprêtons à examiner beaucoup d’autres amendements qui tendent à réécrire l’article par petits bouts. Nous en avions proposé une réécriture générale pour donner plus d’ampleur au dispositif et laisser l’initiative au magistrat. Ce n’est évidemment pas au repenti de dicter le contenu de la convention passée avec le magistrat, mais il est normal qu’il ait des garanties au moment où il donne son accord.
S’agissant de la question des délais, il me paraît cohérent de conserver ceux prévus par le texte, quoique l’amendement du collègue Colombani ne soit pas dénué d’intérêt.
Cette disposition soulève aussi des difficultés : si on retire au repenti ses garanties car les informations qu’il a fournies ne sont pas fiables, qu’advient-il de la protection de sa famille, si elle n’est pas complice des infractions ?
(L’amendement no 147 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
L’amendement no 149 de M. Paul-André Colombani est défendu.
(L’amendement no 149, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
L’amendement no 947 du gouvernement est rédactionnel.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Pauget, rapporteur
À titre personnel, je suis favorable à cette clarification, mais la commission des lois s’est prononcée contre, pour des questions de cohérence avec ses travaux.
Mme la présidente
La parole est à M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis
Cet amendement ne me semble pas purement rédactionnel.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Si : on ne change qu’un mot !
M. Ugo Bernalicis
Il correspond cependant bien à la philosophie du dispositif, dont le champ d’application doit être le plus large possible. Il existe en effet une corrélation entre la position dans la hiérarchie d’une organisation criminelle, les actes accomplis et les informations détenues – plus on est haut dans la hiérarchie, plus on a commis ou commandité des choses scandaleuses, et plus on dispose d’informations.
Si nous voulons aller jusqu’au bout de la réflexion et de la logique, il ne faut pas limiter les crimes qui peuvent entrer dans le champ d’application du statut de repenti, et laisser au magistrat le soin de trouver le point d’équilibre – grâce à la balance de la justice – entre, d’une part, la protection de la société, la répression du crime, et, d’autre part, les informations offertes par le repenti. Nous soutiendrons donc les amendements qui incluent le plus de crimes possible dans le champ d’application du dispositif.
(L’amendement no 947 est adopté ; en conséquence, les amendements no 466, 33 et 34 tombent.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jérémie Iordanoff, pour soutenir l’amendement no 35.
M. Jérémie Iordanoff
Nous proposons de rendre plus attractif le statut de repenti en abaissant à sept ans la durée de la réclusion criminelle encourue, en lieu et place des vingt ans prévus par le texte.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Pauget, rapporteur
Défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis
Comme notre amendement est tombé, nous examinons les amendements de repli proposés par nos collègues. Nous proposions d’instaurer non pas simplement des réductions de la peine encourue comme proposé ici, mais des aménagements de peine ab initio, discutés dès l’établissement de la convention. Certains cas de figure justifieraient cette discussion renforcée. Imaginons que l’on dise à un prétendant au statut qu’on ne le mettra pas en prison car c’est trop compliqué, mais qu’on aménagera sa peine ab initio avec un placement à l’extérieur d’une durée de trois ans, durant laquelle il se consacrera au travail des champs : la personne en question accomplit sa peine, sa famille est protégée, et l’on obtient les informations.
Ce que vous proposez risque d’amener le repenti à penser qu’il risque quand même d’être condamné à de longues années de prison. Certes, ce ne sera peut-être pas vingt ans, mais cela restera la peine maximale encourue dans ce cadre. Monsieur le ministre, vous avez évoqué tout à l’heure le bloc peine et l’allongement des durées moyennes de peine. La discussion ne portait pas exactement sur le même sujet, mais on fait le même constat chez les mineurs : plus on diminue la peine encourue, plus le magistrat a tendance à prononcer la peine maximale. Ainsi, si la peine encourue est de dix ans, le juge aura tendance à prononcer une peine de cinq ans, alors que si l’on abaisse la peine encourue à cinq ans, il prononcera quand même des peines de cinq ans. La durée de l’emprisonnement ne sera pas divisée par deux, comme on a pu l’entendre. C’est un simple plafonnement de la peine qui est prévu. Cela ne donne pas à l’aspirant repenti la garantie qu’il bénéficiera d’une peine moins lourde que s’il n’avait pas parlé.
On ne peut attendre des personnes concernées qu’elles balancent toutes les informations au magistrat sans qu’on leur offre la garantie d’échapper à la prison ou de bénéficier d’une protection pour leur famille. On saura bien vite dans le milieu si le statut de repenti est fiable ou non ; il est dans notre intérêt qu’il le soit.
(L’amendement no 35 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d’État.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
J’ai une proposition à faire à l’Assemblée. J’écoutais M. Bernalicis, dont je partage à peu de chose près le raisonnement. Nous devons être cohérents sur la question de la durée des peines ; à défaut, c’est un débat de chiffonniers qui aura lieu, ce que personne ne souhaite. En outre, il y aura forcément un débat en CMP, puisqu’il n’y a pas d’accord entre les deux chambres sur cette question.
Étant tous habités par un esprit constructif, nous souhaitons avancer pour produire un bon texte de loi. Comme nous devons discuter beaucoup d’amendements qui portent sur cette question, je propose que nous décidions d’une courte suspension pour nous mettre d’accord, M. le rapporteur, M. le président de la commission des lois, les représentants des groupes et moi. L’objectif est de faire émerger un consensus sur les réductions de peine encourue, en gardant à l’esprit que la rédaction ne sera pas définitive puisque, comme chacun le sait, une CMP sera réunie.
Accordons-nous sur quelque chose de cohérent. Cela nous permettra d’examiner ensuite plus rapidement les amendements, qui proposent toute une variation de durée. Or ni vous, ni nous ne savons avec certitude quelle est la bonne solution – cinq ans, sept ans, dix ans. Si tout le monde est d’accord, suspendons la séance trois minutes.
Mme la présidente
Que pensez-vous de cette proposition du ministre ? (Assentiment.)
Très bien ; je doute que la suspension ne dure que trois minutes, mais je salue votre optimisme, monsieur le ministre !
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures cinquante.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
Sur l’amendement n° 32, je suis saisie par le groupe Écologiste et social d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Pendant la suspension de séance, on m’a informée du retrait de plusieurs amendements. Je souhaite que chaque groupe m’indique ceux qu’il souhaite retirer.
La parole est à M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis
Nous retirons les amendements nos 471 et 470.
Mme la présidente
La parole est à M. Jérémie Iordanoff.
M. Jérémie Iordanoff
Notre groupe retire les amendements nos 691, 30 et 692.
Mme la présidente
La parole est à M. Salvatore Castiglione.
M. Salvatore Castiglione
Le groupe LIOT retire les amendements nos 148, 151 et 153.
Mme la présidente
Enfin, la parole est à Mme Elsa Faucillon.
Mme Elsa Faucillon
Nous retirons pour notre part l’amendement no 389.
Mme la présidente
La parole est à M. Jérémie Iordanoff, pour soutenir l’amendement no 32, qui fait l’objet du sous-amendement no 1003.
M. Jérémie Iordanoff
Le présent amendement visait, pour aller jusqu’au bout de notre logique, à exempter de peine l’auteur ou le complice de l’une des infractions prévues à la section 10 du chapitre II du titre II du livre II du code pénal. Toutefois, après discussion avec l’ensemble des groupes, la commission et le gouvernement, le rapporteur a déposé un sous-amendement auquel je me rallie, visant à une exemption des deux tiers de la peine.
Mme la présidente
Sur le sous-amendement n° 1003, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir ce sous-amendement.
M. Éric Pauget, rapporteur
À l’initiative du garde des sceaux, nous sommes tous convenus que pour compenser la suppression, par la commission, de l’immunité complète de poursuites dont pouvait bénéficier le collaborateur de justice, nous proposons de réduire des deux tiers…
M. Sébastien Huyghe
De deux tiers au maximum !
M. Éric Pauget, rapporteur
…la peine encourue par l’auteur ou le complice des infractions prévues à la présente section du code pénal, au lieu de la réduire de moitié comme le prévoit le texte. M. le garde des sceaux a réussi la prouesse de tous nous mettre d’accord sur cette peine plancher. (Sourires.)
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Je suis favorable au sous-amendement du rapporteur et donc favorable à l’amendement de M. Iordanoff ainsi sous-amendé.
Mme la présidente
La parole est à M. Antoine Léaument.
M. Antoine Léaument
Nous voterons évidemment le sous-amendement et l’amendement. Je suis assez fier de ce qui vient de se produire : nous démontrons qu’il existe une volonté commune de lutter contre le narcotrafic par le moyen sans doute le plus intéressant : obtenir du renseignement, démanteler les réseaux et taper le haut des trafics – c’est précisément ce qu’il faut faire.
M. Pouria Amirshahi
Très bien !
Mme la présidente
Je mets aux voix le sous-amendement no 1003.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 109
Nombre de suffrages exprimés 109
Majorité absolue 55
Pour l’adoption 109
Contre 0
(Le sous-amendement no 1003 est adopté.)
(Applaudissements sur de nombreux bancs.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 32, tel qu’il a été sous-amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 105
Nombre de suffrages exprimés 105
Majorité absolue 53
Pour l’adoption 105
Contre 0
(L’amendement no 32, sous-amendé, est adopté.)
(Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jérémie Iordanoff, pour soutenir l’amendement no 690.
M. Jérémie Iordanoff
Il vise à étendre le bénéfice du statut de repenti aux membres d’une organisation criminelle, dans l’hypothèse où l’article 9 serait maintenu. Cette extension du champ d’application de ce statut a pour but de renforcer l’efficacité du dispositif.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Pauget, rapporteur
Favorable : l’amendement est cohérent avec l’article 9 qui prévoit de redéfinir l’organisation criminelle.
(L’amendement no 690, accepté par le gouvernement, est adopté à l’unanimité.)
Mme la présidente
Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 105, 146 et 562.
La parole est à M. François-Xavier Ceccoli, pour soutenir l’amendement no 105.
M. François-Xavier Ceccoli
Il s’agit de remplacer les mots « collaborateur de justice » par ceux de « coopérateurs de justice ». Le terme « collaborateur », c’est aussi l’avis des associations antimafia corses, renvoie un peu trop tristement à la seconde guerre mondiale, en particulier au régime de Vichy.
Mme la présidente
La parole est à M. Salvatore Castiglione, pour soutenir l’amendement no 146.
M. Salvatore Castiglione
Identique au précédent, il a le même objet.
Mme la présidente
L’amendement no 562 de M. Hendrik Davi est défendu.
(Les amendements identiques nos 105, 146 et 562, repoussés par la commission et le gouvernement, sont adoptés.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Élisa Martin, pour soutenir l’amendement no 473.
Mme Élisa Martin
Le dispositif que nous examinons ne fait pas de distinction entre les mineurs et les majeurs. Comme l’exige la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), il nous paraît toutefois important qu’il soit adapté à la situation des mineurs. Certaines dispositions comme l’atténuation de responsabilité existent déjà mais restent insuffisantes – et pas à cause d’un supposé ensauvagement de la jeunesse, qui ne correspond pas à la réalité : la part des jeunes gens dans les homicides reste stable autour de 7 à 9 %.
Nous souhaitons que les mineurs puissent bénéficier des mesures de protection d’abord au vu de la stratégie utilisée par les trafiquants pour leur faire commettre des actes très graves, ensuite parce que leur jeunesse peut laisser penser qu’ils seront d’autant plus aptes à s’amender et à bénéficier de ce dispositif, étant entendu que, malheureusement, eux aussi peuvent connaître les responsables d’actes graves.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Pauget, rapporteur
Défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis
Je me permets d’y insister, monsieur le ministre. Un mineur disposera certes d’informations mais elles seront très limitées et, dans les grandes lignes, il ne sera pas forcément le plus intégré dans le système criminel, même s’il peut, comme petite main, commettre des actes très graves. Or la menace pèse sur ses parents.
M. Pouria Amirshahi
Il a raison !
M. Ugo Bernalicis
En effet, quand le gamin fugue parce qu’il a paumé la drogue ou l’argent, les trafiquants viennent menacer les parents de mort.
Si vous voulez que ces gamins parlent et qu’on puisse en même temps les protéger et les condamner – mais ce n’est pas ici le sujet –, ils doivent pouvoir bénéficier du même système de protection.
Nous avons proposé cet amendement à cet endroit du texte parce qu’il concerne les repentis et leur protection mais je souhaite ardemment que nous menions une réflexion sur la protection effective des mineurs afin de les extraire du trafic.
(L’amendement no 473 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
L’amendement no 48 de Mme Sylvie Bonnet est défendu.
(L’amendement no 48, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
L’amendement no 547 de M. Hendrik Davi est défendu.
(L’amendement no 547, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 806.
M. Éric Pauget, rapporteur
Cet amendement vise à écarter la compétence exclusive du procureur de la République anti-criminalité organisée dans la procédure d’octroi du statut de collaborateur de justice.
(L’amendement no 806, accepté par la commission et le gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. François-Xavier Ceccoli, pour soutenir l’amendement no 106.
M. François-Xavier Ceccoli
L’amendement tend à ce que le coopérateur de justice, compte tenu des efforts qu’il fournit, bénéficie de garanties pour lui et sa famille, notamment en matière de procédure et de maintien de son statut.
(L’amendement no 106, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 468.
M. Ugo Bernalicis
Il s’agit de proposer, outre la réduction de peine, un aménagement de peine ab initio. Cela constituerait une modalité supplémentaire d’exécution de peine qui devrait pouvoir être discutée avec le futur repenti et sa famille.
Le dispositif de placement du condamné à l’extérieur constitue un aménagement de peine, mais il peut s’avérer très contraignant. Prenons un exemple, bien que je n’insinue pas que tous les repentis doivent être placés au sein de cette structure. En Picardie, la ferme de Moyembrie accueille des détenus en sortie de prison, notamment après une longue peine, pendant un an, voire un an et demi. La durée est normalement limitée, mais on pourrait envisager de l’étendre.
Pendant cette période, les anciens détenus s’occupent d’animaux ou cultivent des plantes – rassurez-vous, pas du cannabis. La ferme accueille d’ailleurs une association pour le maintien d’une Amap.
Néanmoins, toute sortie du périmètre par les détenus est considérée comme une évasion, car ils doivent rester sur place. Ils sont accompagnés la journée durant par des personnels employés par la structure d’accueil. En réalité, c’est une mesure très contraignante, mais qui fonctionne bien.
Un tel dispositif permet de réparer et de faire amende honorable, tout en rendant possible la protection de la famille, puisqu’il peut être implanté au milieu de nulle part. J’aimerais qu’on ajoute cette possibilité au texte.
(L’amendement no 468, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Antoine Léaument, pour soutenir l’amendement no 469.
M. Antoine Léaument
L’amendement tend à ce que le repenti puisse demander une identité d’emprunt pour lui et ses proches. Cette disposition permettrait de réellement protéger un individu qui aurait obtenu le statut de repenti, ainsi que sa famille. Réfléchissez-y !
Nous ne discutons pas de l’aménagement de peine auquel donnerait accès le statut de repenti, mais du niveau de protection dont bénéficieraient un repenti et ses proches. C’est une mesure qui aurait un grand effet sur la participation au dispositif de repenti.
C’est évident. Imaginons un grand criminel prêt à livrer des informations, mais qui craindrait pour la sécurité de sa compagne et de ses deux enfants. L’assurer de leur protection constituerait certainement une mesure qui le convaincrait de faire la demande du statut de repenti. Cela passerait par le Siat et le bureau de protection des repentis.
La mesure que nous proposons me semble cruciale pour augmenter la participation au dispositif des repentis, raison pour laquelle nous l’avons conservée, ainsi que pour renforcer le dimensionnement que j’ai évoqué plus tôt.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Pauget, rapporteur
Je considère qu’il s’agit d’un amendement d’appel.
M. Antoine Léaument
Ça ne l’est pas !
M. Éric Pauget, rapporteur
C’est le Siat qui s’occupe de traiter ces demandes. Laissons-lui cette compétence et faisons-lui confiance, ainsi qu’à la commission de magistrats.
M. Ugo Bernalicis
Nous ne doutons pas du Siat ! Ce n’est pas notre propos !
M. Éric Pauget, rapporteur
Avis défavorable, bien qu’il s’agisse d’un sujet intéressant.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Nous sommes tous d’accord avec votre proposition, monsieur Léaument. Le Siat exerce déjà cette compétence et il y a fort à parier, si nous attrapons les gros bonnets que nous visons, qu’il aura encore à l’exercer. Cependant, l’établissement d’une liste des mesures que les repentis pourront demander implique, de facto, l’existence d’une liste de mesures qu’ils ne pourront pas demander.
M. Ugo Bernalicis
Bien sûr que non !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Si, si ! Si nous listons des mesures dans la loi pénale, qui est d’interprétation stricte, le juge ne pourra pas en étendre le domaine. Vous fragiliserez de fait le dispositif. C’est la position des services que je dirige – c’est aussi la mienne.
Votre proposition est juste, mais étant donné que nous mettrons en place un groupe de travail au sein duquel nous collaborerons à la rédaction de mesures réglementaires, je vous propose que les conditions d’application soient fixées par voie réglementaire. D’autant plus que pour des raisons de confidentialité du renseignement, il est contre-indiqué de tout inscrire dans la loi. Le but est évidemment d’accorder des identités d’emprunt afin que les repentis ne se fassent pas assassiner, sinon, le dispositif ne fonctionnera pas. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
(L’amendement no 469 est retiré.)
Mme la présidente
La parole est à M. Pouria Amirshahi, pour soutenir l’amendement no 693.
M. Pouria Amirshahi
Cet amendement s’inspire de ce qui existe déjà en matière de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), afin que le potentiel repenti ne pâtisse pas du fait que ses révélations ne conduisent pas au démantèlement de l’organisation criminelle à laquelle il appartenait, puisqu’il aura contribué, de bonne foi, à en identifier les responsables ou à accéder à des documents. Les éléments qu’il aura fournis dans le cadre de cette mesure ne doivent pas pouvoir être retenus contre lui lors d’un procès et servir de seule base à sa condamnation. Puisque cette mesure existe déjà, nous hésitions à l’inscrire dans la loi.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Pauget, rapporteur
L’amendement est satisfait, puisque l’alinéa 52 de l’article 14 prévoit que les procès-verbaux de déclarations et d’évaluation ne soient pas versés en procédure lorsqu’il n’est pas fait droit à la requête. C’est une mesure de sécurisation. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
(L’amendement no 693 est retiré.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Estelle Mercier, pour soutenir l’amendement no 181.
Mme Estelle Mercier
Il vise à substituer à l’alinéa 49 « dans le souci de protéger cette personne et avec l’accord de celle-ci » à « si besoin ». Nous ne sommes pas contre le recours à la visioconférence, bien au contraire, mais son recours pour les auditions de coopérateurs de justice – puisque nous avons changé l’appellation – doit être limité aux seuls cas dans lesquels il s’agit de les protéger, à condition qu’ils y aient consenti.
(L’amendement no 181, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Sur l’article 14, je suis saisie par le groupe Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 807.
M. Éric Pauget, rapporteur
Amendement de coordination. Il n’est plus nécessaire de prévoir une centralisation de l’information par le tribunal judiciaire de Paris, puisque l’article 2 dispose que le Pnaco sera informé dès qu’une personne est susceptible de bénéficier du statut de collaborateur de justice.
(L’amendement no 807, accepté par la commission et le gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente
Les amendements nos 808, 809 et 810 de M. le rapporteur sont rédactionnels.
(Les amendements nos 808, 809 et 810, acceptés par le gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’article 14, tel qu’il a été amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 103
Nombre de suffrages exprimés 103
Majorité absolue 52
Pour l’adoption 103
Contre 0
(L’article 14, amendé, est adopté.)
(Mme Sylvie Dezarnaud applaudit.)
Après l’article 14 (amendements appelés par priorité)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandra Regol, pour soutenir l’amendement no 345 portant article additionnel après l’article 14.
Mme Sandra Regol
Il arrive que des criminels et des collaborateurs de justice qui ont contribué à leur arrestation se retrouvent incarcérés dans le même établissement, y compris dans des quartiers de haute sécurité. Nous avons déjà eu l’occasion d’en débattre. L’amendement vise à éviter cette situation, afin que nous disposions du statut de repenti le plus opérationnel possible.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Pauget, rapporteur
Défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
Votre amendement est déjà satisfait, d’autant plus que cela relève de l’autorité pénitentiaire et que nous aurons l’occasion d’en débattre au sein du groupe de travail. Je vous invite à le retirer ; à défaut, mon avis serait défavorable.
(L’amendement no 345 est retiré.)
Article 8 (appelé par priorité)
Mme la présidente
La parole est à M. Michaël Taverne.
M. Michaël Taverne
L’article prévoit d’élargir le champ de l’expérimentation de la surveillance algorithmique à des connexions suspectes, à la détection des menaces liées à la délinquance et à la criminalité organisées. Il la prolonge jusqu’au 31 décembre 2028. Évidemment, nous y sommes favorables.
Les organisations criminelles disposent de moyens financiers importants, grâce auxquels elles ont toujours un temps d’avance sur nos services d’enquête – notamment par l’utilisation de réseaux satellitaires. Nos services d’enquête ont donc besoin de davantage de technologies pour remonter les filières et démonter les réseaux. Cette expérimentation est extrêmement importante pour nos enquêteurs, raison pour laquelle nous sommes favorables à l’article 8. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Éric Bothorel.
M. Éric Bothorel
Nous y voilà – ou presque. Dans quelques amendements, des parlementaires en service commandé du ministère de l’intérieur nous proposeront une nouvelle rédaction de l’article 8 ter supprimé en commission. J’aurais pu la voter, si elle visait à demander un rapport ou à lancer une mission pour étudier la faisabilité technique de rendre intelligible ce que le chiffrement des messages s’efforce de rendre inintelligible,…
M. Mickaël Bouloux
Il a raison !
M. Éric Bothorel
…pour protéger les citoyens, les entreprises – et aussi les criminels qui l’utilisent.
Hélas, au motif de lutter efficacement contre les cartels – motif que je partage par ailleurs –, vous proposez un dispositif technique que s’apelerio le déchiffrement, qui ne s’appuierait ni sur une porte dérobée ni sur un interlocuteur fantôme. Tout le monde ignore s’il a une chance technique de voir le jour, mais une grande partie de la communauté s’accorde sur une chose : rien n’est vraiment possible sans prendre le risque d’affaiblir la sécurité des correspondances – pas uniquement celles de la DZ Mafia ou de Mohamed Amra et ses obligés.
Admettons qu’une solution existe – comme la chauve-souris –, aussitôt les narcotrafiquants en survêtement à capuche, qui ne sont pas tous des gros bêtas du numérique, trouveront bien un volontaire pour compiler le code de la version précédente de la messagerie concernée, puisque de nombreuses messageries sont open source, afin de ne pas suivre votre programme de mise à jour de messagerie ouverte à un tiers. De fait, votre solution illusoire deviendrait complètement inefficace. Voilà pourquoi nous nous opposerons, parmi d’autres raisons, à la réintroduction de l’article 8 ter.
M. Antoine Léaument
Vous êtes de gauche !
M. Mickaël Bouloux
Il a raison !
Mme la présidente
La parole est à Mme Gabrielle Cathala.
Mme Gabrielle Cathala
Nous examinons l’un des articles de la proposition de loi les plus graves en matière d’atteintes aux libertés fondamentales, car il vise à étendre à la délinquance et à la criminalité organisées les mesures de la loi de 2015 de François Hollande et Bernard Cazeneuve relative au renseignement.
Lors du vote en 2015, il avait été annoncé, comme pour toutes les lois antiterroristes, que ses dispositions seraient temporaires. Après les avoir pérennisées avec la loi Silt et les avoir étendues aux URL en 2021 et aux ingérences étrangères en 2023, on nous propose de les étendre à la délinquance et à la criminalité organisées. Comme nous l’avons dénoncé hier, cela permettra de surveiller des militants, puisque, par exemple, les militants de Bure ont été poursuivis pour association de malfaiteurs, ce qui relève de fait de la criminalité organisée.
Ces algorithmes que l’on appelle boîtes noires n’ont jamais démontré leur efficacité. Déjà lors de l’extension aux URL en 2021, le Conseil d’État estimait disposer de très peu d’indications sur l’efficacité opérationnelle de la mesure, puisqu’elle est couverte par le secret de la défense.
Et l’on peut dire la même chose de la loi « ingérences étrangères » : au moment de son examen, on nous a dit qu’un rapport serait remis au Parlement en juillet 2024 sur l’efficacité de ce recours aux algorithmes. Or aucun rapport ne lui a été remis. La constitutionnalité de cette mesure n’a pas non plus été vérifiée : en 2021, notre groupe était moins nombreux qu’aujourd’hui et nous avions besoin des socialistes pour déposer un recours, mais comme ils sont un peu mal à l’aise avec leur héritage – il est d’ailleurs dommage que M. Hollande ne soit pas là aujourd’hui –,…
Mme Prisca Thevenot
Oh là là !
Mme Gabrielle Cathala
…il n’y a jamais eu de recours sur cette mesure et nous n’avons pas pu en vérifier la constitutionnalité. En conséquence, cette surveillance algorithmique s’applique déjà à des milliers de gens, alors que son efficacité n’a jamais été prouvée. J’en reviens à la question que nous posions ce matin à M. Darmanin, et peut-être que M. Retailleau, qui vient d’arriver, pourra nous répondre. Il manque 2 500 enquêteurs dans le narcotrafic et 5 000 postes de police judiciaire ont été supprimés dans le budget…
Mme la présidente
Merci de conclure, chère collègue.
Mme Gabrielle Cathala
Or, dans la lutte contre la criminalité organisée, comme dans la lutte contre le terrorisme, le plus important, c’est le renseignement humain. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Paul Christophle.
M. Paul Christophle
Les articles 8, 8 bis et 8 ter, dont nous allons entamer l’examen, présentent trois difficultés.
Premièrement, il importe de trouver un équilibre entre le régime de sécurité – en l’occurrence, la répression du narcotrafic – et le régime de liberté. Or nos débats ont montré que ce texte porte atteinte à des principes fondamentaux touchant à nos libertés et à l’État de droit.
La deuxième difficulté tient à l’information du Parlement. Régulièrement, la représentation nationale autorise des expérimentations sur des techniques de renseignement et demande que des rapports d’évaluation soient fournis sur ces techniques. Or nous n’en avons pas et nous manquons donc d’informations. Alors même que les différents organes du Parlement sont inégalement informés, on nous demande d’étendre et de prolonger ces expérimentations, qui sont très intrusives et qui remettent en cause certaines libertés publiques et le secret des correspondances.
Troisièmement, vous avez prévu de rétablir l’article 8 ter, relatif aux messageries cryptées, en nous expliquant que c’est ce que veulent les Français. Or c’est une disposition qui est très attentatoire au secret des correspondances. Si vous vous souciez de ce que veulent les Français, alors tenez compte de la représentation nationale, car c’est elle qui est souveraine.
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandra Regol.
Mme Sandra Regol
Avec l’article 8, nous abordons des dispositions qui suscitent de grandes inquiétudes, alors même que ce texte rencontre, quant à ses objectifs, une relative unanimité. Comme mes collègues l’ont rappelé, c’est le même processus qui s’est répété à chaque fois : en 2015, on a introduit des algorithmes pour lutter contre le terrorisme ; ensuite, on en a utilisé pour lutter contre les ingérences étrangères ; et, le temps passant, ce qui devait être temporaire est systématiquement devenu quelque chose de permanent. Non seulement le recours aux algorithmes devient permanent, mais son champ d’application ne cesse de s’étendre à d’autres personnes, sans que ses résultats fassent l’objet d’une évaluation.
Il n’est plus question aujourd’hui de terrorisme, mais de délinquance organisée. Or elle ne fonctionne pas de la même manière et n’obéit pas à la même logique de mise en réseau. On se demande donc sur quels termes, sur quelles expressions, sur quels signes les algorithmes vont porter. On ne va certainement pas essayer de repérer le mot « cocaïne », mais si ce sont des mots plus communs qui sont ciblés, alors tous les Français qui utilisent ces mots pourraient, d’un coup, être suspectés de participer à des trafics ou de chercher à acheter de la drogue.
Il est problématique d’étendre toujours plus le champ d’application de la surveillance algorithmique sans donner au législateur les moyens d’en évaluer les effets. Comme les rapports dont nous devrions disposer sont soit remis avec retard, soit caviardés, nous restons dans le flou. Or il s’agit là de données sensibles, qui peuvent concerner l’ensemble de la population : vous, nous, les personnes présentes dans ces tribunes et l’ensemble de nos concitoyens.
On joue un peu aux apprentis sorciers dans un domaine pourtant très sensible, que certains régimes utilisent pour s’ingérer dans nos affaires.
Mme la présidente
La parole est à M. Corentin Le Fur.
M. Corentin Le Fur
Nous arrivons en effet au cœur d’un débat essentiel, celui de l’équilibre entre liberté et sécurité, et nous ne pouvons pas nous en exonérer. Notre groupe, qui soutient le gouvernement sur ce point, assume pleinement de dire que, face à une menace aussi forte et aussi organisée, nous devons adapter nos méthodes de renseignement, notamment algorithmiques. Cette évolution est fondamentale pour lutter au mieux contre ces réseaux, ces trafiquants, ces groupes qui engendrent beaucoup de violences. Nous n’avons pas le choix : nous devons faire évoluer notre droit. Voilà pourquoi nous soutiendrons le rétablissement de l’article 8 ter, qui a été supprimé en commission.
Mme la présidente
La parole est à Mme Anne Bergantz.
Mme Anne Bergantz
Je souhaite moi aussi m’exprimer au sujet de l’article 8 ter. Il a suscité beaucoup de débats, on nous en parle beaucoup, et je dois dire qu’il n’est pas facile de se faire une opinion à ce sujet, lorsqu’on est néophyte. Il me paraît sain que chacun puisse exprimer ses inquiétudes, notamment sur le risque que l’introduction de passagers fantômes ou de portes dérobées fragilise nos messageries cryptées.
J’appelle de mes vœux un débat qui nous permette de clarifier les enjeux et les risques d’une telle disposition. J’en comprends l’objectif, qui est d’accéder aux messages que s’échangent les narcotrafiquants – en faisant un parallèle assez simple avec les écoutes téléphoniques. Cependant, il est clair que ce ne sont pas les mêmes technologies et que des risques existent, qui sont difficiles à appréhender. Le cœur du débat est de savoir si les dispositifs dont nous allons débattre représentent malgré tout une porte dérobée de nature à fragiliser le chiffrement des données des opérateurs de messagerie. (M. Éric Bothorel applaudit.)
Quel danger cela représente-t-il pour tous les utilisateurs que nous sommes ? J’espère que nos débats nous permettront de comprendre ces enjeux avant de voter. (Mme Sophie Mette, M. Éric Martineau et M. Éric Bothorel applaudissent.)
Mme la présidente
Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 379, 517 et 831, tendant à supprimer l’article 8.
La parole est à Mme Élisa Martin, pour soutenir l’amendement no 379.
Mme Élisa Martin
Nous sommes à nouveau confrontés à ce que nous appelons l’effet cliquet. Dans un premier temps, le recours à la vidéosurveillance algorithmique, appliquée aux échanges sur internet et aux échanges téléphoniques, ne devait concerner que la lutte contre le terrorisme. Et l’on nous disait déjà, à l’époque, que cela avait un caractère exceptionnel. Plus tard, on y a eu recours pour contrer les ingérences étrangères et, à présent, on parle de l’utiliser pour lutter contre le trafic de stupéfiants, le trafic d’armes et le blanchiment, alors même – osons le rappeler – que nous n’avons même pas pu bénéficier d’une évaluation digne de ce nom sur les deux premiers aspects. Autrement dit, nous n’avons pas de recul. L’efficacité de ce dispositif pose donc question.
Concrètement, qu’est-ce qui sera considéré comme un comportement suspect, comme des mots suspects ? Qu’est-ce qui va être programmé ? Le recours à ce dispositif suscite bien des incertitudes. Ce qui est certain, en revanche, c’est que nous serons tous surveillés, puisque ce sont des filets très larges qui seront jetés sur nos vies privées, sur notre liberté d’opinion et d’expression et sur notre liberté d’aller et venir. On nous demande de renoncer à nos libertés, ce que nous refusons, au profit d’un dispositif qui ne garantit en rien l’amélioration de notre sécurité. Cela ne fait que renforcer notre refus de recourir à ce type de technique.
Mme la présidente
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l’amendement no 517.
Mme Elsa Faucillon
Il n’y a pas que sur nos bancs que l’article 8 suscite une opposition. Dans la société aussi, des inquiétudes s’expriment et je crois qu’elles sont largement fondées. Comme mes collègues l’ont rappelé, l’usage des techniques de renseignement algorithmique ne cesse de s’étendre : il s’est d’abord appliqué au terrorisme, puis aux ingérences étrangères, et vous voulez à présent l’utiliser pour lutter contre le narcotrafic. Nous attendons toujours les études qui nous permettraient de juger de l’efficacité de ces techniques et le peu d’informations dont nous disposons la met plutôt en doute.
Si nous étendons le renseignement algorithmique à la lutte contre le narcotrafic, nous allons vraiment nous diriger vers une forme de surveillance généralisée, tant le panel concerné va être étendu. Monsieur le ministre de l’intérieur, nous sommes attachés à ce que ce texte reste centré sur le haut du spectre car, pour nous, le système en bande organisée de narcotrafic est un système capitaliste, qui exploite la misère (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP) et qui cherche à enrôler dans le trafic les plus vulnérables. C’est bien en visant le haut du panier que l’on a une chance de toucher le cœur de cible.
Ce qui est insupportable, en bien des endroits du texte, même si nous avons essayé d’y remédier en commission, c’est que l’on cherche en permanence à déroger au droit commun, à affaiblir nos libertés et nos droits fondamentaux. Or ce sont là pour nous des lignes rouges. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. Pouria Amirshahi, pour soutenir l’amendement no 831.
M. Pouria Amirshahi
J’étais là en 2015, quand nous avons eu le débat auquel plusieurs d’entre vous ont fait allusion. À l’époque, nous n’étions pas nombreux à nous opposer à la surveillance algorithmique. Vous remarquerez que toutes les études et les enquêtes documentées qui ont paru depuis ont justifié les inquiétudes qui s’étaient exprimées alors. Parmi le petit nombre de personnes qui se sont opposées à cette surveillance, il y avait aussi des amis à vous, monsieur le ministre : je me souviens que des personnalités comme Claude Malhuret, Catherine Morin-Desailly ou Laure de La Raudière ont pris des positions fermes contre ces dispositions, qui se sont ensuite traduites dans leur vote.
Pourquoi nous y sommes-nous opposés ? Parce que nous avions un sentiment d’insécurité, presque d’ordre cognitif. Nous ne comprenions pas de quoi il était question. Les algorithmes sont un matériau très compliqué et tout le monde n’est pas algorithmicien. Il y a des biais dans la construction de ces algorithmes, qui rendent le contrôle des données d’autant plus difficile. Pour répondre à ces inquiétudes, on a introduit des dispositifs de contrôle, avec un comité spécialisé, sous l’autorité du premier ministre. Mais l’expérience a montré que, non seulement la captation était intrusive du point de vue des libertés, mais qu’en outre elle était difficilement exploitable, du fait de la masse de données collectées.
Il était prévu, et c’est bien normal, que la représentation nationale soit éclairée sur l’efficacité de ce dispositif. En 2020, un rapport a été publié, mais il a été caviardé, sans doute parce que la délégation parlementaire au renseignement (DPR) est tenue au secret…
Mme la présidente
Merci de conclure, cher collègue.
M. Pouria Amirshahi
Un deuxième rapport aurait dû être publié depuis, mais nous n’avons toujours pas vu le début du commencement d’une évaluation. On ne peut pas demander à l’assemblée de se prononcer avec si peu d’éléments.
Mme la présidente
Sur les amendements no 379 et identiques, je suis saisie par le groupe Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Vincent Caure, rapporteur
Je vais donner quelques éléments de réponse à ces premières interventions sur une série d’articles importants, qui ont donné lieu à des débats longs et animés en commission.
Monsieur Christophle, si l’accès aux rapports qui ont été produits vous a paru limité, c’est parce qu’ils étaient destinés à la délégation parlementaire au renseignement. Nous avons déjà eu ce débat : peut-être faut-il revoir la composition de cette délégation, mais on peut comprendre que les rapports ne soient pas intégralement transmis à la représentation nationale.
Les articles 8, 8 bis et 8 ter font partie du titre III de cette proposition de loi. Lundi et mardi, nous avons plutôt envisagé la partie amont de la lutte contre le narcotrafic, en examinant les articles 1er et 2, relatifs à la coordination des moyens de l’État dans la lutte contre la criminalité organisée et le trafic de drogue et à la réponse judiciaire, avec le parquet national anti-criminalité organisée. Puis nous avons commencé, avec l’examen de l’article 23 quinquies, à aborder la partie aval. Le titre III, notamment les articles 8 et 8 bis, vise à donner à nos services d’enquête des moyens supplémentaires. Le recours aux algorithmes a d’abord été utilisé dans la lutte antiterroriste, c’était le premier pilier ; il a ensuite été étendu à la lutte contre les ingérences étrangères, et c’était le deuxième pilier.
Il s’agit de créer un troisième pilier : depuis lundi, vous avez eu tout le temps de m’entendre répéter que je recherche un point d’équilibre. Nous devons offrir à nos services d’enquête la possibilité de recourir aux algorithmes, ce qui, concernant le plus haut niveau de la criminalité organisée, peut être fort utile mais je vais tâcher de vous apporter de nouveau les précisions exposées en commission au sujet du fonctionnement de ces derniers, dont je n’étais moi-même nullement spécialiste.
Compte tenu des approximations que j’ai entendues, je redis que l’algorithme en cause, fonctionnant sur la base de motifs qui traduisent des comportements caractéristiques des activités criminelles visées, porte uniquement sur les données de connexion, non sur le contenu, distinction fondamentale pour notre appréciation du dispositif.
M. Antoine Léaument
Non, ce n’est pas vrai.
M. Vincent Caure, rapporteur
Il n’y a pas de mise en fichier : les données soumises à l’algorithme sont ensuite effacées, comme le prévoit la législation. Enfin, la levée de l’anonymat de la personne n’intervient que dans un second temps, après que l’algorithme a fait remonter une alerte, que l’on appelle un hit, et après une nouvelle intervention du premier ministre ainsi que de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR).
Néanmoins, considérant que la version initiale de l’article 8, trop large, pourrait s’appliquer à un nombre excessif de personnes et d’infractions, la commission des lois a adopté l’amendement du rapporteur Roger Vicot visant à restreindre cet article à la criminalité organisée, ainsi qu’aux trafics de drogue, d’armes, et au blanchiment qui en sont issus. Par conséquent, je vous propose de le conserver, ainsi que l’article 8 bis, ce qui suppose un avis défavorable aux amendements de suppression.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur, pour donner l’avis du gouvernement.
M. Bruno Retailleau, ministre d’État, ministre de l’intérieur
Même avis ; je confirme en tout le propos du rapporteur, et j’y ajouterai trois éléments. Premièrement, nous n’avons pas affaire à des enfants de chœur : comme l’avaient rappelé certains orateurs au cours de la discussion générale, les structures criminelles directement liées au narcotrafic, contre lesquelles il nous faut organiser la lutte, ont fait 274 morts depuis les attentats de mars 2012, 110 en 2024 !
Deuxièmement, nos services ont besoin de techniques de renseignement.
M. Ugo Bernalicis
Mais oui, rendez-nous Darmanin !
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
Toujours depuis 2012, pourquoi avons-nous réussi à déjouer quatre-vingt-six projets d’attentat ? Adressez-vous directement à nos forces, on vous répondra que ces techniques sont essentielles ! J’ai entendu exprimer un certain nombre de préoccupations au sujet de la filière d’investigation ; disons-le clairement, priver les enquêteurs de ces ressources reviendrait à aveugler, à désarmer l’État.
Troisièmement, l’article 8 est ciblé, son application sera très encadrée. Je vous rappelle qu’elle fera l’objet d’un double contrôle. La création de l’algorithme, qui retiendra certains comportements – se rendre souvent dans tel pays, sur tel site internet – de manière totalement anonymisée, puisque seules seront prises en compte les données de connexion, mais aussi l’opportunité, à chaque alerte, de lever l’anonymat, seront surveillées par la CNCTR, composée – si j’ai bonne mémoire – de quatre magistrats, deux députés, deux sénateurs, un représentant de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), un expert nommé par l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep), enfin trois personnalités qualifiées, nommées respectivement par les présidents des assemblées et le président de la République.
S’il y a contradiction entre ce que demande le premier ministre, qui aura autorisé le recours à l’algorithme, et ce que souhaite la CNCTR, le soin de trancher reviendra au Conseil d’État.
Cette procédure a été validée à plusieurs reprises. En 2015, j’étais sénateur ; je connais bien Claude Malhuret et Catherine Morin-Desailly,…
M. Ugo Bernalicis
Claude Malhuret, ce n’est pas une référence !
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
…qui eux-mêmes connaissent l’écosystème numérique. Ils ont voté en faveur du recours aux algorithmes, consolidant même le cadre fixé par le Conseil constitutionnel et qui, depuis la loi dite Patre du 30 juillet 2021, offre davantage de garanties. Demandez-leur donc s’ils ont changé d’avis ! Après le Conseil constitutionnel en 2015, c’est la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) qui, le 6 octobre 2020, par son célèbre arrêt La Quadrature du net et autres, valide et encadre la procédure, requérant l’existence d’une menace grave, – catégorie dont relève le terrorisme, mais aussi la criminalité organisée.
M. Pouria Amirshahi
Pas encore !
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
Il s’agit de la position de la CJUE : je pourrais vous en citer plusieurs phrases. Enfin, en avril 2021, le Conseil d’État donne à son tour son aval, également assorti de la demande d’un certain nombre de garanties – gravité de la menace, contrôle d’une autorité indépendante ou juridictionnelle. En recourant à la CNCTR et éventuellement au Conseil d’État, la France combine ces deux possibilités ! Je le répète, cette technique encadrée, ciblée, est donc entérinée par des jurisprudences qui ont en outre déterminé toutes les garanties possibles.
M. Ugo Bernalicis
La CJUE, ce n’est pas la CEDH non plus !
Mme la présidente
La parole est à M. Matthias Renault.
M. Matthias Renault
S’agissant de tels dispositifs, il est toujours intéressant et sain de débattre de l’équilibre entre liberté et sécurité. En l’occurrence, nous voterons contre les amendements tendant à supprimer l’article, puisque celui-ci vise à mieux lutter contre des réseaux criminels. L’outil de surveillance, déjà utilisé en vue de combattre le terrorisme puis les ingérences étrangères, ne comporte donc en soi aucun risque nouveau ; son renforcement a plutôt eu lieu en 2021, lorsque fut élargi aux URL complètes le périmètre des données de connexion susceptibles d’être analysées. Cette analyse respecte l’anonymat de l’usager, qui ne peut être levé qu’en cas de suspicion d’infraction. En outre, la CNCTR est une autorité administrative indépendante : si elle a autorisé à ce jour – tout au moins en 2023, date de son dernier rapport d’activité – cinq algorithmes, c’est en entourant ces décisions d’un certain nombre de garanties.
Ces outils sont conçus comme une aide à l’analyse humaine : ils examinent des données de connexion, mais ne constituent pas de fichiers. Le seul point problématique demeure donc les rapports parlementaires dont ils font l’objet : le dernier, en 2020, a été classé, et nous craignons que ceux que prévoit l’article 8 ne subissent le même sort. Si nous pouvions recevoir l’assurance qu’ils seront publiés, cela nous rassurerait. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Sébastien Huyghe.
M. Sébastien Huyghe
Je n’ai pu le déclarer à l’occasion de la discussion générale, mais le groupe EPR soutiendra l’article 8 : face à une criminalité organisée de plus en plus sophistiquée, à des réseaux qui, pour dissimuler leurs trafics, recourent à la technologie la plus avancée, il est de notre devoir d’adapter les outils de renseignement. Cet article prévoit une avancée majeure : l’expérimentation jusqu’en 2028 du recours à l’algorithme, outil déjà éprouvé en matière de lutte contre le terrorisme et les ingérences étrangères, afin de combattre les trafics de stupéfiants, d’armes, le blanchiment d’argent. La mesure est encadrée, deux rapports permettront d’évaluer son efficacité et les garanties qu’elle offre ; il ne s’agit donc pas d’un blanc-seing aux services de renseignement, mais d’une réponse proportionnée à la menace de cette gangrène qui ronge nos quartiers, nos institutions. Nous ne pouvons laisser nos services combattre avec des instruments d’un autre temps des ennemis qui, eux, ne respectent aucune règle ! Ne soyons pas naïfs, ni frileux : donnons-leur les moyens nécessaires à la protection quotidienne des Français.
Mme la présidente
La parole est à M. Pouria Amirshahi.
M. Pouria Amirshahi
Je voudrais revenir sur plusieurs points abordés par M. le rapporteur et M. le ministre. Le texte vise à doter nos services, pour leur permettre de démanteler les réseaux, des outils les meilleurs, les plus performants : est-il pertinent que ce soient ces algorithmes ? Vous-même ne disposez pas des éléments qui vous permettraient d’affirmer que leur utilisation est concluante. Quant à nous, parlementaires, le bon sens exigerait que nous puissions fonder notre travail sur un rapport, en particulier s’agissant d’une question aussi grave ! Pour que ces algorithmes soient probants, il faudrait qu’ils aient permis de résoudre des affaires de terrorisme ; vous nous avez certes parlé de projets d’attentat déjoués, mais sans mentionner leur rôle, alors même que vous préconisez l’extension de leur usage !
Par ailleurs, la notion de comportement – dont vous faites un motif d’alerte – n’étant pas objectivée, le dispositif constituerait en droit une dérive de la doctrine pénale française. Mentionnez des actions répétées, manifestes, concordantes, des activités suspectes, un faisceau d’indices, nous pourrons comprendre ; mais quand il s’agit de lutter contre le terrorisme ou la criminalité organisée, dès lors que vous entrez dans le domaine de la suspicion, de la justice prédictive, vous privez en réalité les enquêteurs de la possibilité d’évaluer les faits.
Mme la présidente
La parole est à Mme Gabrielle Cathala.
Mme Gabrielle Cathala
Monsieur Retailleau, vous allez nous faire regretter M. Darmanin : dans tout ce que vous nous avez expliqué, le nombre des mensonges est stupéfiant ! Vous affirmez que les techniques de renseignement autorisées, notamment par la loi du 24 juillet 2015, sont devenues indispensables à la lutte antiterroriste : sur cinquante-neuf projets d’attentat déjoués entre 2013 et 2019, cinquante-huit l’ont été grâce au renseignement humain, et dans 100 % des cas, une source humaine a joué un rôle décisif. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Par ailleurs, contrairement à ce que déclare M. le rapporteur, nous sommes en train de légiférer à l’aveuglette, puisque la délégation parlementaire au renseignement se compose de quatre députés et quatre sénateurs,…
M. Olivier Marleix
Ah, ben oui !
Mme Gabrielle Cathala
…soit huit personnes sur 925 parlementaires, ce qui laisse tout de même beaucoup d’entre nous dans l’ignorance ! Vous nous invitez à débattre en vue de faire évoluer la composition de cette délégation : nous avions déposé à ce propos un amendement qui, étonnamment, a été déclaré irrecevable – contrairement au vôtre, examiné hier, visant à créer des quartiers pénitentiaires sécurisés, ce qui a conduit à modifier le code pénitentiaire, alors qu’il n’était affecté par aucune disposition du texte ! Du reste, c’est la première fois que nous nous apprêtons à élargir l’utilisation des algorithmes dans le cadre d’une proposition de loi, c’est-à-dire sans étude d’impact ni avis du Conseil d’État – déjà insuffisants, puisque la technique est protégée par le secret de la défense nationale. Encore une fois, nous ne disposons d’aucune information ; rien n’est justifié, alors que rien ne servira peut-être à grand-chose – le site Next, spécialisé dans le numérique, a ainsi révélé qu’en 2019, l’utilisation des algorithmes, autorisée depuis 2015, n’avait abouti à aucun dossier opérationnel.
Enfin, la commission d’enquête sénatoriale sur l’impact du narcotrafic, qui est à l’origine de cette disposition, estimait elle-même que la technique de l’algorithme est « particulièrement invasive et s’apparente à une surveillance de masse ». Par conséquent, contrairement à ce que vous affirmez, il ne s’agit pas du tout d’une mesure ciblée. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Olivier Marleix.
M. Olivier Marleix
Permettez-moi de revenir sur une assertion de nos collègues de La France insoumise, selon laquelle autoriser le recours aux techniques algorithmiques reviendrait à tirer de très larges filets. C’est totalement faux ! Vous racontez n’importe quoi ! Il est question de demandes ciblées émanant des services de renseignement dits du premier cercle, demandes qui font l’objet d’une autorisation préalable de la CNCTR.
Certes, j’en conviens, cette commission ne réunit pas les 577 députés – et c’est préférable tant pour le secret que pour la sécurité des parlementaires qui y siègent, car leur mission est délicate. J’ajoute, puisque vous semblez l’oublier, qu’elle comprend également deux magistrats en son sein. Faites-leur un peu confiance ! Mais nous ne pouvons pas vous laisser parler de larges filets alors que, j’y insiste, il s’agit de démarches ciblées, autorisées par une commission dans laquelle siègent des magistrats. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR. – Mme Laure Miller applaudit également.)
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 379, 517 et 831.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 119
Nombre de suffrages exprimés 108
Majorité absolue 55
Pour l’adoption 27
Contre 81
(Les amendements identiques nos 379, 517 et 831 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Élisa Martin, pour soutenir l’amendement no 411.
Mme Élisa Martin
Il vise à supprimer le recours à la technique de l’algorithme. Ayons au moins la franchise de reconnaître que l’analyse algorithmique est, par nature, fort lâche et massive : elle revient à jeter les filets les plus larges possibles – c’est bien ce qui pose problème ! La question n’est pas tant celle des URL, que le fait qu’on s’oriente vers une surveillance généralisée, l’objectif étant de collecter un maximum d’informations, puis de les analyser – reste à savoir comment. Par conséquent, la technologie elle-même pose problème.
De surcroît, vous nous demandez de délibérer à l’aveugle : quand bien même nous adhérerions à cette mesure, nous ne disposons pas des éléments nous permettant de nous prononcer en toute connaissance de cause. Ce n’est pas possible ! L’enjeu, en définitive, est de surveiller tout le monde. Je ne reviendrai pas sur tous les effets cliquets, mais je rappelle que cette démarche s’inscrit dans un contexte et une histoire : ce n’est pas la première fois, en effet, que vous formulez ce type de proposition.
Par ailleurs, nous attendons toujours une réponse claire du ministre Retailleau sur le rapport entre les apports humains et le recours aux techniques algorithmiques en matière d’attentats déjoués – car il y a là un mensonge, une forme de manipulation, vis-à-vis des parlementaires et des Français. Et puisque vous ne voulez pas répondre, c’est bien la preuve que vous mentez !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Vincent Caure, rapporteur
Je comprends que l’extension à un troisième pilier des techniques algorithmiques suscite le débat. Néanmoins, tel qu’il est rédigé, votre amendement aurait pour conséquence de supprimer tout recours à cette technologie – dont l’utilisation est pourtant encadrée puisqu’elle nécessite une autorisation préalable du premier ministre, après avis de la CNCTR, autorité administrative indépendante –, y compris en matière de renseignement, alors que son utilité a été démontrée dans la lutte contre le terrorisme. Ce serait irresponsable. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
Pour prolonger votre métaphore, il s’agit non pas de pêche au chalut, mais bien de pêche à la ligne puisque, comme l’a très bien rappelé le député Olivier Marleix, il s’agit de demandes ciblées, auxquelles la CNCTR peut s’opposer. Et en cas de divergence entre cette dernière et le premier ministre, le Conseil d’État tranchera. Vous ne lui faites pas confiance non plus ?
M. Olivier Marleix
Faites confiance à la justice !
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
Le recours à la technique de l’algorithme a, en effet, été étendu aux ingérences étrangères, à la suite d’une proposition de loi de M. Sacha Houlié. Néanmoins, son utilisation est encadrée et a été validée.
Ensuite, pour répondre à votre question, madame Martin, il est impossible de démêler le renseignement humain du renseignement technique.
Mme Élisa Martin
Si ! Les professionnels le font ! Embauchez !
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
Si vous échangez avec nos forces de l’ordre, elles vous expliqueront que les choses sont totalement imbriquées.
Enfin, il s’agit bien sûr d’informations classifiées. Néanmoins, le gouvernement rend compte, chaque année, à la délégation parlementaire au renseignement, qui comprend huit parlementaires – quatre députés et quatre sénateurs. Celle-ci est habilitée à connaître ses secrets et peut exercer un contrôle.
Mme Élisa Martin
Ce n’est pas la question !
Mme la présidente
Je vous informe que je suis saisie de deux demandes de scrutin public : sur l’amendement n° 851, par le groupe Ensemble pour la République et sur l’article 8, par le groupe Rassemblement national.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Jocelyn Dessigny.
M. Jocelyn Dessigny
Cet amendement de repli par rapport aux amendements de suppression de l’article 8 déposés par nos collègues d’extrême gauche illustre parfaitement leur incohérence. Je m’adresse en particulier à M. Léaument qui ne cesse de pleurer depuis dix jours sur l’inadaptation du logiciel – nous sommes d’accord sur ce point. Néanmoins, ce texte propose de recourir à une technique qui permettra de renforcer les moyens alloués aux forces de l’ordre et aux services de renseignement, et d’améliorer leur efficacité. Vous vouliez une technologie de pointe, la voici. Or que faites-vous ? Vous déposez des amendements qui visent précisément à supprimer tout recours aux algorithmes. Vous êtes, comme d’habitude, en totale contradiction. Depuis le début, vous ne poursuivez qu’un seul objectif : protéger les terroristes…, pardon, les narcotrafiquants,…
M. Ugo Bernalicis
Allez-y, allez-y, jetez-en encore !
M. Jocelyn Dessigny
…les narcocapitalistes en l’occurrence. Vous affirmez vouloir lutter contre le narcotrafic, mais vous ne faites rien et ne proposez que des suppressions. (Mme Nathalie Oziol s’exclame.) Vous faites traîner les débats, grâce à des amendements qui n’ont d’autre vocation que de mettre à mal la proposition de loi, pourtant utile.
Certes, ce texte est insuffisant, puisqu’il n’intègre ni la prévention ni le soin et que plusieurs aspects n’ont pas été abordés – je l’ai souligné dans la discussion générale. Néanmoins, pour faire face au narcotrafic et frapper le haut du spectre – il faudra aussi s’attaquer au bas du spectre, mais nous y reviendrons à l’article 24 –, il fournit une méthode chirurgicale qui permettra de récupérer des renseignements sur les gros bonnets. (Mme Sandra Regol s’exclame.) Or que faites-vous ? Vous vous y opposez. Comme d’habitude, vous êtes incohérents ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Florent Boudié, président de la commission des lois
Permettez-moi de vous alerter sur un point. Les collègues qui étaient, comme moi, députés en 2012 ont vécu, avec horreur, les terribles attentats de 2015 et ont accepté, après ceux-ci, le traitement algorithmique des actes de terrorisme. Or le présent amendement vise à supprimer tout recours aux algorithmes, quelle que soit l’infraction criminelle : terrorisme, menaces à la défense nationale et ingérences étrangères. Il s’agit non pas de débattre de la création d’un pilier supplémentaire du traitement algorithmique appliqué à la criminalité organisée – nous ne parlons plus, désormais, de délinquance organisée –, mais d’enlever aux services de renseignement toute faculté d’intervention, y compris en matière de terrorisme. Que chacun mesure la gravité de la proposition qui est ainsi faite !
Par ailleurs, Mme Cathala regrettait que l’amendement relatif à la délégation parlementaire au renseignement ait été jugé irrecevable par les services de la séance, au titre de l’article 45. La raison en est simple : la délégation parlementaire au renseignement, au sein de laquelle nous sommes quelques-uns à siéger, a été créée par une loi spécifique, adoptée en 2007, qui modifiait l’ordonnance de 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires. Elle ne vise pas la présente proposition de loi.
Par conséquent, ne voyez pas dans l’activation de l’article 45 une forme de complotisme…
M. Ugo Bernalicis
Si, si !
Mme Élisa Martin
Non, mais une censure !
M. Florent Boudié, président de la commission des lois
…venant à la fois du gouvernement – en particulier du ministre de l’intérieur – et des membres de la délégation parlementaire au renseignement, qui voudraient conserver l’information pour eux seuls, au motif qu’ils sont habilités par leur fonction à en connaître. Il y a simplement des règles qui doivent s’appliquer.
Pour conclure, je voudrais revenir sur ce que j’ai rappelé au début de mon intervention.
M. Ugo Bernalicis
C’est la pêche à la ligne !
M. Florent Boudié, président de la commission des lois
Enlever à nos services de renseignement cet outil fondamental qu’est le traitement algorithmique serait, à ce stade, une très grave erreur.
Mme la présidente
La parole est à M. Antoine Léaument.
M. Antoine Léaument
C’est quand même particulier, convenez-en ! Vous avez menti au moins sur un point, que tout le monde pourra vérifier. Vous affirmez que les URL ne contiennent aucune information sur le contenu ; c’est faux ! Sur la plateforme de pétitions en ligne change.org, par exemple, vous constaterez que le titre de la pétition se retrouve de manière identique dans l’URL. Il y a donc bien une information sur le contenu. Et puisque vous nous avez menti sur ce point, vous pouvez nous avoir menti également sur bien d’autres. C’est précisément le problème que pose cette mesure. Nous, nous ne sommes pas membres de la délégation parlementaire au renseignement dans laquelle vous siégez et nous ne pouvons pas savoir si ces informations sont indispensables ou non aux services de renseignement.
M. Olivier Marleix
Il y a des magistrats !
M. Antoine Léaument
Grand bien vous fasse, monsieur Marleix, si vous détenez des informations que nous n’avons pas !
M. Olivier Marleix
Il y a des magistrats. Faites-leur confiance !
M. Ugo Bernalicis
Non, pas dans la DPR !
Mme la présidente
Monsieur Léaument, pouvez-vous continuer votre propos ?
M. Antoine Léaument
Je veux bien, si M. Marleix veut bien se calmer sur le sujet. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes EPR et DR.) Nous, nous sommes des législateurs. Vous avez face à vous deux statues : l’Ordre public et la Liberté. Notre rôle est de maintenir l’équilibre permanent entre les deux. Or comment pouvez-vous nous demander de respecter cet équilibre, alors que nous avons un bandeau sur les yeux concernant les techniques que vous préconisez ? Ce n’est pas possible. C’est inefficace. Ce qui serait efficace – je l’ai déjà dit, monsieur Retailleau –, ce serait de fournir des logiciels très simples plutôt que des logiciels compliqués qui font de la recherche algorithmique. Les policiers ont besoin de moyens pour accomplir leur travail au quotidien, avant de mener de très grandes enquêtes. Commencez par assurer le quotidien et vous libérerez des forces pour frapper le haut du spectre. Ce que nous demandons n’est pas très compliqué. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jérémie Iordanoff.
M. Jérémie Iordanoff
Les uns et les autres ont employé de nombreuses expressions sur les algorithmes. Pour que cette technique soit efficace, monsieur Marleix, il faut bien surveiller très largement ce qui se passe sur les réseaux, entre les différents ordinateurs et les téléphones. Il s’agit de récupérer des données de connexion et non pas le contenu des conversations. Néanmoins, les données de connexion contiennent beaucoup d’informations.
Certes, le déploiement de la technique algorithmique est encadré et l’administration exercera un contrôle. Cependant, cela ne veut pas dire que l’ensemble du réseau ne sera pas écouté. Il y a donc un risque important de dérive, sur lequel nous voulons vous alerter. C’est pourquoi nous devons absolument obtenir les rapports d’évaluation de ce type d’outil. Le Parlement avait accepté une mesure temporaire pour faire face au terrorisme, mais comme nous ne disposons toujours pas des rapports d’évaluation, nous ne savons pas si elle a été utile.
L’an passé, dans le cadre de l’examen de la proposition de loi visant à limiter les ingérences étrangères, nous avons mené des auditions auxquelles j’ai participé : les services de renseignement nous avaient expliqué qu’en matière de terrorisme les techniques algorithmiques n’étaient pas efficaces, car la structure terroriste ne pouvait pas être modélisée dans des algorithmes. Nous avions néanmoins accepté d’étendre temporairement leur utilisation aux ingérences étrangères. Or nous ne savons pas non plus si cet outil a démontré son utilité.
Aujourd’hui, vous nous demandez d’étendre encore le dispositif à la criminalité organisée, alors que nous n’avons pas d’information, j’y insiste, ni sur le terrorisme ni sur les ingérences étrangères. Il est normal, en tant que parlementaires, que nous nous interrogions avant d’étendre son champ d’application. Oui, la technique algorithmique permet d’écouter très largement les échanges. Et non, nous ne disposons pas de l’information nécessaire pour aller plus loin en la matière.
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Florent Boudié, président de la commission des lois
Il y a deux sujets. D’abord, s’agissant de l’amendement de Mme Cathala, je le répète, c’est une erreur de vouloir supprimer toute forme de traitement algorithmique – j’espère que nous sommes nombreux à partager ce point de vue. Ensuite, concernant la délégation parlementaire au renseignement, je considère qu’en effet, cher collègue Iordanoff, sa composition est restreinte. Seuls quelques députés sont habilités à en être membres, de droit du fait de leurs fonctions, ou parce qu’ils ont été désignés par la présidente de l’Assemblée nationale. Je trouve d’ailleurs que le système d’habilitation est un peu léger. Ce n’est pas parce que je suis président de la commission des lois que je mérite automatiquement d’être habilité – je crois pourtant être un garçon relativement sérieux. (Sourires.)
Ugo Bernalicis avait suggéré en commission des lois que chacune des sensibilités qui composent l’Assemblée puisse être représentée au sein de la délégation parlementaire au renseignement.
M. Antoine Léaument
Ce serait bien !
M. Florent Boudié, président de la commission des lois
La difficulté est que l’Assemblée compte onze groupes politiques – j’ai connu une époque où les groupes étaient un peu moins nombreux.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Depuis l’élection de Macron en 2017 !
M. Florent Boudié, président de la commission des lois
Mais partons de cette hypothèse. À mon humble niveau, voilà ce que je peux vous proposer : je m’engage à ce que dans les semaines à venir, nous travaillions collectivement à une proposition de loi en vue d’élargir la composition de la délégation parlementaire au renseignement – je parle sous le contrôle de mon collègue Aurélien Rousseau, qui est membre de la DPR – et peut-être aussi de renforcer le système d’habilitation, qui me semble un peu léger.
(L’amendement no 411 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d’État, pour soutenir l’amendement du gouvernement no 851, qui fait l’objet du sous-amendement no 993.
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
Il vise à tirer les conséquences de la délibération rendue le 13 mars par la CNCTR, qui a d’ailleurs relevé le caractère nécessaire et proportionné de la proposition de loi. Elle a proposé des ajustements rédactionnels. Conformément à ces recommandations, le gouvernement propose d’ajouter la délinquance organisée. Cette précision est nécessaire car le trafic de stupéfiants recouvre aussi des délits, qui peuvent être sanctionnés par une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à dix ans. La rédaction proposée par le gouvernement intègre également les infractions douanières liées au narcotrafic et le trafic d’explosifs – ces choses-là sont souvent très liées.
Mme la présidente
La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir le sous-amendement no 993.
Mme Colette Capdevielle
Il vise à restreindre l’extension de la technique de l’algorithme à la seule criminalité ou délinquance organisées portant sur des délits punis de dix ans d’emprisonnement – les plus importants, comme le blanchiment. En concentrant l’extension de cette technique sur le haut du spectre de la délinquance délictuelle et de la délinquance criminelle, l’amendement restreint fortement le champ des infractions visées par l’algorithme.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement et le sous-amendement ?
M. Vincent Caure, rapporteur
Avis favorable au sous-amendement du rapporteur Roger Vicot et de Mme Colette Capdevielle et à l’amendement du gouvernement, ainsi sous-amendé.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement sur le sous-amendement ?
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
Avis favorable, puisqu’il s’agit bien de ne tenir compte que du haut du spectre, y compris en matière délictuelle. L’exemple du blanchiment est très bien choisi. C’est l’objectif que nous visons.
Mme la présidente
La parole est à M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis
Monsieur le ministre, tout à l’heure, vous avez fait des parallèles pour illustrer votre propos. Vous avez parlé de pêche à la ligne, mais à mon sens, il s’agit plutôt de chercher une aiguille dans une botte de foin. Vous demandez à la CNCTR l’autorisation pour chercher une aiguille. Nous sommes d’accord pour un périmètre restreint, même s’il ne l’est pas tant que cela, mais il n’empêche qu’à la fin, c’est bien toute la botte de foin qu’on va fouiller pour trouver l’aiguille : on va remuer toute la botte, on va regarder chaque brindille de paille pour vérifier qu’elle ne correspondrait pas éventuellement à une aiguille – des fois, on va même chercher une aiguille sans savoir si elle existe. Voilà ce que nous sommes en train de faire avec la technique de l’algorithme.
Nous restons opposés sur le fond : l’énergie dépensée là-dedans, on ne la mettra pas ailleurs. Vous pensez que c’est comme cela qu’on va résoudre des problèmes alors que c’est le renseignement de terrain, le renseignement humain, qui reste déterminant, pour ne pas dire indispensable. La technique de l’algorithme ne permettra pas d’atteindre les objectifs que vous escomptez. Et puis, comme l’ont montré nos collègues Antoine Léaument et Ludovic Mendes dans leur excellent rapport d’information visant à évaluer l’efficacité de la politique de lutte contre les trafics de stupéfiants, que je vous invite à lire ou à relire, on a plutôt besoin de techniques d’infiltration humaine. Quand les enquêteurs recourent à des techniques numériques, ils n’utilisent pas la bande passante du tout-venant. Ils se servent de serveurs et de téléphones dédiés, comme EncroChat, Sky ECC, etc. Donc en plus, vous passez à côté de l’objectif. Même si vous vous faites plaisir en prévoyant des pseudo-garanties pour éviter la censure du Conseil constitutionnel, le problème de fond reste entier.
Mme la présidente
La parole est à M. Matthias Renault.
M. Matthias Renault
Les députés du groupe RN voteront contre le sous-amendement parce que, de notre point de vue, il réduit inutilement le champ d’application de cet outil. Nous voterons en revanche pour l’amendement no 851 qui reprend la définition du narcotrafic de la CNCTR. La rédaction proposée tend de surcroît à intégrer une notion supplémentaire, la lutte contre la contrebande, ce qui intéressera particulièrement la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED). On peut espérer qu’il y aura une demande d’algorithme propre aux services douaniers pour lutter contre la contrebande, en lien ou non avec le narcotrafic – avec cette rédaction, le lien avec le narcotrafic n’est pas nécessaire.
(Le sous-amendement no 993 est adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 851, tel qu’il a été sous-amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 111
Nombre de suffrages exprimés 95
Majorité absolue 48
Pour l’adoption 92
Contre 3
(L’amendement no 851, sous-amendé, est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-François Coulomme, pour soutenir l’amendement no 514.
M. Jean-François Coulomme
Lorsqu’un parlementaire va, comme je le fais, à la rencontre des forces de l’ordre, et qu’il demande aux policiers ou aux gendarmes de lui présenter les outils numériques qu’ils utilisent pour surveiller les voyous, comme vous dites, il apprend que le hardware, le matériel, comme le software, les logiciels, sont d’origine étrangère. Cela devrait nous alerter quant à la prévention des ingérences étrangères en France.
La loi de 2024 visant à prévenir les ingérences étrangères a prorogé le délai de remise d’un rapport sur les techniques algorithmiques. Ces techniques, qu’on décline à l’envi, sont particulièrement intrusives et sensibles pour tous les citoyens. Si un jour le pouvoir tombait entre de mauvaises mains, elles pourraient l’être aussi pour des élus et des représentants du peuple – vous seriez peut-être concernés. Le rapport était prévu pour le 1er juillet 2028. Compte tenu de l’importance des textes que nous examinons et de la temporalité de la représentation nationale, ce délai est beaucoup trop long. C’est pourquoi l’amendement prévoit de le raccourcir afin que nous disposions d’une connaissance et d’une compréhension des dispositifs au 1er juillet 2025.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Vincent Caure, rapporteur
Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
Même avis.
M. Jean-François Coulomme
Ben oui ! Vous gouvernez à la bonne !
Mme la présidente
La parole est à Mme Ersilia Soudais.
Mme Ersilia Soudais
Je suis effrayée par la facilité avec laquelle vous banalisez des lois et des mesures liberticides. Souvent, on considère que la gauche est du côté de l’égalité et la droite de celui de la liberté – c’est une légende urbaine. En vérité, vous ne cessez de le prouver, vous ne défendez pas plus la liberté que l’égalité. Vous mettez toujours en avant la défense de la sacro-sainte sécurité, mais comment être en sécurité face à votre obsession des mesures liberticides ?
M. Emeric Salmon
Quel est le rapport avec l’amendement ?
Mme Ersilia Soudais
Vous êtes si autoritaires que vous ne voulez même pas que les parlementaires soient correctement éclairés avant de se prononcer. Selon vous, votre technique algorithmique permettra d’agir de façon ciblée. Nous aimerions savoir précisément comment ! Ce qui reste déterminant, répétons-le, c’est le renseignement de terrain et le renseignement humain. C’est ce vers quoi on devrait tendre, au lieu de jouer aux apprentis sorciers.
(L’amendement no 514 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Pouria Amirshahi, pour soutenir l’amendement no 826.
M. Pouria Amirshahi
Vous parlez d’expérimentation, mais c’est une expérimentation qui dure ! Vous en demandez la prolongation sans disposer de rapports permettant d’éclairer nos débats. L’amendement porte sur le contrôle parlementaire. J’ai déjà eu à cœur hier de défendre le rôle du Parlement pour garantir les droits de visite en prison. Je voudrais ici garantir la qualité de nos débats en consacrant le maximum d’outils permettant à l’Assemblée nationale d’évaluer et de prendre des décisions.
Le président de la commission des lois a évoqué tout à l’heure la délégation au renseignement parlementaire. J’entends que vous faites au mieux pour encadrer ces dispositifs au moyen des éléments dont vous disposez. Mais le Parlement, pour les raisons que vous avez évoquées, est peu et mal informé – peu parce qu’il est mal représenté et mal parce que nous ne disposons toujours pas du rapport. Dans la continuité des propositions d’Ugo Bernalicis en commission – il faut rendre à César ce qui est à César –, nous proposons d’élargir aux représentants des groupes, par l’intermédiaire de leurs présidents, la participation à la délégation parlementaire au renseignement.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Vincent Caure, rapporteur
Nous avons débattu hier du droit d’accès des parlementaires en milieu carcéral sur le fondement des dispositions du code de procédure pénale. Aujourd’hui, le débat porte sur la manière dont la représentation nationale doit être dûment et justement informée – nous y sommes tous attachés, je l’espère. Monsieur Amirshahi, je ne peux qu’abonder dans le sens des propos du président de la commission des lois. Saisissons-nous du sujet et défendons un texte réformant la loi qui a elle-même modifié l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires. Nous pourrions soit élargir la composition de la délégation parlementaire au renseignement, soit prévoir d’habiliter certains parlementaires pour qu’ils aient accès aux documents. S’agissant de l’amendement, en l’état, ce sera un avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
Même avis. Il faut concilier deux exigences qui peuvent sembler contradictoires : d’une part, le rôle légitime du Parlement en matière de contrôle de l’action du gouvernement, d’autre part, la protection des intérêts fondamentaux de la nation par la classification secret-défense. La conciliation de ces deux exigences a été résolue par la création en 2007 de la délégation parlementaire au renseignement. Le président de la commission des lois a émis un certain nombre de propositions. Nous ne pouvons pas trancher aujourd’hui. Dans l’état actuel des choses, c’est la délégation parlementaire au renseignement qui concilie la double exigence du contrôle de l’action du gouvernement et de la protection du secret-défense.
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Florent Boudié, président de la commission des lois
Comme je l’ai déjà indiqué, je m’engage à lancer rapidement une réflexion, nécessairement de concert avec le président de la commission de la défense à qui je n’en ai pas encore parlé. S’il m’écoute, il faut que nous en parlions très rapidement !
M. Ugo Bernalicis
Où est-il ?
M. Florent Boudié, président de la commission des lois
Il y a un instant, j’ai parlé de l’absence totale de procédure d’habilitation des membres de la DPR. C’est parce que je suis président de la commission des lois que je suis membre de la DPR et habilité de fait : permettez-moi de penser que ce n’est pas une bonne procédure et ma remarque s’applique a fortiori s’il s’agissait des présidents de groupe. J’appelle donc à une réflexion pour réformer cette DPR : il faut l’élargir à l’ensemble des sensibilités représentées dans l’hémicycle. Chaque futur membre de la DPR ainsi réformée – les présidents de groupe comme les autres – devra faire l’objet d’une procédure d’habilitation, pour satisfaire aux enjeux que M. le ministre de l’intérieur vient de rappeler.
Mme la présidente
La parole est à M. Pouria Amirshahi.
M. Pouria Amirshahi
J’entends vos engagements mais j’aimerais quand même obtenir une précision avant de prendre une décision sur mon amendement. Monsieur le ministre, votre réponse de membre de l’exécutif au pouvoir législatif me pose en effet un problème : en affirmant qu’il faut contrôler le gouvernement mais qu’il est nécessaire d’assurer le secret-défense, vous jetez le doute sur la représentation nationale. Nous n’avons pas proposé, contrairement à ce qui a été dit, que toute la représentation nationale ait accès aux informations sensibles. Nous vous demandons simplement de lui faire confiance par l’intermédiaire de chaque président ou présidente de groupe. C’est bien le moins !
Je ne dis pas que vous avez jeté le discrédit sur nous, mais le fait d’accréditer l’idée que les présidents de groupe seraient moins aptes à respecter le secret de la défense nationale que huit personnes dont nous ne maîtrisons pas les critères de sélection me pose un problème. J’espère que vous comprenez cet argument dans la mesure où les présidents de groupe ont un rôle essentiel dans le fonctionnement du Parlement.
Enfin, dès lors que la technique de renseignement par algorithme était initialement limitée à la lutte contre le terrorisme puis élargie aux ingérences étrangères, je comprenais le caractère de secret-défense qu’elle revêtait. Mais la criminalité organisée, à laquelle vous voulez l’étendre, ne concerne plus le secret-défense. C’est pourquoi, monsieur le président de la commission des lois, si vous vous engagez de façon plus explicite à revoir le périmètre de la DPR, pourriez-vous nous éclairer sur la manière de représenter l’ensemble des sensibilités et des groupes – soit par leur président soit par d’autres moyens ?
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Rousseau.
M. Aurélien Rousseau
Je ne m’exprime pas au nom du groupe Socialistes et apparentés, mais en tant que vice-président de la DPR. Les propos de notre collègue Amirshahi sont tout à fait justes et le président Boudié le disait également : nous sommes amenés à connaître d’éléments couverts par le secret de la défense nationale, et dans les discussions que nous avons menées au sein de nos groupes, nous n’avons pas pu dire tout ce que nous aurions voulu dire. C’est pourquoi je souscris totalement à la proposition de Florent Boudié.
Ensuite, même si cela choquera peut-être, autant le dire quand nous sommes entre nous : plus il y aura de personnes habilitées, plus les services de renseignement donneront les informations avec parcimonie. Nous sommes effectivement trop peu nombreux, si bien que nous ne pouvons remplir l’objectif fixé par la loi, qui oblige les présidents des deux assemblées à désigner les membres de la DPR en fonction des équilibres politiques : en effet, outre les présidents des commissions des lois et de la défense, nous ne sommes que deux députés et deux sénateurs – même si c’est plus simple de représenter les différentes sensibilités du Sénat, convenons-en.
Ce travail est donc devant nous, mais soyons conscients que le réflexe des services de renseignement n’est pas de donner au Parlement toutes les informations. Depuis la création de la DPR, qui a progressivement étendu ses prérogatives, et de la commission de vérification des fonds spéciaux, des progrès ont été réalisés. Soyons attentifs à l’étape suivante, même si – j’en conviens – dans la situation politique actuelle, nous devons trouver une manière d’élargir la représentativité de la DPR.
Mme la présidente
La parole est à M. Antoine Léaument.
M. Antoine Léaument
Nous sommes là devant un enjeu très particulier, qui engage la confiance mutuelle entre nous. Vous nous demandez de prendre des décisions sur la base d’éléments auxquels nous n’avons pas accès.
Nous convenons de la nécessité de protéger certains renseignements afin que tout le monde ne puisse pas y avoir accès. Toutefois, je tiens à signaler qu’à deux reprises – il y a un an et il y a à peine cinq mois –, des députés sont tombés dans le piège, pourtant simple à éviter, d’un hameçonnage des données, en cliquant sur un lien corrompu : un député sur cinq a été touché par cette opération, dont le succès prouve qu’un besoin de formation demeure sur les questions élémentaires de sécurité, y compris au sein de l’Assemblée nationale. Nous pouvons au moins partager ce constat.
Certains d’entre nous sont bien formés dans ce domaine. J’ai été responsable de la communication numérique d’un candidat à l’élection présidentielle et je vous assure que dans cette fonction, on a intérêt à être bien formé sur les questions de sécurité. (Murmures.) Il est assez facile de deviner pour qui !
M. Emeric Salmon
Bayrou ?
M. Antoine Léaument
Jean-Luc Mélenchon, si ça vous fait plaisir ! Vous ne pouvez pas vous exciter à chaque fois que vous entendez son nom ! Supportez que je poursuive mon propos, le sujet est extrêmement sérieux ! (Sourires.)
M. Charles Sitzenstuhl
On peut bien rigoler un peu !
M. Antoine Léaument
Si vraiment, dès que vous entendez le nom de Mélenchon, vous n’êtes plus capables de parler des questions de sécurité, c’est très compliqué !
M. Gabriel Attal
On pensait que c’était pour Bayrou !
M. Antoine Léaument
J’essaie simplement de vous dire une chose : en toute honnêteté, vous ne pouvez pas nous demander de voter à l’aveugle. Il y va d’un principe fondamental en République française, qui est le respect de la souveraineté du peuple français que nous représentons à l’Assemblée nationale.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Louis Thiériot.
M. Jean-Louis Thiériot
S’agissant du sujet très sensible du secret élargi de la défense nationale, je veux d’abord rappeler un élément de contexte : la défense nationale, en vertu de l’ordonnance du 7 janvier 1959, ne concerne pas seulement la défense au sens militaire du terme ; elle est globale. Or le narcotrafic saccage et mine les bases du pays : lutter contre le narcotrafic, c’est bel et bien participer à la défense nationale.
Deuxième point : nous pouvons tout à fait réfléchir à l’élargissement éventuel de la DPR, mais le sujet n’est pas anecdotique.
M. Florent Boudié, président de la commission des lois
Il est même essentiel !
M. Jean-Louis Thiériot
Souvenez-vous de la guerre de 1914-1918 (Sourires) où l’enjeu était majeur !
M. Florent Boudié, président de la commission des lois
On n’y pense pas assez !
M. Jean-Louis Thiériot
Souvenez-vous du comité secret de la chambre d’où sont sorties des fuites qui ont conduit un ministre, M. Malvy, à être traduit devant la Haute Cour à la demande d’un prédécesseur de M. Retailleau, je veux parler de M. Clemenceau. (Sourires sur les bancs des ministres et des commissions.) Oui, le sujet est sérieux et on ne peut pas brader notre sécurité pour des postures idéologiques ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR.)
M. Florent Boudié, président de la commission des lois
Merci pour cette profondeur de champ historique !
(L’amendement no 826 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
L’amendement no 619 de M. Roger Vicot, rapporteur, est rédactionnel.
(L’amendement no 619, accepté par la commission et le gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’article 8, tel qu’il a été amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 112
Nombre de suffrages exprimés 105
Majorité absolue 53
Pour l’adoption 79
Contre 26
(L’article 8, amendé, est adopté.)
Mme Colette Capdevielle
On n’a pas eu le temps de voter !
M. Benjamin Lucas-Lundy
Ils n’ont pas eu le temps de se décider !
Mme la présidente
Vous pourrez indiquer votre vote au pied des travées, mais cela ne modifiera pas le résultat du scrutin.
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Antoine Léaument, pour un rappel au règlement.
M. Antoine Léaument
Qui se fonde sur l’article 51 de notre règlement. Une disposition, héritée de ce moment si particulier que vient d’évoquer notre collègue, permet à l’Assemblée de se réunir à huis clos, sans caméra et sans public, afin d’échanger des informations importantes. Si vous souhaitez réellement apporter à notre assemblée des informations précises, il est tout à fait possible de le faire. (M. Sébastien Delogu applaudit.)
Après l’article 8 (amendements appelés par priorité)
Mme la présidente
Nous en venons aux amendements portant article additionnel après l’article 8.
Je suis saisie de deux amendements, nos 402 et 406, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Élisa Martin, pour soutenir l’amendement no 402.
Mme Élisa Martin
Nous avons dit à plusieurs reprises que vous nous demandiez de délibérer à l’aveugle, ce qui est vraiment problématique au vu des enjeux et du caractère extrêmement intrusif du recours aux techniques de renseignement envisagées. En désespoir de cause, nous demandons un avis conforme de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. Ce serait mieux que rien et cela nous donnerait au moins le sentiment de ne pas délibérer à l’aveugle, d’autant plus que le recours à ces techniques particulièrement intrusives se fait lui aussi, sinon à l’aveugle, du moins en dehors de tout contrôle juridictionnel.
J’en profite pour rappeler au ministre de l’intérieur M. Retailleau que nous attendons sa réponse précise à nos deux questions : l’évaporation des enquêteurs et l’apport du renseignement humain pour lutter contre les attentats terroristes et les déjouer. Nous ne pouvons nous contenter de vos réponses inexistantes ou vagues. Vous êtes responsable devant l’Assemblée et vous devez nous répondre.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-François Coulomme, pour soutenir l’amendement no 406.
M. Jean-François Coulomme
Dans le prolongement de l’amendement précédent défendu par Mme Martin, cet amendement de repli vise à rendre obligatoire l’avis conforme de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement s’agissant des seules techniques de contrôle algorithmique. La comparaison a été souvent utilisée : cette technique s’apparente à une pêche au chalut qui va collecter énormément d’informations, issues non seulement des URL, mais aussi des captations de sons, des localisations et des données numériques de connexion.
Votre désintérêt pour les informations et les rapports qui nous permettraient, à nous législateurs, d’élaborer des lois adaptées, contribuera là encore à nous faire naviguer à l’aveugle. Dois-je vous rappeler que pendant les sept ans au cours desquels Bruno Le Maire a été ministre de l’économie, notre dette publique a atteint le seuil de 1 000 milliards par manque d’éclairage, de visibilité et de sincérité ? En tant que législateurs, nous sommes en droit d’être éclairés, de manière à faire des lois bien adaptées à nos objectifs.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Vincent Caure, rapporteur
Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
Même avis. Je veux prendre le temps d’expliquer pourquoi. Vous proposez de rendre les avis de la CNCTR contraignants pour le gouvernement. Or, d’un point de vue constitutionnel, vous ne pouvez pas subordonner l’action du gouvernement à un avis conforme d’une autorité administrative indépendante. Le Conseil d’État a été très clair dans son avis du 23 mai 1991 sur le projet de loi relatif au secret des correspondances émises par la voie des communications électroniques : « L’article 20 de la Constitution fait obstacle à ce qu’une autorité indépendante soit dotée du pouvoir d’ordonner au gouvernement d’interrompre une interception de sécurité qu’elle jugerait illégale, seule une autorité juridictionnelle pouvant y procéder. »
C’est la raison pour laquelle a été créé le mécanisme consistant à ce qu’en cas de différend entre le premier ministre et la CNCTR, ce ne soit pas l’autorité administrative qui tranche mais le Conseil d’État, c’est-à-dire une autorité juridictionnelle.
Mme la présidente
La parole est à M. Marc de Fleurian.
M. Marc de Fleurian
Je reviens sur les propos du ministre Thiériot, qui a évoqué les comités secrets pendant la Grande Guerre, et sur ceux de M. Léaument, qui a souhaité que notre assemblée se réunisse à huis clos. Malheureusement, cela n’est pas possible, pour deux raisons. La première est que, par naïveté ou nonchalance, certains risquent de divulguer des informations confidentielles sur les plateaux télé. C’est arrivé à un collègue d’extrême gauche, dont je ne citerai pas le nom pour ne pas être désobligeant :…
Mme Élisa Martin
Vous êtes très désobligeant !
M. Marc de Fleurian
…il a balancé sur un plateau, en direct, la qualité des matériels qui étaient livrés à l’Ukraine.
M. Bastien Lachaud
C’était un écologiste ! (Sourires sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Marc de Fleurian
Répétez donc ce que vous venez de dire, pour que les rédacteurs des comptes rendus puissent le noter !
La deuxième raison est que, quand bien même un parlementaire obtient le droit de siéger par la légitimité du suffrage universel, cela ne nous assure pas de son allégeance. Si, par exemple, Rima Hassan, une de vos collègues au Parlement européen, venait à siéger comme parlementaire nationale, nous nous trouverions en grande difficulté car c’est un agent de l’étranger. (Vives exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Antoine Léaument, pour un rappel au règlement.
M. Antoine Léaument
Il se fonde sur l’article 70, alinéa 3, de notre règlement. C’est la deuxième fois que M. de Fleurian nous met en cause. Je demande que cela soit inscrit au procès-verbal et qu’il soit sanctionné. Il n’est pas tolérable de dire à l’intérieur de l’Assemblée nationale que des députés, des élus de la nation, auraient des allégeances étrangères. (M. Laurent Jacobelli s’exclame.) Ce n’est pas acceptable et cela rappelle d’ailleurs que le Rassemblement national souhaitait, il y a quelques mois, interdire aux binationaux – les Franco-Algériens, par exemple – l’accès à certains postes. C’est odieux, c’est inadmissible. Je demande qu’il retire ses propos ou qu’il soit sanctionné. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Marc de Fleurian.
M. Marc de Fleurian
Pardon mais j’ai mis en cause votre groupe pour des raisons politiques. J’ai dit que votre collègue, que je n’ai pas cité, avait agi par naïveté ou par nonchalance.
M. Antoine Léaument
Vous avez parlé d’allégeance à l’étranger !
Collègues, écoutez bien ce qu’il dit, il évoque des ennemis de l’intérieur à l’Assemblée nationale !
M. Marc de Fleurian
En ce qui concerne Rima Hassan, je maintiens mes propos ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Antoine Léaument
C’est odieux, c’est inadmissible !
M. Marc de Fleurian
Je maintiens !
M. Antoine Léaument
Je vous demande de retirer vos propos !
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures trente-cinq, est reprise à dix-huit heures quarante.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
Le député concerné n’ayant pas souhaité reprendre la parole, je vous propose de reprendre la discussion du texte.
Après l’article 8 (amendements appelés par priorité – suite)
Mme la présidente
La parole est à M. Pouria Amirshahi.
M. Pouria Amirshahi
Monsieur le ministre, une précision sur les propos que vous avez tenus tout à l’heure à propos du contrôle des techniques de renseignement. Vous avez évoqué un arrêt de la CJUE selon lequel l’accès à des données de connexion requiert l’autorisation a priori d’une autorité indépendante : il s’agit de l’arrêt Prokuratuur de 2021.
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
Non, j’ai cité un arrêt de 2020 !
M. Pouria Amirshahi
Quoi qu’il en soit, je donne lecture de l’arrêt de 2021, qui est plus récent : « Il est essentiel que l’accès des autorités nationales compétentes aux données conservées soit subordonné à un contrôle préalable effectué soit par une juridiction, soit par une entité administrative indépendante, et que la décision de cette juridiction ou de cette entité intervienne à la suite d’une demande motivée de ces autorités présentée, notamment, dans le cadre de procédures de prévention, de détection ou de poursuites pénales. » Sur ce fondement, on peut vous concéder qu’il n’y a pas besoin d’un avis conforme, mais pas qu’il est interdit de demander un avis préalable.
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Rousseau.
M. Aurélien Rousseau
Nous pourrions aussi considérer que les groupes parlementaires devraient se saisir davantage des rapports produits par la CNCTR, la DPR ou la commission de vérification des fonds spéciaux. Dans les six derniers rapports de la CNCTR, il est clairement écrit que jamais le premier ministre n’est allé contre l’avis préalable de cette instance. Il ne s’est jamais vu qu’un gouvernement, quel qu’il soit, ne suive pas l’avis de la CNCTR.
J’en profite pour saluer la mémoire d’un très grand serviteur de l’État, Serge Lasvignes, président de la CNCTR, qui nous a quittés il y a un mois. Je vous invite à lire les deux derniers rapports de la CNCTR, notamment le plus récent, qui évoque précisément la lutte contre le narcotrafic.
(Les amendements nos 402 et 406, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l’amendement no 408.
Mme Danièle Obono
Cet amendement de repli vise à supprimer la possibilité donnée au premier ministre d’autoriser, en cas d’urgence, le recours aux techniques de renseignement, malgré l’avis défavorable de la CNCTR. Ces techniques étant particulièrement intrusives, elles ne doivent être que subsidiaires et venir à l’appui d’un renseignement humain agissant sur le temps long.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Vincent Caure, rapporteur
Défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
Défavorable. Premièrement, l’amendement souffre d’un problème de rédaction, car la suppression du dernier alinéa de l’article L. 821-1 du code de la sécurité intérieure n’aboutirait pas à l’effet recherché.
Deuxièmement, la possibilité d’agir en cas d’urgence absolue est déterminante. En décembre 2020, il a fallu prendre des dispositions en quelques heures pour déjouer un attentat. L’urgence absolue existe quand des vies humaines sont en jeu. Nous ne saurions supprimer cette procédure, d’ailleurs reconnue dans la jurisprudence de la CJUE depuis l’arrêt La Quadrature du net et autres de 2020.
Troisièmement, monsieur Amirshahi, l’arrêt de la CJUE que vous avez cité concerne le judiciaire et non le renseignement, dont il est question ici.
M. Pouria Amirshahi
Il parle bien d’une autorité administrative !
(L’amendement no 408 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Gabrielle Cathala, pour soutenir l’amendement no 412.
Mme Gabrielle Cathala
Cet amendement de repli vise à supprimer la collecte des URL, rendue possible en 2021 par l’extension des dispositions de la loi de 2015 relative au renseignement. À l’époque, le gouvernement justifiait cette extension en « [assurant] que, à ce jour, [l’]outil chargé de détecter la menace terroriste de basse intensité n’[avait] permis de déboucher sur aucun dossier opérationnel ». Son raisonnement était le suivant : si on ne trouve rien, c’est que l’outil n’est pas assez intrusif. Mais peut-être ne trouve-t-on rien parce qu’il n’y a rien à trouver ?
Les URL contiennent des données relatives au contenu des échanges. Leur collecte par la technique de renseignement algorithmique est une mesure très intrusive, qui a renforcé la surveillance de masse en France. C’est pourquoi nous proposons de la supprimer.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Vincent Caure, rapporteur
Défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
Défavorable.
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandra Regol.
Mme Sandra Regol
Avec cet amendement important, nous retrouvons une question abordée au début des discussions sur les techniques algorithmiques. En fait, quand on analyse des URL, on a accès non seulement aux éléments qui les composent mais aussi à des contenus. Des algorithmes élaborés à cette fin peuvent viser des termes précis. Nos débats, depuis une heure, montrent combien il est compliqué, dès lors que nous ne connaissons pas la définition de ces algorithmes et que nous ne disposons pas d’éléments pour juger de leur efficacité, de continuer à avancer dans ce sens.
(L’amendement no 412 n’est pas adopté.)
Article 8 bis (appelé par priorité)
Mme la présidente
La parole est à M. Michaël Taverne.
M. Michaël Taverne
Le principe est toujours le même. Alors que les réseaux criminels et la criminalité organisée usent de moyens colossaux, à gauche et à l’extrême gauche, vous êtes opposés à des techniques indispensables pour remonter les filières et les démanteler – renseignement algorithmique ou, en l’occurrence, interceptions satellitaires.
Les réseaux criminels utilisent les réseaux satellitaires – c’est d’ailleurs grâce aux liaisons satellitaires qu’il avait établies que les services de la police mexicaine ont réussi à interpeller un chef de cartel. Pour lutter contre ces réseaux, nous devons nous mettre à leur niveau technologique. Ce n’est pas avec des bateaux gonflables que les policiers parviendront à interpeller des criminels qui utilisent des sous-marins !
L’article 8 bis proroge l’expérimentation des interceptions satellitaires jusqu’au 31 décembre 2028. Cela permet de déployer les dispositifs d’interception sur les voies maritimes, dont on sait qu’elles sont utilisées par les réseaux au départ des Antilles ou de la Colombie, mais aussi dans les zones non couvertes par les opérateurs.
Il faut donner des techniques supplémentaires aux enquêteurs : nous voterons en faveur de cet article.
Mme la présidente
La parole est à M. Paul Midy.
M. Paul Midy
Puisque le débat sur l’article 8 ter est lancé, je signale que je proposerai un amendement, identiques à deux autres, tendant à rétablir l’article dans une nouvelle rédaction.
Mme la présidente
Nous en sommes à l’article 8 bis.
M. Paul Midy
Le 8 ter ayant été supprimé, on ne pourra pas prendre la parole sur l’article, madame la présidente.
Mme la présidente
Poursuivez.
M. Paul Midy
Cette rédaction répond aux craintes, légitimes, exprimées en commission. L’objectif est de permettre aux services de renseignement d’intercepter les communications sur les messageries chiffrées, selon des principes clairs. Premièrement, interdiction de toute solution reposant sur une backdoor, ou porte dérobée, susceptible d’affaiblir le chiffrement. Deuxièmement, validation de la solution retenue par la commission R226, présidée par le président de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi). Troisièmement, ciblage des correspondances des seules personnes figurant sur une liste établie par la CNCTR, comme c’est le cas des écoutes téléphoniques.
Cela me paraît être le bon cadre légal. Demeure une question à laquelle nous ne sommes pas, ici, les mieux armés pour répondre : y a-t-il des solutions techniques qui puissent satisfaire aux conditions juridiques que nous posons ? De nombreux experts répondent par la négative, de nombreux autres par l’affirmative… Dans cette situation, je propose que nous fassions notre travail, qui est de définir le cadre légal approprié, puis que nous laissions les experts trouver une solution qui y corresponde. Au pire, l’article sera un ensemble vide ; au mieux, il contribuera à protéger les Françaises et les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – M. Olivier Marleix applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Antoine Léaument.
M. Antoine Léaument
Je m’exprimerai à la fois sur l’article 8 bis et sur l’article 8 ter, tous deux problématiques.
L’amendement 8 bis concerne l’interception des communications satellitaires, notamment du réseau Starlink d’Elon Musk. Dans le cadre de la commission d’enquête concernant l’organisation des élections en France, dont je suis le rapporteur, le chef du service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères (Viginum) a déclaré que M. Musk faisait de l’ingérence dans notre pays – ce sont ses propres termes. Vous allez donc essayer d’écouter des communications qui passent par des satellites, propriété d’une personne se livrant à des actes d’ingérence dans notre pays… Et cela ne soulève aucune question quant à la nécessité de lutter contre l’ingérence, contre ce système ; ce n’est pas grave, procédons à l’écoute générale des communications !
Quant à l’article 8 ter, je me permets de vous le dire ainsi, c’est n’importe quoi. Nous avons réussi à convaincre tous les commissaires aux lois de voter sa suppression. Si vous créez des backdoors – M. Midy nous dit que cela sera interdit, mais alors je ne comprends plus l’article 8 ter, qui reposait sur ce principe –, cela veut dire que vous espionnerez l’intégralité des conversations. M. Retailleau avait expliqué qu’entre un téléphone A et un téléphone B, une personne C pourrait écouter les conversations. Cela ne pose que des problèmes : de sécurité, d’abord, vis-à-vis des ingérences étrangères ; d’efficacité, ensuite, puisque les narcotrafiquants utilisent précisément des systèmes sécurisés. Vous êtes en train de leur dire, attention, ces logiciels ne seront pas sécurisés, ne les utilisez plus ! Comment voulez-vous obtenir des informations dans ce cas ? Ce n’est pas seulement inutile, c’est stupide.
Mme la présidente
La parole est à Mme Marietta Karamanli.
Mme Marietta Karamanli
Je m’exprimerai aussi sur l’article 8 bis et sur l’article 8 ter.
Ce que vous proposez se résume en fait à réintroduire des dispositifs de cryptage qui permettront aux personnes malintentionnées et aux criminels de commettre plus facilement des crimes. Certes, le dispositif sera encadré et limité dans le temps, mais il pose trois types de questions.
D’abord, selon l’avis des experts, la clé du chiffrement n’est pas centralisée sur une plateforme. Il faudrait donc instaurer des portes dérobées pour toutes les communications, ce qui dépasserait largement le cadre de la lutte contre le narcotrafic et mettrait en cause des principes fondamentaux et historiques comme le respect du secret des correspondances ou la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
En outre, aucun État au monde n’a, à ma connaissance, réussi à faire passer une telle disposition auprès des géants du numérique. Cela pose donc une question d’efficacité et de faisabilité.
Enfin, depuis que M. le ministre est venu en commission des lois, je n’ai pas eu connaissance du fait que les autorités en charge de tous ces sujets, l’Anssi, la Cnil et l’Arcep, aient été saisies par le gouvernement sur l’article 8 ter. Nous manquons d’éléments précis, j’aimerais les connaître.
L’article 8 bis, quant à lui, proroge l’expérimentation d’interception des communications satellitaires. Mais alors qu’elle est censée se terminer en juillet 2025, elle n’a pas encore été évaluée. Quatre mois avant sa fin, nous aurions dû recevoir le rapport qui nous a été promis.
Mme la présidente
La parole est à Mme Anne Le Hénanff.
Mme Anne Le Hénanff
Je m’exprimerai également sur l’article 8 ter.
Monsieur le ministre, je ne souhaite pas qu’on sacrifie la confiance des Français et des organisations dans le numérique, alors que nous sommes à quelques semaines de la transposition de la directive européenne NIS 2.
Bien sûr, je suis favorable à octroyer plus de moyens techniques aux services de renseignement – c’est une évidence dans le contexte actuel. Mais y a-t-il un autre pays de l’Union européenne qui ait autorisé ou simplement envisagé d’autoriser la technique du fantôme ? Non. Sont-ce seulement les opérateurs extraterritoriaux qui s’opposent fermement à cet article ? Non. La filière française du numérique s’élève contre son rétablissement, comme le montre un communiqué de France Digitale paru cet après-midi, par lequel les membres de l’association manifestent leur opposition unanime. Les services, les sociétés de sécurité du numérique sont-ils favorables à cet article, vous ont-ils seulement encouragé à le rétablir ? Non.
Ce n’est pas le bon véhicule législatif, monsieur le ministre. Oui, le rapport de la CNCTR identifie les messageries cryptées comme un frein aux techniques de renseignement, mais à aucun moment la CNCTR ne prône la technique du fantôme.
Même les sénateurs ont fait marche arrière sur ce sujet puisque, grâce à Olivier Cadic, ils ont adopté à l’unanimité un amendement anti-backdoor au projet de loi relatif à la résilience des infrastructures critiques et au renforcement de la cybersécurité. (M. Éric Bothorel applaudit.)
Mme la présidente
Je suis saisie de quatre amendements identiques, nos 205, 416, 518 et 830, tendant à supprimer l’article 8 bis.
La parole est à M. Paul Christophle, pour soutenir l’amendement no 205.
M. Paul Christophle
Lors de l’examen de cet article en commission, nous avons demandé à obtenir le rapport d’évaluation de l’expérimentation. Il ne s’agit pas des informations transmises à la DPR, nous avons eu ce débat, mais bien du rapport qui doit être remis au Parlement, ainsi que le prévoit la loi. On nous avait assuré que ce rapport nous serait transmis avant la séance publique. Cela n’a pas été le cas. Nous demandons donc la suppression de l’article.
Mme la présidente
La parole est à Mme Élisa Martin, pour soutenir l’amendement no 416.
Mme Élisa Martin
L’expérimentation de l’interception des échanges via les satellites a été instaurée en 2021, dans le cadre de la loi relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement. D’abord, elle se déroule en dehors du contrôle d’un juge. Par ailleurs, il n’est pas encore possible, techniquement, de cibler les échanges satellitaires entre deux personnes. Enfin, les systèmes ne seront pas stables et les satellites sont étrangers – nous en sommes au début du développement de notre propre constellation.
On en est donc à tout attraper et à tout écouter – c’est toujours le même problème. La CNCTR elle-même était critique sur ce dispositif, qu’elle jugeait intrusif, entre autres. Il est évident qu’à tout attraper, on attente aux libertés fondamentales. Entrer dans une logique où nous développerons de grandes oreilles pour tout écouter vaut-il le coup ? Cela n’est pas certain.
Autre difficulté, elle aussi majeure : on nous demande de décider à l’aveugle. Il était prévu qu’un rapport nous soit remis au mois de janvier, évaluant la solidité technique du dispositif et son intérêt dans la prévention du terrorisme. Il n’en a rien été. Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons la suppression de cet article.
Mme la présidente
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l’amendement no 518.
Mme Elsa Faucillon
Nous demandons également la suppression de l’article 8 bis, sur la base des mêmes arguments que pour l’article précédent : l’expérimentation pose problème au regard des libertés individuelles ; nous ne disposons pas de données suffisantes pour nous prononcer. La CNCTR a exprimé des réticences sur la prorogation de cette expérimentation, qui pourrait entraîner des risques importants. Par ailleurs, nous n’avons pas reçu le rapport qui nous avait été promis. Vous nous demandez des entorses au droit commun sans même que nous disposions d’éléments détaillés. En règle générale, nous sommes prudents – c’est notre travail de législateurs, a fortiori de commissaires aux lois – ; dans le cas présent, comment voulez-vous que nous nous prononcions sans avoir pu évaluer et mesurer les effets de cette expérimentation ?
Mme la présidente
La parole est à M. Pouria Amirshahi, pour soutenir l’amendement no 830.
M. Pouria Amirshahi
Je suis très surpris que des parlementaires acceptent de renoncer à ce point à leurs droits et à leurs prérogatives.
M. Bastien Lachaud
Exactement !
M. Pouria Amirshahi
Nous pourrions débattre de la pertinence de ces dispositifs de contrôle et de surveillance, et vous pourriez tâcher de nous convaincre, mais vous n’avez même pas les éléments qui permettent d’évaluer leur bien-fondé ou leur caractère opérationnel.
Nous ne pouvons pas nous engager dans un tel dispositif par fascination pour la technopolice ou par délégation de confiance aux services de renseignement. Nous leur faisons évidemment confiance, mais dans une démocratie fondée sur la séparation des pouvoirs, les parlementaires ont un rôle de contrôle.
Ces dispositifs ne sont pas légers : ils sont censés collecter des renseignements qui ont trait à des affaires criminelles de grande importance, touchant parfois aux intérêts fondamentaux de la nation ; le système sur lequel ils reposent fait qu’ils peuvent toucher des millions de compatriotes.
Vous proposez que nous suivions aveuglément des recommandations sans même qu’il ait été fait droit à notre demande de nous voir communiquer des éléments de l’évaluation de l’expérimentation. Encore une fois, je suis stupéfait de cette facilité avec laquelle des parlementaires acceptent de se dessaisir d’une prérogative fondamentale. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Sébastien Huyghe
Vous n’êtes pas le seul !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Vincent Caure, rapporteur
La commission des lois a bien fait de repousser les amendements de suppression. Madame Martin, l’expérimentation est loin de se dérouler hors de tout cadre ; elle s’inscrit dans les mêmes limites que celles qui s’appliquent à l’article 8. Après l’avis de la CNCTR et sur décision du premier ministre, la durée d’autorisation et de conservation des données a été fixée à trente jours. Pour renouveler l’autorisation, il faut refaire la même procédure.
Nous avons débattu en commission du lien entre les communications satellitaires et la criminalité organisée. Quand on observe une augmentation tendancielle – voire une explosion – des communications satellitaires à Paris et à Marseille, zones normalement bien couvertes par la 4G et la 5G, il est légitime de se poser des questions. L’utilisation de téléphones satellitaires étant assez éloignée de celle que peuvent en faire les militaires et les forces de sécurité en Guyane, ou les rescapés de catastrophes telles que celle de Chido à Mayotte, on peut s’interroger sur l’usage que la criminalité organisée fait de cette technologie.
Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
Mettons-nous au goût du jour, comme dirait l’autre ! Personne ici n’a proposé de supprimer les écoutes téléphoniques classiques.
M. Olivier Marleix
Eh oui !
Mme Élisa Martin
Mais ce n’est pas du tout pareil !
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
Le moyen de communication traditionnel est encore le téléphone, mais on constate une migration massive vers le téléphone satellitaire.
M. Mathieu Lefèvre
Absolument !
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
Les communications satellitaires sont une aubaine pour les trafiquants et les criminels, qui en ont besoin en mer – la drogue arrive très majoritairement, à 80 %, par les voies maritimes.
Mme Sandra Regol
Comme par hasard !
M. Antoine Léaument
C’est n’importe quoi !
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
Par ailleurs, le rapporteur l’a très bien dit, les quelques tests que nous avons menés ont permis de déceler à Paris et à Marseille une très forte intensité de communications satellitaires, alors que ces zones sont couvertes. Aujourd’hui, qui utilise ces technologies ?
M. Ugo Bernalicis
Le Vendée Globe !
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
Ceux qui ont quelque chose à cacher, majoritairement.
Il faut impérativement prolonger l’expérimentation, censée s’achever le 31 juillet. Comme il n’y avait pas de produits sur l’étagère, les trois premières années ont été consacrées à mener des études. Pour le moment, nous ne disposons pas d’une solution technologique robuste. Nous avons engagé un dialogue avec la CNCTR et effectué quelques tests, mais nous avons besoin de trois autres années d’expérimentation.
Si vous voulez vraiment lutter contre la criminalité organisée, pourquoi ne pas permettre à nos forces d’exploiter cet outil, massivement utilisé par les grands criminels ? (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RN et EPR.)
Mme Alma Dufour
Pourquoi ne pas nous communiquer les informations, si c’est primordial ?
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Lopez-Liguori.
M. Aurélien Lopez-Liguori
L’interception de communications satellitaires est déjà pratiquée par nos forces. Nous souhaitons que cette expérimentation soit prorogée. La gauche confond cette technologie, utilisée pour les communications maritimes des narcotrafiquants, avec les dispositifs de l’article 8 ter. Ce n’est pas du tout le même sujet.
L’article 8 ter, rejeté à l’unanimité en commission, traite de technologies qui n’existent actuellement pas en France ni dans l’Union européenne. L’introduction de backdoors dans les messageries chiffrées affaiblirait le chiffrement et mettrait en danger notre souveraineté et les acteurs économiques qui utilisent ces technologies. Pire, les lignes de code de Signal et d’Olvid, technologies en open source, seraient publiées. Vous donneriez donc les clefs de chiffrement de vos backdoors à nos ennemis.
L’article 8 bis traite d’une technologie nécessaire, tandis que celle visée à l’article 8 ter ne doit pas être utilisée en France. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Gabrielle Cathala.
Mme Gabrielle Cathala
Comme l’article 8, l’article 8 bis montre que, pour le gouvernement, le champ d’action des services de renseignement doit être total. Les communications ne pouvant pas être ciblées précisément, ces interceptions nécessitent des captations massives de données. Pour écouter une seule personne, il faudra écouter tout son entourage.
M. Sébastien Huyghe
Bien sûr que non !
Mme Gabrielle Cathala
Je rejoins les propos du collègue Amirshahi : il est sidérant que vous acceptiez de légiférer à l’aveugle. Le Parlement a voté cette expérimentation en 2021, sans fixer de critères pour les modalités de son évaluation. Aujourd’hui, on nous enjoint d’autoriser la prorogation de l’expérimentation alors que nous ne disposons d’aucun bilan. Il est navrant que nous n’ayons pas reçu le rapport promis pour le début de cette année, d’autant plus que l’article précédent et les articles suivants portent des atteintes très graves à la vie privée.
Ainsi, l’article 8 ter remet en cause de manière inédite le droit au chiffrement des données. Toutes les conversations WhatsApp et Signal des Français pourraient être lues par les services de police et de renseignement de notre pays. Je vous invite à réfléchir avant de voter cet article ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Sébastien Huyghe.
M. Sébastien Huyghe
Je suis stupéfait de votre stupéfaction, monsieur Amirshahi. Lors de l’examen des articles précédents, vous avez dit que vous étiez favorable au renseignement, clef de la lutte contre la criminalité organisée et le narcotrafic. Rappelons, comme le ministre, que cette expérimentation, supervisée par la CNCTR, a nécessité du temps pour débuter. J’ai l’impression qu’à chaque fois que nous évoquons l’utilité des nouvelles technologies pour mettre fin au narcotrafic, vous voulez empêcher les forces de l’ordre d’y recourir. Que nous restera-t-il, à la fin, pour contrer les bandes organisées qui remplacent les technologies obsolètes par de nouvelles ?
M. Ugo Bernalicis
Savez-vous que la drogue ne passe pas par les satellites ?
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Florent Boudié, président de la commission des lois
Madame Cathala, vous avez dit que, pour le gouvernement et les formations politiques qui le soutiennent, le champ des services de renseignement devrait être total. On voit bien les soupçons que vous entendez faire naître avec cette expression. Nous souhaitons simplement que le champ d’action des services de renseignement s’adapte aux usages et aux technologies du crime organisé.
Monsieur Amirshahi, ne faites pas semblant d’ignorer que, si nous avions dû recevoir un rapport sur l’expérimentation menée entre 2021 et 2025, il n’aurait fait qu’une ligne. Il aurait simplement signalé que l’expérimentation n’a débuté qu’à l’été 2024. Nous n’avons pas suffisamment de recul.
Mme Danièle Obono
Raison de plus pour voter contre !
M. Florent Boudié, président de la commission des lois
Nous pouvons le regretter. Lorsque la loi du 30 juillet 2021 a été discutée, le ministre et le rapporteur pensaient sans doute que l’expérimentation débuterait rapidement. Cela n’a pas été possible, pour une raison précise : les services de renseignement souhaitaient construire une technologie souveraine, qui ne dépende pas des technologies étrangères. Ce n’est pas totalement incohérent.
M. Antoine Léaument
Heureusement que vous êtes là !
M. Florent Boudié, président de la commission des lois
Faute de recul sur l’expérimentation, le rapport n’a pas été remis.
Par ailleurs, je rappelle aux législateurs que vous êtes, et particulièrement aux commissaires aux lois, que ces interceptions satellitaires sont accompagnées de garanties aussi fortes que celles qui encadrent les interceptions téléphoniques. Non seulement elles nécessitent l’autorisation du premier ministre après avis de la CNCTR, mais les données ne sont conservées que durant trente jours.
Mme Élisa Martin
C’est déjà beaucoup !
M. Florent Boudié, président de la commission des lois
Trente jours : ce n’est pas un contrôle généralisé et total, qui s’exercerait à chaque minute de chaque heure. Lorsque le délai est dépassé, une nouvelle autorisation est nécessaire. Ce n’est pas un système de renseignement total, madame Cathala, c’est l’État de droit. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Antoine Léaument
Ah, c’est la meilleure !
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 205, 416, 518 et 830.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 119
Nombre de suffrages exprimés 119
Majorité absolue 60
Pour l’adoption 48
Contre 71
(Les amendements identiques nos 205, 416, 518 et 830 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l’amendement no 417.
Mme Danièle Obono
Je ne sais pas s’il faut en être estomaqué, stupéfait ou autre, mais le rapporteur vient de nous donner les raisons de rejeter l’article 8 bis : il a révélé que l’expérimentation était encore trop récente pour que nous disposions de résultats. (Mme Ersilia Soudais applaudit.) Nous sommes invités à approuver sa poursuite sans que nous puissions l’évaluer. Rien ne va dans cette affaire et le manque des données justifie encore mieux notre opposition.
L’amendement no 417, de repli, tend à supprimer le recours aux techniques de renseignement d’interception des correspondances émises ou reçues par voie satellitaire. Comme le renseignement reposant sur les algorithmes, ces techniques s’apparentent à du chalutage. C’est donc une atteinte au secret des correspondances qui est organisée. Ces techniques seraient utilisées a priori, en dehors du cadre d’une enquête judiciaire ou de soupçons pouvant justifier une dérogation au secret des correspondances. Nous ne pouvons accepter, dans un État dit de droit, que l’administration dispose d’un tel pouvoir.
M. Sébastien Huyghe
C’est n’importe quoi !
Mme Danièle Obono
L’avis de la CNCTR ne constitue pas une protection suffisante. En outre, dès 2021, la CNCTR a émis des doutes quant à la pertinence de ces techniques ; elle a même proposé de réduire la durée de l’expérimentation pour permettre aux parlementaires de revenir, à l’appui du rapport, sur son application.
J’en profite pour rappeler notre opposition au recours à la surveillance algorithmique.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Vincent Caure, rapporteur
Vous dites défendre un amendement de repli, mais vous vous livrez à une surenchère : vous voulez supprimer toute base légale à l’interception de communications satellitaires, y compris en matière de lutte contre le terrorisme. L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
Défavorable.
Mme la présidente
La parole est à Mme Élisa Martin.
Mme Élisa Martin
Vous ne pouvez pas comparer l’interception de communications satellitaires à une écoute téléphonique, monsieur le ministre. L’écoute concerne une ligne précise ; on y procède, après avoir obtenu les autorisations nécessaires, lorsque les nécessités d’une enquête le réclament. Faire cette comparaison, c’est nous accorder bien peu de crédit !
J’ai bien compris que les données recueillies seraient analysées, monsieur le rapporteur. Toutefois, la technique reste dérogatoire au secret des correspondances – ce n’est tout de même pas rien – et son utilisation n’est pas conditionnée à une autorisation préalable, ce qui pose problème.
Engagement avait été pris de fournir un rapport aux députés afin qu’ils puissent se prononcer en connaissance de cause, mais vos propos, monsieur le président de la commission, nous interrogent. On peut supposer que c’est parce qu’elle ne dispose pas d’une constellation satellitaire suffisante – si tant est que cela soit souhaitable – que la France n’a pas réussi à mettre en place l’interception des communications. Vous n’avez pas pris la peine de détailler les raisons techniques pour lesquelles cette technologie n’est pas encore utilisée.
Quoi qu’il en soit, quand bien même le rapport ne devrait faire qu’une ligne, il aurait été logique que nous en disposions. Vous ne pouvez pas nous demander d’abandonner le modeste pouvoir de décision que le gouvernement nous laisse ! Nous voterons contre l’article.
Mme la présidente
La parole est à M. Jocelyn Dessigny.
M. Jocelyn Dessigny
Nous soutenons cet article, qui va dans le bon sens. Les utilisateurs des téléphones satellitaires sont très peu nombreux et on sait fort bien que les narcotrafiquants en font partie, avec quelques rares randonneurs,…
M. Ugo Bernalicis
Et les skippers !
M. Jocelyn Dessigny
…de sorte que les conversations que nous voulons écouter se compteront sur les doigts d’une main. Ce dispositif, qui s’apparente à de la chirurgie de précision, permettra bel et bien de toucher le haut du spectre.
Je suis assez impressionné par l’énergie et le travail que La France insoumise et l’extrême gauche de cet hémicycle fournissent pour détricoter toujours plus ce texte. Cette intention était d’ailleurs tout à fait assumée par M. Léaument lors de l’examen de la proposition de loi en commission,…
M. Antoine Léaument
Tout à fait !
M. Jocelyn Dessigny
…mais l’est-elle encore, quand les débats en séance publique sont filmés ? (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Antoine Léaument
Ils le sont aussi en commission !
M. Jocelyn Dessigny
Je répète vos propos, afin qu’ils soient connus de tous. Vous voulez détricoter le texte, le vider entièrement de sa substance, mais qui cherchez-vous à protéger ?
Mme Élisa Martin
C’est la liberté que nous cherchons à protéger !
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d’État.
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
Vous dites que l’interception des communications satellitaires s’apparenterait à du chalutage, mais concrètement, comme s’opère-t-elle ?
M. Antoine Léaument
Ah !
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
On recueille les identifiants des téléphones, puis on requiert l’autorisation du premier ministre et l’avis de la CNCTR. Seules les communications satellitaires correspondant aux identifiants ciblés seront ensuite captées.
Mme Élisa Martin
Non, vous êtes obligés de toutes les intercepter !
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
C’est faux, archifaux ! J’ai tellement entendu d’erreurs que je veux rétablir la vérité. Vous ne pouvez plus présenter cette technologie autrement. Pouvez-vous soutenir que mes propos sont faux ?
Mme Élisa Martin
Oui !
(L’amendement no 417 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de quatre amendements, nos 190, 422, 421 et 419, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 190 et 422 sont identiques.
La parole est à M. Paul Christophle, pour soutenir le premier.
M. Paul Christophle
En l’absence de rapport d’évaluation d’une expérimentation commencée il y a seulement quelques mois, nous vous proposons de la prolonger pour six mois, au lieu des trois ans que prévoit le texte. L’expérimentation des interceptions satellitaires aura ainsi duré un an et fourni des résultats : la représentation nationale pourra alors rendre un avis éclairé. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-François Coulomme, pour soutenir les amendements nos 422, 421 et 419, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Jean-François Coulomme
Monsieur le ministre, parlons technologie ! La réalité, c’est que les narcotrafiquants du haut du spectre ne s’amusent pas à utiliser des téléphones à cadran, mais bien plutôt des solutions de voix sur IP (VOIP), à l’aide d’une adresse IP obtenue grâce à n’importe quel satellite. La réalité, c’est que la souveraineté de la France, dans ce domaine, recule. Starlink, la société d’Elon Musk, gagne des parts de marché considérables en Europe, particulièrement en France : vous avez même laissé à cette société le marché des connexions internet à Mayotte !
En tant que député, je partage l’indignation de Pouria Amirshahi. Certains ici entendent renoncer à leur rôle de parlementaire, qui est de contrôler l’action du gouvernement. Ils se satisfont de voter des textes de loi, mais sans disposer de l’éclairage de la réalité ! Finalement, ils se fichent bien de la réalité ; ils préfèrent leurs fantasmes, nourris par les médias qui leur sont acquis, pour faire croire tout un tas de débilités aux Français.
M. Emeric Salmon
Qu’est-ce que c’est que ça encore ?
M. Jean-François Coulomme
Aujourd’hui, le problème se pose ainsi : comment contrôler des communications avec des satellites qui n’appartiennent ni à une entreprise française ni au gouvernement ? Ils appartiennent aux États-Unis et leurs utilisateurs se connecteront en s’affranchissant des réseaux où vous aurez pu organiser une attaque « Man in the middle » pour intercepter les communications entre un point A et un point B.
En définitive, vous êtes condamnés à l’inefficacité. Nous demandons la fin de l’expérimentation, au sujet de laquelle nous n’avons reçu aucun rapport.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Vincent Caure, rapporteur
Défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
Défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Michaël Taverne.
M. Michaël Taverne
Monsieur Coulomme, on parle d’un sujet sérieux ! On parle du narcotrafic ! On parle d’organisations criminelles et vous faites le lien avec la télévision ? Aucun rapport !
Il ne faut pas sous-estimer la technologie française. L’an passé, j’ai été le rapporteur d’une mission d’information sur l’après Orion, qui nous a permis de passer en revue les compétences et les projets de la France dans le domaine des satellites. Sachez que nous sommes très compétents, au point que les Américains nous consultent.
M. Arnaud Bonnet
Alors que vous, vous n’êtes pas très compétent !
M. Michaël Taverne
Nous avons accompli d’énormes progrès dans cette technologie ! Il faut être patriote !
M. Jean-François Coulomme
Nous le sommes !
M. Michaël Taverne
On peut critiquer, mais autant essayer de valoriser les technologies et les savoir-faire français. Il faut conserver la technique d’interception satellitaire, primordiale pour que les enquêteurs et les services s’attaquent efficacement à ces criminels qui commanditent des meurtres, fournissent de la cocaïne à nos jeunes. Mais vous êtes parfaitement cohérents, vu que vous voulez dépénaliser la consommation de cocaïne.
Mme Mathilde Feld
N’importe quoi !
M. Michaël Taverne
Nous, nous sommes pour les interceptions satellitaires, nous voulons que les enquêteurs aient d’autres moyens pour lutter contre les réseaux criminels ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
Mme Danièle Obono
Vous êtes leurs complices !
Mme la présidente
La parole est à M. Antoine Léaument.
M. Antoine Léaument
Vos propos sont insupportables, cher collègue. Revenons sur la notion de patriotisme. Historiquement, les patriotes sont ceux qui défendent l’héritage de la révolution.
M. Laurent Jacobelli
Ringard ! Que c’est ringard !
M. Antoine Léaument
Ce sont ceux qui défendent les libertés face à l’arbitraire. Voilà ce qu’est le patriotisme ! Être patriote, ce n’est pas seulement agiter un drapeau tricolore quand les entreprises développent de bonnes technologies – et nous en sommes fiers –, encore faut-il que l’usage de ces technologies soit bon. En cette matière, être patriote, c’est défendre les libertés face à un pouvoir qui pourrait se révéler arbitraire !
Mme Danièle Obono
Eh oui !
Mme Brigitte Barèges
Hors sujet !
M. Antoine Léaument
Louis Antoine de Saint-Just disait que le premier ennemi d’un peuple, c’est son gouvernement. Il était patriote !
M. Jocelyn Dessigny
Il a été décapité par Robespierre !
M. Antoine Léaument
Saint-Just, décapité par Robespierre ? Mais relisez vos livres d’histoire avant de parler de patriotisme ! Vous êtes à côté de la plaque. Saint-Just était l’un des meilleurs compagnons de Robespierre ! (Rires sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
Monsieur Léaument, revenez à l’amendement s’il vous plaît.
M. Antoine Léaument
Permettez que je m’amuse de ceux qui osent parler de patriotisme sans connaître l’histoire de leur pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Brigitte Barèges
Soyez un peu respectueux !
M. Antoine Léaument
Oui, les techniques d’interception présentent un danger, qui est précisément celui contre lequel l’Assemblée nationale s’est constituée : l’arbitraire. Or vous nous demandez de voter les yeux bandés, sans savoir de quoi nous parlons ! Nous ne sommes pas d’accord avec cela, car comme Louis Antoine de Saint-Just, nous pensons que parfois, un gouvernement peut être le principal adversaire de son peuple ! Vous nous avez d’ailleurs donné raison en imposant une réforme des retraites dont personne ne voulait ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
(Les amendements identiques nos 190 et 422 ne sont pas adoptés.)
(Les amendements nos 421 et 419, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. Laurent Jacobelli
Et bonjour à Saint-Just !
Mme la présidente
Sur l’article 8 bis, je suis saisie par les groupes Rassemblement national, Ensemble pour la République, La France insoumise-Nouveau Front populaire et Socialistes et apparentés de demandes de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Sandra Regol, pour soutenir l’amendement no 829.
Mme Sandra Regol
Il s’agit d’un amendement de repli. On vient de balayer d’un revers de main des amendements qui tendaient à réduire très légèrement la durée d’une expérimentation au sujet de laquelle nous n’avons pas d’information.
M. le ministre a affirmé que les communications satellitaires constituaient une technologie d’avenir, utilisée dans des zones où il n’y a plus rien, comme à Mayotte après le passage du cyclone Chido, pour fournir un accès temporaire, de moindre qualité, au téléphone et à internet. Cet accès est temporaire car sa qualité n’est pas toujours satisfaisante.
Or si cette technologie présente des défauts de qualité et qu’elle est utilisée dans peu de territoires en France, j’ai du mal à comprendre pourquoi nous en discutons aussi longuement. C’est d’ailleurs parce qu’elle est encore très peu utilisée chez nous, mais qu’elle l’est bien plus à l’étranger, que cette technologie produit peu de données exploitables.
Vous nous dites que vous n’avez pas de résultats, mais il faudrait tout de même continuer ? C’est ubuesque. Notre question est simple : en quoi est-ce utile ? Vous démontrez l’inverse. Depuis une heure que nous discutons, vous n’avez pas apporté un seul élément de réponse. Et pourtant, nous nous faisons houspiller au motif que nous chercherions à entraver le renseignement sur le narcotrafic. Donnez-nous des raisons de vous suivre ; si vous n’apportez aucune réponse, vous ne pouvez pas nous reprocher de ne pas le faire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Vincent Caure, rapporteur
Défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
Défavorable. La démonstration est en réalité très simple : les communications par satellite servent d’abord dans les zones non couvertes, les zones blanches, ou en milieu maritime – là où transitent de grande quantité de drogues. Les quelques tests de captation satellitaire que nous avons pu réaliser à la fin 2024 ont cependant démontré que d’intenses communications par satellite avaient lieu dans des zones bien couvertes, à Paris, à Marseille. Cela prouve qu’elles servent à cacher des conversations, qu’on les utilise pour échapper aux interceptions classiques.
Mme Danièle Obono
Vous tirez ça d’un rapport ? Publié quelque part ?
Mme Sabrina Sebaihi
Je ne suis toujours pas convaincue !
Mme la présidente
La parole est à M. Matthias Renault.
M. Matthias Renault
La loi de 2021 sur le renseignement ne vise pas spécifiquement la lutte contre le narcotrafic, bien qu’elle puisse y contribuer. L’interception des communications satellitaires devait d’abord être expérimentée à des fins de défense, de contre-ingérence et de lutte contre le terrorisme. Il ne s’agissait pas de se doter d’un nouveau moyen de surveillance, mais de préserver la capacité des services de renseignement à capter tous les échanges – la surveillance des communications terrestres étant déjà assurée.
Je vous renvoie à l’étude d’impact de l’article 11 de la loi du 30 juillet 2021, qui défendait la nécessité de légiférer et décrivait les objectifs poursuivis : les services de l’État y indiquaient que plusieurs centaines de boîtiers satellitaires avaient été détectés, dont beaucoup étaient utilisés pour échapper à la surveillance.
Quant à l’idée d’informer les parlementaires, voulez-vous vraiment que la DGSE, la DGSI et les services du premier cercle listent le nombre d’interceptions qu’ils réalisent, en fonction des moyens de surveillance et selon les types d’activités criminelles ?
Mme Sabrina Sebaihi
Pourquoi répondez-vous à la place du ministre ?
M. Matthias Renault
C’est un peu délicat en termes de confidentialité.
Mme la présidente
La parole est à M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis
Je ne sais pas si le ministre ment ou si l’on ne se comprend pas. La nuance est parfois subtile. Les données relayées par les satellites sont captées par des antennes puis renvoyées vers des boîtiers satellitaires, lesquels disposent d’un identifiant. Le flux de données peut donc tout à fait être filtré en fonction de l’identifiant du boîtier, de la même manière qu’on peut identifier les données provenant de tel téléphone portable. Il n’empêche que, pour opérer ce filtrage, il faut au préalable avoir capté l’ensemble des flux de données. Est-ce bien ainsi que fonctionnent les interceptions de communications satellitaires ? Les outils d’interception sont-ils branchés au niveau des téléports, c’est-à-dire des antennes par où transitent les données, afin de filtrer ces dernières en fonction de ce que l’on recherche ? Nous soutenons qu’il n’y a pas d’autres solutions techniques que de capter une grande masse de données avant de cibler celles qui nous intéressent.
C’est tout le problème : rechercher une information oblige à surveiller l’ensemble des données de tous ceux qui utilisent un téléphone satellitaire, y compris lorsqu’ils naviguent tranquillement en haute mer. Je ne suis pas sûr qu’il soit nécessaire d’intercepter les conversations des navigateurs du Vendée Globe ! J’ajouterai que, compte tenu du développement actuel de Starlink et de la massification des usages satellitaires, les communications de ce type ne relèveront certainement plus de l’exception dans une dizaine d’années. Encore une fois, nous allons surveiller largement pour ensuite affiner les recherches : on en revient toujours à mon aiguille et à ma botte de foin.
(L’amendement no 829 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’article 8 bis.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 125
Nombre de suffrages exprimés 124
Majorité absolue 63
Pour l’adoption 74
Contre 50
(L’article 8 bis est adopté.)
Après l’article 8 bis (amendements appelés par priorité)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements portant article additionnel après l’article 8 bis.
Mme la présidente
La parole est à M. Paul Christophle, pour soutenir l’amendement no 204 rectifié.
M. Paul Christophle
Il s’agit d’un nouvel amendement de repli, visant à restreindre le champ de l’expérimentation des interceptions satellitaires. Ce champ est actuellement très large, l’article 706-73 du code de procédure pénale couvrant de très nombreuses infractions. Je vous propose de le limiter au trafic de stupéfiants, au trafic d’armes et au blanchiment des produits qui en sont issus.
(L’amendement no 204, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Sur l’amendement no 571, je suis saisie par le groupe Horizons & indépendants d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Anne Le Hénanff, pour soutenir l’amendement.
Mme Anne Le Hénanff
Cet amendement est proposé par Jean-Michel Jacques et des députés de divers bancs. Alors que les services de renseignement disposent de trente jours pour s’introduire dans un lieu privé ou un véhicule afin d’y placer des dispositifs de sonorisation ou de captation d’images, l’autorisation d’utiliser ces techniques dure deux mois. L’amendement vise à harmoniser ces durées d’autorisation.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Vincent Caure, rapporteur
Favorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
Favorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Arthur Delaporte.
M. Arthur Delaporte
Je ne comprends pas les avis favorables du rapporteur et du ministre : le dispositif proposé paraît compliqué alors que le sujet est loin d’être anodin. Pourrais-je avoir une explication ?
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur.
M. Vincent Caure, rapporteur
C’est tout sauf anodin, en effet. Votre collègue et rapporteur, M. Roger Vicot, était lui-même favorable à cet amendement issu de la DPR. Il s’agit d’aligner la durée de l’autorisation d’introduire des outils d’interception dans les lieux privés ou les véhicules sur la durée de l’autorisation des techniques elles-mêmes : localisation en temps réel d’une personne, d’un véhicule ou d’un objet, captation et enregistrement de paroles, accès aux données de systèmes informatiques. Il s’agit d’une recommandation de la CNCTR, autorité administrative indépendante dont nous avons longuement parlé cet après-midi. Comme l’a rappelé Mme Le Hénanff, c’est une harmonisation qui revient à multiplier par deux la durée de l’autorisation de pose du dispositif technique.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 571.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 114
Nombre de suffrages exprimés 92
Majorité absolue 47
Pour l’adoption 92
Contre 0
(L’amendement no 571 est adopté ; en conséquence, l’article est ainsi rédigé.)
Article 8 ter (appelé par priorité)
Mme la présidente
Je suis saisie de plusieurs demandes de scrutin public : sur les amendements no 640 et identiques, par les groupes Ensemble pour la République, La France insoumise-Nouveau Front populaire et Droite républicaine ; sur les sous-amendements nos 978, 984, 983, ainsi que sur les sous-amendements no 985 et identique, par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Mme la présidente
Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 640, 655 et 846.
La parole est à M. Olivier Marleix, pour soutenir l’amendement no 640.
M. Olivier Marleix
Nous en arrivons au sujet très important des messageries cryptées, qui sont aujourd’hui le moyen de communication des terroristes et des trafiquants de drogue.
M. Éric Bothorel
De tout le monde !
M. Olivier Marleix
Alors que doit-on faire ? Faut-il assister, impuissants, à cet état de fait ou tâcher de réagir ? Par cet amendement, nous proposons d’étendre aux plateformes cryptées les obligations qui s’imposent aux opérateurs de téléphonie, à savoir : le recueil de données de connexion, l’accès aux données de connexion en temps réel et les interceptions de sécurité – sur autorisation du premier ministre, après avis de la CNCTR ou d’un juge du Conseil d’État.
Rien ne justifie en droit une telle différence de traitement entre les opérateurs de téléphonie et les messageries cryptées. Ces dernières sont délestées de toute obligation de coopération avec les pouvoirs publics, alors même qu’elles servent de support à tous les trafics.
Il n’est plus question d’installer des backdoors ni de leur demander les clés de déchiffrement : il s’agit simplement de les soumettre aux mêmes obligations que les autres. Ces messageries n’hésitent pas à coopérer avec les agences de sécurité américaines quand ces dernières le leur demandent, mais elles n’ont pas envie de faire cet effort avec le gouvernement français ; la situation est à ce point absurde que les agences américaines transmettent les données qu’elles ont recueillies aux services du ministère de l’intérieur français ! Je me tourne vers mes collègues du Rassemblement national : on ne peut accepter d’être à ce point dépendants des États-Unis !
Mme la présidente
La parole est à M. Mathieu Lefèvre, pour soutenir l’amendement no 655.
M. Mathieu Lefèvre
Une partie de cet hémicycle témoigne d’une naïveté confondante lorsqu’elle refuse de procéder à des interceptions sur les messageries cryptées. Les arguments technologiques ne tiennent pas : la généralisation du chiffrement ne doit pas empêcher les interceptions de sécurité nécessaires, lesquelles sont encadrées, comme l’a indiqué M. le ministre d’État. Nous parlons tout de même d’atteintes aux intérêts vitaux de la nation ! Lorsque de tels intérêts sont en jeu, le Parlement doit légiférer pour donner au gouvernement tous les moyens nécessaires pour procéder à des interceptions.
La différence de traitement entre les plateformes étrangères et les opérateurs nationaux français est flagrante. Je m’adresse notamment aux prétendus patriotes du Rassemblement national : comment peut-on accepter cette situation ?
La question des libertés publiques est fondamentale, mais les sous-amendements tendant à restreindre le dispositif sont inutiles dès lors que ces amendements ne visent pas le déchiffrement généralisé. Où sont les libertés publiques quand des narcotrafiquants utilisent les messageries cryptées pour recruter des tueurs à gages, vendre des drogues et semer la mort dans le pays, parmi la jeunesse ?
Mme Danièle Obono
Ce n’est pas la question !
M. Mathieu Lefèvre
Cessons d’êtres naïfs, dotons le ministre d’État de tous les moyens nécessaires pour procéder à des interceptions. Pardonnez-moi si je suis soudain un peu grave, mais ceux qui ne l’auront pas fait ce soir seront coupables et devront en répondre. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. Paul Midy, pour soutenir l’amendement no 846.
M. Paul Midy
La réécriture complète de l’article 8 ter que nous proposons répond aux craintes, légitimes, qui se sont exprimées en commission et qui ont conduit à la suppression de l’article.
Il faut permettre aux services de renseignement d’agir et d’intercepter ces communications par messageries cryptées dans un cadre très clair. D’abord, les solutions technologiques ne doivent pas porter atteinte au chiffrement et ne pas créer de backdoors. C’est l’objet de la dernière phrase de l’alinéa 6 : « Ces dispositifs techniques ne peuvent porter atteinte à la prestation de cryptologie visant à assurer une fonction de confidentialité. »
Ces solutions technologiques doivent être validées par la commission R226, présidée par le directeur de l’Anssi, afin de vérifier qu’elles fonctionnent et qu’elles respectent bien les contraintes mentionnées, à savoir que l’ensemble de la population française non criminelle bénéficie d’une bonne qualité de chiffrement sur ses messageries.
Il ne s’agit pas non plus, rassurez-vous, d’une surveillance généralisée : les techniques sont mises en place, à l’instar des écoutes téléphoniques, uniquement pour des personnes ciblées, après avis de la CNCTR et sur autorisation du premier ministre.
Cet amendement vise à instaurer le cadre légal adéquat. Une question demeure cependant : ces solutions technologiques existent-elles ? Des experts répondent par l’affirmative, d’autres par la négative. Mais nous sommes là pour fixer le cadre légal, non pour débattre des lignes de code, de l’architecture logicielle de WhatsApp et des autres plateformes.
M. Antoine Léaument
Encore heureux !
M. Paul Midy
Au pire, cet amendement est un ensemble vide,…
M. Antoine Léaument
Vous le reconnaissez donc vous-même !
M. Paul Midy
…sans effet positif ni négatif ; au mieux, il a un impact positif pour sauver des vies et lutter contre le terrorisme et le narcotrafic. Donnez sa chance au produit ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
Je suis saisie de huit sous-amendements, nos 978, 997, 1006, 979, 984, 983, 985 et 986, pouvant être soumis à une discussion commune. Les sous-amendements nos 997 et 1006 sont identiques, de même que les sous-amendements nos 985 et 986.
La parole est à M. Aurélien Lopez-Liguori, pour soutenir le sous-amendement no 978.
M. Aurélien Lopez-Liguori
Je m’adresse à M. le ministre, puisque ses services sont les véritables rédacteurs des amendements no 640 et identiques. Votre intention – lutter contre le narcotrafic – est louable mais, pour cela, vous entendez obliger les messageries cryptées à affaiblir leur chiffrement. Ce faisant, vous portez atteinte à la sécurité des entreprises, des institutions et des Français. Créer des backdoors ou des utilisateurs fantômes, c’est constituer une porte d’entrée pour les services de renseignement, mais aussi pour les hackers et les États étrangers.
Néanmoins, nous avons à cœur de protéger les Français, tout en garantissant le chiffrement de leurs communications. Par ce sous-amendement d’équilibre, nous proposons de supprimer toutes les références au chiffrement et, à la place, de contraindre les plateformes à collecter certaines données, non chiffrées – et uniquement celles-là –, en particulier les données de connexion.
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
Ça ne marche pas !
M. Aurélien Lopez-Liguori
Actuellement, les plateformes, au contraire des opérateurs, n’ont aucune obligation légale de le faire et ne peuvent donc transmettre ces données aux autorités compétentes. En croisant ces métadonnées avec celles des opérateurs, il sera possible de créer des outils efficaces pour les enquêteurs, et d’obtenir certaines informations comme les horaires, les localisations ou encore les liens entre les suspects.
Nous pourrons retravailler ce sous-amendement avec vos services dans le cadre de la navette, mais si vous refusez de le voter, nous rejetterons les amendements visant à rétablir l’article 8 ter, lequel porte une atteinte inadmissible à la sécurité des systèmes d’information. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. Olivier Marleix
Vous êtes libertariens, c’est délirant !
Mme la présidente
La parole est à M. Pouria Amirshahi, pour soutenir le sous-amendement no 997.
M. Pouria Amirshahi
Monsieur Lefèvre, c’est en définitive la commission des lois que vous accusez de naïveté, puisqu’elle a supprimé à la quasi-unanimité l’article 8 ter. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EcoS.) Elle l’a fait parce qu’elle était très éclairée par le doute – il est des doutes qui permettent d’avancer. Vous semblez très expert en technologies de chiffrement et de déchiffrement ; ce n’est pas mon cas, je le reconnais en toute humilité.
M. Mathieu Lefèvre
Moi non plus !
M. Pouria Amirshahi
Nous sommes nombreux à nous poser plusieurs questions importantes. En premier lieu, nous voudrions savoir si ces dispositifs de renseignement par déchiffrement ne présentent pas un risque pour la sécurité numérique nationale. Ne croyez pas que, lorsque la commission des lois rejette à la quasi-unanimité une disposition, c’est pour la voir revenir par la fenêtre. Permettez qu’on puisse la réexaminer et que cela ne puisse se faire en deux minutes !
D’autre part, je comprends que M. Marleix nous invite à tenir compte du fait que les narcotrafiquants passent par des messageries cryptées, mais son argument pèche sur un point : si vous pénétrez à l’intérieur des messageries cryptées utilisées par le commun des mortels, telles que WhatsApp, Signal ou Telegram, vous fragilisez leur sécurité. Ces plateformes ont souligné ce risque et il serait dommage de les voir partir.
M. Sébastien Huyghe
Les Américains le font !
M. Pouria Amirshahi
Les narcotrafiquants ont bien saisi ce risque, puisqu’ils créent leurs propres messageries.
M. Pierre Pribetich
Bien sûr !
M. Pouria Amirshahi
Monsieur le ministre, si vous voulez mettre le paquet pour placer sous surveillance ces réseaux, je vous soutiendrai, mais pas au prix de capter l’ensemble des conversations de la population.
M. Mathieu Lefèvre
Donc, ne faisons rien !
Mme la présidente
La parole est à M. Arthur Delaporte, pour soutenir le sous-amendement no 1006.
M. Arthur Delaporte
Ce n’est pas un débat anodin. Le dispositif de ces amendements identiques est très complexe et n’a fait l’objet d’aucune étude d’impact, d’aucun avis du Conseil d’État…
M. Olivier Marleix
Ce sont les mêmes dispositions que pour les opérateurs téléphoniques !
M. Arthur Delaporte
…alors qu’il met en péril le principe du secret de la correspondance, ainsi que la sécurité nationale.
M. Midy affirme que les avis des experts divergent. Or tous les opérateurs, les fabricants de smartphones, les fournisseurs de systèmes d’information ou les concepteurs de messageries cryptées que nous avons rencontrés ont dit qu’ils n’étaient pas en capacité technique de satisfaire aux réquisitions que votre amendement prévoit.
M. Olivier Marleix
Arrêtez d’écouter les lobbys !
M. Arthur Delaporte
Tel est l’objet du sous-amendement : permettre aux fournisseurs de démontrer qu’ils ne sont pas en capacité de répondre aux réquisitions.
Je prolongerai l’argumentation de mon collègue Pouria Amirshahi : si vous dites aux délinquants que vous pourrez, en demandant à WhatsApp de fournir les données, espionner leurs conversations, que produirez-vous ? Un déport des délinquants vers des applications que vous ne pourrez pas réquisitionner.
Mme Sabrina Sebaihi
Eh oui !
M. Arthur Delaporte
C’est d’ailleurs ce qui se produit déjà. Le seul effet de votre mesure sera d’introduire des failles de sécurité dans des applications utilisées par nos industriels de la défense et de la sécurité, au moment où la guerre économique fait rage et où certains États seront tentés d’en profiter. Les conséquences seraient considérables. Je vous en conjure donc, chers collègues : ne votez pas ces amendements ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – Mme Anne Le Hénanff applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandra Regol, pour soutenir le sous-amendement no 979.
Mme Sandra Regol
Les grands trafiquants utilisent des téléphones jetables à la place des téléphones portables habituels et font développer leur propre système de messagerie. Ceux qui ont recours aux messageries grand public sont les trafiquants les moins dangereux et les petits dealers.
Monsieur Marleix, vous avez affirmé que les entreprises qui développent ces messageries refusent d’aider la France et qu’elles ne traitent qu’avec les États-Unis.
M. Mathieu Lefèvre
C’est vrai !
Mme Sandra Regol
Or les faits vous donnent tort : pour ne prendre qu’un exemple, Meta, qui possède WhatsApp, reçoit 30 000 réquisitions par an en France.
M. Olivier Marleix
Et combien de réquisitions reçoivent une réponse positive ?
Mme Sandra Regol
Les plateformes livrent donc déjà leurs données aux enquêteurs français. Ce que vous souhaitez instaurer, c’est une fragilité dans les messageries que tout le monde utilise.
M. Mathieu Lefèvre
Pas du tout !
Mme Sandra Regol
N’en déplaise à M. Midy, les experts techniques sont unanimes sur le fait qu’il est impossible d’intervenir et d’ajouter du code sans briser le chiffrement « de bout en bout ». Seuls les experts politiques et les éditorialistes affirment que c’est possible.
Vous ouvrirez donc la porte aux pays qui font de l’ingérence étrangère, aux groupes de hackers qui veulent s’en prendre à notre pays, (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS et SOC. – M. Éric Bothorel applaudit également)…
M. Benjamin Lucas-Lundy
Elle a raison !
Mme Sandra Regol
…et aux groupes de trafiquants qui veulent récupérer les données issues des messageries des députés, quand ils arrêtent leurs votes, ou des ministres, quand ils fixent leurs rendez-vous. Vous ne vous contentez pas d’ouvrir une brèche et de porter atteinte à l’intimité et à la confidentialité des discussions de nos concitoyens, vous mettez aussi en péril la sécurité nationale. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS, SOC et GDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir le sous-amendement no 984.
M. Ugo Bernalicis
Ce débat est assez lunaire. M. Midy nous a même lancé « Donnez sa chance au produit ! » : quelle désinvolture ! Nous examinons un article qui pourra permettre d’entrer dans n’importe quelle conversation cryptée sur la base d’un soupçon des services de renseignement.
Le Rassemblement national, qui n’ose pas s’opposer à ces techniques dangereuses et inopérantes, propose un amendement de repli qui vise à permettre aux services de renseignement d’obtenir les métadonnées. Or c’est déjà ce qui se fait aujourd’hui dans le cadre des enquêtes judiciaires. Comment croyez-vous que M. Amra a été rattrapé ? (M. Aurélien Lopez-Liguori s’exclame.)
À partir du moment où on connaît les données permettant d’identifier un appareil et qu’on capte un flux de données, on n’a même plus besoin de la carte SIM : on peut savoir qu’Untel a discuté avec Unetelle par WhatsApp ou par Signal, chaque application étant repérable à ses marqueurs.
J’entends bien que ce serait génial d’avoir accès à toutes les conversations ; dans une certaine mesure, je suis sûr que ce serait utile.
M. Mathieu Lefèvre
Pas du tout !
M. Ugo Bernalicis
Mais je suis aussi certain que ce serait très dangereux et attentatoire aux libertés individuelles fondamentales. Cela mettrait aussi en péril la sécurité nationale, en ouvrant les canaux à ceux qui ne nous veulent pas du bien.
On nous brandit l’exemple des États-Unis mais même les concepteurs d’Olvid, qui est une messagerie française, par ailleurs plébiscitée par le président de la République, expliquent qu’il ne faut pas rétablir l’article 8 ter. C’est dire ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-François Coulomme, pour soutenir le sous-amendement no 983.
M. Jean-François Coulomme
Je compléterai les propos de mon collègue Bernalicis. Admettons que vous capturiez des trames d’informations internet cryptées. Si vous ne connaissez pas l’émetteur ni le récepteur, cela ne sert à rien. En effet, la seule chose que vous apprendrez, à la rigueur, c’est qui s’adresse à qui, à quelle heure et depuis quel endroit. Le contenu de la conversation vous échappera du fait du chiffrement opéré par les logiciels utilisés.
Nous ne pouvons donc pas compter sur la seule algorithmie pour décrypter et obtenir des renseignements exploitables. C’est donc le renseignement humain, mené par des fonctionnaires, qui permettra de surveiller au plus près qui s’adresse à qui et d’anticiper quelque mauvais coup en préparation. Or rien dans le texte ne va dans ce sens.
Après les attentats terroristes du 11 septembre 2001, l’administration américaine et les services de renseignement ont reconnu que s’ils se sont trouvés complètement débordés, c’est parce qu’ils manquaient de renseignement humain, auquel ils avaient substitué les machines. Sans moyens humains supplémentaires, les dispositifs que vous souhaitez instaurer resteront stériles.
Ces dispositifs n’aboutiront à rien d’autre qu’à la surveillance de la masse des gens qui n’ont rien à se reprocher – ils seront en revanche complètement inopérants pour attraper dans leurs filets troués ceux auxquels vous prétendez les destiner. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Élisa Martin, pour soutenir le sous-amendement no 985.
Mme Élisa Martin
Non seulement ces filets sont troués, mais je crains que les services de renseignement ne finissent par obliger les messageries elles-mêmes à leur donner, pour obtenir les informations qu’ils souhaitent, les aiguilles destinées à resserrer ces trous – je me suis hasardée à une métaphore filée, ce qui ne va pas toujours de soi. (Sourires sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Vous proposez un système qui ne fonctionne pas – on pourrait presque s’en réjouir –, incapable de satisfaire aux objectifs qu’avait fixés l’article 8 ter. Ce dispositif, une fois validé, pourrait cependant servir de cheval de Troie pour qui, dans un second temps, voudrait obtenir davantage d’informations sur les flux d’échanges entre tout un chacun. Vous pourriez ainsi vous rapprocher, par un effet cliquet, de votre objectif d’une société de surveillance généralisée.
Mme la présidente
La parole est à M. Antoine Léaument, pour soutenir le sous-amendement no 986.
M. Antoine Léaument
J’espère que les narcotrafiquants ne regardent pas nos débats, car nous sommes en train de nous ridiculiser. M. Midy nous a dit : au pire, c’est un ensemble vide, au mieux ça évite des crimes – je ne sais pas si vous vous rendez compte ! On demandera aux fournisseurs d’accès à internet de communiquer le contenu des conversations cryptées entre deux téléphones – bravo les champions ! Si vous n’avez pas la clé de chiffrement, qu’est-ce que vous pensez pouvoir faire de ce code incompréhensible ? Rien du tout !
Si jamais ces dispositions étaient autre chose qu’un ensemble vide – ce qu’elles ne sont pas du point de vue de la technique –, ce serait pire encore. Cela reviendrait en effet à dire aux narcotrafiquants : surtout n’utilisez pas ces trucs-là, ils ne sont pas sûrs ! Que pensez-vous qu’ils feront ? Ils utiliseront autre chose.
M. Mathieu Lefèvre
On fera une nouvelle loi !
M. Antoine Léaument
Qu’est-ce qu’il nous restera à faire pour obtenir des informations sur les narcotrafiquants ? Je vous le donne en mille : investir dans les moyens humains de la police et de la gendarmerie, pour développer nos capacités de décryptage. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) C’est d’ailleurs un sujet de fierté nationale : les gendarmes ont décrypté EncroChat et la police judiciaire a décrypté Sky ECC. Ils sont très bons dans ce domaine ! Félicitons nos forces de gendarmerie et de police pour leur capacité à décrypter des logiciels ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
M. Benjamin Lucas-Lundy
Vous pourriez applaudir la police tout de même ! (M. Benjamin Lucas-Lundy se tourne vers la droite de l’hémicycle.)
M. Antoine Léaument
Donnez des moyens cryptologiques à la police ! Mais ne faites pas des choses aussi stupides : en plus d’être inefficaces, elles nous ridiculisent aux yeux de ces grands criminels. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Mme la présidente
Nous reprendrons tout à l’heure avec les avis du rapporteur et du ministre ainsi qu’avec les multiples inscrits, tous les groupes souhaitant s’exprimer.
Mme la présidente
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
2. Ordre du jour de la prochaine séance
Mme la présidente
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic ;
Suite de la discussion de la proposition de loi organique fixant le statut du procureur de la République national anti-criminalité organisée.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures cinq.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra