Deuxième séance du mercredi 02 avril 2025
- Présidence de Mme Clémence Guetté
- 1. Lutte contre les déserts médicaux
- Discussion générale
- Discussion générale (suite)
- Discussion des articles
- Article 1er
- Rappel au règlement
- Article 1er (suite)
- Après l’article 1er
- Amendements nos 56 rectifié, 68 rectifié et 84 rectifié
- Sous-amendement no 133 rectifié
- Amendement no 17
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Clémence Guetté
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
1. Lutte contre les déserts médicaux
Suite de la discussion d’une proposition de loi
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi visant à lutter contre les déserts médicaux, d’initiative transpartisane (nos 966, 1180).
Discussion générale
Mme la présidente
Dans la discussion générale, la parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier
Nous traitons d’un sujet majeur : l’accès aux soins. À l’heure où nous parlons, 7 millions de personnes, soit plus de 10 % de la population, n’ont pas de médecin traitant. Il s’agit de la priorité des Français, tous les sondages le démontrent. Qui ici peut soutenir qu’il n’a pas été sensibilisé par les habitants de sa circonscription, venus lui dire qu’ils rencontraient des difficultés, que les urgences étaient toujours plus encombrées, et cela bien que des sommes considérables – plus de 40 milliards d’euros en cinq ans – aient été mises sur la table pour améliorer le fonctionnement du système de soins ?
M. Christophe Blanchet
Eh oui !
M. Philippe Vigier
Pourtant, des choses ont été faites. Le numerus clausus est devenu un numerus apertus. Vous l’avez rappelé, monsieur le ministre : en 2001, 3 500 médecins étaient formés ; ils sont 12 000 cette année. On a procédé à des délégations de tâches, c’est-à-dire confié des responsabilités normalement dévolues aux médecins à d’autres professionnels de santé. Cela n’a pas été simple. On a attendu longtemps les décrets d’application.
Mme Stéphanie Rist
Il manque un arrêté !
M. Philippe Vigier
Des parlementaires se sont impliqués dans d’autres textes, notamment ceux concernant les IPA, les infirmiers en pratique avancée, les infirmières Asalée – Action de santé libérale en équipe – ou les orthophonistes, avec l’examen du texte de notre collègue du groupe Horizons en commission la semaine dernière. Partout, on dresse le même constat.
Des CPTS, des communautés professionnelles territoriales de santé, ont été créées ; elles permettent de faire travailler ensemble les professionnels. On a lancé un système d’accès aux soins, la PAIS, la plateforme alternative d’innovation en santé – je vous invite à le découvrir ; j’étais d’ailleurs encore dans le Loir-et-Cher vendredi après-midi. Il y a eu des accompagnements fiscaux – je regarde Jean-Paul Mattei, dont on connaît l’expertise sur le sujet. La Cour des comptes a été très incisive à ce propos, en se demandant si cet argent avait été bien dépensé.
Malgré tout cela, Guillaume Garot l’a souligné, les disparités se sont aggravées. Pire encore, moins de 14 % des jeunes médecins s’installent. On s’inscrit en secteur 2 plutôt qu’en secteur 1. Et je ne parle pas de la financiarisation de la médecine, qui est un désastre dont on subira les conséquences dans les prochaines années.
Depuis de longues années, nous essayons modestement de travailler. Je suis pour ma part un multirécidiviste : c’est la cinquième fois que je dépose un texte sur le sujet – mais quand on est parlementaire, il faut savoir plusieurs fois sur le métier remettre l’ouvrage, n’est-ce pas, cher Thierry Benoit ? Nous avons donc élaboré un texte simple, à l’issue d’un tour de France et d’un travail transpartisan, où chacun s’est mis à l’écoute de l’autre, où chacun a fait un pas vers l’autre – M. le ministre aussi, et je le remercie d’avancer avec nous : les anciens ministres qui sont présents dans cette enceinte savent qu’il n’est pas facile d’être au rendez-vous, de faire preuve de courage et de remettre en cause certaines antiennes et des positions figées.
À commencer par les discours relatifs à la profession médicale. Guillaume Garot l’a souligné : nombreuses sont les professions réglementées. Qui peut dire le contraire ? Celle de notaire l’est, de même que celle d’huissier de justice ou de commissaire-priseur. Connaissez-vous ce très beau film avec Delon, Le Guépard ? « Il faut que tout change pour que rien ne change. »
Nous proposons pour notre part d’ouvrir modestement une porte, celle de la régulation. Nous savons tous qu’il existe des territoires sur-dotés : prenez votre smartphone, cherchez un rendez-vous dans certaines villes, vous verrez qu’on vous en proposera plusieurs pour le jour même. Quand une plaque est retirée, une autre prend sa place. Et ne nous faites pas croire que, dans ces territoires, la densité médicale va chuter : plus un moins un, ce sera toujours un jeu à somme nulle.
D’aucuns crient à la coercition – ce fut votre cas tout à l’heure, monsieur le ministre. Je vous répondrai avec gravité. Un étudiant de médecine en première année est-il sûr d’accéder à la deuxième année ? Non. A-t-il le droit de redoubler ? Non. Avoir envie d’être médecin et ne pas le pouvoir parce qu’on n’a pas réussi sa première année : n’est-ce pas là la plus grande des coercitions ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.) Et les épreuves classantes nationales ! Vous savez, c’est ce qui a remplacé l’internat. Il n’existe pas pire. On y est classé du rang 1 au rang 10 000. Lorsqu’on est au rang 6 000, vous croyez vraiment qu’on va où l’on veut ? (M. Mickaël Cosson applaudit.)
Il faut, avec les jeunes, trouver les voies et les moyens de remédier à la situation actuelle et les accompagner dans les territoires. (Mme Stéphanie Rist s’exclame.) Ils auront la liberté d’installation sur 87 % du territoire français, madame Rist !
M. Thierry Benoit
Bien sûr !
M. Philippe Vigier
Pour ma part, je ne les incite pas à aller s’inscrire dans des facultés à l’étranger, je n’encourage pas les formations en Roumanie, à Zagreb ou ailleurs. Cela reviendrait à un abandon. Ce serait un échec complet.
Mme la présidente
Merci de conclure, monsieur Vigier.
M. Philippe Vigier
Mes chers collègues, il est temps d’agir ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR, ainsi que sur certains bancs des groupes EPR et HOR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Nathalie Colin-Oesterlé.
Mme Nathalie Colin-Oesterlé
Nous voilà réunis pour évoquer une réalité qui ébranle la confiance de nos concitoyens dans l’égalité républicaine : les déserts médicaux. Derrière ce terme se jouent des vies. Il suscite de réelles inquiétudes.
Le diagnostic est partagé sur tous les bancs : près de 87 % du territoire français est aujourd’hui considéré comme un désert médical. Je pense à nos aînés, qui peinent à trouver un ophtalmo pour surveiller leur vue ; à ces parents anxieux, qui doivent faire des dizaines de kilomètres pour faire soigner leur enfant fiévreux. La situation actuelle n’est pas tenable, ni pour les patients ni pour les soignants. Elle heurte de plein fouet ce que notre Constitution érige pourtant en principe, à savoir que « la nation garantit à tous […] la protection de la santé ».
Face à cette urgence, notre devoir est d’agir avec lucidité, sans céder aux faux-semblants. Je tiens à dire, au nom du groupe Horizons & indépendants, que nous entendons la colère et le sentiment d’abandon des habitants des territoires sous-dotés et qu’à plusieurs reprises, nous avons agi concrètement ici pour tenter d’améliorer leur quotidien.
M. Thierry Benoit
Si peu !
Mme Nathalie Colin-Oesterlé
La réponse dont nous débattons aujourd’hui ne vise pas seulement à geler la situation dans les territoires pour limiter toute dégradation supplémentaire de l’accès aux soins ; elle touche également à un autre principe fondamental de notre système de santé, la liberté d’installation des médecins. (Mme Béatrice Bellamy, Mme Stéphanie Rist et M. Jean-François Rousset applaudissent.)
Depuis des décennies, notre pays fait confiance aux professionnels de santé pour le choix de leur lieu d’exercice, et mise sur l’incitation plutôt que sur la contrainte administrative. Cette liberté d’installation n’est pas un privilège corporatiste ; elle était jusqu’ici considérée comme le gage d’un exercice libéral dynamique et d’un maintien des vocations.
M. Nicolas Sansu
Ça ne marche pas !
Mme Nathalie Colin-Oesterlé
Ces deux exigences – la liberté des médecins et l’égalité d’accès aux soins des patients – peuvent être conciliées intelligemment ; c’est ce qu’ont cherché à faire jusqu’à présent le législateur et le gouvernement.
Ces dernières années, plusieurs réformes importantes ont été engagées afin de s’attaquer à la racine du problème : la suppression du numerus clausus ; l’élargissement de l’accès direct à certains spécialistes grâce à la loi Rist 2 de 2023 ; l’incitation à l’installation durable des professionnels de santé dans les territoires grâce à la loi Valletoux de 2023 ; la facilitation du cumul emploi retraite pour les médecins dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 ;…
Mme Stéphanie Rist
Oui !
Mme Béatrice Bellamy
Bravo !
Mme Nathalie Colin-Oesterlé
…la reconnaissance et la revalorisation du métier d’infirmier, qui est en cours d’examen par le Parlement ;…
Mme Béatrice Bellamy
Bravo !
Mme Nathalie Colin-Oesterlé
…l’introduction du statut de docteur junior à la quatrième année d’internat pour les médecins généralistes – à partir de la rentrée 2026, on comptera chaque année 3 700 docteurs juniors supplémentaires dans les territoires sous-dotés.
Mme Béatrice Bellamy
Bravo !
Mme Nathalie Colin-Oesterlé
Ces réformes témoignent de notre mobilisation constante – mais il faut attendre qu’elles produisent entièrement leurs effets.
Je souhaiterais revenir sur une proposition qui a été faite par la profession elle-même et qui est rapidement applicable : l’assistanat territorial.
M. Nicolas Sansu
Je croyais que vous étiez contre l’assistanat ?
Mme Nathalie Colin-Oesterlé
S’il vous plaît, cher collègue !
Ce dispositif repose sur une idée simple : mobiliser pour une à deux années des médecins spécialistes qui ont terminé leur internat, qui viennent d’être diplômés et qui seraient envoyés dans des zones sous-denses.
Mme Béatrice Bellamy
Bravo !
M. Philippe Vigier
« Envoyés » dans des zones sous-denses ?
Mme Nathalie Colin-Oesterlé
Le dispositif concernerait 2 000 à 3 000 jeunes médecins par an et pourrait parfaitement s’articuler avec celui des docteurs juniors. La lutte contre les déserts médicaux nécessite en effet un éventail d’actions coordonnées et structurelles. En la matière, il n’existe pas de mesure miracle.
Mes chers collègues, le cri d’alarme des territoires en détresse médicale nous oblige à l’action. Au-delà des divergences politiques, nous sommes unis par la même volonté : redonner vie au droit à la santé partout en France. En revanche, les avis divergent sur les moyens. Pour ma part, je ne crois pas que la contrainte administrative d’installation soit une solution satisfaisante ; je la pense même contre-productive. (« Bravo ! » sur certains bancs du groupe HOR.) J’y suis opposée – tout en respectant celles et ceux qui, y compris dans mon groupe, la défendent par souci sincère de trouver une issue.
M. Thierry Benoit
Excellent !
Mme Nathalie Colin-Oesterlé
Nous sommes en effet nombreux à penser que passer de l’incitation à la contrainte ne résoudra pas le problème. Nous manquons au niveau national de médecins de ville en exercice, qu’ils soient généralistes ou spécialistes. Le cœur du problème est bien là.
Les habitants de nos régions délaissées attendent des médecins dans leurs cabinets médicaux et des soignants à leurs côtés quand ils en ont besoin, non des symboles ou des coups d’État législatifs. Ne les décevons pas, répondons à leur appel avec la responsabilité et l’humilité qui doivent caractériser cette assemblée. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe HOR et sur certains bancs du groupe EPR. – M. Vincent Thiébaut et Mme Béatrice Bellamy se lèvent pour applaudir.)
Mme la présidente
La parole est à M. Yannick Favennec-Bécot.
M. Yannick Favennec-Bécot
Enfin ! Enfin, l’espoir, enfin, la lumière au bout du tunnel (M. Damien Maudet applaudit) – un tunnel qui dure depuis vingt-cinq ans pour 8 millions de Français sans médecin traitant, parmi lesquels 30 000 Mayennais.
Enfin ! Enfin, grâce, il faut le dire, à la pugnacité de notre rapporteur, qui s’est battu pour l’inscription de ce texte important à l’ordre du jour de notre assemblée, nous voici réunis dans l’hémicycle pour discuter d’une proposition de loi sur laquelle nous travaillons depuis près de trois ans, pour tenter de mettre un terme à l’une des plus grandes inégalités territoriales de ce début de XXIe siècle, celle de l’accès aux soins pour tous.
Enfin ! Enfin, sous l’égide de Guillaume Garot, nous avons été capables d’unir nos forces et nos expériences au service de l’intérêt général pour répondre à l’angoisse, au désespoir, parfois même à la colère de nos concitoyens qui ne peuvent se soigner faute de médecin. Permettez-moi de souligner le redoutable défi politique que constituait l’initiative de notre rapporteur : former un groupe transpartisan, auquel je fus le premier à adhérer, en réunissant chaque semaine autour de la même table des femmes et des hommes représentant neuf groupes parlementaires différents.
M. Philippe Vigier
C’est rare !
M. Yannick Favennec-Bécot
Oui, c’est rare, et il faut l’en remercier.
Enfin ! Enfin, grâce au pragmatisme de ce texte, nous allons pouvoir apporter des réponses fortes, concrètes, efficaces à celles et ceux qui viennent nous voir dans nos permanences, parfois en pleurant, pour nous dire qu’ils ne parviennent pas à obtenir de rendez-vous chez le médecin généraliste ou chez un spécialiste ou que, quand ils parviennent à en obtenir un, ce n’est pas avant des semaines, voire des mois.
M. Jean-François Rousset
Ils seront de retour dans six mois !
M. Yannick Favennec-Bécot
Certains, malheureusement de plus en plus nombreux, renoncent même à se soigner.
Mes chers collègues, notre texte, cosigné par 255 députés,…
M. Philippe Vigier
C’est rare !
M. Yannick Favennec-Bécot
…ne prétend pas tout résoudre à lui tout seul. Il vient compléter efficacement les mesures prises depuis vingt ans mais qui, sur le terrain, ne répondent malheureusement pas à l’urgence de la situation ; je le constate chez moi, en Mayenne – chez nous, devrais-je dire, cher Guillaume Garot. Certes, il existe des mesures d’incitation et je salue l’engagement de nos élus locaux dans ce domaine ; ils n’ont guère compté leur temps, avec la construction de pôles de santé, de maisons de santé pluridisciplinaires ou encore de centres de santé.
Toutefois, nous devons mieux répartir dans les territoires les médecins, qu’ils soient généralistes ou spécialistes, libéraux ou salariés.
Cela veut dire légiférer avec responsabilité et bon sens en amenant les médecins à s’installer là où les patients les attendent. On appelle cela la régulation, objet de l’article 1er de notre proposition de loi, article structurant, incontournable, l’ADN même de notre texte !
La régulation de l’installation, ce n’est pas une punition pour les médecins ni de la coercition, mais une solution supplémentaire indispensable pour les patients ! C’est pourquoi, notre texte propose d’adapter le principe de liberté d’installation – dont je rappelle qu’il n’est nullement mis à mal – aux nécessités de santé publique et aux problèmes d’inégalité d’accès aux soins.
Déjà appliquée à d’autres professions médicales, la mesure donne des résultats concluants : les inégalités de répartition territoriale des pharmaciens, des kinésithérapeutes, des infirmiers et des sages-femmes ont diminué.
Mme Stéphanie Rist
Les kinés, ils se revendent leur clientèle depuis longtemps !
M. Yannick Favennec-Bécot
La régulation de l’installation a si bien fait ses preuves qu’elle a été étendue aux chirurgiens-dentistes depuis janvier dernier.
Notre article sur la régulation n’ayant pas été adopté en commission à trois voix près, nous l’avons réécrit en y intégrant une procédure d’élaboration de son décret d’application qui prévoit la consultation des représentants des étudiants en médecine, de ceux des usagers et de ceux des élus locaux.
Jointe aux autres mesures du texte – je pense à la déconcentration des lieux de formation sur le territoire, avec la création d’une première année de médecine dans chaque département et à l’octroi de plus de temps médical aux médecins –, j’ai la conviction que cette disposition permettra à nos concitoyens de se soigner en toute sérénité, conformément à l’un des principes fondamentaux de notre République, l’égalité, en l’espèce l’égalité d’accès aux soins sur tout le territoire.
Chaque Français pourra – enfin ! – voir la lumière au bout du tunnel, pour peu qu’en responsabilité, notre assemblée adopte l’ensemble des articles de cette proposition de loi. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS, Dem et GDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu
Pas une semaine ne passe sans que nous ne soyons, les uns et les autres, interpellés dans nos permanences par des patients, souvent âgés, angoissés par la perte de leur médecin traitant ou par l’impossibilité d’en trouver un – 8 millions de Français sont dans ce cas. Quand nous discutons avec les médecins installés dans ces territoires, tous nous disent leur écœurement de devoir dire non à des centaines de patients qui les sollicitent – dans bien des départements plus de 20 % des habitants sont sans médecin traitant, voire sans médecin tout court.
Ces deux réalités sont emblématiques d’un droit à la santé, principe constitutionnel, qui n’est aujourd’hui plus garanti : l’égalité de nos concitoyens dans l’accès aux soins est bafouée, les pertes de chances augmentent.
De fait, nous ne saurions attendre une dizaine d’années, le temps que la fin du numerus clausus et apertus produise ses premiers effets, d’autant que les inégalités entre les territoires se creusent année après année. Sans reprendre les chiffres qu’a égrainés notre excellent rapporteur, je soulignerai que la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) indique que le Cher compte 54 médecins généralistes pour 100 000 habitants, un taux deux fois inférieur à la moyenne nationale. Et c’est encore pire en Guyane, à Mayotte, en Seine-Saint-Denis !
La question qui nous est posée dépasse donc largement les intérêts individuels, voire égoïstes ; c’est tout simplement une question de respect de nos valeurs républicaines, une question d’humanité : voulons-nous continuer à faire société ?
Dans bien des zones rurales, mais aussi au cœur des quartiers populaires, l’impossibilité de se soigner est une violence qui crée ressentiment, colère et division !
Ne vous étonnez pas, monsieur le ministre, que l’extrême droite soutienne le statu quo et s’oppose à ce texte. Imaginez que nous arrivions à résoudre une petite part du problème, ce serait du carburant en moins pour la haine, la division et le déclassement, terreau sur lequel l’extrême droite veut prospérer ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS.)
M. Jean-Pierre Vigier
Exactement !
M. Nicolas Sansu
La santé est en effet la première préoccupation de nos concitoyens. Qu’ils soient locaux ou nationaux, les élus sont sans cesse interpellés sur ce sujet. Et c’est bien normal !
En France, la santé est très majoritairement affaire de solidarité collective, grâce à la grande et belle sécurité sociale, financée par les cotisations et l’impôt. De ce fait, personne ne saurait s’affranchir de son devoir de servir le public dans un cadre assurant l’égalité territoriale. Cela vaut d’abord pour les professionnels de santé, pleinement inscrits dans ce système collectif.
Certes, nombre de dispositifs ont été déployés, bien souvent par le truchement de l’intelligence de nos élus locaux, pour créer, qui une maison de santé pluridisciplinaire, qui un centre de santé, ou instaurer des primes à l’installation. Force est de constater que ces dispositifs, si tant est qu’ils aient freiné la catastrophe qui vient, n’ont pas amélioré le taux de présence médicale sur les territoires en difficulté.
Je sais, d’expérience, que l’innovation locale peut être salvatrice : dans l’intercommunalité de Vierzon, nous avons créé un centre de santé prenant la forme d’un groupement d’intérêt public (GIP), auquel s’est récemment ajouté un centre de santé externe à l’hôpital, mais fonctionnant grâce à des Padhue – praticiens à diplôme hors Union européenne. Toutefois, de telles initiatives sont loin de tout régler. La multiplication des maisons de santé pluridisciplinaires, dont certaines sont de véritables coquilles vides, entraîne même des effets pervers, notamment des concurrences entre collectivités locales qui confinent à l’insupportable.
M. Jean-Pierre Vigier
Eh oui !
M. Nicolas Sansu
Élaborée de manière transpartisane et soutenue par les associations de patients, les associations d’élus locaux comme les professionnels de santé des zones les plus en difficulté, notre proposition de loi n’est, bien entendu, qu’un outil parmi d’autres. Mais elle a l’immense mérite de respecter notre pacte républicain, de combattre l’idée d’une France où l’on accepterait, de fait, l’existence de citoyens de seconde zone.
« Il faut sortir de l’enlisement et de l’impasse. Il faut probablement une régulation », a dit le premier ministre hier. Je n’ose croire que le bloc central et, à plus forte raison, le ministre de la santé et de l’accès aux soins défient la position du chef du gouvernement.
L’amendement qui rétablit la régulation est bien loin de créer une obligation géographique d’installation – caricature qu’en font ceux qui s’y opposent –, puisque 87 % du territoire ne sera soumis à aucune autorisation, la liberté d’installation y restant totale.
Voter le rétablissement de l’article 1er serait un signe que la représentation nationale fait vivre le grand principe d’égalité territoriale. Cela irait aussi dans le sens de l’histoire de la régulation des professions de santé, tels que les infirmiers, les pharmaciens, les kinésithérapeutes, les chirurgiens-dentistes et les sages-femmes, dont l’installation est déjà régulée.
Mme Stéphanie Rist
C’est vrai, c’est facile.
M. Nicolas Sansu
L’ouverture de formations médicales au plus près des territoires – à l’image de la licence donnant accès aux études de santé que nous proposons à Bourges –, la suppression de la double peine financière pour les patients n’ayant pas de médecin traitant et l’élargissement de la permanence des soins constitueront autant d’atouts pour faire société.
La santé n’appartient pas aux professionnels de santé, c’est un droit pour tous. Assurer un meilleur accès aux soins, c’est un devoir pour nous, législateurs ! La régulation, ce n’est pas la coercition, c’est l’essence même du respect de l’égalité, valeur qui fonde notre pacte républicain. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine sera au rendez-vous, monsieur le rapporteur ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP, SOC, EcoS, et Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. Alexandre Allegret-Pilot.
M. Alexandre Allegret-Pilot
Il est des territoires où l’abandon sanitaire et social prend les traits quotidiens de l’isolement, de la fatigue et du découragement. Il est un pays où 2 800 bébés meurent chaque année avant d’atteindre leur premier anniversaire, en grande partie du fait du reflux des maternités et de notre long déclin démographique. Ce pays classé 23e sur 27 au sein de l’Union européenne pour la mortalité infantile, c’est la France – non pas la France du Général de Gaulle, la France d’Emmanuel Macron.
M. Pierre-Yves Cadalen
Laisse le Général de Gaulle là où il est !
M. Alexandre Allegret-Pilot
Les déserts médicaux ne sont plus une réalité périphérique et anecdotique ; ils constituent désormais le cas général et un défi vital pour notre pacte social. L’endroit où l’on naît, où l’on vieillit, où l’on tombe malade ne devrait pas conditionner autant l’accès aux soins, l’espoir de guérir ou simplement de ne pas souffrir. Et pourtant, les déserts médicaux sont l’illustration la plus alarmante de notre lente agonie collective. Or il s’agit là de la dignité et des conditions de vie de nos concitoyens.
Plus de 6 millions de Français vivent aujourd’hui dans des zones où l’accès aux soins n’est plus qu’un vague souvenir de l’époque où chaque village disposait d’un bureau de poste, d’un médecin et d’un instituteur. Image d’Épinal battue en brèche par des décisions irresponsables en matière de finances publiques : nos dirigeants ont délaissé le bien commun pour alimenter les copinages, financer des lubies altermondialistes et récompenser l’oisiveté – toujours au détriment des Français.
C’est un choix que nous payons très cher. Consulter un médecin devient une course d’endurance, un défi que l’on anticipe comme on planifie un pèlerinage : dans ma circonscription, il faut ainsi patienter dix-huit mois en moyenne pour consulter un cardiologue. Autant dire que l’infarctus n’attend pas ! Dans nos campagnes dépeuplées, on bricole donc comme on pouvait le faire jadis, la population vieillissante en plus, l’égalité de traitement en moins. Seule l’absence répond à l’urgence.
Après des années d’une pénurie médicale structurelle sans précédent, après l’échec du numerus apertus face à l’enjeu capacitaire de l’accueil d’étudiants dans les formations médicales, la proposition de loi que nous étudions vise à réguler l’installation des médecins en fonction des besoins territoriaux, à rétablir la permanence des soins, à ouvrir une première année de médecine dans chaque département et à supprimer la majoration tarifaire pour les patients dépourvus de médecin traitant. Ces pistes ont le mérite de nommer l’aberration et de la prendre à bras-le-corps. Certaines peuvent sembler pertinentes.
Elles mettent surtout en exergue la schizophrénie de notre pays sur ce sujet : entre réglementation de leurs professions, financement par l’argent du contribuable et liberté d’exercice, les professionnels de santé ont tantôt les attributs du fonctionnaire – et certaines de ses servitudes –, tantôt ceux de l’entrepreneur – et certaines de ses libertés. Se fait probablement jour un besoin de libéralisation pour passer de la contrainte à l’incitation et respecter la liberté d’installation, à laquelle nous sommes attachés.
Le flou continu généré par cet entre-deux bancal ne pénalise qu’une seule catégorie de personnes : nos concitoyens les plus fragiles, les oubliés des territoires ruraux, ceux qui souffrent et qui meurent dans l’indifférence générale, ceux qui n’ont pas la chance d’appartenir à une communauté ou à une minorité que nos dirigeants veulent acheter,...
Mme Ségolène Amiot
Il est sérieux ?
M. Alexandre Allegret-Pilot
…cette France profonde, travailleuse, silencieuse : notre France.
Nous sommes donc à un embranchement entre deux voies, deux modèles d’allocation de nos ressources. Vous vous doutez bien que l’UDR préférera une solution plus libérale, fondée sur l’incitation. Soyons clairs : la mesure envisagée ne saurait suffire, si elle n’est pas accompagnée d’une politique plus ambitieuse de formation, de revalorisation et de péréquation. Cela permettrait une meilleure allocation des ressources publiques sur le territoire, car elle serait prise en charge en grande partie par l’assurance maladie. Libérons davantage d’offre pour répondre à la demande de nos concitoyens, demande qui prend la forme de supplication tant la situation est insupportable.
Nous payons manifestement l’absence de politique du village, sacrifiée sur l’autel de la politique de la ville.
Cette réforme doit être plus partenariale et plus équilibrée. Surtout, nous devons écouter : écouter les professionnels de santé certes, mais aussi, et surtout, ces habitants invisibles à qui l’on a retiré, peu à peu, la possibilité du soin à portée de main, pourtant constitutive de la promesse républicaine. Cela vaut pour nos médecins, mais aussi pour nos instituteurs.
Après des années de progrès, la santé est redevenue un privilège. C’est le premier signe de notre déchéance en tant que nation, engagée depuis maintenant cinquante ans. La contrainte incohérente, entre servitude et liberté, ne saurait être le principal moteur de réforme. Trouvons l’équilibre avec humanité, lucidité et ambition : il s’agit pour la République de renouer avec cette France rurale, trop longtemps méprisée, trop longtemps oubliée. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Christophe Bentz.
M. Christophe Bentz
La désertification médicale est un problème majeur, un problème grave, un problème urgent à résoudre. Ses causes sont multiples, structurelles et anciennes. Ses conséquences sont désastreuses pour la santé des Français.
Elle touche durement les Français : le renoncement aux soins et les pertes de chances médicales augmentent dangereusement dans notre pays. Le recul des services de santé de proximité ne cesse de s’accélérer et la pénurie de soignants de s’accroître. Cette réalité sensible, partout dans notre pays, atteint en particulier les territoires qui sont malheureusement les avant-postes du désert médical, les zones rurales et les territoires ultramarins.
Les Français sont légitimement préoccupés par l’avenir de leurs territoires en matière d’accès aux soins et vivent cette situation comme une véritable injustice sociale, car notre système de santé, jadis performant, a été abîmé par les décisions politiques des gouvernements qui se succèdent depuis des décennies.
Cette proposition de loi comporte des avancées réelles et des écueils sérieux, du moins dans sa version initiale, dont l’article 1er, supprimé en commission, visait à restreindre la liberté d’installation des médecins. Une telle coercition ne réglerait en rien le problème du manque de médecins. Elle risquerait au contraire de produire des effets opposés à ceux qui sont recherchés.
La France traverse en effet une crise profonde en matière de personnels soignants, formés et disponibles. Certes, il n’existe pas de solution miracle pour répondre à cette pénurie, mais la coercition est une fausse bonne idée : comment voulez-vous redistribuer une pénurie, partager une carence, répartir une absence, mutualiser un manque ?
En commission des affaires sociales, le groupe Rassemblement national a rejeté la disposition qui prévoyait d’instaurer un régime d’autorisation de l’installation d’un nouveau médecin, l’autorisation devant être délivrée par les agences régionales de santé. Par les ARS ? Sérieusement ? Ces instances si lointaines, les plus technocratiques et les plus déconnectées des réalités territoriales, qui ne comprennent pas grand-chose aux bassins de vie et de santé ? C’est la pire solution, le pire échelon de décision !
Restreindre la liberté d’installation est une fausse bonne idée qui aurait des conséquences dramatiques, notamment celle de réduire davantage le nombre de médecins, en particulier dans les zones rurales. Une telle coercition créerait par ailleurs des déserts médicaux dans les territoires qui ne sont pas encore sous-dotés en médecins ; elle nuirait à l’attractivité de la profession et réduirait les vocations des Français pour la médecine. Réguler arbitrairement l’installation des soignants dans le désert médical français ne règle en rien la pénurie – en rien ! Les problèmes principaux à résoudre d’urgence sont ceux de la formation des soignants, de leur reconnaissance et de leur revalorisation.
Le groupe Rassemblement national propose de multiples solutions pour améliorer l’accès aux soins des Français : supprimer totalement le numerus clausus, puis le numerus apertus, pour former davantage, décentraliser vraiment les études propédeutiques en santé,…
M. Thibault Bazin
Vous avez de bonnes références, monsieur Bentz !
M. Christophe Bentz
…développer les dispositifs existants – notamment fiscaux – d’incitation à l’installation destinés aux jeunes médecins, augmenter le nombre de médecins maîtres de stage, faciliter le recrutement d’assistants pour gagner du temps médical, aider les collectivités territoriales qui accompagnent les nouveaux médecins, ou encore moduler les tarifs en fonction des territoires.
Les autres mesures du texte sont positives et vont dans le bon sens. L’article 2, qui prévoit la suppression de la majoration des tarifs des consultations pour les Français sans médecin traitant, apporte une correction bienvenue à l’injustice sociale que subissent, sans en être responsables, les près de 7 millions de Français qui sont dans cette situation. L’article 3, sur la décentralisation des études en santé, est sans doute l’idée la plus pertinente : la décentralisation est nécessaire et constitue une réponse adaptée aux enjeux de formation à long terme. L’article 4, relatif aux permanences de soins, tend à réaffirmer un principe déjà en vigueur, quoique partiellement, et prévoit un ajustement louable – si tant est que la contrainte prévue par le dispositif soit acceptée et appliquée.
Nous abordons cette proposition de loi dans un état d’esprit constructif, avec le souci du bien commun et la volonté d’aider à proposer des solutions efficaces pour résoudre un problème qui constitue naturellement une priorité absolue pour les Français : l’accès aux soins. Leur santé et leur vie sont en jeu. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Stéphanie Rist.
Mme Stéphanie Rist
Je vous remercie, monsieur le rapporteur, pour cette proposition de loi dont l’objectif est partagé par le groupe Ensemble pour la République : lutter contre les déserts médicaux. Au fond, qui pourrait s’opposer à une telle entreprise ?
Mme Delphine Batho
N’est-ce pas !
Mme Mathilde Panot
Bonne question !
Mme Stéphanie Rist
Beaucoup trop de nos concitoyens rencontrent avec angoisse des difficultés pour se faire soigner. Beaucoup trop renoncent aux soins. Beaucoup trop de médecins, aussi, subissent cette situation, liée à la fois à une démographie médicale trop faible – en raison d’un numerus clausus fixé trop bas pendant trop d’années – et à des besoins en santé croissants. Vous avez raison : nous devons continuer d’agir, et agir avec courage.
Mais quand bien même c’est avec courage que la France a entrepris la construction de la ligne Maginot dans les années 1930, le pays n’en était pas moins en retard d’une guerre.
M. Hadrien Clouet
Ah !
Mme Stéphanie Rist
De la même façon, l’article 1er, supprimé en commission, montre que nous sommes en retard d’une guerre et que nous essayons, au moyen d’une mesure inefficace, de réparer les errements passés.
Vouloir réguler l’installation des médecins aurait eu du sens jusque dans les années 1990-2000, mais la pénurie de médecin s’est installée depuis et cette volonté de régulation aggraverait désormais la situation – très rapidement d’ailleurs. Pourquoi s’agit-il d’une fausse bonne idée ? Parce que votre postulat de départ, selon lequel certains territoires auraient trop de médecins, ou suffisamment de médecins généralistes pour refuser que de nouveaux s’y installent, est erroné. Quel député approuverait que, dans sa ville – Dijon, Lyon, Caen, Limoges –, aucun nouveau médecin ne puisse s’installer à moins qu’un autre ne parte à la retraite ? Qui considère que certains des citoyens de sa circonscription sont privilégiés dans l’accès aux soins ?
M. Yannick Monnet
Le député du 7e arrondissement de Paris !
Mme Stéphanie Rist
Ce n’est en tout cas pas l’avis de l’Association des maires de France (AMF), ni celui de l’Association des maires ruraux de France (AMRF) ou de Départements de France. Tous sont opposés à la régulation telle que vous la proposez, car ils savent qu’il n’existe pas de zones surdotées dans leurs territoires. On ne peut pas réguler une pénurie. On ne peut pas rationner du vide…
M. Jean-Claude Raux
On a déjà entendu ça dans la bouche de l’orateur d’extrême droite !
Mme Stéphanie Rist
Votre vision étriquée et hyperadministrée oublie les voies de contournement possibles : les étudiants trouveront toujours le moyen de s’installer où ils veulent…
M. Nicolas Sansu
Ils ne s’installent pas, de fait !
Mme Stéphanie Rist
Ils prendront un poste dans des structures privées, des cliniques, des centres de santé, ils choisiront une autre spécialité que la médecine générale, ou ils partiront à l’étranger.
M. Hadrien Clouet
Et sur la Lune, peut-être.
Mme Stéphanie Rist
Nous devons cependant, je le disais, continuer d’agir. Aussi notre groupe ne s’opposera-t-il pas aux autres articles de cette proposition de loi. Je veux rappeler les mesures fortes qui ont été prises ces sept dernières années. À commencer par l’augmentation du nombre de médecins formés : ils étaient 7 500 à la fin du mandat de Nicolas Sarkozy et 8 000 à la fin du mandat de François Hollande, monsieur le rapporteur ; ils auront doublé d’ici à la fin du mandat d’Emmanuel Macron, comme s’y était engagé Gabriel Attal, alors premier ministre. Nous avons mis fin à l’aveuglement en supprimant le numerus clausus. Nous avons aussi libéré du temps médical, renforcé les compétences des autres professionnels, mis progressivement fin à l’exercice isolé, facilité la télémédecine et mis en place le service d’accès aux soins (SAS), qui permet d’obtenir une réponse adaptée à la demande.
Nous devons aller plus loin encore. De nombreuses mesures restent à prendre : mettre fin aux certificats médicaux inutiles, renforcer l’accès direct à certains praticiens, poursuivre la coopération entre professionnels – tout cela doit se faire avec les soignants, en leur témoignant notre confiance. Telle est la vision défendue par le groupe EPR, celle d’un système de santé adapté à notre époque, souple, innovant, qui repose beaucoup plus sur la médecine en ville, qui permette à nos concitoyens d’être soignés à proximité. Nous défendons cette vision avec humilité, en considération des difficultés actuelles de nos concitoyens, dans la situation démographique implacable où nous sommes. Nous la défendons avec l’ambition d’être utiles aux Français. Faisons preuve de courage, chers collègues, mais ne construisons pas une nouvelle ligne Maginot ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et HOR.)
M. Nicolas Sansu
Oh !
Mme la présidente
La parole est à Mme Murielle Lepvraud.
Mme Murielle Lepvraud
Je vous parlerai d’une femme, mère de trois enfants – qu’elle élevait seule –, médecin de campagne dans un bourg des Côtes-d’Armor, il y a trente ans. À l’époque, elle travaillait 24 heures sur 24 en semaine. Les dimanches, une garde était organisée avec les deux autres médecins de la commune – elle travaillait donc un week-end sur trois. Des patients pouvaient arriver à n’importe quelle heure du jour où de la nuit mais, une bonne partie du temps, c’est elle qui se déplaçait sur les routes, en visite. Trop de travail, trop de charge mentale professionnelle et familiale, trop de tabac sans doute, ont précipité son infarctus, à 53 ans. Il lui fut alors impossible de reprendre le travail. Elle se mit donc à chercher un médecin pour prendre la suite. En vain. Trop de patients, dans un endroit trop éloigné de tout, pas assez près de la mer… Sa patientèle dut alors se débrouiller et se répartir chez les confrères, déjà bien occupés. Cette femme, c’était ma mère. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
C’était il y a trente ans, au début de la dégradation de l’accès aux soins, au moment où l’on entendait en boucle « la santé coûte trop cher », « quand il y a trop de médecins, il y a trop de malades » – l’époque où la profession incitait, primes à l’appui, les médecins à partir à la retraite à 56 ans. Les conditions de travail des médecins libéraux ont heureusement évolué, grâce notamment à l’augmentation du nombre de femmes praticiennes. Cependant, la pénurie de médecins, organisée par la profession elle-même, a entraîné une détérioration de l’accès aux soins et une répartition inégale de la charge de travail sur un nombre restreint de praticiens.
M. Hadrien Clouet
C’est vrai !
Mme Murielle Lepvraud
Pour faire face à cette pénurie, on prend aujourd’hui des mesures destinées à inciter les médecins à prolonger leur activité après l’âge de la retraite, notamment au moyen du cumul emploi-retraite.
Environ 30 % de la population française vit désormais dans un désert médical. Selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), près de 11 % de la population vivait dans une zone sous-dotée en médecins généralistes en 2024 ; 7 millions de Français sont en grande difficulté pour obtenir un rendez-vous dans un délai raisonnable ; plus de 1 million de personnes renoncent chaque année à se soigner ; on meurt sur des brancards aux urgences ; la mortalité infantile remonte. Nous constatons depuis des années la détérioration progressive de notre système de santé publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)
Les élus locaux sont témoins des difficultés croissantes de leurs administrés pour obtenir un rendez-vous médical. Dans mon département, plus d’une cinquantaine de maires ont pris des arrêtés pour exhorter l’État à agir en urgence afin d’améliorer l’accès aux soins. Pendant ce temps, des communes rurales rivalisent d’imagination pour attirer des professionnels de santé, allant jusqu’à proposer des ponts d’or à celui qui daignerait venir s’installer dans leur coin perdu. Est-ce vraiment aux médecins qu’il faut accorder des aides financières à l’installation, alors que ces mesures incitatives ne produisent pas les effets escomptés ?
Conscient de la situation, le groupe transpartisan initié par Guillaume Garot travaille depuis trois ans sur l’accès aux soins. Et aujourd’hui, nous pouvons enfin examiner un texte visant à lutter contre les déserts médicaux.
Bien que cette proposition de loi s’en tienne au minimum et se concentre sur trois mesures prioritaires – la régulation, la formation et la permanence des soins –, cela n’a pas empêché les lobbys des médecins libéraux de mener une offensive pour tenter d’empêcher son adoption : ces derniers préfèrent maintenir un statu quo intenable pour la population. À l’Assemblée nationale, l’offensive est menée par une majorité de députés médecins. Certains d’entre eux s’opposent au texte au nom de la liberté d’installation, alors que nous proposons uniquement que, dans les zones surdotées, un médecin ne puisse s’installer que si un confrère part à la retraite. Partout ailleurs, il n’y aurait pas de régulation : 87 % du territoire resterait donc librement accessible aux médecins. Il n’y a là aucune coercition !
En l’espace de quelques décennies, nous sommes passés d’un extrême à l’autre : autrefois, les médecins étaient toujours disponibles, car constamment en service ; ils sont aujourd’hui difficilement accessibles, débordés et quasi introuvables le week-end. Qu’ils travaillent moins qu’auparavant ou que certains choisissent un temps partiel ne pose pas de difficulté en soi. La continuité des soins doit être garantie, en tout lieu et à toute heure – c’est l’objet de l’article 4. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs des groupes EcoS et GDR.)
Le volontariat s’est révélé insuffisant pour répondre aux besoins des patients sur l’ensemble du territoire. Le Conseil national de l’Ordre des médecins évoque même un désengagement des médecins libéraux. En 2024, moins de 40 % d’entre eux ont participé à la permanence des soins ambulatoires. En rétablissant l’obligation de permanence des soins pour l’ensemble des praticiens, il deviendra possible de mieux répartir la charge de travail tout en améliorant l’accès aux soins. La solidarité est toujours bénéfique !
Pour toutes celles et tous ceux qui ne parviennent plus à se soigner, en milieu rural comme dans les quartiers, je vous invite donc à voter en faveur de cette proposition de loi d’utilité publique. (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC, EcoS et GDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Joël Aviragnet.
M. Joël Aviragnet
Je commencerai par remercier Guillaume Garot pour son combat en faveur de l’accès aux soins, qu’il mène depuis une dizaine d’années.
M. Boris Vallaud
Exactement !
M. Joël Aviragnet
Je salue aussi l’abnégation des membres du groupe transpartisan, qui se sont mobilisés chaque semaine depuis trois ans, et qui ont mis leurs divergences de côté pour produire ce que la politique peut faire de mieux : servir l’intérêt général. Cette nouvelle méthode doit nous inspirer, car elle permet au Parlement d’examiner enfin, ce soir, une proposition de loi pour mettre fin aux déserts médicaux. Nous nous apprêtons peut-être à connaître un moment phare de notre vie parlementaire. Si ce texte venait à être adopté, nous prouverions aux Français que nous les écoutons, que nous sommes sensibles aux alertes qu’ils formulent lorsqu’ils nous interpellent dans nos permanences ou sur les marchés, et que nous agissons pour réduire les délais pour obtenir un rendez-vous avec un médecin. Notre rôle est de légiférer. Notre mission est de servir les Français. Notre horizon doit être l’amélioration de leur vie quotidienne.
Fruit d’un travail transpartisan, le présent texte propose une approche globale. Les différents mécanismes qu’il prévoit permettront d’améliorer l’accès aux soins. Seule, la régulation ne résoudrait rien ; mais sans régulation, l’incitation est inefficace – l’expérience l’a montré. En actionnant plusieurs leviers, cette proposition de loi mettra fin, si elle était votée, à la spirale infernale qui conduit nos territoires, notamment ruraux, à manquer de médecins.
La suppression de la majoration des tarifs à l’encontre des patients qui n’ont pas de médecin traitant relève du bon sens. Pourquoi punir ces concitoyens en les faisant payer plus cher ? Proposer une formation en première année de médecine dans chaque département aura le mérite d’ancrer territorialement les jeunes médecins et de les inciter à exercer par la suite dans les territoires qui manquent de professionnels. Enfin, le rétablissement de l’obligation de permanence des soins est une mesure évidente d’équité.
Je sais que cette proposition de loi suscite des débats, mais je constate l’évolution des mentalités sur le sujet. De nombreuses professions médicales ou paramédicales sont d’ores et déjà régulées et, quoi qu’on en dise en France ou à l’étranger, cela fonctionne.
Mme Delphine Batho
Exactement !
M. Joël Aviragnet
Nous ne pouvons pas nous permettre le luxe de l’inaction ; la situation est trop grave. Les Français n’accepteraient pas la lâcheté ni le confort du statu quo.
Mes chers collègues, écoutez nos concitoyens, entendez leur détresse et agissons ! Agissons en votant cette loi. Agissons en rétablissant l’article 1er, afin que le dispositif cohérent et ambitieux prévu initialement puisse s’appliquer. Combattons les déserts médicaux, loin des postures partisanes et dans le seul intérêt des Français. De la sorte, nous leur serions utiles et nous réaliserions ce pourquoi chacun d’entre nous s’est engagé en politique : améliorer la vie des gens. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NFP, EcoS, Dem et GDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
Tout d’abord, partageons un constat qui peut faire consensus : nous avons un problème réel et croissant de désertification médicale ; nous manquons de médecins qui s’installent. Nos concitoyens ressentent à raison une fracture territoriale. Lorsque l’on ne trouve plus de médecin à proximité de chez soi, cela nourrit un sentiment d’abandon, que chacun peut comprendre.
Des déserts médicaux existent dans l’immense majorité des circonscriptions des députés du groupe Droite républicaine, y compris dans mon département, la Meurthe-et-Moselle. Nous appelons tous à des solutions.
Pour remédier au problème, il faut poser le bon diagnostic. Comment en sommes-nous arrivés là ? Nous observons plusieurs phénomènes cumulatifs, qui n’ont pas été anticipés.
Premier constat : les modes d’exercice changent. Il faut désormais 2,3 jeunes médecins pour remplacer un médecin retraité.
Deuxième constat : un virage vers l’exercice salarié ou mixte s’opère de manière accélérée. Aujourd’hui, seulement 12 % des étudiants en médecine, toutes spécialités comprises, choisissent l’exercice libéral, et ce chiffre baisse depuis plusieurs années. Or seul un médecin libéral peut devenir médecin traitant, et un médecin libéral accomplit en moyenne plus d’actes qu’un médecin salarié, ainsi que l’a récemment rappelé un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas).
Troisième constat : les Français sont de plus en plus âgés. D’ici à 2030, le nombre de Français âgés de 75 à 84 ans augmentera de 50 %. Qui plus est, les pathologies se complexifient.
Face à ce triple constat, quelles solutions apporter ?
La première réponse est dans la formation. Mais nous avons un problème : nous formons actuellement presque le même nombre de médecins qu’en 1970, alors que nous sommes 15 millions de plus et que les besoins en soins augmentent.
M. Romain Daubié
Exact !
M. Thibault Bazin
Entre 2010 et 2022, le nombre de médecins a diminué de 11 %. Un autre phénomène est plus inquiétant encore : au bout de seulement quelques années, des médecins n’exercent plus du tout.
Vous vous êtes engagé, monsieur le ministre, à augmenter le nombre de places ouvertes en deuxième année de médecine, tout en faisant revenir les 5 000 étudiants français en médecine partis se former à l’étranger. Nous devons probablement tendre, d’ici cinq ans, vers le chiffre de 20 000 places ouvertes en deuxième année. Il convient en outre d’examiner avec les facultés les raisons pour lesquelles celles-ci n’ont pas toutes utilisé à plein le numerus apertus.
Certains diront : « C’est trop long ! » Je l’entends et le comprends. Au sein de mon groupe, nous sommes plusieurs à ressentir une certaine lassitude. Nous avons le sentiment que le sujet de la désertification médicale est abordé régulièrement, mais sans que nos concitoyens constatent une amélioration dans leur vie quotidienne. Oui, il faut aussi des réponses de court terme.
Nous considérons que les actions déployées jusqu’à présent ne suffisent pas. Je ne cache pas d’ailleurs que nous avons eu des débats au sein du groupe Droite républicaine, ni que les solutions nous divisent.
Cela étant dit, s’il est indéniable que nous manquons de médecins installés dans la plupart de nos territoires et que le problème est de plus en plus prégnant, la France devenant un désert médical dans sa totalité ou presque, cette proposition de loi, en l’état, risque à mon sens d’aggraver le problème qu’elle prétend traiter plutôt que d’y remédier.
Mme Stéphanie Rist
Eh oui !
M. Thibault Bazin
Dit autrement, les dispositions envisagées ne risquent-elles pas de provoquer encore davantage de pénurie, donc de créer plus de déserts médicaux ? En quoi conduiront-elles à une augmentation du nombre d’installations ? En quoi inciteront-elles demain les internes en médecine générale à choisir l’installation plutôt que le salariat ou l’exercice libéral sans installation, par exemple le remplacement exclusif ou la télémédecine, qui est en plein essor ?
Nous nous posons ces questions en particulier à propos de l’article 1er, que le rapporteur souhaite rétablir. Cet article tend à créer une autorisation d’installation qui sera délivrée aux médecins par les ARS en fonction du zonage que celles-ci établissent. Or ce zonage est problématique : les ARS ne le fournissent que tous les deux ans, et il ne couvre que 87 % du territoire. C’est très insuffisant et cela bloque même l’installation de médecins dans des zones officiellement dotées alors qu’elles ne le sont plus depuis des mois, voire depuis plus d’un an.
Mme Delphine Batho
Nous avons la solution !
M. Thibault Bazin
Il y a plusieurs exemples de cette nature dans ma circonscription, et cela m’agace au plus haut point. Ce dispositif risque de pénaliser injustement des territoires qui, dans les faits, manquent de médecins.
Nos débats en commission ont montré qu’il fallait retravailler d’urgence la question du zonage : celui-ci est inadapté aux réalités locales pour les généralistes ; il est inexistant pour les non-généralistes. J’ai déposé plusieurs sous-amendements à l’amendement no 55 du rapporteur, afin que nous débattions de nouveau de l’article 1er, rejeté en commission.
Certains veulent mieux répartir demain les médecins qui s’installent. Encore faut-il qu’il y en ait qui s’installent ! C’est le premier enjeu : nous avons besoin que davantage de médecins s’installent. Comment augmenter ce flux ?
J’appelle à un choc massif et urgent d’attractivité pour les médecins qui s’installent. Il est urgent de rendre la médecine libérale plus attractive, de libérer du temps médical et de redonner du sens au travail des médecins, dans un partenariat exigeant et valorisant avec ceux qui s’engagent dans nos territoires.
À mon sens, il faut travailler à des solutions alternatives à l’article 1er, à court terme, pour que ce texte de loi ne soit pas une énième promesse non tenue. Nos concitoyens, qui attendent des solutions, nous le reprocheraient à raison. Je propose par exemple que nous développions l’assistanat territorial pour toutes les spécialités : 3 700 médecins juniors arriveront dans ce cadre en novembre 2026 ; amplifions le mouvement en portant ce nombre à 6 000 ! Veillons également à ne pas casser les dynamiques engagées par certaines collectivités.
Nous sommes au début d’un processus législatif au cours duquel il sera nécessaire de s’accorder avec les sénateurs pour élaborer des solutions adaptées et efficaces. Si la rédaction n’évolue pas, vous n’obtiendrez pas le soutien unanime du groupe Droite républicaine pour ce texte. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes DR et HOR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho
Ce soir, c’est l’heure de vérité, dans la configuration politique actuelle de l’Assemblée nationale. Le vote qui aura lieu sur ce texte ne sera le vote d’aucun groupe. Il ne relève pas des catégories habituelles. Il transcende tout, parce qu’il porte sur une question de vie ou de mort, au sens réel du terme, pour les citoyennes et les citoyens que nous représentons, comme pour l’avenir des territoires.
Cette proposition de loi n’appartient à personne, si ce n’est à l’Assemblée nationale et, à travers elle, au peuple qui nous a confié le mandat de voter les lois qui résolvent les problèmes de la vie de tous les jours.
Elle n’est pas socialiste ; elle ne porte pas atteinte à la liberté d’installation. Elle n’est pas Insoumise ni communiste ; elle ne supprime pas la médecine libérale. Elle n’est pas écologiste ; elle ne déstabilise pas le système de soins pour passer à un système fondé sur la pleine santé, privilégiant la santé environnementale, le sport santé et la qualité de l’alimentation. Elle n’est pas non plus libérale, parce qu’elle ne se résigne pas au fait accompli des inégalités. Elle n’est pas centriste, au sens auquel la caricature résume parfois le centrisme, à savoir une forme d’indécision et de non-choix. Elle n’est rien de cela.
C’est une proposition de loi démocratique et républicaine, à laquelle chacune et chacun d’entre nous, face à l’urgence de santé publique, a décidé d’apporter sa pierre, pour construire une solution d’intérêt général. (Mme Dominique Voynet applaudit.) Nous avons travaillé ensemble, en refusant le sectarisme. Ce texte vient des profondeurs du pays. Il est soutenu par 86 % des Françaises et des Français.
Pour chacune et chacun d’entre nous, les drames des déserts médicaux ont des visages. Je pense pour ma part à cet habitant des Deux-Sèvres affecté par un banal rhume, puis par une fièvre sévère. Les tests de la grippe et du covid ayant donné un résultat négatif, un rendez-vous est demandé avec le médecin traitant de la commune, mais celui-ci ne peut pas le recevoir avant quinze jours. S’ensuit l’application des recommandations que l’on trouve sur internet dans ce genre de circonstances : l’alternance entre paracétamol et ibuprofène pour faire tomber la fièvre. Or, quelques jours de fièvre plus tard, c’est l’enchaînement : SOS Médecins, prise de sang, infection sévère, hospitalisation. C’était en fait une pneumonie qui, faute d’être soignée à temps, aggravée par l’ibuprofène, est devenue une septicémie, puis une myocardite aiguë, entraînant examens, intervention, hospitalisation.
Combien de victimes des déserts médicaux y a-t-il dans nos hôpitaux ? Combien de ravages de l’automédication ? Combien de renoncements aux soins ? Combien de pertes de chance ? Quel est le coût pour l’assurance maladie ? Avec le groupe de travail transpartisan sur les déserts médicaux, nous avons formé une sorte de conseil national de la résilience pour la santé de proximité. Nous sommes humbles, nous ne prétendons pas au miracle, mais nous ne renonçons pas à l’idée qu’il est possible d’améliorer l’accès aux soins.
Aux choix irrationnels d’hier avec le numerus clausus ne doivent pas succéder les choix irrationnels d’aujourd’hui face aux inégalités flagrantes de la démographie médicale. Nous le disons non seulement au nom des habitants, mais aussi au nom d’un nombre croissant de médecins, dont nous recevons les témoignages : ils se surpassent à la tâche ; ils sont épuisés ;…
Mme Marie Pochon
Eh oui !
Mme Delphine Batho
…leur souffrance est aggravée par l’inquiétude pour l’avenir de leurs patients une fois qu’ils seront partis à la retraite. Tous les jours, dans les Deux-Sèvres, je vois des médecins engagés qui se démènent, qui se font à la fois généralistes, pédiatres, gynécologues, gériatres et psychiatres. Je pense en particulier aux médecins maîtres de stage, auxquels on devrait décerner la Légion d’honneur. Elles et ils ont besoin que les renforts arrivent.
Aux pathologies chroniques et aux besoins liés à l’augmentation de l’espérance de vie s’ajoutent désormais des bouleversements historiques : la guerre à nos portes, l’accélération du changement climatique et le danger de nouvelles pandémies, aggravé par les décisions scandaleuses de Donald Trump en matière d’aide humanitaire et de vaccins, représentent des risques supplémentaires qui mettent à l’épreuve notre système de soins. Quelles seront les forces morales du pays si, dans 87 % du territoire national, tout un chacun a peur de ne pas être soigné lorsqu’il tombe malade ?
Nous appelons l’Assemblée nationale à être au rendez-vous de cette urgence et à rétablir l’article 1er, pierre angulaire de cette proposition de loi visant à lutter contre les déserts médicaux. Nous appelons chacune et chacun à voter librement, en conscience. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, SOC et GDR ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et Dem.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Stella Dupont.
Mme Stella Dupont
En France, en 2025, de nombreux territoires souffrent d’une offre de soins insuffisante pour leur population. C’est le cas presque partout, même dans le Maine-et-Loire, alors que ce département n’est pas le moins doté – selon l’Insee, il est au 28e rang dans le classement des départements en fonction de la densité de médecins généralistes pour 100 000 habitants. Cependant, plus d’un tiers des habitants de ma circonscription résident dans un secteur sous-doté. C’est pourquoi je crois que nous devons poursuivre notre action, dans la continuité de ce que nous avons déjà fait. La proposition de loi permet de rouvrir ce sujet qui, en définitive, ne se ferme jamais.
Depuis 2017, nous avons pris différentes mesures. Le Ségur de la santé a débouché sur des revalorisations salariales et un plan d’investissement dans les hôpitaux. Le nombre de maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) a doublé. Plusieurs orateurs l’ont rappelé, nous avons supprimé le numerus clausus, et le nombre d’étudiants a augmenté de 22 %. Des aides financières continuent d’accompagner l’installation des médecins dans les zones sous-denses. Nous avons également accordé davantage de responsabilités aux pharmaciens et aux infirmiers. Nous avons libéré du temps médical, notamment grâce aux assistants médicaux, qui allègent la charge administrative des médecins. Et ainsi de suite.
Mais force est de constater que la situation reste trop tendue sur le terrain, tant pour les patients que pour les médecins, certaines mesures étant des changements structurels qui mettent du temps à produire leurs effets.
Les conclusions d’un rapport sénatorial de 2022 ne peuvent que nous encourager à sortir de l’inertie, alors que 1,6 million de Français renoncent chaque année à des soins médicaux. Je souligne d’ailleurs que la notion même de « désert médical » mérite d’être revue et précisée ; un indicateur plus pertinent est nécessaire pour évaluer la densité de l’offre de soins médicaux et paramédicaux par spécialité dans chaque territoire de santé.
Notre groupe de travail propose ainsi de créer un indicateur territorial de l’offre de soins, qui me semble très utile. La difficulté du sujet réside dans le fait que nous devons prendre tout à la fois des mesures de fond, qui produisent leurs effets dans le temps, et des mesures d’urgence, pour faire face aux difficultés.
Nous le savons, la problématique principale de l’accès aux soins est liée à l’insuffisance du nombre et de la disponibilité des médecins généralistes ou spécialistes pour faire face aux besoins de santé, qui vont croissant. M. le ministre l’a dit : la solution consiste à former davantage de professionnels, professionnels qui s’installeront partout en France sur l’ensemble des territoires.
Guillaume Garot l’a rappelé : depuis dix ans, le fossé ne cesse de se creuser entre les territoires qui attirent les médecins et voient leur nombre se maintenir, voire augmenter, et les territoires sous-denses. Sans être une solution miracle, la régulation de l’installation, à l’article 1er, vise à limiter cette dynamique.
Je comprends les préoccupations des syndicats de médecins et d’étudiants en médecine. La régulation soulève des questions légitimes quant à son efficacité et à ses conséquences potentielles, notamment sur la motivation des jeunes médecins. Mais nous ne pouvons pas rester les bras croisés !
Examinons ce texte, poursuivons surtout le travail entamé avec la profession pour mettre en œuvre certaines des propositions qu’elle a formulées : valoriser davantage les fonctions de maître de stage universitaire et de docteur junior pour accroître l’expérience professionnelle des praticiens libéraux dans les territoires ; supprimer le numerus apertus – M. le ministre a évoqué cette bonne mesure – ; doter les départements d’un site d’enseignement de première année ; renforcer les capacités hospitalières et pédagogiques locales.
Regardons aussi avec attention les propositions de la profession relatives aux rémunérations, parfois inégales. On peut constater, par exemple, un déséquilibre entre les gardes, qui ont été revalorisées, et la rémunération horaire des médecins régulateurs.
La question de l’attractivité du métier de médecin libéral est réelle, ne la laissons pas de côté !
Ce texte propose un ensemble de mesures : la régulation de l’installation, la suppression de la majoration des tarifs pour les patients sans médecin traitant, l’encadrement de la financiarisation, l’accès aux études de médecine dans tous les territoires.
Il me semble utile d’examiner cette proposition de loi car elle aborde un sujet qui préoccupe de nombreux citoyens et fait régulièrement l’actualité dans nos territoires. C’est le cas en Anjou, où l’accès aux soins psychiatriques est particulièrement problématique. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC, EcoS et LIOT.)
Mme la présidente
La discussion générale est close.
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à Mme Stéphanie Rist, pour un rappel au règlement.
Mme Stéphanie Rist
Sur le fondement de l’article 100 de notre règlement, relatif au déroulement des débats, madame la présidente. L’oratrice du groupe La France insoumise a déclaré que les lobbys médicaux étaient à l’offensive à l’Assemblée nationale, une offensive menée par une majorité de députés médecins.
Dans cet hémicycle, nous sommes tous des députés. De même que je suis médecin et pas députée lorsque je suis en consultation le lundi, je suis ici députée avant d’être médecin. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe HOR. – Protestations sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
M. Jean-Paul Lecoq
Qu’est-ce que c’est que cette intervention ? Vous êtes députée tout le temps !
Discussion générale (suite)
Mme la présidente
La parole est à M. Guillaume Garot, rapporteur de la commission des affaires sociales.
M. Guillaume Garot, rapporteur de la commission des affaires sociales
Je voudrais remercier l’ensemble des intervenants car le débat a été bien posé. Chacun reconnaît que la situation est insupportable et que les fortes inégalités dans l’accès aux soins se creusent entre les territoires, donc entre les Français. Que faire ? Pouvons-nous laisser la situation se dégrader encore ?
J’entends dire qu’il faut former davantage de médecins ; c’est exact, mais le temps de formation est long et il nous faut des solutions immédiates. J’entends dire aussi que nous disposons de solutions alternatives, comme la télémédecine. En réalité, nous savons bien que la télémédecine ne peut totalement remplacer les consultations d’humain à humain, sans écran interposé.
Le groupe transpartisan travaille assidûment, sans relâche, depuis trois ans. Nous avons laissé tout dogmatisme à la porte de nos réunions et nous avons tenté de regarder quelles étaient les solutions efficaces.
M. Jérôme Nury
C’est vrai !
M. Guillaume Garot, rapporteur
Si nous proposons la régulation,…
M. Christophe Bentz
La coercition !
M. Guillaume Garot, rapporteur
…ce n’est pas pour embêter le monde, c’est parce que nous avons fait le constat qu’une telle mesure pouvait fonctionner, qu’elle s’était révélée efficace pour d’autres professions de santé, qu’elle avait permis de stopper l’aggravation des inégalités entre les territoires, donc entre les Français. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS.) Pourquoi s’empêcher de mettre en œuvre une telle solution alors qu’elle porte ses fruits à l’étranger et en France, pour les autres professions de santé ?
Un chercheur de l’université de Lille a modélisé notre proposition. Il a démontré qu’elle permettrait, chaque année, à 600 000 personnes vivant – survivant parfois – dans des zones mal dotées, de trouver un médecin ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, SOC, Ecos et GDR.)
Vous ne devez pas avoir peur de la régulation de l’installation ! N’ayez pas peur ! Au sein du groupe transpartisan, nous avons construit un compromis autour de cette idée. Nous voyons qu’elle gagne du terrain et fait son chemin auprès des associations d’usagers et d’élus. Le premier ministre lui-même s’y est dit favorable hier.
M. Fabrice Brun
Tiendra-t-il cet engagement ?
M. Guillaume Garot, rapporteur
Nous pouvons avancer avec pragmatisme et détermination pour que chacun de nos compatriotes retrouve espoir. En notre qualité de législateur, nous devons répondre au sentiment d’abandon de ces Français privés de l’accès aux soins. Je vous en conjure, ayez confiance dans le travail que nous avons accompli ! Dites-vous que les Français, ce soir, nous regardent : ils attendent des solutions, ils comptent sur nous, ils comptent sur vous. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NFP, Ecos, Dem et GDR ainsi que sur plusieurs bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
J’ai écouté avec beaucoup d’attention les interventions des orateurs des groupes. Je veux rendre hommage au travail sérieux du rapporteur Guillaume Garot, étayé par cette modélisation scientifique qui aboutit au nombre de 600 000 personnes prises en charge.
Cependant, face à ce problème insupportable qui touche toutes vos circonscriptions, je souhaite que nous puissions coconstruire une solution avec tous.
Mme Ayda Hadizadeh
Il en faut, du courage !
M. Yannick Neuder, ministre
Vous avez raison, madame la députée, il en faut. Pendant le mois d’avril, nous devrons construire ces solutions avec le Parlement, les élus locaux, régionaux et départementaux et les professionnels de santé.
Mme Ségolène Amiot
Vous pensez que nous ne travaillons pas avec eux ?
M. Yannick Neuder, ministre
Pour cela, il faut du temps. Hier soir, j’ai commencé ce travail…
M. Jean-Paul Lecoq
Cela fait trente ans !
M. Yannick Neuder, ministre
Cela fait cent jours que je suis ministre ! Cela fait trente ans que les pouvoirs politiques concourent à cette situation. L’heure n’est pas à la recherche des coupables ; il nous faut voir comment avancer ensemble de façon responsable.
Mme Ségolène Amiot
On n’a pas le temps d’attendre !
M. Yannick Neuder, ministre
Pour ce faire, sans opposer les uns et les autres, j’ouvre les débats et ferai des propositions à la fin du mois d’avril. (Mme Sylvie Dezarnaud applaudit)
Mme Ségolène Amiot
On l’a déjà fait ! Il faut avancer.
Discussion des articles
Mme la présidente
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
Article 1er
Mme la présidente
Je suis saisie de trois amendements, nos 55, 67 et 78, tendant à rétablir l’article supprimé par la commission.
Ils peuvent être soumis à une discussion commune. Les amendements nos 55 et 67 sont identiques. Tous font l’objet de sous-amendements.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement no 55.
M. Philippe Vigier
Monsieur le ministre, vous savez bien qu’en commission, la suppression de l’article a été votée avec deux voix de majorité,…
M. Christophe Bentz
Eh oui !
M. Philippe Vigier
…tandis que les autres articles ont reçu un accueil plutôt favorable.
Je salue votre volonté – je sais que le premier ministre souhaite cette démarche – de trouver dans le mois à venir des solutions. Ce sont des solutions que nous attendons depuis longtemps. Il est évident qu’il ne se serait rien passé si ce texte n’était pas venu en discussion.
J’ai écouté les arguments des uns et des autres. J’ai entendu dire que la régulation, c’était idiot, que ça n’avait pas été testé et qu’on n’y arriverait pas. Un peu d’humilité ! Nous sommes tous en situation d’échec. L’échec est partout.
Mme Sandrine Rousseau
Eh oui !
Mme Isabelle Santiago
Depuis huit ans, en tout cas !
M. Philippe Vigier
Cette voie n’a jamais encore été explorée… (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem, LFI-NFP, SOC, DR, EcoS, HOR et GDR.) En la matière, et je l’ai dit à Stéphanie Rist, l’humilité doit être sur tous les bancs !
Il faut bien comprendre que, pour remplacer des médecins qui travaillaient quatre-vingts heures par semaine, il faut 2,3 nouveaux praticiens. N’oublions pas que ces médecins âgés de plus de 70 ans, ceux qui tiennent la boutique et font des soins non programmés, ceux qui sont en burn-out, nous regardent ce soir ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et DR.)
M. Hadrien Clouet
Bien dit !
M. Philippe Vigier
Monsieur le ministre, avec les élus locaux, les professionnels de santé, les syndicats, les internes, nous sommes capables d’identifier les zones surdenses – vous les connaissez d’ailleurs aussi bien que moi ! L’idée n’est pas de diminuer l’offre dans ces territoires ; quand vous enlevez une plaque pour en rajouter une, la somme est nulle.
M. Guillaume Garot, rapporteur
Bien sûr !
M. Philippe Vigier
Et quand vous remplacez un médecin qui travaille quatre-vingts heures par deux médecins qui en travaillent quarante, rien ne change.
Certains parlent de coercition, mais quel message enverrons-nous aux autres professions qui ont accepté la régulation si nous abandonnons cette disposition ? Que diront les infirmiers, les kinésithérapeutes, les pharmaciens, les dentistes ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR dont plusieurs députés se lèvent, et sur quelques bancs des groupes EPR, DR et Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. Fabrice Brun, pour soutenir l’amendement no 67.
M. Fabrice Brun
De qui et de quoi parlons-nous ce soir ? Nous parlons de la situation des 6 millions de Français sans médecin traitant, des ruraux, des Ardéchois qui habitent à deux heures du centre hospitalier universitaire (CHU) le plus proche et mettent entre six mois et un an pour obtenir un rendez-vous chez un spécialiste. Nous parlons de l’espérance de vie : dans les campagnes, elle est bien inférieure à celle des villes, comme l’a montré une étude de l’association des maires ruraux de France, consacrée à la mortalité dans les zones rurales. Nous parlons de ces 10 % du territoire, essentiellement les métropoles et les régions littorales, qui comptent trois à six fois plus de médecins pour 100 000 habitants. Nous parlons de l’équité de l’accès aux soins, qui fait partie intégrante du pacte républicain.
Oui, il faut créer des parcours d’accès spécifique santé (Pass), comme nous le ferons en septembre à Aubenas, améliorer l’attractivité du métier de médecin, valoriser le statut des internes et des infirmiers ! Oui, il faut des assistants médicaux et des maisons de santé pluridisciplinaires ! Oui, il faut investir dans les hôpitaux de proximité et former davantage de médecins.
Mais rien ne nous dit que ces médecins s’installeront dans les zones les moins dotées !
M. Vincent Descoeur
Il a raison !
M. Fabrice Brun
C’est tout l’enjeu de ce texte. Non, nous n’avons pas tout essayé ! Si à Nice, à Paris, à Lyon, une installation est conditionnée à un départ, ces villes conserveront le même nombre de médecins, tandis que nos campagnes en accueilleront davantage. Pour ma part, je signe des deux mains et une très grande majorité d’Ardéchois avec moi ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS, Dem et GDR et sur quelques bancs des groupes DR et HOR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Denis Masséglia, pour soutenir le sous-amendement no 116.
M. Denis Masséglia
J’ai rédigé ce sous-amendement avec les acteurs de la santé du territoire choletais. L’agglomération de Cholet compte 104 000 habitants, dont 27 000 personnes sans médecin traitant – bientôt 33 000.
Il ressort des échanges que j’ai eus avec plusieurs dizaines de personnes que les médecins sont, très majoritairement, contre cette obligation alors que les patients et les professionnels de santé y sont largement favorables.
Je vous soumets donc un amendement qui me semble équilibré en ce qu’il vise à répondre aux attentes des personnels de santé et des patients, tout en évitant les écueils d’une obligation pérenne. En effet, une telle mesure présente des risques : les médecins qui en ont les moyens pourraient se payer l’installation dans les villes qu’ils souhaitent alors que les moins aisés seraient contraints de rester dans les territoires ruraux.
Mme Ayda Hadizadeh
C’est déjà le cas !
M. Denis Masséglia
Voici le compromis que je vous propose : une fois leurs études terminées, les médecins rendront – si vous me permettez l’expression – trois années de leurs études auprès des territoires les plus en difficulté et ce n’est qu’ensuite qu’ils pourront s’installer, mais sans contrepartie financière, où ils le souhaitent.
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir le sous-amendement no 125 rectifié.
M. Thibault Bazin
Nous partageons le diagnostic et l’objectif. Mais l’article 1er aura-t-il l’effet souhaité ? Garantira-t-il que davantage de médecins s’installent dans les territoires ? Ne prend-on pas le risque que moins de médecins ne s’y établissent, au contraire ?
Le rapporteur propose de rétablir l’article mais nous devons envisager toutes les conséquences d’une telle mesure. Je suis bien d’accord que le contact humain est préférable à la télémédecine mais, précisément, certains médecins ne seront-ils pas tentés, faute de pouvoir ouvrir un cabinet où ils veulent, de ne proposer que des consultations en visio ? C’est possible, aujourd’hui.
Mme Ségolène Amiot
Non !
M. Thibault Bazin
L’obligation, c’est déjà une réalité pour d’autres professions – plusieurs l’ont voulu, d’autres ne souffrent pas de pénurie. Dans certains secteurs, des professionnels en profitent pour revendre leur patientèle à des prix excessifs. C’est un effet collatéral auquel nous devons être vigilants.
Nous devons également nous poser la question du modèle que nous souhaitons. Celui de l’installation est-il attractif ? Le rendons-nous attractif, du reste ? La régulation n’est pas toujours la solution : ainsi, cela ne fonctionne plus pour les pharmacies. Comparaison ne vaut donc pas raison et nous devons analyser en détail chaque situation car, s’il faut créer de l’espoir, gardons-nous des faux espoirs.
Vous avez parlé de confiance, de responsabilité collective et contractuelle, monsieur le ministre. Je crois moi aussi que la décentralisation permet de mieux répondre aux besoins locaux. Mon sous-amendement vise donc à responsabiliser les ordres.
Mme la présidente
La parole est à Mme Stéphanie Rist, pour soutenir le sous-amendement no 120.
Mme Stéphanie Rist
J’ai beaucoup de respect pour les députés qui essaient de trouver des solutions afin d’améliorer l’accès aux soins et qui pensent que le rétablissement de l’article 1er en serait une mais je voudrais leur expliquer pourquoi je ne le suis pas, ce qui me conduit à vous soumettre ce sous-amendement destiné à supprimer des alinéas de l’amendement, afin de neutraliser l’effet du rétablissement de l’article.
M. Nicolas Sansu
Et donc à supprimer l’article !
Mme Stéphanie Rist
Mettons-nous dans la peau d’une étudiante en médecine qui habite dans le centre-ville de Nice, fait ses études à Nice et a décidé d’y vivre parce que son mari y réside. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
Elle a une première possibilité… (Mêmes mouvements.)
Mme la présidente
S’il vous plaît, mes chers collègues, un peu de silence. Le débat va être long mais il est important : beaucoup de sous-amendements ont été déposés et vous avez été nombreux à demander la parole. Écoutons les arguments des uns et des autres. Ce n’est pas la première fois que nous débattons de ce sujet.
Écoutez en particulièrement les oratrices. Dès qu’elles s’expriment, on entend un brouhaha désagréable. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS, LIOT et sur quelques bancs du groupe Dem. – Mme Stella Dupont applaudit également.)
Mme Stéphanie Rist
Je voudrais illustrer la différence entre la théorie de cet amendement et la pratique. Cette étudiante, qui veut vivre à Nice mais à qui l’agence régionale de santé ne donnera pas l’autorisation de s’installer, a une première possibilité, celle de chercher un médecin généraliste proche de la retraite pour lui acheter sa patientèle. Ce faisant, ce généraliste partira à la retraite plus tôt que prévu, ce qui réduira d’autant le temps médical – on le constate de plus en plus pour les kinésithérapeutes.
Elle peut aussi, c’est une deuxième possibilité, accepter un poste salarié à l’hôpital de Nice ou dans une clinique privée. En conséquence, elle ne s’installera pas et ne deviendra pas médecin traitant à Nice.
Enfin, troisième possibilité, elle peut se décider pour une autre spécialité, après avoir choisi médecine générale et son mode d’exercice – centre de santé, hôpital, clinique, libéral –, voire arrêter ses études, comme c’est malheureusement le cas pour de plus en plus d’internes qui préfèrent changer de voie et devenir acupuncteur, par exemple.
Quelle que soit l’option retenue, elles se traduisent toutes par une perte de temps médical. Le rétablissement de l’article peut donner l’impression d’une mesure de bon sens, mais il aura au contraire pour conséquence d’aggraver la situation.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-François Rousset, pour soutenir le sous-amendement identique no 122.
M. Jean-François Rousset
La proposition de loi vise à réguler l’installation des médecins sur le territoire. Une telle mesure repose sur une vision simpliste et inefficace de l’accès aux soins dans notre pays car elle se fonde sur un postulat erroné.
La quasi-totalité du territoire est un désert médical : nous manquons de médecins partout – tout le monde partage ce constat. Faisons une comparaison simple : comment imaginer imposer à un agriculteur d’arroser un champ plutôt qu’un autre quand il n’a pas suffisamment d’eau ? Ne nous y trompons pas : le véritable enjeu, c’est de réparer le système d’approvisionnement en eau, pas de choisir le champ à arroser !
Notre système de santé vit la même situation. Il faut donc agir sur l’origine du problème. Les expériences étrangères similaires à votre proposition sont d’ailleurs un échec. Au Royaume-Uni, en Suisse, au Québec et aux Pays-Bas, elles ont même été abandonnées.
Les conséquences de la mesure sont attendues : les étudiants seront moins enclins à s’engager dans des études de médecine. Votre réforme méconnaît les déterminants à l’installation des jeunes médecins. Vous allez créer une nouvelle pénurie.
Il faut donc offrir de meilleures conditions d’installation, en rendant les territoires et les conditions d’exercice plus attractifs. Il faut favoriser l’incitation sous toutes ses formes, améliorer les conditions de travail, développer l’exercice coordonné, accompagner les professionnels.
Nous travaillons dans cette direction depuis 2017 : suppression du numerus clausus en 2019 afin d’atteindre 16 000 nouveaux étudiants en médecine dès 2027 ; quatrième année d’internat de médecine générale effective dès la rentrée 2026, qui permettra à 3 700 docteurs juniors d’irriguer les territoires et, à terme, de s’y installer.
L’essentiel est également de favoriser les délégations de tâches, l’accès direct ou le développement des structures de soins coordonnés, afin de gagner du temps libéral. Donnons du temps au temps, au lieu de nous engager dans la voie de la régulation pour gérer la pénurie – c’est un non-sens.
Mon sous-amendement vise donc à supprimer le mécanisme d’autorisation.
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir les sous-amendements nos 131, 126, 127 et 129, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Thibault Bazin
Dans ma circonscription, certains médecins ne sont pas encore définitivement partis mais ont considérablement réduit leur temps de travail, pour des raisons de santé ou parce qu’ils préparent progressivement leur départ à la retraite. Plusieurs collègues m’ont confirmé que c’était là l’une des problématiques abordées par le groupe transpartisan au cours de ses trois ans de travaux. Or l’article, tel que vous proposez de le rétablir, ne prend pas en compte cette donnée. Le sous-amendement no 131 vise ainsi à corriger cet écueil.
D’autre part, il n’existe pas de zonage pour les médecins non généralistes – et il n’est pas prévu de pouvoir y remédier par voie réglementaire. À Lunéville, dans ma circonscription, certaines spécialités n’existent pas. Or si l’on suit à la lettre l’article que vous voulez rétablir, il n’y aurait pas d’autorisation de droit à s’installer pour les spécialistes, faute de zonage, alors même que ces spécialités manquent. C’est paradoxal et c’est un autre écueil qu’il faut corriger. C’est le sens du sous-amendement no 126.
Le sous-amendement no 127 traite de l’actualisation du zonage. Dans certains bourgs-centres de ma circonscription, tous les médecins généralistes sont partis. Or tant que le zonage n’est pas actualisé, personne ne s’en inquiète et on nous dit d’attendre la révision ! Par conséquent, si un médecin veut s’installer, il ne le pourra pas, si l’on suit l’article 1er tel que vous voulez le rétablir. C’est encore un point à revoir.
Le sous-amendement no 129 tend à poser le principe d’une révision annuelle des zonages afin qu’ils s’adaptent aux réalités d’un territoire. La réforme ne peut s’appuyer sur des zonages inadaptés ou inexistants.
Mme la présidente
La parole est à Mme Stéphanie Rist, pour soutenir le sous-amendement no 121.
Mme Stéphanie Rist
Ce sous-amendement tend à supprimer les mots « et consultation ». L’article 1er, que le rapporteur souhaite rétablir, concerne les médecins qui vont s’installer en ville, et donc les étudiants en médecine. Il est inenvisageable que ces derniers ne soient pas formellement et directement impliqués dans la rédaction du décret d’application.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-François Rousset, pour soutenir le sous-amendement no 117.
M. Jean-François Rousset
Mon sous-amendement vise le même objectif. Les étudiants en médecine seront les premiers concernés par la régulation. Il paraît donc inadmissible et impensable de ne pas les associer à la rédaction du décret.
Mme la présidente
La parole est à Mme Josiane Corneloup, pour soutenir l’amendement no 78, qui fait l’objet de deux sous-amendements.
Mme Josiane Corneloup
En lien étroit avec les agences régionales de santé, il s’agit de conférer un rôle décisionnaire aux CPTS dans l’orientation et la validation des projets d’installation de médecins libéraux.
Les CPTS, composées de professionnels de santé ancrés dans le tissu local, disposent d’une connaissance fine des besoins sanitaires du territoire. Leur implication active dans l’élaboration du projet de santé local et dans la coordination des soins leur confère une légitimité opérationnelle à réguler, de manière concertée, l’installation de nouveaux praticiens.
Mme la présidente
Les sous-amendements nos 124 et 119 de M. Jean-François Rousset sont défendus.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Guillaume Garot, rapporteur
Je suis bien évidemment favorable aux amendements identiques de rétablissement de l’article, notamment celui défendu par notre collègue Philippe Vigier – c’est celui du groupe transpartisan.
M. Thibault Bazin
Favorable à titre personnel !
M. Guillaume Garot, rapporteur
Effectivement, la commission ne l’a pas retenu. Nous sommes pragmatiques et nous avons été très attentifs aux remarques et aux critiques qui nous ont été adressées. Certains nous ont alertés contre le risque de donner le sentiment de cibler la médecine libérale. Nous sommes complètement d’accord ! L’amendement de rétablissement de l’article 1er prévoit ainsi que les médecins salariés seront également concernés par la régulation.
Mme Stéphanie Rist
Ça ne marche pas !
M. Guillaume Garot, rapporteur
Notre approche territoriale vise donc l’ensemble des professionnels de santé, libéraux ou salariés, généralistes ou spécialistes, conventionnés ou pas, et quel que soit leur niveau de conventionnement avec l’assurance maladie.
Mme Stéphanie Rist
Oui, mais on fait comment ?
M. Guillaume Garot, rapporteur
À présent, je voudrais donner mon avis sur les sous-amendements. Trop souvent – je le dis à nos collègues avec regret –, on sent bien qu’au travers de ces sous-amendements transparaît votre volonté de vider de sa substance l’amendement rétablissant l’article qui prévoit la régulation. C’est pourquoi mon avis sera défavorable sur l’ensemble des sous-amendements. Je répondrai très rapidement à chacun de leurs auteurs.
Notre collègue Masséglia propose, dans le sous-amendement no 116, de circonscrire la régulation aux médecins diplômés depuis moins de trois ans. Non ! On ne peut pas viser seulement les jeunes diplômés. Mettez-vous à leur place : ils se diront qu’eux seuls, jeunes médecins, doivent faire l’effort demandé à la profession. Eh bien non ! Nous considérons que l’ensemble des praticiens souhaitant s’installer dans un territoire doivent être concernés.
Je ne reviens pas sur les sous-amendements nos 120 et 122, respectivement défendus par Mme Rist et M. Rousset, puisqu’ils tendent à vider l’amendement de sa substance même. Quant aux mots « et consultation », que le sous-amendement no 121 de Mme Rist tend à supprimer à l’alinéa 11, le Conseil d’État a considéré que l’emploi du mot « avis » emportait exactement et rigoureusement la même conséquence que celui du mot « consultation ».
J’en viens au sous-amendement no 117 de Jean-François Rousset relatif à la consultation des représentants. Il a raison sur un point : il faut bien sûr élargir cette consultation non seulement aux représentants mais aussi, comme nous l’avons également dit, aux représentants des associations d’usagers et d’élus. Cette exigence est satisfaite par l’article, dans la rédaction que l’amendement tend à rétablir.
Quant à ce que propose Thibault Bazin dans le sous-amendement no 125 rectifié, qui tend à remplacer l’autorisation préalable du directeur général de l’ARS à laquelle est soumise l’installation d’un médecin à titre libéral ou salarié par l’autorisation préalable du conseil départemental de l’Ordre dont ce médecin relève, nous estimons que ce travail est bien de la compétence du directeur général de l’ARS.
Je poursuis rapidement : il ne convient pas de prévoir que le zonage soit inopposable lorsqu’il est établi depuis plus d’un an, comme le propose Thibault Bazin dans le sous-amendement no 127. Si l’on écrit cela, on bloquera l’application de la régulation, car l’établissement du zonage et l’application de la régulation seront alors d’une complexité insurmontable pour ceux qui en seront chargés.
Pour en finir avec l’examen de ces sous-amendements, je dirai que le Conseil de l’Ordre ne dispose pas des données relatives à la réduction du temps de travail hebdomadaire de chacun des praticiens libéraux. Par le sous-amendement no 131, vous proposez, monsieur Bazin, d’autoriser l’installation d’un médecin d’une spécialité donnée si un autre médecin de la même spécialité réduit son activité d’au moins 25 %, mais le Conseil de l’Ordre n’a pas la capacité de quantifier cette réduction. J’y suis donc évidemment défavorable.
Enfin, l’amendement no 67 de M. Brun étant strictement identique à l’amendement no 55 défendu par M. Philippe Vigier, je lui propose de le retirer au profit de ce dernier.
Quant à l’amendement de rétablissement no 78 de Josiane Corneloup, je l’invite à le retirer car la version de l’article rétablie par l’amendement proposé par Philippe Vigier, donc par le groupe transpartisan, reprend l’ensemble des corrections, des réponses, s’agissant notamment du champ, de l’étendue du statut des praticiens concernés, de telle sorte qu’elle est mieux adaptée à ce que nous voulons collectivement pour cette régulation.
Voilà ce que je voulais vous préciser, chers collègues. Nous avons tenu compte de ce qui a été dit en commission et entendu ce qui a été dit dans le débat public. Nous cherchons à y répondre avec pragmatisme, donc avec efficacité, pour que le principe de la régulation soit inscrit dans le marbre et doté d’une pleine efficacité, au service d’une politique publique de la santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes EcoS et GDR.)
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre
J’ai bien pris note de votre souhait, exprimé lors de l’examen du texte en commission, de supprimer l’article 1er. La question qui se pose ce soir est celle de son rétablissement. Je voudrais rebondir sur les propos du rapporteur, qui souhaite continuer à avancer avec pragmatisme et efficacité. Moi aussi, monsieur le rapporteur, je veux que nous continuions d’avancer, pendant tout le mois d’avril, avec pragmatisme et efficacité.
Je voudrais citer quelques chiffres, qui n’ont pas été évoqués ce soir. En 2024, l’activité salariée supplante largement l’activité libérale : selon les dernières statistiques, sur les 8 613 primo-inscriptions à l’Ordre en 2022, 12 % sont en mode libéral, 24 % en mode de remplacement et 62 % en mode salarié. Nous devons garder ces chiffres en tête pour, justement, continuer d’avancer avec l’ensemble des groupes et avec efficacité et pragmatisme.
Un certain nombre de sujets n’ont pas été inclus dans la discussion à ce stade, que nous ne pouvons exclure. Nous devrons en discuter tout au long du mois d’avril. (M. Nicolas Sansu s’exclame.) Je pense notamment à la quatrième année de médecine générale – des discussions sont en cours en vue de prévoir les conditions d’accueil des internes concernés – ainsi qu’aux 20 000 praticiens à diplôme hors Union européenne, ou Padhue, dont l’activité est essentiellement hospitalière et s’agissant desquels on est en droit se demander s’ils ne pourraient pas exercer également une activité libérale au bout d’un certain nombre d’années d’exercice. Je souhaite aussi que nous évitions la rupture de confiance avec les syndicats, les syndicats étudiants et les conseils de l’Ordre.
Je voudrais revenir sur le cas très pratique évoqué par Mme Rist dans sa défense du sous-amendement no 120.
M. Nicolas Sansu
Qu’elle aille dans la vallée de la Roya, la jeune fille !
M. Yannick Neuder, ministre
Je vais finir, monsieur le député, si vous en êtes d’accord.
Mme Stéphanie Rist
C’est quoi, le problème ?
M. Yannick Neuder, ministre
Ce cas est réel.
Mme Stéphanie Rist
Eh oui !
M. Yannick Neuder, ministre
On voit bien que, si le futur jeune médecin en question, quel que soit son sexe, rachète une patientèle, le médecin qu’il remplace est bien entendu susceptible de la libérer et de partir à la retraite plus rapidement.
Mme Stéphanie Rist
Bien sûr, c’est évident !
M. Yannick Neuder, ministre
Cela pourrait aussi favoriser un changement de spécialité. Je rappelle que le choix de la spécialité médecine générale représente environ 25 % de l’ensemble des choix. Faisons attention ! Encore une fois, je pose des questions. Si vous avez des réponses, je les prends !
M. Nicolas Sansu
En attendant, on n’y arrive pas !
M. Yannick Neuder, ministre
Sommes-nous sûrs que certaines mesures ne conduiront pas à choisir des spécialités autres que la médecine générale de préférence à cette dernière, ce qui en dernière analyse ne permettra pas l’installation de davantage de médecins généralistes ? Avez-vous les réponses à ces questions ?
M. Jean-Paul Lecoq
Et vous, vous en avez ?
M. Yannick Neuder, ministre
Moi, je ne les ai pas.
Nous pouvons imaginer d’autres solutions. Peut-être pourrions-nous permettre à ce médecin évoqué par Mme Rist de s’installer où il le souhaite, tout en menant une activité complémentaire, par exemple près de la Vésubie – vous connaissez bien votre géographie, monsieur Sansu ! –, dans un cabinet secondaire, avec l’appui de remplaçants, en suivant des stages et en faisant lui-même office de médecin enseignant accueillant des stagiaires.
J’en suis désolé, mesdames et messieurs les députés, mais nous n’avons pas ce soir toutes les réponses aux questions que j’ai posées. Je suis donc favorable au maintien de la suppression de l’article 1er. (Protestations vives et prolongées sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.) Sans cela, je couperais les discussions ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN, EPR, DR et HOR.) Or le sujet qui nous occupe est suffisamment important et grave pour que nous les poursuivions !
Je souhaite poursuivre ces discussions et les ouvrir. Je ne souhaite pas fracturer la communauté soignante, médicale et paramédicale. (Protestations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.) Tout le monde doit rester à bord ! Si, ce soir, vous décidez de rétablir l’article 1er, les discussions se fermeront !
M. Jean-Paul Lecoq
Pas de chantage dans l’hémicycle, monsieur le ministre !
M. Yannick Neuder, ministre
Je veux que nous nous laissions tout le mois d’avril (Mêmes mouvements. – Applaudissements sur les bancs du groupe RN) pour discuter avec l’ensemble des personnes concernées, après quoi nous verrons ! Je demande donc le retrait des amendements en discussion commune !
Mme la présidente
Sur les amendements identiques nos 55 et 67, je suis saisie par les groupes La France insoumise-Nouveau Front populaire, Socialistes et apparentés et Les Démocrates d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Guillaume Garot, rapporteur
Je veux répondre aux propos qu’a tenus à l’instant M. le ministre. Il n’a sans doute pas bien écouté ce que nous avons dit. (« Oh ! » et exclamations sur quelques bancs du groupe RN. – Exclamations sur quelques bancs des groupes DR et HOR.) En effet, la régulation de l’installation des médecins, je l’ai dit et je le redis, ne concerne pas seulement les généralistes, mais l’ensemble des praticiens d’un territoire. Elle s’applique donc aux généralistes – quelles que soient les évolutions qu’ils adoptent dans leur pratique, étant entendu que certains d’entre eux s’orientent vers d’autres pratiques – mais aussi aux spécialistes de toutes les autres spécialités.
M. Thibault Bazin
Oui, peut-être !
M. Guillaume Garot, rapporteur
En outre, elle s’applique autant aux libéraux qu’aux salariés. Personne n’est exclu ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.) Tout le monde est concerné ! Cela doit quand même rassurer ceux qui seraient inquiets. Enfin, la régulation s’applique à ceux qui sont conventionnés comme à ceux qui voudraient ne plus l’être.
Mme Liliana Tanguy
C’est inapplicable !
M. Guillaume Garot, rapporteur
L’ensemble des médecins est visé ! Il est important de le dire : des critiques ont été émises et nous y répondons, de façon ouverte et constructive. Si je parle d’ouverture et de construction, monsieur le ministre, c’est parce que vos propos me surprennent. Vous nous demandez de retirer les amendements de rétablissement, sans quoi ce sera le drame absolu ! Non ! Non : la représentation nationale débat et vote. C’est notre rôle, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, EcoS et GDR et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP. – M. Christophe Marion applaudit également.)
M. François Cormier-Bouligeon
Il serait temps de vous en occuper ! Il fallait supprimer le numerus clausus avant !
M. Guillaume Garot, rapporteur
Bien sûr, nous écoutons ce qu’ont à dire les uns et les autres. Mais nous devons surtout légiférer en fonction de l’intérêt général ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Mme Liliana Tanguy
Vous voulez administrer la médecine libérale !
M. Guillaume Garot, rapporteur
Nous n’écoutons pas simplement une catégorie plutôt qu’une autre. Nous écoutons aussi, monsieur le ministre, les associations d’usagers – et vous savez très bien ce qu’elles ont à vous dire !
Mme Liliana Tanguy
C’est contre-productif !
M. Guillaume Garot, rapporteur
Nous écoutons également les élus locaux – et vous savez très bien ce qu’ils ont à vous dire, monsieur le ministre !
Soyons ouverts dans nos concertations et avançons ! Ce soir,…
Mme Ayda Hadizadeh
Ce soir ou jamais !
M. Guillaume Garot, rapporteur
…nous pouvons marquer un pas décisif en vue de trouver un chemin,…
Mme Liliana Tanguy
C’est illusoire !
M. Guillaume Garot, rapporteur
…de dessiner une nouvelle solution !
Mme Liliana Tanguy
C’est une erreur !
M. Guillaume Garot, rapporteur
Nous savons bien que cela n’épuise pas l’ensemble des réponses. Peut-être que tout ce qui a été dit ce soir devra être validé. Je n’en sais rien, il faut y travailler. Mais ce que je sais, c’est que, pour que toutes ces solutions marchent ensemble, il faut en appliquer une, qui est la condition de possibilité et d’efficacité des autres : la régulation de l’installation des médecins, quels que soient leurs statuts. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NFP, EcoS et GDR et sur quelques bancs du groupe Dem. – M. Christophe Marion applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Annie Vidal.
Mme Annie Vidal
Pour la parfaite information de l’ensemble de nos collègues, je précise que la commission des affaires sociales n’a pas voté l’article 1er et que, par ailleurs, l’association Départements de France, l’Association des maires ruraux de France et l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité sont complètement opposées à cette régulation. (« Non, c’est faux ! » et protestations vives et prolongées sur les bancs des groupes SOC, DR et EcoS.) Nous les avons entendues hier ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Mmes Stéphanie Rist et Liliana Tanguy applaudissent également.)
M. Fabrice Brun
Allez voir les maires de nos circonscriptions !
Mme la présidente
S’il vous plaît !
Mme Annie Vidal
Nous les avons reçues lors d’auditions organisées dans le cadre des travaux de la commission d’enquête relative à l’organisation du système de santé et aux difficultés d’accès aux soins. Ces auditions sont publiques et les auditionnés nous l’ont dit droit dans les yeux ! Les fédérations hospitalières, les unions régionales des professionnels de santé (URPS) et les médecins libéraux nous l’ont dit également.
Quand j’entends toutes ces personnes, qui font face à la réalité des choses, s’opposer à ce point à l’adoption de cet article, cela suscite des interrogations.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre
Je veux simplement répondre au rapporteur. Monsieur Garot, c’est bien parce que je souhaite que les conditions du débat et de la consultation du mois d’avril soient réunies que je fais le choix de demander le retrait, afin que toutes les parties prenantes soient autour de la table pour proposer les solutions que le premier ministre souhaite voir aboutir d’ici à la fin du mois d’avril.
M. Guillaume Garot, rapporteur
Ils souhaitent la régulation !
M. Jean-Paul Lecoq
Opération blocage ministériel !
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin, pour un rappel au règlement.
M. Thibault Bazin
Qui se fonde sur l’article 100, alinéa 7, de notre règlement, pour la bonne tenue et l’éclairage de notre débat. Le rapporteur, la présidente de commission et le ministre ont émis un avis sur les sous-amendements, notamment celui qui touche à l’absence d’actualisation du zonage des territoires, mais pas sur le sous-amendement no 126 qui concerne les cas d’absence totale de zonage, s’agissant notamment des médecins spécialistes.
Enfin, monsieur le ministre, pour notre bonne information, vous avez demandé le retrait de l’amendement de rétablissement de l’article 1er, mais vous ne vous êtes pas prononcé sur les sous-amendements. Est-ce parce que, étant défavorable à l’amendement, vous n’avez pas jugé nécessaire d’émettre un avis sur les sous-amendements ?
Mme la présidente
Je pense en effet que c’est la raison.
Article 1er (suite)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre
Je précise donc ma position. Je demande le retrait des amendements de rétablissement de l’article 1er afin de favoriser les discussions qui doivent se tenir dans le courant de ce mois…
M. Hervé Saulignac
Ça fait trois ans qu’on discute !
M. Yannick Neuder, ministre
…pour ne rebuter personne et afin que nous réunissions les professionnels de santé et les élus locaux pour évoquer toutes les solutions, conformément aux engagements du premier ministre.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement no 126 ?
M. Guillaume Garot, rapporteur
M. Bazin pose très légitimement la question du zonage des territoires s’agissant des spécialistes. L’article du code qui permet le zonage pour les généralistes s’applique exactement de la même façon pour les spécialistes. Il revient à la puissance publique d’établir ce zonage. Nous irons d’ailleurs plus loin dans la suite du débat, puisque nous proposerons un indicateur territorial de l’offre de soins pour disposer d’un zonage réel, complet et cohérent de l’ensemble du territoire (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe SOC) qui ne se limite pas à telle ou telle spécialité mais englobe l’ensemble des besoins de santé. Soyez donc rassuré : le droit positif permet d’établir ce zonage. Avis défavorable.
Mme la présidente
Il y a seize demandes de prise de parole, donc davantage que de groupes. Comme nous n’avons pas eu d’inscrits à l’article 1er, il y a lieu d’être libéral…
M. Boris Vallaud
Libéral, libéral ! Quelle conception ! (Sourires.)
Mme la présidente
…et de laisser s’exprimer tous les groupes sur cette dimension essentielle de la proposition de loi. J’invite néanmoins les orateurs à être succincts dans leurs propos. En outre, dans les cas où les positions seraient différentes au sein d’un groupe, j’autoriserai au maximum un orateur pour et un orateur contre l’amendement.
La parole est à Mme Joëlle Mélin.
Mme Joëlle Mélin
Les déserts médicaux quantitatifs mais aussi qualitatifs – nous avons parlé des spécialités – concernent 87 % de nos territoires urbains mais surtout ruraux. Il y a donc urgence à répondre à la demande et aux inquiétudes de nos concitoyens. Toutefois, l’idée d’imposer des lieux d’installation obligatoires aux médecins, à l’instar de professions en moindre pénurie, risque très vite de se révéler être une fausse bonne idée, comme ces dizaines de décisions du même type qui ont précisément conduit à la pénurie actuelle. Cette mesure ne ferait qu’aggraver la cause même de la pénurie, à savoir le manque d’attractivité de la profession.
M. Jean-Paul Lecoq
Les masques tombent !
Mme Joëlle Mélin
De plus, comment couvrir rapidement et efficacement 87 % du territoire métropolitain et ultramarin avec un solde positif d’installations par an de moins de 5 000 médecins ? Comment pourront-ils soigner 600 000 personnes ? Est-ce les médecins qui feront revenir les services publics et les services ruraux qui sont maintenant en pénurie, ainsi que l’emploi dans les zones sinistrées ? Feront-ils revenir les pharmacies pourtant réglementées dont 300 ferment chaque année ? Sans compter que les conditions d’installation de la famille du médecin ne seront probablement pas réunies.
Enfin, les résultats d’un récent sondage montrent que 96 % des jeunes diplômés déjà épuisés par plusieurs années pendant lesquelles, comme internes, ils ont tenu à bout de bras à l’hôpital pour 1 600 euros par mois, malgré l’amour de leur métier et la conscience de leur mission, envisagent très mal voire refusent cette coercition. Nous proposons donc de lever les contraintes et de faire des propositions d’incitation. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. Nicolas Sansu
Allez, 4 millions pour les médecins !
Mme la présidente
La parole est à M. Jérôme Nury.
M. Jérôme Nury
La mesure phare de cette proposition de loi transpartisane, à l’initiative de Guillaume Garot, de moi-même et de nombreux députés de tous bords, est précisément cet article qui vise à réguler l’installation des médecins. Je suis élu du département de l’Orne qui est en urgence absolue en matière d’accès à la santé. Depuis quinze ans, tout a été essayé pour faire venir des médecins : des incitations financières, des exonérations d’impôt, des locaux flambant neufs fournis par les collectivités, des bourses aux étudiants. En matière d’incitation, on a tout essayé mais cela ne fonctionne pas !
Mme Ayda Hadizadeh
Exactement !
Mme Liliana Tanguy
La coercition, ça ne fonctionne pas non plus !
M. Jérôme Nury
Dans un département de 280 000 habitants, il ne nous reste que 150 médecins généralistes dont la moitié ont plus de 60 ans. Face à cette urgence, au désarroi des habitants qui se transforme en colère et à nos professionnels de santé encore présents mais qui sont mis en grande tension par les patients, il faut sortir des sentiers battus et des solutions qui ne marchent pas.
La régulation doit être essayée car elle porte en elle la justice et l’égalité aux soins de nos concitoyens. Elle ne sera pas une solution miracle instantanée mais elle assurera une péréquation territoriale de santé indispensable pour redonner espoir à nos concitoyens, notamment dans les zones rurales. Si la régulation a été introduite pour les infirmiers, les pharmaciens, les kinés et depuis le 1er janvier dernier pour les dentistes, c’est qu’elle permet une meilleure répartition des professionnels.
M. Vincent Descoeur
Tout à fait !
M. Jérôme Nury
C’est d’ailleurs ce qu’a reconnu récemment le premier ministre, en se déclarant favorable à cette expérimentation et à la régulation à l’installation. Nos nombreux concitoyens vivant dans des déserts médicaux nous regardent. Soyons à la hauteur de leurs espérances ! Mettons de côté, tous ensemble, nos idéologies, nos corporatismes et nos clivages et montrons que notre assemblée est capable de voter avec pragmatisme et bon sens ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes DR, SOC, EcoS. – M. Marcellin Nadeau applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Juvin.
M. Philippe Juvin
Je comprends les amendements de mes collègues Vigier et Brun parce que la colère gronde et que les Français ne peuvent pas se faire soigner : il faudrait être aveugle pour ne pas le voir. Cependant, je veux aussi leur dire que si nous en sommes arrivés là, c’est que depuis des années, des décisions n’ont pas été prises. (MM. Thierry Benoit et Jérôme Nury applaudissent.)
M. Xavier Breton
Alors, continuons à ne pas les prendre !
M. Philippe Juvin
Nous sommes au bord du gouffre mais la décision de la régulation qu’ils proposent risque d’entraîner des effets bien pires et contraires à leurs espérances. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RN et EPR. – Protestations sur les bancs du groupe SOC.)
M. Emeric Salmon
Eh oui !
M. Philippe Juvin
Je vais m’expliquer. Je veux absolument m’installer dans une ville où la régulation interdirait que je m’installe. Que va-t-il se passer ? Je vais me faire embaucher par l’Ehpad, par l’hôpital, par la médecine scolaire, je vais trouver un poste et j’arriverai à m’installer. Vous aurez perdu ainsi un médecin qui voulait s’installer en libéral.
M. François Cormier-Bouligeon
Bien sûr, ça va accélérer la désertification !
Mme Liliana Tanguy
C’est l’évidence !
M. Philippe Juvin
Une fois que j’ai dit cela, je comprendrais que MM. Brun et Vigier me répondent : alors, que fait-on ? C’est pourquoi nous devons être disruptifs ! (Sourires et exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.) Il nous faut proposer des solutions disruptives mais qui fonctionnent. (Nouvelles protestations sur plusieurs bancs des groupes SOC et EcoS.)
L’an dernier, 20 000 médecins étrangers ont voulu venir travailler en France et nous en avons accueilli 3 000.
Mme Sandrine Rousseau
Vous défendez l’immigration maintenant !
M. Philippe Juvin
Cette année, le gouvernement a augmenté le nombre de médecins étrangers, mais il faut aller bien au-delà. Si 20 000 médecins étrangers veulent venir, pourquoi n’en prendre que 3 000 ? Prenez tous ceux qui ont le niveau et mettez-les là où on en a besoin !
De même, il y a trois ans, j’avais proposé la création des docteurs juniors. Il faut reconsidérer cette proposition et les affecter là où on en a besoin ! Si on ne le fait pas, on ne répond pas aux besoins de la nation.
Enfin, la conférence des doyens a récemment fait une proposition, que M. le ministre connaît, pour faire en sorte que les étudiants en médecine qui viennent de passer leurs tests soient affectés durant deux ans dans des territoires. Voilà une sorte de nouveau docteur junior !
Mme Ayda Hadizadeh
On envoie ceux qui n’ont pas d’expérience dans les territoires pauvres, c’est ça ?
Mme la présidente
La parole est à M. Yannick Monnet.
M. Yannick Monnet
Je me réjouis de ce travail très intéressant et transpartisan des partisans d’un meilleur accès aux soins. Néanmoins, je suis assez troublé de la nature de nos débats parce qu’on parle beaucoup des médecins mais très peu des patients ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR, LFI-NFP, SOC, EcoS et sur quelques bancs des groupes EPR, HOR et UDR.) Une chose est sûre et je veux la dire à mes collègues opposés à cette proposition de loi et à M. le ministre : vous avez déjà perdu la bataille des idées parce que la totalité des patients qui n’ont pas de médecin sont favorables à cette proposition de loi. (Mêmes mouvements.)
Mme Liliana Tanguy
Démagogie et mensonge !
M. Yannick Monnet
Dans notre pays, six Français sur dix renoncent à des soins. Certes, des médecins grognent mais dois-je rappeler qu’ils vivent et travaillent grâce au financement de la solidarité nationale, par la sécurité sociale, et que nous leur demandons simplement une juste contrepartie au vu de l’ampleur du désert médical qui progresse dans notre pays ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS.)
Beaucoup d’entre vous nous disent ce qu’il faudrait faire. En l’occurrence, vous avez l’occasion de faire quelque chose : installer un peu de régulation pour un meilleur accès aux soins et voter pour l’amendement ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS.)
Mme Liliana Tanguy
Vous allez réguler la pénurie, ce sera pire que tout !
Mme la présidente
La parole est à Mme Chantal Jourdan.
Mme Chantal Jourdan
L’association des maires ruraux de France, qui représente des territoires particulièrement concernés, s’est prononcée pour la régulation. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR. – M. Éric Martineau applaudit également.) La régulation ne signifie pas la coercition, elle permet aux médecins de s’installer où ils veulent sur 87 % du territoire.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué, à juste titre, les dynamiques opérées par les professionnels de santé, notamment dans le cadre des maisons de santé pluridisciplinaires, dans les centres de santé où travaillent des salariés, dans les CPTS. Vous avez raison et ces structures attendent justement de disposer de plus de médecins : la régulation le permettrait.
Nous avons entendu des chercheurs qui nous ont expliqué l’évolution de la répartition des médecins. Dans les années 1970, il y avait pléthore de médecins qui étaient déjà mal répartis. Ces problèmes se sont accentués depuis les années 2000, jusqu’à aboutir à la catastrophe que nous vivons avec les déserts médicaux. La mesure de régulation que nous proposons permettra de stopper la fuite vers les territoires sur-dotés, ce qui sera bon à la fois pour la santé publique et pour l’assurance maladie, car une trop grande concentration de médecins les incite à pratiquer la surconsultation, problème qui doit être maîtrisé. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. David Taupiac.
M. David Taupiac
Je remercie Guillaume Garot pour le travail qu’il réalise depuis maintenant trois ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – Mme Stella Dupont applaudit également.) J’ai été heureux de travailler avec lui dans un cadre transpartisan qui nous a permis d’aboutir à cette première proposition dont nous débattons ce soir.
La régulation sur les installations que nous proposons avec l’amendement no 55 que j’ai cosigné pour rétablir l’article 1er n’est pas une régulation coercitive. La liberté d’installation est préservée dans plus de 87 % du territoire, là où existent des déserts médicaux et où il manque des médecins.
La régulation ne concernera donc que les territoires bien dotés, c’est-à-dire une minorité.
Je reviens également sur la répartition territoriale. Comme Fabrice Brun, je suis d’un territoire rural – le Gers, dans mon cas – qui se sent parfois oublié des politiques publiques. Les disparités entre les territoires sont criantes ; je l’ai vu quand, travaillant en tant que maire sur la question des déserts médicaux, j’ai constaté que le Pays basque ou encore la côte comptaient énormément de médecins. Améliorons donc la répartition territoriale et limitons les inégalités entre les territoires ; cela est déterminant.
La rédaction proposée maintient également les dispositifs d’aide à l’installation. Il serait aberrant de faire croire aux médecins que nous allons les modifier ! Ils seront préservés.
Enfin, que dirons-nous à nos concitoyens qui ne peuvent consulter un médecin ? Certes, cette disposition n’est pas une solution miracle, mais elle améliorera la situation des déserts médicaux et favorisera l’installation de médecins dans ces territoires. Or ceux qui ont été maires savent, pour avoir été confrontés au désespoir de leurs concitoyens, que chaque installation de médecin en milieu rural est une victoire ! (M. Marcellin Nadeau applaudit.) Si cette disposition permet d’obtenir ne serait-ce que quelques médecins de plus en milieu rural, ce sera une grande victoire. J’appelle donc l’ensemble de mes collègues à voter l’amendement. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, DR, EcoS, Dem et GDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Paul-André Colombani.
M. Paul-André Colombani
Je dresse le même constat que de nombreux députés, en particulier mon ami et collègue Fabrice Brun. Malheureusement, je ne partage pas leur avis sur les remèdes. L’article 1er nous fait partir sur de mauvaises bases car la régulation n’a jamais rien réglé nulle part, ni en Allemagne, ni en France pour les pharmaciens : il n’y a jamais eu autant de fermetures de pharmacie dans les zones rurales qu’actuellement.
D’autres l’ont dit avant moi, le dispositif sera très facile à contourner, puisqu’il manque des postes partout, de la médecine scolaire aux Ehpad en passant par la médecine du travail. Nous risquons même de pousser certains des 12 % qui restent à aller s’installer en Suisse, ce qui serait une catastrophe étant donné le coût de la formation d’un médecin.
La proposition de loi est fondée sur le zonage. Or cet outil n’est pas du tout au point. C’est cela qui m’inquiète : à cause du zonage, nous risquons d’aggraver la situation. Nous serions incapables de réviser le dispositif de manière suffisamment régulière. En outre, la profession a changé. Il faut 2,3 médecins pour en remplacer 1 qui part à la retraite. En combinant ces deux facteurs, on se rend compte que le rétablissement de l’article aggravera le manque de médecins dans les zones rurales. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Claude Raux.
M. Jean-Claude Raux
Je crois qu’il faut dépassionner le débat et nous défaire de l’idée que l’article serait une mesure de coercition risquant de détourner les praticiens de l’exercice de la médecine et d’assécher les bonnes volontés. J’ai l’impression que nous sommes en bonne voie, car il est rare de voir cette mesure recueillir dans l’hémicycle un assentiment aussi large.
Tout le monde sait qu’il n’y a pas de solution miracle, mais pouvons-nous continuer à penser que l’offre de soins répondra naturellement aux besoins de la population, qu’en matière de santé l’offre et la demande s’équilibrent dans notre pays ?
Les médecins, du moins leurs représentants, n’ont pas été tendres avec notre groupe transpartisan, mais je vais faire preuve d’un peu de tendresse à leur égard. Nous savons que l’exercice de la médecine générale n’est pas un métier comme les autres, que le profil et les attentes des médecins ont changé, qu’ils et elles ne veulent plus d’un sacerdoce, revendiquent leur droit à une vie privée, sont attirés par l’exercice salarié et collectif. Nous voulons dire à tous les médecins qu’ils doivent se sentir soutenus et considérés. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS, LFI-NFP et GDR. – M. le rapporteur applaudit également.)
Néanmoins, ils et elles doivent aussi prendre conscience que leurs confrères de plus en plus seuls et épuisés qui exercent dans les déserts médicaux ont urgemment besoin d’aide. Ils doivent prendre conscience que le désespoir de ces millions de personnes qui n’ont plus de médecin nous impose d’explorer de nouvelles pistes, qu’entretenir la concurrence entre les territoires sans régler les problèmes de désertification médicale nuit gravement à la santé démocratique, que ne rien faire reviendrait à laisser se creuser les inégalités territoriales, à accepter qu’ici ou là on ne puisse plus se soigner. Les exemples de non-recours aux soins sont déjà beaucoup trop nombreux pour être tolérables. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS et GDR.) Le groupe Écologiste et social vous invite à voter le rétablissement de l’article 1er et la régulation de l’installation. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS ainsi que sur plusieurs bancs des groupes SOC et GDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Damien Maudet.
M. Damien Maudet
C’est avec beaucoup de fierté que nous proposons cet amendement et ce texte. C’est le fruit d’un travail qui a duré trois ans, qui a réuni des députés membres de 90 % des groupes parlementaires (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR) et donné lieu à quatre-vingt-dix auditions. Il n’y a rien de plus transpartisan ni de plus démocratique que cette proposition de loi défendue par Guillaume Garot ! (Mêmes mouvements.)
Si nous avons mené ce travail, c’est parce que les déserts médicaux sont un fléau. Ils le sont d’abord pour les patients : 6 millions d’entre eux n’ont pas de médecin traitant, parmi lesquels 500 000 souffrent d’une maladie chronique. Selon une récente étude, le risque de mourir l’année suivant le diagnostic d’un cancer est deux fois plus grand pour une personne vivant dans un désert médical, faute de suivi correct. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et GDR.)
Une députée du groupe LFI-NFP
C’est une honte !
M. Damien Maudet
Voilà le drame. Face à cela, vous cherchez à opposer patients et médecins, quand nous faisons tout l’inverse.
Mme Stéphanie Rist
Mais bien sûr !
M. Damien Maudet
Chez moi, à Ambazac, quatre médecins ont mis fin à leur activité. D’après un médecin avec qui j’en ai parlé, cela mettra 4 000 patients sur le carreau. Sa liste d’attente étant déjà pleine, il ne pourra pas les accueillir lui-même. Cela ne ferait qu’ajouter à sa fatigue ; je rappelle que 45 % des médecins généralistes montrent des signes de burn-out. La proposition de loi est faite pour aider les patients mais aussi les généralistes qui attendent des collègues dans les déserts médicaux ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR. – Mme Nicole Le Peih, M. Thierry Benoit et M. Loïc Kervran applaudissent également.)
Oui, il y a des déserts médicaux dans tous les départements : dans les quartiers prioritaires, dans les zones rurales ou encore dans les villes. Chez moi – quelqu’un a cité Limoges –, nous avons perdu trente médecins en cinq ans et risquons d’en perdre quatre-vingts dans les quatre prochaines années. Cette mesure est simplement de bon sens :…
M. François Cormier-Bouligeon
Voilà une rhétorique d’extrême droite !
Mme Liliana Tanguy
C’est la collectivisation !
M. Damien Maudet
…si 90 % du territoire est un désert médical, faisons en sorte que les médecins s’installent dans ces 90 % plutôt que dans les 10 % restants. La même mesure est appliquée aux pharmaciens,…
Mme Stéphanie Rist
Les pharmacies ferment !
M. Damien Maudet
…aux infirmiers, aux kinésithérapeutes. Pourquoi ne pourrait-on l’appliquer aux médecins libéraux ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.) Elle fonctionne à l’étranger et 90 % des Français sont pour ; le Parlement doit l’entendre. (Mêmes mouvements. – Plusieurs députés du groupe LFI-NFP se lèvent pour applaudir. – Exclamations sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Stéphanie Rist.
Mme Stéphanie Rist
Je vais expliquer une nouvelle fois, avec de nouveaux arguments, pourquoi nous sommes contre l’amendement. Les gens souffrent des déserts médicaux ; il ne faut pas leur faire de fausses promesses. Or je considère que cet amendement est porteur de fausses promesses. (Mme Liliana Tanguy applaudit.)
Vous voulez nous rassurer en soulignant que seuls 10 % du territoire sont considérés comme sur-dotés. Cela signifie que les nouvelles installations concerneront 90 % du territoire. Faisons un calcul rapide. D’après vous, la régulation permettrait que 400 médecins par an s’installent dans 90 % du territoire ; cela suppose qu’ils restent médecins généralistes plutôt que de se tourner vers une autre activité, mais admettons. Cela fait donc 400 médecins pour 32 760 communes – allez choisir –, soit 1 médecin pour 81 communes. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.) À ce rythme, il faudra 90 ans pour compenser les départs à la retraite des médecins de mon département.
M. François Cormier-Bouligeon
C’est la répartition de la pénurie !
Mme Stéphanie Rist
Plutôt qu’une mesure qui mettra 90 ans pour être efficace, nous devons prendre des mesures efficaces dès maintenant. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.) Le transfert de compétences ou encore l’accès direct aux soins, voilà des mesures efficaces. Il ne faut pas mentir aux gens en leur assurant que votre amendement améliorera la situation car, je le répète, il ne fera que l’aggraver. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier
Essayons de dépassionner un peu le débat. (Murmures sur quelques bancs du groupe EPR.) Je ne pourrai pas parler si j’entends des bruissements derrière moi dès que je dis un mot ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes DR, EcoS et HOR.)
Monsieur le ministre, je salue votre volonté de trouver un chemin. Avec respect, je vous ferai observer que Guillaume Garot et les autres défenseurs de la mesure n’ont pas clamé que nous détenions une solution extraordinaire ; nous avons simplement proposé une solution qui n’a pas encore été essayée.
Personne n’a répondu à ce que j’ai dit lors de la discussion générale à propos des étudiants en médecine. Monsieur le ministre, puisque le mois d’avril doit être fertile, peut-être pourrez-vous donner une réponse aux étudiants de première année qui nous regardent et qui pourraient louper à un ou deux points près le passage en deuxième année : le redoublement sera-t-il possible ? Explorerez-vous cette piste actuellement fermée ? L’impossibilité de redoubler brise des vocations ! Pas un mot n’a été dit à ce sujet. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem et SOC. – MM. Thierry Benoit et François-Xavier Ceccoli applaudissent également.)
Par ailleurs, je m’inscris en faux contre l’idée qu’un médecin pourrait choisir sa spécialité médicale. La vérité – si j’ai tort, vous me le démontrerez et j’accepterai mon erreur –, c’est que les médecins choisissent en fonction de leur classement leur spécialité et la ville où ils seront accueillis ! C’est la vérité, nul ne peut le contester ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem et SOC. – Mme Ségolène Amiot et M. Yannick Monnet applaudissent également. – Mme Stéphanie Rist s’exclame.) Vous aurez beau vouloir être radiologue, si vous êtes 6 000e au classement, vous ne serez jamais radiologue de votre vie. Osons le dire car personne n’en parle ; pas vu, pas pris ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem, SOC, EcoS et GDR.)
Pour terminer, monsieur le ministre, je vous fais une proposition. Je salue à nouveau votre volonté de trouver des solutions en avril. Le texte que nous examinons étant une proposition de loi, son parcours sera loin d’être fini même si nous rétablissons l’article 1er. (M. Gérard Leseul applaudit.) Pour donner du poids politique à votre démarche, votons l’article, et travaillons ensemble lors de la navette parlementaire pour inclure les résultats que vous aurez obtenus ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem, LFI-NFP, SOC, DR, EcoS, HOR et GDR ainsi que sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo.
Mme Agnès Firmin Le Bodo
Pour avoir sagement écouté tous les orateurs pendant maintenant plusieurs heures, je crois pouvoir dire que le diagnostic est largement partagé. La volonté de lutter contre les déserts médicaux n’est l’apanage de personne ; nous la partageons tous ici, même si nos remèdes sont différents.
Les déserts médicaux ont commencé par toucher la ruralité, mais n’oublions pas que le plus grand désert médical de France, c’est Paris ! (Exclamations prolongées sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.) Eh oui !
M. Jean-Paul Lecoq
Non, c’est la Guyane ! C’est Cayenne !
Mme Agnès Firmin Le Bodo
Les déserts médicaux recouvrent donc 87 % de la France. Pourquoi suis-je opposée à l’amendement ? J’appartiens à une profession régulée, celle de pharmacien, qui a été citée à plusieurs reprises, et je peux témoigner que la régulation est un problème pour nous ! (Mme Stéphanie Rist applaudit.)
Mme Liliana Tanguy
Évidemment !
Mme Agnès Firmin Le Bodo
Pour réguler l’installation, il faut d’abord des professionnels en nombre suffisant. Or il n’y en a plus assez. À l’école, on m’a appris que zéro multiplié par zéro faisait toujours zéro. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
En outre, la contrainte n’est certainement pas la meilleure des méthodes pour inciter les professionnels à s’installer dans les régions délaissées. Cette méthode délétère peut au contraire, cela a été dit, les pousser à déplaquer, à fuir à l’étranger, voire à quitter la profession. Ce n’est pas, je crois, ce que nous recherchons. Par contraste, c’est de leur plein gré que les dentistes ont accepté la régulation.
La faillite est collective. Les mesures nécessaires n’ont pas été prises au début des années 2000, par manque d’anticipation.
Un député du groupe RN
Merci Jospin !
Mme Agnès Firmin Le Bodo
Des mesures ont été prises depuis. Il faut continuer dans cette voie. L’enjeu principal réside dans la formation. La solution sera collective. Cette proposition de loi est une fausse bonne idée ; nous sommes là non pour donner de l’espoir, mais pour trouver des solutions qui fonctionnent. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.) Monsieur Aviragnet, contrairement à ce que vous avez dit, le texte ne mettra pas fin aux déserts médicaux ; ne faisons pas… (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’oratrice. – Plusieurs députés des groupes HOR et EPR applaudissent cette dernière.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre
J’ajoute quelques éléments pour répondre à M. Vigier. Je souhaite que les discussions se poursuivent pour les différentes raisons que j’ai évoquées. Pour les conduire, il faut que nous ayons toutes les parties prenantes autour de la table. Vous avez mentionné plusieurs pistes pour la réforme de la formation des études de santé, qui est très importante et que nous n’avons pas encore assez abordée. D’abord, vous avez évoqué la suppression du numerus apertus pour fixer un nombre d’étudiants en fonction des besoins du territoire. Ensuite, pour faire revenir les étudiants français à l’étranger, en Roumanie, en Belgique, en Espagne, nous devons déterminer comment les intégrer dans le système de santé actuel. Vous posez également à juste titre la question du redoublement. Je porte à votre connaissance le fait que la conférence des doyens a annoncé hier soir envisager de nouvelles modalités de Pass et de licence accès santé (LAS).
M. Philippe Vigier
Enfin, ça fait dix ans qu’on le réclame !
M. Yannick Neuder, ministre
Nous devons en effet intégrer à nos réflexions la réforme du Pass et de la LAS. Enfin, nous n’avons pas évoqué deux autres sujets – je ne m’exprime pas pour ralentir les débats mais, au contraire, pour les éclairer. Nous tenons des discussions sur les concours de spécialisation. À l’époque où j’ai passé l’internat, les concours étaient régionaux. Nous devons aussi nous poser la question de régionaliser le choix au moment du concours.
M. Philippe Vigier
Absolument ! Très bien !
M. Yannick Neuder, ministre
C’est un sujet important, car tout le monde sait qu’on ne s’installe pas dans un territoire qu’on ne connaît pas. Le fait d’avoir nationalisé les concours a accentué le problème.
M. Jean-Paul Lecoq
Il faut dire cela aux policiers !
M. Yannick Neuder, ministre
Du fait de votre interruption, j’ai oublié le dernier point.
Mme Dominique Voynet
On veut voter !
M. Yannick Neuder, ministre
Enfin, nous devons développer les passerelles au sein des différentes formations. Le covid a changé beaucoup de choses : certes, des soignants ont voulu quitter le soin, cependant des personnes en quête de sens ont souhaité rejoindre les filières de santé. Nous pouvons donc envisager ces questions de territoire et de régionalisation pour définir les passerelles. Prenons le temps d’échanger au cours de tout le mois d’avril sur ces sujets.
Mme la présidente
Nous en venons au vote. (« Ah ! » sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.) Je vois que cela vous réjouit. Procédons dans le calme, sinon ce sera pénible.
(Le sous-amendement no 116 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix le sous-amendement no 125 rectifié.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 242
Nombre de suffrages exprimés 238
Majorité absolue 120
Pour l’adoption 85
Contre 153
(Le sous-amendement no 125 rectifié n’est pas adopté.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
(Les sous-amendements identiques nos 120 et 122 ne sont pas adoptés.)
(Les sous-amendements nos 131, 126, 127, 129, 121 et 117, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 55 et 67.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 243
Nombre de suffrages exprimés 240
Majorité absolue 121
Pour l’adoption 155
Contre 85
(Les amendements identiques nos 55 et 67 sont adoptés ; en conséquence, l’amendement no 78 et les sous-amendements nos 124 et 119 tombent et l’article 1er est ainsi rétabli.)
(Les députés des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS, Dem et GDR, ainsi que plusieurs députés des groupes DR et HOR se lèvent et applaudissent. – Mme Stella Dupont applaudit également.)
M. Inaki Echaniz
Bravo, Vigier !
Après l’article 1er
Mme la présidente
Je suis saisie de quatre amendements, nos 56 rectifié, 68 rectifié, 84 rectifié et 17, portant article additionnel après l’article 1er et pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 56 rectifié, 68 rectifié et 84 rectifié sont identiques et font l’objet du sous-amendement no 133 rectifié.
La parole est à M. Hadrien Clouet, pour soutenir l’amendement no 56 rectifié.
M. Hadrien Clouet
Nous pouvons nous réjouir d’un vote historique de l’Assemblée nationale (Applaudissements prolongés sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR)…
Mme Stéphanie Rist
Mais bien sûr ! (Sourires.)
M. Hadrien Clouet
…qui reconnaît que l’égal accès aux soins est une mission de la nation et donc, par réciproque, que la citoyenneté est fondée sur le fait d’être soigné. Dès lors que nous sommes majoritairement convaincus que la main invisible de l’installation ne suffit pas pour garantir la santé publique, mais qu’au contraire, il convient d’adopter une politique de régulation, se pose la question de son organisation concrète. Le zonage existant, c’est-à-dire la manière dont nous mesurons l’offre de soins et dont nous comparons les territoires, suscite une insatisfaction générale, partagée par les députés mais aussi par les professionnels de santé. Nous avons donc besoin d’une boussole pertinente et efficace pour organiser cette installation médicale et l’orienter vers les lieux qui en ont le plus besoin en identifiant des zones mieux dotées et parfois sur-dotées et des zones sous-dotées.
C’est pourquoi nous proposons par cet amendement un « indicateur territorial de l’offre de soins » – chaque mot compte. Cet indicateur mesurera dans chaque bassin de vie le temps médical disponible. En effet, il ne suffit pas de rapporter le nombre de médecins au nombre d’habitants ; il faut mesurer le temps médical accessible pour la population, en prenant en compte les pathologies, les conditions de santé de la population, ses caractéristiques socio-économiques, etc. Bref, nous devons réussir là où l’indicateur d’accessibilité potentielle localisée (APL) a échoué, car il ne tient pas compte de nombre de phénomènes sociaux et d’inégalités qui structurent les territoires. Nous proposons donc cette boussole, qui nous fournira une base pour mener d’autres politiques sur de nombreux autres sujets, car nous saurons finement, commune par commune, quels sont les besoins. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes SOC et GDR.)
Mme la présidente
Il y a quatre amendements et un sous-amendement en discussion commune. Si nous voulons voter avant minuit, les orateurs doivent défendre les amendements de manière assez rapide. Ce n’est évidemment pas une obligation, mais je vous indique que je suis tenue de lever la séance à minuit et que l’examen du texte ne reprendra que le 5 mai.
La parole est à M. Fabrice Brun, pour soutenir l’amendement no 68 rectifié.
M. Fabrice Brun
Je le défendrai rapidement. La densité médicale, nous l’avons bien compris, n’est pas égale dans tous les territoires et les difficultés ne présentent pas partout la même acuité. Voilà pourquoi nous proposons un indicateur territorial de l’offre de soins qui prenne mieux en considération les disparités. Il prend en compte le nombre de médecins pour un équivalent de 100 000 habitants, l’éloignement des habitants par rapport au premier CHU – des habitants de ma circonscription sont situés à deux heures de route du premier CHU –, la pyramide des âges des professionnels de santé, le taux de remplissage des terrains de stage pour les internes – dans ma circonscription, à peine 38 % des terrains de stage pour les internes sont pourvus tandis qu’à Lyon, 100 % le sont. Nous proposons donc des critères concrets afin de mesurer précisément la densité de l’offre de soins et donc les chances de survie, qui sont bien différentes selon que vous vivez à Aubenas ou dans le troisième arrondissement de Lyon.
Mme la présidente
La parole est à M. Denis Masséglia, pour soutenir l’amendement no 84 rectifié.
M. Denis Masséglia
La représentation nationale a instauré à l’article 1er une aide pour l’installation des médecins. Le zonage qui existe actuellement est, à mon avis, l’exemple même de ce que notre administration peut faire de pire. Le zonage est construit par les ARS suivant un indicateur APL qui définit des ZIP (zones d’intervention prioritaire) et des ZAC (zones d’action complémentaire). Je ne suis même pas sûr que Cédric Villani, lauréat de la médaille Fields, puisse comprendre mathématiquement la manière dont cet indicateur est construit.
Mme Delphine Batho
Si !
M. Denis Masséglia
Si nous voulons à un moment donné instaurer une régulation, il me semble important qu’il y ait des critères construits, acceptés par les élus et les médecins des territoires, et que nous remplacions cet indicateur imbuvable et incompréhensible par un indicateur construit avec l’ensemble des acteurs de soins sur les territoires ainsi que les élus.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre, pour soutenir le sous-amendement no 133 rectifié.
M. Yannick Neuder, ministre
Je suis plutôt favorable à valider l’indicateur que vous proposez et je ne fais pas de l’adoption du sous-amendement no 133 rectifié une condition pour donner un avis favorable aux amendements identiques. Le sous-amendement vise à permettre une meilleure application de l’indicateur, pour qu’il ne soit ni contesté ni contestable, en l’affinant.
Mme la présidente
L’amendement no 17 de M. Fabrice Brun est défendu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements en discussion commune ainsi que sur le sous-amendement ?
M. Guillaume Garot, rapporteur
L’avis de la commission sur l’amendement no 56 rectifié défendu par Hadrien Clouet au nom du groupe transpartisan et sur les amendements identiques est évidemment favorable.
L’avis de la commission sur le sous-amendement no 133 rectifié du gouvernement est défavorable car vous restreignez beaucoup trop le champ de cet indicateur, ce qui entraînerait une perte de précision dans l’appréciation des réalités territoriales.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre
L’avis du gouvernement est favorable aux amendements en discussion commune, quel que soit le sort du sous-amendement no 133 rectifié.
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
M. Philippe Juvin
Ce que dit M. Bazin est toujours intéressant, écoutez-le !
M. Thibault Bazin
Il faut prévoir l’articulation entre l’article 1er, qui a été rétabli, et cet article additionnel. L’article 1er a-t-il vocation à être modifié pour se baser sur ce nouvel indicateur, ou s’appuie-t-il sur le zonage tel qu’il existait ?
Ensuite, vous nous avez dit qu’il était difficile de prendre en compte la diminution du temps d’activité, cependant vous avez déclaré que l’indicateur mesurera le temps disponible par patient. Comment ferez-vous donc ?
Enfin, vous avez soutenu que les conseils de l’Ordre des médecins n’ont pas les données – les ARS non plus, d’ailleurs –, mais que les CPAM disposent d’une grande partie d’entre elles, avec les professionnels. Vous dites que vous articulez l’élaboration de l’indicateur avec les CPTS, mais comment cela se passe-t-il dans les territoires où il n’y a pas encore de CPTS ? Je vous pose donc un certain nombre de questions sur l’indicateur que vous proposez, cependant je souhaite qu’on améliore les indicateurs, et je suis favorable à l’instauration d’un indicateur qui prenne en compte les réalités du terrain.
Mme la présidente
La parole est à Mme Claire Marais-Beuil. (Exclamations sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
Mme Claire Marais-Beuil
L’article 1er a été rétabli, cependant je me pose encore beaucoup de questions. Je rejoindrai, en quelque sorte, les propos de Mme Rist, en m’appuyant sur mon propre exemple. Étant donné que les études sont assez longues, beaucoup de couples de médecins arrivent au moment de l’installation avec des enfants. Ce fut mon cas, nous étions deux médecins généralistes avec des enfants. Que faisons-nous à présent de ceux qui sont dans une telle situation ? L’un s’installe, l’autre non, ou on l’envoie à l’autre bout du territoire ? Dans ces conditions, peut-être le deuxième n’exercera-t-il pas son métier et deviendra salarié. Je pose cette question, qui est importante d’autant qu’il y a beaucoup de couples de médecins. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Vigier.
Mme Mathilde Panot
Il est 23 h 58 !
M. Philippe Vigier
Je connais le sens de la précision de M. Thibault Bazin, et je lui rappelle qu’il s’agit de choisir entre des indicateurs inexistants ou qui ne fonctionnent pas car ils sont établis par la Drees – c’est actuellement Bercy qui établit les indicateurs de la santé ; cela montre le niveau de connaissance des réalités évaluées – ou le nouvel indicateur que nous proposons. Avec M. le ministre, au cours du mois de concertation, puis au cours de la navette parlementaire, nous trouverons un accord pour intégrer les éléments pertinents dans l’indicateur. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem, LFI-NFP, SOC et EcoS.)
(Le sous-amendement no 133 rectifié n’est pas adopté.)
(Les amendements identiques nos 56 rectifié, 68 rectifié et 84 rectifié sont adoptés ; en conséquence, l’amendement n° 17 tombe.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et Dem.)
Mme la présidente
La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.
2. Ordre du jour de la prochaine séance
Mme la présidente
Prochaine séance, demain, à neuf heures :
Discussion de la proposition de loi visant à valoriser la réserve communale de sécurité civile ;
Discussion de la proposition de loi visant à faire exécuter les peines d’emprisonnement ferme ;
Discussion de la proposition de loi visant à réformer l’accueil des gens du voyage ;
Discussion de la proposition de loi visant à restaurer l’autorité de l’État ;
Discussion de la proposition de loi visant à renforcer la démographie professionnelle des orthophonistes.
La séance est levée.
(La séance est levée à minuit.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra