Première séance du lundi 12 mai 2025
- Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
- 1. Accompagnement et soins palliatifs – Droit à l’aide à mourir
- Présentation commune
- Mme Annie Vidal, rapporteure, pour la commission des affaires sociales, de la proposition de loi relative à l’accompagnement et aux soins palliatifs
- M. François Gernigon, rapporteur, pour la commission des affaires sociales, de la proposition de loi relative à l’accompagnement et aux soins palliatifs
- M. Olivier Falorni, rapporteur général, pour la commission des affaires sociales, de la proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir
- Mme Brigitte Liso, rapporteure, pour la commission des affaires sociales, de la proposition de loi relative à l’aide à mourir
- M. Laurent Panifous, rapporteur, pour la commission des affaires sociales, de la proposition de loi relative à l’aide à mourir
- M. Stéphane Delautrette, rapporteur, pour la commission des affaires sociales, de la proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir
- Mme Élise Leboucher, rapporteure, pour la commission des affaires sociales, de la proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir
- Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles
- M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales
- Discussion générale commune
- M. Philippe Vigier
- Mme Agnès Firmin Le Bodo
- M. Laurent Mazaury
- M. Yannick Monnet
- Mme Hanane Mansouri
- Mme Sandrine Dogor-Such
- Mme Nicole Dubré-Chirat
- Mme Karen Erodi
- M. Stéphane Delautrette
- M. Patrick Hetzel
- Mme Danielle Simonnet
- M. Cyrille Isaac-Sibille
- Mme Nathalie Colin-Oesterlé
- M. Vincent Trébuchet
- M. Gaëtan Dussausaye
- M. Vincent Ledoux
- M. Hadrien Clouet
- Mme Océane Godard
- M. Philippe Juvin
- Mme Sophie Errante
- Mme la présidente
- Discussion des articles (proposition de loi relative à l’accompagnement et aux soins palliatifs)
- Présentation commune
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à seize heures.)
1. Accompagnement et soins palliatifs – Droit à l’aide à mourir
Discussion de deux propositions de loi
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative à l’accompagnement et aux soins palliatifs (nos 1102, 1281) et de la proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir (nos 1100, 1364).
La conférence des présidents a décidé que ces deux textes donneraient lieu à une discussion générale commune.
Présentation commune
Mme la présidente
La parole est à Mme Annie Vidal, rapporteure, pour la commission des affaires sociales, de la proposition de loi relative à l’accompagnement et aux soins palliatifs.
Mme Annie Vidal, rapporteure, pour la commission des affaires sociales, de la proposition de loi relative à l’accompagnement et aux soins palliatifs
Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la ministre de la santé, mes chers collègues, dans les heures et les jours qui viennent, nous allons débattre d’un sujet qui nous concerne tous et qui touche à l’essence même de notre humanité : la vie et la mort.
Accompagner une personne en fin de vie, c’est lui reconnaître sa valeur, même dans la fragilité, même dans la souffrance, et lui dire qu’elle compte. C’est un acte de solidarité et d’humanité. Il ne s’agit pas seulement de soigner, il s’agit d’accompagner la vie jusqu’à son terme de considérer, d’écouter et d’entourer une personne dans l’ultime étape de son parcours, qui – je le crois – est un des moments les plus importants de sa vie : un moment où se mêlent les contradictions, les questionnements, voire les angoisses, la vulnérabilité et, parfois, la vérité de toute une vie !
Pourtant, aujourd’hui encore, et je le regrette, trop de malades – 48 % d’entre eux – n’ont pas accès à un tel accompagnement. Trop de familles vivent ces derniers moments dans l’angoisse et le désarroi, parfois dans l’isolement. À ce jour, près de vingt départements ne disposent pas d’unités de soins palliatifs (USP) et l’accès à ces services reste inégal selon les territoires, bien qu’il s’agisse d’un droit fondamental, inscrit dans la loi du 9 juin 1999.
L’enjeu sociétal des soins palliatifs ne se résume pas à l’exercice d’une spécialité : il s’agit de reconfigurer le rapport à la mort, à la maladie, au malade et à son entourage. Nous parlons d’une transition aussi nécessaire à celui qui meure qu’à celles et ceux qui vont continuer à vivre. Pour toutes ces raisons, je me suis engagée pour ce que chaque personne dont l’état de santé le requiert puisse avoir effectivement accès à l’accompagnement et aux soins palliatifs.
Avant de dire quelques mots du contenu de la proposition de loi que mon collègue François Gernigon et moi-même rapportons, je tiens à rappeler qu’elle est soutenue par une ambitieuse et dynamique stratégie décennale présentée par le gouvernement, qui l’a dotée de 1,1 milliard d’euros, soit 66 % de budget supplémentaire, aux soins palliatifs. Cela permettra, entre autres, de créer des unités de soins palliatifs dans les départements qui en sont dépourvus. Ainsi, trois départements ont été dotés d’une USP en 2024, six le seront d’ici à la fin de cette année et quatre autres d’ici à la fin 2026.
Permettez-moi de le souligner du haut de cette tribune : les USP sont de véritables lieux de vie, où les mots « accompagnement » et « soins » vont de pair, tout comme l’engagement médical et sociétal ; les professionnels – que je veux saluer ici –, y travaillent avec empathie et humanité, en associant les proches et des bénévoles.
À la relecture de la présente proposition de loi, issue du titre Ier du projet de loi de 2024 tel qu’amendé lors de nos précédents débats, il m’est apparu nécessaire d’en améliorer la rédaction. J’ai donc déposé des amendements en ce sens en commission et en séance publique.
En commission, dès l’article 1er, à mon initiative, nous avons renforcé l’assise législative des soins palliatifs en l’adossant à la définition de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), connue et reconnue, tout en y ajoutant la notion plus large d’accompagnement, telle qu’elle est proposée dans le rapport de Franck Chauvin. Ajouter la mention de l’accompagnement à celle des soins palliatifs permet de reconnaître toute l’importance de ces deux dimensions.
Les articles 1er à 9 et l’article 14 du texte prévoyaient déjà la création d’organisations territoriales dédiées, un droit opposable à l’accompagnement et aux soins palliatifs assorti de voies de recours, une évaluation de la stratégie décennale, une loi de programmation pluriannuelle, des formations renforcées ou encore un plan personnalisé d’accompagnement. À l’issue des travaux en commission, ils prévoient en outre la tenue d’un débat annuel au Parlement, des formations supplémentaires et la création d’indicateurs pour évaluer la stratégie décennale.
Certains sujets transcendent les clivages et les intérêts partisans. L’accompagnement et les soins palliatifs en font partie, car ils touchent à ce qu’il y a de plus fondamental : la dignité humaine. À travers ces questions de l’accompagnement de la fin de vie, de la mort, de la protection des plus fragiles, se pose au fond la question de la société que nous voulons. Si notre objectif commun est de garantir à toutes et tous à une fin de vie apaisée et accompagnée, notre politique doit aussi refléter notre volonté commune de construire une société humaine et solidaire, qui ne laisse personne seul face à la mort. Telle est ma conviction la plus profonde, et c’est tout l’enjeu de cette proposition de loi.
Chers collègues, je vous invite à voter massivement en faveur de ce texte à l’issue de nos débats. Nous l’avons adopté à l’unanimité en commission ; fixons-nous ce même objectif en pensant à celles et ceux qui grâce à nous pourront approcher de leur mort et mourir le plus sereinement possible. Je vous remercie pour eux. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem, HOR et LIOT.)
M. Thibault Bazin
Bravo !
Mme la présidente
La parole est à M. François Gernigon, rapporteur, pour la commission des affaires sociales, de la proposition de loi relative à l’accompagnement et aux soins palliatifs.
M. François Gernigon, rapporteur, pour la commission des affaires sociales, de la proposition de loi relative à l’accompagnement et aux soins palliatifs
J’ai le plaisir de rapporter les articles 10 à 13 et les articles 15 à 21 de cette proposition de loi. Ces articles poursuivent une ambition simple, mais essentielle : permettre à chacun de vivre sa fin de vie avec dignité, entouré et accompagné, dans le respect de sa volonté.
La création des maisons d’accompagnement, rebaptisées « maisons d’accompagnement et de soins palliatifs » en commission, constitue une disposition nouvelle et un point central du texte. Ces établissements sociaux et médico-sociaux proposeront une alternative au retour à domicile, sous la forme de petites unités de vie, distinctes des Ehpad comme des hôpitaux. Ces maisons ne doivent pas être perçues comme une solution au rabais. Elles ne représenteront pas un entre-deux flou ou une fin de parcours subie, mais un véritable lieu de soins et de répit. Elles devront pouvoir accueillir dignement ceux pour qui le retour à domicile n’est pas envisageable.
Je souhaite redire ici mon attachement à ce que ces établissements puissent être gérés sous les trois statuts, y compris celui d’entreprise privée à but lucratif, afin de garantir un déploiement efficace sur tout le territoire. Nous connaissons les exemples réussis des maisons de Gardanne ou de Jeanne Garnier.
M. Thibault Bazin
Ce sont de beaux exemples !
M. François Gernigon, rapporteur
Leurs modèles, éprouvés, pourront utilement inspirer les cahiers des charges que définiront les agences régionales de santé (ARS).
Plusieurs articles issus d’amendements venus de tous les bancs permettent de renforcer l’information des patients sur leurs droits, de sécuriser l’intervention des équipes mobiles et de mieux reconnaître les structures signataires de conventions.
Je suis particulièrement attaché à la facilitation de l’accompagnement bénévole à domicile. Ce soutien humain, discret mais essentiel, doit pouvoir être développé partout où il est souhaité. Je suis également attentif à une meilleure prise en compte de la volonté des personnes, grâce à un recours facilité aux directives anticipées et à une recherche plus rigoureuse du consentement lorsque l’état médical rend l’expression difficile.
La traçabilité des sédations profondes et continues jusqu’au décès dans le système national des données de santé (SNDS) représente enfin un progrès important. Sa mise en œuvre a pris près de dix ans dans le cadre hospitalier et reste lacunaire dans le secteur ambulatoire. Cela doit changer.
Concernant l’article relatif à l’accès d’un tiers à l’espace numérique de santé, je tiens à rappeler qu’il ne s’agit pas d’ouvrir la fenêtre à tous les vents, bien au contraire. Aujourd’hui, un proche peut parfois accéder aux données médicales par des moyens détournés – un simple clic sur la proposition « mot de passe oublié » peut suffire. Demain, cet accès sera encadré, sécurisé, consenti.
J’accorde aussi une grande importance à l’introduction d’une voie de médiation en cas de désaccord sur une décision de limitation ou d’arrêt de traitement jugée déraisonnable. C’est une mesure de sagesse, de dialogue et d’apaisement.
Nos travaux ont permis de consolider les rendez-vous de prévention, d’améliorer l’accessibilité de certains documents ou de certaines démarches, et d’enrichir le texte de dispositions inspirées du droit civil ou fiscal, par exemple sur l’ordre dans lequel est recueilli le témoignage de l’entourage du malade. Nous avons également confié à la Haute Autorité de santé (HAS) et au Conseil d’État la mission de guider les professionnels de santé dans l’appréciation des traitements n’ayant d’autre effet que le maintien artificiel de la vie.
Comme en commission, j’en appelle à notre sens de la responsabilité. J’espère que les circonstances politiques nous élèveront au lieu de nous diviser. Nous avons une occasion rare de construire une loi de confiance. Je pense notamment à l’héritage de nos prédécesseurs : en 2005, en 2009 et en 2016.
Je souhaite enfin dissiper une inquiétude infondée, que certains voudraient faire naître : cette proposition de loi ne permet pas de demander une aide à mourir dans les directives anticipées. Ce n’est écrit nulle part, ce n’est prévu nulle part et il est inutile de faire croire le contraire. Nous devons à nos concitoyens un débat honnête, rigoureux et respectueux de la vérité du texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, EPR et Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. Olivier Falorni, rapporteur général, pour la commission des affaires sociales, de la proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir.
M. Olivier Falorni, rapporteur général, pour la commission des affaires sociales, de la proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir
Il n’y a rien de plus beau que la vie et l’aimer comme je l’aime, c’est vouloir qu’elle soit la plus belle possible, jusqu’à sa fin.
Il n’y a rien de plus beau que la vie, mais il y a parfois pire que la mort. Oui, il y a encore pire que la mort, quand la vie n’est devenue qu’une inexorable agonie. Oui, il y a pire que la mort, quand la vie n’est devenue qu’un océan de souffrances que rien ne peut apaiser. Oui, il y a pire que la mort, quand la vie n’est devenue qu’une survie hurlante, avec pour seule espérance celle de l’ultime délivrance.
Qui parmi nous n’a jamais été confronté, dans sa vie, à cette question existentielle ? Que veut dire « vivre » quand vivre n’est plus que souffrir, sans espoir de guérison ? Cette question, nous ne devons pas l’occulter. Au contraire, nous devons l’aborder avec respect et humilité : le respect afin d’écouter les malades et de ne pas s’arroger le pouvoir de décider pour eux ; l’humilité de ne pas prétendre détenir la vérité et d’avoir des convictions mais pas de certitudes – certitudes qui se fracassent d’ailleurs parfois sur la réalité d’expériences personnelles et douloureuses, susceptibles de bouleverser les points de vue sur la fin de vie.
Au fil des ans et des lois, depuis 1999 jusqu’à 2016, deux droits essentiels ont été conquis : le droit de ne pas souffrir, puisque nous avons obtenu que la souffrance ne soit plus considérée comme inévitable, et encore moins comme nécessaire ; et le droit de ne pas subir, puisqu’il est désormais possible de dire non à l’acharnement thérapeutique, de dire stop à l’obstination déraisonnable. Ce qui semble aujourd’hui une évidence ne l’était pas il n’y a pas si longtemps.
Notre devoir est donc de faire de ces droits une réalité, partout et pour tous. Cela passe par le renforcement et le développement massif des soins palliatifs, qui constituent notre réponse principale. Cependant malgré leur professionnalisme et leur dévouement, les soignants, dans certaines circonstances – c’est le lot de toute médecine humaine –, peuvent se trouver démunis face à certaines souffrances réfractaires ou insupportables. C’est pour cela que le texte que je vous présente propose un ultime recours, celui d’une aide à mourir pour des malades condamnés par la maladie mais qui ne veulent pas être condamnés à l’agonie.
Une réponse principale, donc, et un ultime recours : deux propositions de loi qui ne s’opposent pas mais qui se complètent. C’est sur cette conviction que repose le texte relatif au droit à l’aide à mourir, dont j’ai l’honneur d’être le rapporteur général. C’est un texte qui a été largement adopté en commission, par les deux tiers des députés ; un texte solide et équilibré, solide car équilibré – et je veillerai, en faisant preuve de responsabilité, à ce qu’il le reste ; un texte, enfin, qui respecte nos valeurs républicaines.
Oui, c’est une loi de liberté, la liberté de disposer de sa mort, à l’image de la liberté de disposer de son corps que nous avons sanctuarisée dans notre Constitution. Oui, c’est une loi d’égalité, qui permettra de ne plus avoir à s’en remettre à la clandestinité ou à l’exil pour éteindre la lumière de son existence. Oui, c’est une loi de fraternité, la fraternité d’accompagner chacune et chacun jusqu’au bout du chemin, conformément à ses choix et à sa volonté.
Alors, à l’orée de nos débats, je forme un vœu double. Je souhaite d’abord que nous sachions collectivement nous montrer à la hauteur de l’exigence de respect et de dignité qui s’impose à nous tous, comme cela a été le cas en commission. Je forme ensuite le vœu que la représentation nationale soit à l’unisson de la nation, à l’unisson d’une immense majorité de Françaises et de Français qui aspirent à pouvoir mourir comme ils ont voulu vivre, dans le respect de leur volonté, dans le respect de leur dignité et dans le respect de leur liberté. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, EPR, LFI-NFP et EcoS et sur quelques bancs des groupes SOC et LIOT.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Brigitte Liso, rapporteure, pour la commission des affaires sociales, de la proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir.
Mme Brigitte Liso, rapporteure, pour la commission des affaires sociales, de la proposition de loi relative à l’aide à mourir
Alors que nous allons étudier un texte qui porte l’espoir de millions de Français, il nous faudra répondre à l’attente d’une société qui regarde la fin de vie avec lucidité, courage et espoir. Dans le prolongement des lois fondatrices qui ont permis de lutter contre l’acharnement thérapeutique et de mieux prendre en considération la volonté des malades, nous devons une réponse claire à ces derniers. Les conclusions du Conseil économique, social et environnemental (Cese) sont sans équivoque : plus de 75 % des citoyens se déclarent favorables à la possibilité, dans des conditions strictes, de recourir à une aide à mourir. Ce chiffre ne peut pas rester sans écho dans notre hémicycle.
Lorsqu’une telle majorité de nos concitoyens s’exprime avec clarté, notre responsabilité, en tant que législateurs, est d’écouter et d’agir. Je pense à ces hommes, à ces femmes, à leurs familles et à leurs soignants parfois désarmés : nous ne pouvons plus détourner le regard et esquiver nos responsabilités. Ce texte n’est pas un recul ; c’est au contraire une avancée pour une société qui, s’agissant des derniers instants de ses membres, choisit encore l’humanité.
C’est le sens des quatre premiers articles du texte dont je suis la rapporteure. L’article 1er, inchangé en commission, adapte le code de la santé publique en modifiant le titre du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de sa première partie, pour y intégrer pleinement la fin de vie. L’article 2 introduit la définition de l’aide à mourir. L’article 3, également inchangé en commission, précise que le droit « d’avoir une fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance », reconnu par le code de la santé publique, comprend celui d’accéder à l’aide à mourir. Enfin, l’article 4 fixe les conditions strictes et précises qui encadreront l’exercice de ce nouveau droit.
Cet article 4 pose cinq conditions cumulatives car notre volonté est claire : poser un cadre rigoureux, éviter toute dérive et surtout garantir le respect absolu de la volonté libre et éclairée de la personne.
M. Thibault Bazin
Il faudra s’en assurer !
Mme Brigitte Liso, rapporteure
Il faudra donc être âgé d’au moins 18 ans ; être de nationalité française ou résider de façon stable et régulière en France ; être atteint d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, engageant le pronostic vital en phase avancée ou terminale ; présenter une souffrance physique ou psychologique, réfractaire ou insupportable, liée à cette affection, et enfin – et surtout – être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée.
Dans son avis du 6 mai 2025, la HAS précise qu’« il n’existe pas de consensus médical sur la définition du pronostic vital engagé à moyen terme, ni sur la notion de phase avancée » : pour définir cette dernière, qui n’est pas une donnée temporelle, il faut s’appuyer sur une logique plus large « d’anticipation », reposant elle-même sur un processus continu de discussion, sur une approche pluridisciplinaire et sur une attention individuelle portée à la personne et à sa souffrance.
Les dispositions de la proposition de loi s’inscrivent parfaitement dans une telle logique. Tout au long des travaux en commission, j’ai défendu une position d’équilibre, car il ne s’agit en aucun cas de banaliser la mort et encore moins de fragiliser notre modèle de soins. Il s’agit d’ouvrir, dans des circonstances exceptionnelles, une voie d’apaisement, un choix strictement encadré, profondément accompagné et mûrement réfléchi, un choix de liberté dans les ultimes instants.
Alors, parce que l’on ne choisit pas ses douleurs physiques ni ses souffrances psychiques, on doit pouvoir choisir d’être aidé et accompagné pour y mettre fin, si on le souhaite. Je ne doute pas que cette partie du texte fera une nouvelle fois l’objet de débats très nourris, certains souhaitant étendre ces dispositions quand d’autres voudraient au contraire en restreindre la portée. Néanmoins, je forme le vœu que nos discussions soient à la hauteur de l’exigence de dignité que nous partageons toutes et tous, quelles que soient nos convictions respectives.
C’est ainsi que je suis très honorée de pouvoir défendre ce texte avec mes collègues rapporteurs Laurent Panifous, Stéphane Delautrette et Élise Leboucher, sans oublier bien sûr le rapporteur général Olivier Falorni, que je remercie infiniment pour son engagement de longue date. Ensemble, nous avons bâti un texte d’équilibre, porteur d’une ambition forte : permettre à chacun de choisir sa fin de vie avec dignité. J’espère que nos débats en séance permettront de répondre enfin à l’attente de tant de Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, SOC et LIOT.)
Mme la présidente
La parole est à M. Laurent Panifous, rapporteur, pour la commission des affaires sociales, de la proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir.
M. Laurent Panifous, rapporteur, pour la commission des affaires sociales, de la proposition de loi relative à l’aide à mourir
La mort est la seule certitude absolue que nous ayons dès la naissance : qu’importe le chemin qu’elle empruntera, elle viendra. Autour de cette certitude gravite une infinité de doutes quant à notre finitude et à celle de nos proches, qui peut engendrer une perte de sens ou au contraire révéler le caractère précieux de la vie.
Aborder la mort en tant qu’individu, c’est être confronté aux vertiges existentiels qu’elle suscite. L’aborder en tant que société, c’est assumer la responsabilité éthique de ne laisser personne y faire face seul, dans le silence ou la souffrance. La dignité et l’apaisement dans la fin de vie : voilà l’objectif de ces deux propositions de loi, l’une consacrée aux soins palliatifs, l’autre à l’aide à mourir.
Je me suis emparé de mon rôle de rapporteur du texte relatif à l’aide à mourir comme j’ai toujours envisagé le débat sur la fin de vie : sans certitude absolue, mais avec la conscience aiguë de la gravité du sujet, de sa complexité et de l’humanité qu’il exige. Avec mes collègues rapporteurs, nous nous sommes astreints à une règle fondamentale : écouter les positions de toutes et tous, entendre toutes les questions, les doutes et les craintes, et tenter d’y répondre chaque fois que nous le pouvions.
Il nous sera difficile de nous accorder sur ce sujet complexe, dans lequel nos valeurs personnelles, philosophiques et religieuses prennent une part si considérable, un sujet d’autant plus complexe que chacun chemine et peut changer d’avis en la matière. Combien ont vu leurs certitudes vaciller face à la maladie, la leur ou celle d’un proche ? Combien se sont vus, au seuil de leur mort, souhaiter pour eux-mêmes ce qu’ils n’auraient jamais imaginé auparavant ?
L’aide à mourir, telle qu’elle est conçue dans le texte, ne relève ni de l’abandon médical ni d’un droit sans limite à disposer de la vie. Elle ne s’inscrit ni dans l’acharnement thérapeutique, qui prolonge la souffrance sans espoir, ni dans une logique de toute-puissance où l’on prendrait le choix de la mort à la légère. Elle cherche un chemin raisonnable, un équilibre – fragile mais profondément humain – entre le respect de la vie jusqu’à son terme et la reconnaissance de situations où la médecine ne peut plus guérir et où la souffrance écrase tout ; l’accompagnement qui nous est demandé consiste alors à permettre une fin digne. Ce n’est pas un renoncement à soigner ; c’est un ultime choix rendu possible lorsque toute issue favorable a disparu. C’est une possibilité nouvelle offerte à ceux qui ne peuvent plus attendre que la mort les délivre d’une souffrance insupportable et incurable.
Le texte que nous examinons est le fruit d’un très long travail brutalement interrompu par la dissolution.
M. Hadrien Clouet
C’est vrai !
M. Laurent Panifous, rapporteur
Nous avons mis ce temps à profit pour approfondir certaines de nos réflexions, ce qui nous a permis d’aboutir à quelques évolutions par rapport au texte initial, sans rien renier de l’équilibre fragile auquel je tiens personnellement. C’est en vertu de cet équilibre subtil qu’il me semble important de ne pas modifier les critères d’accès, et l’avis de la Haute Autorité de santé conforte la définition que nous avons donnée du pronostic vital, en phase avancée ou terminale. Mais c’est en vertu de ce même équilibre que je vous proposerai une modification relative à la procédure d’examen de la demande d’aide à mourir.
J’ai entendu les craintes de certains à propos d’une procédure qui ne serait pas suffisamment collégiale pour une décision aussi cruciale ; je pense notamment aux échanges que j’ai eus avec le président Valletoux et avec M. Monnet. C’est pourquoi je défendrai une sécurisation de cette procédure, en remplaçant notamment le recueil d’avis par la tenue d’une véritable réunion de tous les professionnels impliqués. La décision finale reviendra toujours au médecin chargé de l’examen de la demande, suivant le modèle introduit, pour la sédation profonde et continue, par la loi Claeys-Leonetti de 2016.
Cette rédaction se veut le reflet de notre préoccupation commune, en dépit nos divergences, pour aboutir à la sécurisation de ce nouveau droit, dans le respect de la dignité.
Chers collègues, les nouveaux débats qui s’ouvrent à nouveau ne conduiront pas à l’unanimité – il serait illusoire de le croire –, mais s’ils parviennent à éclairer ceux qui se questionnent encore, à apaiser les craintes des plus sceptiques et à maintenir l’équilibre subtil de ce nouveau droit, alors nous aurons fait une grande partie du chemin. Si nous avançons avec honnêteté, respect et exigence, nous aurons honoré la responsabilité qui nous est confiée. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur plusieurs bancs des groupes EPR, LFI-NFP, SOC et EcoloS.)
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Delautrette, rapporteur, pour la commission des affaires sociales, de la proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur, pour la commission des affaires sociales, de la proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir
J’ai l’honneur de travailler sur les articles de ce texte qui suivent ceux que rapporte mon collègue Laurent Panifous puisque je suis rapporteur du chapitre III, consacré à la procédure, et du chapitre IV, relatif à la clause de conscience. À l’image de l’ensemble de la proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir, les articles dont j’ai la responsabilité sont le fruit d’un travail de longue haleine amorcé il y a déjà plusieurs années. Je tiens tout particulièrement à saluer l’engagement et la persévérance de notre rapporteur général Olivier Falorni, qui en a été l’un des piliers. (M. Arnaud Simion applaudit.) Neuf ans après la loi Claeys-Leonetti, il est plus que temps de faire aboutir ce travail collectif, brutalement interrompu il y a onze mois. Le cadre législatif doit désormais évoluer pour répondre aux attentes de nos concitoyens confrontés à des situations de fin de vie extrêmement difficiles et trop souvent insupportables.
En tant que législateurs, nous ne pouvons rester sourds à l’appel de nos concitoyens, qui, tels les membres de la Convention citoyenne sur la fin de vie, sont dans leur très grande majorité favorables à l’instauration d’un droit pour une aide à mourir dès lors qu’il est strictement encadré. C’est un point sur lequel nous savons pouvoir compter sur votre vigilance, madame la ministre de la santé.
L’équilibre entre l’octroi d’un nouveau droit et l’instauration d’un cadre rigoureux protégeant nos concitoyens a guidé chacune des étapes de notre travail. Que ce soit en commission spéciale et en séance au printemps 2024 ou, plus récemment, en commission des affaires sociales, nous avons su, dans un climat serein et constructif, enrichir la rédaction du texte sans en altérer la cohérence et l’équilibre.
En tant que rapporteur des articles portant sur la procédure, notamment de l’article 9, qui décrit le déroulement du jour où l’aide à mourir est mise en œuvre, je partage le souhait de nombreux collègues d’aboutir à un texte clair, équilibré, centré sur le patient et garantissant un accès strictement encadré au dispositif. Cet équilibre, mûri au fil de deux législatures, constitue à mes yeux la véritable force de la proposition de loi.
Parmi tous les articles illustrant cet effort d’équilibre et de compromis transpartisan, l’article 14 est l’exemple le plus significatif. Il introduit une clause de conscience spécifique pour les professionnels de santé concernés tout en leur imposant un devoir d’information et d’orientation du patient, pour que celui-ci puisse bénéficier de ce droit quand bien même ils auraient fait jouer cette clause. L’article 14 garantit également que toute personne hospitalisée ou résidant dans un établissement social ou médico-social puisse bénéficier du droit à l’aide à mourir. Il suscitera sans doute des débats dans notre hémicycle, mais il parvient à concilier la protection des droits des patients et le respect des convictions individuelles.
Comme notre rapporteur général Olivier Falorni et comme mes collègues corapporteurs Brigitte Liso, Laurent Panifous et Élise Leboucher, je forme le vœu que nous nous montrions à la hauteur des attentes que nos concitoyens placent dans nos débats et que nous aboutissions enfin à la création d’un droit à cet ultime recours, dans le respect de la liberté de chacun. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes EPR et LIOT.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Élise Leboucher, rapporteure, pour la commission des affaires sociales, de la proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir.
Mme Élise Leboucher, rapporteure, pour la commission des affaires sociales, de la proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir
C’est avec solennité et humilité que je me tiens devant vous pour aborder une question qui concerne chaque individu : le choix de la manière dont nous faisons face aux souffrances de la fin de vie. C’est un débat qui traverse la société française depuis des décennies et dont la société civile s’est toujours emparée. Différentes lois ont été votées au fil des années pour donner davantage de liberté au patient dans le choix de sa fin de vie et dans l’apaisement de ses souffrances : la loi Kouchner en 2002, la loi Leonetti en 2005, la loi Claeys-Leonetti en 2016. Avec ces textes, d’autres, avant nous, ont affirmé l’importance des soins palliatifs, interdit l’acharnement thérapeutique et légiféré sur la sédation profonde et continue. Toutes ces lois ont un objectif commun : accroître les droits des malades en leur permettant de choisir leur fin de vie. J’ai la conviction que la proposition de loi dont nous débattrons dans les prochains jours vise également cet objectif.
Le cadre médical actuel ne permet pas de répondre à toutes les situations de souffrance en fin de vie. Les soins palliatifs ne sont pas assez développés, dix-neuf départements, dont le mien, la Sarthe, ne disposant pas d’unités de soins palliatifs. Je me réjouis des débats qui se sont tenus en commission et de l’implication de tous nos collègues en faveur du développement des soins palliatifs. Je vous donne rendez-vous au vote du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour donner corps à cette volonté grâce à des investissements massifs !
Certaines souffrances, même lorsqu’elles sont prises en charge par des soins adéquats, sont toutefois insupportables en fin de vie. C’est pour les personnes qui les subissent que la proposition de loi ouvrira un nouveau droit : la possibilité de mettre fin à des souffrances réfractaires ou insupportables quand le pronostic vital est engagé, en phase avancée ou terminale.
Les articles 15 à 20 de la proposition de loi, relative au droit à l’aide à mourir, concernent le contrôle de la procédure et des dispositions en matière pénale, budgétaire et assurantielle. L’ensemble garantit et sécurise les droits que nous allons ouvrir, dans le prolongement des travaux de notre ancienne collègue Caroline Fiat. Ces articles ont été enrichis et consolidés par nos travaux en commission.
L’article 15 prévoit la création d’une commission de contrôle et d’évaluation a posteriori des procédures d’aide à mourir. Cette commission permettra de contrôler la régularité des procédures et d’en informer annuellement le gouvernement et le Parlement. La commission des affaires sociales a adopté mon amendement visant à ajouter une dimension sociologique et éthique au travail de la commission de contrôle et d’évaluation en faisant siéger, aux côtés des médecins, des juristes, des membres d’associations d’usagers et des spécialistes des sciences humaines et sociales. Ainsi bénéficiera-t-elle d’une expertise des plus solides, avec en outre la possibilité de saisir le procureur de la République au titre de l’article 40 du code de procédure pénale.
L’article 16 prévoit d’inscrire la préparation magistrale létale dans un circuit sécurisé de préparation et de transmission, avec un contrôle de la HAS et de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).
Parce que nul n’a le devoir de tout accepter et nul n’a le droit d’imposer sa vérité aux autres en les privant de leur liberté, une mesure de justice et de protection figure à l’article 17 : le délit d’entrave, inspiré de celui à l’interruption volontaire de grossesse. Ce délit d’entrave n’est pas une atteinte à la liberté d’expression, car il n’empêchera aucun citoyen d’exprimer une opposition personnelle à l’aide à mourir. Dire à un de ses proches en fin de vie qu’on l’aime et que l’on ne souhaite pas le voir mourir ne tombe pas sous le coup du délit d’entrave. Cet article vise à punir le fait de perturber l’accès aux lieux pratiquant l’aide à mourir, ainsi que le fait d’exercer des pressions et des intimidations sur les personnes voulant y recourir ou les soignants la pratiquant, notamment par la diffusion de fausses informations. La liberté d’expression, la liberté de la presse, la liberté des associations de prévention du suicide, la liberté des représentants des cultes et le libre travail des psychologues ne seront donc pas entravés.
Pour que ce texte soit une loi de réelle liberté et de réelle égalité, l’article 18 permet qu’aucune avance de frais ne soit exigée des personnes ayant recours à l’aide à mourir. Je précise à nouveau que, bien que les mineurs soient mentionnés à l’article 18, ils ne sont pas éligibles à cette disposition. Prévoir la prise en charge intégrale des frais liés à l’aide à mourir implique de réécrire de manière générale l’article du code de la sécurité sociale afin d’y inclure l’aide à mourir pour le public éligible, c’est-à-dire les majeurs. Il s’agit d’une exigence légistique. Supprimer cet article reviendrait à priver les moins de 18 ans d’une partie considérable des remboursements de la sécurité sociale pour les soins de santé.
L’article 19 s’assure qu’il n’y aura aucun reste à charge pour les assurés et que le recours à l’aide mourir ne sera pas un motif d’exclusion de garantie dans les contrats de prévoyance en matière de décès. Je suis donc surprise de l’incohérence de nos collègues les plus attachés à la protection du capital privé et à sa transmission familiale : ils souhaitent qu’une personne décédée après avoir eu recours à l’aide à mourir ne puisse voir son contrat de prévoyance décès revenir à sa veuve, à son veuf ou à ses enfants – comprenne qui pourra ! À mes yeux, l’égalité exige au contraire que le choix d’une aide à mourir soit fait librement, sans considération du coût individuel ni des conséquences pour les ayants droit.
Je conclus en saluant le travail mené par le rapporteur général Olivier Falorni et par mes corapporteurs, mais aussi la mobilisation et l’intérêt de la société civile sur ce sujet. Le travail des associations et de la Convention citoyenne sur la fin de vie, ainsi que les interpellations des soignants et des citoyens, ont nourri notre réflexion ces dernières années.
Chers collègues, grâce à ces deux propositions de loi, nous avons l’opportunité de garantir à chacune et à chacun une fin de vie apaisée, parce que choisie librement. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs des groupes SOC, EcoS et LIOT.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles
Tous, dans cet hémicycle, nous partageons je crois la volonté de soulager la souffrance des malades en fin de vie. Pour y parvenir, en revanche, nous divergeons sur les moyens. Nous sommes donc appelés à débattre d’un sujet extrêmement sensible : un sujet éthique, médical et juridique ; un sujet qui appelle de notre part humilité et humanité. C’est tout l’honneur du Parlement de s’emparer des sujets les plus graves, les plus bouleversants, et de trouver le point d’équilibre respectant les attentes des uns et les préventions, voire les oppositions, des autres.
J’ai de nouveau l’honneur de m’exprimer à cette tribune pour examiner cette question qui touche chacune et chacun d’entre nous, une question intime à laquelle nul ne peut rester étranger. C’est à la fois une femme, une fille, une mère, une élue que les expériences de la vie ont fait évoluer, qui aborde ce débat avec toute l’humilité que requiert le sujet. Pour reprendre les mots du président de la République, la fin de vie est un vertige, un vertige qui bouscule, qui interroge, qui convoque des convictions intimes et personnelles, souvent profondes.
Les Français se sont saisis de ce débat parce qu’il les concerne intimement. Tous savent qu’un jour ils pourraient être confrontés à ces questions, pour eux-mêmes ou pour un proche.
Pour toutes ces raisons, je suis animée par la conviction que le Parlement doit débattre, en conscience, de cette question essentielle. Comment traitons-nous la vie qui prend fin ? Refuser ce débat alors que notre droit ne répond pas à toutes les situations, c’est laisser celles et ceux qui attendent sans réponse. C’est fermer les yeux devant une souffrance à laquelle seuls celles et ceux qui peuvent partir à l’étranger trouvent une issue. C’est manquer à notre devoir d’écoute et d’humanité.
Je souhaite le rappeler au moment où nous entamons nos débats, le fait générateur est la maladie. C’est bien la maladie in fine qui entraîne la mort, ce n’est pas l’âge. Je le répète en conscience, dans notre société vieillissante.
Je sais l’implication de nos médecins et de nos équipes soignantes. Et je rappelle l’importance des soins palliatifs, que chacun reconnaît dans cet hémicycle. Oui, nous devons garantir un accès aux soins palliatifs partout sur le territoire. C’est tout le sens de la première proposition de loi, déposée par Annie Vidal, adossée à la stratégie décennale que j’ai eu l’honneur d’initier. L’accompagnement et la prise en charge de la douleur sont encore très largement insuffisants.
Conscients toutefois que la loi Claeys-Leonetti de 2016 ne répond pas à toutes les situations, nous devons proposer une autre réponse, strictement encadrée et fondée sur cinq conditions cumulatives et précises, pour que les patients dont rien ne peut apaiser la souffrance, malgré tous les accompagnements possibles, aient la liberté de choisir leur fin de vie. C’est ce que permet la seconde proposition de loi, défendue par Olivier Falorni et beaucoup d’entre vous depuis de nombreuses années.
Ces deux textes ne s’opposent pas, ils ne se contredisent pas. Ils sont le fruit d’un travail collectif : celui des sociétés savantes, du rapport du professeur Franck Chauvin, de la Convention citoyenne sur la fin de vie, du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) et de plusieurs semaines de débats parlementaires, en commission, en séance, puis de nouveau en commission.
Ils reposent sur un même socle : assurer une prise en charge continue de la douleur, dans le respect de la dignité de chacun, en tenant compte de la volonté exprimée par le patient.
Depuis plusieurs années, cette question traverse notre société. Elle nous confronte à l’indicible. Comment mieux accompagner celles et ceux qui approchent de l’inéluctable ? Comment leur offrir la fin de vie la plus digne possible ? Comment leur tendre la main pour qu’ils puissent choisir librement et avec discernement la manière dont ils souhaitent être accompagnés ?
Ces questions dépassent largement les clivages partisans. Elles échappent aux appartenances politiques, car nous cherchons une réponse humaine à une souffrance humaine.
Ces deux propositions de loi, dans le prolongement du projet de loi que j’ai soutenu l’an dernier, sont animées par une même ambition : offrir à chacun une fin de vie digne, dans le respect de son autonomie.
Commençons par la proposition de loi relative à l’accompagnement et aux soins palliatifs. Comme nombre d’entre vous, mesdames et messieurs les députés, j’ai visité des unités de soins palliatifs ; j’ai écouté des patients, des familles, des soignants, des amis, des proches, des femmes et des hommes confrontés à l’un des moments les plus éprouvants de leur vie, des malades entourés de professionnels engagés, portés par une humanité admirable. À leurs côtés, j’ai vu la tendresse, la dignité, la douleur aussi – des souffrances parfois insoutenables. La semaine dernière encore, j’étais à l’hôpital Jean-Jaurès, à Paris, auprès des patients et des équipes de soins palliatifs. Je veux ici saluer l’engagement de celles et ceux qui accompagnent jusqu’au bout, avec une force tranquille et une infinie bienveillance. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, SOC, Dem et LIOT ainsi que sur quelques bancs des groupes RN et DR.)
Développer les soins palliatifs, c’est affirmer que la République ne détourne jamais le regard de la souffrance. Pourtant, aujourd’hui encore, l’accès aux soins palliatifs reste inégal selon les territoires. C’est un déchirement pour les familles ; c’est un échec pour la puissance publique. Face à cette réalité, nous prenons nos responsabilités.
Votre rapporteure Annie Vidal vient de le rappeler : nous agissons, même si le temps est toujours trop long. Il y a un an, nous avons lancé une stratégie décennale des soins d’accompagnement, adossée à un financement inédit de 1 milliard d’euros sur dix ans. La dernière loi de financement de la sécurité sociale en porte déjà la traduction concrète, avec 100 millions d’euros supplémentaires chaque année. Notre ambition est claire : garantir à chaque Français, quel que soit son âge, quel que soit son lieu de vie, un accès effectif aux soins palliatifs.
Dès 2024, cette stratégie a commencé à produire ses effets, notamment à domicile, car nous savons combien nos concitoyens souhaitent être accompagnés, aussi longtemps que possible, dans le cadre familier de leur vie quotidienne. Plus de 17 000 visites longues ont été assurées chaque trimestre par les médecins de ville, pour offrir un accompagnement renforcé à domicile. Le nombre de patients pris en charge dans le cadre de l’hospitalisation à domicile a connu une hausse de 22 %. Des équipes d’intervention rapide ont été déployées, capables d’intervenir en quelques heures auprès des patients. Désormais, 420 équipes mobiles de soins palliatifs sont actives sur tout le territoire, apportant leur expertise aux soignants comme aux familles.
À l’hôpital, également, le renforcement de l’offre s’est poursuivi. Le nombre de lits identifiés en soins palliatifs a progressé. Treize départements, jusque-là dépourvus d’unités spécialisées, en ont ouvert ou en ouvriront dans les prochains mois. Il s’agit du Cher, des Ardennes, des Vosges, de l’Orne, de la Corrèze, du Lot, des Hautes-Pyrénées, de la Lozère, de la Guyane, de la Sarthe, de l’Eure-et-Loir, des Pyrénées-Orientales et de la Meuse. En outre, deux premières unités pédiatriques de soins palliatifs ouvriront cette année.
En parallèle – c’est indispensable –, nous avons investi dans la formation, levier décisif pour faire émerger une véritable culture palliative. Plus de cent postes ont été ouverts pour la rentrée universitaire 2024-2025, posant les bases d’une filière dédiée. Yannick Neuder et moi-même savons qu’il faut continuer, voire accélérer, autant que possible. C’est tout notre engagement. Nous devons aussi mieux faire connaître les droits des patients. Une campagne nationale d’information sera lancée cette année sur la désignation de la personne de confiance et la rédaction des directives anticipées.
Nous devons désormais aller plus loin dans l’accompagnement et dans l’organisation des soins. C’est tout l’objet de la proposition de loi de la députée Annie Vidal, qui reprend le cœur du texte gouvernemental. Elle est articulée autour de trois priorités structurantes : créer des organisations territoriales dédiées aux soins palliatifs et à l’accompagnement, pour garantir un accès effectif partout en France ; prévoir une formation spécifique pour les professionnels du soin et de l’accompagnement ; généraliser le plan personnalisé d’accompagnement, afin d’assurer un suivi cohérent et respectueux des volontés du patient.
Ce plan ne sera pas un document de plus, mais le fruit d’un véritable dialogue entre le soignant et le patient. Les professionnels sont unanimes : cet échange, à cette étape de la maladie, est indispensable. Chaque patient a des attentes spécifiques et doit pouvoir les exprimer, pour que son parcours soit le plus adapté possible. Je souhaite préciser clairement que ce plan ne contiendra aucune mention de l’aide à mourir – votre rapporteur François Gernigon l’a rappelé tout à l’heure. Ce n’est ni sa vocation, ni le moment opportun pour aborder cette question.
Parmi les avancées majeures du texte figure le développement de structures d’hébergement à taille humaine, offrant une alternative au domicile. Elles permettront d’accueillir des patients pour des séjours temporaires ou plus longs, tout en respectant pleinement leurs souhaits d’accompagnement. Je le redis, le personnel de ces structures n’a pas vocation à pratiquer l’aide à mourir. Si un patient formulait une telle demande, elle serait instruite dans les mêmes conditions que s’il était à son domicile, conformément au cadre prévu par la loi.
Ce texte a été adopté à l’unanimité en commission. Nous espérons qu’il le sera également en séance publique. Nous partageons une exigence : être à la hauteur des attentes des Françaises et des Français en la matière.
J’en viens à la proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir. C’est l’attente de certains de nos concitoyens qui nous conduit à examiner les limites du cadre actuel pour certaines situations de fin de vie. J’entends toutes celles et ceux qui se demandent pourquoi nous légiférons à nouveau puisque nous avons déjà la loi Claeys-Leonetti. La sédation profonde et continue jusqu’au décès est une avancée majeure, et cette loi du 2 février 2016 doit aujourd’hui être mieux connue et mieux appliquée.
Je veux le rappeler ici, il ne s’agit pas d’un acte anodin. La sédation profonde et continue, lorsqu’un patient atteint d’une affection grave et incurable et dont le pronostic vital est engagé en fait la demande, entraîne l’arrêt des traitements – de tous les traitements, y compris la nutrition et l’hydratation – et l’endormissement irréversible. C’est donc une démarche lourde, qui accompagne inéluctablement vers la mort.
Je respecte profondément les deux auteurs de cette loi, à laquelle je suis attachée, mais ils n’en ont pas la même lecture. Pour Alain Claeys, « ce n’est pas un acte létal, mais c’est déjà de l’aide à mourir, on ne se réveille pas ». Jean Leonetti considère en revanche que « c’est une façon de soulager les souffrances du malade, dormir n’est pas mourir ».
Les professionnels de santé que j’ai rencontrés m’ont précisé que cette pratique reste peu utilisée. L’accompagnement global et la prise en charge de la douleur en soins palliatifs répondent, dans de nombreux cas, aux besoins des patients.
Mais cette loi, je le redis, ne répond pas à toutes les situations. Même avec une prise en charge palliative exemplaire, certains patients subissent des douleurs physiques réfractaires et une perte d’autonomie vécue comme une atteinte insupportable à leur dignité. Ne devons-nous pas les entendre quand ils considèrent, connaissant l’évolution plus que probable de leur maladie, que c’est à eux de déterminer s’ils souhaitent, ou non, subir ces situations ? Oui, la question est lourde ; elle est même vertigineuse. Mais, parce qu’elle est vertigineuse, devons-nous la repousser ou bien chercher ensemble une réponse ?
C’est la question posée par le rapporteur général, Olivier Falorni, et c’est tout le sens de sa proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir. Il est des souffrances qu’aucun traitement ne peut plus apaiser. Il est des parcours où les soins palliatifs, malgré leur qualité, ne suffisent pas.
M. Philippe Vigier
Très juste.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Il ne s’agit pas d’opposer la vie et la mort. Il ne s’agit pas davantage d’opposer les soins palliatifs et l’aide à mourir. Il ne s’agit pas non plus d’opposer la sédation profonde et continue et l’aide à mourir. Pour l’immense majorité des patients, la question d’une sédation profonde ou d’un recours à l’aide à mourir ne se posera pas, car les soins palliatifs suffiront à apaiser leur souffrance jusqu’au terme de la vie. Mais pour d’autres, la question reste entière car la souffrance de leur fin de vie n’est pas apaisée.
M. Roland Lescure
Très juste.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Mesdames et messieurs les députés, comme vient de le souligner la rapporteure Brigitte Liso, avons-nous le droit de ne pas penser à ces malades ? Ne serait-ce pas une forme d’abandon ? N’est-il pas de notre devoir de rechercher une autre réponse, une autre forme d’accompagnement de la fin de vie d’un patient qui nous le demande ? Si certains expriment, en conscience, la volonté d’accéder à l’aide à mourir, notre responsabilité sera de leur garantir une réponse médicale claire dans un cadre strictement encadré, fondé sur le respect de leur discernement, de leur volonté, de leur dignité. Un cadre clair avec des principes non négociables et des lignes à ne pas franchir, voilà ce qu’il nous appartient de construire ; voilà ce que pourrait être le modèle français de la fin de vie.
Je le répète, c’est une lourde responsabilité et je veux fixer devant vous les limites essentielles de cette aide à mourir.
Premièrement, l’aide à mourir ne s’adressera qu’aux patients en phase avancée d’une maladie grave et incurable et dont le pronostic vital est engagé. La Haute Autorité de santé vient de définir la phase avancée comme « l’entrée dans un processus irréversible marqué par l’aggravation de l’état de santé qui affecte la qualité de vie ». Le gouvernement proposera d’inscrire dans la loi cette définition de la phase avancée issue des travaux de la HAS.
M. Philippe Vigier
Très bien.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Cette définition confirme que l’aide à mourir sera réservée à des patients en fin de vie répondant à l’ensemble des critères cumulatifs, après que leur auront été proposés des soins palliatifs et un accompagnement. L’avis de la HAS est utile : aucun critère temporel individuel ne peut fonder une approche satisfaisante ; ni « moyen terme » ni une autre formulation ne sont jugés pertinents.
Deuxièmement, l’autonomie du patient doit rester au cœur de notre réflexion. Pour que cette autonomie soit réellement garantie, jamais l’aide à mourir ne pourra être proposée, suggérée, encouragée. C’est un choix intime et réitéré, que seule la personne malade, dans son for intérieur, peut formuler. Pour que cette autonomie soit respectée, le texte initial prévoyait que le patient s’administre lui-même la substance létale. Ce n’est que dans de rares exceptions, lorsque l’état physique du patient ne le permet pas, qu’un professionnel de santé pourrait intervenir.
La commission est revenue sur cet équilibre : je défendrai le rétablissement de la rédaction initiale. L’autoadministration doit rester la première intention. Aussi, garantir l’autonomie suppose de laisser au patient un temps de réflexion incompressible, une fois la demande acceptée par le médecin. Le délai de quarante-huit heures, inscrit dans le projet initial, est une garantie supplémentaire : le rétablir me paraît une nécessité.
Troisièmement, le discernement du patient doit être plein et constant tout au long du processus : au moment de la demande, dans les jours et dans les semaines qui suivent, jusqu’à l’instant même de l’administration de la substance létale. Comme je m’y étais engagée, j’ai saisi le Comité consultatif national d’éthique. L’avis rendu est sans ambiguïté : pour que l’aide à mourir reste fidèle à la dignité humaine, le patient doit être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée à chaque instant de la procédure.
M. Philippe Vigier
Très bien.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Aucune demande d’aide à mourir ne pourra être formulée par l’intermédiaire des directives anticipées.
Quatrièmement, les conditions d’accès doivent être strictement encadrées et strictement définies. L’aide à mourir ne pourra être accordée qu’aux personnes majeures, de nationalité française ou résidant en France de manière stable et régulière, atteintes d’une affection grave et incurable avec un pronostic vital engagé, souffrant de douleurs devenues insupportables et réfractaires aux traitements, exprimant leur volonté de manière libre et éclairée.
Ces critères sont autant de garanties. En modifier un seul reviendrait à déséquilibrer l’ensemble du dispositif. Je tiens à saluer le travail de la commission, qui les a sanctuarisés, et à remercier les rapporteurs ainsi que les députés qui ont contribué à les préserver.
Un consensus s’est dégagé sur ces cinq critères. Pour garantir leur efficacité, il faut les définir avec précision dans la loi, afin que le corps médical puisse se prononcer en toute clarté et que les patients puissent bénéficier d’un dispositif strictement encadré. Ces cinq critères doivent être objectifs, et les garanties, incontestables, pour que le texte soit applicable et que les médecins puissent accueillir les demandes dans un cadre sécurisé. Certains de ces critères pourront encore être précisés ; c’est tout le sens du débat qui s’ouvre aujourd’hui, comme l’a rappelé le rapporteur Stéphane Delautrette.
Cinquièmement, la liberté des médecins, tout comme la collégialité des décisions, doivent être garanties.
J’entends les inquiétudes exprimées par les soignants, premiers visages de l’humanité dans l’épreuve, sans qui rien ne peut se faire. Leurs préoccupations doivent être pleinement prises en compte.
Je veux être parfaitement claire : l’aide à mourir n’est pas davantage que la sédation profonde et continue un renoncement aux soins (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, LFI-NFP, Dem, HOR et LIOT. – M. Stéphane Delautrette et Mme Dieynaba Diop applaudissent également.) Il s’agit de reconnaître que, malgré l’engagement exemplaire des soignants, certains patients ne trouvent aucune réponse dans le cadre existant. Ce que nous proposons, c’est que la médecine continue à tendre la main, jusqu’au bout, jusqu’à ce que la personne puisse, si elle le souhaite, la lâcher en paix.
Le respect de la clause de conscience est un principe absolu : aucun professionnel de santé ne sera jamais contraint d’accomplir un acte contraire à ses convictions. C’est une ligne rouge, et je souhaite qu’elle perdure.
Toute demande d’aide à mourir devra faire l’objet d’une évaluation collégiale, dans un cadre défini.
M. Philippe Vigier
Très bien.
Mme Catherine Vautrin, ministre
La possibilité d’un troisième avis médical a été évoquée ; comme le rapporteur Laurent Panifous, je suis favorable au renforcement de la collégialité : aucun soignant ne doit se trouver seul face à la demande d’un patient.
J’ai suivi les débats en commission évoqués par la rapporteure Élise Leboucher et je suis pleinement consciente que des clarifications sont encore nécessaires sur certains points. Le gouvernement prendra toute sa part dans la discussion en séance publique afin que ces textes soient équilibrés et soutenus par la majorité la plus large possible. Cela suppose de faire progresser notre réflexion vers un consensus éclairé. Toutes les convictions méritent écoute et respect ; malgré nos différences, nous pouvons chercher un chemin commun.
Si les mots de ce débat – accompagnement, douleur, fin de vie, maladie, soins, souffrance, mort – sont graves, celui-ci ne se résume pas à un choix entre la vie et la mort. Il nous invite à répondre à cette question fondamentale : lorsque la situation est devenue irréversible, comment garantir au malade la liberté de sa fin de vie, dans le respect et la dignité ? Comment accompagner au mieux la fin de vie dans le respect et dans la dignité de chaque parcours ? Je vous propose, malgré nos différences, de rechercher ce chemin commun.
Je veux redire aux soignants : vous ne serez jamais seuls ; nous serons à vos côtés pour vous accompagner, vous former et sécuriser vos pratiques.
Je veux dire aux patients et à leurs familles : vous êtes entendus ; votre souffrance et votre parole sont au cœur de ces textes.
Enfin, je veux dire aux Français : le Parlement sera au rendez-vous de ses responsabilités. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, Dem, HOR et LIOT ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales
À l’heure où nous entamons des débats qui touchent à l’essentiel – notre rapport à la mort – et renverront chacun d’entre nous à son éthique, ses convictions ou ses croyances, et certains, à des expériences personnelles douloureuses, je forme le vœu que les deux prochaines semaines se déroulent dans une atmosphère aussi respectueuse et studieuse que celle ayant présidé à nos débats en commission.
À l’occasion de discussions qui feront écho à ce que chacun d’entre nous porte de plus intime, laissons aux portes de cet hémicycle les facilités de la polémique, les effets de manche, les artifices de procédure ou les accusations péremptoires et partisanes.
Certains ici portent en bandoulière des convictions chevillées au corps, tandis que d’autres, dont je fais partie – nous sommes peut-être les plus nombreux –, portent encore des doutes et des questionnements, dans un cheminement propre, fruit d’une maturation lente. Dans un débat qui n’a que faire des frontières politiques classiques, chacun mérite d’être écouté ; pour une fois, faisons preuve d’humilité, de tolérance et de respect ! Voilà ce que je crois et ce que je souhaite.
M. Philippe Vigier
Très bien !
M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales
S’agissant du respect, j’ai veillé à ce que tous les députés prenant part aux travaux de la commission puissent s’exprimer largement ; cette expression s’est toujours faite dans l’écoute. Je tiens ici à remercier tous ceux qui ont participé à nos réunions pour la qualité et la hauteur de vue de nos débats. Dans ce climat de respect mutuel, la commission a été en mesure de travailler de façon remarquablement studieuse. Quelques éléments chiffrés en témoignent : entre auditions et examen des amendements, nous avons consacré plus de soixante-dix-neuf heures à l’examen de ces deux textes. Sur le premier texte, consacré aux soins palliatifs, 562 amendements ont été examinés, tandis que 1 003 l’ont été sur le texte relatif à la fin de vie.
Au-delà de ces données quantitatives, je veux souligner l’investissement constant des rapporteurs : ils ont répondu à l’ensemble des intervenants et ont exposé avec précision leurs argumentaires sur les très nombreux amendements défendus.
Au cours de nos débats est souvent apparue une différence d’appréciation quant au lien, ou à l’absence de lien, entre les deux propositions de loi. Elle se manifestera certainement à nouveau ici, en séance publique. Pour ma part, j’étais partisan d’une dissociation des deux textes et ne m’en étais jamais caché. Les deux sujets sont liés, bien sûr, mais les problématiques sont autonomes. En effet, si le déploiement plus rapide des soins palliatifs est un devoir de la société envers les patients qui font face à la souffrance, la mise en place d’une aide active à mourir fait appel à une approche éthique inévitablement plus nuancée.
S’il est en revanche un continuum incontestable et incontesté, c’est celui qui existe entre le projet de loi de 2024 – tel que modifié en commission spéciale, puis en séance, jusqu’à la dissolution du 9 juin 2024 – et les deux propositions de loi défendues par Annie Vidal et Olivier Falorni. La commission s’est inscrite dans la continuité des débats de l’an dernier, tout en considérant qu’il fallait tenir compte de ce qu’une proportion significative de nos collègues, arrivés avec la nouvelle législature, n’avait pu prendre part à ces débats. Fort de ces convictions, j’ai plaidé pour que, cette année, la commission des affaires sociales soit saisie de ces deux propositions de loi. Je remercie la présidente de l’Assemblée nationale et tous ceux qui ont eu à trancher ce point de m’avoir suivi ; j’en éprouve une réelle fierté, au vu de la manière dont se sont déroulés nos travaux.
Dans le débat qui s’ouvre, nous allons devoir préciser des notions qui ont fait l’objet d’âpres discussions et que je souhaite moi aussi voir éclaircies. La collégialité de la décision médicale, le rôle et la place des soignants dans l’administration de la substance, la protection du libre consentement des personnes qui s’engageront dans ce processus sont quelques-unes des questions que nous allons devoir trancher.
Après le parcours chaotique de cette réforme, sachant que de nombreux citoyens et soignants suivront nos débats avec attention, j’espère que, cette fois-ci, nous irons au terme de la discussion, qu’elle qu’en soit l’issue, mais pour l’honneur de notre assemblée et de notre démocratie. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, SOC, DR, Dem, HOR, LIOT et GDR. – Mmes Sylvie Bonnet et Danielle Simmonnet applaudissent également.)
Discussion générale commune
Mme la présidente
Nous en venons à la discussion générale commune. Je précise que la conférence des présidents a décidé d’attribuer à chaque groupe politique un temps de parole de dix minutes, qui peut éventuellement être partagé entre deux orateurs.
La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier
Monsieur le président de la commission des affaires sociales, je tiens à vous remercier de la manière dont vous avez conduit les débats de la commission.
Je m’exprime devant vous avec beaucoup d’humilité, dans ce moment grave qui honore notre Parlement. À cette même tribune, il y a cinquante ans, se tenait Simone Veil. Il est des moments où le Parlement est convoqué pour avancer avec intelligence.
Madame la ministre, vous serez celle qui permettra enfin à la France d’offrir des soins palliatifs partout sur le territoire ; cette promesse nous engage tous, parce que des patients nous écoutent et nous regardent. Des soignants attendent eux aussi ces soins palliatifs, et vous aurez l’importante responsabilité de faire en sorte qu’ils soient formés, afin que, demain, un nombre suffisant de soignants embrassent le métier merveilleux qui consiste à aider et à prodiguer des soins palliatifs.
J’ai une pensée pour Henri Caillavet – sénateur qui a été, vous le savez, le premier à ouvrir la voie à la fin des années 1970 –, pour Bernard Kouchner, pour Alain Claeys et Jean Leonetti ; grâce à la merveilleuse loi de 2016 – j’étais là –, ils ont apporté une première réponse aux patients, en interdisant l’obstination déraisonnable. Je voudrais dire à Olivier Falorni que son nom s’inscrit dans la lignée de ceux que je viens de citer. Nous vivons un moment très important, après quatre années tumultueuses : rappelons-nous que des milliers d’amendements avaient été déposés sur le projet de loi dont il était rapporteur, et que l’article 1er avait été péniblement voté, à 23 h 50.
À titre personnel, je vous le dis avec beaucoup de gravité, j’ai évolué. J’ai évolué d’abord parce que j’ai exercé comme soignant pendant quarante ans, ensuite parce que j’ai été confronté très directement, dans ma famille la plus proche, à des cas qui m’ont conduit à envisager les choses avec plus de discernement.
Aujourd’hui, je suis fier d’être favorable à cette loi. Je le dis devant mon ami et collègue Cyrille Isaac-Sibille, lui aussi membre du groupe Démocrates mais qui portera une voie différente de la mienne. Nous sommes tous attachés à la faculté de nous exprimer et de nous prononcer in fine sur ce texte en toute liberté.
Ce texte est équilibré et solide. On nous a dit que les enfants étaient concernés ; non, ils ne le sont pas ! On nous a dit que le texte s’appliquerait à ceux qui viennent d’autres pays du monde ; non, il concerne uniquement les Français !
Ce texte est équilibré et solide parce qu’on a encadré les choses. Vous l’avez dit, madame la ministre, il protège le patient : c’est lui qui décide et qui réitère sa demande, ce qu’il ne peut d’ailleurs pas faire dans le cas d’une sédation profonde et continue. Je vous invite à y réfléchir.
Le texte protège aussi le médecin. Il pourra dire : « je ne ferai pas cet acte » – les professionnels disposés à l’accomplir figureront sur une liste. Et il ne sera plus seul, puisque la décision sera collégiale. Cette décision collégiale lui sera transmise pour qu’il l’annonce au patient.
Cette loi apportera des garanties. Elle sera évaluée, ce qui n’a pas été le cas de la loi Claeys-Leonetti. Au 1er janvier 2025, il n’y avait pas de registre national des directives anticipées. C’est désormais le cas, grâce à vous, madame la ministre.
Si des dérives sont constatées – il pourrait y en avoir –, il sera possible de saisir le procureur de la République. Les conseils de l’ordre seront là pour dire si une dérive s’est installée.
Je le dis devant des collègues d’autres groupes politiques, le fait que les directives anticipées n’intègrent pas l’aide à mourir témoigne de la solidité et du caractère équilibré du texte.
Madame la ministre, vous avez renvoyé à juste titre à l’avis rendu le 30 avril 2025 par la Haute Autorité de santé. Il arrive qu’on vous annonce la mort du patient à court ou moyen terme. C’est ce que l’on m’a dit, il y a plus de cinquante ans, à propos de mon propre frère. Or il a vécu quarante ans. En réalité, il est impossible de prévoir.
En revanche, lorsque la douleur est indicible, réfractaire, qu’on sait ne plus pouvoir rien faire, que l’immunité et l’humanité ne sont plus au rendez-vous, il faut aider les hommes et les femmes qui sont dans cette situation ; si on les aime, il faut les laisser partir.
Ce texte est équilibré ; il apporte des garanties. Je le dis devant les amis républicains, devant les amis du RN et devant tous ceux qui sont présents : en commission, chacun a fait des pas vers les autres ; on s’est écouté, le débat a été digne. Je souhaite qu’il le soit tout autant ici.
Vous l’aurez compris, je n’ai aucune certitude, ou plutôt ma seule certitude est que le texte que nous avons bâti tous ensemble permet de répondre à quelques cas pour lesquels nous sommes dans une impasse totale. C’est la raison pour laquelle je soutiendrai ce texte d’aide à mourir.
Enfin, j’ai une pensée pour les membres de la Convention citoyenne sur la fin de vie, qui s’est tenue à la demande du président de la République. Ils ont fait un boulot formidable !
M. Erwan Balanant
Exactement !
M. Philippe Vigier
J’ai eu l’honneur d’assister à la restitution de leurs travaux. Leur message appelait à la réflexion et à l’humilité. Ils ont montré que c’est lorsque nous sommes forts collectivement que nous donnons le meilleur de nous-mêmes. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem et EPR ainsi que sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et GDR. – Mme Danielle Simonnet et M. Jérémie Patrier-Leitus applaudissent également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo.
Mme Agnès Firmin Le Bodo
Lorsque le Parlement se saisit de questions à la fois éthiques, morales et de santé, il arrive que notre longue marche législative soit rythmée par le battement têtu de deux horloges. C’est le cas aujourd’hui : la première horloge est celle de la médecine, qui fait reculer sans cesse la frontière de la mort ; la seconde est celle, intime, des femmes et des hommes qui nous interrogent : quand la science ne peut plus rien pour moi, qui va m’aider ? C’est à la croisée de ces deux cadences que nous examinons ces deux propositions de loi, issues du projet de loi de 2024 – fruit d’un travail de longue haleine, engagé en 2022 par le président de la République, que je remercie avec émotion et gratitude.
Je me dois également de remercier les membres de la Convention citoyenne – dont certains sont présents dans les tribunes – pour leur travail considérable et remarquable, mais aussi Franck Chauvin, auteur du rapport sur la stratégie décennale des soins d’accompagnement, tout comme les malades, les soignants ainsi que toutes les parties prenantes qui se sont exprimées, quelles que soient leurs convictions intimes, lors de l’élaboration du projet de loi initial ou des très nombreuses auditions parlementaires.
Sur notre chemin, les obstacles ont été nombreux : la dissolution, qui fut sans doute le plus douloureux, mais également la scission du texte en deux, qui rompt de facto l’unité du modèle français d’accompagnement de la fin de vie. Cependant, rien ne saurait arrêter cette marche tant elle correspond à ce qu’expriment les Français et leurs angoisses, les malades et leurs souffrances.
Depuis 1999, la République a appris à refuser l’acharnement, à reconnaître la primauté de la volonté du patient, à faire germer la culture palliative. Toutefois, vingt-six ans plus tard, chacun mesure l’écart entre les principes et la réalité. Pour trop de nos concitoyens, la fin de vie demeure un territoire d’abandon, parfois de détresse muette.
Face à cette situation, nous devons résister à la tentation d’écrire la loi sous le souffle de la compassion immédiate. Un texte législatif n’est pas un plaidoyer ; il énonce sobrement des principes et des droits ; il doit manifester notre confiance aux acteurs de terrain.
Au sortir de la commission des affaires sociales, la proposition de loi relative à l’accompagnement et aux soins palliatifs défendue par Annie Vidal est composée de vingt et un articles, contre quatre dans le projet de loi initial. On y dénombre 5 600 mots alors que la loi Claeys-Leonetti de 2016 en comptait moitié moins. Je crains que cette inflation législative n’éloigne les malades de soins palliatifs accessibles et humains. Je vous proposerai donc plusieurs amendements visant à alléger le texte.
Bien sûr, comme chacun de vous, je suis intimement persuadée qu’il nous faut continuer à œuvrer pour développer les soins palliatifs. À cet égard, je tiens à remercier – comme l’a fait Mme la ministre – les soignants qui accompagnent au quotidien nos concitoyens en fin de vie.
Depuis le début de nos travaux sur l’aide à mourir, j’ai défendu la conviction qu’il était possible, face à ce vertige que représente la mort, de trouver un équilibre entre la liberté de chacun, la protection des plus vulnérables et le respect de la conscience des soignants.
Cet équilibre, je le crois, était au cœur du projet de loi initial, qui articulait autonomie et solidarité. Or il a été rompu. D’abord, les critères d’accès à l’aide à mourir ont été élargis. Il nous faut désormais collectivement parvenir à des conditions objectivables, compréhensibles par tous et qui respectent l’avis de la Haute Autorité de santé. C’est la seule voie possible si nous voulons rendre notre texte crédible et avoir la confiance des soignants comme des malades. De ce point de vue, l’irréversibilité apparaît comme un critère objectif.
Ensuite, le projet de loi initial faisait de l’autoadministration la règle, l’intervention d’un soignant étant réservée aux seuls patients physiquement empêchés. Cette distinction est non pas technique mais éthique. La suppression de cette limite – je le crains, d’autant que beaucoup me l’ont dit – reviendra à détourner les soignants d’un accompagnement de leur patient jusqu’au bout, qu’ils auraient accepté jusque-là. Le sondage de l’Ifop publié hier nous montre à quel point le corps médical, lui aussi, a beaucoup évolué sur cette question. Ne l’oublions pas : les médecins sont des citoyens.
Je garde l’espoir que nous puissions, ensemble, retrouver une ligne de crête exigeante, susceptible de rassembler non seulement une majorité mais la part la plus large possible de l’hémicycle.
Il est des instants où le Parlement quitte le tumulte du quotidien et se tient face à ce qu’il y a de plus sacré en l’humain : la dignité qui doit demeurer face à la vie qui s’éteint. Écrivons donc ici ce qui, demain, accompagnera le dernier souffle de nos concitoyens, avec humilité mais aussi le doute qui doit toujours guider cette réflexion si difficile.
Voilà l’horizon de ce débat. Puisse notre Assemblée, comme elle a su le faire quelques fois dans son histoire, élever la loi à la hauteur de la condition humaine. Alors seulement, le texte que nous voterons sera non pas un texte de plus, mais la promesse tenue d’une République fidèle à sa devise : liberté du choix, égalité d’accès à l’apaisement des souffrances, fraternité jusqu’à la dernière heure. Nous le devons aux malades, qui attendent l’évolution de notre législation. Je pense très fort à eux aujourd’hui. Car, oui, la mort est inscrite en nous, c’est notre destinée ou, pour citer notre cher Charles Biétry, notre dernière vague. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR. – Mme Sophie Mette et M. Philippe Vigier applaudissent également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Laurent Mazaury.
M. Laurent Mazaury
C’est avec un fort sentiment de responsabilité qu’il nous faut aujourd’hui examiner la proposition de loi relative à l’accompagnement et aux soins palliatifs et celle relative au droit à l’aide à mourir. J’y insiste car ce sujet touche à la dignité, à l’intime et à notre conscience individuelle aussi bien que collective.
S’il a été décidé de séparer en deux textes le projet de loi dont l’examen a été interrompu l’année dernière, il faut rappeler que le développement des soins palliatifs n’entre en aucun cas en concurrence avec l’ouverture du droit à l’aide à mourir. Car s’il est indispensable de combattre efficacement la douleur et de mieux accompagner les personnes qui souffrent, il est également légitime et nécessaire d’accompagner celles pour lesquelles la souffrance est devenue insupportable et inévitable.
J’ai reçu nombre de personnes inquiètes des conséquences de l’ouverture de l’aide à mourir. Je les comprends. À l’instar d’autres collègues, j’ai visité les unités de soins palliatifs – trop peu nombreuses – de ma circonscription, dans les Yvelines. Je veux ici remercier, pour leur engagement humaniste, les soignants et soignantes exceptionnels que j’y ai rencontrés, par exemple à l’institut MGEN – Mutuelle générale de l’éducation nationale – de La Verrière.
Ils m’ont notamment expliqué et démontré, par des exemples concrets, que le manque de communication sur les soins palliatifs – car ils existent déjà bel et bien dans notre pays – conduisait parfois des personnes malades à partir à l’étranger pour y mourir, anticipant ainsi des douleurs qu’elles ne pensent même pas possible d’annihiler dans notre pays. Le manque d’accompagnement, d’information ou d’offre de soins palliatifs accélère alors la décision de patients qui se sentent abandonnés, tandis que les personnes bien accompagnées demandent beaucoup moins l’accès à l’aide à mourir.
Ces personnels m’ont également informé des possibles conséquences psychologiques du message qui serait délivré aux personnes malades avec l’adoption de la loi sur la fin de vie, celui d’une société qui établirait une hiérarchie entre les personnes qui seraient jugées dignes de rester en vie et celles qu’elle accepterait de perdre.
Je souhaite ici les rassurer sur ces deux points. Tout d’abord, comme le prévoit le texte, le droit à l’aide à mourir, s’il est voté par notre assemblée, est et doit rester un choix libre et éclairé qui suppose une bonne connaissance, en amont de la décision, des moyens accessibles pour limiter la souffrance quotidienne et lutter contre toutes – je dis bien toutes – les douleurs. Voilà pourquoi un meilleur accès aux soins palliatifs, sur l’ensemble du territoire, est absolument indispensable. Ensuite, je tiens à affirmer que, si la proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir est adoptée, notre société n’abandonne personne pour autant.
J’entends également les témoignages de personnes malades, qui souffrent parfois depuis plusieurs années et qui nous disent qu’elles ne se sentent pas écoutées dès lors que nous ne leur permettons pas de choisir la façon dont elles souhaitent finir leurs jours. Elles sont alors obligées de partir loin de chez elles pour faire entendre leur voix et leur terrible choix intime.
Aussi, voici, selon nous, le message clair que ces deux propositions de loi doivent adresser. Premièrement, la France fera tout ce qui est nécessaire pour accompagner chacun d’entre vous – c’est-à-dire nous tous – et pour limiter vos souffrances, donc les nôtres, dans les meilleures conditions possibles. Si, toutefois, vous choisissez malgré tout de recourir à l’aide à mourir, alors, là aussi, elle vous accompagnera, pour que vous puissiez le faire dignement, de façon encadrée et, là encore, dans les meilleures conditions possibles pour vous et pour votre entourage.
Un autre message doit aussi être clairement affirmé : l’accès à l’aide à mourir ne constitue pas la solution pour remédier au manque de soins palliatifs. Elle n’est que l’ultime voie quand la souffrance est insupportable et, surtout, définitivement incurable. Il ne peut – et il ne saurait – en être autrement.
Reste que notre système palliatif est défaillant malgré les efforts engagés depuis plusieurs années et en dépit du dévouement indéfectible des professionnels mais aussi des proches aidants et des bénévoles. Pour eux aussi, nous devons agir davantage afin qu’ils puissent accompagner au mieux les personnes malades – c’est-à-dire nos proches.
Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires continuera de défendre des amendements visant à améliorer les deux textes. Ceux dont je suis l’auteur prévoient de garantir un égal accès aux soins palliatifs et une prise en charge personnalisée et d’accorder une plus grande place aux patients, aux bénévoles et aux proches aidants. Je souhaite d’ailleurs profiter de cette prise de parole pour remercier ces derniers pour tout l’accompagnement, l’aide et le soutien physique et moral qu’ils apportent au quotidien, non seulement aux personnes malades mais aussi à celles qui ne peuvent être quotidiennement présentes pour leurs proches.
Il est nécessaire d’aller plus loin en matière de soutien aux aidants. Les séjours de répit devraient par exemple être plus accessibles à l’heure où les proches aidants sont surexposés à des risques psychosociaux graves. Or l’accès à ce dispositif se heurte à de nombreux freins liés à l’éclatement de l’offre sur le territoire et à la diversité des financements. Il est nécessaire de se pencher sur cette question – qui fera d’ailleurs également l’objet d’un amendement.
Notre groupe s’attachera aussi à maintenir les avancées que nous avons obtenues en commission, tout particulièrement la création d’un diplôme d’études spécialisées afin de reconnaître, donc de valoriser, une filière palliative. La formation à une telle approche est primordiale dans notre pays.
Par ailleurs, comme pour beaucoup d’autres sujets, le manque de moyens alloués au développement des soins palliatifs est criant, alors qu’il faut prévoir des fonds pérennes et en adéquation avec les besoins. La stratégie décennale et les crédits qui lui sont dédiés constituent un point positif, tout comme la loi de programmation pluriannuelle.
Toutefois, des garanties sont nécessaires : les sommes prévues à l’article 7 ne doivent pas subir de coupes budgétaires. Il faut rester vigilant car je note que des lois de programmation portant sur d’autres thématiques importantes pour le bon fonctionnement de notre société ne sont pas respectées.
Je ne saurai concevoir – si tel était le cas, nous ferions preuve d’une indignité absolue – que, demain, si les deux textes proposés sont votés, nous ne puissions pas proposer, en raison d’un manque de crédits, des soins palliatifs accessibles et connus de tous. Car la loi de la République s’appliquerait alors de telle façon que ceux qui souffrent envisageraient de mettre fin à leurs jours.
Les deux textes que nous examinons visent à garantir la dignité des personnes malades au moment où elles en ont le plus besoin, où elles sont le plus fragiles et où, parfois, elles doivent faire un choix difficile qui a des conséquences irrémédiables – pour elles, évidemment, mais également pour les personnes qui les accompagnent au quotidien.
Comme d’habitude – et certainement plus que jamais –, la liberté de vote sera totale au sein de mon groupe. Elle se justifie tout particulièrement pour ces deux propositions de loi tant elles font résonner en chacun de nous des sentiments et des expériences intimes.
En tout cas, les députés du groupe LIOT partagent tous – comme vous, j’en suis certain – le même objectif : garantir aux patients, mais aussi à tous ceux qui les aident au quotidien, un accompagnement adapté, dans le strict respect de la volonté et de la dignité des personnes malades. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. – M. Olivier Falorni, rapporteur général, applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Yannick Monnet.
M. Yannick Monnet
Au cours des prochaines semaines, nous examinerons successivement deux propositions de loi, l’une relative à l’accompagnement et aux soins palliatifs, l’autre créant un droit à l’aide à mourir. Je considère, pour ma part, que la division du projet de loi initial en deux textes distincts est une bonne chose. Chacun d’entre eux a pour ambition de répondre à des questions spécifiques et, par conséquent, doit être voté séparément.
Le premier texte dont nous allons débattre doit répondre à un constat simple, terrible et sans appel : selon le rapport remis en juillet 2023 par la Cour des comptes, 50 % des Français qui devraient être pris en charge en soins palliatifs n’y ont pas accès. Seuls 30 % des enfants nécessitant des soins palliatifs en bénéficient. D’après les estimations du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie, les deux tiers des personnes qui meurent en France chaque année pourraient prétendre à des soins palliatifs.
Si aucune décision politique franche n’est prise, les estimations seront demain plus dramatiques encore puisque, selon la Cour des comptes, en raison du vieillissement de la population, de la croissance des maladies chroniques et des affections de longue durée (ALD), les besoins estimés pourraient augmenter de 23 % d’ici à 2046.
À cela s’ajoute une fracture territoriale vertigineuse : dix-neuf départements sont toujours dépourvus d’unités de soins palliatifs dédiées aux cas les plus complexes. Parmi ceux qui en disposent, le ratio d’un lit pour 100 000 habitants n’est pas toujours atteint.
La désertification médicale, qui s’étend désormais à la quasi-totalité de notre pays, amplifie ces défaillances de la prise en charge palliative – par ailleurs très inégale entre l’hôpital et le domicile. Le nombre d’interventions à domicile par les équipes mobiles pour 100 000 habitants varie de 1 à 10 selon les départements.
Qui, dans ces conditions, pourrait s’opposer à une proposition de loi qui a enfin pour ambition de rendre accessibles les soins palliatifs à toute personne qui en a besoin ? De fait, il s’agit d’une mesure de justice pour les patients et leurs familles qui ont besoin d’être soulagés, mais aussi pour les soignants qui doivent les accompagner. Nous aurions dû débattre de ce texte il y a au moins une décennie. À ce titre, il mérite un traitement à part, sérieux et exigeant.
L’examen en commission des affaires sociales a donné lieu à des avancées. Je pense notamment à la redéfinition de l’accompagnement et des soins palliatifs ainsi qu’à la précision des missions des maisons d’accompagnement. Mais – disons-le clairement – derrière le vote unanime des commissaires aux affaires sociales, il existe des points de friction, et non des moindres.
En premier lieu, certains, arguant de sa trop grande complexité, ont pu critiquer la mesure consistant à hisser au rang de droit opposable l’accès à l’accompagnement et aux soins palliatifs. D’autres, au premier rang desquels Mme la rapporteure, ont voulu supprimer les articles relatifs à la stratégie décennale et à la loi de programmation pluriannuelle, expliquant que ces dispositions n’avaient aucune valeur normative.
Mais un texte de loi fixe des normes de différente nature : il y a celles qui ont un effet immédiat et celles qui prennent acte et date et, ce faisant, engagent et obligent à terme. Faire du droit aux soins palliatifs un droit opposable, c’est traduire notre exigence en matière d’accompagnement des personnes malades et de leurs familles. C’est aussi rappeler les ARS, et donc tout gouvernement, à leurs responsabilités en matière de santé publique.
Il n’y a pas de mystère : pour rendre enfin effectif le droit aux soins palliatifs, il faut des moyens. La stratégie décennale – la définition des moyens qui lui sont dédiés, son évaluation annuelle – et la loi de programmation pluriannuelle répondent à cette exigence de moyens et de transparence à l’égard de l’ensemble de nos concitoyens. À chaque fois que nous discuterons d’un projet de loi de finances, nous, députés, rappellerons le gouvernement, quel qu’il soit, à ces outils de programmation que nous avons votés.
Cette proposition de loi relative à l’accompagnement et aux soins palliatifs est à l’image de ce que devrait être une grande loi de santé publique. Disons-nous les choses franchement : elle n’aurait jamais vu le jour sans le souhait d’Emmanuel Macron de nous conduire à légiférer sur l’aide à mourir. Nous saisissons la balle au bond, en quelque sorte. Cependant, force est de constater, madame la ministre, que vous ne pouvez pas continuer à maltraiter ainsi notre système de soins, en intervenant par bribe et juste avant qu’il ne soit trop tard.
Pour que les soins palliatifs fonctionnent mieux, il faut des hôpitaux de proximité, qui ne soient pas contraints de fonctionner sur un mode dégradé. Il faut rompre la spirale de la désertification médicale. Il faut investir dans notre système de santé et reconnaître les personnels soignants et les étudiants pour éviter qu’ils ne se découragent définitivement.
D’ailleurs, l’avis 139 du CCNE et le rapport sur les soins palliatifs publié en juillet 2023 par la Cour des comptes soulignent que ce n’est pas seulement faute de moyens financiers que le droit aux soins palliatifs, pourtant consacré depuis vingt-cinq ans, n’est pas partout effectif, mais aussi du fait de défauts structurels d’organisation.
Or de tels défauts ne se corrigent pas selon les besoins d’une proposition de loi. Ils requièrent, pour être surmontés, une remise à plat d’ensemble. C’est là encore l’avantage que présenteraient des lois de programmation en soins palliatifs, mais aussi de celles qu’il nous faudrait écrire relativement à l’ensemble de l’accès aux soins. En effet, si elles sont bien conçues en fonction des besoins, ces lois de programmation supposent de repenser l’architecture du système de soins au plus près des besoins.
C’est pourquoi, quand la porte-parole du gouvernement annonce, il y a un mois à peine, que le prochain budget sera « un cauchemar », je suis inquiet. Quand ce gouvernement a comme seule obsession de réaliser 40 milliards d’euros d’économies, sans jamais évoquer, en revanche, la possibilité de créer 40 milliards de recettes nouvelles, je suis très perplexe. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR et EcoS.)
De la même manière, comment légiférer sur la fin de vie en contournant une fois de plus la promesse d’une loi « grand âge » formulée devant les Français par Emmanuel Macron il y a sept ans ? Comment prendre le virage domiciliaire ? Comment favoriser une prise en charge palliative à domicile ? Comment permettre, dans le respect des malades et des soignants, une aide à mourir quand, en l’état actuel de la proposition de loi, le domicile apparaît comme le lieu par défaut de cet acte sans qu’aient été définies au préalable les conditions les plus favorables au vieillissement chez soi ?
Vous l’aurez compris, cette première proposition de loi relative à l’accompagnement et aux soins palliatifs représente, pour l’ensemble des députés communistes et des territoires dits d’outre-mer du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, un engagement auprès des personnes malades et de leurs familles qui doit nécessairement se traduire par une obligation de moyens imposée à l’État pour l’ensemble de notre système de soins.
Nous examinerons séparément les deux propositions de loi, mais la première, en rendant compte de l’état dramatique de notre système de soins dans son ensemble, nourrit des appréhensions légitimes chez certains d’entre nous quand il s’agit d’aborder la seconde.
Précisément, le CCNE définit bien l’enjeu de cette dernière : il existe des souffrances auxquelles on ne peut remédier ni par les soins curatifs ni par les soins palliatifs. Or, pour ceux qui subissent de telles souffrances, « le droit d’avoir une fin de vie digne », consacré par la loi, peut être inaccessible. Selon moi, l’enjeu de ce texte est donc non pas de permettre à chacun de choisir librement le moment de sa mort – comme je peux l’entendre parfois –, mais bien d’apporter une réponse circonscrite à des personnes malades incurables qui ne peuvent plus trouver secours dans les soins qui leur sont administrés et qui, au regard de souffrances physiques et psychologiques insurmontables, souhaitent abréger leur fin de vie.
En ce sens, l’aide à mourir n’est pas un soin. Elle doit être envisagée quand, dans le cadre d’une affection grave et incurable, en phase avancée ou terminale, le recours aux soins est épuisé et qu’une personne malade choisit de ne plus recevoir de soins.
En revanche, l’aide à mourir est un acte médical. Car, pour prévenir toute dérive, il faut qu’elle repose sur l’expertise et l’accompagnement des soignants. De ce point de vue, j’attends de nos débats qu’ils aboutissent à la définition d’une véritable collégialité dans le texte. Un médecin ne peut pas décider seul, après avoir recueilli l’avis de deux autres soignants, que la demande d’aide à mourir doit être accordée.
Plus concrètement, l’option retenue est celle du suicide assisté et de l’euthanasie selon la volonté de la personne malade. À titre personnel, comme la majorité des membres de mon groupe, je n’y suis pas opposé. D’autres membres le sont, car ils craignent des dérives. Quelques autres encore y sont franchement favorables et souhaiteraient même que la proposition de loi soit plus ambitieuse, en permettant notamment aux directives anticipées ou à l’expression de la personne de confiance d’être opposables en la matière.
Pour ma part, je ne suis pas favorable à cette dernière mesure pour une raison simple : la personne malade doit pouvoir jusqu’au dernier moment exprimer sa décision de mourir. Le souhait de mort, notre représentation de la mort, sont variables selon l’âge, l’état de santé et les événements de la vie. Le personnel des services de soins palliatifs en témoigne : dans les jours qui suivent un accident, la demande de mort est fréquemment très forte, en raison du choc subi par la personne, avant de s’amenuiser.
J’entends également les doutes, les réticences et même la stricte opposition de certains de mes collègues, au-delà de ma propre famille politique. Il faut mesurer le poids de cette évolution législative au regard de l’état de notre système de soins, au regard des attaques persistantes dont notre modèle solidaire de protection sociale fait l’objet, au regard de la paupérisation de notre société, qui accroît la vulnérabilité dans la vie et face à ses aléas, particulièrement à l’approche de la mort. En aucun cas et d’aucune manière il ne faudrait que le recours à l’aide à mourir soit une solution de repli ou par défaut, du fait d’un manque d’accompagnement.
Dans cette perspective, avec certains de mes collègues, je proposerai de rendre plus restrictives les conditions d’accès à l’aide à mourir en ajoutant un sixième critère : la personne qui la demande doit avoir bénéficié d’un accompagnement et de soins palliatifs, si elle le souhaitait.
En aucun cas l’instauration du droit à l’aide à mourir ne doit devenir une norme, ou banaliser la fin de vie et la mort. C’est pourquoi j’entends aussi les collègues qui nous alertent sur l’état du monde au moment où nous tentons de légiférer sur l’aide à mourir. Il se caractérise par des guerres ancrées et larvées, le déploiement d’un libéralisme forcené qui prône l’individualisme mercantile ou encore les folies du surhomme et de l’eugénisme d’un Elon Musk au plus haut niveau du pouvoir aux États-Unis. Ce sont autant de dérives qui, malheureusement, travaillent les consciences individuelles et collectives.
Chers collègues, pour toutes ces raisons, cette seconde proposition de loi nous engage comme sans doute aucune autre, car il nous est demandé d’inscrire dans la loi ce qui par nature échappe à toute prise, ce dont nous nous détournons bien naturellement : l’instant de mourir. Ainsi, pour que ce droit nouveau soit bien synonyme d’une réponse exceptionnelle à un besoin clairement identifié, auquel la législation en vigueur n’apporte pas de réponse, nous devons poursuivre les débats engagés en commission avec intelligence, patience et humilité. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et EcoS. – Mme Anaïs Belouassa-Cherifi applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Hanane Mansouri.
Mme Hanane Mansouri
Nous vivons aujourd’hui un moment charnière. Nous arrivons à un carrefour moral, éthique, civilisationnel.
Nous examinons un premier texte relatif à l’accompagnement et aux soins palliatifs, porteur d’une réponse nécessaire, attendue, urgente, qui consiste à garantir enfin l’égalité d’accès aux soins sur tout notre territoire et à réaffirmer la promesse républicaine de ne jamais abandonner un seul Français face à la souffrance.
Toutefois, ceux qui ont été chargés de le rédiger n’y ont, semble-t-il, jamais vraiment cru. Cela se ressent car, sous couvert de solidarité, le second texte introduit en réalité une rupture : l’abandon, institutionnalisé par la mise à mort. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Sans même attendre que notre pays se dote des garanties fondamentales d’égalité d’accès aux soins, certains veulent déjà offrir une option alternative. Mais de quelle alternative parlons-nous quand le choix réel n’existe pas encore ?
Aujourd’hui, en France, la liberté de mourir est envisagée, alors même que la liberté de vivre n’est toujours pas garantie. En effet, le texte qui nous est présenté ne se contente pas de modifier la loi : il bouleverse le regard que nous portons sur la vie, la vulnérabilité et le rôle de la médecine. Il nous engage collectivement, bien au-delà des clivages partisans.
Je veux dire à toutes les familles qui ont accompagné un proche, jour après jour, dans la maladie ou le handicap, à celles qui, impuissantes, ont vu décliner un être cher : nous vous entendons. Nous savons ce que signifient la fatigue, l’épuisement, parfois la solitude. Ces douleurs traversent le corps autant que l’âme. Et parfois, oui, la tentation d’une délivrance émerge.
C’est justement parce que nous ne jugeons pas ces pensées qu’il faut les accueillir avec compassion et, surtout, avec fraternité. La fraternité, c’est un engagement. C’est la promesse de soigner, de soulager physiquement comme moralement. C’est affirmer que la dignité d’une personne ne dépend pas de son autonomie, ne disparaît pas dans la maladie ; que la préservation de la dignité ne passe pas par la disparition de la personne. La fraternité, c’est enfin garantir qu’aucun citoyen ne devienne un poids pour la société.
Le texte qui nous est soumis présente l’euthanasie comme une réponse possible, une solution médicalisée, cadrée, envisagée comme rassurante. Mais que signifient ces termes, au fond ? Qu’est-ce qu’une souffrance réfractaire ? Une affection incurable ? Comment décider qu’une vie ne vaut plus d’être vécue ? (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. René Pilato
Avez-vous lu le texte ?
Mme Hanane Mansouri
Ces questions ne sont pas théoriques. Elles sont brûlantes, car les critères proposés sont flous, mouvants, vulnérables aux interprétations.
Nous devons également, en conscience, interroger les non-dits de ce débat. Personne ici n’oserait réduire la fin de vie à une simple équation comptable. Pourtant, le système de santé est soumis à des tensions budgétaires bien réelles. Dans un tel contexte, qui peut garantir que la solution létale, qui coûte une centaine d’euros seulement, ne finira pas, un jour, par devenir une réponse rentable face à des soins pour pathologies graves qui, eux, coûtent plusieurs milliers d’euros ? (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. René Pilato
Hors sujet, collègue !
Mme Hanane Mansouri
Et que dire de la parole du patient ? Sommes-nous certains qu’une demande de mourir soit toujours libre, éclairée, non influencée ? Qu’un entourage soit systématiquement bienveillant, non intéressé ? Demain, qui protégera les personnes vulnérables ? (Mme Brigitte Liso s’exclame.) Comment prévenir des situations comme celle de Sophie, cette grand-mère hollandaise qui, souffrant de la maladie d’Alzheimer, avait demandé l’euthanasie par l’intermédiaire de directives anticipées mais que l’on a dû endormir parce que, ne voulant plus mourir, elle se débattait de toutes ses forces au moment de l’injection létale. (Mme Nicole Dubré-Chirat s’exclame.)
Cet exemple, parmi tant d’autres, montre que cette loi touchera d’abord les plus fragiles, les personnes âgées, en situation de handicap, isolées. Dans une société marquée par l’individualisme et la solitude, le message envoyé est le suivant : ces personnes sont un fardeau ! Cela prouve que ce projet ne constitue pas un progrès mais un renoncement. (Mme Anaïs Belouassa-Cherifi s’exclame.)
Les exemples étrangers, du Canada aux Pays-Bas, nous avertissent : les critères d’euthanasie s’élargissent inexorablement. De la phase terminale, on passe aux maladies chroniques, puis à la souffrance psychologique, puis à la simple lassitude. Demain, qui sera juge du mal-être de l’autre ?
Chers Français, vous, qui nous écoutez, devez prendre la mesure de ce débat. À vous, qui vivez dans des territoires où l’hôpital est à bout de souffle, où les soins palliatifs sont absents, est-il juste, est-il humain que l’on vous propose la mort alors même que le soin vous est refusé ? Offrir la mort n’est pas une solution médicale : c’est l’aveu d’une défaite morale. Non, la main qui soigne ne peut être celle qui tue ! Ce sont les soignants eux-mêmes, signataires du serment d’Hippocrate qui, demain, devront porter cette charge.
Chers collègues, nous avons une responsabilité historique : nous devons tenir bon et choisir le soin, pas l’abandon ; la présence, pas l’effacement ; la vie, même fragile, pas l’élimination. Car une société qui légalise le suicide assisté ou l’euthanasie ne se libère pas : elle abdique.
J’en appelle donc à un sursaut de conscience, à une réflexion profonde sur ce que nous nous apprêtons à voter et sur ce que nous allons transmettre : une société non pas du tri et du renoncement, mais de l’attention et de la fidélité à la vie. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
M. Hadrien Clouet
Quelque 1 100 amendements de cet acabit…
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Dogor-Such.
Mme Sandrine Dogor-Such
Il y a un an, nous examinions un projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie. Aujourd’hui, ce sujet nous revient scindé en deux. Nous aurions pu nous en féliciter car nous l’avions demandé avec insistance. Mais ne s’agit-il pas en réalité d’une manœuvre artificielle ?
Après les débats en commission, nous ne pouvons qu’être particulièrement inquiets. Par exemple, en Belgique, qui a adopté les deux lois en même temps, force est de constater que celle qui légalise l’euthanasie a largement pris le pas sur celle qui porte sur les soins palliatifs. Le nombre des euthanasies y a plus que décuplé en vingt ans, alors que l’offre palliative n’a augmenté que de 7,9 % entre 2012 et 2019 – chiffre très inférieur à la hausse de 25 % en moyenne observée dans les pays où l’euthanasie reste interdite.
Comme dans tous les pays ayant légalisé l’euthanasie, nous constatons l’inefficacité des garde-fous censés éviter les dérives. Après vingt-trois ans de pratique, l’impact réel de cette loi est que les personnes fragilisées perçoivent leur dignité comme réduite du fait de leur maladie. Quant aux soignants belges, les services de soins palliatifs évoquent à mots couverts une pression qui pèse sur eux pour les inciter à pratiquer l’euthanasie.
Que signifie donc le vote d’une loi qui autorise la mort programmée pour certaines personnes et dans certaines circonstances ? N’y aura-t-il pas un risque de confondre la dépendance et l’indignité, et de différencier arbitrairement les vies qui ne méritent pas d’être vécues des autres ?
Au crépuscule de la vie, l’homme est partagé entre le désir de vie et le désir de mort ; le désir d’éviter ou de retarder l’inéluctable et celui d’en finir avec sa souffrance et d’abréger ce temps long, qui fait aussi souffrir les autres.
Dépénaliser l’euthanasie serait une transgression majeure. Il y a un droit à la protection de la vie, exigible envers la société, mais il n’y a pas, pour équivalent, de droit à la mort – on peut l’exercer mais pas le revendiquer.
D’après les partisans de la mort programmée, la légalisation de celle-ci ne retirerait rien à ceux qui y sont opposés. C’est oublier le caractère normatif et universel de la loi, ainsi que sa portée symbolique. Cela revient à dire à toutes les personnes qui deviennent vulnérables qu’elles ont perdu une part de leur dignité et qu’il est légitime pour elles de disparaître. Pourtant, la dignité est inaltérable et elle ne se perd jamais.
La demande de mort est toujours légitime ; elle doit être entendue car elle traduit une angoisse de la souffrance. Ne pas souffrir, ne pas voir sa vie prolongée par un acharnement thérapeutique, ne pas mourir seul : voilà l’attente de la majorité des Français.
Si les lois de 1999, de 2005 et de 2016 peinent à devenir effectives, c’est que les moyens financiers et humains pour le développement des soins palliatifs ne sont pas au rendez-vous. Entre ces lois sur les soins palliatifs et celle légalisant la mort programmée, que vous voulez nous faire adopter, il y a une différence non pas de degré, mais de nature. L’adoption de la seconde proposition de loi marquerait une vraie rupture dans notre société. Comme l’a dit Jean Leonetti : « Ce ne serait pas aller plus loin, mais aller ailleurs. » L’interdit de tuer est en effet un élément fondateur de notre civilisation : franchir cette barrière, c’est permettre toutes les dérives !
Nous nous félicitons bien sûr des annonces concernant la stratégie décennale des soins d’accompagnement, mais en réalité, il faut dès aujourd’hui doubler les sommes annoncées et sanctuariser l’enveloppe qui lui est consacrée. Il est évidemment indispensable d’accélérer le développement des soins palliatifs avant de légaliser une mort programmée, car sinon, celle-ci sera perçue comme une solution alternative au manque de soins palliatifs en France et constituera une rupture de solidarité. Ils sont un préalable indispensable car il n’y a pas de demande à mourir persistante lorsqu’un accompagnement palliatif de qualité est apporté aux malades.
Il faut faire des soins palliatifs une grande cause nationale ! L’urgence est d’avoir des soins palliatifs partout et pour tous ! Rappelons qu’une fin de vie réussie est une fin de vie accompagnée affectivement, médicalement et sans souffrance. Il faut que les principes fondamentaux du non-abandon, de la non-souffrance et du non-acharnement thérapeutique deviennent une réalité sur l’ensemble du territoire. À cet égard, les soins palliatifs sont le seul véritable progrès médical, social et humain. Il faut les soutenir inconditionnellement car c’est la seule voie possible : l’espoir par le soin plutôt que l’abandon par le suicide assisté ou par l’euthanasie. C’est l’ultime secours plutôt que l’ultime recours ! Le premier soigne et respecte la vie, le second y met fin. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Nicole Dubré-Chirat.
Mme Nicole Dubré-Chirat
Il y a près d’un an, nous débutions l’examen du projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie. Nous n’avions pas pu aller à son terme en raison de la dissolution de l’Assemblée nationale. On ne peut donc que se féliciter que le débat reprenne sur ce sujet fondamental. Celui-ci est d’ailleurs largement plébiscité par les Français : d’après les dernières enquêtes d’opinion, ils sont 80 % à 90 % à souhaiter une évolution législative concernant l’aide à mourir. La même tendance se retrouve chez les médecins : d’après un sondage Ifop publié hier, 74 % d’entre eux sont favorables à l’aide à mourir.
La proposition de loi sur la fin de vie s’inscrit dans la continuité et la complémentarité de la proposition de loi relative à l’accompagnement et aux soins palliatifs. Elle est défendue par notre collègue Olivier Falorni, dont je veux saluer l’engagement depuis une quinzaine années sur ce sujet ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – M. Arnaud Simion et Mme Sophie Errante applaudissent également.)
M. Philippe Vigier
Bravo ! Excellent !
Mme Nicole Dubré-Chirat
Je veux également remercier les corapporteurs Brigitte Liso, Élise Leboucher, Stéphane Delautrette et Laurent Panifous pour leur travail.
Ce texte est la traduction concrète des travaux menés depuis longtemps sur cette question intime et complexe. La Convention citoyenne sur la fin de vie, le groupe d’études dédié à cette question, la commission spéciale qui s’est tenue l’année dernière à l’Assemblée nationale ou encore le Comité consultatif national d’éthique – je pense à son avis 139 – ont, grâce à leurs propositions, permis d’aboutir à un texte solide, renforcé et équilibré qui institue une aide à mourir.
Il s’agit avant tout d’un nouveau droit : il n’enlève rien à personne ; il offre une possibilité, une réponse à la demande du patient, dont l’éventuelle mise en œuvre est conditionnée par un choix qui lui appartiendra et que nous n’avons pas à juger.
L’aide à mourir s’inscrit dans un cadre juridique précis, reposant sur des conditions rigoureuses et cumulatives, prévues par l’article 4, ainsi que sur une procédure très encadrée, qui fait l’objet des articles 5 à 13. Ce texte s’adresse à des patients atteints d’une maladie grave et incurable sans possibilité de traitement. Il exclut à juste titre l’éligibilité des personnes atteintes d’une maladie psychiatrique ainsi que les mineurs. Le patient qui fera sa demande d’aide à mourir devra pouvoir manifester sa volonté de façon libre, éclairée et réitérée. J’appelle votre attention sur le fait que cette dernière condition ne permettra pas aux personnes dans l’incapacité d’exprimer leur demande d’accéder à l’aide à mourir, par exemple si elles souffrent d’une maladie neurodégénérative.
Nous examinerons plusieurs amendements relatifs à une éventuelle anticipation de l’aide à mourir ; il y a là un vrai débat. Je défendrai ainsi un amendement permettant la création d’une demande anticipée d’aide à mourir, laquelle me semble particulièrement utile pour certains patients qui se trouveraient sinon hors du champ d’application du texte. Ce dispositif est inspiré du modèle québécois où, depuis octobre 2024, la demande anticipée permet à un patient, sous certaines conditions, de recevoir l’aide médicale à mourir même s’il n’est plus en mesure de consentir à ce moment-là.
Les débats en commission des affaires sociales – près de soixante-quinze heures sur neuf jours ! – ont été respectueux des positions de chacun et ont permis l’introduction de plusieurs dispositions pertinentes, sur lesquelles il me semble important de revenir.
Ainsi, le périmètre de l’affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, élément indispensable pour être éligible à l’aide à mourir, a été précisé afin de ne pas exclure les patients souffrant d’une affection d’origine accidentelle.
De plus, la personne éligible qui souhaite recourir à l’aide à mourir disposera de la faculté de choisir entre une autoadministration du produit létal et une administration par un tiers : il est en effet essentiel de laisser le choix au patient des modalités de réalisation d’un tel acte.
Nous avons également précisé qu’un patient dont la mort résulte d’une aide à mourir est réputé décédé de mort naturelle afin d’épargner à la famille du défunt d’éventuelles difficultés liées aux engagements contractuels souscrits de son vivant.
J’insiste sur un point très important : le droit de recourir à l’aide à mourir est un double choix. En effet, le texte donne le choix au malade, dans le respect de la dignité de la personne, mais aussi le choix aux soignants de participer ou non à ce dispositif, dans le respect de leurs convictions, puisqu’il prévoit une clause de conscience à l’article 14.
Après autant d’attente, il est temps pour la représentation nationale de se prononcer sur ce sujet d’importance. Je crois qu’il est de notre devoir de répondre à la demande exprimée depuis des années par des malades, par des associations qui les représentent et par des soignants. Le droit français doit permettre à chacun et à chacune une fin de vie libre et choisie, dans les conditions les plus dignes, lorsque la maladie ou la douleur n’est plus supportable et qu’aucun traitement n’est efficace. Mais le droit français doit aussi assurer la protection des soignants – que je salue pour le travail qu’ils assurent.
Si j’appelle à titre personnel à faire évoluer favorablement notre cadre législatif, le groupe Ensemble pour la République laissera une liberté de vote sur l’ensemble du texte, au nom du respect des valeurs de chacun de ses membres. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – Mme Annie Vidal, rapporteure, M. Olivier Falorni, rapporteur général, et Mme Sophie Errante applaudissent également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Karen Erodi.
Mme Karen Erodi
Rares sont les occasions d’octroyer de nouveaux droits fondamentaux à notre époque. Au même titre que l’IVG, le droit à disposer de soi jusqu’au bout de la vie constituera une avancée majeure pour notre société.
Avant toute chose, je tiens à dire que nous regrettons que le texte, malgré la richesse et la solennité des débats lors de la législature précédente, soit aujourd’hui scindé en deux. M. Bayrou…
M. Julien Guibert
M. le premier ministre !
Mme Karen Erodi
…a évoqué des considérations religieuses. Or la foi, aussi respectable soit-elle, ne saurait fonder la loi dans notre République laïque. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Quoi qu’il en soit, nous refusons la division de l’enjeu de la fin de vie digne et choisie, celle-ci devant être perçue comme un tout cohérent, du diagnostic au dernier souffle, de l’information sur les droits des patients à l’accompagnement des proches. Nous avons donc tenu à maintenir corrélés le sujet des soins palliatifs et celui de l’accès à l’aide à mourir.
Tout au long de l’examen en commission, nous avons été guidés par le principe d’une République sociale et solidaire et par celui de la dignité humaine. Notre boussole : la liberté de disposer de soi et la volonté souveraine du patient.
S’agissant de la partie relative aux soins palliatifs, nous saluons le texte adopté à l’unanimité en commission. Le groupe La France insoumise a contribué à élargir l’accès au plan personnalisé d’accompagnement, à acter la création d’un diplôme d’études spécialisées en soins palliatifs et d’accompagnement, à limiter les dépassements d’honoraires, à exclure le profit privé de toute future maison d’accompagnement – ces maisons devront être déployées sur tout le territoire – et à renforcer l’effectivité du droit à la sédation profonde et continue via une stratégie décennale territorialisée, qui sera évaluée, nous l’espérons, chaque année.
L’aide à mourir suscite, quant à elle, plus de débats. Bien qu’elle concerne l’intime et les convictions personnelles profondes, nous devons permettre ce droit à celles et ceux qui en ont besoin, sachant qu’il n’enlèvera rien à celles et ceux qui ne veulent pas y recourir.
Je veux m’adresser ici aux progressistes, mais auparavant, il est nécessaire de faire taire certaines craintes.
Jamais notre groupe parlementaire ne cautionnera un dispositif qui met un terme à la vie des personnes considérées comme indésirables par un système capitaliste et autoritaire.
Jamais il ne tolérera que l’on se résigne à mourir faute de soins ou de structures adaptées. Lors de l’examen de chaque PLFSS, nous défendons l’augmentation des moyens pour la santé publique et pour les hôpitaux. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Jamais il ne se résoudra à ce que la loi permette de se débarrasser de nos aînés, des personnes en situation de grave maladie ou de handicap.
Ce texte, aux contours bien cadrés, rend de telles craintes infondées. Il part d’un principe simple : en cas de maladie grave et incurable, il s’agit de soigner d’abord, de soulager toujours et d’accompagner jusqu’au bout. (Mêmes mouvements.) Il repose sur la collégialité, sur l’accompagnement et sur le consentement libre et éclairé, exprimé de manière répétée par le patient. La société a compris que, malgré l’évolution de la médecine, celle-ci ne parvient pas toujours à soulager certaines souffrances. C’est alors que l’aide à mourir trouve tout son sens, comme un ultime recours de liberté et d’humanité ; elle est une issue, un soulagement, un ultime soin.
Comme beaucoup d’entre vous, j’ai connu dans ma propre famille la dégradation irréversible et le maintien en vie sans consentement, dans la douleur, parfois sans conscience. Je pense ici à celles et ceux qui, atteints d’une maladie neurodégénérative ou évolutive grave, doivent s’exiler – s’ils en ont les moyens – pour avoir une fin de vie digne.
La loi Claeys-Leonetti a déjà posé plusieurs principes : l’interdiction de l’obstination déraisonnable, la possibilité de rédiger des directives anticipées, la désignation d’une personne de confiance. Je suis de celles et ceux – minoritaires – qui, en cohérence avec ladite loi, défendent l’introduction, d’une part, de la possibilité que la substance létale soit administrée par une tierce personne volontaire et, d’autre part, de directives anticipées prévoyant le cas de perte irréversible de conscience. (M. Maxime Laisney et Mme Danielle Simonnet applaudissent.)
Nous, Insoumis et Insoumises, sommes convaincus que choisir sa fin de vie est une forme des plus aboutie de l’autodétermination. Nous voulons un droit inviolable, opposable, public et non marchandisé. Nous avons d’ailleurs fait adopter mon amendement visant à interdire toute contrepartie financière, hors rémunération des professionnels.
Je conclurai avec les mots de celui qui fut l’un des premiers à engager, il y a vingt-cinq ans, la lutte pour ce droit : « décider de notre propre fin de vie, c’est commencer à entrer dans une humanité radicale. […] ne plus avoir peur [de la mort], c’est commencer à être radicalement et intimement libres. […] dès lors que nous sommes institués comme personne par cette liberté-là, alors nous ne parlons plus d’une loi, nous parlons d’un droit fondamental de la personne humaine ». C’étaient les mots de Jean-Luc Mélenchon. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Delautrette.
M. Stéphane Delautrette
Je veux d’abord adresser toutes mes pensées à celles et ceux qui sont au cœur de nos débats. Je pense aux patients confrontés à leur fin de vie, qui ne demandent qu’une chose : être soulagés, accompagnés et entourés. Je pense aussi aux familles, souvent démunies et trop souvent épuisées, qui cherchent plus de soutien et plus d’aide dans ces instants éprouvants et douloureux. Et, bien sûr, je pense aux soignants. Ces professionnels dévoués tiennent bon mais sont trop souvent seuls. Ils ne disposent pas toujours des moyens et du temps suffisants, ni même de la formation adéquate, pour accompagner leurs patients dans les meilleures conditions, comme ils voudraient le faire.
Oui, le texte sur les soins palliatifs est primordial et attendu. Je me félicite, après l’interruption de nos débats en juin dernier, que nous l’abordions une nouvelle fois. En revanche, je regrette sa séparation de celui sur le droit à une aide à mourir. On crée une coupure là où il aurait fallu, au contraire, rechercher la complémentarité et offrir un accompagnement global. Parce qu’il faut le dire clairement : soins palliatifs et aide à mourir ne s’opposent pas. Ce sont deux réponses à une même question, celle de la dignité à la fin de la vie.
Au-delà de la méthode, sur laquelle nous ne pouvons plus revenir, ce texte est l’occasion de mettre l’accent sur un point essentiel : l’accès pour tous, en tout point du territoire, aux soins palliatifs. En effet, alors qu’en raison du vieillissement démographique et de la hausse des affections de longue durée, les besoins sont croissants, l’offre en soins palliatifs est insuffisante et très inégale selon l’endroit où l’on vit. Si elle a progressé de 30 % depuis 2015, des personnes demeurent privées d’accès à ces soins. Dans certains départements, plus encore dans les territoires d’outre-mer, elle n’existe pas, tout simplement. Cette injustice est inacceptable.
Notre devoir est donc de garantir à toutes et tous, partout en France, un accès effectif à ces soins, quel que soit l’âge ou la pathologie. Une fois encore, il faut être clair : sans moyens financiers, ce texte ne restera qu’une belle intention et la stratégie nationale décennale finira dans le tiroir d’un bureau. La revalorisation des métiers constitue une autre condition. Il est impératif de reconnaître leur valeur et leur complexité. Enfin, il faudra former et recruter. Puisque le nombre de personnes susceptibles de bénéficier de soins palliatifs va considérablement augmenter dans les vingt prochaines années, il nous faut anticiper ces besoins.
Ce texte est primordial, et nous devons être à la hauteur des enjeux. Les Françaises et les Français attendent non pas des débats sans fin, mais une politique de fin de vie digne, humaine et juste, une politique qui respecte les choix de chacun et garantisse à tous, partout sur le territoire, un accompagnement de qualité. C’est pourquoi le groupe Socialistes et apparentés a déposé une vingtaine d’amendements visant à améliorer le texte consacré aux soins palliatifs que, comme sa rapporteure Mme Vidal, nous souhaitons clair, équilibré et à la hauteur des enjeux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Olivier Falorni, rapporteur général, applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Patrick Hetzel.
M. Patrick Hetzel
Le groupe Droite républicaine a accueilli avec satisfaction l’existence de deux textes. En effet, le suicide assisté ne s’inscrit pas dans un continuum avec les soins palliatifs ; il ne doit pas être institué comme tel, et nous sommes très vigilants à ce sujet. Très différents des points de vue anthropologique et éthique, le premier et les seconds doivent être clairement distingués.
Les soins palliatifs sont avant tout une médecine à visage humain centrée sur le patient, qui doit s’y sentir en totale confiance. Ils se caractérisent par une pratique du soin qui accepte la finitude et prend en charge le patient dans sa globalité, honorant sa dignité jusqu’à la fin de sa vie et évitant les deux extrêmes que sont, d’une part, l’obstination déraisonnable et, d’autre part, l’euthanasie. Comme plusieurs orateurs avant moi, je salue l’action des professionnels de santé en soins palliatifs, qui s’investissent sans compter. Leur engagement les honore et constitue un point très fort d’une éthique à la française en matière de fin de vie.
Dans la même perspective, nous rejetons fermement l’idée selon laquelle le suicide assisté serait en quelque sorte un « soin ultime », pour reprendre l’expression que certains utilisent. Cette euphémisation serait de nature à créer un doute sérieux sur la finalité même des soins palliatifs. Un tel doute serait dommageable pour les patients comme pour les soignants mobilisés dans les unités de soins palliatifs, qui, fort légitimement, se font une très haute idée de la manière dont ils interagissent avec les malades.
Nous sommes évidemment très favorables à une stratégie décennale visant à renforcer les soins palliatifs. D’ailleurs, lors de la précédente législature, nous avions défendu une proposition de loi allant dans ce sens, qui avait été adoptée à l’unanimité – c’est heureux – par l’Assemblée nationale. Les soins palliatifs doivent impérativement être prodigués dans un délai compatible avec l’état de santé des patients ; le droit d’accès doit être réel. Vous l’avez relevé, madame la ministre, il y a des difficultés en la matière.
Notre crainte est de voir certains de nos concitoyens réclamer le suicide assisté parce qu’ils n’auraient pas eu accès aux soins palliatifs. Ce serait un échec majeur et, disons-le, collectif. C’est pourquoi il est essentiel que la stratégie décennale prévoie des moyens suffisants pour garantir un accès aux soins réel et inscrit dans la durée – vous savez quels sont les risques en la matière, du fait de l’annualité budgétaire. Par ailleurs, ces moyens ne doivent pas être uniquement financiers. Au moment où notre système de santé subit de fortes tensions, la question des moyens humains se pose avec une acuité sans précédent. Là réside une autre difficulté – vous le savez comme nous, madame la ministre.
L’enjeu est de taille car l’offre de soins palliatifs est très hétérogène sur le territoire national et reste globalement très insuffisante, comme l’ont constaté l’Académie nationale de médecine et, récemment encore, la Cour des comptes. Il est préoccupant que plusieurs départements ne comptent toujours aucune unité spécialisée. Le groupe Droite républicaine viellera donc à ce que le texte garantisse à l’ensemble des Français un accès effectif aux soins palliatifs, partout sur le territoire.
À ce stade, nous avons cinq importantes questions à vous poser, madame la ministre. Comment le gouvernement va-t-il s’assurer de parvenir à cet objectif, pour ce qui est des moyens aussi bien financiers qu’humains ? Le gouvernement est-il favorable à un amendement qui vise à séparer clairement les soins palliatifs de la notion très floue d’« accompagnement » ? Que compte faire le gouvernement pour que la loi Claeys-Leonetti soit mieux connue des professionnels de santé et des Français, alors que nous sommes nombreux à constater que, trop souvent, elle n’est pas appliquée comme elle le devrait ? Ne faudrait-il pas mettre en œuvre efficacement la loi existante avant de légiférer à nouveau sur la fin de vie ?
M. Philippe Vigier
Bis repetita placent !
M. Patrick Hetzel
Enfin, le gouvernement est-il disposé à soutenir une inscription dans la loi de la définition des soins palliatifs établie par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ? Ce serait de nature à rassurer certains d’entre nous.
Vous le voyez, le questionnement reste important, et nous devons tout faire pour protéger les plus vulnérables de nos concitoyens. Cela doit constituer notre engagement collectif et notre motivation, car c’est ce qui fera la grandeur d’un texte sur les soins palliatifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. Alexandre Portier
Très juste !
Mme la présidente
La parole est à Mme Danielle Simonnet.
Mme Danielle Simonnet
Enfin ! Enfin, nous reprenons dans cet hémicycle les débats interrompus il y a plus de dix mois par la décision unilatérale du président de la République de dissoudre l’Assemblée.
M. Erwan Balanant
Ce n’est pas rigolo mais c’est la Constitution…
Mme Danielle Simonnet
Ce débat est fondamental. La mort fait partie de la vie. La mort est intime et, tout à la fois, politique. Notre société se doit de contribuer à réduire les souffrances de toutes et tous, d’accompagner chacune et chacun dans ses derniers mois, ses dernières semaines, ses derniers jours, de garantir un droit inconditionnel aux soins palliatifs et d’instaurer une nouvelle liberté, une ultime liberté, celle de pouvoir choisir d’en finir quand le pronostic vital est engagé, quand la maladie est en phase avancée ou terminale, et quand les souffrances sont réfractaires à tout traitement. Tels sont les enjeux colossaux de nos débats. Abordons-les sans tabou, dignement et dans le respect.
Nombre de citoyennes et de citoyens attendent cette loi depuis des décennies. Le groupe Écologiste et social déplore le choix du premier ministre de scinder en deux le texte que nous étudiions avant le couperet de la dissolution, car les deux sujets sont étroitement liés. Il est impératif de garantir l’accès aux soins palliatifs pour réduire au maximum les souffrances et, en ultime recours, lorsque, malgré tous les efforts, les souffrances demeurent insupportables, de garantir cette ultime liberté, l’aide à mourir, en laissant à chacune et chacun son libre choix.
Il est urgent de garantir l’effectivité du droit des patients à des soins palliatifs dans l’ensemble des territoires de la République, qu’ils soient urbains, ruraux ou ultramarins – là où le retard est pire encore. Ce droit doit être opposable – nous insistons sur ce point. Nous devons toutes et tous être conscients du retard pris, conséquence des politiques de casse de l’hôpital public et d’austérité en matière de santé. En Île-de-France, six personnes décédées sur dix auraient eu besoin de soins palliatifs, quand seules 43 % en ont bénéficié à l’hôpital, et moins encore à domicile. Dix-neuf départements sont encore dépourvus d’unité de soins palliatifs.
Si la planification des moyens alloués aux soins palliatifs par la stratégie décennale est une bonne chose, nous dénonçons fermement la décision, prise en commission sur proposition de Mme la rapporteure, de diviser par deux les sommes accordées à ce plan, les faisant passer de 2,2 milliards d’euros à 1,1 milliard.
M. Thibault Bazin
Mais qu’est-ce qu’elle raconte ?
Mme Danielle Simonnet
Ce plan n’étant pas contraignant, si, en dix mois, les moyens que vous êtes prêts à consacrer aux soins palliatifs ont déjà été divisés par deux, tout porte à craindre que, comme l’ensemble de ceux de la santé publique, ils soient les prochaines victimes de vos cures d’austérités successives, réduisant à néant les avancées prévues par le texte. En matière de soins palliatifs, comme pour toutes les dépenses de santé, les moyens doivent être adaptés aux besoins, non l’inverse. Pour réellement renforcer ce domaine de la médecine et améliorer l’accompagnement des personnes qui en ont besoin, il me semble donc décisif de rétablir les moyens prévus l’an dernier.
Comme l’a décidé la commission en adoptant un de mes amendements, il faut développer, pour toutes et tous, une formation sur la fin de vie. Avant d’être une science, la médecine se doit d’être un humanisme. Les soignants doivent donc être formés aux compétences essentielles que sont l’accompagnement, l’écoute et la compréhension des patients. Il faut également créer un diplôme d’études spécialisées et accompagner la recherche. Pourquoi n’avez-vous pas auditionné les maîtres de conférences en soins palliatifs ? Ils sont seulement au nombre de quatre. Je vous invite à le faire – mieux vaut tard que jamais.
J’en viens au texte sur l’aide à mourir. C’est une grande loi républicaine. C’est d’abord une loi de liberté, comme celle sur l’IVG ; elle méritera elle aussi d’être constitutionnalisée. Il s’agit de la liberté de choisir d’éteindre la lumière quand la souffrance, réfractaire à tout traitement, est devenue insupportable. Au demeurant, nous espérons que, grâce aux avancées de la médecine en matière de réduction des souffrances, peu de patients auront à exercer ce droit. Cet ultime recours doit exister, selon le libre choix de la personne et de façon encadrée. C’est aussi une loi d’égalité, puisqu’aujourd’hui, celles et ceux qui en ont les moyens partent en Suisse ou en Belgique. Ce doit être une loi de fraternité : dans l’accès à ce nouveau droit, aucune discrimination ne saurait être aggravée. C’est une loi de laïcité, qui respecte toutes les consciences, chacun étant libre d’y recourir ou non.
Je veux à cet instant m’adresser aux associations de personnes en situation de handicap, qui craignent que cette loi encourage un regard validiste et amène à juger indignes certaines vies.
M. Thibault Bazin
C’est un risque !
Mme Danielle Simonnet
Limiter les situations de handicap, garantir l’accessibilité universelle en dotant cette politique des moyens nécessaires, promouvoir les droits des personnes en situation de handicap et les soutenir, faire changer le regard sur elles, toutes ces batailles sont essentielles. Trop de retards ont été accumulés depuis 2005. Nous vous entendons, et nous continuons à relayer tous vos combats.
Aujourd’hui, nous parlons de la fin de vie, d’un moment où il n’y a plus aucun espoir de guérison, où le pronostic vital est engagé, où il n’y a plus d’espoir de limitation des souffrances. Nous voulons respecter le droit de chacune et de chacun, en conscience libre et éclairée, de décider de sa fin, de choisir quand dire adieu.
Plusieurs débats restent ouverts, que nous devons mener par amendements. C’est le cas de l’extension de ce nouveau droit aux personnes qui n’ont pas la nationalité française ou qui ne disposent pas d’un titre de séjour régulier. Il n’est pas supportable, face aux pires souffrances, de trier les vies selon les papiers.
J’en appelle à votre humanité à toutes et à tous : ne cédez pas, ne vous alignez pas sur l’agenda de l’extrême droite ! Face au désespoir d’une situation irrémédiable, face à la mort, qui pourrait accepter qu’une personne se voie refuser ce qui est accordé à une autre, sous prétexte qu’elle n’a pas ses papiers ? Il faut impérativement que le texte soit changé sur ce point, car rien ne peut justifier une telle inhumanité. Jamais en France, dans nos hôpitaux publics, le personnel soignant n’a accepté et n’acceptera de trier en fonction de l’origine ou de la situation administrative.
D’autres débats nous traversent : l’extension ou non à des affections ayant une autre cause, notamment accidentelle – cette extension a été adoptée en commission et doit être confirmée dans l’hémicycle ; la prise en compte des directives anticipées, pour que chacun puisse décider, lorsqu’il est en pleine conscience, de ce qu’il conviendra de faire s’il ne l’est plus ; la réduction des délais pour garantir l’effectivité du droit ; le libre choix par la personne de celui ou de celle qui administrera la potion létale ; la création d’un délit d’entrave, comme pour l’IVG.
Sur tous ces débats, les positions sont partagées, y compris au sein d’un même groupe politique – je pense au nôtre, par exemple. J’espère que les conditions du débat permettront à tous les points de vue de s’exprimer, comme ce fut le cas l’an dernier et, plus récemment, en commission.
Nous nous interrogeons fortement sur l’intention du gouvernement. Le texte que celui-ci soutenait l’an dernier revient sous la forme de deux propositions de loi. Pourquoi avoir scindé le texte en deux, si ce n’est pour satisfaire les opposants à cette ultime liberté, à ce nouveau droit ?
Plusieurs députés du groupe LFI-NFP
Eh oui ! C’est vrai !
Mme Danielle Simonnet
De plus, les déclarations faites dimanche dans la presse par Mme la ministre Vautrin sont inquiétantes : pourquoi vouloir réduire l’accès à ce droit, comme vous l’annoncez et l’assumez ?
M. Thibault Bazin
Elle ne veut pas le réduire, mais l’encadrer !
Mme Danielle Simonnet
Le texte issu de la commission présente déjà des limites importantes, notamment parce qu’il ne prévoit pas la prise en compte des directives anticipées et interdit, de ce fait, l’accès à ce droit à nombre de personnes souffrant de maladies dégénératives – qui ne leur permettent pas de réitérer leur décision en pleine conscience. Nous risquons ainsi d’encourager des personnes à anticiper leur mort en demandant l’aide à mourir, de peur de ne plus y avoir accès au cas où elles perdraient ultérieurement leur pleine conscience.
Ce qui est possible pour la sédation profonde et continue jusqu’au décès doit l’être pour l’aide à mourir. Lorsqu’un patient demande à bénéficier de cette aide et remplit toutes les conditions requises, cela ayant été vérifié par le médecin, il doit pouvoir désigner une personne de confiance qui l’accompagnera et relaiera sa volonté si, au dernier moment, il ne peut réitérer sa demande parce qu’il n’est plus une pleine conscience. Anticipons ces situations et encadrons-les.
Par ailleurs, pourquoi refuser que la personne puisse choisir celui ou celle qui lui administrera la potion létale, alors que vous affirmez, madame la ministre, respecter la volonté libre et éclairée du patient, la souveraineté de celui-ci ?
Enfin, vous refusez de vous engager à ce que ce texte soit adopté avant la fin du quinquennat, au motif que ce n’est pas vous qui décidez du calendrier.
Mme Catherine Vautrin, ministre
C’est vrai !
Mme Danielle Simonnet
D’autres textes – je pense à la réforme des retraites – ont pourtant été imposés à marche forcée, sans vote. Sachant que nous avons déjà passé du temps à débattre du sujet l’an dernier et que nous l’avons fait de nouveau en commission, dans le respect de tous, nous devrions être à même d’adopter ce texte.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Tant mieux si c’est le cas !
Mme Danielle Simonnet
Cependant, je m’inquiète du nombre important d’amendements à traiter – pour le texte sur la fin de vie, plus du double du nombre d’amendements examinés en commission –, qui laisse craindre une volonté d’obstruction de la part de certains, à la droite et à l’extrême droite de cet hémicycle. (Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.)
M. Alexandre Portier
Vous êtes des spécialistes en la matière !
Mme Danielle Simonnet
Que celles et ceux qui s’abaisseraient à cette pratique se souviennent que, d’après un sondage Ifop de mai 2024, 92 % des Françaises et des Français sont favorables à ce nouveau droit. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Sandrine Rousseau et M. Arnaud Simion applaudissent également.)
Mme Élise Leboucher
Ils sont aussi dans vos circonscriptions !
Mme Danielle Simonnet
D’après un autre sondage, paru il y a quelques jours, 74 % des médecins y sont également favorables.
Mme Élise Leboucher et Mme Ségolène Amiot
Eh oui !
Mme Danielle Simonnet
Écoutez les Françaises et les Français ! Écoutez nos médecins et nos soignants !
M. Thibault Bazin
Vous ne les avez pas écoutés, mercredi dernier !
Mme Danielle Simonnet
Souvenez-vous que cette loi ouvre une liberté à celles et ceux qui le souhaitent, mais ne s’impose ni ne retire de droit à personne. Ma vie et mon corps m’appartiennent ; ma vie et ma mort m’appartiennent, si je le décide, quand je le décide. Merci à M. Falorni pour sa détermination ; merci aux professionnels en soins palliatifs ; merci aux associations comme l’ADMD, l’Association pour le droit de mourir dans la dignité. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP ainsi que sur quelques bancs du groupe Dem. – Mme Nicole Dubré-Chirat et M. Arnaud Simion applaudissent aussi.)
Mme la présidente
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille.
M. Cyrille Isaac-Sibille
C’est avec émotion que je me tiens devant vous, à cette tribune, pour affirmer clairement que je suis favorable à une loi qui permette, dans des situations exceptionnelles, de répondre avec compassion à une fin de vie marquée par des souffrances que la médecine et la science ne parviennent toujours pas à apaiser. Oui, je suis favorable à une loi d’humanité, encadrée, qui ne s’impose pas comme un modèle, mais comme un ultime recours. Toutefois, les échanges en commission nous l’ont montré, et nous venons encore de l’entendre, certains veulent aller plus loin.
Permettez-moi de citer un ferme partisan de cette loi, fin connaisseur de la procédure parlementaire : « une fois qu’on aura mis le pied dans la porte, il faudra revenir tous les ans et dire : on veut étendre ça. […] Dans la première loi, il n’y aura pas les mineurs, il n’y aura pas les maladies psychiatriques, il n’y aura même pas les maladies d’Alzheimer. […] Mais dès qu’on aura au moins obtenu une loi […], on pourra étendre les choses, en disant que ce n’est quand même pas normal qu’il y ait des malades, des Français, parce qu’ils ont telle forme de maladie, qui y ont droit ; et puis les autres, qui n’y ont pas droit. »
M. Thibault Bazin
C’est très inquiétant !
M. Cyrille Isaac-Sibille
Ces mots disent tout : pour certains, cette loi est non pas une fin, mais un commencement ; elle est non pas un équilibre, mais une brèche. Elle est conçue équilibrée pour être votée, mais, pour eux, elle est destinée à évoluer. Madame la ministre, les dispositions que nous considérons aujourd’hui comme des limites seront présentées par d’autres, demain, comme des discriminations.
Durant ces quinze jours, nous devrons choisir entre deux options : une loi reconnaissant un geste humanitaire, compassionnel et exceptionnel, ou une loi ouvrant un droit à mourir, dérogatoire au droit de vivre.
Beaucoup nous disent qu’il s’agit d’une loi sociétale, mais regardons bien le texte : la société est à la fois absente et trop présente. Elle est absente, car elle laisse bien seuls les médecins, sur lesquels reposera toute la responsabilité de cet acte. Ils décident de la recevabilité de la demande, en évaluant les cinq critères ; ils peuvent choisir de raccourcir le délai de réflexion, en principe de quarante-huit heures ; ils doivent administrer la substance létale si le malade le leur demande. Je vous remercie, madame la ministre, d’avoir déposé des amendements visant à rétablir le texte initial sur ces deux derniers points.
La société est aussi trop présente, et même pressante, car elle laisse peser sur les malades une charge sociétale. Aucun d’entre nous ne devrait voter cette loi avant d’avoir répondu à cette question : quelle réponse un médecin doit-il donner à un patient remplissant les cinq conditions, qui demande de manière libre, éclairée et réitérée une aide à mourir, parce qu’il estime être une charge pour son conjoint, sa famille, son équipe soignante ?
La qualité d’une société s’apprécie au soutien qu’elle apporte aux plus fragiles, aux plus vulnérables de ses membres. Qui sont-ils ? Sans doute les personnes subissant des troubles du vieillissement, une fragilité mentale ou un handicap. Que penser d’une société qui banalise l’idée qu’il existerait des vies qui ne vaudraient plus d’être vécues ?
Je suis convaincu que la société doit davantage intervenir dans cette loi, afin de protéger les plus vulnérables en posant des barrières qui résistent au temps. Chacune des parties prenantes doit assumer ses responsabilités. Or le texte est imprécis dans ce domaine. Le patient, c’est lui qui prend la décision. Le collège médical, c’est lui qui donne son expertise pour définir si les critères d’exigibilité sont réunis. Mais la société, où est-elle ? C’est elle qui devrait vérifier la validité du processus par un acte judiciaire, comme c’est le cas pour les mises sous tutelle ou curatelle. C’est le sens des amendements que j’ai déposés.
Oui, nos concitoyens sont majoritairement favorables à une loi sur la fin de vie, parce que nous sommes tous, à un moment, confrontés à cette question, et parce que chacun d’entre nous porte une inquiétude sur sa propre fin et sur la souffrance qu’elle peut causer.
Ce que nos concitoyens attendent, ce n’est pas un droit à mourir, mais une garantie : l’assurance que leur fin de vie ne se déroulera pas dans la souffrance. Si une minorité souhaite l’activer au nom du droit à disposer de leur vie, l’immense majorité de nos concitoyens veut simplement savoir que cette assurance existe et qu’un ultime recours est possible, avec l’espoir secret de ne jamais avoir à l’utiliser.
C’est dans cet esprit que nous devons écrire ces deux lois, celle sur les soins palliatifs, qui recevra probablement un vote unanime, et celle sur la fin de vie, que nous devrons aborder avec respect, avec beaucoup d’humilité et, surtout, avec beaucoup de doutes. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et DR, ainsi que sur quelques bancs du groupe HOR. – M. Stéphane Peu applaudit aussi.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Nathalie Colin-Oesterlé.
Mme Nathalie Colin-Oesterlé
Nous évoquons le dernier seuil de l’existence, et chaque mot que nous déposons dans la loi résonnera loin et pour longtemps. En effet, notre assemblée s’apprête à débattre de deux textes qui toucheront, tôt ou tard, chaque famille de notre pays : l’un dédié aux soins palliatifs et à l’accompagnement, l’autre ouvrant la possibilité d’une aide à mourir. Entre ces deux textes se jouent moins les certitudes d’une majorité que la physionomie morale de notre contrat social tout entier.
S’agissant des soins palliatifs, le verdict des faits est impitoyable : moins d’un malade sur deux accède aujourd’hui aux dispositifs qui pourraient apaiser ses derniers instants ; vingt départements demeurent sans unité spécialisée ; demain, si nous ne faisons rien, le vieillissement démographique élargira encore le cercle de cette fragilité.
M. Thibault Bazin
Hélas !
Mme Nathalie Colin-Oesterlé
Cette réalité nous oblige. Le milliard d’euros inscrit dans la stratégie décennale est la traduction budgétaire d’un devoir : celui de protéger la dignité du corps souffrant, jusqu’à la fin. Renforçons donc sans tarder les équipes mobiles, étendons la culture palliative à l’hôpital, au chevet à domicile et dans les Ehpad. Formons chaque soignant, du premier cycle d’études jusqu’aux dernières années de carrière, à cette discipline qui consiste à soulager quand on ne peut plus guérir. Sur ce point, j’apporterai un vote résolu, parce qu’il relève du pacte qui unit la nation aux plus vulnérables de ses enfants.
Le second texte nous entraîne, je le crois, sur une ligne de crête. L’aide à mourir est-elle la naissance d’un nouveau droit du quotidien ou l’ultime recours de la médecine quand elle ne peut plus rien ? Si nous choisissons la première option, nous érigeons un principe abstrait, prêt à glisser vers l’ordinaire. Si nous retenons la seconde, nous dessinons un chemin étroit, bordé de balises infranchissables.
Car oui, quand tout a failli – la morphine n’apaise plus, la famille est épuisée d’impuissance, l’équipe soignante est soudain démunie, la science elle-même est arrivée au bout de son savoir –, l’être humain peut vouloir, dans la plénitude de sa responsabilité et de sa conscience, accepter la mort qui l’attend inexorablement, dans un dernier souffle, enfin apaisé. Face à une détresse aussi aiguë, qui sommes-nous pour porter un jugement sur celui qui endure la souffrance de ses derniers instants ?
Pour ma part, je peux consentir à l’aide à mourir, mais à plusieurs conditions que je tiens pour cardinales.
D’abord, l’accès aux soins palliatifs doit être effectif. Nul ne devrait invoquer la mort parce qu’il a manqué d’antidouleurs, de présence ou d’humanité.
Ensuite, la décision ne peut reposer entièrement sur les épaules d’un seul praticien. Cette décision doit être collégiale – cela ne doit pas être une simple faculté –, contradictoire et nourrie d’un regard extérieur. Il faut y ajouter un second garde-fou, celui du délai. Il faut maintenir pour le patient un délai de réflexion, de quarante-huit heures au moins, afin de protéger son libre consentement, et, pourquoi pas, prévoir pour l’équipe médicale un temps incompressible permettant de confronter ses avis et de renforcer la collégialité.
Enfin, l’autoadministration de la substance létale doit demeurer la règle, et l’euthanasie, une exception limitée à la stricte incapacité physique du patient. Seul le suicide assisté permet de trouver un équilibre entre la liberté du patient et celle du soignant qui souhaite accompagner ses patients jusqu’au bout, sans avoir à effectuer le geste.
L’exemple de l’Oregon est éloquent : près de 40 % des personnes qui ont obtenu une dose létale choisissent finalement de ne pas l’ingérer. Cela prouve qu’entre la demande initiale et le geste définitif, le temps peut parfois laisser place au doute ou à la résilience.
Or le texte, tel que la commission nous le présente, fléchit sur plusieurs de ces points : les critères cliniques de la maladie et la question de l’engagement du pronostic vital sont dilués dans une imprécision inquiétante ; l’intervention directe du soignant n’est plus circonscrite ; les garanties d’accès prioritaire aux soins palliatifs demeurent non vérifiables.
Nous voterons la proposition de loi consacrée aux soins palliatifs, parce qu’elle honore notre première responsabilité : soigner jusqu’au bout. Quant au second texte, à titre personnel, je ne m’y opposerai pas par principe, mais je ne le voterai que si, et seulement si, nous instaurons des garde-fous, afin que cette aide à mourir soit suffisamment encadrée pour être réellement, et pas seulement dans les mots, un ultime recours. Compte tenu de la dimension fortement personnelle de ce texte, mes collègues et moi avons déposé seulement des amendements à titre personnel, et non pour l’ensemble du groupe.
Nous pouvons conjuguer compassion et prudence, liberté et protection. Telle est la grandeur singulière de l’instant : écrire un texte assez ferme pour rassurer, assez juste pour respecter, assez humble pour reconnaître que la mort restera toujours, malgré nos lois, un mystère irréductible.
Puissions-nous, tant par le débat que nous ouvrons que par nos votes, mériter la confiance de celles et ceux qui attendent de nous le cadre légal le plus juste et le plus responsable pour accompagner leur dernier souffle. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et DR. – M. le président de la commission des affaires sociales et Mme Annie Vidal, rapporteure, applaudissent également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Vincent Trébuchet.
M. Vincent Trébuchet
Quel vertige ! Quelles que soient nos convictions, quel vertige à l’heure où nous nous allons aborder un principe fondateur de nos sociétés depuis plus de trois millénaires : « Tu ne tueras pas. » Quel vertige alors que nous risquons de toucher peut-être, dans les prochains jours, au serment qui guide l’action des médecins depuis 2 500 ans : « Je ne provoquerai jamais la mort délibérément. » Quel vertige, enfin, devant la possibilité de légiférer dans un sens exactement opposé à celui de notre code pénal, dont l’article 223-13 punit toute incitation au suicide.
Si certains souhaitent toucher à ces pierres angulaires de notre civilisation et de notre vivre-ensemble, c’est certainement parce que – aujourd’hui comme de tout temps – le scandale de la mort et de la souffrance nous heurte tous avec violence.
La commission des affaires sociales a adopté une proposition de loi visant à légaliser le suicide assisté et l’euthanasie. Signe de la conscience aiguë de la dimension transgressive de ce texte, l’ensemble des réalités que le texte vise à légaliser ont été renommées : les termes de suicide assisté et d’euthanasie n’apparaissent jamais, mais sont comme cachés derrière l’expression « aide à mourir ». De même, la mort provoquée devient, par le simple fait du législateur, une mort naturelle.
« Mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde. » On peut voir dans ces choix une volonté de dissimulation, ou la confession d’une impasse : au fond, nous souhaiterions soulager sans tuer. Pour certains, cette loi est un mal nécessaire, une transgression d’équilibre.
Au-delà de la question sémantique, tel est le deuxième débat clé : une loi d’équilibre est-elle possible ? L’expérience des pays qui ont légalisé la mort provoquée doit nous instruire. Toutes les législations ont débordé leur cadre initial. Aux Pays-Bas, l’euthanasie représente 5,4 % des décès. Un débat s’y est ouvert pour autoriser l’euthanasie des personnes bien portantes de plus de 75 ans qui estiment leur vie accomplie. Au Québec, l’extension de l’euthanasie aux troubles mentaux est prévue pour 2027, alors qu’un rapport de l’ONU s’alarme déjà de la manière dont elle y est proposée aux plus fragiles, faute de solutions sociales ou médicales.
Nos débats en commission n’ont-ils pas révélé l’impossibilité d’une loi dite équilibrée ? Ils ont abouti à l’élargissement des critères d’éligibilité à une « phase avancée » non définie médicalement, à la légalisation de l’euthanasie – qui devient la règle et non plus l’exception – et au refus de tous les encadrements proposés, comme la protection des personnes déficientes intellectuelles.
Ces faits montrent que, comme l’écrit M. Hirsch, « l’euthanasie ne s’encadre pas : elle déborde ». Elle déborde par nature : si l’on commence à transgresser, sans cesse une nouvelle situation d’exception conduira à un nouvel élargissement de la loi, jusqu’à l’inversion complète des principes, jusqu’à dessiner une autre vision de notre société.
Après la question sémantique et la question de l’équilibre, voilà le troisième débat clé : quelle vision de la société sous-tend cette loi ? Certains assument de vouloir ouvrir une nouvelle liberté, la plus large possible, celle de choisir sa mort. Mais aucune loi ne peut conférer une nouvelle liberté sans avoir un impact – c’est nécessairement le cas – sur tout le corps social. Demain, si le suicide assisté ou l’euthanasie sont possibles, la question d’y recourir se posera à tous, sans exception, surtout à ceux qui ont l’impression d’être une charge. Au Canada, les bénéficiaires de l’euthanasie sont de plus en plus nombreux à présenter le critère de fragilité.
En France, la proportion des seniors de plus de 75 ans doublera entre 2024 et 2050. Comment être certain que des logiques financières n’accéléreront pas cette bascule, quand certains acteurs mutualistes qui ont un intérêt financier évident à la légalisation du suicide assisté et de l’euthanasie s’en font déjà les avocats dans tous les médias ?
Dans un rapport de 2012 commandé par François Hollande sur la question, le professeur Sicard écrivait : « la pratique euthanasique […] intériorise des représentations sociétales négatives d’un certain nombre de situations de vieillesse, de maladie et de handicap ». Autrement dit, la pratique euthanasique finit inévitablement par diviser les citoyens en deux catégories. En ce sens, le texte ne peut pas être appelé « loi de fraternité ».
La fraternité, parlons-en : ces vingt dernières années, en avons-nous fait preuve, nous tous, hommes et femmes politiques, tout particulièrement à l’égard des plus fragiles en fin de vie ? Si nous en venons à proposer aujourd’hui aux Français une réponse qui semble si désespérée face à la mort et à la souffrance, c’est sûrement parce que nous n’avons pas fait fructifier notre trésor national : les soins palliatifs. Partout où ils ont été développés, ils apportent une réponse juste et humble, qui soulage et qui garantit à chaque Français de mourir entouré, dans la dignité.
Chers collègues, prenons l’engagement ferme, résolu, unanime et transpartisan de donner rapidement un accès complet aux soins palliatifs à tous les Français qui en ont besoin – je pense en particulier aux habitants des vingt départements qui sont dépourvus d’unité de soins palliatifs, ce qui est scandaleux. Seule cette réponse sera à la hauteur de la devise qui nous rassemble ici : Liberté, Égalité et, surtout, Fraternité. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN. – M. Sylvain Berrios applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Gaëtan Dussausaye.
M. Gaëtan Dussausaye
Permettez-moi avant tout de saluer la prise de parole de ma collègue Sandrine Dogor-Such. Nous ne partageons pas intégralement les mêmes positions, mais je la remercie – et, à travers elle, nombre de mes collègues – pour le respect et la bienveillance dont elle a fait preuve depuis le début des débats. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Nous voilà donc de nouveau réunis, un an après une première discussion, pour nous prononcer sur ce moment si particulier qu’est la fin de vie, plus précisément sur le nécessaire renforcement des soins palliatifs et sur la création d’un droit à l’aide à mourir.
Ces deux ambitions alors réunies en un seul texte font à présent l’objet de deux propositions de loi distinctes. Je rappelle que le groupe Rassemblement national est attaché à la séparation stricte de ces deux enjeux. C’est en effet le seul moyen de garantir à chacun la possibilité d’exprimer sa volonté d’agir et de soutenir les soins palliatifs dans notre pays, alors qu’à l’heure actuelle, près d’un département français sur cinq est dépourvu d’unité fixe de soins palliatifs – je ne peux m’empêcher de penser à mon propre département, les Vosges.
Comme une partie de mon groupe, je suis favorable à l’aide à mourir ; vous n’êtes cependant pas sans savoir qu’il n’existe pas d’avis unanime à ce sujet au sein du Rassemblement national – il en va de même dans un grand nombre de groupes de cette assemblée. Nous sommes en effet à l’image de la société française : comme elle, nous sommes traversés par des débats qui ont animé plus d’une discussion en famille, entre amis, ou entre collègues.
Nous avons eu ces discussions dans le respect des convictions intimes de chacun, et je souhaite que les échanges que nous aurons ici soient à la hauteur du moment. En effet, chacun de nos mots est susceptible de heurter non seulement un concurrent ou un adversaire politique, mais aussi des millions de Français, dans leurs convictions personnelles et profondes.
Je souhaite appeler votre attention sur une question de méthode. Que nous soyons favorables ou opposés à l’aide à mourir, nous sommes tous d’accord sur un point : il y aura un avant et un après cette loi. Si je salue la qualité des travaux menés par la commission des affaires sociales durant quinze jours, travaux qui ont permis d’aboutir à la rédaction actuelle du texte, je ne peux m’empêcher de m’interroger.
La décision que nous allons prendre est une décision immense. Elle touchera aux conceptions que 68 millions de Français se font du vivant, de l’assistance face à la souffrance, de l’accompagnement dans la fin de vie et parfois jusque dans la mort. Peut-on réserver une décision de cette importance aux seuls votes dans cet hémicycle ?
C’est une question que nous avons le droit de poser, sereinement, simplement : il faut interroger les logiques et les limites de la représentativité face à l’ampleur de ce débat. La décision que nous allons prendre est une décision historique – nous le savons et, d’ailleurs, nous le revendiquons. Qu’on y soit opposée et qu’on la regrette ou qu’on y soit favorable et qu’on la désire, c’est bel et bien une décision historique. Or elle le serait davantage si on permettait au peuple de s’en saisir.
Il ne faut pas avoir peur du peuple ; il ne faut pas avoir peur du référendum. Je conteste vivement l’argument selon lequel le référendum sur l’aide à mourir serait un moyen de gagner du temps. Il n’y a jamais de malice, jamais de retard, jamais de longueur lorsqu’on demande au peuple de décider pour lui-même.
Un député du groupe RN
Très bien !
M. Gaëtan Dussausaye
Je tiens à m’adresser particulièrement aux parlementaires qui, comme moi, sont favorables à l’aide à mourir : exigez avec nous le référendum ! Le référendum, c’est la certitude de la décision ; c’est l’effacement de toute ombre sur l’approbation. L’adhésion à ce droit nouveau, à cette liberté nouvelle qu’est l’aide à mourir serait, croyez-moi, un million de fois plus forte si elle était gravée par le peuple dans le marbre de la parole du peuple. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN. – M. Olivier Fayssat applaudit également.)
Dans vingt-quatre heures, le président de la République devrait – j’insiste sur le conditionnel, tant nous sommes malheureusement habitués, et les Français avec nous, aux déceptions causées par les revirements présidentiels – annoncer un certain nombre de propositions qu’il souhaite soumettre, par référendum, aux votes des Français.
Vous le savez, le Rassemblement national est viscéralement attaché au référendum.
M. Christophe Bentz et M. Jean-Philippe Tanguy
Eh oui !
M. Gaëtan Dussausaye
Nous considérons que tout sujet de société, chaque évolution de la société devrait être tranchée par la société.
Mon message au président de la République est clair : il n’est pas trop tard. Organisez un référendum – parmi d’autres – sur l’aide à mourir. Permettez enfin à des millions de Français, quelle que soit leur opinion à ce sujet, de s’asseoir à leur tour autour de la table des débats et de participer à la décision. Donnez la possibilité à des millions de familles françaises, qui sont aujourd’hui dans la peine de voir un proche souffrir ou dans la crainte que cela puisse leur arriver un jour, d’avoir enfin voix au chapitre – pas n’importe quelle voix, pas celle d’un intermédiaire, mais leur propre voix, une voix singulière, s’exprimant de façon pleinement souveraine.
Organiser un référendum, c’est rendre le pouvoir au peuple – le pouvoir au peuple de choisir son avenir, de décider pour lui-même et pour les générations qui lui succéderont. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN. – M. Olivier Fayssat applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Vincent Ledoux.
M. Vincent Ledoux
« Par nature, l’homme est voué à souffrir et à mourir. Comment le préparer à affronter ces maux qui s’inscrivent à l’horizon indépassable de sa vie terrestre : telle est la question fondamentale qui hante l’esprit humain et à laquelle toute société est amenée à répondre. » Répondre à cette question, c’est la tâche à laquelle s’est attelé Jean Leonetti, grand parlementaire, qui, par sa réflexion et son action, a contribué à améliorer de manière décisive l’accompagnement des personnes en fin de vie.
Il y a vingt ans, il introduisait, dans la première loi sur la fin de vie, l’interdiction de l’obstination déraisonnable et la reconnaissance des directives anticipées. Onze ans plus tard, avec Alain Claeys, ces directives étaient revalorisées, et le droit à la sédation profonde, affirmé – autrement dit, le droit de ne pas souffrir et de ne pas subir, comme l’a rappelé Olivier Falorni.
Ces textes étaient la concrétisation d’un mouvement profond : celui d’une médecine qui, lorsqu’elle ne peut plus guérir, ne se détourne pas, ne se résigne pas, ne s’acharne pas non plus, mais reste présente ; une médecine qui soigne autrement, en soulageant, en écoutant, en accompagnant – bref, en tendant la main, comme l’a dit Mme la ministre.
Si la question des soins palliatifs peut rejoindre celle du grand âge, enjeu de société colossal, elle ne s’y résume pas, car nous voulons une fin de vie digne pour chacun, du plus jeune au plus âgé. Or, depuis longtemps, nous faisons tous le même constat : si tout le monde reconnaît l’excellence de nos unités de soins palliatifs, nombreux sont ceux qui déplorent l’accès inégal à ces soins.
Aujourd’hui, nous souhaitons relever collectivement ce défi, car il recouvre des enjeux profondément républicains. Une République plus fraternelle implique un accès à des soins palliatifs de qualité, pour tous et partout ; des soins en nombre suffisant, inscrits dans des parcours divers : du domicile à l’hôpital, de l’Ehpad aux structures alternatives. En effet, les soins palliatifs ne sont pas uniquement dispensés dans des unités spécialisées.
Chacun de nous porte en lui une histoire, une expérience, un souvenir de fin de vie. C’est un moment redouté, mais que l’on traverse mieux lorsque l’on se sent accompagné – que l’on soit patient, proche ou aidant. Pour ma part, j’ai eu la chance d’être bien soutenu par les soignants de l’hôpital de Tourcoing, quand j’ai vécu cette situation en tant que proche. Récemment encore, aux côtés des équipes du docteur Guillaume Bouquet, j’y ai rencontré des soignants engagés, passionnés et profondément investis, qui méritent notre reconnaissance. Je veux saluer ici leur professionnalisme, leur dévouement et leur humanité : ils soignent les corps et apaisent les âmes.
Le texte que nous examinons aujourd’hui, défendu avec courage et détermination par notre collègue Annie Vidal, vise à tenir la promesse républicaine d’une fin de vie digne et apaisée. Six Français sur dix en situation palliative ne sont pas pris en charge comme ils devraient l’être. Cette situation ne résulte pas d’un choix, mais d’un manque de structures, d’information ou d’équipes disponibles. Cette réalité frappe d’abord les territoires ruraux, les zones sous-dotées et les personnes isolées. Le cadre juridique existe, mais les moyens font défaut. Il nous faut mettre un terme à cette situation ; c’est un axe prioritaire de progrès pour notre modèle social de santé.
La proposition de loi Vidal vient structurer, amplifier et sécuriser les mesures prises par le gouvernement dans le cadre de la stratégie décennale des soins d’accompagnement – une stratégie sans précédent, dotée d’un financement de 1 milliard d’euros sur dix ans. En période de forte tension budgétaire, il faut saluer cet effort, et en reconnaître les premiers effets. Lorsqu’un système gagne en efficacité, en présence et en humanité, c’est beaucoup de souffrance en moins.
« Personne ne sait combien de temps peut durer une seconde de souffrance », écrivait Graham Greene. Raison de plus pour aller plus loin, plus fort, plus vite.
Ce texte propose un cadre structuré, lisible et cohérent. Il dessine les contours d’un maillage territorial plus juste. Il encourage les équipes mobiles et les synergies entre l’hôpital, le domicile et l’Ehpad. Il soutient les aidants, renforce la formation des professionnels, notamment en intégrant les soins palliatifs dans la formation initiale des médecins et des soignants – car la culture palliative doit s’enraciner dès l’université.
Il innove aussi, avec la création des maisons d’accompagnement et de soins palliatifs, des lieux à taille humaine pour ceux qui ne peuvent rester chez eux mais qui ne relèvent pas d’une hospitalisation classique. Ces structures sont attendues, et elles sont nécessaires. Ce seront des lieux de soin, mais aussi de vie, de lien, de présence.
Cependant, dans ce texte, l’essentiel ne tient pas uniquement à l’organisation : c’est la vision, celle d’une société qui ne laisse personne seul ; celle d’un accompagnement global. La fin de vie n’est pas un protocole, c’est un moment de vérité et d’intimité, où une main, un regard, une voix comptent autant qu’un traitement.
Cette vision n’est pas contradictoire avec nos débats à venir sur l’aide à mourir. Elle en est, au contraire, le socle indispensable : il ne peut y avoir de liberté véritable sans un accès effectif, universel et équitable aux soins palliatifs. Il ne peut y avoir de choix sans alternative.
Accompagner, ce n’est pas « décider à la place ». C’est être là, reconnaître l’autre dans sa souffrance, son autonomie, sa volonté. C’est un acte de civilisation ou, à tout le moins, un acte civilisateur.
Soutenir ce texte, c’est refuser que les dernières heures soient invisibles ; c’est affirmer que la solidarité redouble d’attention quand la vie devient plus fragile ; c’est incarner nos valeurs républicaines jusque dans l’intime, quand elles rejoignent et apaisent ceux qui en ont le plus besoin.
C’est pourquoi le groupe Ensemble pour la République soutient la proposition de loi d’Annie Vidal, adoptée à l’unanimité en commission. Gageons qu’elle le soit aussi dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem. – Mme Annie Vidal, rapporteure, et M. le président de la commission des affaires sociales applaudissent également ainsi que Mme la ministre de la santé.)
M. Thibault Bazin
Excellent !
Mme la présidente
La parole est à M. Hadrien Clouet.
M. Hadrien Clouet
La Déclaration universelle des droits de l’homme dispose que « nul ne sera soumis à des traitements cruels, inhumains ou dégradants ». Pourtant, en France, des centaines de personnes atteintes de maladies incurables ressentent, à chaque minute de leur existence, une douleur réfractaire malgré leur prise en charge ou perdent toutes leurs facultés, et souhaitent recevoir un soulagement, ici, dans notre pays, entourées de celles et ceux qui les aiment. Le leur interdire, n’est-ce pas précisément un traitement cruel, inhumain et dégradant ?
Il y a un an, nous avions déjà ce débat, puis le président Macron a dissous l’Assemblée, sacrifiant l’agonie de nos compatriotes à d’obscurs calculs politiciens. Les Insoumises et les Insoumis réaffirment donc aujourd’hui à cette tribune que l’individu doit toujours pouvoir rester maître de lui-même et que la société a le devoir de lui permettre d’exprimer cette maîtrise. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Elle doit lui garantir les moyens d’échapper à des souffrances que l’on ne sait pas soulager. Cela signifie qu’il doit pouvoir bénéficier de soins palliatifs et d’un accompagnement tant qu’il veut vivre, puis bénéficier d’une aide à mourir lorsqu’il ne le veut plus.
Nous avons obtenu une victoire importante en commission : l’inscription d’un droit opposable aux soins palliatifs sur la proposition du groupe de La France insoumise.
Mme Danielle Simonnet
Pas que !
M. Hadrien Clouet
Ce droit appelle un amendement jumeau, autorisant les patients à introduire un recours devant le juge administratif lorsque leur condition exige des soins palliatifs.
Nous posons donc la question d’un droit aux soins palliatifs et à l’aide à mourir. Je parle bien d’un droit. De la même manière que le droit à l’interruption volontaire de grossesse ne préjugeait pas du choix personnel de chaque législatrice qui le votait, le vote de cette loi n’engage aucun choix individuel.
Mme Élise Leboucher
Tout à fait !
M. Hadrien Clouet
Il s’agit simplement d’admettre une réalité que tout le monde connaît : on aide déjà des gens à mourir en France – des soignants le font et 77 % des médecins ont déjà reçu des demandes en ce sens. Ils en témoignent, un sondage l’a rappelé il y a moins de quarante-huit heures.
Comme pour l’IVG, voulons-nous obliger les gens à se cacher ou leur offrir un cadre sécurisé ? Nous avons choisi cette deuxième option : un collège de soignantes et de soignants – du médecin à l’aide-soignant – vérifiera que la volonté du malade s’exprime de manière libre et éclairée, qu’il souffre d’une affection grave, incurable et mortelle, et qu’il éprouve une souffrance insupportable.
Regarder la mort dans les yeux, c’est mieux vivre le moment qui la précède. Quand on sait que l’on peut demander à mourir, que notre propre souffrance est l’étalon de cette décision, que le seul juge de paix est notre propre conscience, on vit mieux. L’empereur Hadrien, dans l’œuvre de Marguerite Yourcenar, retrouve goût à la vie parce qu’il sait qu’il pourra échapper à l’intolérable grâce au suicide assisté : « J’avais fini par faire de ma mortelle envie un rempart contre elle-même. »
Pourtant, nous retrouvons toujours les mêmes, à l’extrême droite,… (Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Vous vous êtes reconnus rapidement ! Il a fallu un instant !
M. Frédéric Weber
C’est incroyable !
M. Hadrien Clouet
Vous contestez le droit des personnes à être propriétaire d’elle-même, tout comme vous avez contesté – et certains d’entre vous continuent à le contester – le droit à l’IVG.
Mme Hanane Mansouri
Ce que vous dites est honteux !
M. Hadrien Clouet
Résultat pour les deux semaines à venir : 1 100 amendements d’obstruction pure des groupes RN et UDR. Quelle indignité vis-à-vis des malades et des soignants quand on comprend que certains d’entre vous voudraient rebaptiser le texter pour parler d’« exécution », d’« homicide » ou d’« assassinat » !
M. Frédéric Weber
Vous n’êtes pas au rendez-vous !
M. Hadrien Clouet
À l’inverse, nous, Insoumises et Insoumis, sommes fiers de coécrire ce texte avec la rapporteure, Élise Leboucher. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Nous sommes auteurs de la moitié des amendements adoptés en commission, qui constituent autant d’avancées pour ce nouveau droit humain : libre choix des modalités d’administration, harmonisation de la clause de conscience, droit de recours en cas de refus, traçabilité des actes.
Nous continuerons ce travail de conviction philosophique dans l’hémicycle. Pour paraphraser Camus, ce n’est pas la souffrance qui est révoltante, c’est le fait qu’elle soit injustifiée. Alors, collègues, adoptons ce texte et reprenons le contrôle sur la souffrance, et sur notre humanité. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Océane Godard.
Mme Océane Godard
C’est avec une grande humilité, et la conscience que la proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir sera une grande lois sociétale, que je m’exprime au nom du groupe socialiste. J’ai également conscience de l’impermanence de la vie, ou devrais-je dire des vies, car rien ne dure éternellement, ni le bien-être ni la souffrance.
Je parle « des vies », car chacune est unique, aucune n’est minuscule. Chaque malade, dont le diagnostic révèle une affection grave et incurable, a ses propres limites face à la souffrance et à la dépendance, et le seuil d’acceptabilité peut se déplacer.
J’ai aussi conscience que ce débat convoque chez chacun d’entre nous son propre rapport à la mort, son vécu, sa sensibilité. Il interroge nos croyances et fait écho à notre propre finitude. Nous l’avons ressenti, d’ailleurs, lors des débats en commission, dont je tiens à souligner la qualité. Ils ont été menés avec respect, clarté et responsabilité par le président de la commission, le rapporteur général, Olivier Falorni, Mme Annie Vidal et l’ensemble des rapporteurs, dont je salue l’engagement et l’humanisme.
Ce travail collectif nous a permis de définir l’aide à mourir comme un droit, et de supprimer la hiérarchisation entre suicide assisté et euthanasie. Il a aussi conduit à reconnaître que l’« affection grave et incurable » ne relève pas uniquement d’une pathologie. On reconnaît ainsi la pluralité des situations de souffrance, notamment les cas accidentels. Grâce au travail en commission, les médecins et les patients pourront décider ensemble des modalités d’administration de la substance létale. Nous avons également étendu le délit d’entrave aux pressions exercées sur les professionnels de santé afin de protéger celles et ceux qui choisissent d’accompagner les démarches prévues par le texte.
Si nous reconnaissons l’équilibre général de cette proposition de loi, nous regrettons la séparation du débat en deux textes, avec les soins palliatifs d’un côté et la fin de vie de l’autre. Le dispositif dont je vous parle ne remplacera pas les soins palliatifs ; il viendra seulement compléter les possibilités d’accompagnement en fin de vie. Pour développer les soins palliatifs en France, il faut certes légiférer, mais il est surtout indispensable d’y consacrer des moyens suffisants, notamment en matière de formation et de recrutement. Nous serons vigilants sur ces points.
Nous entamons, ici et maintenant, nos débats dans l’hémicycle, un lieu historique où résonnent encore de grandes voix, celles de grands esprits qui ont soutenu les plus grandes lois ouvrant de nouveaux droits. Cela nous oblige : en tant que législateurs, nous ne pouvons plus fuir nos responsabilités. Notre pays est prêt, la Convention citoyenne de 2023 l’a montré : après vingt-sept jours de débat, trois quarts de ses membres se sont prononcés pour le développement des soins palliatifs et l’ouverture, sous conditions, de l’aide active à mourir.
La proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir autorisera le recours à la procédure d’aide à mourir, sans que cette procédure ne perde son caractère d’exception et sans l’encourager. Elle soufflera à notre société que la mort fait partie de la vie, qu’accepter la mort, c’est ne plus en avoir peur et donc savoir vivre pleinement, généreusement, intensément et dignement.
Je terminerai mon propos avec les mots d’Anne Bert, romancière française atteinte de la maladie de Charcot, qui a choisi de finir sa vie en Belgique en 2017 : « Sans doute l’indécence de ma mort gêne. Moi, j’en fais mon arme, sans jamais me perdre. »
C’est cette liberté, cette fidélité à soi, ce droit que la loi encadrera. Pour la dignité, pour la liberté d’être et d’agir, une large majorité du groupe Socialistes et apparentés votera la proposition de loi pour le droit à l’aide à mourir en France, disposant ainsi de sa liberté de vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. le rapporteur général applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Juvin.
M. Philippe Juvin
Au fond, deux questions de principe auraient pu résumer nos débats. La première est la suivante : l’État peut-il être mêlé à la mort d’un tiers, même par la simple autorisation d’un dispositif ? Personnellement, je ne le crois pas. L’impossibilité de donner la mort est un principe absolu et, si nous commençons à accepter des exceptions à un principe absolu, demain, d’autres justifieront d’autres exceptions.
D’ailleurs, la meilleure preuve que nous sommes face à une véritable transgression, c’est qu’on n’ose même pas la nommer puisqu’il faudra inscrire « mort naturelle » sur le certificat de décès. (« Eh oui ! » sur quelques bancs du groupe RN. – Murmures sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Élisabeth de Maistre
C’est la réalité !
M. Philippe Juvin
Seconde question de principe : quelle société voulons-nous construire ? Une société du soin, ou une société où la compassion se résumerait à fournir la mort sur demande, au nom de critères si peu stricts que certains veulent déjà les changer ?
Ces deux sujets, l’État et la société auraient dû être le point de départ de notre réflexion.
Venons-en au texte : nous ne parlons plus de fin de vie puisque l’euthanasie est ouverte à des personnes qui ont potentiellement plusieurs années à vivre.
Trois exemples : une personne dialysée,…
Mme Christine Arrighi
Ça n’a rien à voir avec le texte ! On peut vivre des années sous dialyse !
M. Philippe Juvin
…une personne atteinte d’un cancer du sein métastasé, un schizophrène qui enchaîne les tentatives de suicide. Chacun d’entre eux répond aux critères de la loi – maladie grave, incurable, terminale ou avancée, et pronostic vital engagé. (Protestations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoloS.)
S’ils déclarent souffrir de douleurs psychologiques insupportables – j’ai bien dit psychologiques, et donc par définition subjectives –, alors ils entreront dans le cadre de la loi.
Mme Danielle Simonnet
Non !
Mme Sandrine Rousseau
Ce que vous dites est faux !
M. Philippe Juvin
Pourtant, ces trois pathologies n’empêchent pas de vivre encore des années. Une maladie en phase terminale n’est pas forcément synonyme de fin de vie.
Avant une greffe, on peut vivre vingt ans avec une insuffisance rénale terminale. Je le répète, ce texte n’est plus une loi sur la fin de vie.
M. Théo Bernhardt
Il a raison !
M. Philippe Juvin
Vos fameux critères d’accès au dispositif – vous les considérez comme stricts – sont en réalité bien faibles. Alors qu’en Ontario, le délai de réflexion peut aller jusqu’à quatre-vingt-dix jours, en France, le délai pourra se réduire à zéro jour, alors que la demande de mort est une décision profondément fluctuante. (Exclamations sur différents bancs.)
Avec cette loi, un patient pourra ne rencontrer qu’un seul médecin et aucune consultation obligatoire n’est prévue avec un psychiatre.
Lors des débats en commission, nous souhaitions exclure par principe du dispositif les déficients mentaux, les autistes, les personnes bipolaires, et celles en prison ou sous tutelle ; vous avez refusé. Si ces personnes remplissent les critères, elles pourront donc bénéficier du dispositif : un adulte sous tutelle, qui n’a pas le droit de signer un chèque, pourra demander l’euthanasie. (Mme Ségolène Amiot s’exclame.) Notre crainte, ce sont les abus de faiblesse – nous aurions dû prévoir le contrôle d’un juge.
On nous dit que c’est une loi de fraternité. Mais la fraternité, ce n’est pas cela, c’est se préoccuper des autres ! Lorsque les patients arrivent en soins palliatifs, 3 % demandent à mourir. Une semaine plus tard, ils ne sont que 0,3 % à maintenir cette demande. Pourquoi ? En une semaine, on a répondu à leurs besoins – ceux des malades et de leurs proches. Lorsqu’on s’occupe des gens, la demande d’euthanasie disparaît. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR, RN et UDR.)
M. Jérôme Nury
Eh oui ! Bravo !
M. Philippe Juvin
On nous dit : « C’est une loi de liberté absolue. » Mais la liberté absolue n’existe pas car nous ne sommes pas seuls ! Et d’ailleurs, est-on toujours libre, par exemple quand on souffre de dépression ? Les psychiatres savent que non, et c’est pour ça qu’il faudrait l’avis d’un psychiatre, que vous refusez. Est-on libre quand on ne peut se payer les médicaments non remboursés, les aides humaines et matérielles, pour se laver par exemple : car, quand on est grabataire, on baigne dans la sueur et dans bien d’autres choses peu ragoûtantes. Quand vous êtes riche, il y a toujours quelqu’un pour vous changer, vingt-quatre heures sur vingt-quatre ; mais quand l’infirmière ne passe qu’une fois par jour, c’est très long et, oui, ça peut donner des envies de mort.
La fin de vie est plus pénible quand on est pauvre et seul, que quand on est riche, et ça ne vous plaît pas parce que vous avez peur. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR, RN et UDR.) Votre loi est une loi faite par des gens qui ont peur de la déchéance. C’est une loi qui s’appliquera surtout aux pauvres, parce que leur liberté est purement formelle. Avant, à gauche, on savait ce qu’étaient les libertés formelles, et on s’en méfiait.
M. Hadrien Clouet
Une leçon de marxisme !
M. Philippe Juvin
Eh oui ! Absolument !
Au Canada, un tiers des demandeurs de l’aide à mourir sont des personnes handicapées ; en Ontario, 40 % se considèrent comme un poids pour leur entourage.
J’ajoute le paradoxe suivant : il faut deux à neuf mois d’attente pour obtenir un rendez-vous dans un centre antidouleur, zéro à dix-sept jours pour une euthanasie. Il sera plus rapide d’obtenir l’aide à mourir qu’une aide contre la douleur ou des soins palliatifs – nous savons tous, ici, que, pour rattraper notre retard en la matière, il nous faudra dix ou quinze ans.
Cette loi témoigne d’une peur de la vieillesse et du handicap. Elle sous-entend que certaines vies vaudraient d’être vécues, et d’autres, devenues indignes, non. À cela, nous ne pouvons pas nous résoudre.
Monsieur Falorni, je vais peut-être vous surprendre, mais j’aurais sans doute compris qu’on autorise un geste létal transgressif, dans une situation, exceptionnelle, singulière, ultime, en conscience ; mais la mort sur rendez-vous, à un inconnu, parce qu’il répond à quelques critères légaux, quand bien même son pronostic vital se compterait en années… Aucun pays n’est allé aussi loin dans l’ouverture, le caractère expéditif, la faiblesse du contrôle et la pression que cela mettra sur les plus vulnérables. Ce qu’il fallait aux soignants et aux malades, c’était du temps, pour soigner, soulager et accompagner.
Chacun des Républicains votera librement en conscience. Mais tous se retrouveront dans deux mots : le soin et la fraternité. Alors, non à une société d’abandon, et vive la société du soin et de la fraternité ! (Applaudissements sur les bancs des groupes DR, RN et UDR. – M. Sylvain Berrios applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sophie Errante.
Mme Sophie Errante
J’ai d’abord une pensée pour nos anciens collègues, qui ne siègent plus sur nos bancs aujourd’hui mais qui étaient très engagés sur ces sujets.
La question de la fin de vie, parce qu’elle touche à la fois à l’intime et au collectif, mérite d’être abordée avec gravité, mais aussi avec courage. Ce dont nous débattons ici n’est pas un principe abstrait. Ce sont des vies concrètes, des souffrances réelles, des familles, des visages. Aujourd’hui encore, trop de nos concitoyens meurent dans la douleur, l’angoisse ou l’isolement. Trop de malades vivent leurs derniers jours sans solution adaptée, sans accompagnement digne. Trop de familles portent seules une détresse que nous avons le devoir de reconnaître et de soulager. Et trop de patients, parce qu’ils souhaitent choisir les conditions de leur fin de vie, sont contraints de quitter leur pays pour aller mourir ailleurs.
Oui, la mort fait peur. Et c’est bien normal. C’est la fin de notre vie, une vie à laquelle aucune personne valide et en bonne santé ne souhaite mettre un terme. Mais légiférer sur la fin de vie, ce n’est pas légiférer pour nous, valides ; c’est penser à celles et ceux qui vivent une souffrance que plus rien ne peut apaiser et pour qui l’accompagnement actuel ne suffit pas.
Avec la loi Leonetti de 2005 et la loi Claeys-Leonetti de 2016, nous avons posé des jalons, mais ces textes ne suffisent plus. Ils ont permis des progrès – j’en suis témoin –, notamment en matière de communication aux patients, de directives anticipées, de recours au tiers de confiance, mais ils laissent de côté des situations extrêmes, dans lesquelles ni la sédation profonde ni les soins palliatifs ne permettent de répondre à la détresse.
Mais pourquoi ce nouveau droit que nous proposons – celui de choisir une aide à mourir dans un cadre strict – est-il si difficile à accepter ? Il ne remplace pas les soins palliatifs : il les complète ; il ne remet pas en cause les droits existants : il en ajoute un, pour celles et ceux qui en ont besoin et qui le souhaitent.
Parlons clairement. Il faut, bien sûr prévenir les abus, et ce droit ne pourra s’exercer que dans un cadre très strict, encadré, sécurisé. Toute dérive devra évidemment être sanctionnée. Non, tout ne sera pas permis ! Cependant soyons lucides : il n’existe pas d’échelle universelle de la dignité. Qui peut dire, à la place d’un patient, ce qu’il est encore supportable d’endurer ? Qui peut juger, mieux que l’intéressé lui-même, à quel moment la souffrance devient inhumaine ? La loi ne doit pas imposer un seuil arbitraire. Elle doit permettre, dans des conditions précises, que la personne elle-même soit reconnue comme la première juge de sa propre dignité.
Le texte que nous avons entre les mains crée un droit nouveau, sans rien retirer à personne. Il respecte les convictions de chacun, en prévoyant une clause de conscience pour les soignants. Il incarne aussi une vision profondément laïque de notre société : une République qui n’impose pas les croyances des uns à tous les autres, qui respecte les différences, les convictions, les libertés individuelles. C’est la République de tous les citoyens, qui donne des droits nouveaux aux uns, sans en enlever aux autres.
Les enjeux sont éthiques, car la volonté de mourir, dans certaines circonstances exceptionnelles, peut être une ultime affirmation de liberté et de dignité. Ils sont sanitaires, car ce droit ne peut exister que si les soins palliatifs sont renforcés et accessibles partout. Ils sont sociaux, car une société juste ne laisse personne seul, face à la souffrance ou à la mort.
Ce texte n’est pas une menace, il est une réponse. Il ne fracture pas la société, il l’unit autour d’un principe simple mais fondamental : le respect du choix de chacun. Cela fait trop longtemps que nous tournons autour de ce débat. Trop de malades attendent. Trop de soignants sont laissés seuls face à des situations impossibles. Trop de familles vivent ces derniers moments dans le désarroi. Il est temps d’aller jusqu’au bout, pour eux avant tout.
Ces propositions de lois relatives à l’accompagnement et aux soins palliatifs des malades, d’une part, et au droit à l’aide à mourir, d’autre part, ne sont pas des textes de rupture, mais de confiance, confiance dans les malades, confiance dans les soignants – que je tiens à remercier ici –, confiance dans notre capacité à écouter, à encadrer, à respecter. Parce qu’il ne s’agit pas d’un abandon mais d’un acte de responsabilité et d’humanité, je nous souhaite de parvenir enfin à les faire adopter. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)
Mme la présidente
La discussion générale commune est close.
Chers collègues, avant d’entamer la discussion des articles, je vous indique que, sur les deux textes, nous aurons 3 081 amendements à examiner, ce qui correspond à ce que nous avions en 2024 – la partie sur les soins palliatifs, par exemple, ayant, à l’époque, fait l’objet de 750 amendements, tandis que nous en avons, aujourd’hui 673. Il n’y a donc pas de différence notable, et je ne considère pas que ce texte fasse l’objet de manœuvres d’obstruction. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes DR et UDR.)
J’attends, comme en 2024, que les débats soient le plus apaisés possible, le plus respectueux possible des convictions des uns et des autres Chaque conviction est respectable, et cet hémicycle est le lieu du débat organisé. J’entends que chacun, quelles que soient ses convictions, soit à la hauteur d’un débat que les Français attendent. (Applaudissements.) Sachez que j’y veillerai personnellement, et je sais que je peux compter sur vous.
Discussion des articles (proposition de loi relative à l’accompagnement et aux soins palliatifs)
Mme la présidente
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi relative à l’accompagnement et aux soins palliatifs.
Article 1er
Mme la présidente
Nous commençons par les inscrits sur l’article 1er.
Laparole est à M. Robert Le Bourgeois.
M. Robert Le Bourgeois
Le sort réservé aux morts et aux mourants est toujours le miroir de notre vie en société, et force est d’admettre que nous avons failli, depuis trop d’années, à accompagner chaque personne, notamment les personnes en fin de vie.
La question que nous posent ce texte et celui sur l’aide à mourir, c’est au fond celle de la société que nous voulons ériger et transmettre. Serons-nous, pour les générations futures, la société qui aura sacrifié le soin, l’accompagnement, l’attention aux plus vulnérables, au profit d’une liberté individuelle, synonyme de déresponsabilisation par rapport au monde et à autrui ?
Je sais combien ces questions recouvrent des situations infiniment délicates et complexes ; je sais combien la peur de la mort, du corps qui faiblit ou de la dépendance peut animer cette volonté de se retirer définitivement ; mais je sais tout aussi bien que l’accompagnement des plus fragiles et le développement des soins palliatifs sont la plus grande réponse que peut apporter notre société, la réponse d’un pays qui ne capitule pas face au manque de moyens criants dont souffre notre système de santé, d’un pays qui ne renonce pas à soigner ni à accompagner jusqu’au bout les plus vulnérables d’entre nous, d’un pays qui ne justifie pas une telle rupture anthropologique par des arguments budgétaires ou économiques, degré ultime du cynisme.
Je tiens à dire mon soutien aux soignants, singulièrement à ceux qui travaillent en soins palliatifs, majoritairement opposés à l’euthanasie. Les conditions difficiles dans lesquelles ils exercent leur métier auraient pu les pousser à voir dans l’euthanasie une solution à une partie de leurs problèmes. Il n’en est absolument rien : leur détermination à soigner et à accompagner jusqu’au bout devrait nous convaincre de faire des soins palliatifs plutôt que de l’euthanasie la véritable solution.
J’en terminerai par ces mots de la philosophe Simone Weil : « Il y a une obligation envers tout être humain du seul fait qu’il est un être humain, sans qu’aucune condition ait à intervenir, et quand même lui n’en reconnaîtrait aucune. » (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. François Ruffin.
M. François Ruffin
Toutes les Françaises, tous les Français, doivent avoir accès, sur le fil de leur vie, aux soins palliatifs, pour entrer dans la mort avec une moindre douleur, une moindre douleur physique, une moindre douleur psychologique. Or, dans notre pays, dix-neuf départements sont encore totalement dépourvus de services de soins palliatifs, et la moitié des malades qui devraient y avoir accès ne le peuvent. Donc oui à des services de soins palliatifs partout, oui à des moyens pour ces soins – je vous le dis pourtant avec inquiétude et scepticisme, puisqu’on nous promet qu’à l’automne on taillera à la hache dans les budgets.
Au-delà des moyens, au-delà des milliards, les soins palliatifs doivent surtout irriguer tout l’hôpital, tout le corps médical et paramédical et ne pas être cantonnés aux seuls spécialistes, aux seules USP. Les professionnels que nous avons rencontrés ont regretté que leurs collègues n’aient pas la culture des soins palliatifs. Dans les formations universitaires, sur les dix ans d’études de médecine, les heures consacrées aux soins palliatifs se comptent sur les doigts d’une main – c’est légèrement plus chez les paramédicaux, les infirmiers, les aides-soignantes ou les kinés. C’est pourquoi, ce matin, un urgentiste a lancé un appel à une formation des médecins moins technique et plus humaniste, plus humaniste de la naissance à la mort. (Mme Danielle Simonnet et M. Stéphane Peu applaudissent.)
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
Je n’étais pas présent dans l’hémicycle mais j’ai pu écouter la discussion générale – je remercie notamment La Chaîne parlementaire qui retransmet de façon large nos débats. Deux éléments m’ont frappé dans les arguments qui ont été développés. D’abord, nous sommes quasiment unanimes à reconnaître que, depuis des décennies, notre pays, la République, l’État ont failli collectivement en matière de soins palliatifs. C’est bien pour cette raison que nous sommes amenés à légiférer, la gauche insistant cependant sur les aspects budgétaires de la question – nous aurons l’occasion d’y revenir.
L’article 1er me conforte en tout cas d’emblée dans l’idée que ce que nous devons faire aujourd’hui c’est ce que nos prédécesseurs n’ont pas fait. En ce sens, il signe un échec collectif.
En second lieu, j’aimerais m’arrêter sur l’alinéa 10 de l’article 1er, aux termes duquel « l’accompagnement et les soins palliatifs ne visent ni à hâter, ni à différer la survenance de la mort ». À nos collègues qui arguent que l’euthanasie et le suicide assisté ne font qu’offrir à ceux qui le souhaitent un nouveau droit, sans aucune incidence, cet alinéa apporte au contraire la preuve que, désormais, il nous faudra prévoir des garde-fous, y compris lorsque nous légiférerons sur d’autres politiques publiques, car la seconde proposition de loi change de façon profonde la nature du code de la santé publique.
Mme la présidente
Nous en venons aux amendements.
Je suis saisie de deux amendements, nos 114 et 233, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement no 114.
M. Xavier Breton
Cet amendement de M. Fabien Di Filippo vise à clarifier la notion d’accompagnement introduite dans l’article 1er, pour préciser l’articulation entre soins palliatifs et accompagnement, dans la mesure où l’on peut se demander si ce dernier fait partie des soins palliatifs ou s’il leur est extérieur, ce qui peut être source de confusion sur ce qui va être proposé aux patients et les modalités de leur prise en charge.
C’est pour cela que l’amendement tend à supprimer les alinéas qui mêlent ces deux notions, pour n’en conserver qu’une, précise, claire, reconnue de manière unanime : celle de soins palliatifs.
Mme la présidente
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 233.
M. Patrick Hetzel
Il va dans le sens de celui qui vient d’être excellemment défendu par notre collègue Breton. L’ajout du terme d’accompagnement à celui de soins palliatifs entretient une confusion en dissociant deux aspects qui font corps. Cela risque même de réduire la portée et la compréhension des soins palliatifs, dont l’objectif est précisément d’entourer la personne jusqu’à la fin de sa vie.
Il est juste et cohérent, sur le plan médical comme éthique, de ne retenir que l’expression englobante de soins palliatifs qui permet d’appréhender à 360 degrés l’ensemble de ces soins. Toutes celles et ceux qui pratiquent les soins palliatifs y incluent en effet l’accompagnement.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Vidal, rapporteure
Nous avons déjà eu ce débat ici l’an dernier, ainsi qu’en commission. L’objet de l’article 1er est de donner une assise législative à l’accompagnement et aux soins palliatifs sur la base de la définition de l’OMS.
Initialement, dans le projet de loi, nous ne parlions que de l’accompagnement. Je comprends que l’an dernier, lorsque nous en avions discuté, des inquiétudes aient pu naître sur ce que pouvait revêtir la notion d’accompagnement, parce qu’il n’y avait qu’un texte.
La proposition de loi parlait, elle, de soins palliatifs et d’accompagnement, sous-entendant que l’accompagnement était un soin. C’est pourquoi j’ai proposé, en commission, que nous distinguions l’accompagnement, qui n’est pas un soin, des soins palliatifs.
Ce choix respecte d’ailleurs le parallélisme des formes, puisqu’il se calque sur l’appellation de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (Sfap), les soins palliatifs relevant de la technicité médicale, tandis que l’accompagnement est plus englobant. C’était aussi la proposition du rapport remis par le professeur Chauvin en 2023.
Cette terminologie permet donc de trouver un équilibre entre la dimension purement médicale et celle d’accompagnement qui la dépasse par la prise en compte, notamment, de l’entourage du patient.
Je demande en conséquence le retrait de ces amendements. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
C’est le même que celui de Mme la rapporteure, mais je souhaite revenir à la question posée par M. Hetzel, qui faisait allusion à la définition de l’OMS.
La rédaction de la proposition de loi se rapproche de la définition in extenso donnée par l’OMS : « Les soins palliatifs cherchent à améliorer la qualité de vie des patients et de leur famille, face aux conséquences d’une maladie potentiellement mortelle, par la prévention et le soulagement de la souffrance, identifiée précocement et évaluée avec précision, ainsi que le traitement de la douleur et des autres problèmes physiques, psychologiques et spirituels qui lui sont liés. Les soins palliatifs procurent le soulagement de la douleur et des autres symptômes gênants, soutiennent la vie et considèrent la mort comme un processus normal, n’entendent ni accélérer ni repousser la mort, intègrent les aspects psychologiques et spirituels des soins aux patients, proposent un système de soutien pour aider les patients à vivre aussi activement que possible jusqu’à la mort, offrent un système de soutien qui aide la famille à tenir pendant la maladie du patient et leur propre deuil, utilisent une approche d’équipe pour répondre aux besoins des patients et de leurs familles en y incluant si nécessaire une assistance au deuil, peuvent améliorer la qualité de vie et influencer peut-être aussi de manière positive l’évolution de la maladie, sont applicables tôt dans le décours de la maladie, en association avec d’autres traitements pouvant prolonger la vie, comme la chimiothérapie et la radiothérapie, et incluent les investigations qui sont requises afin de mieux comprendre les complications cliniques gênantes et de manière à pouvoir les prendre en charge ».
L’article 1er s’appuie sur une approche plus médicalisée de la douleur, mais qui intègre aussi l’interdisciplinarité de l’équipe intervenant autour de la personne malade et de son entourage. Tout cela va donc dans le sens de ce que M. Hetzel demande.
Mme la présidente
La parole est à M. René Pilato.
M. René Pilato
J’irai dans le sens de Mme la rapporteure et de Mme la ministre. Le soin palliatif s’appuie sur une approche curative, donc médicamenteuse, mais nous avons déjà suffisamment discuté de ce texte pour savoir qu’il y a autre chose, notamment l’accompagnement – je pense par exemple aux activités sportives. C’est un tout avec le curatif, certes, mais aussi le soulagement psychologique pour permettre au patient d’accéder au bien-être que les médicaments ne garantissent pas toujours.
Mme la présidente
La parole est à M. Christophe Bentz.
M. Christophe Bentz
Permettez-moi d’abord, madame la présidente, de souhaiter, comme vous l’avez fait vous-même, que nos débats se déroulent dans le respect des convictions de chacun, et de manière apaisée, comme ce fut le cas en commission.
C’est un débat important sur la notion fondamentale d’accompagnement. Pour nous, la définition est claire et précise : l’accompagnement c’est tout ce qui entoure la palette de soins du corps et de la vie, soit les soins précoces, les soins de supports et de confort, ainsi que les soins palliatifs. Ni plus, ni moins.
À notre sens, votre définition, madame la ministre, est un peu plus confuse et un peu plus flou. Ma question est donc précise : prévoyez-vous que l’aide à mourir, pour reprendre vos termes – le suicide assisté, ou l’euthanasie, suivant les nôtres et l’administration d’une substance létale, suivant les termes du texte – fasse partie de l’accompagnement ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre
En un mot, monsieur Bentz, et on se rajeunit d’une année, la réponse est non.
(Les amendements nos 114 et 233, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
L’amendement no 128 de M. Patrick Hetzel est défendu.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Vidal, rapporteure
Pour les mêmes raisons que celles que j’ai développées précédemment, j’émets un avis défavorable.
(L’amendement no 128, repoussé par le gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Justine Gruet, pour soutenir l’amendement no 13.
Mme Justine Gruet
Nous avons été confrontés en commission, comme l’année dernière, à des difficultés sémantiques. Afin de rassurer les soignants, d’encadrer les pratiques et afin que le législateur joue tout son rôle, nous avons déjà supprimé le terme « soin » devant le mot « accompagnement » pour qu’il ne se limite pas au champ médical. Cet amendement propose de définir et de distinguer clairement trois termes : l’accompagnement, l’aide à mourir et l’aide active à mourir, tout comme nous avons défini auparavant les soins palliatifs.
Cette clarification terminologique apaisera les débats, assurera la lisibilité du texte, sécurisera les professionnels dans leur pratique et assurera la compréhension des patients et des familles dans des situations où il est nécessaire de bien connaître le sens des mots.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Vidal, rapporteure
Vous souhaitez inclure dans l’article 1er la définition de l’aide à mourir et de l’aide active à mourir. Nous avons beaucoup discuté en commission et vous savez combien je suis attachée à définir clairement ces termes. Je souhaite surtout que nous distinguions bien les termes que nous utilisons, en particulier en ce qui concerne l’aide à mourir et le recours à une substance létale, si un droit était voté en la matière.
Nous reprendrons ce débat lorsque nous étudierons la seconde proposition de loi. Nous devons nous imposer la règle de ne traiter dans ce premier texte que ce qui concerne l’accompagnement et les soins palliatifs.
M. Thibault Bazin
C’est très bien cette étanchéité.
Mme Annie Vidal, rapporteure
Par ailleurs, l’adoption de votre amendement écraserait les alinéas 4 à 14 qui visent à donner une assise législative, fondée sur la définition de l’OMS, à l’accompagnement et aux soins palliatifs. Ce faisant, tout le travail réalisé en commission serait perdu. Avis défavorable.
Mme la présidente
Je vous informe que je suis saisie de deux demandes de scrutin public : sur l’amendement no 234, par le groupe Droite républicaine, et sur l’amendement no 680, par le groupe Horizons & indépendants
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Nous avons maintenant deux textes, ce dont un certain nombre d’entre vous se sont réjouis. Dans ce premier texte, il n’est donc pas question d’aide à mourir. C’est pourquoi, en reprenant à mon compte l’ensemble des éléments qui viennent d’être développés par Mme la rapporteure, j’émets un avis totalement défavorable.
Mme la présidente
La parole est à Mme Justine Gruet.
Mme Justine Gruet
C’était un amendement d’appel que je vais retirer pour ne pas créer de difficulté et parce que je suis attachée à ne pas ouvrir de passerelle entre ces deux textes. Il faudra cependant être capable de mieux définir les termes, afin de sécuriser les pratiques des soignants.
(L’amendement no 13 est retiré.)
Mme la présidente
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 234.
M. Patrick Hetzel
L’objectif de cet amendement est de mieux définir l’accompagnement, en complétant ainsi l’alinéa 5 de l’article 1er : « L’accompagnement a pour objectif de lutter contre la solitude et l’isolement des personnes en fin de vie. Il témoigne de l’importance accordée par la République française à tous les citoyens en fin de vie. Il est notamment permis par l’engagement des bénévoles mentionnés à l’article L. 1110-11 du code de la santé publique ». Nous insistons ainsi également sur la place des bénévoles.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Vidal, rapporteure
La rédaction, quoiqu’intéressante, alourdirait considérablement le texte. L’isolement est certes un sujet majeur…
M. Jérôme Nury
Définissez-le !
Mme Annie Vidal, rapporteure
… mais il est bien couvert par l’accompagnement et les soins palliatifs qui visent une prise en charge globale.
Quant à la mention de « l’importance accordée par la République française », elle me semble bavarde et déclamatoire…
M. Thibault Bazin
C’est important la République française !
Mme Annie Vidal, rapporteure
… d’autant que l’importance que la République française accorde à l’accompagnement et aux soins palliatifs s’exprime clairement dans la stratégie décennale des soins d’accompagnement.
Enfin, les bénévoles sont mentionnés à l’alinéa 11 : il ne me paraît pas pertinent de citer l’ensemble des acteurs à chaque alinéa ou chaque article.
Demande de retrait ; ou à défaut, avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Même avis. Le dernier point de l’alinéa 11 indique déjà que « les bénévoles mentionnés à l’article L. 110-11 peuvent intervenir en appui de l’équipe pluridisciplinaire », ce qui permet la reconnaissance du rôle de ces acteurs.
Mme la présidente
La parole est à M. Hadrien Clouet.
M. Hadrien Clouet
Cette intervention rapide vaudra pour l’ensemble des amendements qui visent à définir l’accompagnement, afin que chacun sache quelle est la position du groupe de La France insoumise sur ce sujet.
Je suis étonné par la logique à laquelle obéissent plusieurs de ces amendements : l’accompagnement n’étant pas prévu par le droit, il faudrait ne pas y faire référence dans le texte. C’est tout le contraire ! Adopter le texte nous fournira une base légale à partir de laquelle développer une définition plus stabilisée de l’accompagnement.
Il n’est pas vrai qu’il n’est fait aucun usage du terme. Il est employé par le ministère de la santé dans diverses publications officielles, dans des publications de syndicats de soignants ou encore de sociétés savantes. Le terme n’a donc pas été inventé et n’a pas surgi au cours du débat. Il est le résultat d’une construction progressive avec les soignants, les praticiens et les professionnels des secteurs concernés.
C’est à elle et c’est à eux de nous indiquer quelles sont les dynamiques d’accompagnement pertinentes pour le public, plutôt qu’à nous de définir exactement la nature des activités qu’on voudrait y inclure. On les connaît : entretiens individuels, groupes de parole, suivi diététique ou nutritionnel, activités physiques adaptées… C’est un ensemble d’actions qui ont pour seul objectif de répondre aux questionnements ou de soulager les angoisses ou les inconforts liés à la maladie.
Une fois le débat posé en ces termes, l’amendement n’apporte rien. Il est bavard, ne traite pas du fond, ajoute des éléments et bloque les évolutions dont nous pourrions décider collectivement.
Nous soutiendrons toute mention de l’accompagnement en plus des soins palliatifs. Cette évolution est attendue partout, par les syndicats ou les sociétés savantes, comme elle l’est chez nos voisins car il est faux de prétendre que cette question ne se pose qu’en France. Ne manquons pas ce rendez-vous !
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 234.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 102
Nombre de suffrages exprimés 102
Majorité absolue 52
Pour l’adoption 48
Contre 54
(L’amendement no 234 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo, pour soutenir l’amendement no 680.
Mme Agnès Firmin Le Bodo
Nos débats ne font que démontrer à quel point « soins d’accompagnement » dans la rédaction originale englobait tout ce que nous venons d’évoquer. L’amendement vise à réintroduire dans le texte la notion de « soins d’accompagnement », historiquement utilisé en France, en plus de celle de « soins palliatifs », qu’il ne s’agit pas d’éluder.
La notion recouvre l’ensemble des soins qui visent à prévenir et soulager les symptômes physiques, psychologiques, sociaux et spirituels, à n’importe quelle étape du parcours de soins. Les soins d’accompagnement incluent notamment la prise en charge de la douleur, la nutrition, le soutien psychologique, la réadaptation fonctionnelle et sociale, le soutien des proches et l’amélioration globale de la qualité de vie. Ils se distinguent des soins palliatifs au sens strict, lesquels interviennent dans les phases avancées ou terminales de la maladie.
Cet ajout permet d’aligner la législation française sur les standards internationaux dont parlait M. Hetzel, notamment ceux de l’OMS, et de prendre en considération le travail pluridisciplinaire des équipes de soins de support.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Vidal, rapporteure
L’avis est défavorable, pour les raisons déjà évoquées. La commission s’est mise d’accord pour « l’accompagnement et les soins palliatifs ». Plusieurs des interventions sont allées en ce sens, validant de fait ce choix.
La rédaction que vous proposez s’intègre mal au texte, résultant en une phrase trop lourde, qui engendre plus de confusion qu’autre chose.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Même avis. La définition retenue intègre la notion d’accompagnement, c’est pourquoi cette précision nous semble superfétatoire.
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Juvin.
M. Philippe Juvin
La Sfap préconise de s’en tenir à « accompagnement et soins palliatifs » pour rester aligné sur les définitions internationales et éviter les confusions. Nous voulons tous, sur tous les bancs, développer les soins palliatifs, mais comme n’importe quelle science, ils ne se développeront qu’en relation, qu’en discutant avec les autres sciences dans le monde.
M. Patrick Hetzel
Très bien !
M. Philippe Juvin
Si nous commençons à avoir nos propres définitions, nous irons au-devant de graves déboires.
M. Thibault Bazin
Il a raison !
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Rousseau.
Mme Sandrine Rousseau
Bien sûr, les réécritures du texte satisfont en partie l’amendement, mais il reste important, car il permet d’intégrer non seulement les soins de fin de vie aux soins d’accompagnement, mais aussi l’ensemble des soins d’accompagnement pour les maladies chroniques ou les maladies neurodégénératives. Nous aurons sûrement des débats houleux lors de l’examen de la proposition de loi sur la fin de vie, notamment quand il sera question de douleur et de soin dans une démarche englobante pour les personnes atteintes de telles maladies. L’amendement, malgré les difficultés rédactionnelles évoquées, reste important.
Mme la présidente
La parole est à M. Hadrien Clouet.
M. Hadrien Clouet
Par souci de cohérence, nous voterons en faveur de l’amendement– comme nous l’avons fait l’année dernière, en commission ou en séance, et comme nous l’avons fait il y a quelque semaine en commission. Le groupe La France insoumise a pour objectif de faire reconnaître l’accompagnement comme un composante essentiel pour la qualité de vie et le confort du patient. Parler de « soins d’accompagnement », c’est-à-dire reconnaître que l’accompagnement participe du soin prodigué au patient, nous semble un pas supplémentaire, que nous soutiendrons en votant l’amendement. Nous nous battrons pour défendre la référence à l’accompagnement – c’est un minumum – et, au mieux, aux soins d’accompagnement.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Je me permets de me référer directement au texte de la proposition de loi. Son alinéa 5 débute par les mots suivants : « L’accompagnement et les soins palliatifs garantissent le droit fondamental à la protection de la santé mentionné à l’article L. 1110-1. » Il respecte les recommandations de la Sfap.
La rédaction proposée par l’amendement donnerait au mot près : « L’accompagnement et les soins palliatifs, soins d’accompagnement […] ». L’accompagnement serait mentionné deux fois. Ce n’est pas très lisible.
Mme Sandrine Rousseau
D’accord, mais ça n’est pas vraiment le sujet !
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 680.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 111
Nombre de suffrages exprimés 74
Majorité absolue 38
Pour l’adoption 26
Contre 48
(L’amendement no 680 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille, pour soutenir l’amendement no 464.
M. Cyrille Isaac-Sibille
C’est un amendement réaliste : comment garantir quelque chose qui nécessite une stratégie décennale pour être appliqué ? Il est préférable d’écrire par exemple « mettre en œuvre » plutôt que « garantir ».
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Vidal, rapporteure
Il est toujours question de l’alinéa 5, selon lequel l’accompagnement et les soins palliatifs garantissent le droit fondamental à la protection de la santé ainsi que la prise en charge du patient. Vous voulez remplacer « garantissent » par « mettent en œuvre ». L’idée de garantie était le résultat de la discussion parlementaire de l’année dernière. Vous êtes nombreux à y être attachés, mais à titre personnel, je ne la trouve pas nécessaire. Ce n’est pas en écrivant « garantir » que nous rendrons l’accès effectif, mais par la mise en œuvre des moyens.
C’est exactement ce que nous faisons avec la stratégie décennale, laquelle prévoit une augmentation de 66 % du budget alloué à l’accompagnement. Ce n’est pas rien. Cela permettra de faire de nombreuses choses. La « mise en œuvre » a une dimension opérationnelle qui me plaît, j’y suis donc favorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Même avis. S’il y a un point qui fait l’unanimité dans l’hémicycle, c’est bien d’aller plus loin dans la mise en œuvre. Écrivons-le.
(L’amendement no 464 est adopté ; en conséquence, les amendements nos 78, 605, 701, 733, 579, 458, 18 et 352 tombent.)
Mme la présidente
Je suis saisie de trois amendements, nos 24, 129 et 407, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 24 et 129 sont identiques.
La parole est à Mme Sylvie Bonnet, pour soutenir l’amendement no 24.
Mme Sylvie Bonnet
Cet amendement, de notre collègue Fabrice Brun, vise à renforcer le statut des soins palliatifs en les intégrant au droit à la protection de la santé qui a valeur constitutionnelle.
Mme la présidente
L’amendement no 129 de M. Patrick Hetzel est défendu.
La parole est à Mme Sandrine Dogor-Such, pour soutenir l’amendement no 407.
Mme Sandrine Dogor-Such
Il s’agit d’un amendement de précision : insérer après le mot « santé », à la première phrase de l’alinéa 5, « conformément au préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ». Il s’agit de rappeler le fondement constitutionnelle de la protection de la santé.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Vidal, rapporteure
Ces trois amendements souhaitent introduire une référence au préambule de la Constitution de 1946, laquelle dispose que la nation « garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs ». C’est une disposition constitutionnelle très précieuse, mais vous savez comme moi que la référence que vous proposez est purement déclamatoire et qu’elle n’a donc pas sa place dans la loi. Il est heureux que nous n’ayons pas à préciser qu’une loi respecte la Constitution. Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Même avis. Les soins palliatifs constituent effectivement un soin. Dès lors, ils participent pleinement de l’objectif constitutionnel de protection de la santé, sans qu’il soit besoin de le préciser dans le texte.
(Les amendements identiques nos 24 et 129 ne sont pas adoptés.)
(L’amendement no 407 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Christophe Bentz, pour soutenir l’amendement no 391.
M. Christophe Bentz
Si nous nous réjouissons qu’il y ait deux votes sur chacune des deux propositions de loi, nous regrettons qu’il y ait eu une discussion générale commune. Il s’agit de l’un des éléments – il y en a d’autres – qui prouvent que la séparation entre les deux textes est en quelque sorte artificielle et qu’il y a encore entre eux beaucoup trop de porosité.
L’amendement vise à assurer l’étanchéité entre les deux textes. Puisque nous modifions la définition des soins palliatifs et de l’accompagnement, puisque Mme la ministre m’a répondu, et je l’en remercie, qu’il n’y aurait pas d’administration de substance létale dans les soins d’accompagnement, l’amendement propose de l’inscrire dans la loi, pour plus de clarté et de transparence. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Vidal, rapporteure
Cher collègue, nous avons déjà évoqué ces points en commission. Je vous ai dit à plusieurs reprises que c’est précisément pour éviter toute confusion entre accompagnement et soins palliatifs d’un côté, et aide à mourir de l’autre, que le texte de 2024 était scindé en deux. Il est évident que l’accompagnement et les soins palliatifs n’ont pas pour intention de donner la mort, comme cela a été précisé à l’alinéa 10 : « L’accompagnement et les soins palliatifs ne visent ni à hâter, ni à différer la survenance de la mort. » Je serai défavorable à tous les amendements qui veulent mentionner dans ce texte l’aide à mourir, la substance létale, l’euthanasie ou encore le suicide assisté. J’espère que je n’aurai pas à le répéter trop souvent. Nous débattrons de ces sujets, mais pas durant l’examen de cette proposition de loi. Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Monsieur Bentz, je confirme ce que j’ai dit tout à l’heure. Puisque vous êtes un législateur affûté, vous savez sans doute que produire la loi revient généralement à produire du droit positif : on intègre à la loi uniquement ce qu’elle vise. Faute de quoi, on aboutirait à un catalogue.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Comme vient de le rappeler la rapporteure, il est précisé à l’alinéa 10 de l’article 1er que « l’accompagnement et les soins palliatifs ne visent ni à hâter ni à différer la survenance de la mort. »
Mme Catherine Vautrin, ministre
Pour cette raison, je suis défavorable à votre amendement.
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
La discussion qui vient d’avoir lieu est très intéressante et montre dans quoi on s’engage si le second texte est adopté. Je relève d’ailleurs une contradiction entre ce qu’a dit la rapporteure et ce qu’a dit la ministre : d’un côté, on nous indique qu’on veut scinder complètement les deux textes, mais je comprends que l’alinéa 10 a été introduit par voie d’amendement en commission. Les collègues qui sont membres de la commission des affaires sociales se sont sentis obligés d’écrire que « l’accompagnement et les soins palliatifs ne visent ni à hâter ni à différer la survenance de la mort. » Or ce n’est pas exactement ce qu’a dit la ministre.
M. Charles Sitzenstuhl
L’amendement no 391, qu’on peut considérer comme étant un amendement d’appel, montre bien que si le texte sur l’euthanasie et le suicide assisté est adopté par le Parlement, nous aurons désormais, lorsque nous légiférerons à tout sujet relatif à la santé publique, à envisager les conséquences de nos décisions en matière de mort.
M. Charles Sitzenstuhl
Je m’adresse notamment aux collègues qui nous expliquent que l’euthanasie est en réalité sans effet sur nos politiques publiques de santé et sans effet sur le code de la santé publique : c’est faux et nous tenons là un exemple leur donnant tort.
M. Charles Sitzenstuhl
À plusieurs reprises, nous pourrons vérifier qu’elle entraînera une modification profonde de l’état de notre droit.
M. Alexandre Portier
Très juste.
Mme la présidente
La parole est à M. Patrick Hetzel.
M. Patrick Hetzel
La discussion de cet amendement montre bien toute l’ambiguïté qui persiste. Certes, nous avons salué l’existence de deux textes, mais il est tout de même problématique qu’aujourd’hui nous ne soyons pas certains qu’on ne considérera jamais le suicide assisté et l’euthanasie comme des soins palliatifs.
M. Patrick Hetzel
Certains évoquent des « soins ultimes », notion dont l’ambiguïté est réelle. Nous souhaitons qu’elle disparaisse et qu’il soit clair que le suicide assisté et l’euthanasie n’ont rien à voir avec les soins palliatifs.
M. Patrick Hetzel
Si les deux textes sont aussi distincts qu’on le dit, rien ne s’oppose à ce que cette clarification soit affirmée et à ce que soit rappelé que la pratique des soins palliatifs exclut toute administration de substance létale en tant que telle. (Mme Caroline Colombier applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Delautrette.
M. Stéphane Delautrette
Vous parlez d’ambiguïté, mais en réalité, c’est vous qui la cultivez.
Mme Catherine Vautrin, ministre
C’est exactement ça !
M. Stéphane Delautrette
Avec cet amendement, vous anticipez une discussion que nous aurons lors de l’examen de la proposition de loi sur l’aide à mourir, la discussion portant sur les lieux où cette aide peut être pratiquée. On sait votre opposition farouche à ce que l’aide à mourir puisse être pratiquée dans les unités de soins palliatifs.
M. Stéphane Delautrette
Avec cet amendement, vous cherchez à créer de la confusion entre ce que sont les soins palliatifs et ce que sera l’aide à mourir, en cherchant d’ores et déjà à interdire l’administration d’une substance létale dans une unité de soins palliatifs. Nous en débattrons lorsque nous examinerons l’autre texte, relatif à la fin de vie, mais ne laissez entendre à aucun patient admis en unité de soins palliatifs que son accompagnement pourrait comprendre l’administration d’une substance létale. Ce n’est pas la nature des soins palliatifs.
Mme la présidente
La parole est à M. René Pilato.
M. René Pilato
M. Bentz assume de refaire ce qu’il a fait en commission : il veut mélanger les deux textes, alors que l’intention du gouvernement était bien de les séparer pour améliorer l’existant.
M. Charles Sitzenstuhl
Les deux propositions de loi ont pourtant fait l’objet d’une discussion générale commune.
M. René Pilato
Nous, députés de la France insoumise, voulons rendre les soins palliatifs opposables et nous précisons la notion englobante d’accompagnement. Nous voulons donc un texte beaucoup plus solide et ambitieux en matière de soins palliatifs et nous étudierons ensuite le droit à l’aide à mourir.
M. René Pilato
Je rejoins à ce sujet mon collègue Delautrette : mélanger les deux textes, ce n’est pas sérieux. On nous a demandé de réfléchir sur la base de deux textes, c’est la commande du gouvernement. Nos réflexions portent donc sur deux textes !
M. Thibault Bazin
Ce serait bien la première fois que les insoumis obéissent au gouvernement !
M. René Pilato
Or vous voulez revenir sur la notion d’accompagnement, pour la supprimer, alors qu’elle confère au texte une portée plus grande que celle des dispositions existante. Vous introduisez plus de confusion dans les débats sur l’aide à mourir, car ce serait mentir que de prétendre qu’elle n’est pas possible au stade des soins palliatifs. D’abord, les soins palliatifs peuvent être dispensés au domicile et pas seulement dans une maison médicalisée ; ensuite, lorsque ces soins ne seront plus suffisants, le patient pourra exercer son droit à bénéficier des dispositions prévues par le second texte.
M. René Pilato
Ainsi, les deux textes sont complémentaires : ne les confondez pas !
Mme la présidente
La parole est à M. Christophe Bentz.
M. Christophe Bentz
Cher collègue Delautrette, contrairement à ce que vous avez affirmé, c’est le bon moment pour débattre. Nous ne devons pas attendre l’examen du deuxième texte, au contraire !
M. Christophe Bentz
Cher collègue Pilato, vous dites que je veux mélanger les deux textes. Non ! Ils sont déjà mélangés !
M. René Pilato
Non !
M. Christophe Bentz
Une ambiguïté se fait donc jour. Pourquoi ? Parce qu’une inversion sémantique a eu lieu – le débat est toutefois plus profond qu’un débat sémantique. L’aide à mourir, ce sont précisément les soins palliatifs et l’accompagnement, c’est-à-dire l’accompagnement de la personne humaine jusqu’à la fin.
Mme Justine Gruet
Exactement !
M. Christophe Bentz
C’est donc vous, les partisans du texte relatif à l’aide à mourir, qui avez volontairement mélangé ces notions, à tel point qu’on a perdu les Français. J’en veux pour preuve un exemple : au début du mois d’avril dernier, ceux-ci ont été sondés sur leur connaissance des définitions et différences entre aide à mourir, euthanasie et suicide assisté et au total, 89 % d’entre eux les ignorent ou répondent approximativement.
(L’amendement no 391 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Sur l’amendement no 604, je suis saisie par le groupe Horizons & indépendants d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Mme la présidente
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 203.
M. Patrick Hetzel
Il tend à rapprocher la définition des soins palliatifs retenue dans ce texte de celle que propose l’OMS. Je propose donc que l’alinéa 5 de l’article 1er soit ainsi rédigé : « Les soins palliatifs préviennent et soulagent la douleur physique et la souffrance psychique des personnes atteintes d’une affection grave. »
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Vidal, rapporteure
En commission, nous avons déjà proposé une réécriture de cet alinéa, afin de préciser que les soins palliatifs « sont destinés aux personnes de tout âge en souffrance du fait de leur état de santé affecté par une ou plusieurs maladies graves et, en particulier, aux personnes approchant de leur fin de vie. »
Mme Annie Vidal, rapporteure
Je pense donc que votre demande est satisfaite. Vous proposez une réécriture de l’alinéa 5 qui ne reprendrait pas la notion d’accompagnement, mais je suis opposée à cette suppression, ce que j’ai déjà eu l’occasion de vous dire.
Mme Annie Vidal, rapporteure
Enfin, la définition que vous donnez me semble ni nécessaire ni satisfaisante, puisque nous avons déjà travaillé à une rédaction avec les acteurs concernés. Vous faites par exemple mention de la douleur, alors qu’elle est évoquée à l’alinéa 7 de l’article 1er. Je vous invite donc à retirer votre amendement.
(L’amendement no 203 est retiré.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo, pour soutenir l’amendement no 604.
Mme Agnès Firmin Le Bodo
Il tend à clarifier l’alinéa principal de l’article en affirmant que les soins palliatifs doivent être non seulement destinés, mais aussi adaptés aux personnes concernées. À ce sujet, je me permets d’évoquer les soins palliatifs pédiatriques, dont on parle assez peu.
Mme Agnès Firmin Le Bodo
L’adaptation des soins palliatifs à l’âge des patients est une notion importante. Son évocation dans le texte de l’article renforce l’universalité et la personnalisation de la prise en charge, sans créer de complexité supplémentaire. Elle permet par conséquent de supprimer l’alinéa 6, plus restrictif, car son contenu est intégré et étendu dans l’alinéa principal.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Vidal
L’amendement vise à apporter une précision intéressante. La question des soins palliatifs en pédiatrie est extrêmement importante et prégnante et les acteurs que nous avons auditionnés l’ont confirmé.
Mme Annie Vidal
Mon avis est donc favorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Notre avis est favorable, pour les mêmes raisons, et parce que l’adoption de cet amendement permettrait de fusionner les alinéas 5 et 6.
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
Vous offrez une transition à mon intervention, qui portait sur l’alinéa 6, relatif au handicap. Le développement des soins palliatifs pédiatriques est un enjeu, mais il faut aussi – c’est peut-être encore un impensé de la stratégie décennale des soins d’accompagnement – travailler sur la prise en charge de la douleur des personnes en situation de handicap. Chez elles, l’expression de la douleur peut être plus compliquée et nous devons nous saisir de ce constat : il est donc dommage de faire disparaître la mention de ces patients.
M. Thibault Bazin
L’alinéa 5 comporte encore un écueil, car il comporte les mots suivants : « et en particulier aux personnes en fin de vie ». Le juriste dont Jérôme Guedj a été l’élève lui disait qu’il fallait éviter les locutions adverbiales « et en particulier » et « notamment » et si les soins palliatifs font l’objet d’une conviction profonde, c’est qu’ils ne concernent pas seulement les personnes en fin de vie.
M. Thibault Bazin
D’ailleurs, 60 % des personnes admises en unité de soins palliatifs n’y décèdent pas : elles peuvent revenir à leur domicile ou être transférées vers d’autres établissements.
M. Thibault Bazin
Il est important de ne faire aucune confusion entre fin de vie et soins palliatifs à l’alinéa 5, car les soins palliatifs peuvent être prodigués au stade précoce ou à tout autre stade d’une maladie et les patients peuvent en avoir besoin à un moment et pas à un autre : ces soins ne sont pas synonymes de fin de vie.
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
L’amendement no 604 est intéressant, car il tend à clarifier la rédaction de l’article. Or nous aurons besoin de clarté dans les prochains jours. Je le soutiens et suis en cela l’avis de la rapporteure.
M. Charles Sitzenstuhl
Je tiens à répondre aux collègues de gauche qui ont soutenu plus tôt qu’il fallait dissocier totalement les deux textes, pour que notre débat ne se prolonge pas tout au long de la semaine. Il y a eu une discussion générale, dans la forme décidée par le gouvernement, et tout soutien de ce gouvernement que je suis, je m’étonne que ces deux textes aient fait l’objet d’une discussion générale commune.
M. Charles Sitzenstuhl
Ces deux propositions de loi feront peut-être l’objet de votes distincts, mais je constate qu’elles font l’objet d’une discussion générale commune. De fait, elles sont politiquement, et peut-être légistiquement, liées.
M. Charles Sitzenstuhl
Pour terminer, je relève qu’on trouve deux mentions de l’aide à mourir dans l’article 8 de la proposition de loi, à ses alinéas 4 et 6. On aura l’occasion de revenir sur ces mentions lors de l’examen de l’article 8, mais en tout cas, les deux propositions de loi sont liées et il ne faut pas prétendre le contraire.
Mme la présidente
Je précise que l’organisation d’une discussion générale commune a été décidée par la conférence des présidents, donc par les parlementaires et non pas par le gouvernement.
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Dogor-Such.
Mme Sandrine Dogor-Such
On a entendu qu’il fallait distinguer les deux textes, mais on reparlera de cette distinction quand on examinera l’article 8. Celui-ci tend à compléter le premier alinéa de l’article L. 632-1 du code de l’éducation par cette phrase : « Elles comprennent en effet une formation à l’accompagnement de la fin de vie, à l’approche palliative et à l’aide à mourir. »
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 604.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 107
Nombre de suffrages exprimés 106
Majorité absolue 54
Pour l’adoption 97
Contre 9
(L’amendement no 604 est adopté.)
Mme la présidente
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
2. Ordre du jour de la prochaine séance
Mme la présidente
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion de la proposition de loi relative à l’accompagnement et aux soins palliatifs ;
Suite de la discussion de la proposition de loi relative à la fin de vie.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra