Deuxième séance du mercredi 14 mai 2025
- Présidence de M. Roland Lescure
- 1. Accompagnement et soins palliatifs
- Suite de la discussion d’une proposition de loi
- Discussion des articles (suite)
- Article 8 (suite)
- Amendement no 665
- Mme Annie Vidal, rapporteure de la commission des affaires sociales
- Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles
- Amendements nos 74, 666, 549, 2, 89, 44, 206, 316, 411, 482, 3, 88, 123, 222, 255, 557, 683, 696, 710, 343, 567, 510, 299 et 697
- Rappel au règlement
- Article 8 (suite)
- Après l’article 8
- Amendement no 437
- Article 8 bis
- M. Julien Odoul
- Mme Karine Lebon
- Amendements nos 92, 124, 224, 260, 412, 454, 711 et 729
- M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales
- Article 8 ter
- M. Théo Bernhardt
- Amendement no 208
- Article 8 quater
- Article 9
- Amendement no 177
- Article 9 bis
- Amendement no 672
- Après l’article 9 bis
- Article 8 (suite)
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de M. Roland Lescure
vice-président
M. le président
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
1. Accompagnement et soins palliatifs
Suite de la discussion d’une proposition de loi
M. le président
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi relative à l’accompagnement et aux soins palliatifs (nos 1102, 1281).
Discussion des articles (suite)
M. le président
Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles de la proposition de loi, s’arrêtant à l’amendement no 665 à l’article 8. Il nous reste 437 amendements à examiner. Hier soir, nous avons traité presque trente amendements par heure. Si nous pouvions retrouver, voire dépasser ce rythme, ce serait très bien.
Article 8 (suite)
M. le président
La parole est à Mme Annie Vidal, rapporteure de la commission des affaires sociales, pour soutenir l’amendement no 665.
Mme Annie Vidal, rapporteure de la commission des affaires sociales
Je vous propose de supprimer les alinéas 2 et 3 de l’article 8. Même si je suis convaincue de la nécessité de renforcer la formation et de constituer des filières universitaires, je pense que la mention du diplôme d’études spécialisées (DES), introduite en commission des affaires sociales, n’est pas forcément de bon augure. Les professionnels n’y sont d’ailleurs pas favorables parce qu’ils considèrent que ce diplôme serait plutôt cantonné et ne permettrait pas de disposer de professionnels formés, en tout cas pas dans l’immédiat.
Par ailleurs, cette disposition est déjà prévue par la mesure 27 de la stratégie décennale des soins d’accompagnement. Il serait préférable de privilégier les formations spécialisées transversales qui sont moins confinées et seraient suivies par plus de professionnels, permettant ainsi d’en former beaucoup plus et beaucoup plus rapidement.
M. le président
La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, pour donner l’avis du gouvernement.
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles
L’article 8 vise à créer un diplôme d’études spécialisées en médecine palliative et en soins d’accompagnement. Le gouvernement est mobilisé pour développer cette filière universitaire qui n’en est qu’à ses débuts. Il faut d’abord renforcer le nombre d’enseignants capables de dispenser ces enseignements, puis poursuivre la formation de tous les praticiens à l’accompagnement et aux soins palliatifs, pour envisager dans un second temps la création d’un diplôme d’études spécialisées.
D’autre part, la création d’un tel diplôme relève largement du domaine réglementaire et non de la loi – je parle sous le contrôle d’un spécialiste de l’enseignement supérieur. C’est pourquoi je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.
M. le président
La parole est à M. Laurent Panifous.
M. Laurent Panifous
Soutenu par d’autres, j’ai fait adopter en commission un amendement visant à créer la filière universitaire et le diplôme d’études spécialisées (Mme Ségolène Amiot applaudit),…
M. Hadrien Clouet
Excellent, bravo !
M. Laurent Panifous
…c’est-à-dire une véritable spécialité en soins palliatifs. Cette proposition ne vient pas de nulle part : elle traduit un engagement du gouvernement dans la stratégie décennale – il s’agit de la mesure 27, comme la rapporteure vient de le rappeler.
Quant à l’argument selon lequel la création d’un diplôme relève du domaine réglementaire, il est peut-être juste mais je crois que c’est le cas de l’essentiel de ce texte. Cette proposition de loi est aussi une déclaration, elle illustre l’intention du législateur et du gouvernement d’engager les moyens nécessaires à l’organisation, au financement et au développement des soins palliatifs sur tout le territoire national. Si un élément est revenu systématiquement au cours des auditions, c’est bien le déficit de culture palliative et de formation palliative à tous les niveaux, jusqu’au médecin spécialiste.
Peut-être n’avons-nous pas participé aux mêmes auditions, mais j’ai entendu le corps médical affirmer que les soins palliatifs relèvent d’une vraie spécialité, comme la dermatologie.
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Absolument !
M. Laurent Panifous
Vouloir créer le diplôme d’études spécialisées en médecine palliative, c’est reconnaître ce métier comme une réelle spécialité et respecter l’engagement que nous avons pris depuis des jours, des semaines, des mois et même des années sur l’investissement que nous voulons réaliser dans les soins palliatifs. La commission a voté la création de la filière et du diplôme d’études spécialisées, c’est pourquoi il faut voter contre cet amendement qui vise à supprimer ces créations.
M. le président
La parole est à M. René Pilato.
M. René Pilato
On ne peut pas comprendre la proposition de supprimer une disposition qui a fait quasiment l’unanimité en commission et qui, comme l’a dit notre collègue Panifous, a été soutenue tout au long des débats. Nous voterons donc contre cet amendement de suppression.
M. le président
La parole est à Mme Nicole Dubré-Chirat.
Mme Nicole Dubré-Chirat
S’il faut en effet compléter la formation initiale, il faut surtout renforcer dès à présent la formation continue de tous les professionnels de santé. Si l’on veut instaurer une culture palliative pour accompagner les patients qui décèdent – pas uniquement dans le cadre des unités de soins palliatifs, d’ailleurs –, il est nécessaire et urgent de former massivement tous les professionnels de santé, dans le cadre de formations continues, plus courtes et plus accessibles afin qu’ils soient plus à même d’accompagner les patients.
M. le président
La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo.
Mme Agnès Firmin Le Bodo
Si l’on part du principe qu’on ne met dans la loi que ce qui relève strictement du domaine législatif, on peut réécrire tout ce que nous avons fait jusqu’à présent. Or nous sommes conscients que chacun d’entre nous a contribué à intégrer dans le texte des mesures de la stratégie décennale, en particulier la demande de formation initiale de toutes les professions médicales et paramédicales, y compris les aides-soignantes et les infirmiers.
La spécialité de médecine palliative a également été demandée, même si les professionnels sont divisés sur le sujet. En tout état de cause, développer une filière ne peut se faire que si l’on reconnaît des spécialistes de cette filière, notamment pour engager les jeunes et disposer de maîtres de stage. Ce qu’on a réussi à faire avec l’oncologie, on doit pouvoir le réaliser avec les soins palliatifs. C’est l’objet du DES, c’est pourquoi je pense qu’il est important de l’inscrire dans la loi.
(L’amendement no 665 n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de deux amendements, nos 74 et 666, pouvant être soumis à une discussion commune.
L’amendement no 74 de Mme Sylvie Bonnet est défendu.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 666.
Mme Annie Vidal, rapporteure
Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 74 ?
Mme Annie Vidal, rapporteure
J’en demande le retrait au profit du mien qui est pratiquement le même.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Je suis favorable à l’amendement no 666 et donc défavorable à l’amendement no 74.
M. le président
Le retirez-vous, monsieur Di Filippo ?
M. Fabien Di Filippo
Oui, c’est une question rédactionnelle.
(L’amendement no 74 est retiré.)
(L’amendement no 666 est adopté.)
M. le président
La parole est à M. Christophe Marion, pour soutenir l’amendement no 549.
M. Christophe Marion
Il reprend l’amendement no 546 que j’ai défendu dans l’après-midi et qui a été rejeté : peut-être n’ai-je pas été assez convaincant et je retente ma chance. L’article 8 issu de la commission prévoit, dans le cadre général des études de médecine, une formation à l’accompagnement d’un malade en fin de vie et à l’aide à mourir. Je propose que la mention de l’aide à mourir soit ajoutée aussi au diplôme d’études spécialisées, de sorte qu’il devienne un DES en médecine palliative, en soins d’accompagnement, et en aide à mourir. Cela serait cohérent avec le fait que cette mention figure dans le cadre général des études de médecine.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Vidal, rapporteure
Il est question d’un DES en médecine palliative et d’une filière universitaire sur l’accompagnement et les soins palliatifs. Ajouter la notion d’aide à mourir, dont le droit n’est pas encore voté au moment où nous parlons, ne me paraît pas pertinent. Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Avis très défavorable. Si deux textes sont examinés, c’est bien qu’ils traitent de deux sujets différents : les soins palliatifs et l’aide à mourir. Aujourd’hui, nous traitons des soins palliatifs, c’est pourquoi je ne souhaite pas introduire la précision que vous souhaitez dans ce texte.
M. le président
Le retirez-vous, monsieur Marion ?
M. Christophe Marion
Je le maintiens.
M. Hadrien Clouet
Il ne lâche rien ! De toute façon, nous l’aurions repris !
M. le président
La parole est à M. Yannick Monnet.
M. Yannick Monnet
Je ne suis pas vraiment favorable à cet amendement : cela me gênerait d’intégrer l’aide à mourir dans une formation. En effet, contrairement aux soins palliatifs, l’aide à mourir est certes un acte médical, mais ce n’est pas un soin.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Eh oui !
M. Yannick Monnet
Faut-il former à l’injection d’une substance létale ? L’acte ne sera-t-il réservé qu’aux professionnels formés à l’aide à mourir ? Cet amendement assimile trop l’aide à mourir à un soin, c’est pourquoi je n’y suis pas favorable.
M. le président
La parole est à Mme Élise Leboucher.
Mme Élise Leboucher
Nous, au contraire, allons soutenir cet amendement,…
M. Patrick Hetzel
Quelle surprise !
Mme Élise Leboucher
…parce que le diplôme d’études spécialisées a justement pour but d’aborder tous les scénarios possibles de la fin de vie, dont l’aide à mourir fait partie, si elle est adoptée. Ne pas voter cet amendement et ne pas inclure ce volet dans le programme de la formation, c’est laisser les soignants démunis face à une situation – la demande par un patient de recourir à l’aide à mourir – qu’ils connaissent déjà et qu’ils vont rencontrer de plus en plus dans leur vie professionnelle, si la loi suivante est adoptée.
Avoir abordé l’aide à mourir lors de leur formation n’obligera pas les soignants à la pratiquer. L’amendement ne remet donc pas en cause la clause de conscience. Au contraire, la formation leur permettra d’en prendre connaissance et de voir s’ils veulent l’appliquer. Il est important que les soignants confrontés à la fin de vie soient formés à l’aide à mourir, qu’elle soit ou non considérée comme un soin. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Ségolène Amiot
Elle est trop forte !
M. Hadrien Clouet
Il est vrai qu’elle est excellente !
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
La prise en charge palliative ne concerne pas que la fin de vie : 60 % des patients qui en ont besoin ne meurent pas. Il faut éviter d’introduire à cet endroit du texte le raccourci qui ferait de la prise en charge palliative une sorte de synonyme de la fin de vie.
M. Jean-François Coulomme
Mais non, ce n’est pas ça !
M. Thibault Bazin
L’absence de formations bien organisées et bien structurées aux soins palliatifs est une des raisons du manque de ressources humaines en la matière puisque, en toute logique, s’il y a peu de formations, il y a moins de personnes formées. Il faut garder l’objectif assez simple de rester dans le périmètre du soin. Avec les notions de prise en charge palliative précoce et d’accompagnement global, on ne parle pas que d’actes thérapeutiques mais on est dans une logique de soin.
Je rejoins les propos très justes de Yannick Monnet. L’administration de la substance létale pourra être le fait des patients eux-mêmes, s’ils sont en mesure de la pratiquer. Or ils n’auront pas suivi de formation. Un tel geste n’en nécessite d’ailleurs pas. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Karen Erodi
Ce n’est pas ça, le problème !
M. Sébastien Peytavie
La formation, ce n’est pas que ça !
M. Thibault Bazin
L’approche palliative relève d’une autre démarche et d’une autre logique. Introduire une confusion à cet endroit du texte fragiliserait l’ambition de développer les soins palliatifs.
M. le président
Nous allons essayer d’accélérer. Je considère que l’Assemblée sera suffisamment éclairée à l’issue des trois prochaines interventions. La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
Je suis opposé à cet amendement, ce qui ne surprendra pas ceux qui suivent les débats depuis le début de la semaine. Les arguments développés par notre collègue Leboucher m’étonnent un peu. Le bloc auquel elle appartient devrait faire preuve de cohérence. On ne peut pas avoir, d’un côté, M. Pilato – mais je vois qu’il n’est pas là, et il n’est pas bien de parler des gens en leur absence…
Plusieurs députés du groupe LFI-NFP
Si, il est là !
M. Charles Sitzenstuhl
Au temps pour moi, je ne l’avais pas vu.
M. le président
Concentrez-vous sur l’amendement, s’il vous plaît !
M. Charles Sitzenstuhl
Je parle de l’amendement !
M. le président
Pour l’instant, vous faites l’appel, ce qui relève plutôt de mon rôle !
M. Charles Sitzenstuhl
Il faut être cohérent. On ne peut pas avoir en même temps, d’un côté, M. Pilato qui, à plusieurs reprises depuis le début de la semaine, a assuré qu’il existait une séparation nette entre les deux textes assurant une étanchéité totale entre eux,…
M. Sébastien Peytavie
On n’a jamais dit ça !
M. Charles Sitzenstuhl
…qui a dit qu’il ne fallait pas les mélanger et qui a parfois reproché à certains de nos collègues de déjà évoquer le second texte et, d’un autre côté, Mme Leboucher qui explique combien il importe d’ajouter ce qui serait la troisième mention de l’aide à mourir dans un texte qui ne la concerne pas. (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Karen Erodi
C’est de la formation qu’il s’agit ici !
M. Charles Sitzenstuhl
Les arguments que vous développez depuis le début de semaine sont contradictoires et on voit la digue progressivement se fissurer. Votre raisonnement pour faire passer la pilule de l’euthanasie et du suicide assisté (« Oh là là », sur les bancs du groupe LFI-NFP) repose sur des artifices et vos arguments sont à géométrie variable.
M. le président
La parole est à Mme Sandrine Dogor-Such.
Mme Sandrine Dogor-Such
En commission comme en séance depuis le début de nos débats, nous avons déposé des amendements visant à exclure l’aide à mourir du texte en discussion. Même nos collègues d’en face ont dit, en commission notamment, qu’il s’agissait d’un texte consacré aux soins palliatifs et qu’il fallait s’en tenir là. Comme les arguments de Mme la rapporteure et de Mme la ministre nous y invitent, nous voterons donc contre l’amendement défendu par M. Marion.
M. Sébastien Peytavie
C’est assez logique.
M. le président
La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo.
Mme Agnès Firmin Le Bodo
On touche là un sujet important car la formation est la clé du développement des soins palliatifs. Certains de nos collègues ont rappelé que la sédation profonde et continue jusqu’au décès faisait partie des soins palliatifs. Apprenons de nos erreurs passées : le monde médical et paramédical n’a pas été formé à cette pratique, et c’est une des raisons qui expliquent qu’elle soit insuffisamment utilisée –…
M. Hadrien Clouet
Bien sûr !
Mme Agnès Firmin Le Bodo
…je ne dis pas « mal utilisée », car je ne me permets pas de juger de l’action des professionnels de santé.
Cet après-midi, au cours de l’examen d’un amendement déposé par M. Bentz, il a été indiqué que 95 % des patients des unités de soins palliatifs ne formuleraient pas de demande d’aide à mourir puisqu’ils sont bien pris en charge. Il est toutefois préférable que les professionnels soient formés à cet acte car on ne peut pas faire comme si ça n’existera jamais.
M. Sébastien Peytavie
Tout à fait !
Mme Agnès Firmin Le Bodo
Nous savons que cela se produira très peu pour les patients en soins palliatifs, qu’ils soient en unité spécialisée ou à domicile. Néanmoins, les professionnels doivent y être formés, pour les cas où ils seront confrontés à une demande en ce sens, afin que ne se reproduise pas ce qui s’est passé pour la sédation profonde et continue jusqu’au décès. Créer une formation ne revient pas à mélanger les deux textes.
M. le président
L’Assemblée est assez éclairée pour que nous puissions passer au vote.
(L’amendement no 549 est adopté.)
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
M. le président
Je suis saisi de dix-sept amendements, nos 2, 89, 44, 206, 316, 411, 482, 3, 88, 123, 222, 255, 557, 683, 696, 710 et 343, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 44 et 206 sont identiques, de même que les amendements nos 316, 411 et 482, ainsi que les amendements nos 3, 88, 123, 222, 255, 557, 683, 696 et 710.
La parole est à Mme Justine Gruet, pour soutenir l’amendement no 2.
Mme Justine Gruet
Le vote précédent n’est pas raisonnable, puisque Mme la rapporteure a demandé qu’il n’y ait pas de passerelle entre les deux textes.
Mon amendement vise à remplacer, dans la définition des études médicales, les mots « de la fin de vie, à l’approche palliative et à l’aide à mourir » par les mots « et à l’approche palliative ». Je propose de supprimer les mots « fin de vie » parce qu’ils figuraient dans l’intitulé initial de la seconde proposition de loi. Mais puisqu’il a été modifié, je défendrai un autre amendement où ils sont conservés.
Je répète que l’aide à mourir n’a rien à faire dans le texte que nous examinons, qu’il ne faut créer aucune passerelle. La formation et la clause de conscience des étudiants qui ne souhaiteraient pas pratiquer l’aide à mourir seront parmi les sujets importants du second texte.
Au-delà de ces clarifications sémantiques, qui me paraissent essentielles, il faut, comme Thibault Bazin l’a dit, mieux former les médecins aux soins palliatifs, aussi bien au cours de leur cursus initial que plus tard dans leur carrière. Il faut qu’une culture palliative infuse de manière transversale tout ce qui est appris aux médecins et aux autres professionnels de santé. En effet, la mission d’évaluation de la loi Claeys-Leonetti a permis de constater une méconnaissance du texte dans le grand public, mais aussi parmi ces professionnels. La présente proposition de loi doit permettre de former plus et mieux, ainsi que de mettre en valeur une culture palliative, dans la formation comme dans les contrats locaux de santé.
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 89.
M. Thibault Bazin
Dans le même esprit que le précédent, il vise à proposer une rédaction cohérente avec le reste du texte et avec la définition des soins palliatifs, qui incluent la fin de vie mais ne s’y limitent pas.
M. le président
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l’amendement no 44.
M. Fabien Di Filippo
Il y a beaucoup d’amendements sur la formation car le sujet nous semble important. Nous avançons dans l’examen du texte consacré aux soins palliatifs avec un consensus assez large. Les débats sur l’euthanasie et le suicide assisté auront lieu dans les jours et les semaines qui viennent. Dès lors, pourquoi venir déjà, comme cela a été fait avec l’adoption de l’amendement no 549, sur le terrain de ce que vous appelez l’aide à mourir, et qu’on pourrait qualifier d’euthanasie ou de suicide d’assisté ? Le biais idéologique que vous introduisez à cet endroit du texte nuit à l’équilibre et à la crédibilité de l’article 8.
Mme Élise Leboucher
Mais non !
M. le président
Sur l’amendement no 44, je suis saisi par le groupe Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public. Je suis saisi par le groupe Rassemblement national d’une demande similaire sur l’amendement no 316.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 206.
M. Patrick Hetzel
Il faut que nous fassions attention car l’adoption de l’amendement no 549 modifie radicalement l’esprit du texte et pourrait avoir une incidence sur les votes à venir. Comme l’a indiqué M. Monnet, l’aide à mourir n’a pas sa place dans la formation médicale dans la mesure où elle est contraire à la définition même du soin. À ce sujet, je vous invite à lire le dernier communiqué de la Conférence des doyennes et des doyens des facultés de médecine, publié aujourd’hui et qui est très clair. S’ils souhaitent s’engager massivement dans les soins palliatifs, les doyens émettent des réticences extrêmement fortes vis-à-vis du suicide assisté et de l’euthanasie, considérant que cela ne relève pas du serment d’Hippocrate.
M. le président
La parole est à M. Corentin Le Fur, pour soutenir l’amendement no 316.
M. Corentin Le Fur
Nous en arrivons à des amendements importants qui touchent à des sujets sensibles et relèvent de convictions personnelles, parfois issues d’histoires douloureuses. Pour ma part, je suis profondément défavorable à l’euthanasie comme au suicide assisté et je fais partie de ceux qui ont voulu séparer les deux textes. La priorité, c’est de soulager la douleur de nos concitoyens en fin de vie en raison d’une maladie incurable ou évolutive. Les soignants disent que, dans 95 % des cas, ils peuvent soulager la douleur par un accompagnement thérapeutique. C’est la raison pour laquelle il était très important de séparer les textes. Pour beaucoup d’entre nous, par fraternité humaine, la priorité est d’accompagner ceux qui souffrent et de réduire au maximum la douleur par les soins palliatifs. Qu’un Français concerné sur deux n’ait pas accès à une unité spécialisée est dramatique. Il faut donc massivement renforcer ce secteur. C’est l’objet du présent texte qui va constituer une avancée importante et dont j’espère que nous pourrons l’adopter à l’unanimité. Il ne doit pas faire référence à l’aide à mourir, d’où mon amendement, qui rejoint ce que demandent les médecins en soins palliatifs. Ces soins et l’aide à mourir sont deux sujets différents qui feront l’objet de deux votes distincts.
M. le président
La parole est à Mme Sandrine Dogor-Such, pour soutenir l’amendement no 411.
Mme Sandrine Dogor-Such
Nous devons prendre conscience que nous avons déjà modifié le texte sur les soins palliatifs. Pour défendre mon amendement, je vais citer une tribune publiée le 20 avril par des professeurs de médecine, de chirurgie et de pharmacie : « Nous devons continuer à enseigner la prévention du suicide, ce qui pourrait devenir impossible si le "délit d’entrave à l’aide à mourir" était adopté. » Ces professeurs rappellent qu’ils veulent continuer à « transmettre l’exigence d’une médecine de qualité » et craignent la remise en question des valeurs fondamentales de la médecine ainsi que des missions des soignants et des enseignants. À l’issue de l’examen en commission, la rédaction de l’alinéa 10 de l’article 1er de la proposition de loi était la suivante : « L’accompagnement et les soins palliatifs ne visent ni à hâter, ni à différer la survenance de la mort. » Mon amendement vise donc à supprimer du programme des études de médecine la formation à l’aide à mourir.
M. le président
Sur les amendements no 3 et identiques, je suis saisi par le groupe Droite républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
L’amendement no 482 de Mme Anne-Laure Blin est défendu.
Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques.
L’amendement no 3 de Mme Justine Gruet est défendu.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 88.
M. Thibault Bazin
Cette fois, je souhaite simplement supprimer la mention de l’aide à mourir. Nous examinons un texte consacré aux soins palliatifs ; s’il y a besoin d’une formation pour préparer les soignants à ce que vous envisagez dans le texte suivant – administrer une substance létale en vue de provoquer ou d’accélérer la mort –, c’est dans ce deuxième texte qu’on pourra la prévoir. Le mot « palliatif » signifie « qui atténue [ou supprime] les symptômes d’une maladie sans agir sur sa cause » – et non qui supprime le malade ! Avec l’aide à mourir, on sort complètement du champ des soins palliatifs. Certes, on fait là de la sémantique, mais les mots ont un sens. Mélanger les choses porterait préjudice à notre ambition, notamment en matière de formation. C’est pourquoi je vous appelle à soutenir cet amendement – ce qui ne remet nullement en cause le texte suivant.
M. le président
Les amendements nos 123 de M. Fabien Di Filippo, 222 de Mme Josiane Corneloup et 255 de M. Corentin Le Fur sont défendus.
La parole est à M. Daniel Grenon, pour soutenir l’amendement no 557.
M. Daniel Grenon
Il vise à exclure de la formation du personnel appelé à prodiguer des soins palliatifs tout enseignement en lien avec l’aide à mourir. La présente proposition de loi dispose, à l’alinéa 10 de l’article 1er : « L’accompagnement et les soins palliatifs ne visent ni à hâter ni à différer la survenance de la mort. » Cela marque une volonté de distinguer les soins palliatifs de l’aide à mourir, qui relève d’une logique différente. Pour respecter l’esprit de ce texte, aucune formation en médecine palliative et en soins d’accompagnement ne peut donc inclure une formation à l’aide à mourir, qui doit être enseignée séparément.
M. le président
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l’amendement no 683.
M. Charles Sitzenstuhl
L’attention, ce soir, se concentre sur la salle Lamartine et l’ambiance, depuis le début de cette séance, est tamisée. (Murmures.)
Mme Catherine Vautrin, ministre et Mme Élise Leboucher
Quel rapport ?
M. Charles Sitzenstuhl
Je suis agacé par ce qui est en train de se passer avec cette proposition de loi.
M. Hadrien Clouet
Nous aussi !
M. Charles Sitzenstuhl
Nous nous étions collectivement fixé pour objectif de voter ce premier texte sur les soins palliatifs – peut-être à l’unanimité. La condition, pour y parvenir, était de respecter une séparation nette entre les deux textes.
M. Patrick Hetzel
Mais oui !
M. Charles Sitzenstuhl
Nous devions nous retrouver sur les soins palliatifs pour, ensuite, débattre de l’aide à mourir, de l’euthanasie, du suicide assisté – quelle que soit la manière de qualifier l’objet de la deuxième proposition de loi. Or nous venons d’adopter un amendement qui introduit dans le texte une troisième mention de l’aide à mourir.
Par les présents amendements identiques, nous appelons l’attention des collègues sur la nécessité de supprimer ces mentions qui ne sont pas nécessaires dans ce texte. La question de la formation du personnel médical à l’aide à mourir peut être traitée dans le texte suivant. Pourquoi vouloir absolument l’introduire dans ce premier texte sur lequel nous devons parvenir à un consensus ? Ces mentions compromettent, politiquement, notre capacité à tomber d’accord : vous savez qu’elles agacent, qu’elles irritent nombre de collègues. Ces mentions n’étant pas utiles dans la présente proposition de loi, nous vous demandons de les supprimer et de réserver le débat sur l’aide à mourir à l’examen du deuxième texte, qui y est consacré.
Mme Élise Leboucher
Vous ne le voterez pas, de toute façon !
M. le président
La parole est à M. Pierre Pribetich, pour soutenir l’amendement no 696.
M. Pierre Pribetich
Nous le retirons.
(L’amendement no 696 est retiré.)
M. le président
La parole est à Mme Sophie Ricourt Vaginay, pour soutenir l’amendement no 710.
Mme Sophie Ricourt Vaginay
L’alinéa 10 de l’article 1er de la proposition de loi dispose : « L’accompagnement et les soins palliatifs ne visent ni à hâter ni à différer la survenance de la mort. » Aucune formation en médecine palliative ou en soins d’accompagnement ne peut donc inclure une formation à l’aide à mourir.
M. le président
La parole est à Mme Josiane Corneloup, pour soutenir l’amendement no 343 – le dernier de cette longue série en discussion commune.
Mme Josiane Corneloup
De même nature que les précédents, il vise à lever l’ambiguïté en nommant clairement les pratiques concernées : l’euthanasie et le suicide assisté. Il n’est pas judicieux de mal nommer les choses.
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur ces différents amendements en discussion commune ?
Mme Annie Vidal, rapporteure
Le texte examiné l’année dernière mentionnait que les études médicales devaient comprendre une formation à l’accompagnement de la fin de vie et à l’approche palliative ; en commission, on avait ajouté la formation à l’aide à mourir. Sur le fond, je suis favorable à l’idée de supprimer cette mention. Si la formation à l’aide à mourir est nécessaire – et je suis convaincue qu’elle l’est –, elle doit figurer dans le texte que nous examinerons plus tard et non dans celui-ci.
M. Patrick Hetzel
Très bien !
Mme Annie Vidal, rapporteure
Il ne serait pas logique de prévoir, dans un texte consacré aux soins palliatifs, la formation à un acte qui, à l’heure où on en parle, est illégal.
Sur la forme, dans la longue série d’amendements en discussion commune, il faut privilégier les amendements no 316 et identiques. En effet, contrairement aux amendements no 44 et identique, ils maintiennent la notion d’approche palliative, plébiscitée par les acteurs du monde médical car elle englobe et complète celle des soins ; et, contrairement aux amendements no 3 et identiques, ils suppriment la mention de l’aide à mourir non seulement à l’alinéa 4, mais aussi à l’alinéa 6. La rédaction des amendements no 316 et identiques est ainsi plus ramassée, plus englobante, plus pertinente et plus lisible. Je propose donc aux auteurs de tous les autres amendements en discussion commune de les retirer au profit de cette série.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Même avis pour les mêmes raisons. L’intérêt des amendements no 316 et identiques est de supprimer la mention de l’aide à mourir à la fois à l’alinéa 4 et à l’alinéa 6, pour revenir à la rédaction du projet de loi de l’année dernière, qui s’en tenait à la formation aux soins palliatifs.
(Les amendements identiques nos 44 et 206 ainsi que l’amendement no 3 sont retirés.)
M. le président
La parole est à M. Hadrien Clouet.
M. Hadrien Clouet
Vous espérez le retrait général de la plupart des amendements ; je tiens toutefois à expliquer pourquoi le groupe La France insoumise ne les votera pas.
Pour commencer, nous avons entendu des arguments baroques : certains collègues disent qu’étant de toute façon opposés au texte, ils le sont aussi à l’article et ne souhaitent pas se pencher sur ses dispositions. Or de quoi parlons-nous ? Nous n’avons pas une discussion métaphysique sur l’articulation entre deux textes ; nous débattons de l’article L. 632-1 du code de l’éducation, qui porte sur le contenu des études de médecine.
Les amendements en discussion commune présentent deux orientations différentes.
Certains collègues veulent supprimer la mention de la formation à l’accompagnement de la fin de vie pour ne garder que celle aux soins palliatifs. Or il existe déjà en France des diplômes universitaires incluant la formation aux soins palliatifs et à l’accompagnement de la fin de vie, et cette formation conjointe est efficace. En effet, il s’agit d’apprendre, en plus des soins palliatifs, à percevoir la douleur des patients, à les soutenir, eux et leurs proches, à écouter et à aider à parler – autant de compétences sanctionnées par ces diplômes. Il s’agit donc de généraliser une pratique qui marche à l’ensemble du pays.
D’autres collègues souhaitent retirer la mention de la formation à l’aide à mourir. Ce n’est pas une bonne idée car l’aide à mourir est un acte qui requiert des compétences. Contrairement à ce qu’on a pu entendre, il ne s’agit pas uniquement d’administrer une substance ; il faut aussi être capable de répondre à la personne angoissée, qui a peur et qui se demande comment les choses vont se dérouler. Cela doit s’apprendre.
Mme Caroline Colombier
Ce n’est pas le bon texte pour en parler !
M. Hadrien Clouet
Laissez-moi finir ! Cela doit s’apprendre, et non uniquement par les praticiens qui voudraient le pratiquer.
M. le président
Veuillez conclure !
M. Hadrien Clouet
Dans le cadre des études de médecine, on apprend bien l’interruption volontaire de grossesse, même si on souhaite faire jouer la clause de conscience. On doit se former, y compris aux actes qu’on ne va pas pratiquer plus tard.
M. le président
La parole est à M. Stéphane Delautrette.
M. Stéphane Delautrette
L’alinéa 4 porte sur la formation à l’accompagnement à la fin de vie. Or, même si le choix a été fait de traiter des soins palliatifs et de l’aide à mourir dans deux textes distincts – pour ma part, j’étais favorable au maintien d’un texte unique –, cette rédaction vient du fait que les deux approches faisaient initialement l’objet d’un seul texte.
Puisqu’il s’agit de former des professionnels à la fin de vie et que Mme la rapporteure se dit convaincue que les deux textes seront adoptés, gardons la rédaction actuelle : on formera aux deux sortes d’actes, les soins palliatifs et l’aide à mourir, suivant une approche globale de l’accompagnement à la fin de vie.
Madame la rapporteure, puisque nous sommes tous convaincus que les deux textes seront adoptés, conservons la rédaction actuelle. Si d’aventure le second ne l’était pas, la navette parlementaire ne manquerait pas de rétablir la cohérence du premier. En l’état actuel de nos discussions, nous pouvons maintenir ces deux approches de la fin de vie dans le texte consacré aux soins palliatifs. Pour cette raison, nous voterons contre tous ces amendements.
M. le président
La parole est à M. Christophe Bentz.
M. Christophe Bentz
Je suis inquiet, voire abasourdi, par ce qui est en train de se produire et qui est aussi grave que révélateur. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP.)
M. Hadrien Clouet
Allez !
M. Christophe Bentz
Lorsque la mention « le pronostic vital est engagé à court ou moyen terme » avait été supprimée du texte sur l’aide à mourir que nous examinions il y a un an, Mme Firmin Le Bodo avait affirmé qu’il ne s’agissait plus du même texte. Je vous en dis autant : depuis l’adoption de l’amendement de notre collègue Marion, ce texte sur les soins palliatifs n’est plus le même.
La raison en est simple. Il y a deux formes de cohérence : celle de ceux qui défendent une séparation étanche entre les deux textes, comme Mme la ministre, Mme la rapporteure – vous venez de l’indiquer – et bien sûr notre groupe ; celle de ceux qui ne la défendent pas et qui l’assument, comme la gauche, dont la position a été exprimée par Mme Leboucher. Mais introduire l’aide à mourir dans les formations, en médecine et en soins d’accompagnement, change la nature de cette proposition de loi sur les soins palliatifs. Vous faites la démonstration éclatante de ce que nous répétons depuis des mois : en réalité, la séparation entre les deux textes n’est pas étanche et ne peut l’être.
Nous, qui soutenons le développement des formations de la filière palliative, sommes très embêtés – je vous le dis franchement ! En ayant adopté l’amendement de notre collègue Marion, vous nous contraignez à voter contre l’article 8. Les amendements en discussion offrent une chance de se rattraper, alors votons tous en leur faveur, afin de soutenir l’approche palliative, et seulement elle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à M. Yannick Monnet.
M. Yannick Monnet
Pour ma part, j’aurais préféré que nous en restions à l’équilibre trouvé en commission : mentionner l’aide à mourir à l’alinéa 4, sans l’introduire dès l’alinéa 3, ce que nous avons fait en adoptant l’amendement no 549, au détriment de l’équilibre du texte.
M. Patrick Hetzel
Très juste !
M. Yannick Monnet
Je ne suis pas d’accord avec les arguments avancés en faveur de cette introduction et pour deux raisons. On manie l’expression d’aide à mourir bien plus facilement que celles d’euthanasie ou de suicide assisté : écririons-nous qu’il faut une formation à l’euthanasie ou une formation au suicide assisté ? Nous aurions pris davantage de précautions. En commission, les explications fournies m’ont convaincu de conserver l’expression d’aide à mourir, mais son emploi ne doit pas conduire à créer une confusion entre cette aide et les soins palliatifs.
Mme Justine Gruet
Eh oui !
M. Yannick Monnet
Le mauvais tour que nous jouerions aux personnels qui travaillent en soins palliatifs m’est une raison supplémentaire de suivre l’avis de Mme la rapporteure. Ces personnels nous disent : « Notre travail ne relève pas de l’aide à mourir. » Ils tiennent à cette différence, c’est ainsi ; tous ceux que nous rencontrons ne sont pas favorables à cette aide ; et, par égard pour leur travail quotidien, il me semble préférable de nous en tenir aux soins palliatifs, sans mentionner l’aide à mourir.
M. Frédéric Valletoux
Très bien !
M. Yannick Monnet
C’est pourquoi, j’y insiste, je suivrai l’avis de la rapporteure. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur plusieurs bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à Mme Nicole Dubré-Chirat.
Mme Nicole Dubré-Chirat
Nous examinons un alinéa qui traite de la formation des professionnels à l’accompagnement des patients en fin de vie en général, qu’ils reçoivent des soins palliatifs ou non. Quand j’entends dire qu’il faudrait que nous rangions les gens dans des cases parfaitement étanches,…
M. Emeric Salmon
Ce sont les textes que nous rangeons, pas les gens !
Mme Nicole Dubré-Chirat
…j’ai envie de répondre que les malades ne peuvent l’être dans cette situation : ils seront pris en charge dans différentes structures, passant par exemple de leur domicile ou d’un Ehpad à une unité de soins palliatifs. C’est à un tel accompagnement que la formation des futurs soignants doit les préparer. Faute de quoi, en cas d’autorisation de l’aide à mourir, ils devront suivre une formation supplémentaire, après s’être déjà formés aux soins palliatifs.
M. Fabien Di Filippo
Mais s’agit-il du même acte ?
Mme Nicole Dubré-Chirat
Plutôt que de chercher à tout ranger dans des cases étanches, il nous faut donc prévoir des formations généralistes qui répondent à la complexité de la prise en charge des patients.
Un député du groupe RN
Quel aveu !
M. Fabien Di Filippo
Ces actes ne remplissent pas la même fonction. Vous vous faites la meilleure avocate de la distinction entre les deux textes.
M. le président
La parole est à M. Patrick Hetzel.
M. Patrick Hetzel
Ce qui est en train de se produire est en effet inquiétant. Il existe manifestement un problème de terminologie. Si l’objet du second texte avait été nommé de façon claire en commission – la rapporteure défendait un amendement aussi simple que modéré, consistant à parler d’aide active à mourir –, le distinguo eût été établi. Vous constatez – M. Monnet est sur la même ligne – que certains ont au contraire contribué à créer une confusion sémantique entre deux choses pourtant bien distinctes : l’aide active à mourir et l’aide à mourir. C’est de la première qu’il devrait être question, mais la confusion sémantique que vous avez créée, refusant même que l’on parle de suicide assisté ou d’euthanasie, pose maintenant un vrai problème.
Nous souhaitons donc éviter de mélanger les sujets. Outre le problème éthique qu’elle soulève, la confusion nous empêcherait en effet de soutenir le premier texte indépendamment du second. Alors qu’un consensus autour des soins palliatifs se dessinait, vous êtes en train d’introduire la philosophie du second texte dans le premier, au risque de vicier l’ensemble de la démarche légistique que nous avons engagée depuis plusieurs semaines. (« Exactement ! » sur plusieurs bancs du groupe RN.) Sachez qu’en allant dans cette direction, politiquement, vous rompez un possible consensus national sur la question, pourtant essentielle, des soins palliatifs. Il faut que vous en ayez conscience. Prenez vos responsabilités, chers collègues ! (Applaudissements sur les bancs des groupes DR et RN, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe HOR. – M. Charles Sitzenstuhl applaudit également.)
M. le président
Pour terminer – nous serons ensuite suffisamment éclairés –, la parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille.
M. Cyrille Isaac-Sibille
Merci, monsieur le président, je suis arrivé au moment de défendre mon amendement, mais je vois qu’il n’est pas soutenu, pouvez-vous faire en sorte que nous l’examinions néanmoins ? (M. le président indique que ce n’est pas le cas.)
J’en défends tout de même le contenu. L’article 8 traite de la formation en médecine. Or les choses sont assez claires – les rapporteurs eux-mêmes l’ont reconnu – : l’aide à mourir telle que vous l’entendez ne constitue pas un acte médical. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Ce n’est pas un soin. Dès lors, comment l’introduire dans les études médicales ? Cela me semblerait contradictoire. Puisqu’il est question de soins palliatifs, il est évident que les médecins doivent être formés à l’aide à mourir, mais non au sens de l’acte que vous envisagez. Je suis donc favorable aux amendements nos 316 et identiques – série dont le mien faisait partie.
M. le président
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Annie Vidal, rapporteure
Je souhaite apporter une précision avant que nous votions. L’alinéa 4, dont certains amendements tendent à retrancher la mention de l’aide à mourir telle qu’elle a été définie dans le second texte, modifie des articles du code de l’éducation relatifs aux études médicales. L’alinéa 6 modifie quant à lui le code de la santé publique et concerne les professionnels des secteurs sanitaire et médico-social.
Je réitère mes avis : défavorables aux amendements nos 2 et 89 ; favorables aux amendements nos 316 et identiques.
M. le président
Madame Gruet, maintenez-vous l’amendement no 2 ?
(L’amendement no 2 est retiré.)
M. le président
Monsieur Bazin, à votre bon cœur !
M. Thibault Bazin
Je le retire à condition que vous votiez les autres amendements.
M. le président
Je ne prends pas part aux votes.
(L’amendement no 89 est retiré.)
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 316, 411 et 482.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 149
Nombre de suffrages exprimés 145
Majorité absolue 73
Pour l’adoption 85
Contre 60
(Les amendements identiques nos 316, 411 et 482 sont adoptés ; en conséquence, les amendements identiques nos 88, 123, 222, 255, 557, 683 et 710, ainsi que l’amendement no 343 tombent, de même que les amendements identiques nos 76, 91, 207, 256, 355 et 699, et l’amendement no 340.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes RN, DR et UDR.)
M. le président
Je suis saisi de trois amendements, nos 567, 510 et 299, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Hadrien Clouet, pour soutenir l’amendement no 567.
M. Hadrien Clouet
Dans la lignée des discussions que nous venons d’avoir, cet amendement vise à enrichir le contenu des études de médecine et de santé publique en général. Cela me donne l’occasion de répondre à notre collègue Isaac-Sibille qui ouvrait une intéressante discussion en soutenant qu’il ne faudrait pas inclure de contenus qui, au sens strict, ne sont pas médicaux dans ces formations. On enseigne pourtant bien l’anglais médical ou les questions d’éthique, qui ne renvoient pas à des actes médicaux stricto sensu au cours des études de santé et c’est une bonne chose. Je laisse toutefois cette question de côté.
Il s’agit en l’occurrence d’inclure dans les maquettes pédagogiques une formation à l’accompagnement du deuil afin d’accompagner les patients que rencontrent les praticiennes et les praticiens aussi bien que leurs proches tout au long de la fin de vie. Quoi que le praticien pense de l’aide à mourir, qu’il y soit attaché ou opposé, il s’agit de compétences dont l’acquisition est importante : l’écoute, la capacité de mettre en mots la souffrance, de prévoir le parcours de la personne que l’on reçoit, de l’organiser avec elle et de l’aider à trouver les ressources dont elle a besoin – qu’il s’agisse de ressources médicales, sanitaires, pharmaceutiques ou sociales. Un tel apprentissage est nécessaire car des soignantes et des soignants nous signalent cet angle mort de leur formation. La façon de prendre soin au mieux des personnes dont l’existence touche à sa fin devrait donc faire partie du corpus commun des apprentissages.
M. le président
L’amendement no 510 de Mme Lise Magnier est défendu.
La parole est à Mme Josiane Corneloup, pour soutenir l’amendement no 299.
Mme Josiane Corneloup
Cet amendement vise à introduire un temps de formation à l’accompagnement du deuil dans la formation des professionnels de santé et du secteur médico-social confrontés à des situations de fin de vie, afin de prendre en compte les difficultés de la personne qui a perdu un proche, qu’elles soient physiques, émotionnelles, psychologiques ou mentales, et de pouvoir l’aider à les surmonter.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Vidal, rapporteure
Mon avis sera identique à celui que j’avais émis en commission des affaires sociales. Si l’idée d’accompagnement est intéressante pour toutes les raisons que vous avez évoquées, j’appelle votre attention sur le fait que vos amendements tendent à modifier l’alinéa 4, de sorte que cette formation serait introduite dans les seules études médicales et ne serait pas dispensée aux autres professionnels de santé et du secteur médico-social.
Par ailleurs, les amendements me semblent satisfaits puisqu’une formation à l’accompagnement et aux soins palliatifs est prévue un peu plus loin à l’article 8 ; or l’accompagnement repose sur une approche globale qui inclut le deuil. L’article 11 en fait également mention et une campagne nationale de sensibilisation relative au deuil est prévue à l’article 18. Avis défavorable à l’ensemble de ces amendements.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Même avis.
M. le président
Monsieur Clouet, je sens que vous voulez prendre la parole. Allez-y.
M. Hadrien Clouet
Vous lisez dans mes pensées, monsieur le président, ce qui est à la fois réjouissant et un peu inquiétant. Vous dites, madame la rapporteure, que la formation que nous appelons de nos vœux ne concernerait pas les professionnels du secteur médico-social, ce qui est vrai ; quel dommage, donc, que vous n’ayez pas eu le temps de sous-amender, dans les quelques jours qui se sont écoulés depuis le dépôt de l’amendement ! Nous aurions été ravis d’étendre son champ d’application.
Je note votre objection et je pense qu’elle plaide pour l’adoption de notre amendement : ce serait une manière de mettre le pied dans la porte, avant de se donner rendez-vous pour élargir cette disposition que nous aurions adoptée tous ensemble. Ce serait une première étape et nous aurions alors le plaisir de vous accompagner pour achever le travail en étendant cette formation au secteur médico-social.
M. le président
La parole est à Mme Geneviève Darrieussecq.
Mme Geneviève Darrieussecq
Je vous écoute depuis un moment à propos de ces formations : sur ce sujet, il faut à mon avis faire preuve d’humilité. D’abord, ce sont tous les professionnels de santé qui devraient bénéficier d’une formation autour de la mort – tous, et pas seulement les spécialistes.
M. Hadrien Clouet
Nous sommes d’accord !
Mme Geneviève Darrieussecq
Que l’on soit médecin, infirmier ou aide-soignant, on soigne mais on côtoie aussi la mort en permanence : l’accompagnement au deuil les concerne tous. Je ne vois donc pas pourquoi on le mentionnerait spécifiquement ici.
Il me paraît en outre complètement superfétatoire d’inscrire dans le texte le contenu du programme qui doit être dispensé dans le cadre du diplôme d’études spécialisées (DES). J’imagine que les recteurs peuvent avoir un peu de la latitude en la matière. Je ne vois donc pas l’intérêt de ces amendements. Le deuil est un sujet essentiel qui doit être abordé dans toutes les études de santé, parce que la mort fait partie de la vie ; il n’est donc pas spécifique au présent texte et n’a rien à faire ici.
(Les amendements nos 567 et 510, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
(L’amendement no 299 est retiré.)
M. le président
La parole est à Mme Karen Erodi, pour soutenir l’amendement no 697.
Mme Karen Erodi
Conformément aux préconisations du rapport Chauvin, nous proposons d’inclure dans la formation initiale de médecine des modules de prise en charge de la douleur. Celle-ci constitue en effet un enjeu majeur de santé publique, sur le plan tant médical que sociétal. Pourtant, malgré des avancées scientifiques et thérapeutiques, la formation des professionnels de santé en matière de gestion de la douleur demeure insuffisamment structurée et homogène.
Épreuve personnelle pour les patients, la lutte contre la douleur est aussi une grande cause collective qui mérite d’être défendue. La douleur est très présente dans les unités de soins palliatifs : 75 % des patients atteints de cancer présentent des douleurs modérées à sévères, selon l’Association francophone pour vaincre les douleurs (AFVD).
L’adoption du présent amendement contribuerait à garantir, par la formation, une prise en charge optimale de la douleur pour tous les patients, quels que soient leur parcours de soins et leur pathologie.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Vidal, rapporteure
De manière générale, je pense que ce n’est pas à la loi de définir les programmes des études de médecine : cela se fait ailleurs. Par ailleurs, en l’espèce, votre amendement est doublement satisfait. Il l’est d’abord par l’alinéa 4, qui prévoit « une formation à l’accompagnement de la fin de vie, à l’approche palliative et à l’aide à mourir » ; or à l’article 1er, nous avons intégré la prise en charge de la douleur dans la définition de l’accompagnement et des soins palliatifs.
Il est également satisfait par l’alinéa 6, selon lequel les « professionnels de santé et du secteur médico-social reçoivent, au cours de leur formation initiale et de leur formation continue, une formation théorique et pratique spécifique à […] la prise en charge de la douleur ». Je vous demande de retirer votre amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Sur le fond, le sujet de l’amendement est tout à fait essentiel ; d’ailleurs, comme vient de le dire Mme la rapporteure, les maquettes de formation prévues par voie réglementaire proposent déjà plusieurs enseignements fondamentaux relatifs à la douleur. Dans le cadre des études de médecine, plusieurs items de formation liés à la prise en charge de la douleur sont dispensés, sans qu’il soit nécessaire de le préciser dans la loi.
Par ailleurs, depuis la réforme du troisième cycle des études de médecine, une formation spécialisée transversale – ce que les professionnels appellent FST – dédiée à la douleur est proposée aux internes, comme d’ailleurs aux médecins en exercice. Cette formation spécifique permet d’acquérir des compétences pour évaluer et traiter la douleur ; l’acquisition de connaissances et de compétences transversales sur la douleur est évidemment indispensable à l’exercice de plusieurs spécialités médicales.
Votre amendement est donc satisfait et je me permets de vous en demander le retrait, sinon je donnerai un avis défavorable.
(L’amendement no 697 n’est pas adopté.)
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour un rappel au règlement.
M. Patrick Hetzel
Il se fonde sur l’article 101 du règlement, qui réserve la possibilité de procéder à une seconde délibération ; celle-ci peut être demandée par un député mais aussi – elle est alors de droit – par le gouvernement. Vous avez tous vu ce qui s’est passé un peu plus tôt : nous avons introduit, à l’alinéa 3 de l’article 8, la notion d’« aide à mourir », qui pose problème puisqu’elle est devenue – elle le sera sans doute dans le second texte que nous examinerons – synonyme de « suicide assisté » et d’« euthanasie ».
Je vous demande donc, madame la ministre, si vous acceptez qu’il soit procédé à une seconde délibération sur l’amendement no 549, afin que chacun puisse voter en sachant que son adoption entraînerait ipso facto une rupture par rapport à la définition qui avait été retenue jusqu’alors,…
Mme Sandrine Runel
Non, non !
M. Patrick Hetzel
…donc en ayant conscience que ce qui est en jeu ici, c’est le consensus – ou, au contraire, le dissensus – de la représentation nationale s’agissant des soins palliatifs.
Mme Sandrine Runel
On ne revient pas sur le vote !
M. le président
Je prends acte de la demande de M. Hetzel. Nous aurons évidemment le temps d’en reparler puisque, le cas échéant, la seconde délibération ne se tiendra qu’à la fin du texte. D’ici là, le gouvernement aura tout le loisir d’y réfléchir.
M. Patrick Hetzel
Rendez-vous est pris !
Article 8 (suite)
M. le président
La parole est à M. Alexandre Portier, pour soutenir l’amendement no 342.
M. Alexandre Portier
La formation aux soins palliatifs et à l’accompagnement revêt évidemment une importance fondamentale. Le présent amendement vise à la renforcer en insistant sur son caractère obligatoire.
Il s’agit de lever une ambiguïté en précisant dans la loi que cette formation est bien obligatoire et pas seulement recommandée, afin que tous les professionnels concernés soient formés au mieux pour garantir le meilleur accompagnement possible des patients et le développement des soins palliatifs partout sur le territoire.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Vidal, rapporteure
Il ne me paraît pas nécessaire d’ajouter que la formation est obligatoire. Le texte indique déjà que les professionnels concernés « reçoivent » une formation, au présent de l’indicatif, ce qui vaut obligation. Votre demande est donc satisfaite. Avis défavorable.
(L’amendement no 342, repoussé par le gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 90.
M. Thibault Bazin
C’est en fait un amendement rédactionnel. Dans la rédaction actuelle de l’alinéa 6, le mot « accompagnement » revient à deux reprises ; c’est une redondance inutile, eu égard à l’esprit de clarté et de concision qui doit guider le législateur. Je vous propose donc de supprimer sa seconde occurrence.
M. Fabien Di Filippo
C’est de bon aloi !
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Vidal, rapporteure
En effet, votre amendement rédactionnel et met en évidence un doublon. Avis favorable.
(L’amendement no 90, accepté par le gouvernement, est adopté.)
M. le président
Je suis saisi de deux amendements, nos 300 et 568, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Josiane Corneloup, pour soutenir l’amendement no 300.
Mme Josiane Corneloup
Comme je le disais tout à l’heure, la formation relative à la fin de vie doit également comprendre un temps dédié à l’accompagnement du deuil. L’amendement vise donc à le préciser, s’agissant des professionnels de santé mais aussi, cette fois, du secteur médico-social. Il est nécessaire de prendre en considération les difficultés tant physiques qu’émotionnelles, psychologiques et mentales de la personne qui a perdu un proche, de façon à l’accompagner au mieux pour qu’elle puisse les surmonter.
M. le président
La parole est à M. Hadrien Clouet, pour soutenir l’amendement no 568.
M. Hadrien Clouet
Le présent amendement montre que nous avons sans doute anticipé l’objection précédemment exprimée par Mme la rapporteure. En effet, vous nous disiez que l’amendement no 567 n’était pas acceptable parce qu’il ne couvrait pas le secteur médico-social : celui-ci. tombe donc à pic puisque nous proposons, comme tout à l’heure, d’élargir la formation des professionnels à la gestion du deuil, mais en y incluant cette fois le secteur médico-social.
Il me semble que l’argument que vous m’opposiez tout à l’heure est par bonheur désormais caduc ; nous allons pouvoir nous mettre d’accord en adoptant le présent amendement.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Vidal, rapporteure
Tout à l’heure, souvenez-vous, l’argument était double !
M. Hadrien Clouet
J’aurai essayé… (Sourires.)
Mme Annie Vidal, rapporteure
Je vous ai dit que votre amendement ne concernait que les études médicales, mais aussi et surtout qu’il était doublement satisfait, puisque l’accompagnement au deuil est mentionné à l’article 11 et qu’une campagne de sensibilisation est prévue à l’article 18. Nous sommes certes tous d’accord sur la nécessité d’un accompagnement à ce niveau, mais l’avis est défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Pour les mêmes raisons, avis défavorable.
(L’amendement no 300 est retiré.)
(L’amendement no 568 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Alexandre Portier, pour soutenir l’amendement no 345.
M. Alexandre Portier
Pour qu’un objectif soit atteint, il faut lui assigner une échéance claire. Le présent amendement vise donc à assortir l’obligation de formation d’une date butoir, en précisant que tous les professionnels de santé et du secteur médico-social doivent en bénéficier avant le 1er janvier 2030.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Vidal, rapporteure
Sur le fond, je suis évidemment favorable à la formation, mais une date butoir existe déjà : c’est l’échéance de la stratégie décennale des soins d’accompagnement, qui a été fixée en 2034. Il n’est pas nécessaire de raccourcir ce délai car il nous faudra du temps pour former tous les professionnels concernés. Je donnerai un avis défavorable à votre amendement si vous ne le retirez pas.
(L’amendement no 345, repoussé par le gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
Sur l’article 8, je suis saisi par le groupe Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Nathalie Colin-Oesterlé, pour soutenir l’amendement no 599.
Mme Nathalie Colin-Oesterlé
Il vise à compléter la formation initiale des professionnels de santé par un enseignement consacré à l’accompagnement de la fin de vie, afin d’améliorer la qualité de la prise en charge des patients en fin de vie et de mieux préparer les soignants à affronter ces situations complexes, en les formant à l’écoute et à la gestion de la douleur et de l’angoisse.
M. le président
Je suis saisi de plusieurs demandes de scrutin public : par le groupe Horizons & indépendants sur l’amendement no 599 et par le groupe Ensemble pour la République sur l’article 8.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Vidal, rapporteure
Nous avons tous constaté combien avait été insuffisante la formation à la loi Claeys-Leonetti et en particulier à son article 1er qui dispose que toute personne a le droit d’avoir une fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance. Je suis donc favorable à l’amendement qui tend à renforcer la formation.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Beaucoup de critiques ont été formulées contre l’insuffisance de la formation en la matière, aussi le gouvernement s’en remettra-t-il à la sagesse de l’assemblée.
M. le président
La parole est à M. Patrick Hetzel.
M. Patrick Hetzel
Je profite de la discussion sur l’amendement pour rappeler que nous allons, dans quelques instants, procéder au vote de l’article 8. Notre groupe se positionnera contre en raison de l’adoption d’un amendement qui a modifié en profondeur son alinéa 3 dans un sens qui ne saurait nous convenir, ce qui justifie notre demande d’une seconde délibération. Par mesure conservatoire, nous ne voterons donc pas l’article et nous vous le disons clairement : si la seconde délibération devait aboutir au même résultat, il nous serait très difficile de voter pour ce texte. Le consensus auquel nous étions parvenus pourrait fort se transformer en dissensus. (Exclamations sur les bancs du groupe SOC.)
Mme Sandrine Runel
Les Français vous regardent !
M. Patrick Hetzel
C’est important de le dire. L’ambiguïté qui entoure les termes d’aide à mourir est problématique. Il eut été plus clair de parler d’aide active à mourir. Au-delà de ce premier point, notre responsabilité sera énorme si nous persistons dans cette voie alors que ce texte était censé nous permettre de défendre les soins palliatifs. J’espère que le consensus reviendra dans l’hémicycle.
Mme Sandrine Runel
Pas de chantage !
M. Patrick Hetzel
Ce n’est pas du chantage, c’est une explication de vote.
M. le président
Je rappelle que c’est à la fin de l’examen du texte et avant son vote qu’il peut être décidé de procéder à une seconde délibération.
La parole est à M. Yannick Monnet.
M. Yannick Monnet
Je suis désolé, chers collègues, mais sur un texte de cette nature, je considère que nous pouvons avoir des avis différents. Je ne voterai pas l’article 8, je m’abstiendrai, car la modification qui a été apportée à l’alinéa 3 fait des soignants des services de soins palliatifs des spécialistes de l’aide à mourir. (Protestations sur quelques bancs sur les bancs des groupes EPR et SOC.) C’est en tout cas ainsi qu’ils le vivent et c’est une image terrible que nous leur renvoyons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. Patrick Hetzel
Exactement !
M. Yannick Monnet
Ils ne sont pas des spécialistes de l’aide à mourir. Il n’est pas raisonnable d’avoir adopté l’amendement ; nous aurions dû conserver l’équilibre auquel nous étions parvenus en commission.
M. le président
La parole est à M. Christophe Bentz.
M. Christophe Bentz
Dans le même esprit que les propos de notre collègue Hetzel, je vais vous dire les choses comme elles sont : l’adoption d’un tel amendement fait basculer le texte relatif aux soins palliatifs vers celui qui traite de l’aide à mourir. Il n’y a plus d’étanchéité entre les deux propositions de loi. Alors que nous aurions voulu sanctuariser les formations en médecine en les limitant aux soins d’accompagnement et aux soins palliatifs, vous mélangez tout. Nous serons donc malheureusement contraints de nous opposer à l’article 8, ce qui est dommage, car nous tenions à soutenir le développement des formations en soins palliatifs. Nous le regrettons, mais ce sera un vote contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
Cet amendement est intéressant et je le voterai, car il fait écho à ce que nous déplorons tous, même si nous en portons collectivement la responsabilité, à savoir l’ignorance par nos concitoyens et les praticiens des différents textes votés depuis une vingtaine d’années sur ce sujet. En l’espèce, c’est la loi Claeys-Leonetti de 2016 qui est visée par l’amendement de Mme Colin-Oesterlé. Les médecins des unités de soins palliatifs que nous avons rencontrés nous ont confirmé que les Françaises et les Français méconnaissent dans leur grande majorité ces dispositions, ce qui pousse bon nombre d’entre eux à se poser la question de l’aide à mourir, de l’euthanasie, du suicide assisté. Cet amendement me semble donc aller dans le bon sens.
En revanche, à titre personnel, je voterai moi aussi contre l’article 8 et j’invite à nouveau tous nos collègues qui sont favorables à l’euthanasie et au suicide assisté à ne pas ouvrir une brèche dans le consensus auquel nous sommes parvenus sur les soins palliatifs. Je m’associe également à la demande d’une seconde délibération, car ce n’est qu’en conservant une stricte séparation entre les deux textes que nous préserverons le consensus. Ceux qui ne veulent pas l’entendre prennent la responsabilité de briser le consensus sur ce texte consacré aux soins palliatifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN et sur quelques bancs du groupe DR.)
M. le président
La parole est à Mme Sandrine Runel.
Mme Sandrine Runel
Chers collègues, un peu de sérieux. (Protestations sur quelques bancs du groupe RN.) Tout d’abord, on ne revient pas sur des votes passés.
M. Emeric Salmon
Si ! C’est dans le règlement.
Mme Sandrine Runel
Nous voterons l’amendement no 599 parce qu’il est intéressant et qu’il va dans le bon sens. Je ne comprends pas votre raisonnement, monsieur Sitzenstuhl. Vous dites que vous ferez de même mais que vous vous opposerez ensuite à l’article 8 en raison de l’adoption d’un amendement qui, précisément, est de même nature que le no 599. Ce n’est pas logique : si vous votez pour l’amendement no 599, votez l’article 8. L’aide à mourir et l’accompagnement de la fin de vie, c’est exactement la même chose.
Il est indispensable qu’un texte relatif aux soins palliatifs aborde également le sujet de la formation des médecins. Or, comme nous ne cessons de le répéter depuis le début, nous manquons de médecins formés à l’accompagnement et aux soins palliatifs. Il est donc nécessaire d’inscrire dans la loi le principe d’une telle formation. Je vous invite à voter l’article 8 afin de ne pas priver les médecins de cette formation. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 599.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 158
Nombre de suffrages exprimés 153
Majorité absolue 77
Pour l’adoption 136
Contre 17
(L’amendement no 599 est adopté.)
M. le président
Je mets aux voix l’article 8, tel qu’il a été amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 162
Nombre de suffrages exprimés 153
Majorité absolue 77
Pour l’adoption 73
Contre 80
(L’article 8 n’est pas adopté.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes RN et DR.)
Après l’article 8
M. le président
La parole est à Mme Josiane Corneloup, pour soutenir l’amendement no 437, portant article additionnel après l’article 8.
Mme Josiane Corneloup
L’amendement tend à renforcer les formations initiales et continues des professions médicales, notamment des médecins et des infirmiers, grâce à des modules d’enseignement spécifiquement dédiés à la connaissance des soins palliatifs.
Si l’on veut réussir le déploiement de soins palliatifs de qualité dans tout le territoire, il est nécessaire de former correctement nos soignants. C’est d’ailleurs une demande unanime de la communauté médicale.
L’écoute, le prendre soin, doivent s’enseigner dès les premières années d’études. Par exemple, les étudiants en médecine ne reçoivent aujourd’hui que quelques heures de formation sur les soins palliatifs – entre deux et dix heures durant les six premières années de médecine.
(L’amendement no 437, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)
Article 8 bis
M. le président
La parole est à M. Julien Odoul.
M. Julien Odoul
Cet article est irresponsable, idéologique, voire obscène (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP), car dans ce texte censé défendre les soins palliatifs, une médecine précise, humaine, exigeante, vous glissez sans honte un article pour que soit abordé le sujet de la mort dans les classes d’écoles. Sous prétexte de sensibiliser, vous ouvrez une brèche dans la frontière entre l’école et l’intime, entre l’instruction et la conscience, car la fin de vie n’est pas un sujet neutre. C’est une question éthique, spirituelle, philosophique, qui nécessite de la maturité et relève de la responsabilité parentale. Ce n’est pas le rôle de l’école de la soulever, ce n’est pas dans ce lieu qu’il convient de le faire.
Pire encore, on nous explique que les dispositions relatives à l’aide à mourir, qui légaliseraient l’euthanasie ou le suicide assisté, sont traitées dans un texte à part. Mais on ne peut pas d’un côté prétendre que les textes sont strictement séparés et de l’autre imprégner l’école d’une culture de la mort administrée. Soyons clairs : cette disposition n’est pas pédagogique, mais politique. Elle est faite pour façonner les esprits, préparer l’acceptabilité, en glissant l’idée de la mort provoquée dans l’univers mental des enfants. Rendez-vous compte de la dérive ! C’est pour nous une ligne rouge que nous ne franchirons pas.
L’article 8 bis marque aussi une rupture avec le soin, la neutralité scolaire, la pudeur républicaine, les droits des familles. Il ne s’agit plus ici d’informer, mais d’endoctriner, et c’est précisément ce que nous refusons. Supprimez cet article, il est indigne. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à Mme Karine Lebon.
Mme Karine Lebon
Je crois que M. Odoul n’a jamais lu de contes de fées – à moins qu’il ne souhaite les interdire aux enfants. Il semble en effet avoir oublié que le Petit Chaperon rouge finit mangé par le loup. (Exclamations sur divers bancs.)
Mme Élise Leboucher
Oh là là, mais c’est horrible !
Mme Karine Lebon
Nombreux sont les contes de fées d’une extrême cruauté, mais parler de la mort ne fait pas mourir. C’est au contraire une discussion que nous devons avoir. Ce n’est pas parce que l’on introduit cette notion dans le code de l’éducation que nous allons terrifier les enfants, bien au contraire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe SOC.) Pour avoir été enseignante pendant treize ans, je sais que le non-dit, le secret, est ce qui terrifie le plus les enfants. Ils ont besoin que des adultes, en qui ils peuvent avoir confiance, leur disent les choses simplement, avec des mots clairs.
M. Emeric Salmon
Cela s’appelle les parents !
M. le président
Si vous tenez à vous inscrire sur l’article, vous le pouvez bien sûr, mais plusieurs amendements de suppression ont été déposés et nous pourrions en commencer l’examen immédiatement, ce qui vous offrirait tout aussi bien l’occasion d’exposer vos arguments. Je le dis en particulier à M. Cyrille Isaac-Sibille et Mme Hanane Mansouri, qui ont demandé la parole.
Tout le monde étant d’accord, je vous annonce donc que je suis saisi de plusieurs amendements de suppression, nos 32, 92, 124, 224, 260, 412, 454, 711 et 729.
Sur ces amendements, je suis saisi par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l’amendement no 32.
M. Charles Sitzenstuhl
Quand j’ai découvert le texte issu des travaux de la commission, j’en ai fait une première lecture en diagonale. Je dois vous dire que cet article fut le premier à retenir mon attention et qu’il m’a profondément choqué.
M. Hadrien Clouet
Il aurait fallu le lire attentivement plutôt qu’en diagonale !
M. Charles Sitzenstuhl
Dans notre débat général sur la fin de vie, les soins palliatifs, l’euthanasie, le suicide assisté et l’aide à mourir, cet article 8 bis est une provocation.
Je demande à tous mes collègues de le lire : « L’éducation nationale introduit dans les programmes de l’enseignement primaire et secondaire des séances d’information sur le cycle de la vie et de la mort incluant le témoignage de bénévoles d’accompagnement des associations d’accompagnement reconnues, laïques, apolitiques et aconfessionnelles. »
Une députée du groupe LFI-NFP
Et donc ?
M. Charles Sitzenstuhl
Est-ce réellement une priorité d’introduire des séances d’information sur le cycle de la vie et de la mort dans l’enseignement primaire et secondaire à l’occasion de nos débats sur cette proposition de loi ?
Mme Sandrine Rousseau
Les fleurs fanent !
M. Charles Sitzenstuhl
Je vous invite à faire preuve de discernement : prenez conscience de la deuxième brèche que vous ouvrez dans notre débat ! (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) On ne peut pas introduire un tel article et demander à l’ensemble du corps enseignant d’aborder cette question avec les élèves du primaire et du secondaire. Revenons à la raison et supprimons cet article ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Mme Justine Gruet applaudit également.)
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 92.
M. Thibault Bazin
Cette proposition de loi porte normalement sur les soins palliatifs. Or 60 % des personnes bénéficiant d’une prise en charge palliative ne décèdent pas à ce moment-là – certaines peuvent même revenir à leur domicile. Pourtant, l’article 8 bis, introduit en commission, prévoit des séances d’information sur la mort dès l’école primaire.
Une école primaire accueille des enfants de 3 à 10 ans. (Mme Karen Erodi s’exclame.) La mort peut toucher leur entourage, et lorsqu’elle survient, un accompagnement spécifique est souvent mis en place. Les professionnels interviennent en lien avec la famille, sans que cela concerne systématiquement toute l’école, ni même toute la classe.
M. Gabriel Amard
Ce n’est pas un sujet tabou !
M. Thibault Bazin
Cet article instaure une approche systématique qui me pose problème.
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Vous préférez introduire une rupture d’égalité entre les enfants !
M. Thibault Bazin
Ces sujets relèvent avant tout de la sphère familiale et personnelle, ainsi que d’une culture générale qui se construit progressivement chez l’enfant.
En outre, un tel programme nécessiterait une réflexion pédagogique approfondie afin d’adapter au mieux ces séances.
Ne risque-t-on pas de susciter de l’angoisse chez certains enfants ? Chaque situation est unique et les parents agissent avec discernement, en fonction de l’âge et du contexte, pour décider si un enfant peut ou non voir une personne décédée. Faire intervenir des bénévoles qui partagent leur expérience devant des enfants peut ne pas être adapté, donc ne pas être souhaitable.
Pour moi, cet article va trop loin et n’a pas sa place dans la présente proposition de loi. Je vous propose donc de le supprimer.
M. le président
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l’amendement no 124.
M. Fabien Di Filippo
L’article 8 bis, vous l’aurez compris, suscite une forte opposition et semble contraire à la philosophie même de ce texte. À l’origine, la proposition de loi visait à assurer à toute la population un accès à des soins palliatifs de qualité, partout sur le territoire et à chaque étape du parcours de soins.
Cet article constitue une dérive : il modifie un article du code de l’éducation pour introduire dans les programmes de l’enseignement primaire des séances d’information sur le cycle de la vie et de la mort, incluant le témoignage de bénévoles issus d’associations reconnues, laïques, apolitiques et aconfessionnelles.
Cette disposition pose trois problèmes. D’abord, elle alourdit encore davantage des programmes scolaires qui devraient se recentrer sur les savoirs fondamentaux. Pour beaucoup d’entre nous, ce sujet n’a pas sa place à l’école et relève de la sphère familiale.
M. Thierry Tesson
Bien sûr ! Il y en a ras le bol !
M. Fabien Di Filippo
En outre, on peut faire semblant d’être naïf, parler de bons sentiments, mais nous risquons d’aboutir aux mêmes problèmes que pour les programmes d’éducation à la sexualité : le fait qu’une association soit apolitique ou aconfessionnelle ne signifie pas qu’elle est a-idéologique ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Même les associations agréées peuvent transmettre des témoignages qui reflètent une certaine idéologie.
Mme Élise Leboucher
Quelle idéologie ?
M. Fabien Di Filippo
Enfin, nous parlons d’enfants du primaire, qui pourraient être exposés à des témoignages de militants sous le couvert du corps enseignant.
M. Théo Bernhardt
Eh oui !
M. Fabien Di Filippo
Cela n’a pas sa place à l’école ! Cet article constitue, comme la précédente disposition que vous avez adoptée, un grave écueil ! Il est impératif de le supprimer.
M. le président
La parole est à Mme Josiane Corneloup, pour soutenir l’amendement no 224.
Mme Josiane Corneloup
L’éducation nationale doit se concentrer sur les savoirs fondamentaux.
M. Jean-François Coulomme
La vie et la mort, c’est fondamental !
Mme Josiane Corneloup
Son rôle n’est pas de se substituer aux parents, premiers éducateurs de leurs enfants.
Comme l’a souligné mon collègue Fabien Di Filippo, même si ces associations sont présentées comme laïques, apolitiques et aconfessionnelles, elles peuvent néanmoins défendre certaines convictions militantes.
Mme Ségolène Amiot
Vous pensez qu’ils vont militer pour quoi ?
Mme Josiane Corneloup
Par ailleurs, prévoir des séances d’information sur la mort auprès d’enfants en primaire ne me semble pas une bonne chose. La santé mentale des jeunes s’est déjà fortement dégradée : introduire un tel sujet risquerait de créer un climat encore plus anxiogène.
Mme Ségolène Amiot
Mais non, c’est l’inverse !
Mme Josiane Corneloup
Cet article n’a donc pas de sens, et mon amendement vise à le supprimer.
M. Jean-François Coulomme
Faut pas prendre les enfants pour des imbéciles !
M. le président
La parole est à M. Corentin Le Fur, pour soutenir l’amendement no 260.
M. Corentin Le Fur
Cet article part peut-être d’une bonne intention, mais je le trouve profondément choquant à plusieurs égards.
Tout d’abord, il n’a pas sa place dans un texte sur les soins palliatifs. Comme M. Sitzenstuhl l’a très bien dit, il ouvre une brèche supplémentaire dans un texte qui devrait nous rassembler et être adopté à l’unanimité.
Ensuite, il est choquant parce qu’il impose à l’éducation nationale une mission qui ne relève pas de son périmètre, et auprès d’enfants très jeunes. Nous parlons ici d’élèves du primaire, avec qui l’on voudrait aborder une question extrêmement anxiogène, difficile et sensible.
Parler de la mort exige une grande subtilité et une connaissance approfondie de l’enfant, de son histoire personnelle et de son éventuelle confrontation à la mort.
Ce travail revient aux parents, qui sont les mieux placés pour expliquer et faire comprendre, avec leurs propres mots, ce que sont la vie et la mort et ce qu’elles impliquent. Ce n’est absolument pas le rôle de l’éducation nationale.
Par ailleurs, les enseignants nous le disent : les programmes sont déjà extrêmement denses et difficiles à tenir. La France accuse un retard en matière de savoirs fondamentaux – lecture, écriture, mathématiques, langues – et il est essentiel de concentrer les efforts sur ces apprentissages. Pourquoi l’éducation nationale irait-elle consacrer des heures à des séances d’information sur la mort alors que cette mission relève avant tout de la sphère familiale, et surtout des parents ?
Je suis donc très hostile à cet article et j’espère que nous pourrons le supprimer, afin de nous retrouver autour des soins palliatifs.
M. Fabien Di Filippo
Oui, cet article n’a rien à faire là !
M. Corentin Le Fur
Le débat sur l’aide à mourir viendra ensuite, et chacun pourra y exprimer sa position dans le respect des opinions des uns et des autres.
M. le président
La parole est à Mme Sandrine Dogor-Such, pour soutenir l’amendement no 412.
Mme Sandrine Dogor-Such
Il est absolument impensable d’organiser des séances d’information sur le cycle de la vie et de la mort dans les écoles primaires. Ce sujet relève de la sphère familiale et doit rester du domaine privé.
M. Christophe Bentz
Eh oui !
Mme Sandrine Dogor-Such
En revanche, il est essentiel que tous les Français connaissent enfin leurs droits lorsqu’ils sont malades.
Avez-vous vu l’état de nos écoles ? Pensez-vous qu’il soit pertinent d’ajouter de nouveaux thèmes dans les programmes alors que nous peinons déjà à les finir ?
J’y insiste, de telles séances d’information ne doivent en aucun cas être organisées dans les écoles primaires. C’est pourquoi mon amendement, identique aux autres, vise à supprimer cet article. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 454.
M. Patrick Hetzel
Deux arguments distincts justifient la suppression de l’article 8 bis. Tout d’abord, ce texte porte sur les soins palliatifs. S’intéresser à la formation des soignants, cela a du sens, mais cet article s’éloigne totalement du sujet – au demeurant, ce type de disposition relève davantage du domaine réglementaire que du législatif.
Par ailleurs, on observe une forme d’obsession : celle de vouloir systématiquement impliquer l’éducation nationale dans chacun de nos débats. Certes, chaque sujet dont nous débattons est important, mais cette approche conduit à une accumulation de missions qui deviennent ingérables pour l’institution.
Les enseignants doivent pouvoir se concentrer sur les connaissances et compétences fondamentales. Cet article les éloigne de leurs missions premières et il doit donc être supprimé.
M. le président
La parole est à Mme Sophie Ricourt Vaginay, pour soutenir l’amendement no 711.
Mme Sophie Ricourt Vaginay
Le rôle de l’éducation nationale est d’instruire, non d’endoctriner. Elle doit transmettre aux enfants les savoirs fondamentaux : lire, écrire, compter, comprendre les lois de la nature et celles de la République – c’est déjà une tâche immense. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
L’éducation nationale n’a ni la légitimité morale, ni la compétence humaine, ni le mandat démocratique pour se substituer aux familles. Elle n’a pas vocation à faire de nos enfants les cobayes d’une rééducation sociale permanente.
M. Jean-François Coulomme
Oh là là !
M. Pierre-Yves Cadalen
Arrêtez !
Mme Sophie Ricourt Vaginay
Cessez donc ce militantisme idéologique dissimulé derrière de faux principes pédagogiques. L’école n’a pas à éduquer les consciences à la place des parents. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
M. le président
La parole est à M. Joël Bruneau, pour soutenir l’amendement no 729.
M. Joël Bruneau
Sans porter de jugement sur l’intention des rédacteurs à l’origine de cet article additionnel, je dois dire qu’en le lisant, je me suis interrogé sur le bien-fondé d’une telle initiative.
Tout d’abord, le cycle de la vie – avec un début et une fin – fait déjà partie des enseignements de sciences de la vie et de la Terre, qui abordent la notion de mortalité chez tous les êtres vivants, et pas seulement chez l’être humain.
Certes, nous avons tendance à solliciter l’éducation nationale sur une multitude de sujets. Mais, surtout, dans le cadre d’une mission que je mène avec plusieurs collègues, j’ai constaté à quel point il est difficile pour des associations d’intervenir en milieu scolaire pour les trente minutes de sport à l’école primaire, ou les deux heures au collège.
C’est pourquoi demander l’intervention d’associations sur un sujet aussi intime et complexe que la mort me semble particulièrement hasardeux, même s’il est prévu de faire appel à des associations agréées.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Vidal, rapporteure
L’article 8 bis a été introduit en commission par un amendement de Mme Agnès Firmin Le Bodo et de M. François Gernigon. J’y avais donné un avis défavorable, c’est pourquoi je suis favorable à ces amendements de suppression, pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, demander à l’éducation nationale d’intégrer cette thématique dans ses programmes est une démarche complexe. Les programmes scolaires font déjà l’objet de nombreux débats et ajustements, et il ne me semble pas nécessaire d’en ajouter.
Mme Annie Vidal, rapporteure
Par ailleurs, cette question relève avant tout de la sphère personnelle et familiale. Certains enfants pourraient recevoir sans problème un tel enseignement, mais celui-ci pourrait aussi ne pas convenir du tout à d’autres. Il risquerait de perturber par exemple des enfants confrontés à un décès dans leur famille ou qui ne sont pas prêts à entendre ce type d’informations – nous savons que les enfants n’évoluent pas tous au même rythme, particulièrement s’agissant de questions de cet ordre.
Par ailleurs, je n’ose imaginer les difficultés que rencontreront les enseignants chargés de préparer ce cours s’ils se retrouvent face à des enfants qui ne supportent pas d’entendre de telles informations.
Le recours à des témoignages de bénévoles me pose également un vrai problème. Des parents pourraient juger cette démarche intrusive, ce que je comprendrais tout à fait.
Au-delà de tous ces arguments qui me conduisent à émettre un avis favorable sur ces amendements de suppression, je tiens à informer la représentation nationale qu’en tant que rapporteure de la proposition de la loi, j’ai reçu un nombre considérable de messages et d’appels téléphoniques de la part d’enseignants et de parents qui tenaient à me dire qu’une telle mesure leur paraissait inacceptable.
M. Hadrien Clouet
Nous n’avons rien reçu, nous !
M. Fabien Di Filippo
C’est parce que vous n’êtes pas au contact de vos électeurs !
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement sur ces amendements de suppression ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
J’irai dans le sens de Mme la rapporteure en avançant trois arguments. Tout d’abord, sur le fond, l’article impose des séances d’information sans préciser le cadre dans lequel elles doivent se dérouler, ce qui pose un premier problème.
Ensuite, il existe déjà, dans le cadre des programmes scolaires, des enseignements permettant d’aborder de façon plus générale le thème de la mort. Je pense par exemple aux cours de CM1, de CM2 et de sixième sur le cycle de la vie.
Enfin, s’agissant de l’organisation des séances, je rappelle que le choix des intervenants extérieurs relève des établissements eux-mêmes et ne peut être inscrit dans la loi.
Pour toutes ces raisons, je donne un avis favorable à ces amendements de suppression.
M. le président
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales
Nous avons bâti en commission un texte qui a finalement recueilli l’unanimité. Au-delà du contenu précis de la proposition de loi, tous les groupes partageaient la volonté ferme d’aboutir à l’adoption d’un texte afin d’envoyer un signal fort – l’idée que les soins palliatifs constituent une question urgente et d’intérêt général, une priorité.
Je ne dis pas que nous devons aseptiser le texte au point de n’y faire figurer que des dispositions consensuelles. Cependant, nous avons vu, lors de l’examen de l’article 8, que certains détails pouvaient provoquer des crispations chez les uns ou chez les autres, de nature à remettre en cause l’équilibre trouvé en commission.
En outre, la disposition prévue par l’article 8 bis n’a pas forcément sa place dans un texte qui porte sur les soins palliatifs, dont l’objectif est bien d’assurer le développement de ces soins de façon pérenne. L’éducation du jeune public est une autre question.
Certes, cette mesure a été adoptée en commission, mais puisque nous examinons à présent le texte en séance, nous pouvons identifier les points susceptibles de susciter des interrogations.
Je trouverais dommage de rompre le consensus que nous avons créé à cause d’un dispositif qui vise à informer sur la question de la fin de vie, ce que l’on peut considérer comme hors sujet, puisque le texte porte sur les soins palliatifs.
M. le président
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille.
M. Cyrille Isaac-Sibille
Un enseignement sur la vie et la mort, je suis tenté de dire pourquoi pas – les enfants sont en mesure de comprendre ces notions –, mais s’il est assuré par les professeurs.
Je voterai donc pour ces amendements de suppression, car j’estime que des intervenants extérieurs n’ont pas leur place à l’école même si les associations qu’ils représentent – et dont on sait qu’elles sont militantes – ont un rôle à jouer dans la société. Dans une salle de classe, ce sont les instituteurs et les professeurs qui dispensent les cours.
M. le président
La parole est à Mme Justine Gruet.
Mme Justine Gruet
Il est essentiel de parler aux enfants de la mort et du deuil, mais il me semble tout aussi essentiel que ces questions soient abordées uniquement dans la sphère familiale, tout simplement parce que le rapport à la mort varie en fonction de l’âge et de la maturité de l’enfant.
D’ailleurs, la reconnaissance et l’acceptation de la mort interviennent seulement autour de 7 ans. Avant cet âge, la mort reste une notion très abstraite et n’est pas forcément perçue comme une issue irrémédiable. On ne peut proposer à tous les enfants le même enseignement, de façon généraliste, sur cette question car leur vécu n’est pas le même.
Nombre de parents ne souhaiteraient pas que l’on discute d’un sujet aussi essentiel à l’école. Malgré leur jeune âge, des enfants peuvent avoir été eux-mêmes confrontés à la mort et au deuil : dans un tel cas de figure, on ne sait pas comment ils réagiraient face à ces cours.
Moi-même, en tant que maman, je n’y suis pas favorable car je préfère leur en parler avec mes mots, avec ma connaissance de ce sujet – les différentes phases de deuil, d’acceptation par exemple – et en fonction de leur âge. La mort est une question intime. Ce n’est pas aux enseignants, au monde scolaire, de s’en saisir.
Par ailleurs, notre école rencontre déjà de grandes difficultés, ne serait-ce que pour assurer l’apprentissage des savoirs fondamentaux.
Peut-être devrions-nous aussi davantage nous préoccuper de la santé mentale de nos adolescents dans le secondaire, notamment en développant la prévention du suicide.
Mme Élise Leboucher
Justement !
Mme Justine Gruet
Enfin, permettons à nos enfants de garder une certaine innocence. D’ailleurs, certains parents ne souhaitent peut-être pas leur parler du tout de la mort. À l’inverse, lorsque les enfants ont été confrontés à un décès, leurs parents préfèrent peut-être les accompagner eux-mêmes sur le chemin qu’ils jugent souhaitable pour eux. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur plusieurs bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à Mme Joëlle Mélin.
Mme Joëlle Mélin
Je vous appelle à la prudence pour une raison particulière, à savoir le risque de suicide des très jeunes enfants – ceux qui ont l’âge d’être en école primaire –, un phénomène peu connu mais pourtant bien réel.
Les enfants connaissent évidemment les contes de fées, mais aussi les contes de sorcières, les histoires d’ogres qui mangent des enfants. Ces récits leur donnent une certaine vision de la mort qui correspond tout à fait à leur âge.
Face à des enfants suicidaires, si des propos malheureux sont tenus ou si des bénévoles eux-mêmes sensibilisés à cette cause viennent déstabiliser un certain équilibre, les effets pourraient être dramatiques.
Je ne vous cache pas que le suicide d’un enfant était une de mes pires craintes lorsque j’étais médecin généraliste. Il arrivait de temps en temps – certes rarement – qu’un parent me raconte que son enfant s’asseyait volontiers au bord d’une fenêtre. Or il arrive que des enfants se défenestrent. Même si ce phénomène est très rare, nous devons d’abord garder cette réalité à l’esprit.
Si un seul enfant devait se suicider à cause d’un cours visant à les sensibiliser à ces questions et dont le contenu est inapproprié, ce serait terrible. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à Mme Sandrine Rousseau.
Mme Sandrine Rousseau
Je voudrais commencer par rappeler un point important aux collègues d’en face qui nous regardent depuis tout à l’heure : ce n’est pas nous qui avons déposé cet amendement qui, par ailleurs, a été adopté en commission – c’est le groupe Horizons.
M. Sébastien Peytavie
Ah, les wokistes d’Horizons ! (Sourires.)
Mme Sandrine Rousseau
J’entends vos arguments. Cependant, sauf erreur, dans Bambi ou Blanche-Neige et les sept nains la mère est décédée, et dans Le Roi lion ou Cendrillon c’est le père qui l’est. On parle donc bien de la mort aux enfants, mais jusqu’à présent c’est Disney qui s’en charge. Ce n’est peut-être pas idéal. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RN et DR.)
M. Julien Odoul
Grotesque !
Mme Sandrine Rousseau
Je serais heureuse qu’un sujet aussi important puisse être abordé à l’école.
Mme Hanane Mansouri
C’est lunaire !
Mme Sandrine Rousseau
Cela dit, une telle mesure n’a rien à faire dans ce texte. Nous vous proposons donc de voter pour ces amendements de suppression, mais pas au nom des arguments lunaires qui ont été avancés. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS, SOC et GDR.)
M. le président
La parole est à Mme Anne Genetet.
Mme Anne Genetet
Je veux tout d’abord exprimer ma surprise face à la rédaction de l’article. Il y est en effet question du « cycle de la vie et de la mort ». Or je ne vois pas bien à quoi correspond le cycle de la mort – à moins que cette notion ait pour certains une connotation religieuse –, car la mort est une fin.
Par ailleurs, cette demande est pleinement satisfaite par le code de l’éducation. Dans le cadre des différents enseignements que reçoivent nos enfants à l’école – qu’il s’agisse de la littérature, de la poésie, des cours de sciences de la vie et de la terre ou de l’observation de la nature –, la question de la mort est déjà abordée. Ils connaissent donc cette notion, ils sont confrontés à la mort, ils sont informés.
En outre, la vie fait que, parfois, hélas, nos enseignants doivent accompagner des enfants qui traversent une période douloureuse au moment de la perte d’un proche.
Enfin, comme cela a été dit à plusieurs reprises, le texte porte sur les soins palliatifs. Avec cette mesure, nous nous éloignons beaucoup du sujet. Que l’on puisse aborder, en cours de sciences de la vie et de la terre, dans le cadre de l’éducation à la santé, les notions de douleur ou de dignité, pourquoi pas ? Toutefois, comme cela a été dit également, je fais entièrement confiance aux enseignants qui sauront parfaitement évoquer ces questions.
Voilà pourquoi cet article me semble inutile.
M. le président
La parole est à M. Olivier Fayssat.
M. Olivier Fayssat
L’adoption de cet article amorcerait un véritable processus d’endoctrinement. La génération suivante ne pourrait alors même pas avoir le débat qui est le nôtre en ce moment. Mon groupe votera évidemment pour les amendements de suppression.
M. le président
La parole est à M. Yannick Monnet.
M. Yannick Monnet
Je me joins au président Valletoux et à Sandrine Rousseau. Rien ne me choque dans cet article. Nous n’avons pas tous la même conception de l’éducation. Pour ma part, j’estime qu’on peut tout enseigner à des enfants – la question est de savoir comment on le fait, dans quelles conditions.
Cependant, il est nécessaire de préserver le consensus que nous avons trouvé sur ce texte.
Par ailleurs, même si les questions liées à l’éducation sont centrales, cet article n’apporte rien en matière de développement des soins palliatifs.
C’est donc dans cet état d’esprit que nous voterons pour les amendements de suppression. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
M. le président
La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo.
Mme Agnès Firmin Le Bodo
L’amendement que j’avais déposé en commission avec mon collègue François Gernigon et qui, à ma grande surprise, a été adopté – ce qui a entraîné la rédaction de cet article –, a été suggéré par l’association Jalmalv (Jusqu’à la mort accompagner la vie), que vous connaissez peut-être. Elle forme les bénévoles qui accompagnent nos malades en fin de vie – je tiens à préciser au passage qu’elle est opposée à l’aide à mourir.
Si j’ai souhaité déposer cet amendement, c’est parce qu’il répondait à l’attente de nombreux bénévoles, mais aussi de jeunes avec lesquels j’ai échangé à propos de leur rapport à la mort. Nous avons parlé du fait que l’on ne parle jamais de ce sujet et qu’une telle initiative pouvait être intéressante.
Je pense comme vous que le véhicule législatif n’est pas le bon. Cependant, aucun véhicule législatif ne permettra d’aborder cette question. Par conséquent, si nous n’avions pas introduit cette disposition à ce moment-là, nous ne l’aurions jamais fait.
Je le répète : nos enfants ont besoin qu’on leur parle de la mort. Il est important de sensibiliser les enfants à ces questions parce qu’ils n’ont pas tous la chance d’avoir des parents en mesure de parler de la mort avec eux. Ce point de vue est d’ailleurs partagé par des personnes de différentes sensibilités. Mme Genetet a expliqué que cette demande était satisfaite, je n’en suis pas tout à fait sûre.
Je me permets de préciser que cet amendement avait été défendu par deux députés du groupe Horizons et non par le groupe dans son ensemble – sur un sujet comme celui-ci, il n’y a pas d’amendement de groupe.
Pour répondre à M. Odoul, je rappelle que l’association Jalmalv souhaite que ce sujet soit abordé à l’école tranquillement et de façon très équilibrée – et, je le répète, on ne peut vraiment pas reprocher à cette association de faire du prosélytisme en faveur de l’aide à mourir.
M. le président
La parole est à M. Hadrien Clouet.
M. Hadrien Clouet
On a entendu certains arguments qui nous ramènent trois siècles en arrière, avant même l’émergence du mouvement des Lumières.
M. Nicolas Meizonnet
Vous préféreriez l’époque de la Révolution française, de Robespierre !
M. Hadrien Clouet
Oui, tout à fait ! Les membres du groupe La France insoumise ne se coucheront pas face à ces arguments !
Le texte, qui comprenait cette disposition, a été voté à l’unanimité en commission. Visiblement, pendant le week-end, je ne sais quel lobby réactionnaire a retourné le cerveau de certains ! (« Oh ! » sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR.)
Les petites et les petits sont confrontés à la mort. Ils et elles ont donc besoin d’espaces pour en discuter,…
M. Julien Odoul
E que s’apelerio les parents !
Mme Hanane Mansouri
La famille !
M. Hadrien Clouet
…d’espaces de philosophie. La philosophie est un savoir fondamental !
Vous dites : « Les parents ! » Et que font ceux qui n’ont pas de parents, ceux dont les parents n’en parlent pas ? Rien ! Seule l’école est garante (« Oh ! » et « Non ! » sur les bancs des groupes RN et UDR. – Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe LFI-NFP)…
M. Julien Odoul
Vous voudriez que ce soit comme autrefois en URSS !
M. Hadrien Clouet
…d’un niveau de connaissances égalitaire pour tous les gosses, quelles que soient leurs familles, quels que soient leurs parents !
Tous les enfants posent des questions simples : qu’arrive-t-il quand on meurt ? Où va-t-on ? Que ressent-on ? Ces questions sont légitimes et méritent de se voir apporter des réponses dans le cadre scolaire. En effet, lorsqu’on est tout petit, on n’est pas en capacité de lire Montaigne ou Platon : on a besoin de matériel pédagogique adapté pour se poser les bonnes questions, d’être pris par la main et accompagné lorsqu’autour de soi, on est confronté à la mort de proches, de membres de sa famille qu’on aimait de tout son cœur et qu’on est démuni, qu’on ne sait pas quoi faire. Voilà le sens de cet article et la raison pour laquelle nous voulons le maintenir.
Vous nous dites que les enfants ne doivent pas être confrontés à la mort.
Mme Hanane Mansouri
On n’a pas dit ça !
M. Hadrien Clouet
Mais enfin, que vous a-t-on enseigné en cours d’histoire ? Est-ce qu’on leur cache que Jeanne d’Arc est décédée ? La mort est une composante de l’histoire de l’humanité, elle est au centre des enseignements dispensés aux petits qui, de ce fait, se posent des questions auxquelles vous ne voulez pas répondre. Voilà la réalité de ce que vous proposez !
M. le président
Merci !
M. Hadrien Clouet
Les associations sont déjà présentes dans les écoles, par exemple pour y parler de l’écologie (Le temps de parole étant écoulé, M. le président coupe le micro de l’orateur.) En un mot (Protestations sur les bancs des groupes RN et UDR. – Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP)…
M. le président
C’est terminé, monsieur Clouet ! Pas à chaque fois !
Après ce long débat, je mets aux voix les amendements identiques nos 32, 92, 124, 224, 260, 412, 454, 711 et 729.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 182
Nombre de suffrages exprimés 174
Majorité absolue 88
Pour l’adoption 141
Contre 33
(Les amendements identiques nos 32, 92, 124, 224, 260, 412, 454, 711 et 729 sont adoptés ; en conséquence, l’article 8 bis est supprimé et les amendements suivants tombent.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR. – Mme Justine Gruet applaudit également.)
Article 8 ter
M. le président
La parole est à M. Théo Bernhardt.
M. Théo Bernhardt
Cet article tend à introduire des débats éthiques dans les formations. L’éthique et la bioéthique sont en effet, de mon point de vue, les grandes absentes des formations des professionnels de santé, mais également des formations scientifiques, notamment à la recherche scientifique.
Nous le savons mieux que tout le monde : la société est en constante évolution. Nous sommes donc confrontés à des questions éthiques de plus en plus nombreuses, s’agissant notamment de la fin de vie, ce qui nous conduit à débattre des textes que nous examinerons dans les prochains jours.
Des questions sociétales se posent également de plus en plus et les traitements, les soins et la recherche évoluent rapidement. C’est pourquoi il semble opportun de voter en faveur de cet article.
M. le président
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 208.
M. Patrick Hetzel
Cet amendement tend à faire de l’enseignement instauré par l’article un enseignement spécialisé relatif à l’éthique médicale et aux soins palliatifs. En effet, puisque le texte que nous examinons traite des soins palliatifs, il nous semble pertinent qu’il prévoie que les cadres formés à l’École des hautes études en santé publique (EHESP) de Rennes puissent se voir enseigner l’éthique médicale et être sensibilisés aux soins palliatifs.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Vidal, rapporteure
En commission, j’étais défavorable à l’introduction de cet article. Je trouve cependant qu’il n’est pas sans intérêt, comme vous proposez de le faire, de préciser que l’enseignement d’éthique de l’EHESP porte sur l’éthique médicale et les soins palliatifs. Aussi m’en remettrai-je à la sagesse de l’Assemblée.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Même avis.
M. le président
La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier
La proposition de Patrick Hetzel m’étonne un peu. L’éthique médicale constitue un champ plus étroit que l’éthique au sens le plus large, et je crois que l’éthique au sens le plus large serait plus adaptée.
M. le président
La parole est à M. Patrick Hetzel.
M. Patrick Hetzel
J’ai examiné les programmes de l’EHESP, qui comportent déjà un enseignement d’éthique. Mais ce qui est pertinent et nous intéresse ici, c’est plutôt l’éthique médicale. Je crois qu’il ne sera pas inutile, de manière générale, de l’enseigner aux cadres de santé.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 208.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 138
Nombre de suffrages exprimés 137
Majorité absolue 69
Pour l’adoption 63
Contre 74
(L’amendement no 208 n’est pas adopté.)
(L’article 8 ter est adopté.)
Article 8 quater
M. le président
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 244.
M. Patrick Hetzel
Une expérimentation ne peut permettre une analyse pertinente que si elle est effectivement menée. C’est pourquoi il convient de rendre obligatoire l’insertion d’une formation aux soins palliatifs dans les stages pratiques au sein des unités de soins palliatifs et des équipes mobiles de soins palliatifs. C’est l’objet du présent amendement.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Vidal, rapporteure
J’ai émis en commission un avis défavorable sur cet amendement et je le maintiens. J’appelle toutefois votre attention sur l’amendement suivant, que j’ai moi-même déposé et qui est, dans une certaine mesure, dans le même esprit que le vôtre.
(L’amendement no 244 est retiré.)
M. le président
L’amendement no 669 de Mme la rapporteure est rédactionnel.
(L’amendement no 669, accepté par le gouvernement, est adopté.)
M. le président
Je suis saisi de quatre amendements identiques, nos 46, 373, 466 et 713.
Les amendements nos 46 de Mme Sylvie Bonnet et 373 de Mme Marie-Christine Dalloz sont défendus.
La parole est à M. Philippe Juvin, pour soutenir l’amendement no 466.
M. Philippe Juvin
Cet amendement tend à préciser que le public visé par l’article est celui des étudiants en médecine.
M. le président
L’amendement no 713 de Mme Brigitte Barèges est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Vidal, rapporteure
Sagesse.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Même avis.
(Les amendements identiques nos 46, 373, 466 et 713 sont adoptés.)
M. le président
L’amendement no 670 de Mme la rapporteure est rédactionnel.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Sagesse.
(L’amendement no 670 est adopté.)
M. le président
L’amendement no 671 de Mme la rapporteure est rédactionnel.
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Sagesse.
(L’amendement no 671 est adopté.)
(L’article 8 quater, amendé, est adopté.)
Article 9
M. le président
Je suis saisi d’un amendement no 177, visant à rétablir l’article 9, supprimé par la commission. La parole est à M. Yannick Monnet, pour le soutenir.
M. Yannick Monnet
L’article que cet amendement tend à rétablir nous permettrait de disposer de davantage d’informations sur la sédation profonde et continue, notamment le nombre de sédations pratiquées, de refus de sédation et de sédations pratiquées sur décision médicale. En somme, il nous autoriserait à évaluer de façon bien plus fine l’exercice du droit conféré au patient de demander une sédation profonde et continue.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Vidal, rapporteure
Défavorable. La raison en est simple : il nous est inutile d’établir un rapport pour connaître le nombre de sédations profondes et continues maintenues jusqu’au décès puisque, depuis le début de l’année 2025, nous disposons d’outils de mesure qui n’existaient pas auparavant. Il existe à présent deux codifications dans les systèmes d’information du système de santé : l’une désigne les sédations pratiquées ponctuellement dans le cadre des prises en charge, l’autre les sédations profondes et continues maintenues jusqu’au décès. Il suffira de demander aux administrations centrales de nous livrer les données correspondantes, qui figureront dans le programme de médicalisation des systèmes d’information.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Je remercie la rapporteure d’avoir décrit dans le détail la réalisation de l’engagement que j’avais pris devant votre assemblée l’année dernière. Il s’agissait, grâce à la classification des actes médicaux, de pouvoir établir le nombre de sédations profondes et continues pratiquées. Votre rapporteure a indiqué que cette mesure était appliquée depuis le début de l’année. Cela fait très précisément quinze jours que cet outil très concret, encore plus précis qu’un rapport, nous permet de disposer de l’information recherchée. L’amendement est donc satisfait.
M. le président
La parole est à Mme Karine Lebon.
Mme Karine Lebon
Il ne l’est pas, madame la ministre. En effet, si vous lisez notre amendement dans le détail, vous observerez que nous demandons à distinguer le nombre de sédations profondes et continues pratiquées sur demande du patient pour souffrances réfractaires ou en soutien d’une demande d’arrêt de traitement, le nombre de refus de sédations profondes et continues sur demande du patient et le nombre de sédations profondes et continues pratiquées sur décision médicale.
Il est important que nous disposions de ces données. En effet, nous allons voter sur un texte visant à redonner aux soins palliatifs tous les moyens qu’ils requièrent et, juste après, sur une proposition de loi relative à l’aide à mourir. Il ne faudrait pas, parce que nous aurions voté ce dernier texte, qu’il n’y ait plus de sédations profondes et continues. Si leur nombre venait à diminuer, cela pourrait vouloir dire quelque chose.
Il convient donc que nous disposions de ces données. Il s’agit d’une demande du réseau France Assos Santé. Nous sommes aussi dans cet hémicycle pour porter la voix des associations.
M. le président
La parole est à Mme Sandrine Dogor-Such.
Mme Sandrine Dogor-Such
Il me semble que nous avons travaillé en commission sur cet article 9 et que nous l’avons intégré aux articles 4 et 19.
Mme Annie Vidal, rapporteure
Tout à fait !
Mme Sandrine Dogor-Such
C’est la raison pour laquelle nous l’avons supprimé.
S’agissant des sédations profondes et continues prévues par la loi Claeys-Leonetti, il n’est pas possible d’évaluer leur nombre. En effet, on sait que, dans la totalité des unités de soins palliatifs, on a surtout recours à la morphine pour gérer la douleur. Or elle n’est pas assez utilisée. La loi Claeys-Leonetti n’a donc pas été appliquée. Il faudra revoir cette situation.
Il n’était en tout cas pas nécessaire de conserver cet article, puisqu’il a été intégré aux articles 4 et 19.
M. le président
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
Cet amendement est probablement l’un des plus intéressants parmi ceux que nous examinons depuis le début de la semaine. En effet, comme cela vient d’être dit, notamment par le gouvernement et les défenseurs de l’amendement, jusqu’à cette année, nous ne disposions pas de données relatives aux sédations profondes et continues. Tout cela devrait nous interpeller et illustre une fois de plus la faillite collective de l’État s’agissant de la fin de vie et des soins palliatifs.
Parmi les arguments des personnes qui défendent l’aide à mourir, l’euthanasie, le suicide assisté, on entend régulièrement revenir l’affirmation selon laquelle la sédation profonde et continue ne permet pas de régler un certain nombre de cas. Mais cet argument n’est fondé sur aucune donnée chiffrée ! C’est hallucinant ! (Mme Élise Leboucher s’exclame.) Je vais même plus loin dans mon raisonnement : cette absence de données invite à réfléchir aux conditions dans lesquelles le projet de loi sur l’aide à mourir et la fin de vie est arrivé au Parlement l’année dernière : cela s’est fait alors que l’État ne disposait pas de données chiffrées sur la question de la sédation profonde et continue, donc sur l’application de la loi Claeys-Leonetti. Mes chers collègues, réfléchissons tout de même à cette situation assez aberrante et choquante ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes DR et UDR.)
M. Patrick Hetzel
Très juste !
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
Ce que je trouve intéressant dans l’article que propose de rétablir M. Monnet, c’est qu’il traite du suivi de l’application des sédations profondes et continues – précisément ce que nous demandions. Il est vrai que le projet de loi remonte à plus d’un an et que, depuis, il y a une cotation des actes qui va permettre un suivi. Nous n’avons donc plus besoin de rétablir cet article.
Cela dit, le problème principal, c’est que la loi Claeys-Leonetti n’est pas appliquée (« Eh oui ! » et applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, DR et UDR), ce qui apparaît clairement quand on considère que plus de 50 % des personnes qui auraient besoin de soins palliatifs n’y ont pas accès – la mission d’évaluation prévue n’a d’ailleurs pas été mise en place dans les délais prévus. On prévoyait le développement de la formation en ce domaine : il n’a pas été réalisé. On prévoyait la remise d’un rapport chaque année au Parlement sur l’application de la loi par le gouvernement : aucun rapport n’a jamais été remis depuis la promulgation de la loi en 2016 ! Il s’agit d’abord d’appliquer la loi actuelle. Et c’est tout l’enjeu, parce que sa pleine application sera une vraie réponse à tous ceux qui ont besoin d’accéder aux soins palliatifs.
M. le président
La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo.
Mme Agnès Firmin Le Bodo
Cet article avait sans doute tout son sens lorsqu’il a été introduit il y a un an, puisqu’à l’époque la cotation de la sédation profonde et continue n’existait pas. Je tiens à rendre hommage aux deux auteurs du rapport d’information sur l’application de la loi Claeys-Leonetti, ainsi qu’au président de ladite mission, car ce rapport a souligné le fait qu’on ne pouvait pas évaluer le nombre de sédations profondes et continues en l’absence de cotation des actes correspondants.
La deuxième raison pour laquelle la sédation profonde et continue n’est pas si appliquée – les premiers chiffres disponibles nous le confirmeront sans doute –, c’est que les médecins n’y sont pas formés.
Monsieur Sitzenstuhl, monsieur Bazin, je ne peux pas vous laisser dire que si nous débattons de l’aide à mourir, c’est uniquement parce que la loi Claeys-Leonetti n’est pas appliquée : en réalité, c’est aussi parce que cette loi ne répond pas à toutes les situations. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes HOR et Dem.)
M. Thibault Bazin
Je n’ai pas dit le contraire !
M. le président
La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier
Je suis sensible à l’argument de notre collègue Monnet pour une raison simple : nous avons collectivement fait le constat que le déploiement des soins palliatifs résultant de l’application de la loi Claeys-Leonetti n’était pas effectif partout sur le territoire, contrairement à ce qui était prévu – il est à mettre à votre crédit, madame la ministre, d’avoir déclenché le processus permettant de couvrir enfin les vingt départements restants, ce qui constitue une avancée non négligeable. Mais s’il est un sujet dont on ne peut pas se satisfaire à bon compte, c’est bien celui de la formation. Vous pouvez mettre tout l’argent que vous voulez dans le dispositif, s’il n’y a personne en face, cela ne marchera pas.
Je veux dire à notre collègue Monnet que le délai de deux ans qu’il propose pour la remise d’un rapport me semble constituer une échéance un peu lointaine – mais ce n’est pas grave, nous trouverons le moyen de régler cela dans le cadre d’une commission mixte paritaire. Quoi qu’il en soit, ce serait formidable, à la fois pour le gouvernement et pour le Parlement, de pouvoir disposer d’un tel rapport. On ne peut pas unanimement dire : « Il faut y arriver, il faut cibler les priorités, il faut dégager des moyens, il faut former » si, dans le même temps, on ne se dote pas d’outils d’évaluation. Ce rapport nous renverra tous à notre responsabilité en répondant à cette simple question : ce que nous avons voté a-t-il été suivi d’effet ? Le service après vote, c’est aussi au Parlement de l’effectuer. Nous sommes donc favorables à cet amendement.
M. Christophe Blanchet
Très bien !
M. le président
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Annie Vidal, rapporteure
Il est ici question uniquement de la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès. Rappelez-vous que nous avons longuement discuté en commission des demandes de rapport à de nombreux articles, et que je vous ai proposé de procéder à un travail de synthèse : toutes les demandes de rapport sur l’évaluation de la stratégie décennale ainsi que sur celle de l’accompagnement et des soins palliatifs – qui permettront de répondre à la demande d’information mentionnée à l’article 9 que l’amendement vise à rétablir – ont été intégrées à l’article 4. Nous disposerons donc de l’évaluation souhaitée.
(L’amendement no 177 n’est pas adopté ; en conséquence, l’article 9 demeure supprimé.)
Article 9 bis
M. le président
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 672, tendant à supprimer l’article 9 bis.
Mme Annie Vidal, rapporteure
Comme je viens de l’expliquer à l’instant, la demande de rapport a été intégrée à l’alinéa 4 de l’article 4, ce qui rend inutile l’article 9 bis – j’avais indiqué en commission que ce serait le cas –, c’est pourquoi je propose sa suppression.
(L’amendement no 672, accepté par le gouvernement, est adopté ; en conséquence, l’article 9 bis est supprimé et les amendements nos 630, 406, 496 et 405 tombent.)
Après l’article 9 bis
M. le président
Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 9 bis.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 144.
M. Patrick Hetzel
Cet amendement a pour objet de confier à la Haute Autorité de santé une mission de définition d’indicateurs qualitatifs visant à évaluer les équipes mobiles de soins palliatifs.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Vidal, rapporteure
Je considère l’amendement satisfait puisque, dans le cadre des obligations actuelles de certification et d’amélioration de la qualité qui s’imposent aux établissements de santé, il existe déjà un certain nombre d’indicateurs établis par la Haute Autorité de santé et qui constituent la base des démarches de certification. À défaut d’un retrait, l’avis serait donc défavorable.
M. Patrick Hetzel
Je retire mon amendement, monsieur le président.
(L’amendement no 144 est retiré.)
M. le président
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 145.
M. Patrick Hetzel
Cet amendement va dans le même sens, mais il s’agit cette fois-ci de développer des indicateurs d’évaluation et de gestion de la douleur chez les patients en phase terminale atteints d’une affection grave et incurable et dont le pronostic est engagé à court terme.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Vidal, rapporteure
Même avis que sur l’amendement précédent, pour la même raison.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Même avis.
M. le président
Maintenez-vous votre amendement, monsieur Hetzel ?
M. Patrick Hetzel
Je le retire, monsieur le président.
(L’amendement no 145 est retiré.)
M. le président
Si cela continue ainsi, nous allons terminer cette séance dans la plénitude et la concorde…
La parole est à M. Hadrien Clouet, pour soutenir l’amendement no 676 – du coup, pour ce qui est de la plénitude et de la concorde, j’ai un doute ! (Sourires.)
M. Hadrien Clouet
Au contraire, monsieur le président, avec nous la plénitude et la concorde seront au rendez-vous, comme d’habitude !
On a entamé cette discussion depuis plusieurs heures et je pense qu’un consensus s’est dégagé, portant sur le manque d’informations concernant les sédations profondes et continues. Ce constat me semble partagé sur différents bancs, par des collègues de différentes sensibilités philosophiques et politiques. Le Parlement lui-même manque d’informations, chacun peut en convenir quelles que soient ses convictions.
Par conséquent, cet amendement propose que le ministère de la santé dresse tous les deux ans un état des lieux « mis à disposition du Parlement ». Cet état des lieux détaillera le nombre de sédations profondes et continues, leurs motifs et les raisons des éventuels refus, ainsi que leur répartition territoriale pour en analyser la dispersion géographique et le caractère égal ou non sur le territoire. Je pense que des informations de ce type seraient utiles, quoi qu’on pense de la sédation profonde et continue sur le plan moral, qu’on souhaite ou non son extension, ou encore aller plus loin à travers l’aide à mourir, etc… On peut mettre de côté sa position personnelle et se dire qu’on doit toutes et tous bénéficier d’une information de meilleure qualité, plus fine, pour pouvoir mieux se positionner ensuite, en son âme et conscience, sur les différentes questions ayant trait à la sédation profonde et continue.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie Vidal, rapporteure
Nous disposerons, comme je vous l’ai dit, des données globales que vous demandez concernant la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès. Mais vous demandez aussi qu’on enregistre le nombre de demandes, et le seul moyen de le faire serait de demander à tous les services de tenir un cahier des demandes – je ne vois pas comment ils pourraient faire autrement. Or, s’ils devaient le faire, ce serait forcément au détriment du temps consacré à leurs patients,…
Mme Ségolène Amiot
Ça, c’est du pipeau !
Mme Annie Vidal, rapporteure
…et il faudrait ensuite colliger tous les éléments recueillis. Cela pourrait avoir un intérêt, j’en conviens, mais, dans la pratique, c’est clairement irréaliste. On ne peut pas demander aux soignants d’assurer cette traçabilité, car cela mettrait à leur charge une mission extrêmement lourde à gérer. L’avis est défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Je comprends la volonté d’essayer d’aller plus loin dans l’analyse des sédations profondes et continues mais, comme vient de le dire votre rapporteure, la difficulté, c’est en effet la tenue des registres qui seraient nécessaires. Je rappelle qu’on vient de mettre en place un système informatique qui permet d’acter chaque sédation, ce qui va constituer une base de données qui pourront ensuite être facilement analysées territoire par territoire et même centre hospitalier par centre hospitalier – étant précisé qu’il y a aussi le cas, pour le moment marginal, où la sédation profonde et continue est installée au domicile, ce qui nécessite alors de travailler avec la Caisse nationale de l’assurance maladie pour accéder aux données correspondantes.
Le recueil des données tel qu’il est actuellement prévu se cantonne au champ quantitatif, à l’exclusion des éléments qualitatifs, notamment ceux relatifs au type de pathologie. Cela dit, pour ce qui est des raisons de la mise en place d’une sédation profonde et continue, je n’en vois guère d’autre que celle d’avoir atteint la phase terminale de la maladie. On pourrait cependant concevoir de recueillir des données territoire par territoire, ce qui permettrait d’aller un peu plus loin sur un plan qualitatif. Quoi qu’il en soit, une question demeure : quelles équipes et pour faire quoi ? Je doute que le rapport que vous demandez permette d’apporter une réponse sur ces points-là, c’est pourquoi j’émets un avis défavorable.
M. le président
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
Dans l’esprit de concorde auquel vous nous appelez, je suis partiellement d’accord avec ce qu’a dit Hadrien Clouet. (M. Louis Boyard applaudit.)
Plusieurs députés du groupe LFI-NFP
Ah !
M. Hadrien Clouet
Vous m’en voyez partiellement heureux !
M. Charles Sitzenstuhl
Je parle du début de votre intervention, où vous déplorez le fait que nous manquions d’information. Mais est-ce que cela ne gêne pas le député Clouet et ceux qui pensent comme lui que nous légiférions sur le sujet peut-être le plus important, le plus grave, le plus délicat d’une vie humaine, à savoir la mort, en ne disposant d’aucune information sur la sédation profonde et continue ? Le débat que nous avons au cours des dernières minutes de cette séance pose de vraies questions sur la façon dont nous votons la loi, comme sur la façon dont nous avons débattu de ce sujet l’année dernière, quand le gouvernement a déposé un projet de loi manquant de données chiffrées sur le sujet de la sédation profonde et continue. Je vous appelle, chers collègues, à vous poser des questions (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP), à réfléchir à la façon dont nous légiférons sur la question de la mort en l’absence complète de données chiffrées. Pensez-y, la nuit porte conseil. (M. Julien Odoul applaudit.)
M. le président
Avant d’aller se coucher, on va déjà voter sur l’amendement.
(L’amendement no 676 n’est pas adopté.)
M. le président
Mes chers collègues, avant de lever la séance, je tiens à vous féliciter, car nous avons atteint une moyenne de quarante et un amendements à l’heure. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem ainsi que sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR.)
La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.
2. Ordre du jour de la prochaine séance
M. le président
Prochaine séance, demain, à neuf heures :
Discussion de la proposition de loi visant à étendre l’aide médicale de l’État à Mayotte ;
Discussion de la proposition de loi de simplification du droit de l’urbanisme et du logement ;
Discussion de la proposition de loi visant à lutter contre la mortalité infantile ;
Discussion de la proposition de loi visant à créer une croix de la valeur des sapeurs-pompiers volontaires et professionnels ;
Discussion de la proposition de loi visant à généraliser la connaissance et la maîtrise des gestes de premiers secours ;
Discussion de la proposition de loi visant à lutter contre la pédocriminalité ;
Discussion de la proposition de résolution visant à prendre en compte la cherté de la vie en outre mer ;
Discussion de la proposition de résolution relative à la mise en place d’un comité des métiers du secteur social et médico-social.
La séance est levée.
(La séance est levée à minuit.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra