Première séance du vendredi 13 juin 2025
- Présidence de Mme Nadège Abomangoli
- 1. Simplification de la vie économique
- Rappels au règlement
- Discussion des articles (suite)
- Article 24 A (appelé par priorité)
- Article 24 (appelé par priorité)
- Rappel au règlement
- Article 24 (appelé par priorité - suite)
- Article 24 bis (appelé par priorité)
- Amendement no 2325
- Suspension et reprise de la séance
- Article 22 (appelé par priorité)
- Mme Anne Stambach-Terrenoir
- Amendement no 1617
- M. Laurent Marcangeli, ministre de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification
- Amendements nos 2080, 2081, 2082, 2083, 2084, 2085, 1951, 2559, 1952 rectifié, 2558 rectifié, 2187, 2086, 2087 rectifié, 2088 deuxième rectification, 2089, 2090 rectifié et 2324
- Suspension et reprise de la séance
- Amendement no 2407
- Article 22 bis A (appelé par priorité)
- Amendement no 2330
- Article 22 bis B (appelé par priorité)
- Amendement no 1843
- Rappel au règlement
- Article 22 bis B (appelé par priorité - suite)
- Après l’article 22 bis B (amendement appelé par priorité)
- Amendement no 2561
- Article 22 bis (appelé par priorité)
- Mme Anne Stambach-Terrenoir
- M. Gérard Leseul
- Amendement no 1589
- M. Ian Boucard, président de la commission spéciale
- Amendements nos 1562, 31 et 2091, 2092, 1147, 2093, 2094, 2095
- Suspension et reprise de la séance
- Article 23 (appelé par priorité)
- Mme Claire Lejeune
- M. Nicolas Bonnet
- Amendement no 1621
- Article 23 bis (appelé par priorité)
- Suspension et reprise de la séance
- Article 6
- Après l’article 6
- Après l’article 6 bis
- Amendement no 2537
- Après l’article 7
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Nadège Abomangoli
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures.)
1. Simplification de la vie économique
Suite de la discussion d’un projet de loi
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de simplification de la vie économique (nos 481 rectifié, 1191).
Rappels au règlement
Mme la présidente
La parole est à Mme Anne Stambach-Terrenoir, pour un rappel au règlement.
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Rappel au règlement sur le fondement de l’article 100, relatif à la bonne tenue de nos débats.
Rappelons dans quelles conditions nous examinons ce texte : nous avons travaillé dessus en commission du 24 au 27 mars, puis dans l’hémicycle les 9, 10 et 11 avril, puis les 29 et 30 avril, puis, un mois plus tard, les 27 et 28 mai, avant d’y revenir aujourd’hui 13 juin et le week-end à suivre. Comme on peut le constater à la vue d’un hémicycle quasiment désert, notamment sur les bancs de la Macronie, ce projet de loin est loin de susciter un immense intérêt. Je lance donc un énième appel au gouvernement à y renoncer et à le retirer. C’est un fourre-tout ; nous n’en pouvons plus, personne n’y comprend rien.
M. Emeric Salmon
Il y en a quand même qui sont là…
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Je le répète : la manière dont on nous fait travailler n’est vraiment pas respectueuse. (M. Charles Fournier applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. Gérard Leseul, pour un rappel au règlement.
M. Gérard Leseul
Sur le fondement de l’article 100, relatif à la bonne tenue de nos débats, madame la présidente.
Nous reprenons pour la troisième ou la quatrième fois l’examen d’un texte sur lequel la procédure accélérée a été engagée en mars 2024. Franchement, ce n’est pas sérieux !
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Exactement !
M. Gérard Leseul
On a noté à de nombreuses reprises la faible présence des collègues dans l’hémicycle, alors que nous discutions d’articles extrêmement importants. Nous ne légiférons pas comme nous devrions le faire dans l’intérêt des Françaises et des Français. C’est pourquoi, madame la ministre, nous vous demandons solennellement de retirer ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Nicolas Bonnet applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Fournier, pour un rappel au règlement.
M. Charles Fournier
Rappel au règlement sur le fondement de l’article 100, relatif à la bonne tenue de nos débats.
J’irai dans le même sens : l’examen du projet de loi est complètement saucissonné ; le texte a pris une autre allure que celle qu’il avait initialement : il s’agit non plus de simplification de la vie économique, mais de liquidation d’un certain nombre de politiques publiques.
Nous nous interrogeons en outre sur la recevabilité de plusieurs amendements, parmi lesquels certains visent à supprimer des politiques publiques engagées récemment.
Bref, les conditions d’étude de ce texte sont absolument catastrophiques. Il serait plus sage de le retirer, afin que les quelques mesures intéressantes qu’il contient ne soient pas dévalorisées par leur voisinage avec le reste.
Discussion des articles (suite)
Mme la présidente
Le mercredi 28 mai, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’article 24 A, appelé par priorité.
Article 24 A (appelé par priorité)
Mme la présidente
Sur l’amendement no 1641, je suis saisie par les groupes Rassemblement national et La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Sophie-Laurence Roy.
Mme Sophie-Laurence Roy
Chers collègues – peu nombreux, en effet –, l’article 24 A prétend sécuriser l’application du droit de préemption instauré par la loi Pinel au profit des locataires commerciaux. En réalité, il fait exactement l’inverse, puisqu’il exclut toute une catégorie de professionnels du bénéfice de ce droit.
En effet, que dit le texte ? Que seuls les locataires exerçant une activité dans un local avec accueil physique de la clientèle pourront bénéficier du droit de préemption. Au nom de quoi un professionnel qui occupe un local commercial, un entrepôt de logistique, un bureau de production ou une cuisine dédiée à la vente en ligne ne bénéficierait-il pas du même droit, alors qu’il paie son loyer, qu’il développe son activité, qu’il emploie des salariés et que la valeur de son fonds dépend tout autant du local qu’il occupe ? Surtout, qu’est-ce que cela change pour le vendeur ? Le droit de préemption ne l’empêche pas de vendre le bien à son locataire au prix qu’il a fixé !
Il s’agirait de lever une insécurité juridique, mais c’est un mauvais prétexte car aucun notaire n’actera une vente sans purger au préalable le droit de préemption. Au contraire, le texte va introduire une nouvelle insécurité juridique. Puisque le législateur change la définition du bail commercial en cas de vente, pourquoi ne pas le faire dans d’autres cas ? C’est la porte ouverte à l’instabilité.
Alors que le texte a pour objet la simplification, on joue à créer de nouveaux aléas. C’est pourquoi le groupe Rassemblement national votera contre l’article.
Mme la présidente
La parole est à M. Gérard Leseul.
M. Gérard Leseul
L’article 24 A, introduit par les sénateurs, vise, si l’on en croit le rapport de la commission spéciale, « à assurer l’efficacité du droit de préférence que la loi […] du 18 juin 2014, dite loi Pinel, accorde aux commerçants et aux artisans en cas de vente des locaux qu’ils louent pour leur activité ». Rappelons que le locataire dispose d’un mois pour se prononcer ; si ce droit est ignoré, la vente est nulle. L’article tend à compléter les dispositions du code de commerce afin de préciser les notions de « local à usage commercial » et de « local à usage artisanal ».
Quoique très attendue par les notaires, la précision apportée suscite beaucoup d’inquiétude, comme cela vient d’être indiqué. Les amendements de suppression de l’article tendent à y remédier. La définition des types de locaux concernés ne peut aboutir à limiter ce droit en en excluant certains, tels ceux utilisés comme bureau ou comme entrepôt. Cela reviendrait à limiter la protection des locataires. C’est pourquoi notre groupe s’opposera à l’article.
Mme la présidente
Nous en venons à l’examen des amendements. Je vous rappelle qu’il a été convenu que la parole serait donnée à un pour et un contre, pour des interventions d’une durée limitée à une minute si possible.
La parole est à Mme Anne Stambach-Terrenoir, pour soutenir l’amendement no 1641, tendant à supprimer l’article.
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Si nous proposons de supprimer l’article, c’est qu’il s’agit en réalité d’une atteinte au droit de préférence, c’est-à-dire au mécanisme juridique qui permet aux locataires de bénéficier d’une priorité pour l’achat du bien qu’il occupe si le propriétaire décide de le vendre. Ce principe, qui s’appliquait initialement aux logements, a été étendu aux baux commerciaux par la loi Pinel de 2014.
En introduisant une définition légale du local commercial, au prétexte de réduire le nombre de contentieux en nullité et de notifications dites par prudence du propriétaire, le Sénat restreint de fait le champ d’application de ce droit, dont l’appréciation ne sera plus laissée au juge. D’ailleurs, cela est écrit explicitement dans le rapport du Sénat : l’objectif est d’« écarter les locaux à usage de bureaux ou encore les entrepôts ». Or l’intention de la loi Pinel de 2014 était de favoriser le maintien des très petites entreprises commerciales et artisanales dans les centres-villes, qui sont soumis, comme on le sait, à une pression immobilière croissante. Les locaux à usage de bureau sont parmi les plus concernés et, dans sa jurisprudence, la Cour de cassation les inclut dès lors qu’ils concernent une activité commerciale.
Il n’y a donc aucune raison de les exclure, et cela d’autant moins que les commerces des centres-villes tendent à disparaître : ce phénomène touche un grand nombre de communes françaises, notamment les villes moyennes et petites, où les petits commerces et les petits artisans ont été successivement confrontés à la concurrence en périphérie des grandes surfaces, à l’essor du commerce en ligne et à la crise du covid-19. Or on sait que les commerces de proximité remplissent une fonction sociale : il s’agit non seulement de lieux d’échange de biens et de services, mais aussi de lieux de vie et d’interactions sociales. Leur fermeture est souvent vécue par les habitants comme la mort d’une ville.
Mme la présidente
Merci, chère collègue.
Mme Anne Stambach-Terrenoir
C’est pourquoi nous pensons qu’il importe de faciliter l’accès à la propriété des locaux pour tout commerçant ou artisan déjà installé et disposant d’une clientèle. (Mme Manon Meunier applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Travert, rapporteur de la commission spéciale, pour donner l’avis de la commission.
M. Stéphane Travert, rapporteur de la commission spéciale
J’émettrai un avis favorable sur votre amendement de suppression de l’article 24 A, madame Stambach-Terrenoir, parce qu’il est vrai que, comme Gérard Leseul et vous l’avez dit, cet article ne dissipe en aucun cas – contrairement à ce qu’affirment ses partisans – les incertitudes entourant le champ d’application du droit de préférence. Nous l’avions déjà souligné en commission spéciale et je ne le répéterai pas, mais ma position n’a pas changé.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire, pour donner l’avis du gouvernement.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire
L’article 24 A comble une lacune soulignée par les notaires eux-mêmes, qui rencontrent des difficultés du fait d’une incertitude juridique. Le sénateur Hervé Marseille avait posé en février 2021 une question écrite à ce sujet, à laquelle il avait été répondu le 22 avril 2021 qu’il appartiendrait au législateur de préciser le texte. Tel est l’objet de l’article 24 A : apporter la précision manquante, ce manque mettant les professionnels du droit en difficulté. Vous voulez supprimer ce qui vise à apporter de la sécurité juridique : j’y suis bien évidemment défavorable.
L’article 24 A, tel qu’il est rédigé, répond à l’objectif de la loi Pinel – car c’est bien de cela qu’il s’agit. Il ne s’agit aucunement de remettre en cause le droit de préférence. La définition retenue est respectueuse de l’intention du législateur, à savoir permettre aux petits commerçants qui le souhaitent – et qui, financièrement, le peuvent – d’acquérir les murs de leur fonds de commerce afin de renforcer leur stabilité, sans effet de bord au profit de locaux à usage exclusif de bureaux et d’entrepôts, conformément à l’esprit de la loi.
Avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à Mme Anne Stambach-Terrenoir.
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Tout d’abord, je remercie M. le rapporteur pour le soutien qu’il accorde à l’amendement.
J’entends ce que vous dites, madame la ministre, à savoir qu’il s’agit d’apporter une précision, mais cette précision, je pense qu’elle restreint au contraire le champ d’application du droit. En effet, la jurisprudence de la Cour de cassation permet d’inclure les locaux à usage de bureau lorsqu’ils font partie d’une activité commerciale. La précision que vous souhaitez apporter répond peut-être à une demande des notaires, mais je crains qu’elle n’ait des effets délétères pour les petits commerçants et les petits artisans qui voudraient sécuriser leur activité en achetant le bien dans lequel ils sont installés en centre-ville et pour lequel ils bénéficient d’une clientèle régulière.
Je le répète : nous nous inscrivons dans un contexte d’explosion du nombre de faillites des commerces de proximité, qui touche non seulement les très petites entreprises et les petites et moyennes entreprises, mais aussi les entreprises de taille intermédiaire. Je citerai un seul chiffre : au printemps 2024, on dénombrait 12 000 faillites dans ce secteur. Il me semble que dans ce contexte, nous nous devons d’être prudents et de nous assurer que certaines situations ne se trouveront pas exclues du champ de la loi du fait d’une précision inutile. Nous risquons de restreindre le droit au lieu de le laisser en l’état. Nous devons faciliter au maximum l’accès à la propriété des locaux pour les artisans et pour les commerçants installés dans les centres-villes. Je crains qu’au lieu de simplifier les choses, comme vous affirmez vouloir le faire, vous ne compliquiez la vie des petits commerçants et artisans, qui n’ont vraiment pas besoin de ça. (Mme Manon Meunier applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Je ne peux pas vous laisser dire que l’article restreint le droit des commerçants. Tout ce qui concerne le commerce est protégé par le droit de préemption. Il n’y a aucun problème par rapport à cela.
M. Nicolas Forissier
Oui, c’est vraiment pour s’opposer !
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1641.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 38
Nombre de suffrages exprimés 38
Majorité absolue 20
Pour l’adoption 28
Contre 10
(L’amendement no 1641 est adopté ; en conséquence, l’article 24 A est supprimé.)
(Applaudissement sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Article 24 (appelé par priorité)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sophie-Laurence Roy.
Mme Sophie-Laurence Roy
Le Rassemblement national soutient pleinement l’article 24, qui apporte des avancées concrètes et attendues par de nombreux professionnels. Sa rédaction initiale reprend même les termes d’un accord entre propriétaires et locataires, lequel tend à permettre le paiement mensuel des loyers des baux commerciaux pour les commerçants, les artisans et les prestataires de services. Il s’agit d’une mesure de bon sens, qui facilite la gestion de trésorerie des entrepreneurs de toute nature sans remettre en cause les droits des bailleurs. Elle répond à une demande ancienne des fédérations professionnelles, notamment des indépendants du commerce de détail. Pour soutenir l’économie et l’emploi, il ne faut pas réserver cette possibilité aux locataires à jour de leurs loyers trimestriels ou annuels, dont je vous rappelle qu’ils sont bien souvent payés d’avance.
Le plafonnement des dépôts de garantie à trois mois de loyer va également dans le bon sens. Trop souvent, les locataires commerciaux doivent mobiliser des montants disproportionnés à titre de garantie, ce qui freine les installations et alourdit les charges pour les petits entrepreneurs. L’article prévoit en outre un mécanisme de restitution des garanties excédentaires dans un délai raisonnable, mesure aussi équilibrée que sécurisante.
Le Rassemblement national salue la disposition qui autorise les clauses dites de tunnel, qui encadrent la variation de l’indice des loyers commerciaux à la hausse comme à la baisse. Celle-ci répond à une demande forte des acteurs du secteur, parfois confrontés à des indexations commerciales totalement déconnectées des réalités économiques.
Enfin, l’obligation faite aux liquidateurs d’assurer la libération des locaux dans les deux mois suivant la liquidation judiciaire constitue une mesure de nature à clarifier les situations qui pouvaient rester bloquées. Tout cela relève d’un pragmatisme bienvenu. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Anne Stambach-Terrenoir.
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Cet article prévoit la possibilité de mensualiser les loyers des baux commerciaux, habituellement versés tous les trimestres bien qu’aucun cadre légal ne le spécifie. Un tel paiement est bien souvent difficile à assumer pour les enseignes en difficulté. Pendant la crise du covid, plusieurs bailleurs avaient d’ailleurs accordé un système provisoire de paiement mensuel à certaines entreprises, afin qu’elles puissent faire face aux difficultés.
En outre, le paiement trimestriel des loyers commerciaux crée un surplus de trésorerie pour les bailleurs estimé à près de 2 milliards d’euros, ce qui nous semble assez injustifié, alors même que les défaillances d’entreprises se sont multipliées – leur nombre a crû de 35 % en 2023 par rapport à l’année précédente –, en particulier dans le domaine du commerce. Selon la dernière enquête du syndicat des indépendants et des TPE (SDI), 88 % des dirigeants de très petites entreprises (TPE) confient être dans « un état d’esprit négatif permanent ». En tant que les législateurs, nous avons donc le devoir de les aider.
La droite sénatoriale a pourtant précisé que cette mensualisation ne serait de droit que si le preneur à bail était à jour du paiement de ses loyers. Cette disposition a encore été durcie en commission spéciale par un amendement précisant que le paiement mensuel ne peut être mis en place, même quand aucune action en justice n’a été engagée par le bailleur. Or ce sont justement les entreprises les plus en difficulté qui ont le plus besoin d’être aidées : même s’il existe un arriéré de loyers, on peut comprendre qu’il résulte de difficultés et que c’est le moment ou jamais d’accorder une facilité, telle que le versement mensuel du loyer, afin de permettre à ces entreprises d’y faire face et de se relever. Nous avons donc déposé des amendements en ce sens, dont nous discuterons et que nous vous invitons à soutenir.
Mme la présidente
Merci, madame la députée.
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Encore une fois, il faut tout faire pour aider les petits commerces et les artisans à maintenir leur activité. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Charles Fournier applaudit également.)
Mme la présidente
Nous en venons à l’examen des amendements.
Je vous informe que sur l’amendement no 1646 et sur les amendements identiques nos 1652 et 1851, je suis saisie de demandes de scrutin public par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire.
Ces scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Gérard Leseul, pour un rappel au règlement.
M. Pierre Meurin
C’est déjà le deuxième !
M. Gérard Leseul
Au titre de l’article 100, sur la bonne tenue de nos débats. Madame la ministre, monsieur le président de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, vous voyez bien que déjà deux séries d’amendements qui figuraient sur le dérouleur n’ont même pas été soutenus – c’est dommage d’ailleurs, car j’étais prêt à voter en leur faveur.
Cela signifie, chers collègues, que nous ne légiférons pas correctement. (MM. Pierre Meurin et Thierry Tesson s’exclament.) Nous avons saucissonné ce texte (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NFP et EcoS) ; vous avez programmé son examen un vendredi et un samedi. S’agissant de sujets aussi importants pour nos concitoyens, c’est absolument déraisonnable. Non seulement vous avez bricolé le texte, le vidant d’une partie de sa substance, mais vous avez imposé des délais qui ne permettent même pas que tous les amendements soient défendus – ce que je regrette, c’est bien pourquoi nous sommes tout de même quelques-uns dans l’hémicycle.
Ce n’est pas ainsi qu’il faut légiférer en France, madame la ministre. Je tiens à ce que vous fassiez part au premier ministre de notre très vif mécontentement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NFP et EcoS.)
Article 24 (appelé par priorité - suite)
Mme la présidente
La parole est à Mme Manon Meunier, pour soutenir l’amendement no 1646.
Mme Manon Meunier
Comme l’a dit ma camarade Anne Stambach-Terrenoir, cet article procède d’une bonne idée : permettre la mensualisation des loyers afin d’en faciliter le paiement à certains artisans en difficulté. Chacun se souvient de la crise que les boulangers ont traversée au moment de la hausse des prix de l’électricité – nous avons tous reçu des témoignages à ce sujet. Leur cas illustre la difficulté que peut représenter le paiement d’un loyer trimestriel en une seule fois pour certains commerçants et combien la mensualisation proposée contribuerait à la préservation des très petites, petites et moyennes entreprises (TPE-PME) concernées.
Le Sénat a pourtant introduit une modification dans le texte, consistant à préciser que les artisans en difficulté ne pourraient pas bénéficier de cette mensualisation, dès lors qu’ils ont des arriérés. Or si nous voulons, par cette mesure, accorder un soutien aux TPE-PME, c’est précisément à celles qui accusent un retard de paiement que nous devrions ouvrir en premier le dispositif de mensualisation, afin de leur permettre de tenir plus longtemps grâce à cette bouffée d’oxygène – cela avait été le cas pour les boulangers. En effet, quand toutes les factures arrivent en même temps, il est très difficile d’y faire face. Nous proposons donc de supprimer la mention introduite par le Sénat.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Travert, rapporteur
J’émets un avis défavorable sur cet amendement. Contrepartie nécessaire à l’équilibre des rapports contractuels entre bailleurs et preneurs, l’exigence d’être à jour de ses paiements est de nature à responsabiliser les demandeurs et à inciter les parties prenantes à apurer les situations de dette locative avant toute nouvelle prise de loyer. L’absence de défaut de paiement constitue en outre l’un des fondements de l’accord de place conclu entre les professionnels le 30 mai 2024 sous l’égide du Conseil national du commerce (CNC).
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Le Sénat a restreint la possibilité de solliciter la mensualisation aux commerçants à jour de loyer, comme Mme Manon Meunier l’a rappelé. Je voudrais toutefois lui préciser que l’article 24 reprend les termes d’un accord de place discuté et conclu entre les fédérations de propriétaires et les commerçants. Signé le 30 mai 2024, cet accord fixant les conditions dans lesquelles les commerçants peuvent solliciter la mensualisation du paiement des loyers, contrairement à la règle du paiement trimestriel, prévoit expressément que cette possibilité est ouverte « pour autant que le locataire soit à jour de son loyer ».
Quand il existe un accord entre plusieurs parties et qu’un équilibre a été trouvé à l’issue d’importantes discussions, il appartient, selon moi, au législateur de traduire cet accord dans la loi, comme nous l’avons fait à l’article 24. J’émets donc un avis défavorable sur votre amendement, qui vise à supprimer des conditions prévues par les parties.
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Fournier.
M. Charles Fournier
J’interviens en défense de l’amendement. On crée le droit de payer son loyer mensuellement, mais on en exclut aussitôt celles et ceux qui rencontrent des difficultés particulières, alors même que la mesure est censée cibler les petits commerçants en difficulté.
Un amendement de repli viendra certes en discussion – j’espère que sa rédaction, qui exclut les preneurs visés par une action en paiement d’un arriéré de loyer, pourra convenir –, mais je souligne l’intérêt d’ouvrir une telle possibilité à tous les commerçants, qu’ils paient leur loyer ou qu’ils ne le paient pas du fait de leurs difficultés. Je soutiens donc l’amendement no 1646. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Je vous annonce que je donnerai un avis favorable aux amendements identiques nos 1652 et 1821, que nous allons examiner dans quelques instants. En effet, ils permettent de préciser les conditions auxquelles le retard de paiement peut motiver un refus d’accorder la mensualisation, à savoir : lorsque le bailleur aura introduit une action en justice visant à obtenir le paiement des loyers dus.
Je vous invite donc à retirer l’amendement no 1648, qui ne reprend en rien les termes de l’accord de place, au profit de ces amendements identiques, déposés respectivement par Mme Anne Stambach-Terrenoir et M. Ian Boucard, qui en conservent les dispositions tout en protégeant les commerçants.
M. Nicolas Forissier
C’est vrai, il faut le retirer !
Mme la présidente
L’amendement no 1646 étant maintenu, je le mets aux voix.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 44
Nombre de suffrages exprimés 44
Majorité absolue 23
Pour l’adoption 31
Contre 13
(L’amendement no 1646 est adopté ; en conséquence, les amendements identiques n os 1652 et 1821 tombent.) (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Nicolas Forissier
C’est absurde !
Mme la présidente
L’amendement no 2283 de M. Henri Alfandari est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Travert, rapporteur
Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Je suis favorable à cet amendement, qui vise à exclure du champ d’application de la mensualisation du loyer les baux des résidences services et des résidences universitaires. En effet, l’équilibre économique envisagé pour la construction et la mise à disposition des immeubles destinés à l’hébergement des étudiants et de ceux destinés à celui des personnes âgées présente une particularité. Celle-ci justifie l’aménagement du droit à la mensualisation du loyer commercial, compte tenu des objectifs d’hébergement durable auxquels répondent ces résidences.
Pour les exploitants de résidence services ou universitaire, la mensualisation du loyer pourra toujours être décidée d’un commun accord avec les bailleurs – cela fait partie des usages du secteur.
Avis favorable.
(L’amendement no 2283 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
L’amendement no 1958 de M. Henri Alfandari, qui fait l’objet d’un sous-amendement, est défendu.
La parole est à Mme la ministre déléguée, pour soutenir le sous-amendement no 2811.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Il rectifie une erreur de référence dans l’amendement no 1958, qui vise à rétablir le plafonnement du dépôt de garantie : il faut supprimer l’alinéa 14, et non le 10.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Travert, rapporteur
Favorable au sous-amendement, ainsi qu’à l’amendement.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement sur l’amendement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Favorable.
(Le sous-amendement no 2811 n’est pas adopté.)
(L’amendement no 1958 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
L’amendement no 592 de Mme Josiane Corneloup est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Travert, rapporteur
Je donnerai un avis défavorable sur cet amendement, car il est satisfait. Nous avons rejeté une proposition similaire au début de l’examen du texte. La rédaction actuelle de l’article 24 assure l’intelligibilité de la loi et permet de prendre en compte l’ensemble des situations visées.
(L’amendement no 592, repoussé par le gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Sur l’article 24, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme la ministre déléguée, pour soutenir l’amendement no 1759.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Vous souhaitez autoriser le bailleur à déduire du montant de dépôt de garantie les sommes dues par son locataire en raison de désordres constatés en fin de location, au moment de la réalisation de l’état des lieux, sur la base des devis établis pour les réparations. Cet amendement permet de préciser la rédaction de l’article en levant une incertitude : c’est une mesure qui relève véritablement de la simplification.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Travert, rapporteur
Cet amendement conforte la sécurité juridique du dispositif adopté en commission spéciale. Avis favorable.
(L’amendement no 1759 est adopté.)
Mme la présidente
L’amendement no 1796 de M. le président de la commission spéciale est défendu.
(L’amendement no 1796, accepté par la commission et le gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’article 24.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 41
Nombre de suffrages exprimés 41
Majorité absolue 21
Pour l’adoption 40
Contre 1
(L’article 24, amendé, est adopté.)
Article 24 bis (appelé par priorité)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 2325.
M. Stéphane Travert, rapporteur
Il tend à rétablir l’article 24 bis dans la version adoptée par le Sénat. Cet article prévoyait des conditions plus strictes pour la suspension de la clause résolutoire d’un bail commercial et l’octroi de délais de paiement au bénéfice des preneurs sur décision de justice.
Le dispositif reprend les modifications apportées à l’article L. 145-41 du code de commerce, qui régit les clauses de résiliation de plein droit de ce type de contrat, afin d’ajouter deux nouveaux éléments d’appréciation sur lesquels les juges peuvent fonder leur décision : d’une part, la capacité du preneur à régler sa dette locative et, d’autre part, la reprise du versement intégral du loyer courant avant la date de la première audience.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Le gouvernement est favorable à cet amendement, et ce à trois titres : d’abord parce que cette mesure s’inscrit dans le cadre du consensus trouvé entre les représentants des bailleurs et ceux des commerçants – l’accord de place que j’évoquais tout à l’heure. Par ailleurs, la lutte contre les impayés de loyers fait partie des principales préoccupations des bailleurs. Enfin, cette mesure vise à appliquer au domaine commercial un dispositif déjà en vigueur en matière de logement, introduit par la loi du 17 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l’occupation illicite, la loi Kasbarian, et qui a pour but de responsabiliser davantage le preneur qui ne paie pas son loyer et d’éviter ainsi une pénalisation du bailleur. Cet amendement relevant de la même démarche, j’émets un avis favorable.
Mme la présidente
La parole est à Mme Manon Meunier.
Mme Manon Meunier
En commission, une majorité a supprimé l’article 24 bis – notre groupe a voté pour cette suppression. Nous nous opposons à cet article, car il revient à réduire la marge d’appréciation du juge sous prétexte d’encadrer davantage les conditions d’octroi d’une suspension des effets de la clause résolutoire par ce dernier. De l’aveu même du gouvernement dans l’exposé sommaire, il s’inspire de la loi antisquat de Kasbarian,…
M. Ian Boucard, président de la commission spéciale
De M. Kasbarian !
M. Nicolas Forissier
On dit bien « la loi Kasbarian » !
Mme Manon Meunier
…que nous rejetons vigoureusement (Mme Anne Stambach-Terrenoir applaudit), car elle renforce les inégalités. Si cet article élargit en apparence les compétences du juge judiciaire en matière de suspension de clause résolutoire, il s’agit en réalité d’une fumisterie, puisque le juge dispose déjà d’un pouvoir souverain d’appréciation. Il peut accorder ou refuser des délais de paiement ainsi que la suspension des effets de la clause résolutoire : il statue en prenant en compte tant la situation du preneur débiteur que les besoins du bailleur créancier.
En prévoyant que l’octroi de délais de paiement et la suspension des effets de la clause résolutoire pour non-paiement des loyers soient conditionnés à la capacité du preneur à régler la dette locative et à reprendre le versement intégral du loyer courant avant la date de la première audience, le gouvernement restreint la marge de manœuvre du juge, qui doit notamment pouvoir tenir compte de la situation du locataire.
En outre, remplacer la mention des clauses de résiliation par celle des clauses résolutoires revient dans les faits à limiter la capacité du juge à suspendre provisoirement les effets des clauses de résiliation, ce qui relève pourtant de sa compétence. La proposition du gouvernement ne donne plus la possibilité au preneur de saisir le juge en case de résiliation du bail, mais l’oblige à passer directement au stade de déclenchement de la clause résolutoire. Nous voterons donc évidemment contre la réintroduction de cet article.
(L’amendement no 2325 est adopté ; en conséquence, l’article 24 bis est ainsi rétabli.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Je demande une suspension de séance.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à neuf heures quarante, est reprise à neuf heures quarante-cinq.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
Je suis saisie de plusieurs demandes de scrutin public : sur l’amendement no 1617, par les groupes Rassemblement national et La France insoumise-Nouveau Front populaire, et sur les amendements identiques nos 1951 et 2559, par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Article 22 (appelé par priorité)
Mme la présidente
La parole est à Mme Anne Stambach-Terrenoir.
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Cet article, qui vise à faciliter les démarches réglementaires relatives aux opérations d’import-export des promoteurs de recherche impliquant la personne humaine (RIPH), nous pose problème – il est ici question du sang et de ses composants, d’organes, de tissus et de cellules humains. L’objectif affiché, dans le rapport, est de « faciliter l’innovation issue de la recherche en santé ». Parmi les promoteurs de recherche, on trouve des organismes de recherche publique ou des hôpitaux, mais aussi des laboratoires pharmaceutiques, donc des organismes privés. Ils sont notamment chargés de concevoir et d’organiser les essais cliniques et de s’assurer que les données collectées pendant la recherche sont bien conformes à la loi.
Or le présent article supprime la procédure d’autorisation du ministère chargé de la recherche, qui est destinée à s’assurer de la finalité scientifique de ces opérations. Ne seraient plus conservées que l’autorisation de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) s’agissant du volet scientifique, et celle du comité de protection des personnes concernant le volet éthique. En l’occurrence, le Conseil d’État a émis un avis favorable en considérant que l’avis du ministère ferait doublon, mais nous devons être prudents : il s’agit d’un sujet très sensible, puisqu’il a trait à des recherches impliquant la personne humaine, ce qui justifie à mon sens la deuxième expertise du ministère.
La droite sénatoriale a applaudi la mesure des deux mains, sous prétexte d’économies – trois équivalents temps plein (ETP) seraient consacrés à ce contrôle au sein du ministère ; elle est même allée plus loin en ajoutant une disposition qui simplifie également les démarches administratives des promoteurs de ces recherches en ce qui concerne l’autorisation de réutilisation des données collectées dans le cadre d’études antérieures. On parle de projets de recherche qui, pendant toute leur durée de vie, c’est-à-dire cinq ans, ne sont déjà pas soumis à un renouvellement d’autorisation !
Il me semble qu’à l’inverse de ce qui est proposé, nous devons faire preuve d’une grande précision pour tenir compte de toutes les réserves éthiques et scientifiques qui peuvent se faire jour en la matière. Or l’article assouplit aussi le régime d’autorisation par la Cnil – Commission nationale de l’informatique et des libertés –, s’agissant du traitement de données de santé qui sont – j’insiste – très sensibles. Cela nous paraît très dangereux.
Mme la présidente
La parole est à Mme Claire Lejeune, pour soutenir l’amendement no 1617, tendant à supprimer l’article 22.
Mme Claire Lejeune
Pour l’ensemble des raisons qui viennent d’être évoquées par ma collègue Anne Stambach-Terrenoir, nous vous proposons de supprimer cet article qui nous paraît mettre gravement en danger la protection des données personnelles de santé. En effet, l’article prévoit de faciliter le régime d’autorisation pour les opérations d’import-export des promoteurs de recherche impliquant la personne humaine, essentiellement par deux moyens : en supprimant la procédure d’autorisation par le ministère et en assouplissant, en simplifiant et en accélérant le régime d’autorisation par la Cnil.
Nous aurons à de nombreuses reprises l’occasion de reparler de la Cnil et de la manière dont ce texte de simplification de la vie économique s’attaque massivement à son rôle historique majeur en matière de protection des données personnelles, mais je veux vous mettre en garde sur un danger particulier du présent article. Vous le savez, en France, c’est un système démarchandisé qui est promu dans ce domaine de recherche. Or ce qui est visé ici, ce sont les opérations d’import-export, donc la mise en relation de notre système avec d’autres systèmes qui fonctionnent sur le modèle marchand : aux États-Unis, le plasma et le sang, notamment, font l’objet d’une marchandisation ! La fourniture d’échantillons humains se fait contre rémunération.
En ouvrant grand la porte à une dérégulation de ce type d’échanges, vous allez donc faciliter l’importation de produits qui, eux, ont été fabriqués dans un contexte marchand – un contexte dans lequel du sang ou du plasma sont échangés contre rémunération. Les risques éthiques que nous prendrions en votant cet article sont donc immenses, et nous vous invitons à voter notre amendement de suppression pour y faire obstacle. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Travert, rapporteur
Vous me permettrez de prendre quelques minutes pour répondre à l’amendement de suppression de Mme Lejeune, mais aussi au propos liminaire de Mme Stambach-Terrenoir. Il est évident que nous conservons les garde-fous qui président aux activités de la Cnil, dont nous avons besoin pour garantir la sécurité des données personnelles de chacun : il ne s’agit en aucun cas d’en réduire la portée. Je vous rappelle que l’amendement de suppression avait déjà été rejeté en commission spéciale et que l’article 22, si l’on en croit les discussions que nous avons eues lors des auditions, est très attendu par l’ensemble des acteurs du monde de la recherche et de l’innovation.
En effet, il supprime l’obligation de requérir l’avis du ministère de la recherche pour l’import et l’export d’échantillons biologiques humains (EBH), mais ceux-ci font déjà l’objet d’une procédure d’autorisation très rigoureuse. Il tend aussi à encourager les recours aux référentiels de la Cnil en matière de données de santé, pour simplifier les procédures autorisant le traitement de ces données sans affecter les niveaux d’exigence requis. Il assouplit les règles applicables à la réutilisation des données des personnes qui font partie du groupe témoin d’une recherche et il simplifie la mise en œuvre de la recherche décentralisée en précisant que le domicile du patient peut être considéré comme un lieu de recherche – la loi actuelle ne l’interdit pas, mais elle est assez imprécise sur ce point.
S’agissant des déclarations de conformité, la Cnil est saisie de nombreuses demandes d’autorisation – à peu près 500 chaque année – et ce sont des procédures qui sont très lourdes et très chronophages. Le développement de la procédure de déclaration de conformité doit permettre à la Cnil de concentrer son analyse sur les traitements de données qui présentent les risques les plus élevés ou qui sont les plus complexes. Cette procédure n’est d’ailleurs pas nouvelle, puisqu’il existe déjà treize référentiels permettant le traitement de données de santé sur la base d’une déclaration de conformité ; elle a aussi été recommandée dans le rapport « Fédérer les acteurs de l’écosystème pour libérer l’utilisation secondaire des données de santé », publié en décembre 2023 par le conseiller d’État Jérôme Marchand-Arvier, et dans celui remis par la Commission de l’intelligence artificielle en mars 2024.
Quant à la suppression de l’avis du Cesrees – Comité éthique et scientifique pour les recherches, les études et les évaluations dans le domaine de la santé – dans certaines procédures d’autorisation, elle se justifie par le fait que l’avis rendu par le comité éthique et scientifique local, qui resterait requis, permet de conserver des garanties fortes. Le recours à ces comités est une pratique qui s’observe depuis plusieurs dizaines d’années dans le champ de la recherche.
Enfin, en ce qui concerne la réutilisation des données de santé, les personnes qui participent au groupe témoin d’une RIPH ne sont pas soumises au traitement testé, mais permettent de comparer les résultats obtenus. L’amendement adopté par le Sénat soumet ces personnes à un régime de non-opposition, qu’il s’agisse ou non d’une recherche interventionnelle, et non plus à un régime fondé sur l’obligation de recueillir leur consentement exprès. Le maintien de cet article doit donc favoriser le développement de la recherche clinique.
Nous sommes défavorables à cet amendement de suppression, d’autant que nous examinerons prochainement plusieurs amendements auxquels nous serons favorables et qui permettront de renforcer la sécurisation que vous appelez de vos vœux tout en facilitant l’innovation, la recherche et l’accès aux données de santé pour l’ensemble de nos chercheurs. C’est une mesure très attendue par tous les acteurs concernés.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification, pour donner l’avis du gouvernement.
M. Laurent Marcangeli, ministre de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification
Vous demandez la suppression de l’article 22. Une telle suppression aurait pour effet de tourner le dos à la simplification du traitement des données de santé, mais aussi et surtout aux avancées attendues dans le domaine des recherches cliniques sur les médicaments. Faut-il rappeler que ces dispositions sont soutenues par la Cnil elle-même – M. le rapporteur vient de le rappeler – ainsi que par les professionnels de santé ? Ces derniers voient bien qu’elles permettent de gagner du temps tout en conservant des garanties éthiques et un contrôle suffisant par la puissance publique.
Vous défendez des principes, certes, mais ce faisant vous repoussez la discussion d’un article qui encadre strictement les choses : référentiel validé par la Cnil, contrôle éthique maintenu, équilibre entre simplification et protection. En réalité, cette suppression ne conduirait qu’à ralentir la recherche et à empêcher notre pays d’être plus efficace en matière d’innovation médicale, tout cela en vertu du refus idéologique de toute modernisation de notre action publique ! Avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à Mme Julie Ozenne.
Mme Julie Ozenne
Je ne suis pas certaine que ce refus soit fondamentalement idéologique ! La suppression de l’avis du Comité éthique et scientifique pour les recherches, les études et les évaluations dans le domaine de la santé pose tout de même un petit problème. J’entends bien que la Cnil ne s’y oppose pas, mais nous devons nous demander si nous sommes vraiment prêts à prendre une telle mesure.
Nous pouvons certes soutenir un objectif de simplification du régime applicable au traitement des données de santé, notamment en réduisant le nombre de demandes d’autorisation au profit de mécanismes plus légers de déclaration prenant la forme d’engagements de conformité : cette évolution est conforme à l’esprit de la loi « informatique et libertés », qui prévoit déjà que les cas nécessitant une autorisation de la Cnil doivent constituer des exceptions. Cependant, elle ne saurait être introduite au détour d’un projet de loi de simplification de la vie économique : elle mérite un débat spécifique, public et pleinement éclairé, à la hauteur des enjeux éthiques, scientifiques et démocratiques liés à l’usage de données de santé.
L’article 22 modifie en profondeur le rôle de la Cnil en l’invitant à établir une stratégie de programmation des référentiels et en permettant à l’État, mais aussi à des acteurs publics et privés, de lui proposer de nouveaux référentiels. Une telle ouverture sans cadre précis ni garde-fous suffisants risque de fragiliser l’indépendance et la lisibilité des processus de régulation.
Si nous soutenons l’amendement de suppression, c’est notamment à cause de la disposition qui permettrait dans certains cas de se passer de l’avis du Cesrees au profit de celui de comités locaux. Une telle évolution pourrait affaiblir le socle éthique de l’évaluation des recherches mobilisant des données sensibles. Il faudrait peut-être utiliser une autre méthode, dans un cadre dédié, transparent et respectueux des équilibres essentiels en matière de données personnelles.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1617.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 45
Nombre de suffrages exprimés 42
Majorité absolue 22
Pour l’adoption 11
Contre 31
(L’amendement no 1617 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Les amendements nos 2080, 2081, 2082, 2083, 2084 et 2085 de M. Stéphane Travert, rapporteur, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée, sont rédactionnels ou de coordination.
(Les amendements nos 2080, 2081, 2082, 2083, 2084 et 2085, acceptés par le gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 1951 et 2559.
L’amendement no 1951 de M. Henri Alfandari est défendu.
La parole est à M. Philippe Bolo, pour soutenir l’amendement no 2559.
M. Philippe Bolo
La recherche en biologie a souvent recours à des échantillons biologiques humains – c’est une évidence – et le code de la santé publique encadre leur préparation et leur conservation. Le présent amendement vise à faciliter les recherches utilisant de tels échantillons, dans l’esprit du principe « Dites-le nous une fois » (DLNUF), en procédant à une simplification des démarches administratives préalables.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?
M. Stéphane Travert, rapporteur
Ces amendements prolongent la mesure de simplification prévue par l’article, en supprimant une formalité superflue. D’après le ministère chargé de la santé, celle-ci concerne environ 500 dossiers par an, ce nombre étant en augmentation, sachant que les demandes doivent être traitées dans un délai maximal de trois mois. Je précise que ces amendements visent à simplifier la réalisation de recherches qui n’impliquent pas la personne humaine. J’y suis favorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Laurent Marcangeli, ministre
Avis favorable.
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 1951 et 2559.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 45
Nombre de suffrages exprimés 41
Majorité absolue 21
Pour l’adoption 24
Contre 17
(Les amendements identiques nos 1951 et 2559 sont adoptés.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 1952 rectifié et 2558 rectifié.
L’amendement no 1952 rectifié de M. Henri Alfandari est défendu.
La parole est à M. Philippe Bolo, pour soutenir l’amendement no 2558 rectifié.
M. Philippe Bolo
Les recherches utilisant des échantillons biologiques humains sont indispensables à la découverte de nouveaux traitements médicaux. Actuellement, les démarches administratives en la matière sont assez compliquées, puisque la loi prévoit un double examen, par l’agence régionale de santé (ARS) compétente et par le ministère chargé de la recherche. Cet amendement vise à simplifier ces démarches en supprimant l’avis de l’ARS ; le ministère chargé de la recherche deviendrait donc le guichet unique.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?
M. Stéphane Travert, rapporteur
Vous avez raison, monsieur Bolo. Il ressort des échanges que nous avons eus avec l’administration qu’en pratique, ce sont principalement les services du ministère chargé de la recherche qui instruisent ces demandes, le contrôle de l’ARS ne présentant guère de valeur ajoutée. Il s’agit donc d’une belle mesure de simplification, cohérente dans un projet de loi de cette nature. J’émets un avis favorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Laurent Marcangeli, ministre
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à Mme Claire Lejeune.
Mme Claire Lejeune
Nous nous opposerons fermement à ces amendements car, comme ceux que nous venons de voter, ils vont dans le sens non pas d’un encadrement des mesures prévues par l’article, ainsi que l’a affirmé M. le rapporteur, mais bien d’un assouplissement supplémentaire. En entérinant le principe « Dites-le nous une fois », on a déjà fragilisé la procédure d’avis devant la Cnil et supprimé l’avis du ministère chargé de la recherche pour les opérations d’importation ou d’exportation. Ici, on s’apprête à supprimer l’avis de l’ARS.
Je vous rappelle que nous parlons des échantillons biologiques humains, notamment de sang et de plasma, et des échanges internationaux dont ils font l’objet. Notre pays a connu de très graves scandales sanitaires. Je ne peux donc pas accepter que l’on qualifie d’« idéologique » notre position, alors qu’elle consiste simplement à alerter la représentation nationale sur le fait qu’en votant des amendements de ce type, on prend des risques pour la santé publique, pour la protection sanitaire et pour la protection des données personnelles.
Qui plus est, eu égard à la bonne tenue de nos débats, nous sommes bien peu nombreux dans l’hémicycle…
M. Stéphane Travert, rapporteur
C’est la crème de la crème !
Mme Claire Lejeune
…pour traiter un sujet aussi sensible que la protection des données personnelles. Ce n’est pas du tout correct ni sérieux au regard des enjeux du texte.
Il importe de rappeler ici les risques que l’on prend en votant des amendements de cette nature, qui poussent plus loin la simplification et vont dans le sens d’une accélération des procédures. (Mme Anne Stambach-Terrenoir applaudit.) Ils ne visent nullement à encadrer les dispositions prévues – ce qui a été dit à ce sujet est tout simplement faux. Je vous invite à voter contre ces amendements, qui aggravent encore les risques auxquels nous expose l’éventuelle adoption de l’article.
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Bolo.
M. Philippe Bolo
Je suis d’accord avec Mme Lejeune : lorsqu’il s’agit de transfusion, il faut faire très attention, notamment à la protection des données, à la provenance et à la qualité des produits transfusés, au respect des règles éthiques qui encadrent le prélèvement de sang ou de plasma. Toutefois, en l’espèce, il est question d’échantillons biologiques utilisés dans le cadre de recherches qui visent à comprendre les mécanismes du vivant, afin de découvrir de nouveaux traitements ou de nouvelles thérapies. Ces échantillons sont donc utiles à l’ensemble de l’humanité ; c’est un bien commun.
M. Ian Boucard, président de la commission spéciale
Bravo !
(Les amendements identiques nos 1952 rectifié et 2558 rectifié sont adoptés.)
Mme la présidente
La parole est à M. Thomas Lam, pour soutenir l’amendement no 2187.
M. Thomas Lam
L’article vise à favoriser la libre circulation des EBH dans le cadre d’essais cliniques. Le présent amendement tend à ce que les mêmes dispositions s’appliquent à la circulation des EBH dans le cadre de recherches précliniques, sachant que, dans tous les cas, la conservation et la préparation des EBH sont soumises à tout un ensemble de règles éthiques et à un régime de déclaration.
Mme la présidente
Sur cet amendement no 2187, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Travert, rapporteur
L’amendement est satisfait par les amendements nos 1951 et 2259 que nous avons adoptés. En outre, votre amendement susciterait des difficultés d’interprétation, car les recherches précliniques ne font à ce stade l’objet d’aucune définition juridique. D’autre part, il ne couvre pas tous les échantillons biologiques humains, puisqu’il ne mentionne pas le sang, pourtant la substance organique le plus couramment utilisée. Je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, je lui donnerai un avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Laurent Marcangeli, ministre
Vous entendez poursuivre l’effort de simplification de la réglementation relative aux échantillons biologiques humains. Cependant, comme vient de le relever M. le rapporteur, le code de la santé publique ne comporte aucune définition des recherches précliniques, et votre amendement ne les définit pas davantage. De ce fait, la mesure serait source d’importantes incertitudes juridiques : il serait difficile de déterminer les recherches auxquelles elle a vocation à s’appliquer.
Les amendements nos 1951 et 2559 précédemment adoptés satisfont pleinement votre objectif, puisqu’ils exonèrent de démarche toutes les recherches hors essais cliniques dès lors qu’elles sont en conformité avec les dispositions du code de la santé publique relatives à la conservation des échantillons à des fins de recherches. Pour préserver la sécurité juridique de cette réglementation et compte tenu de l’adoption des amendements que je viens de mentionner, je vous demande de retirer votre amendement, sans quoi mon avis sera défavorable.
Mme la présidente
La parole est à Mme Manon Meunier.
Mme Manon Meunier
J’appelle votre attention sur un passage de l’exposé sommaire : « Dans le contexte très compétitif de la recherche scientifique dans les différents pays, le délai pour obtenir une autorisation d’import ou d’export peut mettre en péril la réalisation du projet de recherche ou entraîner, dans un contexte international, le choix de le mener dans un pays qui n’exige pas cette autorisation, y compris au sein de l’Europe. » Autrement dit, on parle ici de compétitivité et de besoin de lever les freins à l’exportation, en prétextant que notre législation serait la plus dure de l’Union européenne, alors qu’il est question d’échantillons biologiques humains ! Quel est donc votre modèle ? Les États-Unis, où l’on installe des centres de prélèvement dans les quartiers défavorisés et où les gens se font prélever leur sang jusqu’à cent fois par an ?
Le plasma, en particulier, aiguise l’appétit de très grands groupes, qui ne sont d’ailleurs pas français. Citons ces groupes géants : l’espagnol Grifols, l’australien CSL Behring, le suisse Octapharma. Le marché du plasma, en développement très rapide, représente plusieurs dizaines de milliards d’euros.
Pour ma part, j’estime qu’il n’est pas pertinent de parler de compétitivité sur ces questions. Il faut accepter l’existence d’un modèle français fondé sur la générosité et l’altruisme, plutôt que de confier notre santé et le corps humain à des firmes étrangères, au nom de la compétitivité, comme vous le faites constamment. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Nicolas Thierry applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Claire Marais-Beuil.
Mme Claire Marais-Beuil
L’enjeu est non pas la compétitivité, mais la coopération. Nous savons combien il est compliqué de mener des recherches, celles-ci progressant plus vite lorsque tous les laboratoires de recherche coopèrent. Nous voterons pour cet amendement, car il faut faciliter la recherche et intensifier ces efforts essentiels pour lutter contre de nombreuses pathologies. Si nous voulons obtenir des résultats, il faut que de nombreux pays travaillent en commun. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. Charles Fournier
Oh, c’est beau !
M. Thomas Lam
Je retire l’amendement. (« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
(L’amendement no 2187 est retiré.)
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Travert, rapporteur, pour soutenir les amendements nos 2086, 2087 rectifié, 2088 deuxième rectification, 2089 et 2090 rectifié, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Stéphane Travert, rapporteur
Il s’agit d’amendements rédactionnels ou de coordination.
Mme la présidente
Je suis saisie de deux demandes de scrutin public : sur l’amendement no 2324, par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire ; sur l’article 22, par les groupes Rassemblement national et La France insoumise-Nouveau Front populaire.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
(Les amendements nos 2086, 2087 rectifié, 2088 deuxième rectification, 2089 et 2090 rectifié, acceptés par le gouvernement, sont successivement adoptés.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement no 2324.
M. Laurent Marcangeli, ministre
L’ouverture des données de santé à la recherche est un objectif légitime, soutenu par le gouvernement. Toutefois, cette ouverture ne peut se faire au détriment de nos intérêts fondamentaux. Les données de santé issues du service de santé des armées concernent les militaires, et leur agrégation peut révéler des informations sensibles, le cas échéant sur des aspects opérationnels. Le risque est réel : certains personnels peuvent être identifiés par recoupement avec d’autres sources ouvertes ; cela exposerait nos forces et notre sécurité. La protection de la souveraineté et la sécurité nationale imposent une exception claire et assumée pour nos agents. Tel est le sens de cet amendement, que je vous invite à adopter.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Travert, rapporteur
Cet amendement du gouvernement et le suivant, no 2407, vont dans le bon sens, car ils tendent à mieux encadrer les mesures prévues. D’une part, ils excluent les données les plus sensibles du champ du dispositif. D’autre part, l’amendement no 2407 vise à différer l’entrée en vigueur de l’obligation de mise à disposition des données, afin de permettre aux acteurs de s’adapter dans l’attente de la mise en conformité de notre droit avec le règlement relatif à l’espace européen des données de santé, qui sera applicable à partir de mars 2029. Ces modifications sont les bienvenues : elles clarifient les missions en matière de mise à disposition des données de santé en vue de leur réutilisation. J’émets donc un avis favorable.
Mme la présidente
La parole est à Mme Claire Lejeune.
Mme Claire Lejeune
Après avoir assoupli considérablement les règles qui encadrent les échanges d’échantillons biologiques humains, vous admettez finalement, par cet amendement, que les données de santé ont bel et bien un caractère sensible ! Or cela vaut non seulement pour les données de santé relevant du domaine militaire ou liées à la défense nationale, mais pour toutes les données de santé. Nous voterons en faveur de cet amendement, que nous considérons comme un amendement de repli par rapport au nôtre. Ainsi, nous protégerons au moins les données sensibles relevant du domaine militaire.
En réalité, deux visions se confrontent dans nos débats. Pour votre part, vous défendez l’idée que ces mesures d’assouplissement aideront la recherche et l’innovation. Or la Cnil, le ministère chargé de la recherche et l’ARS compétente délivrent bel et bien les autorisations demandées lorsque la recherche est d’intérêt public. Certes, cela prend un peu de temps, mais c’est précisément le temps nécessaire à l’évaluation de l’intérêt public. En réalité, ceux qui attendent les mesures que vous prévoyez et en seront les principaux bénéficiaires, ce sont avant tout des organismes de recherche privés qui ont une conception marchande de la santé et de la gestion des données santé.
Par ces mesures, comme par bien d’autres articles du projet de loi, vous favorisez une marchandisation accélérée au détriment de l’évaluation, à rebours de l’intérêt général, qui devrait pourtant prévaloir dans tous les cas lorsqu’il s’agit de données de santé, de questions sanitaires et de protection des données personnelles. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 2324.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 47
Nombre de suffrages exprimés 45
Majorité absolue 23
Pour l’adoption 44
Contre 1
(L’amendement no 2324 est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Anne Stambach-Terrenoir.
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Je demande une suspension de séance, madame la présidente.
Mme la présidente
Elle est de droit.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures quinze, est reprise à dix heures vingt.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement no 2407.
M. Laurent Marcangeli, ministre
Dans la continuité de ce que venons de voter à la quasi-unanimité, cet amendement a pour objet de décaler l’entrée en vigueur de l’obligation de mise à disposition des données de santé et de limiter cette obligation en ce qui concerne les données relevant du ministère des armées.
(L’amendement no 2407, accepté par la commission, est adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’article 22, tel qu’il a été amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 26
Nombre de suffrages exprimés 25
Majorité absolue 13
Pour l’adoption 17
Contre 8
(L’article 22, amendé, est adopté.)
Mme la présidente
Sur l’article 22 bis A, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Article 22 bis A (appelé par priorité)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement no 2330.
M. Laurent Marcangeli, ministre
Introduit en commission, l’article 22 bis A poursuit un objectif clair : faciliter le changement de logiciel de gestion des dossiers médicaux pour garantir aux professionnels de santé l’accès aux outils les plus performants au bénéfice des patients. Il s’inscrit dans la continuité des réformes engagées pour favoriser l’ouverture du marché du numérique en santé et mettre fin aux situations de verrouillage qui peuvent freiner l’innovation, renchérir les coûts et limiter le choix des praticiens.
Si cette dynamique est indispensable pour garantir que les outils numériques servent pleinement la qualité de soin et la souveraineté technologique de notre système de santé, la rédaction actuelle de l’article demeure insuffisamment précise.
La rédaction proposée clarifie tant le périmètre de la mesure – elle s’appliquera aux logiciels dont l’objet est la gestion des dossiers médicaux, tels que les logiciels de cabinet ou d’officine – que ses modalités d’application en renvoyant à un référentiel d’exigences techniques établi par l’agence du numérique de santé en concertation avec les acteurs du secteur.
Ces ajustements techniques sont indispensables pour assurer la mise en œuvre effective et opérationnelle de la mesure sur le terrain.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Travert, rapporteur
L’article 22 bis A avait été introduit en commission spéciale sur proposition de notre collègue Marie Lebec. Il s’agissait d’assurer la portabilité des données traitées par les logiciels de santé afin que les professionnels puissent les conserver en cas de changement de logiciel.
Si nous partagions l’objectif poursuivi par Mme Lebec, nous avions demandé le retrait de l’amendement pour des raisons rédactionnelles : le champ du dispositif proposé était trop large, car il allait au-delà des logiciels de gestion des dossiers des patients. En restreignant ce champ d’application à ce qui est pertinent, l’amendement du gouvernement vient corriger utilement cet écueil. Avis favorable.
(L’amendement no 2330 est adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’article 22 bis A.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 35
Nombre de suffrages exprimés 34
Majorité absolue 18
Pour l’adoption 30
Contre 4
(L’article 22 bis A, amendé, est adopté.)
Article 22 bis B (appelé par priorité)
Mme la présidente
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille, pour soutenir l’amendement no 1843.
M. Stéphane Travert, rapporteur
Puisque M. Isaac-Sibille est absent, je reprends son amendement, madame la présidente. Il est défendu.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Laurent Marcangeli, ministre
Avis favorable.
Mme la présidente
Je vais mettre aux voix l’amendement…
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Gérard Leseul, pour un rappel au règlement.
M. Thierry Tesson
C’est le quatrième rappel au règlement !
M. Gérard Leseul
Au titre de l’article 100 sur la bonne tenue des débats, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, je souhaiterais que vous nous donniez des précisions sur l’amendement repris par M. le rapporteur.
Article 22 bis B (appelé par priorité - suite)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 1843 ?
M. Stéphane Travert, rapporteur
Vous avez raison de le demander, monsieur Leseul.
Adopté en commission, l’article 22 bis B permet aux pharmacies à usage intérieur (PUI) d’acheter pour le compte d’un promoteur de la recherche des médicaments, des dispositifs médicaux ou tout autre produit de santé nécessaires à la réalisation d’une recherche à finalité non commerciale.
L’amendement de notre collègue Cyrille Isaac-Sibille, qui vise à permettre aux promoteurs de bénéficier des tarifs plus avantageux qui sont proposés aux PUI et à diminuer ainsi les coûts de recherche, vient clarifier et encadrer le dispositif de manière à ne pas compliquer le fonctionnement des PUI.
La commission avait adopté cet amendement lorsqu’il a été examiné au titre de l’article 88, raison pour laquelle j’ai souhaité le reprendre et lui donne un avis favorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Laurent Marcangeli, ministre
On ne pouvait mieux dire… Je réitère mon avis favorable en m’appuyant sur l’argumentaire exceptionnellement complet de M. le rapporteur !
M. Charles Fournier
C’est un peu facile !
(L’amendement no 1843 est adopté ; en conséquence, l’article 22 bis B est ainsi rédigé.).)
Après l’article 22 bis B (amendement appelé par priorité)
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Bolo, pour soutenir l’amendement no 2561, portant article additionnel après l’article 22 bis B.
M. Philippe Bolo
Nous discutons actuellement des recherches à partir d’échantillons biologiques humains. Cette question pose deux problèmes. Le premier est celui de l’échange marchand de tissus et de liquides biologiques. Sur ce point, nous serons tous d’accord pour considérer qu’il est nécessaire de se doter de règles éthiques en matière de prélèvements, de traçabilité et de suivi.
Le deuxième porte sur les recherches effectuées à partir de ces échantillons. Il est indispensable qu’un pays comme le nôtre puisse procéder à de tels essais pour aboutir à de nouveaux traitements efficaces. C’est un moyen d’exercice de la souveraineté. Nous avions d’ailleurs bien vu, lorsqu’il fallait soigner nos concitoyens et sauver des vies au moment de la crise de la covid-19, que le fait de dépendre d’autres pays posait des difficultés. Cet amendement vise donc à simplifier le déploiement des projets de recherche.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Travert, rapporteur
Favorable. Je vous remercie pour cet amendement qui vient réparer un oubli. Il vise en effet à autoriser les pharmacies à usage intérieur à délivrer des produits à des investigateurs dans le cadre d’essais cliniques de médicaments, comme c’est déjà le cas pour d’autres projets de recherche qui impliquent la personne humaine.
(L’amendement no 2561, accepté par le gouvernement, est adopté.)
Article 22 bis (appelé par priorité)
Mme la présidente
La parole est à Mme Anne Stambach-Terrenoir.
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Cet article introduit au Sénat vise à créer au sein de la Haute Autorité de santé (HAS) une commission spécialisée et à lui confier la mission d’évaluer les actes, les dispositifs médicaux et autres produits de santé, les médicaments et prestations de service à visée diagnostique, pronostique ou prédictive. L’objectif est d’étudier l’opportunité de leur remboursement ou de leur prise en charge par l’assurance maladie. Actuellement, c’est la Haute Autorité de santé qui est chargée de donner son avis sur les autorisations, limitées dans le temps, qui doivent ensuite être accordées par le ministère de la santé. Je précise qu’elle doit rendre un avis six mois avant l’expiration de l’autorisation.
En avril 2023, la Haute Autorité de santé a délégué ce travail d’évaluation à une commission interne non réglementée, la CEDIAG, la Commission d’évaluation des technologies de santé diagnostiques, pronostiques et prédictives, qui se consacre spécifiquement à cette mission.
L’objectif affiché – je cite l’amendement du Sénat – est d’« accorder un statut réglementé à la CEDIAG, en miroir des deux commissions d’évaluation réglementées […] afin qu’elle puisse rendre en toute autonomie et en seule étape des avis sur le remboursement de l’ensemble [de ces] technologies de santé ». Jusqu’ici, elle se contentait de préparer les examens de ces technologies et de remettre ses travaux à la Haute Autorité de santé ou à l’une des commissions réglementées.
Cet article vise donc à accélérer le processus d’évaluation aboutissant à l’autorisation de remboursement, partiel ou total, d’actes, dispositifs ou produits dits innovants à visée pronostique, diagnostique ou prédictive. Car, toujours selon l’amendement du Sénat, le processus actuel présenterait « pour les industriels » des inconvénients « multiples », notamment en matière de délai.
Or nous assistons déjà à une explosion des dépenses d’assurance maladie, en particulier dans les secteurs de la biologie et de l’imagerie médicale qui sont, pour une large part, privatisés.
En outre, un autre objectif de cette mesure est de développer le secteur de l’imagerie grâce à l’intelligence artificielle. Or, selon nous, il convient d’agir avec la plus grande prudence dans ce domaine.
Voilà pourquoi nous nous opposons à cet article. (Mme Manon Meunier applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. Gérard Leseul.
M. Gérard Leseul
Il semble que certains soient atteints de suppressite aiguë, une maladie qui, malheureusement, continue de circuler sur les bancs de l’hémicycle et que l’Académie de médecine et la Haute Autorité de santé feraient bien d’étudier !
M. Thierry Tesson
C’est une très bonne maladie ! Elle simplifie les choses !
M. Gérard Leseul
Nous veillerons, pour notre part, à ne pas y succomber et j’aimerais qu’elle ne circule plus à l’Assemblée.
Nous savons que la Haute Autorité de santé a un rôle très important, consistant notamment à émettre de nombreux avis et recommandations. Par ailleurs, cet organisme, dont l’une des missions est d’informer, jouit d’une vraie reconnaissance, puisqu’elle compte 21 millions de visites sur son site internet et 456 382 abonnés LinkedIn. Nous aurons plus tard l’occasion d’évoquer son travail important en matière de certification et d’évaluation. (Mme Manon Meunier applaudit.)
Mme la présidente
Je vous annonce que, sur les amendements nos 1589 et 1562, je suis saisie par le groupe Rassemblement national de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Pierre Meurin, pour soutenir l’amendement no 1589.
M. Pierre Meurin
M. Leseul devrait saisir l’ANSM pour savoir quel médicament permettrait de soigner la suppressite aiguë, dont il déplore une épidémie au sein de notre hémicycle.
Cet amendement ne le fera pas changer d’avis, puisqu’il prévoit justement de supprimer la Haute Autorité de santé, ce qui pourrait rapporter à l’État environ 75 millions par an. Il existe déjà dans le pays énormément d’agences sanitaires qui sont en mesure de faire des recommandations en matière sanitaire : les ARS, l’ANSM, la Cnam – la Caisse nationale de l’assurance maladie – ou encore, au niveau départemental, les CPAM, les caisses primaires d’assurance maladie.
M. Stéphane Travert, rapporteur
Ça n’a rien à voir !
M. Pierre Meurin
Cela me semble suffisant, d’autant plus que cette multiplicité d’agences ne règle pas le problème des déserts médicaux.
J’en profite pour rappeler que le Rassemblement national propose depuis des années la suppression des agences régionales de santé, une mesure qui permettrait de réaliser de fortes économies.
Cet amendement mérite d’être adopté, car ce n’est certainement pas la Haute Autorité qui permettra de régler le problème des déserts médicaux.
J’assume donc ma suppressite, qui me semble constituer une preuve d’intelligence et, en ce qui nous concerne, certainement pas une pathologie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)
M. Ian Boucard, président de la commission spéciale
Est-ce viral ?
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Travert, rapporteur
Votre proposition de suppression de la HAS avait déjà été rejetée en commission. J’ai donc l’impression – si vous me permettez cette taquinerie – que vous êtes en proie aux idées fixes !
Il me semble utile de vous rappeler les missions essentielles de la HAS : l’évaluation des technologies de santé, la recommandation des bonnes pratiques ou encore la certification des établissements de santé.
L’adoption de votre amendement entraînerait la disparition d’une instance indépendante, dotée de responsabilités importantes, et qui garantit une évaluation objective et scientifique des pratiques et des technologies de santé. Cela pourrait compromettre la qualité des soins et la sécurité des patients – ce qui n’est vraiment pas souhaitable – ainsi que la gestion efficace des dépenses de santé, à laquelle nous sommes tous attachés. Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Laurent Marcangeli, ministre
Je sais que l’examen du texte a été interrompu à de nombreuses reprises.
M. Thierry Tesson
Juste un peu !
M. Laurent Marcangeli, ministre
J’aimerais donc répéter des propos que j’avais tenus au moment de l’examen des premiers articles de la discussion – auxquels nous avons consacré beaucoup de temps, ce qui nous vaut d’ailleurs sans doute d’être réunis de nouveau aujourd’hui.
Les agences et les différents opérateurs font actuellement l’objet d’un débat. Vous avez d’ailleurs pu constater que la ministre des comptes publics et moi-même avons été auditionnés au Sénat à l’occasion d’une mission parlementaire portant sur cette question. Par ailleurs, dans le cadre de la refondation publique voulue par le Premier ministre, nous avons eu des remontées d’informations de certains acteurs afin d’identifier les autorités – agences et opérateurs – dont l’efficacité et la lisibilité peuvent être mises en doute. Sur ce point, des réponses seront apportées prochainement.
Comme je l’avais dit il y a quelques mois lorsque nous avons débuté l’examen du texte en commission spéciale, le gouvernement ne donne pas, à ce stade, d’avis favorable aux amendements visant à supprimer des agences ou opérateurs. Par conséquent, l’avis est défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Fournier.
M. Charles Fournier
Parmi les symptômes de la suppressite figure le fait de justifier sa proposition par la nécessité de procéder à des économies.
Je tiens à souligner qu’avec cet amendement, vous vous attaquez à une autorité indépendante. C’est d’ailleurs ce que vous faites systématiquement, dès que vous en avez la possibilité, tout au long de l’examen de ce texte. Cela pose un réel problème démocratique. Que des autorités indépendantes puissent émettre des avis sur des sujets aussi importants que la santé publique, cela vous dérange.
Au passage, lors de la défense de votre amendement, vous avez longuement parlé des agences – qui pourraient certes faire l’objet d’une discussion – mais, en l’occurrence, la HAS n’en est pas une.
Nous nous opposons évidemment radicalement à votre amendement. (M. Gérard Leseul et M. Laurent Lhardit applaudissent.)
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Ian Boucard, président de la commission spéciale
Je veux signaler au collègue Fournier que le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (le HCERES), une autorité indépendante qui mène un travail d’évaluation de la recherche scientifique – un sujet très important –, a été supprimé à l’initiative de son groupe, notamment de M. Hendrik Davi. Il n’y a donc pas d’un côté les meilleurs et, de l’autre, les moins bons.
M. Charles Fournier
Je n’ai pas défendu cet amendement !
M. Ian Boucard, président de la commission spéciale
C’est votre groupe qui était à l’initiative de cette mesure. La gauche est donc bien à l’origine de la suppression d’une autorité indépendante.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1589.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 46
Nombre de suffrages exprimés 43
Majorité absolue 22
Pour l’adoption 15
Contre 28
(L’amendement no 1589 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements, nos 1562 et 31, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Pierre Meurin, pour soutenir l’amendement no 1562.
M. Pierre Meurin
Je remercie M. le ministre pour sa réponse. Si j’ai bien compris, la Haute Autorité de santé est concernée par le travail de refondation publique qu’il a évoqué.
Par ailleurs, les 75 milliards alloués à la Haute Autorité de santé mériteraient à mon avis d’être redirigés vers l’hôpital public, un secteur largement en perdition, notamment dans nos territoires ruraux et enclavés. Car notre priorité doit bien être la lutte contre les déserts médicaux et non le maintien de la Haute Autorité de santé, un énième organisme qui émet des recommandations alors qu’il en existe déjà suffisamment. Tel est l’objet de cet amendement.
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Forissier, pour soutenir l’amendement no 31.
M. Nicolas Forissier
J’ai bien entendu les propos de M. le ministre. Je défends évidemment l’amendement d’Anne-Laure Blin, dont je suis cosignataire, mais il s’agit plutôt, dans mon esprit, d’un amendement d’appel – comme ce fut le cas lorsque nous avons demandé précédemment la suppression d’autres organismes.
Il est urgent de simplifier le panorama des agences diverses et variées, pas simplement parce que nous réaliserions ainsi des économies budgétaires – ce qui est absolument essentiel –, mais aussi pour assurer une meilleure lisibilité par nos concitoyens du fonctionnement de notre démocratie et de l’État.
Je retire l’amendement, mais il est urgent d’avancer sur ces questions. Nous espérons que le gouvernement se prononcera rapidement.
(L’amendement no 31 est retiré.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 1562 ?
M. Stéphane Travert, rapporteur
Pour les mêmes raisons que celles invoquées à propos de l’amendement précédent de M. Meurin, il est défavorable. Comme le disait M. Forissier, cela ne nous empêchera pas, évidemment, de travailler sur ces questions, en lien avec le gouvernement.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Laurent Marcangeli, ministre
Comme je l’ai déjà dit ce matin, il est indispensable de définir une méthode. En l’espèce, il convient de s’appuyer sur des remontées d’informations.
Il est nécessaire de procéder à une réorganisation, à tous les niveaux, s’agissant de la présence de l’État. Nous ne fuyons pas le débat plus spécifique sur les agences et les opérateurs – bien au contraire, puisque, je l’ai dit, nous avons été auditionnés au Sénat et que ma collègue Amélie de Montchalin s’est exprimée à de nombreuses reprises dans les médias à ce sujet. Nous sommes donc prêts à en discuter.
Le débat a d’ailleurs débuté, j’en veux pour preuve un élément factuel : j’ai annoncé la fusion des cinq IRA – les instituts régionaux d’administration – en un seul établissement public. Il ne s’agissait pas de mettre fin à la présence des IRA sur le terrain – je serais bien peu inspiré si je souhaitais supprimer les IRA de Lyon, Bastia ou Metz. Nous avons simplement voulu créer une seule personnalité juridique à partir des cinq qui existaient. Ce premier exemple illustre l’action que souhaite mener le gouvernement en la matière.
M. Nicolas Forissier
Il y a du travail !
M. Laurent Marcangeli, ministre
Vous le savez très bien, il reste beaucoup de travail, puisqu’il existe plus d’un millier d’agences et opérateurs d’État. C’est un enjeu complexe, et cela tombe bien puisque ce projet de loi vise à simplifier la vie des Françaises et des Français.
Encore une fois, sur ce texte, l’avis du gouvernement est systématiquement défavorable sur les amendements visant à supprimer les agences et opérateurs – depuis le débat de l’examen du texte, un seul a été finalement adopté. Cependant, le débat reviendra sur la table. Le gouvernement s’y engage – et, en son nom, je m’y engage aujourd’hui.
M. Ian Boucard, président de la commission spéciale
Très bien !
M. Nicolas Forissier
Merci, monsieur le ministre !
Mme la présidente
Sur cet amendement qui suscite de nombreux débats, je laisserai s’exprimer l’ensemble des groupes qui le souhaitent. La parole est à M. Damien Maudet.
M. Damien Maudet
Nous nous opposerons à la suppression de la HAS. En effet, quand on travaille sur les questions de santé, on connaît son intérêt. C’est elle, par exemple, qui recense les incidents graves qui ont lieu dans des centres hospitaliers faute de personnel. Ainsi, c’est grâce aux chiffres qu’elle communique que l’on sait qu’un certain nombre de personnes sont victimes d’accidents graves au sein de l’hôpital, voire décèdent sur un brancard faute de prise en charge. J’ai beaucoup de mal à croire que, si l’on devait réinternaliser la HAS au sein de la DGS, la direction générale de la santé, ces chiffres continueraient d’être produits et diffusés de façon aussi indépendante.
Par ailleurs, la suppression de cette autorité permettrait d’économiser 73 millions d’euros par an, ce qui représente à peu près 10 % du coût annuel d’un seul centre hospitalier universitaire (CHU). Si cette somme peut paraître importante, on voit bien qu’elle ne représente pas grand-chose à l’échelle des CHU quand on sait de quoi nous avons besoin dans le domaine de la santé, et surtout compte tenu des informations fournies par la HAS en la matière. Elle définit par exemple le nombre maximum de patients qu’un soignant devrait suivre pour faire correctement son travail. Si cette autorité est supprimée, nous ne disposerons plus d’indicateurs aussi précis.
Enfin, vous dites vouloir faire des économies qui permettraient de se battre contre les déserts médicaux. À cet égard, n’oubliez pas quelque chose qui ne coûte rien : la régulation de l’installation des médecins. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Laurent Lhardit applaudit également.) Or le seul groupe parlementaire à s’y être opposé ici dans son intégralité est le vôtre : le groupe Rassemblement national. (M. Marc de Fleurian sourit et applaudit.)
M. Emeric Salmon
Ne racontez pas d’histoires !
M. Damien Maudet
Comme vous ne connaissez rien aux questions de santé, vous proposez n’importe quoi ! Sachez cependant que d’autres solutions existent, qui coûtent moins cher. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Matthias Renault.
M. Matthias Renault
On a beaucoup parlé de suppressite et le groupe Rassemblement national revendique d’être un cluster présentant un R0 assez favorable, dans cette assemblée, à l’occasion de l’examen de ce texte ! (Applaudissements et sourires sur plusieurs bancs du groupe RN.)
Plus sérieusement, s’agissant de l’annonce de réflexions sur les opérateurs, j’ai bien entendu et compris depuis plusieurs semaines que ce texte ne serait pas le véhicule par lequel le gouvernement remettrait en cause l’existence d’un certain nombre de ces opérateurs.
Concernant les déclarations d’Amélie de Montchalin, j’ai quelques doutes au sujet de leurs suites, s’agissant notamment du budget pour 2026. En effet, il s’agissait au départ de supprimer un certain nombre d’opérateurs par l’intermédiaire de fusions ou de réinternalisations, telles qu’on a pu les proposer depuis un an, y compris dans ce texte, qui visait une centaine d’agences et opérateurs. Puis la ministre s’est complètement dédite au Sénat, affirmant que le gouvernement entendait prendre pour point de référence une trajectoire de dépense visant un objectif de 2 % pour la période 2025-2027 : si, par exemple, on attendait 4 % d’augmentation des dépenses liées aux opérateurs et qu’elles s’avéraient n’augmenter que de 2 %, on estimerait avoir réalisé une économie de 2 %. On ne se conforme absolument pas à un schéma tendant à la remise en question des opérateurs, c’est pourquoi je nourris quelques doutes sur les annonces et la communication en général d’Amélie de Montchalin concernant les opérateurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Gérard Leseul.
M. Gérard Leseul
Je veux faire quelques précisions. La HAS n’est pas un opérateur mais une autorité indépendante, dotée de missions précises et, certes, d’un budget de 73 millions d’euros. Je vous invite à faire quelques lectures, car je ne suis pas certain que vous ayez pris le temps d’étudier les activités de cette autorité. Elle a rendu « 360 avis sur des médicaments en vue du remboursement, 113 décisions d’autorisation d’accès précoce prises sur des demandes d’accès précoce, 232 avis sur des dispositifs médicaux en vue du remboursement, 97 avis sur des actes en vue du remboursement, 19 avis économiques sur des médicaments ». Elle a établi « 59 publications relatives aux pratiques cliniques, organisationnelles et d’accompagnement social et médico-social, 5 publications en santé publique, 25 publications vaccinales ». Elle a réalisé « 645 visites de certification d’établissements de santé ». Elle a reçu « 4 631 notifications d’événements indésirables graves associés aux soins », notamment de disparitions précoces d’enfants : sur le fondement de 323 signalements, la HAS s’est autosaisie de l’étude de l’importance des difficultés empêchant la survie des nouveau-nés. On pourrait citer d’autres exemples, relatifs en particulier aux vaccins, notamment à destination de Mayotte : des effets indésirables ont été rapportés et la mise sur le marché de deux vaccins suspendue.
Nous pouvons donc constater que l’activité de la HAS est régulière, permanente et pertinente pour la protection de notre santé. Vous voudriez faire une économie de 75 millions d’euros au détriment de notre santé ? Faites donc preuve de discernement plutôt que de proposer cette suppression !
M. Thierry Tesson
Ne nous donnez pas de leçon !
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Fournier.
M. Charles Fournier
Je redis que nous ne parlons pas ici d’un opérateur ou d’une agence, mais bien d’une autorité indépendante. Je réponds au président Boucard : l’un des collègues de mon groupe a certes émis une proposition de suppression d’une haute autorité, mais il faut garder le sens des proportions si l’on veut nous comparer au Rassemblement national, qui propose de supprimer quasiment toutes ces autorités ! Leur position n’est d’ailleurs fondée sur aucune modalité rigoureuse de vérification. Vous appelez à faire preuve de méthode, monsieur le ministre, et nous disons précisément, depuis le début de l’examen de ce texte, que nous avons besoin de méthode pour prendre des décisions telles que celle dont nous parlons.
Nous avions proposé de créer une délégation parlementaire. Évidemment, on nous aurait expliqué que cela aboutissait à ajouter une structure à celles qui existent déjà, mais c’est faux : cela nous aurait permis de mener beaucoup plus sérieusement l’exercice auquel nous nous livrons qu’au détour d’un texte qui, en dernière analyse, aura servi de fourre-tout, de boîte de Pandore d’où sort un flux ininterrompu de propositions de suppression ! Il s’avère que l’examen de chaque article donne lieu à une discussion portant non pas sur son objet, mais sur la suppression de tel ou tel organisme, car c’est ce que nous impose le Rassemblement national dans ce débat. Pour notre part, nous nous opposons à la suppression d’autorités indépendantes dont nous avons besoin pour assurer la vitalité démocratique de notre pays.
M. Thierry Tesson
On simplifie !
M. Pierre Meurin
C’est juste une petite suppression !
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1562.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 49
Nombre de suffrages exprimés 46
Majorité absolue 24
Pour l’adoption 16
Contre 30
(L’amendement no 1562 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Sur l’article 22 bis, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir les amendements nos 2091, 2092, 1147, 2093, 2094, 2095, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Stéphane Travert, rapporteur
Tous ces amendements sont rédactionnels ou de coordination, exception faite du no 1147 de M. Bazin, que je reprends à mon compte et dont je vais vous expliquer les motifs, afin de satisfaire l’ensemble de nos collègues et de leur livrer les éléments d’appréciation requis pour voter.
L’amendement no 1147, donc, prévoit la suppression du mécanisme de l’intercommission et rétablit le pouvoir d’évocation du collège de la HAS pour l’ensemble des commissions. Il répond ainsi à un impératif de simplification et de mise en cohérence – ce sont les objectifs mêmes de ce projet de loi – du fonctionnement de cette autorité, qui demande elle-même cette modification. Je suis donc favorable à ce dispositif, qui renforcera les pouvoirs de la HAS et que la commission spéciale a approuvé, lors de l’examen du texte auquel elle s’est livrée en application de l’article 88 du règlement de l’Assemblée nationale.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Laurent Marcangeli, ministre
Avis favorable sur l’ensemble des amendements qui ont fait l’objet de cette présentation groupée.
Mme la présidente
La parole est à Mme Claire Marais-Beuil.
Mme Claire Marais-Beuil
Nous sommes effectivement favorables à la suppression de la HAS, qui constitue une strate supplémentaire. À vous, qui défendez à longueur de temps l’Europe, je rappelle que tout se trouve aussi à l’échelon européen,…
M. Ian Boucard, président de la commission spéciale
Ce n’est pas le sujet des amendements !
M. Stéphane Travert, rapporteur
Ce ne sont pas des amendements de suppression de l’Europe !
M. Charles Fournier
L’Europe n’est pas le sujet !
Mme Claire Marais-Beuil
…notamment le Système d’alerte précoce et de réaction (SAPR) ou encore les comités de l’Agence européenne des médicaments (EMA), dont le Comité pour l’évaluation des risques en matière de pharmacovigilance (Prac). Une tonne d’agences et de réglementations assurent ainsi des fonctions de surveillance, en plus du reste ! On peut donc très bien supprimer la HAS. Comme vous le dites souvent, vous écoutez l’Europe.
M. Stéphane Travert, rapporteur
Ben oui !
Mme Claire Marais-Beuil
Alors, continuez à l’écouter et faites des économies en France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. Nicolas Forissier
Ça, c’était fort ! (Sourires.)
Mme la présidente
La parole est à M. Gérard Leseul.
M. Gérard Leseul
Nous soutiendrons les amendements présentés par le rapporteur. Je suis par ailleurs un peu étonné, s’agissant du no 1147, que l’on distribue une prime à l’absentéisme, puisque le rapporteur reprend de manière générale les amendements de notre collègue Bazin, qui est absent.
Je demande une suspension de séance à l’issue du vote de l’article 22 bis.
(Les amendements nos 2091 et 2092 sont successivement adoptés.)
(L’amendement no 1147 est adopté ; en conséquence, l’amendement no 2093 tombe.)
(Les amendements nos 2094 et 2095 sont successivement adoptés.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’article 22 bis.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 44
Nombre de suffrages exprimés 34
Majorité absolue 18
Pour l’adoption 24
Contre 10
(L’article 22 bis, amendé, est adopté.)
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures cinquante-cinq, est reprise à onze heures cinq.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
Article 23 (appelé par priorité)
Mme la présidente
Je suis saisie de plusieurs demandes de scrutin public : sur l’amendement no 1621 par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire, sur les amendements nos 2220, 2224 et 2229 rectifié par le groupe Écologiste et social, sur l’amendement no 1624 ainsi que sur l’article 23 par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Claire Lejeune.
Mme Claire Lejeune
Nous entamons la discussion sur l’étendue du mandat de la Cnil, étant entendue que la modification de son collège sera débattue un peu plus tard. La précision qu’il est proposé d’ajouter, en l’espèce l’ajout à ses missions de la prise en compte des enjeux d’innovation, paraît à notre groupe complètement inutile, voire délétère. Rappelons que la Cnil a été créée en 1978 pour garantir que l’informatique et à présent, le numérique, se développent dans le respect des droits de l’homme et de la vie privée. Elle a été créée pour répondre à l’émotion publique qu’a suscité, en 1974, le projet de fichage généralisé baptisé Safari – système automatisé pour les fichiers administratifs et le répertoire des individus. Au passage, je pense que débattre de sujets aussi importants devant une assemblée quasiment vide, au détour de l’examen d’un texte fourre-tout et aussi peu lisible pour le public, revient à trahir le mandat premier de la Cnil. C’est faire montre d’un grand mépris pour tous ceux qui, en son sein, œuvrent tous les jours pour que le développement du numérique n’entre pas en contradiction avec la protection de nos droits fondamentaux.
De surcroît, le mandat attribué à la Cnil pour ce qui concerne l’innovation existe déjà. Il suffit de consulter son site pour savoir que ses missions sont tripartites : « protéger les données personnelles », « accompagner l’innovation » et « préserver les libertés individuelles ». Derrière l’ajout d’un mandat spécifique se cache une intention que l’on devine aisément : glorifier aveuglément, en la plaçant en priorité, l’innovation, et la désarrimer de l’intérêt général ainsi que d’un débat sur les objectifs politiques. C’est une manière de faire de la Cnil la béquille des intérêts privés, pas autre chose. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Bonnet.
M. Nicolas Bonnet
Le mélange des genres est plutôt malsain puisque la Cnil, ma collègue vient de le rappeler, est une autorité de contrôle chargée de s’assurer du respect du règlement européen visant à protéger la vie privée de nos concitoyens en prévoyant que leurs données personnelles soient bien traitées dans un cadre qui les sécurise. Cette autorité, par définition, est évidemment au fait de tout ce qui touche à l’innovation, puisqu’elle doit y faire face. Il n’est donc pas utile de l’enjoindre de se mettre au courant des « enjeux d’innovation » puisqu’elle en a déjà une connaissance pointue, bien plus sûrement que nous tous ici présents.
C’est son rôle que de s’assurer de la protection des données privées, y compris face aux nouvelles technologies telle que l’IA, qui posent des problèmes inédits. En revanche, si on lui recommande de faire preuve de souplesse dans son appréciation des conséquences de l’innovation pour le traitement des données personnelles ou le respect de la vie privée, cela n’a plus de sens et peut s’avérer délétère. Imagine-t-on un instant demander à la police ou à la justice de tenir compte de l’innovation lorsqu’elle veut faire respecter la loi ? De prévoir des exceptions à ce titre ? Non. Si l’on considère que des changements s’imposent au regard des enjeux d’innovation, c’est le règlement européen lui-même qu’il faut modifier et non la Cnil qui a le devoir de l’appliquer. Il ne nous viendrait même pas à l’esprit de demander à la justice ou à la police d’appliquer la loi avec souplesse : nous la changerions sans nous poser de question. Je suis donc évidemment favorable à la suppression de cet article délétère. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Manon Meunier, pour soutenir l’amendement, no 1621, visant à supprimer l’article 23.
Mme Manon Meunier
Adopter cet article serait faire entrer le loup dans la bergerie sans que personne ne s’en rende compte puisque le projet de loi est illisible – je vous rappelle qu’il y a deux semaines, nous discutions, sur le même texte, des ZFE, les zones à faibles émissions, ou encore du ZAN, le zéro artificialisation nette. À présent, vous projetez de faciliter le transfert aux entreprises privées des données personnelles de santé censées être protégées, en modifiant les missions de la Cnil, alors même que celle-ci est chargée d’assurer la protection de ces données. Vous profitez de ce que le texte soit illisible pour faire passer discrètement l’entrée de représentants des intérêts privés au sein de la Cnil. C’est inacceptable.
Par conséquent, l’amendement tend à supprimer l’article. La notion d’« enjeux d’innovation », que vous voulez introduire dans le texte, est si vague qu’il est bien difficile de ne pas le comprendre comme un cheval de Troie. L’amendement du Sénat était certes imparfait mais il avait au moins le mérite de la clarté en précisant que la nouvelle disposition concerne spécifiquement l’intelligence artificielle. Vous l’avez hélas supprimé en commission pour en revenir au terme flou d’innovation alors que la loi du 6 janvier 1978 prévoit déjà que la Cnil prend en compte les avancées technologiques. C’est donc vraiment histoire de brouiller encore davantage le message.
Surtout, un autre amendement du sénat, conservé quant à lui, prévoit de faciliter, par dérogation, l’accès des entreprises privées aux documents transmis à la Cnil, dans le cadre du dispositif d’accompagnement. Au-delà des problèmes que cela pose au regard de la protection des données personnelles de santé, de telles dérogations au profit des entreprises privées pour des documents sensibles porteraient atteinte à la sûreté même de l’État, voire au secret défense. Voilà ce dont il s’agit. Raison de plus pour supprimer l’article.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Travert, rapporteur
Nous avons déjà rejeté en commission cet amendement de suppression. La mesure prévue par l’article est pertinente en ce qu’elle constitue une orientation utile pour le collège de la Cnil, sachant que les nouveaux usages des données peuvent s’opposer aux règles en vigueur dans le cadre du RGPD, le règlement général sur la protection des données.
Vous avez souligné, madame Meunier, que le Sénat a complété l’article 23, notamment en consacrant la mission d’accompagnement de la Cnil dans le cadre de la protection des données et de la confidentialité des documents transmis par les entreprises ainsi conseillées, sachant que lesdits documents ne peuvent pas être considérés comme des documents administratifs. La commission estime que cette mesure est importante parce qu’elle sécurise juridiquement les informations transmises par l’ensemble des opérateurs économiques qui sont accompagnés par la Cnil et qu’elle préserve une forme de relation de confiance avec les entreprises. L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Laurent Marcangeli, ministre
Madame la députée, vous parlez d’un loup qui entrerait dans la bergerie, mais je crois que le « l » de Cnil correspond plutôt aux « libertés ». De surcroît, la Cnil elle-même soutient cet article que vous proposez de supprimer car il prévoit de réintroduire la prise en compte des enjeux d’innovation de manière encore plus claire, tout en accordant une dérogation aux règles de communication des documents administratifs en faveur des entreprises qui font la démarche proactive de se rapprocher de la Cnil pour se faire accompagner, afin d’être en conformité avec les règles de protection de données.
Cette dérogation est essentielle pour encourager les entreprises dans cette démarche car aujourd’hui, celles qui contactent la Cnil s’exposent à des demandes d’accès ultérieures qui, en pratique, leur portent préjudice, ce qui les rend réticentes à se faire accompagner. Ne nous trompons pas de combat : il ne s’agit pas de cacher des informations essentielles mais de créer les conditions adéquates pour que les entreprises se fassent accompagner en amont par le régulateur, y compris dans leurs démarches d’innovation, afin qu’elles développent des traitements de données conformes à la réglementation, dans le respect de la vie privée. Pour toutes ces raisons, le gouvernement est défavorable à l’amendement de suppression.
Mme la présidente
La parole est à Mme Claire Lejeune.
Mme Claire Lejeune
Je réaffirme mon souhait que cet article soit supprimé. L’intention du gouvernement et de la commission est très claire : détourner le mandat historique de la Cnil qui, je le redis, est née de l’inquiétude, suscitée dans le public, par le projet Safari qui visait à mutualiser les données informatiques et les données administratives des Français. Et vous voudriez remettre en cause ce mandat historique alors que les périls que font courir les Gafam ou l’IA sont encore plus grands que dans les années 1970. Les conséquences de leur développement sur la santé mentale de nos concitoyens, en particulier des jeunes, devraient nous préoccuper bien davantage. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Nous avons besoin d’une Cnil fidèle à son mandat historique de protection des droits fondamentaux et des données personnelles pour qu’elle puisse répondre aux inquiétudes légitimes de nos concitoyennes et de nos concitoyens sur ces enjeux. Il faut lire ensemble l’article 23 et le suivant, par lequel vous proposez de modifier la composition de la Cnil en remplaçant cinq de ses dix-huit membres par des représentants directs des entreprises et des intérêts privés. Associées, la priorisation de l’enjeu de l’innovation et la réforme de son collège changeraient le mandat et la nature de la Cnil, qui deviendrait dès lors une béquille des intérêts privés. Nous combattrons cette évolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Bonnet.
M. Nicolas Bonnet
Nous sommes favorables à la suppression de l’article car nous ne voyons pas ce que son adoption pourrait apporter. Je voudrais que le ministre ou le rapporteur nous expliquent, exemples précis à l’appui, ce qui, dans la législation actuelle, empêche ou freine la Cnil dans la bonne exécution de la mission dont elle est chargée : s’assurer du respect de la vie privée de nos concitoyens et de nos concitoyennes ainsi que du bon traitement de leurs données. Qu’est-ce qui, aujourd’hui, ne lui permet pas de gérer les innovations – tant mieux quand il y en a – dans le sens où elles doivent l’être, c’est-à-dire en s’assurant qu’elles ne nuisent pas au respect de la vie privée et des données des citoyens ? Pensez-vous que la Cnil ne s’intéresse pas à l’innovation et aux nouvelles technologies ? Il me semble au contraire qu’elle le fait.
Pouvez-vous nous indiquer ce que cet article apporte et quels cas précis ne seraient pas d’ores et déjà satisfaits ? Quel est l’intérêt de préciser à la Cnil qu’elle doit s’intéresser à l’innovation, si ce n’est pour lui mettre la pression et la pousser à assouplir ses décisions ? Nous ne sommes pas d’accord : quelles que soient les innovations, les données privées de nos concitoyens et de nos concitoyennes ont la même valeur et doivent être préservées de la même façon. (Mme Claire Lejeune applaudit.) Ou alors c’est le règlement que la Cnil a la charge d’appliquer qu’il faut modifier, en nous expliquant en quoi il est obsolète ou a vocation à évoluer. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Gérard Leseul.
M. Gérard Leseul
Je ne suis pas particulièrement favorable à la suppression de cet article, mais des questions précises sur l’intérêt de son maintien ont été posées.
M. Nicolas Bonnet
Ils n’ont pas de réponses !
M. Gérard Leseul
Je souhaiterais que M. le rapporteur et M. le ministre répondent à l’interpellation de notre collègue.
M. Nicolas Bonnet
Ils n’ont rien à dire !
M. Gérard Leseul
Cela me permettrait de déterminer mon vote.
M. Nicolas Bonnet
Ils n’ont rien à dire ! C’est la vacuité !
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre, que je vais laisser répondre avant de mettre l’amendement aux voix.
M. Nicolas Bonnet
Bel effort !
M. Gérard Leseul
Merci, monsieur le ministre.
M. Laurent Marcangeli, ministre
Je vais répondre par correction, puisque M. Leseul le demande.
M. Nicolas Bonnet
Vous n’avez pas la même correction quand c’est moi !
Mme Sandra Marsaud
Oh là là !
M. Laurent Marcangeli, ministre
Parce que votre vote est déjà déterminé !
M. Nicolas Bonnet
Pas forcément !
M. Laurent Marcangeli, ministre
Monsieur Leseul, vous demandez des précisions. Je pense que M. le rapporteur et moi-même avons donné tout à l’heure les éléments susceptibles d’éclairer votre décision. La Cnil elle-même est d’accord avec cet article, sur lequel elle a été consultée et à la rédaction duquel elle a participé. Contrairement à ce que j’ai pu entendre, il n’y a aucune volonté délétère du gouvernement d’aller à l’encontre des principes fondamentaux qui ont présidé à la création de la Cnil et à l’extension de son champ de compétences depuis les années 1970. C’est un travail fait en commun avec la Cnil et avec les entreprises susceptibles d’être concernées par cet article qui aboutit à la présentation de ce dispositif du projet de loi de simplification de la vie économique. Je répète que, comme M. le rapporteur, je suis défavorable à la suppression de l’article.
M. Nicolas Bonnet
Vous n’avez pas d’exemples !
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1621.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 47
Nombre de suffrages exprimés 26
Majorité absolue 14
Pour l’adoption 16
Contre 10
(L’amendement no 1621 est adopté ; en conséquence, l’article est supprimé et les amendements suivants tombent.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Article 23 bis (appelé par priorité)
Mme la présidente
Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 1775, 1812 et 1908, tendant à supprimer l’article 23 bis.
Sur ces amendements, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Anne Stambach-Terrenoir, pour soutenir l’amendement no 1775.
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Nous souhaitons impérativement supprimer cet article, qui a été introduit dans le texte par un amendement adopté en commission et qui vise à réformer la composition de la Cnil. Actuellement, sur ses dix-huit membres, cinq sont des personnalités qualifiées choisies pour leur connaissance du numérique et des questions touchant aux libertés individuelles. L’article vise tout simplement à les remplacer par des personnes issues d’entreprises privées.
Il s’agit ni plus ni moins de favoriser l’entrisme des intérêts privés au sein du collège de la Cnil qui émet des avis sur les projets de textes soumis par le gouvernement et des actes de droit souple comme des référentiels ou des recommandations. Dans sa formation restreinte, de six membres, il est compétent pour prononcer des sanctions à l’encontre des responsables de traitement ou des sous-traitants qui ne respecteraient pas la loi. Y faire entrer des personnes issues du privé reviendrait à créer au sein de la Cnil un mécanisme d’autorégulation pour les entreprises.
La Cnil a alerté sur les risques de cette disposition, dont elle estime qu’elle pourrait priver le collège de profils académiques et de chercheurs essentiels au positionnement indépendant et équilibré de l’institution. Leur disparition s’opérerait au profit du privé, avec toutes les possibilités de dérive que cela peut comporter. Les compétences de ces profils très particuliers sont essentielles pour la Cnil, notamment dans les domaines de la santé et de l’intelligence artificielle, qui évolue très rapidement et face à laquelle il faut préserver les libertés individuelles. De plus, cette disposition serait peu applicable car les profils issus du monde de l’entreprise ne sont pas faciles à trouver, d’autant qu’il faut être disponible une demi-journée à une journée par semaine. Tout cela n’est pas sérieux et il faut supprimer cet article. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Claire Lejeune, pour soutenir l’amendement no 1812.
Mme Claire Lejeune
Dans le droit fil des arguments avancés par ma collègue Anne Stambach-Terrenoir et des alertes de la Cnil elle-même sur les risques que comporte l’article 23 bis, il vise à supprimer ce dernier. Nous revenons à un débat de fond sur la façon de faire face au développement du numérique et sur les enjeux éthiques et politiques de ce phénomène. Nous avons eu à peu près le même à propos des data centers. Certains soutiennent leur libre développement quand d’autres posent la question de l’objectif politique et de la délimitation réglementaire nécessaire pour que le tout-numérique n’aboutisse pas à l’oubli de l’intérêt public, de la préservation des données personnelles et de la protection des droits fondamentaux.
Il en est de même ici. Vouloir remplacer les cinq membres sur dix-huit de la Cnil qui, du fait de leur profil de chercheur, s’interrogent sur les conséquences éthiques, politiques et sociétales de l’essor de l’intelligence artificielle et du numérique, par des personnes qui viennent du privé – c’est-à-dire, peut-être, des Gafam, ces immenses entreprises technologiques qui auront tout à gagner à pousser leurs intérêts au détriment de l’intérêt général – témoigne de votre aveuglement sur les risques graves pour le développement futur de ces secteurs. Nos débats ne doivent pas être décorrélés des impacts très violents du numérique sur la société. Cette semaine, nous avons beaucoup entendu parler des effets des réseaux sociaux sur la santé mentale. Nos votes doivent s’inscrire dans ce contexte. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Manon Meunier, pour soutenir l’amendement no 1908.
Mme Manon Meunier
Nous vous l’avons demandé plusieurs fois depuis le début de nos débats : qui protégez-vous ?
M. Laurent Marcangeli, ministre
Les Français !
Mme Manon Meunier
La Cnil a pour missions premières de protéger les données personnelles ainsi que la vie privée de nos concitoyens et de nos concitoyennes et de s’assurer que le numérique se développe dans l’intérêt général, notamment au regard des enjeux de santé publique qu’il comporte. Il faut donc que cette commission compte parmi ses dix-huit membres des personnalités indépendantes, des chercheurs et des spécialistes de ces sujets, ce qui est le cas aujourd’hui. Je pose à nouveau la question : qui protégez-vous quand vous voulez confier cinq de ses dix-huit sièges à des représentants des intérêts économiques privés ? Pourquoi une telle décision si ce n’est pour faire primer ces intérêts sur le reste ? La Cnil n’a pas pour rôle de faire fructifier de tels intérêts.
La proposition entraîne aussi des questions en termes de souveraineté. C’est un mot que vous mettez partout, mais sur lequel notre conception diffère de la vôtre. Pensez-vous protéger les données privées des Français en faisant entrer à la Cnil cinq représentants des entreprises, donc, potentiellement, des Gafam, dont les intérêts sont à l’étranger ? Vous placez les intérêts économiques privés au-dessus de tout le reste et, notamment, au-dessus de la protection des données des Français et de la souveraineté du pays.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Travert, rapporteur
Nous sommes défavorables à la suppression de l’article 23 bis car trois de ses quatre mesures adoptées en commission spéciale sont parfaitement justifiées. La première concerne la concertation avec les organismes publics et privés préalablement à l’élaboration d’actes de droit souple. La Cnil, qui pratique déjà cette concertation et la trouve utile, plébiscite sa consécration juridique. Le texte prévoit une formulation identique en matière de publication de règlements et de données à caractère personnel, comme les données biométriques, génétiques et de santé. La deuxième prévoit la transmission du rapport annuel de la Cnil au Parlement, ce qui ne peut que renforcer utilement l’information dont députés et sénateurs doivent disposer. La troisième concerne le relèvement du quantum de la sanction administrative simplifiée, pour les grandes entreprises. Cela permettra un meilleur respect des obligations issues de la loi « informatique et libertés » comme de celles issues du RGPD.
En revanche, je rejoins les auteurs des amendements à propos de la composition du collège de la Cnil. Je suis parfaitement d’accord avec eux sur la nécessité de ne pas bouger les règles actuelles. Il est préférable de supprimer ce qu’a adopté la commission sur ce point, comme le demandent plusieurs amendements déposés par mes soins, par le gouvernement et par certains de mes collègues. Je demande donc le retrait des amendements de suppression de l’article au profit de ceux dont nous allons discuter tout à l’heure et qui ne concernent que la disposition sur la composition du collège de la Cnil.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Laurent Marcangeli, ministre
Le gouvernement a justement déposé l’amendement no 2339, qui tend à supprimer l’alinéa 6 de l’article 23 bis, introduit en commission spéciale et aux termes duquel les cinq personnalités qualifiées nommées au sein du collège de la Cnil sont exclusivement issues d’entreprises privées.
Je soutiens l’objectif d’une meilleure prise en compte des intérêts des entreprises dans les délibérations de la Cnil, mais je crains que le maintien de l’alinéa 6 ne rigidifie les procédures de nomination. En outre, la variété des profils des personnalités qualifiées est essentielle à la composition du collège de la Cnil, qui peut ainsi comprendre des universitaires et des chercheurs.
Je vous invite par conséquent à retirer l’amendement au profit de celui du gouvernement, qui en reprend la substantifique moelle.
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 1775, 1812 et 1908.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 51
Nombre de suffrages exprimés 51
Majorité absolue 26
Pour l’adoption 23
Contre 28
(Les amendements identiques nos 1775, 1812 et 1908 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je suis saisie de plusieurs demandes de scrutin public : sur l’amendement no 1923, par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire ; sur les amendements identiques nos 2339 et suivants, par le groupe Écologiste et social.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Sandrine Nosbé, pour soutenir l’amendement no 1923.
Mme Sandrine Nosbé
Par cet amendement, nous nous opposons à la réforme du collège de la Cnil, qui vise en fait à faire représenter les intérêts privés au sein de cette commission, au mépris de l’avis de cette dernière.
Dans ses observations sur le projet de loi, la Cnil nous a alertés, car elle estimait que cette disposition risquait de priver le collège de profils académiques et de chercheurs, essentiels au positionnement indépendant et équilibré de l’institution. Rappelons que ces profils et compétences sont essentiels à l’accomplissement de la mission de cette commission.
En outre, la commission estime que la disposition serait peu applicable dans les faits, car les profils issus du monde de l’entreprise sont très difficiles à trouver lorsque le collège doit être renouvelé. La Cnil craint également qu’il soit difficile, pour ces personnalités appartenant à des entreprises, d’exercer un mandat qui implique de siéger une demi-journée, voire une journée entière, chaque semaine.
Enfin, la Cnil note que cette disposition s’appliquerait dès la publication de la loi, ce qui mettrait fin aux mandats de plusieurs commissaires. Or un jugement rendu en 2014 par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) interdit aux États membres d’interrompre de manière anticipée les mandats de leurs autorités de contrôle de la protection des données personnelles. Je vous invite donc à adopter l’amendement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Travert, rapporteur
Nous avons besoin de la concertation avec les organismes publics et privés, préalablement à l’élaboration d’actes de droit souple, toujours très utiles. La Cnil demande que ces mesures soient prises, comme l’ont indiqué ses représentants lors de leurs auditions, auxquelles vous avez d’ailleurs assisté.
S’agissant, en revanche, de la composition du collège de la Cnil, nous sommes parfaitement d’accord avec vous : il faut supprimer l’alinéa 6 de l’article 23 bis, ce qui sera l’objet de prochains amendements.
Notre avis est donc défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Laurent Marcangeli, ministre
L’amendement précédent a donné lieu à un débat, dans lequel je me suis exprimé pour souligner que l’amendement no 2339 reprenait, dans une rédaction peut-être meilleure, l’objectif que vous poursuivez en ce qui concerne les nominations au collège de la Cnil.
Je vous demande donc de retirer cet amendement et de soutenir l’amendement no 2339, dont l’objet est similaire.
Mme la présidente
La parole est à M. Gérard Leseul.
M. Gérard Leseul
Nous n’avons pas voté les amendements tendant à supprimer l’article 23 bis, car cet article prévoit la présentation au Parlement du rapport de la Cnil – elle me semble nécessaire, puisque le président de la République et le premier ministre en bénéficient déjà.
Comme l’a indiqué tout à l’heure le rapporteur, cet article prévoit également d’augmenter le quantum de la sanction administrative simplifiée pour les grandes entreprises et nous y sommes favorables. Enfin, il nous semble également important de maintenir la concertation entre acteurs publics et privés, prévue à l’alinéa 3 de l’article.
Nous ne voterons donc pas l’amendement no 1923, mais soutiendrons tous ceux tendant à supprimer les alinéas 5 et 6, qui prévoient la désignation exclusive de personnalités qualifiées dans le monde de l’entreprise, au détriment de la pluralité des points de vue.
Mme la présidente
La parole est à Mme Manon Meunier.
Mme Manon Meunier
L’enjeu n’est pas de comparer les rédactions de différents amendements, puisqu’ils tendent à supprimer des alinéas de l’article 23 bis. Le nôtre tend à maintenir l’indépendance de la Cnil telle qu’elle est conçue aujourd’hui et va donc plus loin que les vôtres.
La loi prévoit déjà la concertation entre acteurs publics et privés, mais nous ne souhaitons pas que les orientations données au travail de la Cnil soient fixées par des personnes dont l’indépendance pourrait être mise en doute. Pour cette raison, notre amendement prévoit la suppression de l’alinéa 3, et va ainsi plus loin que ceux, comme celui du gouvernement, qui tendent à ne supprimer que les alinéas 5 et 6.
J’en profite pour demander à ceux qui soutiennent l’attribution de cinq des sièges du collège de la Cnil à des représentants d’intérêts privés comment ils s’assureront de la souveraineté française sur des données ultrasensibles dont le sort pourra dépendre du vote de cinq représentants d’intérêts privés. Ces intérêts pourraient ne pas être ceux de la France et c’est fréquent dans l’économie du numérique, tournée vers l’international : comment garantirez-vous l’intérêt du pays ?
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Ian Boucard, président de la commission spéciale
Sans vouloir polémiquer, je vous rappelle que tous les orateurs ont été clairs : le rapporteur, le ministre et d’autres groupes ont annoncé des amendements tendant à supprimer la nouvelle composition du collège de la Cnil, qui n’est donc défendue par personne.
Avançons, nous aurions pu revenir sur cette nouvelle composition il y a vingt minutes déjà. En revanche, je m’interroge : en quoi la suppression de la concertation entre acteurs publics et privés, que vous défendez avec votre amendement, garantirait-elle l’indépendance de la Cnil ? Il n’y a en fait pas de rapport entre les deux et il me paraît tout à fait légitime que la Cnil consulte les acteurs publics et privés concernés par un sujet donné, avant de rendre son avis en toute indépendance.
On ne peut pas défendre la concertation en toute matière – ce que vous avez fait lors du débat portant sur la Commission nationale du débat public (CNDP) –, sauf en celle qui intéresse la Cnil ! Soyez cohérents !
Comme le rapporteur et le ministre avant moi, je vous invite à retirer votre amendement, pour que nous puissions voter les amendements identiques visant à supprimer la nouvelle composition du collège de la Cnil.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1923.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 53
Nombre de suffrages exprimés 50
Majorité absolue 26
Pour l’adoption 15
Contre 35
(L’amendement no 1923 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de quatre amendements identiques, nos 2339, 1375, 1741 et 2098.
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement no 2339 du gouvernement.
M. Laurent Marcangeli, ministre
Nous y voilà : l’amendement tend à supprimer les alinéas 5 et 6 de l’article 23 bis, ceux-ci ayant pour objet la modification de la composition du collège de la Cnil.
Le gouvernement souhaite que les intérêts des entreprises soient pris en compte dans les délibérations de la Cnil. Néanmoins, l’atteinte de cet objectif ne doit pas contraindre les nominations des personnalités qualifiées au sein du collège de la Cnil attribuées au président de la République, au président du Sénat et au président de l’Assemblée nationale.
La suppression des alinéas 5 et 6 assouplira donc la procédure de nomination visée.
Mme la présidente
La parole est à Mme Julie Ozenne, pour soutenir l’amendement no 1375.
Mme Julie Ozenne
Je suis membre de la Cnil et il est vrai que cette qualité permet de mieux comprendre le fonctionnement de cette organisation.
Mon amendement tend à conserver la configuration actuelle du collège de la Cnil, composé entre autres de cinq personnalités qualifiées, désignées en raison de leurs connaissances du numérique et des questions touchant aux libertés individuelles. Parmi elles, on retrouve deux spécialistes en informatique et en intelligence artificielle, issus de l’Institut national de la recherche en sciences et technologies du numérique (Inria) et du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), une chercheure en santé, professeure des universités-praticienne hospitalière (PU-PH), dont l’apport est précieux dans tous les dossiers relatifs aux données de santé et une professeure des universités spécialisée en droit des données à caractère personnel. Leur présence est essentielle au positionnement indépendant et équilibré de la Cnil.
Par ailleurs, le monde de l’entreprise est représenté par les deux membres du Conseil économique, social et environnemental (Cese), d’où l’importance de le maintenir. Parmi les personnalités qualifiées nommées par les assemblées et le gouvernement, on peut aussi compter des membres d’entreprises privées, bien que ce ne soit pas le cas actuellement.
Enfin, les modalités d’application dans le temps de cette disposition n’étant pas clairement définies, le risque d’insécurité juridique ou d’inconventionnalité paraît important, eu égard à la jurisprudence européenne sur l’interruption des mandats en cours des membres d’autorités administratives indépendantes. Je vous invite à vous reporter à l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 8 avril 2014, tranchant un litige opposant la Commission européenne et la Hongrie.
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Fournier, pour soutenir l’amendement no 1741.
M. Charles Fournier
Je voulais rappeler que deux membres du collège de la Cnil représentent le Cese, que certains voudraient supprimer.
M. Frédéric Weber
Ça viendra !
M. Charles Fournier
Le Cese est composé d’acteurs économiques, de sorte que la diversité de la société civile est bien représentée dans le collège de la Cnil. Les acteurs économiques pourraient, si le Cese en désignait deux pour le représenter et si le collège de la Cnil en comportait statutairement cinq autres, être en majorité au sein dudit collège. Les alinéas dont nous voulons la suppression posent donc bel et bien problème.
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur pour présenter l’amendement no 2098 et donner l’avis de la commission.
M. Stéphane Travert, rapporteur
Je me réjouis, comme M. Fournier, que le Cese n’ait pas été supprimé et que deux membres de la Cnil en soient issus.
J’en profite pour présenter mon amendement qui tend à revenir à la configuration initiale du collège de la Cnil. En effet, la version retenue par la commission spéciale pose plusieurs difficultés.
Je suis favorable à l’amendement no 2339 du gouvernement et aux identiques.
M. Stéphane Travert, rapporteur
Il n’est pas souhaitable de remplacer les profils actuels du collège de la Cnil issus principalement du monde de la recherche académique par des personnalités provenant exclusivement d’entreprises privées. Mme Ozenne l’a rappelé, ce collège compte actuellement dix-huit membres – quatre parlementaires, deux membres du Cese, six membres du Conseil d’État, de la Cour de cassation, de la Cour des comptes, le président de la Commission d’accès aux documents administratifs (Cada) ainsi que cinq personnalités qualifiées aux profils variés, dont les compétences sont unanimement jugées utiles et complémentaires. Parmi elles figurent deux chercheurs en informatique et en intelligence artificielle, une docteure en médecine, une professeure de droit spécialisée dans le droit du numérique et les droits fondamentaux, et une conseillère d’État spécialiste de la régulation – qui occupe par ailleurs la fonction de présidente de la Cnil.
Sur le plan juridique, rien n’empêche de nommer au sein du collège des personnalités qualifiées issues du monde de l’entreprise. En pratique cela s’avère cependant complexe et le Cese est d’ailleurs actuellement représenté par une avocate et un commissaire aux comptes. La Cnil nous a elle-même indiqué qu’il était difficile de trouver de telles personnalités, notamment parce que la participation aux réunions exige une grande disponibilité – vous le savez, madame Ozenne…
Mme Julie Ozenne
Ce n’est pas facile en effet !
M. Stéphane Travert, rapporteur
Enfin, tels qu’ils sont rédigés, les alinéas conduiraient à mettre fin dès à présent aux mandats en cours des membres du collège, ce qui est contraire au droit européen. Le 8 avril 2024, la Cour de justice de l’Union européenne a en effet statué en ce sens : sa décision concernait l’autorité administrative indépendante hongroise de contrôle de la protection des données à caractère personnel. Je suis favorable aux amendements.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Laurent Marcangeli, ministre
Favorable, naturellement.
Mme la présidente
La parole est à M. Gérard Leseul.
M. Gérard Leseul
Nous soutiendrons ces amendements de suppression des alinéas 5 et 6. Au passage, je constate que l’alinéa 6 éteint toute diversité au sein du collège non seulement pour ce qui concerne les personnalités qualifiées, mais également pour les personnalités issues du monde de l’entreprise. Ces dernières n’auraient-elles pas pu être issues, par exemple, d’une mutuelle, une association, une société coopérative de production ou autre ? Il aurait été souhaitable de prévoir une pluralité des profils issus de l’entreprise. Mais l’objectif premier était autre, semble-t-il : obtenir un regard univoque du monde de l’entreprise sur la Cnil. Or comme plusieurs orateurs l’ont rappelé, les profils variés du collège actuel sont intéressants, et ils le seront encore demain, lorsque les membres du collège seront renouvelés. Il faut maintenir le plus longtemps possible cette diversité des regards qui permet l’approche la plus objective possible.
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 2339, 1375, 1741 et 2098.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 55
Nombre de suffrages exprimés 55
Majorité absolue 28
Pour l’adoption 40
Contre 15
(Les amendements identiques nos 2339, 1375, 1741 et 2098 sont adoptés ; en conséquence, les amendements suivants tombent.)
Mme la présidente
Sur l’article 23 bis, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Les amendements nos 2099, 2100 et 2101 de M. le rapporteur sont rédactionnels.
(Les amendements nos 2099, 2100 et 2101, acceptés par le gouvernement, sont successivement adoptés.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’article 23 bis.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 53
Nombre de suffrages exprimés 44
Majorité absolue 23
Pour l’adoption 44
Contre 0
(L’article 23 bis, amendé, est adopté.)
M. Ian Boucard, président de la commission spéciale
Je demande une suspension de séance, madame la présidente, le temps de procéder à un changement de ministre au banc.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures cinquante, est reprise à onze heures cinquante-cinq.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
Article 6
Mme la présidente
Sur les amendements nos 259 et identiques, 2130, 2137, 2140, 2133 et 2150, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 1543, 2130, 2137, 2140, 2133, 2150, 1715, 335, 451 et 1953, tendant à rétablir l’article 6 supprimé par la commission et pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 1715, 335, 451 sont identiques.
L’amendement no 1715 fait l’objet de trois sous-amendements, nos 2822, 2823 et 2825.
La parole est à M. Charles Fournier, pour soutenir l’amendement no 1543.
M. Charles Fournier
L’article 6 initial visait à réduire le délai de prévenance des salariés lors de la cession de leur entreprise – délai qui a ensuite été totalement supprimé par le Sénat. Nous considérons au contraire qu’il faut l’allonger. L’exemple de Vencorex illustre bien qu’une information suffisamment précoce des salariés peut conduire à la reprise de l’activité : c’est précisément à cause de la brièveté du délai que le projet de reprise, qui était à l’étude, n’a pu être conclu. Si les salariés n’ont pas eu suffisamment de temps pour se préparer, les Chinois, quant à eux, étaient prêts ! Au bout du compte, une entreprise malheureusement mise en difficulté par la concurrence chinoise se retrouve sous pavillon chinois ! La reprise d’une entreprise par ses salariés est bien souvent une solution. Il faut l’encourager. Les salariés de Duralex ont eu besoin de temps pour monter leur projet. Parce qu’il faut laisser le temps aux salariés de réagir, nous proposons d’allonger de deux à six mois le délai obligatoire d’information en cas de cession.
Mme la présidente
La parole est à Mme Claire Lejeune, pour soutenir l’amendement no 2130.
Mme Claire Lejeune
La rédaction initiale de l’article – supprimé en commission – prévoyait de réduire de deux à un mois le délai d’information des salariés en cas de cession de leur entreprise. Or les collègues du bloc central ont déposé des amendements pour la rétablir. Ce n’est pas flagrant, vu qu’ils ne sont pas nombreux pour les défendre, mais c’est tout de même curieux dans la période, alors que les plans sociaux se multiplient – la CGT a récemment recensé 300 000 emplois menacés…
M. Thierry Tesson
C’est forcément objectif !
Mme Claire Lejeune
Permettre aux salariés de continuer leur activité en reprenant leur entreprise, lorsque celle-ci connaît des difficultés et alors qu’une cession est annoncée, devrait être un objectif partagé sur tous les bancs ; cela relève de l’intérêt général ! Par cet amendement, nous proposons de créer un droit de préemption au profit du ou des salariés qui formulent une offre de rachat, afin qu’ils puissent aisément reprendre l’activité s’ils sont capables de monter un plan de reprise. Nous proposons également de porter de deux à quatre mois le délai d’information préalable.
Nous devons user davantage du levier réglementaire pour favoriser de telles reprises ; nous devrions même financer des dispositifs d’accompagnement : ainsi pourrions-nous réellement retrouver de la souveraineté, redonner du pouvoir aux travailleuses et aux travailleurs et éviter autant que possible l’emprise des multinationales qui s’accaparent, tels des vautours, les entreprises en difficulté, avant de repartir, deux ans plus tard, nous laissant mesurer l’ampleur du désastre social provoqué par les plans de licenciement. Renforçons le droit en votant cet amendement.
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Nosbé, pour soutenir l’amendement no 2137.
Mme Sandrine Nosbé
Il vise également à favoriser la reprise des entreprises par leurs salariés en cas de projet de vente du fonds de commerce ou des parts de la société. Une telle mesure permettrait de simplifier véritablement la vie économique face à la multiplication des plans de licenciement. Dans les dix prochaines années, 350 000 entreprises pourraient être reprises, d’après le réseau des chambres de commerce et d’industrie CCI France. Par cet amendement, nous proposons que, lorsqu’une offre de rachat est présentée par ses salariés, le propriétaire de l’entreprise soit obligé d’entrer en négociation avec eux et de leur transmettre tous les documents nécessaires en vue de faciliter le montage de leur dossier. Dans le cas de Vencorex dont a parlé mon collègue Fournier, ces documents ont manqué aux salariés pour mener à bien leur projet de reprise. Enfin nous proposons évidemment, de la même façon, de porter de deux à quatre mois le délai d’information obligatoire des salariés ; c’est nécessaire si l’on veut qu’ils puissent se retourner et agir en conséquence.
Mme la présidente
La parole est à Mme Anne Stambach-Terrenoir, pour soutenir l’amendement no 2140.
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Soulignons la magie de ce projet de loi : la dernière fois, nous avons discuté de l’objectif ZAN ; ce matin, nous avons commencé avec les baux commerciaux, puis la Cnil, et nous en venons maintenant au droit du travail, que vous attaquez…
M. Thierry Tesson
C’est éclectique !
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Fort heureusement, le texte suscite une telle opposition que l’article 6 a été supprimé en commission.
Nous en profitons pour essayer de favoriser la reprise d’entreprises par les salariés, en cas de projet de vente du fonds de commerce ou de parts de la société. L’amendement tend ainsi à obliger le propriétaire, lorsqu’une offre d’achat est présentée par les salariés, à entrer en négociation avec eux.
Il s’agit d’un enjeu majeur. Un nombre conséquent d’entreprises seront à reprendre dans les prochaines années – CCI France les évalue à 350 000. Or nous savons que les capacités de reprise des salariés sont déjà très contraintes, compte tenu des délais pour monter un dossier ou pour prétendre au crédit d’impôt dans le plan de financement. Nous proposons de faciliter tout cela.
Je rappelle les très belles réussites en la matière, comme la Scop TI, qui avait repris les thés de la marque Éléphant dans les Bouches-du-Rhône, ou la biscuiterie Jeannette, dans le Calvados. Cette dernière avait été placée en liquidation judiciaire en 2013, avant que la mobilisation des salariés et l’occupation de l’usine n’empêchent la vente du matériel, toujours utilisé aujourd’hui pour fabriquer des madeleines. De même, l’imprimerie Phil’Print, en Auvergne, placée en redressement judiciaire en 2015, a pu être reprise par les salariés, qui ont mis en commun leurs indemnités de licenciement et sollicité les prêts et les aides nécessaires. (M. Maxime Laisney applaudit.)
Ce sont des exemples vertueux de salariés qui s’organisent, reprennent l’outil de travail qu’ils connaissent et maîtrisent, afin de poursuivre une activité dans nos territoires. Nous devons tout faire pour les encourager. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Emeric Salmon
Ils peuvent bénéficier d’un pacte Dutreil ou pas ?
Mme la présidente
La parole est à Mme Claire Lejeune, pour soutenir l’amendement no 2133.
Mme Claire Lejeune
Il se situe dans la même logique que les amendements précédents : renforcer la capacité des salariés à reprendre leur entreprise, dans le cas d’une cession ou d’un redressement. Il s’agit d’obliger le propriétaire de la société à motiver son refus – c’est la moindre des choses – si un plan de reprise est présenté par les salariés.
Ce qui nous choque, dans la logique de réduction du délai d’information préalable qui était celle de l’article initial, c’est qu’elle conduit finalement à écarter, de fait, la possibilité pour les salariés de reprendre leur entreprise. Les capacités de monter un dossier, pour un groupe de salariés, sont moins grandes que pour une multinationale ou pour un fonds spécialisé dans le rachat d’entreprises défaillantes ; la question du délai est donc cruciale.
Votre logique revenait à dire que la possible initiative des salariés était une contrainte, une entrave à écarter pour simplifier la vie économique. Nous considérons, au contraire, que les travailleurs et les travailleuses forment le cœur de l’activité économique.
M. Nicolas Forissier
Et les entrepreneurs et les entrepreneuses ? S’il n’y en avait pas, il n’y aurait pas de travail !
M. Charles Fournier
Cela marche dans les deux sens ! Et sans doute davantage dans un sens que dans l’autre !
Mme Claire Lejeune
Ce sont les travailleurs qui connaissent le mieux l’outil de travail (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP), les objectifs de leur activité, son inscription dans un contexte économique ; ce sont eux qui peuvent le mieux l’articuler avec les enjeux d’un territoire et qui seront les plus à même d’en assurer une reprise efficace. C’est le devoir de la puissance publique de se tenir à leurs côtés, en créant un cadre réglementaire favorisant ce type de reprise et en instaurant les dispositifs financiers permettant d’aider les salariés dans cette démarche.
Mme la présidente
La parole est à Mme Manon Meunier, pour soutenir l’amendement no 2150.
Mme Manon Meunier
Dans les dix prochaines années, CCI France estime à 350 000 le nombre d’entreprises à reprendre. Ce chiffre conséquent témoigne de l’enjeu de la préservation des entreprises en France, qui rejoint celui de la souveraineté industrielle. Nous devons donc faire en sorte que la puissance publique crée les meilleures conditions pour cela.
Vous, au contraire, vous souhaitez supprimer le délai d’information préalable obligatoire, qui permet aux salariés d’être les premiers informés en cas de transmission de leur entreprise, ce qui est bien normal : qui de mieux placés que les salariés d’une entreprise pour la reprendre ? Pourquoi supprimer ce délai et couper l’herbe sous le pied aux salariés qui pourraient s’organiser ? D’autant que nous avons des exemples d’organisations de salariés qui ont repris leur entreprise et, parfois, l’ont améliorée. Je pense, par exemple, aux thés de la marque 1336, ainsi nommée en mémoire des 1 336 jours durant lesquels les travailleurs ont lutté pour reprendre leur usine, alors qu’elle était en faillite. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Sandrine Rousseau applaudit également.)
Ils l’ont fait en créant une société coopérative, système plus vertueux qui donne davantage de place à tous les salariés, et qui est plus favorable à la survie de l’entreprise. Nous devons nous appuyer sur ces modèles de sociétés coopératives ouvrières, qui dessinent l’horizon vers lequel aller dans les années à venir, plutôt que de supprimer la possibilité pour les salariés de s’organiser et de reprendre leur activité. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Sandrine Rousseau applaudit également.)
Mme la présidente
Nous en venons, au sein de la discussion commune, aux trois amendements identiques, nos 1715, 335 et 451.
La parole est à Mme la ministre déléguée pour soutenir l’amendement no 1715, qui fait l’objet de trois sous-amendements nos 2822, 2823 et 2825.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
L’amendement no 1715 du gouvernement vise à revenir à la version initiale du projet de loi. Il s’agit de faciliter les ventes de fonds de commerce et d’entreprises de moins de cinquante salariés – qui sont les seules, cela n’a pas beaucoup été dit, concernées par l’article 6 –, en réduisant le délai d’information préalable obligatoire des salariés, de deux à un mois. En effet, le délai non négligeable de deux mois est quelquefois gênant et peut conduire à dissuader le repreneur. En contrepartie, pour trouver un équilibre, il est proposé de modifier le plafond de l’amende civile encourue en cas de violation des obligations légales, en le fixant à 0,5 % du montant de la cession, contre 2 % actuellement.
Le délai d’un mois peut être suffisant pour informer les salariés ; il ne changera pas grand-chose par rapport à un délai de deux mois. En effet, les reprises par les salariés se préparent bien en amont.
M. Nicolas Forissier
Bien sûr !
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Monsieur Fournier, vous avez donné l’exemple de Vencorex, mais il s’agit d’une entreprise de plus de 400 salariés. Or l’article concerne les entreprises familiales, de petite taille, qui ont besoin d’une grande réactivité, de lisibilité et de simplicité. C’est l’objet de l’amendement.
Mme la présidente
Les amendements nos 335 de M. Vincent Descoeur et 451 de Mme Virginie Duby-Muller sont défendus.
La parole est à M. Charles Fournier, pour soutenir les sous-amendements nos 2822, 2823 et 2825, à l’amendement no 1715 du gouvernement, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
Ces sous-amendements font l’objet de demandes de scrutin public de la part du groupe Écologiste et social. Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
M. Charles Fournier
Certes, madame la ministre, l’article concerne les petites entreprises, mais c’est justement un argument supplémentaire en faveur d’une reprise par les salariés. En effet, reprendre une petite entreprise, dans laquelle les salariés sont souvent davantage impliqués, requiert moins de ressources financières ; or c’est souvent ce qui constitue l’un des freins à la reprise par les salariés. Qu’il s’agisse de petites entreprises fait donc pleinement sens.
Je ne comprends toujours pas l’intérêt de la réduction du délai : qu’est-ce que cela change, de passer de deux à un mois ? Ce sera plus contraignant, au contraire. Je ne vois pas quelle simplification cela apporte. Je maintiens qu’il faut augmenter ce délai pour laisser les salariés s’organiser pour reprendre l’entreprise.
Si l’on dépasse le cadre de l’article, on constate que, partout où les salariés s’impliquent dans les entreprises, trouvent leur place dans les conseils de surveillance et les conseils d’administration, cela fonctionne. Je ne vois pas quels seraient les blocages sur ce point.
Le sous-amendement no 2825 vise également à ce que le projet de reprise défendu par les salariés soit examiné prioritairement. Je connais de nombreuses situations dans lesquelles les salariés seraient prêts à le faire, mais les délais, l’absence de capitaux et d’un examen prioritaire les en empêchent. Je crois profondément à l’attachement des salariés à leur outil de travail ; ce sont eux qui le font vivre et qui sauront lui donner une perspective.
Mme la présidente
L’amendement no 1953 de M. Hendrik Davi est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Travert, rapporteur
Je supplée avec une grande humilité mon collègue Christophe Naegelen, qui arrivera dans quelques minutes ; je n’ai pas particulièrement étudié l’ensemble de ces sujets.
Nous sommes toujours heureux lorsqu’une entreprise qui connaît des difficultés peut être reprise par ses salariés. Vous avez donné l’exemple de la biscuiterie Jeannette, dans le Calvados, et de l’usine qui fabrique les thés de la marque Éléphant, en Seine-Maritime. Ces deux entreprises normandes avaient fait la une de l’actualité et, avec le soutien de nombreux élus, l’activité économique a pu être maintenue.
Je comprends bien les difficultés que pose l’ingérence, si j’ose dire, d’intérêts étrangers lorsqu’ils reprennent une entreprise française : fuite des capitaux, revente du portefeuille client, disparition des machines. Parfois, nous assistons aussi à des blocages, comme l’a relevé Mme Lejeune : l’entreprise empêche le transfert du matériel au repreneur.
Pour autant, connaissant bien la vie économique et industrielle de notre pays, je peux vous assurer que la reprise par les salariés ne garantit pas automatiquement la viabilité économique d’un projet,…
M. Charles Fournier
Bien sûr, pas plus que pour un autre repreneur !
M. Stéphane Travert, rapporteur
…pas plus, c’est vrai, que lorsqu’elle est reprise par des intérêts étrangers. Nous avons bien conscience que nous devons défendre, lorsque c’est possible, la reprise d’entreprise par les salariés ; nous sommes, je pense, d’accord sur ce point.
Je donne un avis défavorable aux amendements nos 1543, 2130, 2137, 2140, 2133 et 2150. En revanche, mon avis sera favorable à l’amendement no 1715 du gouvernement ainsi qu’aux amendements identiques, qui visent à rétablir l’article 6 du projet de loi dans sa rédaction initiale. En effet, après examen, la mesure voulue par le Sénat apparaît disproportionnée ; il importe toutefois d’adapter la procédure légale en tenant compte des réalités de la vie économique. Ces amendements me semblent pertinents et inspirés par ce souci de compromis, si nécessaire à ce texte.
Le constat que je peux faire, à la lecture de l’exposé sommaire de certains amendements, c’est qu’ils ne proposent pas une simplification de la loi mais son alourdissement, au mépris de la réalité de la vie économique, voire de l’intérêt des salariés. (M. Charles Fournier fait un signe de dénégation.) Il ne faut pas contraindre la capacité, pour les salariés, d’accéder à certaines informations, ni renforcer les obstacles qu’ils peuvent rencontrer à la reprise d’une entreprise. Le législateur avait par le passé, à bon droit, apporté des ajustements, compte tenu du très faible nombre d’entreprises reprises par des salariés, malgré les exemples que vous avez pu donner.
Au contraire, l’amendement du gouvernement prévoit un dispositif qui permet de concilier deux exigences fondamentales. Il facilite la vente d’un fonds de commerce et la cession de parts commerciales, en allégeant les procédures légales, tout en réservant une place essentielle à la participation des salariés à la marche de l’entreprise, dans le respect des normes nationales et européennes. Nous devons disposer d’un cadre proportionné, qui corresponde à ce dont les entrepreneurs ont besoin pour mener, sans se trouver affaiblis, la discussion et la négociation.
Aux sous-amendements de M. Fournier, je donne un avis défavorable ainsi qu’à l’amendement no 1953.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Je vais commencer par la question de la reprise et de la transmission des entreprises. Certains d’entre vous ont évoqué le nombre important d’entreprises qui seront à céder dans les années à venir – c’est une réalité, puisque de nombreux chefs d’entreprise, notamment de PME, vont être appelés à partir à la retraite. J’ai publié en 2024 un état des lieux des reprises et des cessions d’entreprises et je compte relancer un tel observatoire, qui n’existe plus depuis 2020, pour disposer d’un baromètre dédié grâce auquel nous pourrons engager les travaux avec les acteurs concernés, en particulier les chambres consulaires. C’est un sujet sur lequel nous devons savoir anticiper ; j’aurai l’occasion d’y revenir, au fil des travaux qui seront conduits.
Vous avez également évoqué le sujet des défaillances d’entreprise : il est vrai que nous devons être particulièrement vigilants à ce propos et nous doter d’outils de prévention. Les amendements que vous proposez, en augmentant la durée du délai d’information, risquent cependant de dissuader d’éventuels repreneurs. Le retard ainsi engendré pourrait aggraver les difficultés de l’entreprise et accroître les risques de défaillance.
L’amendement du gouvernement vise à trouver un équilibre : diminution du délai, d’un côté, afin de ne pas dissuader de potentiels repreneurs et augmentation, de l’autre, du plafond de la sanction.
Ce sont de PME dont il s’agit : la réaction doit donc pouvoir être très rapide.
Je donne un avis défavorable aux amendements nos 1543 à 2150, qui visent à augmenter le délai d’information, tout en accordant une priorité aux salariés. Ils ne facilitent pas réellement la reprise de l’entreprise par ces derniers : si une entreprise veut préparer une telle reprise, elle le fera, de toute façon, bien en amont du délai d’information – vous le savez très bien.
M. Charles Fournier
Mais oui !
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Avis favorable, naturellement, à l’amendement du gouvernement et aux amendements identiques ; avis défavorable à l’amendement no 1953, qui vise à établir un droit de préemption des salariés. C’est une opération qui doit être préparée avec le chef d’entreprise, auquel il faut laisser une grande latitude.
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Fournier.
M. Charles Fournier
Je ne comprends toujours pas pourquoi un délai d’un mois serait meilleur qu’un délai de deux mois. Il s’agit de rendre possible, en l’anticipant, un projet de reprise par les salariés. Six mois seraient peut-être excessifs mais en quoi le passage à un mois serait-il une mesure de simplification ? Il me semble plutôt que cela freinerait le projet de reprise de l’entreprise par ses salariés.
C’est une question importante dont nous discutons aujourd’hui aussi vais-je élargir le débat pour ne pas en rester aux seules petites entreprises. De quels outils disposons-nous pour éviter que ne disparaissent, dans notre pays, des activités stratégiques ? D’un seul, ce qui est insuffisant, d’autant plus qu’il n’est jamais activé : le décret du 14 mai 2014 relatif aux investissements étrangers soumis à autorisation préalable, dit décret Montebourg, lequel permet d’éviter des OPA inamicales étrangères. Nous n’avons, en revanche, aucune solution pour faire face au risque de perte d’activités défaillantes. Je vous invite à lire la proposition de loi relative à la protection des entreprises stratégiques d’intérêt national que j’ai déposée à ce sujet. Nous avons besoin d’outils, et la reprise par les salariés en est un. Hélas, outre que cette solution n’est pas encouragée, faute d’être entrée dans notre culture, nous manquons de ressources pour inciter les salariés à s’y engager.
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Nosbé.
Mme Sandrine Nosbé
Que voulez-vous dire, madame la ministre, en soulignant que seules les entreprises de moins de cinquante salariés seraient concernées par cette disposition ? Seraient-elles moins importantes que les autres ? C’est l’inverse : nous avons besoin de ces petites entreprises. Ce sont elles qui créent le plus d’emplois, et des emplois non délocalisables. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Ce sont avant tout ces entreprises qui ont besoin de notre soutien.
Vous considérez, monsieur le rapporteur, que ces mesures seraient inutiles parce que seul un petit nombre d’entreprises sont reprises par leurs salariés : c’est précisément pour cette raison que nous proposons de faciliter une telle opération. Selon CCI France, 350 000 entreprises seront à reprendre dans les dix prochaines années. Encourageons l’intervention des salariés – y compris lorsqu’ils sont moins de cinquante. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Gérard Leseul.
M. Gérard Leseul
Nous n’avons pas déposé d’amendements à ce sujet mais nous soutiendrons ceux de certains de nos collègues. Dans sa rédaction initiale, l’article 6 visait à assouplir l’obligation d’information des salariés sur la cession de l’entreprise, obligation introduite par la loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire portée par Benoît Hamon. Cette disposition avait pour vertu de faciliter une telle reprise, quelle que soit la forme juridique retenue : SARL – société anonyme à responsabilité limitée – ou société anonyme coopérative. Ce sont parfois les cadres qui se mobilisent pour reprendre leur entreprise, parfois les salariés, éventuellement menés par le délégué syndical qui a conduit la bataille. Le Sénat est malheureusement allé beaucoup trop loin en supprimant totalement cette mesure : nous sommes donc très favorables, au minimum, au rétablissement de l’existant.
Nous ne pouvons pas vous suivre, madame la ministre, quand vous entendez réduire à un mois le délai d’information. Tout le monde, vous l’avez dit, a besoin de temps. Même un repreneur privé a besoin de temps pour monter un dossier financier et pour s’assurer des informations dont il a besoin. Vous avez proposé, à juste titre, d’augmenter l’amende pour la non-transmission des informations mais le délai d’information doit également être plus important. Nous souhaitons vivement que vous puissiez revenir sur cette position.
Que la reprise soit le fait des salariés ou d’un repreneur extérieur, rien n’est jamais garanti. Les exemples de succès, toutefois, sont loin d’être rares, mais seuls le temps et la concertation nécessaires à un montage financier satisfaisant ainsi qu’à l’établissement d’un business plan peuvent en augmenter le nombre.
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Forissier.
M. Nicolas Forissier
Je soutiens l’amendement du gouvernement, qui est un amendement d’équilibre.
M. Roland Lescure
La voix de la raison !
M. Nicolas Forissier
Charles Fournier – avec qui j’ai pu échanger sur d’autres bancs,…
M. Charles Fournier
Pas sur ceux de la droite ! (Sourires.)
M. Nicolas Forissier
…au conseil régional – sait comme moi l’importance des petites et moyennes entreprises. Je le rejoins quand il affirme qu’il est nécessaire de conduire un travail sur la transmission ou la reprise des entreprises. De nombreux aspects de cette question doivent être examinés, y compris celui des aides fiscales et des crédits d’impôts – c’est un sujet à la fois complexe et urgent.
Dans les petites entreprises, celles de moins de cinquante salariés, il y a toutefois une communauté entre le chef d’entreprise et les salariés – je peux en témoigner. S’il existe un projet de reprise des salariés, ce dernier se construit longtemps en amont, d’autant plus que c’est l’intérêt du dirigeant de l’entreprise – son rêve, son projet – que de la pérenniser.
Vous vous demandez pourquoi le délai ne pourrait pas être de deux mois plutôt que d’un seul. Mais un mois suffit largement, dans les rares cas où ce travail en amont n’aurait pas eu lieu : il constitue alors une sorte de verrou. Ce délai suffit à consolider – Mme la ministre l’a dit – le projet de reprise et de pérennisation de l’entreprise. Un mois, c’est déjà bien assez pour préparer un dossier de reprise ; au-delà, on entrerait dans une zone dangereuse. Nous devons donc soutenir l’amendement du gouvernement et les amendements identiques.
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur.
M. Stéphane Travert, rapporteur
Les relations entre la direction et les salariés n’ont rien à voir dans une PME de moins de cinquante salariés et dans un très grand groupe qui compte plusieurs succursales et plusieurs filiales. Le dispositif proposé par le gouvernement est le plus robuste. N’oublions pas que nous touchons, dans ces matières, au droit de propriété et à la liberté d’entreprendre : les mesures auxquelles tendent les autres amendements risquent de porter atteinte aux droits protégés par la Constitution et nous mettraient, en quelque sorte, en contradiction avec la loi Hamon – loi que nous sommes encore ici plusieurs à avoir votée, sans réserve aucune pour ma part. Elles créent une incertitude préjudiciable au maintien de l’activité et à la transmission des entreprises. Les conditions prévues pour conférer un caractère prioritaire à l’offre présentée par les salariés ont pour inconvénient d’alourdir la procédure, sans renforcer pour autant le pouvoir de négociation des salariés. Elles créent en effet une étape supplémentaire qui impose au chef d’entreprise de comparer plusieurs offres différentes, dont certaines venues de l’extérieur, et différentes conditions d’acquisition.
De surcroît, la reconnaissance du caractère prioritaire de la proposition des salariés serait conditionnée à la présentation d’une offre reposant sur la constitution d’une coopérative, ce qui est de nature à contraindre le choix des salariés eux-mêmes. L’intérêt de la mesure que vous défendez, mesure qui n’est pas mauvaise en soi, s’en trouverait ainsi réduit, sans parler du risque de multiplier les contentieux.
Je maintiens donc mon avis défavorable à l’ensemble de ces amendements et mon avis favorable à celui du gouvernement.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Vous vous demandez, madame Nosbé, pourquoi il faudrait que les règles soient différentes dans les entreprises de plus de cinquante salariés et celles de moins de cinquante salariés : c’est parce que les relations entre le chef d’entreprise et ses salariés n’y sont pas les mêmes. M. Forissier l’a très bien rappelé :…
M. Xavier Breton
Très très bien !
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
…dans une entreprise de moins de cinquante salariés, le chef d’entreprise connaît chacun d’entre eux, sait la manière dont ils travaillent ensemble et le tempérament des uns et des autres – il y existe une véritable communauté de vie.
J’ai eu, dans une vie antérieure, l’occasion d’accompagner des chefs d’entreprise : bon nombre d’entre eux cèdent l’entreprise à leurs salariés, sans devoir nécessairement en passer par la constitution d’une Scop – une société coopérative de production.
M. Nicolas Forissier
Absolument !
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Ces cessions ne sont pas nécessairement identifiées mais tout se prépare, en réalité, bien en amont du délai d’information.
Comme vous, messieurs Leseul et Fournier, je tiens à ce que les salariés puissent reprendre l’entreprise et à ce qu’on leur donne les moyens de le faire. Dans une petite entreprise, cependant, tout cela se prépare bien en amont et la question de la durée du délai, un mois ou deux, est accessoire. En revanche, celle du financement l’est beaucoup moins, en particulier celui des coopératives – c’est un sujet auquel je vous sais très attachés, dans le cadre de l’économie sociale et solidaire. J’ai justement lancé une conférence des financeurs de l’économie sociale et solidaire, parce que nous devons lever les freins au financement des coopératives.
L’amendement que je vous propose vise, quant à lui, à ne pas dissuader d’éventuels repreneurs, afin que des solutions de reprise soient trouvées. La durée d’un mois pour informer les salariés est un compromis : deux mois pourrait mettre les cessions en péril, et l’absence de tout délai, comme le prévoyait le texte dans sa version votée par le Sénat, n’est pas envisageable. Je vous invite à retenir la position équilibrée défendue par le gouvernement.
(L’amendement no 1543 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 2130.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 53
Nombre de suffrages exprimés 53
Majorité absolue 27
Pour l’adoption 24
Contre 29
(L’amendement no 2130 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 2137.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 51
Nombre de suffrages exprimés 51
Majorité absolue 26
Pour l’adoption 22
Contre 29
(L’amendement no 2137 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 2140.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 53
Nombre de suffrages exprimés 53
Majorité absolue 27
Pour l’adoption 24
Contre 29
(L’amendement no 2140 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 2133.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 54
Nombre de suffrages exprimés 54
Majorité absolue 28
Pour l’adoption 24
Contre 30
(L’amendement no 2133 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 2150.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 54
Nombre de suffrages exprimés 53
Majorité absolue 27
Pour l’adoption 24
Contre 29
(L’amendement no 2150 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix le sous-amendement no 2822 à l’amendement no 1715 du gouvernement.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 54
Nombre de suffrages exprimés 47
Majorité absolue 24
Pour l’adoption 17
Contre 30
(Le sous-amendement no 2822 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix le sous-amendement no 2823.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 54
Nombre de suffrages exprimés 54
Majorité absolue 28
Pour l’adoption 24
Contre 30
(Le sous-amendement no 2823 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix le sous-amendement no 2825.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 54
Nombre de suffrages exprimés 54
Majorité absolue 28
Pour l’adoption 24
Contre 30
(Le sous-amendement no 2825 n’est pas adopté.)
(Les amendements identiques nos 1715, 335 et 451 sont adoptés ; en conséquence, l’article 6 est ainsi rétabli, et l’amendement no 1953 tombe.)
Après l’article 6
Mme la présidente
Sur les amendements identiques nos 2151 et 2507, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Claire Lejeune, pour soutenir l’amendement no 2151.
Mme Claire Lejeune
Nous proposons de créer un fonds dédié à la reprise des entreprises par les salariés ainsi qu’une garantie sur les prêts personnels qu’ils contractent. Nous venons de longuement discuter des conditions permettant la reprise d’entreprises en cession ou en redressement par les salariés. Les contraintes sont temporelles et il nous semble insensé de revenir à un mois, alors que deux mois sont nécessaires pour laisser aux salariés le temps de monter leur dossier, y compris dans les plus petites entreprises.
Vous dites que, dans ce type d’entreprise, les salariés se connaissent et que tout est réglé d’avance. C’est une généralisation facile, voire caricaturale, car les salariés peuvent être à l’initiative d’un projet qui ne correspond pas nécessairement à la vision du patron pour l’avenir de son entreprise, sans pour autant être moins légitime. Cette protection d’un délai deux mois est donc importante.
Notre amendement vise, d’autre part, à créer un fonds garantissant les conditions matérielles de la reprise d’une entreprise par les salariés. Bien souvent, les difficultés que ces derniers rencontrent sont d’ordre logistique et matériel. Parce qu’ils n’ont pas toujours des comptes en banque suffisamment garnis, ils peuvent avoir besoin d’un coup de pouce pour mettre en commun les fonds nécessaires à la reprise et au démarrage de l’activité.
La puissance publique, aux côtés des salariés, pourrait accompagner cette première phase de reprise par le biais de ce fonds qui soutiendrait financièrement les premiers mois d’activité. Sans garantir la viabilité du projet, ce serait un moyen de lui donner toutes ses chances.
De très beaux projets de reprise se sont concrétisés, nous en avons cité quelques-uns, notamment sous la forme de coopératives. Par la réglementation et par l’intermédiaire de ce fonds, la puissance publique doit être aux côtés des salariés lorsqu’ils portent ce type de projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Fournier, pour soutenir l’amendement no 2507.
M. Charles Fournier
Cet amendement identique fait suite à la discussion que nous venons de tenir. Il faut prendre ce sujet à bras-le-corps, et non le considérer comme une heureuse exception. Trop souvent, les projets de reprise ne se concrétisent pas, faute de ressources des salariés, ou de garanties suffisantes.
J’ai en mémoire un dossier qui avait marqué ma région, celui du papetier Arjowiggins. Le projet de reprise était solide et offrait de sérieuses perspectives mais les pouvoirs publics ne pouvant financer plus de la moitié du projet sous peine de basculer dans un autre régime, la reprise n’a pu aboutir, faisant disparaître de nombreux emplois.
Prenez cet amendement pour ce qu’il est : un appel à nous montrer plus ambitieux dans le soutien que nous apportons aux repreneurs d’entreprises. Il faut simplifier la vie économique, non seulement pour les chefs d’entreprise, mais aussi pour les salariés, qui en sont pleinement acteurs. Nous ne nous donnons pas suffisamment les moyens de renforcer cette culture de reprise par les salariés.
Dans le même esprit, je pense qu’il faudrait intégrer davantage de salariés dans les conseils d’administration et de surveillance des entreprises. Regardez l’Allemagne : comme dans bien d’autres pays européens, la codétermination y garantit la solidité des entreprises en faisant participer les salariés à la vision stratégique de l’entreprise. Il faut avancer sur ce sujet.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Travert, rapporteur
La rédaction de ces amendements répond aux exigences de l’article 40 de la Constitution sur la recevabilité financière. Cependant, leur dispositif n’a aucun caractère normatif et n’a pas sa place dans un projet de loi de simplification, destiné à proposer des mesures concrètes pour faciliter la reprise ou la transmission d’entreprises.
M. Nicolas Forissier
Ce sont des amendements d’appel.
M. Stéphane Travert, rapporteur
En outre, fixer un tel objectif à la nation ne va pas de soi, car les engagements qu’il implique peuvent sembler inconsidérés au regard des enjeux. Faut-il participer à toutes les reprises d’entreprises ? Toutes les collectivités publiques doivent-elles garantir les prêts personnels contractés par les salariés, sans être certaines qu’ils seront utilisés pour la reprise d’entreprises ? Les collectivités et l’État sont-ils tenus d’intervenir systématiquement dans ces reprises ? Ces interrogations sont légitimes et les réponses peuvent varier selon les cas.
Vos propositions ne sont donc pas appropriées et ne répondent pas à la logique du texte que nous souhaitons voir adopté à l’issue de nos discussions, car elles ne sont pas de nature à améliorer la capacité des salariés à sauver leur outil de travail. Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Vous proposez de créer un fonds de soutien à la reprise d’entreprises par les salariés. Je suis défavorable à vos amendements car il existe déjà une offre publique visant à financer la reprise d’entreprises par les salariés – je pense notamment au prêt transmission de BPIFrance.
M. Nicolas Forissier
C’est vrai !
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
J’ai d’ailleurs demandé à BPIFrance de revoir les critères d’attribution de ce prêt, notamment pour les coopératives. En l’état du droit, le critère lié à l’ancienneté de l’entreprise repreneuse pose problème lorsque les salariés créent une coopérative ou une Scop peu de temps avant la reprise.
M. Charles Fournier
Eh oui !
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Le dispositif va donc être ajusté.
De plus, BPIFrance est partenaire du collectif Cap Créa, qui fédère des associations d’accompagnement à la création et à la reprise d’entreprises. Cet accompagnement est essentiel pour structurer le plan d’affaires et rechercher des financements.
En outre, je suis d’accord avec l’analyse du rapporteur : vous n’indiquez aucun montant. Or le coût des transactions de reprise d’entreprises est en forte augmentation et approche des 260 000 euros en moyenne. Le fonds proposé n’aurait donc pas nécessairement un impact significatif.
Cela étant dit, nous devons réfléchir à la reprise et à la transmission des entreprises. C’est au cœur de mes préoccupations et cela fait partie de ma feuille de route, déclinée en trois axes : simplifier, protéger et accompagner.
M. Nicolas Forissier
C’est un chantier prioritaire, madame la ministre ! (La ministre acquiesce).
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Accompagner, c’est aussi soutenir les transmissions et les reprises, y compris celles par les salariés.
Mme la présidente
La parole est à M. Gérard Leseul.
M. Gérard Leseul
Je vous remercie de nous avoir confirmé que les dispositifs pilotés par BPIFrance ne sont pas réellement adaptés à la reprise d’entreprises par les salariés, encore moins sous une forme collective ou coopérative. Aucun dispositif ne permet à des repreneurs individuels salariés de se présenter facilement et d’obtenir une garantie.
M. Nicolas Forissier
Ce n’est pas vrai ! BPIFrance le fait !
M. Gérard Leseul
C’est pourquoi nous soutiendrons ces deux amendements visant à créer un fonds de garantie. Monsieur le rapporteur, vous vous inquiétez que ce fonds ne doive garantir tous les prêts individuels. Votre inquiétude est légitime mais, lorsqu’un fonds est créé et chargé d’examiner les dossiers de reprise, il doit vérifier si les projets sont solides ou non. Votre argument ne tient donc pas réellement la route, si vous me permettez l’expression.
Nous devrions envisager la création d’un tel fonds de garantie ou d’un dispositif similaire. Des mécanismes existent déjà mais leur financement reste insuffisant. La Confédération générale (CG) des Scop gère certains fonds – nous avons réfléchi à ces amendements avec elle – et il existe de petits fonds internes aux structures de l’économie sociale. Cependant, leurs ressources sont trop limitées.
Je suis un militant de l’économie sociale mais, dans certains cas, des cadres peuvent souhaiter reprendre une entreprise sous la forme d’une société anonyme ou d’une société à responsabilité limitée. Il est donc essentiel de créer des fonds qui facilitent la reprise d’entreprises par les salariés quelle que soit la structure juridique choisie, y compris la coopérative.
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Nosbé.
Mme Sandrine Nosbé
Nous avons intérêt à favoriser ce type de dispositif pour encourager les salariés à reprendre les entreprises. C’est précisément pour leur permettre de franchir ce cap qu’il faudrait créer un fonds de garantie.
Madame la ministre, votre vision de l’entreprise familiale est déconnectée de la réalité. J’ai travaillé dans une de ces entreprises de moins de cinquante salariés. Même lorsque l’employeur entretient de bons rapports avec ses salariés, cela ne fait pas de lui un philanthrope : il défend nécessairement ses propres intérêts – et les salariés ont tout intérêt à défendre les leurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) C’est d’ailleurs la raison d’être du code du travail. Sinon, nous n’en aurions pas besoin !
M. Nicolas Forissier
La lutte des classes, c’est votre bréviaire !
Mme Sandrine Nosbé
Nous ne vivons pas dans un monde de bisounours ! Il est essentiel de défendre les droits des salariés. On oublie parfois que la force vive d’une entreprise, ce sont ses salariés.
Si on n’en tient pas compte, on ne peut pas avoir d’entreprise donc de vie économique. Je trouve très dommage que le groupe Rassemblement national,…
M. Ian Boucard, Président
C’est un appel du pied !
M. Thierry Tesson
C’est quand ça les arrange !
Mme Sandrine Nosbé
…qui se prétend le défenseur des petites entreprises et des salariés, ait permis qu’on réduise le délai d’information à un mois ; or on ne peut jamais monter un projet en si peu de temps.
M. Nicolas Forissier
Ce n’est pas vrai !
Mme Sandrine Nosbé
Vous êtes des usurpateurs, des menteurs : vous ne défendez pas les intérêts des salariés. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Fournier.
M. Charles Fournier
L’article 40 de la Constitution ne nous aurait pas permis de déposer ces amendements s’ils n’avaient pas été ainsi rédigés. Il n’était pas nécessaire de faire valoir, monsieur le rapporteur, que l’attribution du fonds que nous voulons créer n’a aucun caractère automatique : évidemment, il faut examiner la viabilité du projet de reprise de l’entreprise par ses salariés.
Vous renvoyez ensuite aux collectivités. Heureusement qu’elles ont été là : de nombreux projets ont pu perdurer grâce à leur intervention.
On peut également envisager le renforcement du rôle de BPIFrance. Vous l’avez dit en creux, madame la ministre : BPIFrance n’a pas les Scop dans son viseur. La loi de 2014 relative à l’économie sociale et solidaire n’a pas prévu la création d’une Scop destinée à la reprise d’une entreprise par ses salariés. En outre, un délai d’ancienneté est requis. Voilà qui dénote l’absence d’une culture de la reprise de l’entreprise par ses salariés, une culture que nous devons donc encourager.
Dans ma proposition de loi relative à la protection des entreprises stratégiques d’intérêt national, je proposais la création d’un fonds souverain – disposition défendue du reste sur d’autres bancs que les nôtres. Or, au regard des défaillances d’entreprises, BPIFrance pourrait être ce fonds souverain, mais elle ne joue pas ce rôle et n’a pas été à la hauteur dans de nombreuses situations, ce que je regrette. (M. Gérard Leseul applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. Matthias Renault.
M. Matthias Renault
Le groupe RN va s’abstenir sur ces amendements d’appel.
M. Charles Fournier
Nous avons dit qu’il s’agissait d’amendements d’appel.
M. Matthias Renault
J’entends bien que la formulation selon laquelle « la Nation se fixe pour objectif la création d’un fonds » vise à garantir la recevabilité de l’amendement mais ce n’est pas ainsi que ça fonctionne.
M. Charles Fournier
Ah bon ?
M. Matthias Renault
Il vaudrait mieux que nous ayons ce débat au moment d’examiner les crédits attribués à BPIFrance, à l’occasion de la discussion du projet de loi de finances. En attendant, je le répète, nous allons nous abstenir et nous verrons bien de quelle façon le texte évoluera au cours de la navette parlementaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur.
M. Stéphane Travert, rapporteur
Je n’ai jamais dit, monsieur Fournier, que le soutien des collectivités n’était pas nécessaire. Seulement, on agit au cas par cas, on ne peut rien généraliser : quand les collectivités défendent un projet d’intérêt général visant à associer les salariés à la reprise de leur entreprise, elles sont soutenues. Reste que, à l’heure actuelle, quand on crée un fonds destiné à la reprise d’une entreprise, il ne peut qu’être sectoriel. Aussi votre amendement a-t-il une portée bien plus symbolique qu’opérante ; or la loi a une portée générale. Si vous ne voulez pas ainsi atténuer l’effet de la disposition que vous défendez, sans doute vaudrait-il la peine de retravailler votre proposition de loi, en particulier en ce qui concerne la création d’un fonds souverain.
On sait que, dans le cadre du soutien à des filières agricoles, la création de fonds souverains s’est révélée plutôt efficace. Je ne puis donc que vous inviter à continuer à travailler en ce sens et je suis même prêt à vous y aider.
M. Charles Fournier
Je suis heureux que ces amendements d’appel vous aient amené à reconnaître notre position.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Je reviens sur l’intérêt des salariés, évoqué par Mme Nosbé. L’intérêt des salariés, c’est que leur entreprise perdure,…
M. Nicolas Forissier
Et pour cela il faut qu’il y ait des entrepreneurs !
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
…et, à tel moment, qu’elle soit reprise afin que les emplois soient maintenus. C’est de cela qu’il s’agit quand nous discutons de la reprise et l’enjeu est de réunir les conditions les plus favorables à ce processus.
Messieurs Leseul et Fournier, quand vous dites qu’il n’existe pas de dispositif de reprise d’une entreprise par ses salariés…
M. Charles Fournier
Je n’ai pas dit ça !
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
En tout cas M. Leseul l’a affirmé – et vous êtes tout de même allé un peu dans ce sens, monsieur Fournier. Je réponds non : il existe bel et bien des dispositifs de ce type et il arrive que des salariés reprennent leur entreprise grâce, par exemple, au prêt transmission BPIFrance, ou que d’autres la reprennent sans pour autant être en Scop mais de façon, je dirais, traditionnelle.
M. Charles Fournier
Il y a aussi le réseau Initiative France !
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Et certains soutiens publics sont forts. Il faut les adapter, les faire évoluer, ce que j’ai demandé à BPIFrance à propos du prêt transmission à destination des coopératives.
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 2151 et 2507.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 50
Nombre de suffrages exprimés 40
Majorité absolue 21
Pour l’adoption 25
Contre 15
(Les amendements identiques nos 2151 et 2507 sont adoptés.)
M. Nicolas Forissier
Bon courage !
Après l’article 6 bis
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Bolo, pour soutenir l’amendement no 2537 portant article additionnel après l’article 6 bis.
M. Philippe Bolo
Nous souhaitons étendre aux SARL la possibilité de réaliser des assemblées générales d’actionnaires et des réunions des organes de décision par voie dématérialisée. Cet amendement a été réécrit pour tenir compte des remarques que vous avez formulées en commission, madame la ministre.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Travert, rapporteur
Il est favorable. Sur le principe, une telle mesure peut en effet être jugée cohérente avec l’évolution du droit. L’amendement ouvre la voie à une généralisation de la participation dématérialisée aux assemblées générales des SARL sans qu’on puisse remettre en cause la liberté des entreprises et tient donc compte de leurs spécificités. Enfin, il vise à instaurer une faculté dont l’exercice nécessite l’absence de stipulations contraires dans les statuts.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
L’amendement présente en effet l’intérêt de simplifier l’organisation des assemblées générales en permettant leur dématérialisation. Un tel dispositif a d’ailleurs été en vigueur pendant la crise sanitaire. Je vous remercie en outre d’avoir tenu compte des observations que j’avais formulées en commission. Je donne donc un avis favorable.
(L’amendement no 2537 est adopté.)
Après l’article 7
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Bolo, pour soutenir l’amendement no 2538 portant article additionnel après l’article 7.
M. Philippe Bolo
Cet amendement de Louise Morel a été élaboré en collaboration avec Docaposte. Il s’agit d’élargir la dématérialisation des documents entre les salariés et leur employeur. Limitée pour l’heure aux bulletins de paie, nous souhaitons l’étendre aux contrats de travail, aux avenants, aux certificats de métier, aux attestations de formation, aux soldes de congés. L’objectif est de centraliser les documents, d’en assurer la confidentialité et la durabilité.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Travert, rapporteur
J’évoquais en aparté avec le président de la commission spéciale et Mme la ministre en avoir fait l’expérience, encore cette semaine, à propos de la signature, par le biais de Docaposte, d’un contrat locatif pour un logement à l’université. En outre, pour être allé hier au stand de La Poste, au salon Viva Tech, en tant que président de l’Observatoire national de la présence postale (ONPP), pour avoir testé des fonctionnalités de Docaposte, j’ai pu constater que cet outil était conforme aux attentes et aux usages numériques actuels. La signature électronique peut bien sûr suffire pour un dossier de logement locatif et un bulletin de salaire mais je suis beaucoup plus réservé sur la sûreté du procédé que vous proposez concernant par exemple un contrat de travail. J’émets donc un avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Vous proposez d’étendre la communication dématérialisée du bulletin de paie ou de l’attestation d’emploi à des documents importants, notamment ceux liés à la signature et à la rupture du contrat de travail, ceux liés à la formation, aux congés, au solde de tous comptes. Pour certains de ces documents la signature est exigée, ce qui n’est pas anodin ; or sa dématérialisation créerait une insécurité juridique importante malgré les avancées techniques concernant les relations entre les salariés et l’employeur. Mon avis est donc défavorable.
(L’amendement no 2538 est retiré.)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 1851.
M. Stéphane Travert, rapporteur
Ma position est ici quelque peu particulière : j’ai cosigné cet amendement avec de nombreux collègues du groupe EPR mais, en même temps, le rapporteur chargé de cette partie a émis un avis défavorable. Je me contenterai donc de dire : défendu.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
L’amendement vise à supprimer la possibilité d’une condamnation à un an d’emprisonnement en cas de non-respect de la constitution et de la libre désignation des membres du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Je m’en remettrai à la sagesse de l’Assemblée pour plusieurs raisons.
La sanction pénale en question, prévue par le code du travail, concerne un droit reconnu par la Constitution : le droit syndical. En outre, l’amélioration des conditions de travail, de la santé et de la sécurité au travail est pour nous une priorité, tout comme le dialogue social. Toutefois, dans la mesure où les CHSCT ont été fusionnés en 2017 avec les comités sociaux et économiques (CSE), la disposition proposée apparaît sans objet et une mise à jour de l’article L. 4742-1 du code du travail s’avère nécessaire.
Mme la présidente
Sur l’amendement n° 1851, je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Anne Stambach-Terrenoir.
Mme Anne Stambach-Terrenoir
L’amendement vise à supprimer la possibilité d’une peine de prison pour un chef d’entreprise qui porterait atteinte à la constitution d’un CHSCT. Si, dans les faits, une telle infraction n’est jamais sanctionnée par de la prison ferme, nous nous opposons néanmoins à cet amendement qui entérine les intentions de la Macronie d’accorder impunité et pleins pouvoirs au chef d’entreprise…
M. Nicolas Forissier
C’est du grand n’importe quoi !
Mme Anne Stambach-Terrenoir
…à qui il revient de décider de la constitution ou non de comités dont on sait qu’ils sont essentiels pour la protection des travailleurs.
Nos collègues de droite n’ont que le mot « sécurité » à la bouche mais quand la sécurité concerne les travailleurs – en particulier les plus précaires –, là, ça les intéresse beaucoup moins.
M. Nicolas Forissier
Quelle démagogie !
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Je rappelle que 1 021 personnes, en France, meurent au travail chaque année. Même le premier ministre Attal, en mars 2024, avait déploré que trop de Français meurent au travail. Votre réponse n’est pas très cohérente avec cette déclaration. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) En valeur absolue, la France est le pays d’Europe où l’on meurt le plus au travail, ce qui devrait vraiment nous inquiéter.
Notre collègue Olivia Grégoire, qui a déposé cet amendement, était d’ailleurs très favorable à l’article 7, supprimé par le Sénat, qui visait à simplifier la présentation des bulletins de paie, ce qui aurait permis de masquer aux salariés leur salaire différé sous forme de cotisations sociales, pour favoriser, in fine, la casse de la sécurité sociale – nous en sommes toujours là. Il s’agit d’une simplification que n’a pourtant demandé aucune organisation patronale ou syndicale. D’ailleurs, Mme Grégoire a regretté que le Sénat se soit opposé à la seule mesure de ce projet de loi proposant une simplification concernant les salariés. C’est dire à quel point il n’y a rien pour les salariés, dans ce texte. Pire : on attaque leurs droits – on l’a vu tout à l’heure avec l’entrave à la reprise d’une entreprise par ses salariés –,…
Mme la présidente
Merci…
M. Nicolas Forissier
Oh là là ! Ce n’est pas bientôt fini ? C’est trop long !
Mme Anne Stambach-Terrenoir
…ici le droit fondamental à la protection, le droit syndical – c’est inacceptable.
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Fournier.
M. Charles Fournier
Je ne comprends pas bien l’intérêt de cet amendement. Les CHSCT ont été fusionnés : d’un côté on supprime la peine, mais de l’autre on maintient l’amende. Cela aurait pu être un amendement de coordination visant à remettre à jour le droit, mais en vérité il n’en est rien.
Vous voulez en réalité transformer en amendes toutes les peines de prison encourues par les chefs d’entreprise. Et ce ne sont pas de simples erreurs dont il s’agit ici, mais de délits d’entrave, de violations graves de règles de sécurité et j’en passe. Or ces amendes ne sont jamais proportionnées, si bien qu’elles n’ont évidemment pas la même portée suivant la nature des entreprises. Pour les plus importantes d’entre elles, les amendes d’un faible montant n’auront aucun effet.
Je regrette que les mêmes règles ne s’appliquent pas à tous. En l’occurrence, il y a ici un double problème de rédaction et de fond.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1851.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 46
Nombre de suffrages exprimés 46
Majorité absolue 24
Pour l’adoption 20
Contre 26
(L’amendement no 1851 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
2. Ordre du jour de la prochaine séance
Mme la présidente
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion du projet de loi de simplification de la vie économique.
La séance est levée.
(La séance est levée à treize heures.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra