Séance du mercredi 22 octobre 2025
- Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
- 1. Questions au gouvernement
- 2. Report du renouvellement général du Congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie
- Présentation
- Motion de rejet préalable
- M. Vincent Caure
- M. Philippe Gosselin, rapporteur
- M. Florent Boudié, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
- Mme Naïma Moutchou, ministre
- M. Paul Molac (LIOT)
- M. Emmanuel Tjibaou (GDR)
- Mme Sophie Ricourt Vaginay (UDR)
- M. Yoann Gillet (RN)
- M. Nicolas Metzdorf (EPR)
- M. Bastien Lachaud (LFI-NFP)
- M. Arthur Delaporte (SOC)
- Mme Émilie Bonnivard (DR)
- Mme Sabrina Sebaihi (EcoS)
- M. Éric Martineau (Dem)
- M. Jean Moulliere (HOR)
- 3. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quatorze heures.)
1. Questions au gouvernement
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle les questions au gouvernement.
Novasco
Mme la présidente
La parole est à M. Belkhir Belhaddad.
M. Belkhir Belhaddad
Monsieur le ministre délégué chargé de l’industrie, j’associe à ma question mes collègues Estelle Mercier, Pierrick Courbon et Julien Gokel.
Novasco – ex-Ascométal – est en redressement judiciaire pour la quatrième fois en onze ans, cette succession de règlements judiciaires impliquant des actionnaires défaillants ou sans connaissance du secteur de la sidérurgie.
Les quatre sites industriels, implantés à Hagondange en Moselle, à Custines en Meurthe-et-Moselle, à Saint-Étienne dans la Loire et à Dunkerque dans le Nord, sont menacés et avec eux plus de 700 emplois directs. La raison ? Le fonds d’investissement britannique Greybull Capital, qui a repris Novasco en juillet 2024 avec le soutien de l’État, n’a pas tenu ses engagements et n’a investi que 1,5 million d’euros sur les 90 millions promis.
Il y a urgence ! Notre pays – tout particulièrement les territoires que j’ai mentionnés – a déjà trop souffert de la désindustrialisation. Nous ne pouvons pas abandonner à leur sort Novasco et ses salariés, qui sont dans l’attente d’un repreneur solide et dont l’avenir sera tranché le 31 octobre. Novasco, un temps considéré comme un fleuron européen en matière d’innovation et de R&D, reste, malgré la situation actuelle, reconnu par ses clients pour la qualité de ses produits et l’expertise de ses salariés. Il y va de la souveraineté industrielle de la France !
À ce jour, les offres de reprise sont au nombre de trois et ont besoin d’être accompagnées et soutenues. Les collectivités territoriales sont pleinement engagées sur ce dossier stratégique et j’en appelle à l’État pour que, de manière résolue et déterminée, il trouve les conditions d’une reprise solide et préserve les capacités industrielles de nos territoires dans l’intérêt du pays. Quels engagements allez-vous prendre pour rassurer les salariés, accompagner les repreneurs potentiels et permettre une reprise de l’ensemble des sites ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’industrie.
M. Sébastien Martin, ministre délégué chargé de l’industrie
Élu dans un territoire industriel qui a subi des accidents, je mesure l’inquiétude et l’angoisse des salariés, des élus locaux et des parlementaires.
Concernant Novasco, et particulièrement le site d’Hagondange, une aciérie électrique décarbonée qui emploie encore 450 salariés, l’État a tenu parole et a répondu présent, prêt à mobiliser 85 millions d’euros pour accompagner tout projet de repreneur potentiel sur le site. Malheureusement, en face, le fonds d’investissement n’a pas tenu parole : avec 1,5 million d’euros, on est très loin des chiffres annoncés !
Depuis le 25 septembre, des offres mieux-disantes ont été déposées, certaines prévoyant la reprise du site d’Hagondange. Nous restons extrêmement attentifs à accompagner au mieux ces projets, dans l’intérêt de votre territoire. Nous sommes conscients qu’il y a urgence. La France a obtenu de la Commission européenne des quotas d’importation ; ils doivent maintenant être appliqués très rapidement, puis complétés par le principe de la préférence européenne, que la France défend au sein de la Commission pour protéger notre industrie.
Mode de scrutin dans les communes rurales
Mme la présidente
La parole est à M. Hubert Brigand.
M. Hubert Brigand
Madame la ministre du déménagement du territoire, avec votre ministre délégué chargé de l’antiruralité – je ne suis pas sûr, monsieur le premier ministre, que vous ayez fait bonne pioche –, vous êtes la reine des suppressions de communes, la reine des communes nouvelles, la reine du pays de Rennes, dont font partie Châteaugiron et ses 10 000 habitants : on est assez loin de la ruralité !
Pour arriver à vos fins avec la loi pour la parité aux élections municipales, qui cache en réalité d’autres conséquences, vous avez utilisé ici même un tour de passe-passe. Le premier tour de scrutin ne vous convenant pas, vous avez fait en sorte qu’il y ait un second qui vous soit plus favorable. Votre acharnement a déclenché, en milieu rural, un mécontentement général, plein de rage. Le président de l’Association des maires ruraux, devenu ministre délégué à l’antiruralité, s’est peut-être mis en retrait mais il a cautionné cette action, et je pense qu’il aurait dû démissionner. Quoi qu’il en soit, le maintien de son siège me semble plutôt compromis.
Dans tout ça, que devient la démocratie quand, dans la plupart des communes, il n’y aura qu’une seule liste et qu’il ne sera plus possible de la modifier et d’y rayer un nom ? Plus le choix, comme en dictature ! (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et SOC.) Eh oui, c’est comme ça et c’est désespérant ! On va compter les suffrages exprimés et c’est là que les problèmes vont commencer : comment fera-t-on s’il y a trois femmes adjointes ?
Monsieur le premier ministre, la ruralité, ce n’est pas votre tandem de ministres qui l’incarne ici mais moi, élu dans une circonscription qui s’étend sur 135 kilomètres du nord au sud et compte 332 communes de moins de 1 000 habitants sur 342. Comment fait-on ? Comment s’en sort-on alors que les territoires ruraux s’enfoncent dans la crise ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes DR, RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation.
Mme Françoise Gatel, ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation
Je suis née dans un village de 600 habitants…
M. Pierre Cordier
Il y a longtemps ! (Exclamations sur divers bancs.)
Mme Françoise Gatel, ministre
…et, depuis un an, je me suis déplacée dans quarante-huit départements où, chaque fois, a été évoquée cette proposition de loi issue de l’Assemblée.
Il est indispensable que chaque commune puisse disposer d’une équipe pour développer des projets – je vous renvoie à l’étude du Cevipof, qui met en lumière les difficultés rencontrées par les maires des petites communes, souvent seuls à défendre leurs idées au sein des conseils municipaux.
Le panachage, c’est ce qu’on appelle chez moi le tir au pigeon et chez d’autres le ball-trap. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. Pierre Cordier
Non ! On vote pour une personne, pas pour une liste !
Mme Françoise Gatel, ministre
Cette proposition de loi a été soutenue par les deux associations de maires de France…
M. Pierre Cordier
C’est faux ! C’est le président qui l’a soutenue !
Mme Françoise Gatel, ministre
Nous l’avons améliorée ici et au Sénat, en tolérant des conseils municipaux incomplets dans les communes de moins de 1 000 habitants.
M. Jérôme Nury
Bravo au Sénat !
Mme Françoise Gatel, ministre
Dans nos communes, des milliers de femmes sont engagées dans la vie associative et la vie communale (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et EcoS – M. Alain David applaudit également) et nous leur offrons ici un soutien, comme le fera la future loi sur le statut de l’élu local, soutenue par le premier ministre.
En 2013, le Parlement a voté le scrutin de liste pour les communes de 1 000 habitants et plus : nous étions tous effrayés mais pas une seule de ces communes ne reviendrait aujourd’hui au panachage, car nous avons ainsi œuvré pour la démocratie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR. – Mmes Anna pic et Dominique Voynet applaudissent aussi.)
Mme la présidente
La parole est à M. Hubert Brigand.
M. Hubert Brigand
Ce n’est pas à moi que vous allez donner des leçons sur le monde rural. Nous ne vivons pas dans le même monde : vous dans les ministères ; moi dans des communes de quarante habitants !
Avenir des associations
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Fournier.
M. Charles Fournier
Madame la ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative, je voudrais d’abord rendre un hommage aux 20 millions de bénévoles et aux associations qui permettent à ce pays de tenir debout en faisant vivre la solidarité, la culture, le sport ou l’écologie. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR.) Elles sont notre richesse, elles créent aussi de la valeur trop peu considérée.
Aujourd’hui, les associations vous le disent à travers une mobilisation historique : « Ça ne tient plus ! » La crise est sans précédent, marquée par la baisse des financements, la mise en concurrence de la commande publique et une précarité croissante, alors que les besoins ne font qu’augmenter. C’est un véritable plan social à bas bruit qui s’organise, alors que les associations sont les dernières présentes dans nos territoires ruraux ou dans les quartiers populaires, quand l’économie conventionnelle s’en désintéresse.
Ça ne tient plus de faire plus avec moins ! (Mêmes mouvements.) Ça ne tient plus pour les clubs sportifs, qui ne peuvent plus payer le car pour les matchs le samedi ! Ça ne tient plus pour les établissements accueillant des enfants en situation de handicap, qui n’ont plus assez d’accompagnants ! ( Mêmes mouvements.) Ça ne tient plus pour les associations de solidarité, qui n’arrivent plus à assurer ne serait-ce qu’un repas par jour pour celles et ceux qui dorment dehors ! Ça ne tient plus pour les associations féministes, qui ne peuvent plus accompagner un nombre toujours croissant de femmes victimes de violence !
Ça ne peut pas non plus tenir quand des associations défendant des projets jugés trop militants sont censurées par l’intermédiaire de leurs financements – une atteinte de plus aux libertés associatives !
Mme Danielle Simonnet
C’est une honte !
M. Charles Fournier
En vérité, je vous le dis, c’est le pays qui ne tiendrait pas sans les associations ! Sans elles, l’avenir serait sombre pour la justice sociale, la vitalité démocratique, l’écologie et l’économie des territoires.
Mme Danielle Simonnet
La démocratie s’effondre !
M. Charles Fournier
Comment comptez-vous répondre aux cris d’alerte des associations ? Considérez-vous, comme la droite et l’extrême droite, que les associations reçoivent trop de soutien et qu’elles représentent même une concurrence déloyale pour le sacro-saint marché ? Est-il vrai que vous donnez aux préfets la consigne d’inspecter la liste des associations demandant des financements au Fonds de développement de la vie associative, en vue d’exclure celles qui sont jugées trop militantes ? (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP et SOC. – M. Emmanuel Tjibaou applaudit aussi.)
Mme Danielle Simonnet
Quelle honte !
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative.
Mme Marina Ferrari, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative
Merci pour l’hommage que vous venez d’adresser au monde associatif, à toutes ces femmes et ces hommes qui font vivre nos territoires. Vous avez raison : sans ces bénévoles, la France n’aurait pas le même visage.
Vous avez également raison de souligner que la situation des associations est compliquée, comme en témoigne le plan de licenciements que vient d’annoncer le Secours catholique. Je me dois toutefois de rappeler que, depuis 2019, les dépenses de l’État en faveur des associations ont augmenté de 44 % et les réductions fiscales, de 39 %.
Cela ne veut pas dire que nous devons nous arrêter à ce stade et, alors que s’amorce la discussion budgétaire, il ne vous aura pas échappé que le nouveau projet de loi de finances ne touche pas aux mesures de défiscalisation en faveur de nos associations, ainsi que l’a souhaité l’exécutif. En outre, vous aurez remarqué qu’un effort très important a été fait, qui porte le plafond de défiscalisation du « Coluche » à 2 000 euros au lieu de 1 000. Cela mérite d’être souligné, même si les discussions sur ce point ne sont pas achevées.
Vous m’avez enfin interpellée sur la polémique qui touche le FDVA. Vous êtes membre de son comité consultatif, comme c’était mon cas il y a quelques semaines encore : je n’y ai jamais observé de tels agissements. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Cession d’Exaion par EDF
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Latombe.
M. Philippe Latombe
Monsieur le ministre de l’industrie, EDF envisage de faire entrer au capital de sa filiale Exaion, à hauteur de 64 puis de 75 %, une société américaine, Mara Holdings ; en d’autres termes, de rendre très largement majoritaire, au sein d’un groupe public censé veiller à notre souveraineté, une entreprise soumise à l’extraterritorialité du droit américain.
Les sujets d’inquiétude sont donc nombreux. Ils concernent d’abord la souveraineté numérique : les activités de calcul haute performance sur le cloud impliquent le traitement de données sensibles. La souveraineté financière ensuite : l’activité de cryptomonnaie d’Exaion représente une alternative permettant d’opérer des systèmes de paiement de façon indépendante. Il n’est donc pas concevable que ces capacités soient contrôlées par Mara, ce qui équivaudrait pour la France à céder un levier financier stratégique et géopolitique à un acteur américain, dans le contexte actuel de guerre monétaire. La souveraineté énergétique, enfin : les centres de données flexibles présentent l’avantage d’adapter leur consommation en temps réel. Ce rôle de consommateur modulable en fait un outil critique de stabilisation et de régulation du réseau électrique. Il permet d’éviter que la stabilité de tout notre système électrique ne soit mise en danger lorsqu’en cas de surplus de production, des éoliennes et des panneaux solaires sont débranchés brutalement, comme lors des pannes connues par l’Espagne en avril dernier. Le contrôle de la flexibilité et la sécurité du réseau français ne peuvent donc être abandonnés à un acteur américain.
À tous ces risques, déjà signalés à votre prédécesseur par des parlementaires de toutes tendances, s’ajoute celui du montage financier discutable réalisé avec une entreprise à la réputation controversée, sans contribuer à améliorer significativement les finances d’EDF.
Envisagez-vous de vous y opposer ? (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem et SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’industrie.
M. Sébastien Martin, ministre délégué chargé de l’industrie
Vous m’interpellez sur l’ouverture par EDF du capital de sa filiale, Exaion, qui propose un service de calculateur haute performance et de fourniture d’infrastructure blockchain. Cette société ne fait pas de minage de bitcoins, activité extrêmement stratégique. L’objectif visé, à terme, est la conception de data centers miniaturisés et flexibles pour l’intelligence artificielle.
Cependant, vous avez raison : nous devons être attentifs et vigilants. D’ailleurs, une procédure dite investissements étrangers en France est lancée – nous sommes passés ces dernières années d’une centaine de procédures annuelles à 400, pour être beaucoup plus réactifs – et une analyse sur la sensibilité des données utilisées par Exaion est engagée. Le ministre de l’économie et des finances pourra, en s’appuyant sur les éléments fournis dans ce cadre, prendre une décision concernant ce projet. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)
Reconstruction de Mayotte
Mme la présidente
La parole est à Mme Estelle Youssouffa.
Mme Estelle Youssouffa
Ma question s’adresse à Mme Naïma Moutchou, ministre des outre-mer. Le 11 août, pour reconstruire Mayotte, le Parlement a adopté une loi, forte, de programmation de 4 milliards d’euros d’investissements, venant en écho à la solidarité exprimée par la nation à l’égard de Mayotte, détruite à 90 % par le cyclone Chido.
Depuis décembre, l’État a déployé des moyens pour les secours et l’urgence, mais la reconstruction n’a toujours pas commencé. Depuis le début de l’année, les crédits de paiements pour Mayotte atteignent péniblement les 25 millions.
Mayotte n’a toujours rien vu sinon les bidonvilles grossir, les migrants continuer à débarquer en masse, les violences reprendre et la crise économique s’installer, faute de financement des travaux d’urgence. Mayotte n’a toujours pas d’eau courante, certains de nos enseignants ne sont pas payés depuis des mois et l’hôpital ne tient encore que par miracle. Mayotte manque cruellement de fonctionnaires pour traiter les dossiers vitaux : très peu de familles et d’entreprises ont été dédommagées par les assurances, très peu aussi ont eu accès au prêt à taux zéro pour financer leurs travaux.
Le budget doit atteindre le cap fixé par la loi de programmation. Or 4 milliards ont été promis, mais seuls 365 millions de crédits sont éparpillés dans le budget initial que vous avez déposé.
Où est la ligne budgétaire unique pour Mayotte promise par le président de la République pour garantir la dépense, l’efficacité et la lisibilité de chaque euro engagé ?
Mayotte a besoin d’au moins 1 milliard l’an prochain pour lancer un signal fort aux acteurs économiques et mobiliser les ministères afin de commencer enfin la reconstruction.
Nous connaissons les difficultés budgétaires, les aléas parlementaires et les recours légaux qui s’offrent au gouvernement. Allez-vous cesser de faire des économies sur le territoire le plus pauvre de France et enfin décider l’augmentation vitale des crédits alloués à Mayotte ? Allez-vous déposer au Conseil d’État une lettre rectificative au projet de loi de finances pour garantir au moins 1 milliard pour la reconstruction de Mayotte ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre des outre-mer.
Mme Naïma Moutchou, ministre des outre-mer
Je voudrais d’abord saluer votre engagement constant, que je connais bien, pour les Mahoraises et les Mahorais et pour ce territoire éprouvé. Ce chantier de la reconstruction est une grande priorité pour le gouvernement, donc pour moi. Je le dis sans triomphalisme, parce que le territoire est en difficulté et que beaucoup reste à faire, mais 4 milliards d’euros de crédits sont programmés sur les six prochaines années, qui seront étalés selon la nature des projets.
Vous avez évoqué la somme de 365 millions. Avec le Fonds de solidarité de l’Union européenne, la mission Outre-mer est portée pour Mayotte à 380 millions. Il faudra y ajouter l’ensemble des crédits des autres ministères dont nous veillerons, avec Mme la ministre des comptes publics, à ce que chacun puisse les engager.
Je vous donne quelques exemples : 131 millions pour les constructions scolaires du second degré, 20 millions pour lancer le projet du nouvel aéroport auquel vous tenez particulièrement. Vous avez demandé que les crédits inscrits soient sanctuarisés au bénéfice de Mayotte. Vous avez raison ; c’est une donnée importante, et c’est aussi l’objectif du gouvernement. Nous avons mis à l’étude un certain nombre d’outils budgétaires, y compris la ligne de crédit que vous appelez de vos vœux et dont je fais aussi une priorité. Je reviendrai vers vous assez rapidement une fois que nous aurons regardé cela.
Je veux ajouter deux choses. Tout d’abord, la loi de refondation prévoit que soit remise au Parlement, avant la fin de l’année, une programmation annuelle des investissements. Ensuite, un comité de suivi va être créé – dont vous ferez partie avec les autres parlementaires mahorais et des élus locaux –, ce qui permettra un suivi très attentif des engagements. Les conditions sont donc réunies pour que nous puissions ensemble tenir nos promesses à l’égard des Mahorais et des Mahoraises. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)
Partenariat entre La Poste et Temu
Mme la présidente
La parole est à Mme Anne-Cécile Violland.
Mme Anne-Cécile Violland
Après la servilité mortifère du patron du BHV, qui accueille Shein dans l’un des emblèmes patrimoniaux de la mode française, il est des annonces qu’on ne peut passer sous silence. La révélation d’un protocole d’accord entre La Poste et la plateforme Temu soulève de graves interrogations sur sa cohérence avec les engagements de la France en matière de souveraineté industrielle et de transition écologique, alors que la directive sur le devoir de vigilance est à l’ordre du jour de l’Union européenne.
Surproduction poussant à la surconsommation et à l’explosion des déchets, augmentation des pollutions et de l’empreinte carbone, absence de transparence des conditions de production, augmentation de l’impact environnemental, sanitaire et social, concurrence déloyale, destruction des emplois et du savoir-faire de l’industrie française et de notre artisanat, tels sont les modèles des mastodontes de cette surconsommation ultra-éphémère, sous couvert d’un greenwashing souvent démontré, voire réprimé. Face à cela, la France ne peut rester silencieuse.
Ce partenariat conclu entre La Poste et Temu contribue à favoriser un modèle économique de dumping social et environnemental au détriment des entreprises françaises et même européennes, qui doivent, elles, respecter des normes strictes. La France ne peut être l’otage de ces pratiques ni cautionner l’activité de ces fossoyeurs de nos centres-villes, de notre industrie textile et de nos savoir-faire.
La France ne peut et ne doit cautionner, directement ou indirectement, des pratiques qui aggravent la crise climatique et sanitaire, au risque de devenir complice de comportements qualifiables de criminels pour notre économie, notre environnement et notre santé. Stop à ce modèle de fast-consommation toxique ! (M. Dominique Potier et Mme Dominique Voynet applaudissent.)
Pourriez-vous donc préciser quelles garanties La Poste et le gouvernement ont obtenues de Temu sur le respect des normes environnementales, sanitaires et sociales européennes ? Comment sera-t-il contrôlé ? Comment justifier le soutien public à un acteur qui contribue à la destruction de l’industrie française et à l’aggravation de la crise environnementale ? Comment comptez-vous empêcher que nos acteurs publics deviennent de simples relais de modèles économiques de prédateurs ? (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, SOC, GDR et LIOT.)
M. Dominique Potier
Ça avait l’air d’être de gauche…
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat, du tourisme et du pouvoir d’achat.
M. Serge Papin, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat, du tourisme et du pouvoir d’achat
Ce que vous pointez, à savoir la défense des commerces de centre-ville, est la priorité de mon ministère. La Poste a annoncé la semaine dernière la signature d’un accord-cadre avec l’un des géants chinois qui nous inonde de produits. Le Parlement a validé, hier…
M. Dominique Potier
Ric-rac !
M. Serge Papin, ministre
…la nomination de Marie-Ange Debon à la tête du groupe. Je laisserai à mon collègue Roland Lescure le soin d’examiner avec elle le contenu de cet accord, puisqu’il a la tutelle de La Poste. Pour ma part, je ne vous cache pas ma déception et mon étonnement. Il faut en effet regarder le contexte : environ 15 % des magasins de centre-ville sont fermés. Ces plateformes – vous avez utilisé le mot juste – font du dumping, ne respectent pas nos normes et n’ont que faire de nos ambitions écologiques.
Je voudrais faire comprendre à cette assemblée qu’au-delà de tout intérêt partisan, nous sommes attaqués. Il faut nous défendre parce que sinon, nous en paierons le prix dans quelque temps. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et HOR – M. Bernard Chaix applaudit aussi.) Notre économie est en danger. Pour l’heure, qu’allons-nous faire ? Activer immédiatement la taxe sur les petits colis de 2 euros par produit. (M. Stéphane Mazars applaudit.) Nous nous battons aussi pour que cette taxe s’applique à l’échelle européenne, qui est la bonne échelle. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes est mobilisée pour contrôler, regarder, faire des prélèvements. J’ai vu sa directrice générale hier et nous allons nous mobiliser pour nous défendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs du groupe DR.)
Sortie de l’accord de Nouméa
Mme la présidente
La parole est à M. Emmanuel Tjibaou.
M. Emmanuel Tjibaou
Ma question, qui s’adresse à Mme la ministre des outre-mer, concerne les perspectives des discussions institutionnelles de sortie de l’accord de Nouméa. Je prends la parole en tant que signataire du projet d’accord de Bougival de juillet dernier au nom du mouvement de libération FLNKS. Cet accord, votre prédécesseur nous avait indiqué, lors de la signature, qu’il serait ratifié à Nouméa par le président de la République, le premier ministre et l’ensemble des parties prenantes le mois suivant, après le retour de chacune des structures et l’expertise de sa cohérence juridique par des constitutionnalistes.
Les trois conditions ne tenaient que si les structures respectives des parties prenantes signataires du projet d’accord donnaient leur consentement pour poursuivre les négociations et le processus institutionnel rattaché à l’application de l’accord qui en découlerait. Ce n’est plus le cas.
M. Jean-Paul Lecoq
Eh non !
M. Emmanuel Tjibaou
Vous faites porter aux parlementaires la responsabilité d’une proposition de loi organique sur le report des élections provinciales en Kanaky Nouvelle-Calédonie pour permettre la mise en œuvre du projet d’accord de Bougival. Mais qui pilote le processus de discussion institutionnel de sortie de l’accord de Nouméa, accord de décolonisation : les parlementaires ou le gouvernement ?
Notre mission de parlementaires est claire : contrôler l’action du gouvernement, et non l’inverse, en particulier sur le dossier calédonien au vu de ce qui s’est produit l’an dernier dans l’hémicycle. Vous faites valoir la poursuite des discussions dans un cadre délimité par ce projet d’accord que l’un des partenaires majeurs, le FLNKS, a pourtant clairement refusé.
M. Alexis Corbière
Eh oui !
M. Emmanuel Tjibaou
Il demande en effet la poursuite des discussions institutionnelles, comme convenu avec votre prédécesseur.
En commission des lois, lundi, l’ancien rapporteur du projet de loi constitutionnelle sur l’ouverture du corps électoral aux provinciales en Kanaky a clairement indiqué que le véritable objectif était de permettre le report…
Mme la présidente
Monsieur le député, merci de conclure : vous avez déjà dépassé de quinze secondes le temps qui vous est alloué.
M. Emmanuel Tjibaou
Oh ! Bon. (Sourires.) Il faut appliquer la loi, tenir les élections, il n’y a plus d’état d’urgence, les routes sont ouvertes. Merci d’indiquer selon quelles modalités vous comptez poursuivre les discussions. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS ainsi que sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre des outre-mer.
Mme Naïma Moutchou, ministre des outre-mer
Je veux tout d’abord rappeler une chose simple : sur le dossier de la Nouvelle-Calédonie, nous avançons en faveur de la paix civile avec une méthode historique faite de respect, d’écoute et de dialogue. Rien n’est décidé sans concertation préalable, il est important de le redire. Vous connaissez le processus (Mme Dominique Voynet mime un joueur de violon), qui a marqué l’histoire du territoire calédonien : il y a d’abord recherche d’un consensus, puis le Parlement est amené à trancher.
Tout à l’heure, nous allons ainsi examiner une proposition de loi tendant à reporter le renouvellement des membres du Congrès et des assemblées de province et les députés se prononceront. À ce stade, ne pas engager le débat serait une erreur et ne pas voter la proposition de loi risquerait d’ouvrir une crise en Nouvelle-Calédonie.
Mme Sandra Regol
C’est vous qui avez provoqué la crise !
Mme Naïma Moutchou, ministre
J’espère donc que j’aurai l’occasion de m’exprimer dans le cadre de l’examen de ce texte, s’il a bien lieu. Évitons de fragiliser les relations entre l’État et les partis politiques ainsi qu’entre les élus eux-mêmes. La signature de l’accord de Bougival a ravivé un espoir au sein de la population calédonienne. Certes, tout le monde n’est pas à la table des discussions, bien qu’une grande majorité des partenaires politiques aient décidé de s’engager dans le processus : le FLNKS ne participe pas aux négociations. Le gouvernement souhaite le rétablissement du dialogue, je l’ai déjà dit, ce qui m’a d’ailleurs été reproché.
Mme Danielle Simonnet
Il ne faut donc pas voter la proposition de loi !
Mme Naïma Moutchou, ministre
Je ne souhaite pas faire sans le FLNKS, à condition que le FLNKS ne fasse pas sans les autres parties. Et je continue de penser qu’un chemin est possible, mais uniquement dans le consensus.
M. Alexis Corbière
Vous ne pouvez pas faire sans eux !
Mme Naïma Moutchou, ministre
L’accord de Bougival doit-il être précisé ? Ayons ce débat tout à l’heure. C’est une question de responsabilité. Permettons une fois encore à l’Assemblée nationale de trancher ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et HOR.)
M. Alexis Corbière
Retirez le texte !
Politique d’immigration
Mme la présidente
La parole est à M. Olivier Fayssat.
M. Olivier Fayssat
Ma question s’adresse au ministre de l’intérieur.
Voilà une semaine que la censure a été rejetée, une semaine que le Parti socialiste a pris le pouvoir (Rires sur les bancs du groupe SOC) avec le soutien des députés DR, une semaine que François Hollande est devenu vice-premier ministre. (Mêmes mouvements.)
M. Patrick Hetzel
Il est en train de partir, François Hollande ! (Sourires.)
M. Olivier Fayssat
Il est donc normal que le ministre de l’intérieur parle comme le Parti socialiste des années Jospin. Le monde de Oui-Oui, celui du laxisme, de la soumission et de l’angélisme, a pris le pouvoir. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Vous avez donné ce matin une interview en utilisant les mots de la gauche. Déjà, vous avez abdiqué, monsieur le ministre ! Pour vous, l’immigration n’est ni un problème ni un fléau. Vous refusez de parler de submersion migratoire pour ne pas heurter la diversité. Selon vous, l’immigration massive est un mirage et il n’existe aucun lien entre immigration et délinquance. Vous avez tenté de ne pas donner les chiffres relatifs aux clandestins pour ne pas heurter la société. Vous refusez même de parler d’assimilation pour ne pas fracturer. Bienvenue dans un monde imaginaire, celui de la gauche ! (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)
Jamais autant d’étrangers ne sont entrés en France l’an dernier : plus de 434 000, vingt-cinq fois plus que dans les années 1990. Jamais la France n’a accueilli autant d’étrangers : 8 millions, soit une hausse de 77 % depuis l’an 2000. Les visas explosent – 3 millions sont demandés chaque année. Les titres de séjour augmentent – 4 millions. Ma question est simple : ne faisons-nous pas face à une submersion migratoire quand il y a en France plus d’étrangers que d’habitants du Grand Paris ? (Protestations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)
M. Marc Pena
Ces propos sont une honte !
M. Olivier Fayssat
C’est ce que pensent 70 % des Français. Les étrangers représentent 10 % de la population française, mais ils sont responsables de 15 % des violences sexuelles, de 18 % des homicides, de 27 % des vols violents et de 38 % des cambriolages. (Mêmes mouvements.)
M. Marc Pena
Une honte !
M. Olivier Fayssat
Lola et Philippine ont été violées et tuées par des clandestins sous OQTF. Les Français sont 70 % à voir le lien direct entre l’immigration et la délinquance. Et vous ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN. – Vives exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Laurent Nuñez, ministre de l’intérieur
C’est un bien vilain procès que vous me faites. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem.) Notre politique de lutte contre l’immigration illégale est d’abord une politique d’autorité. Vous semblez l’oublier, comme vous oubliez que le défi migratoire auquel nous sommes confrontés concerne tous les pays d’Europe.
M. Hervé de Lépinau
Eux, ils prennent des mesures !
M. Laurent Nuñez, ministre de l’intérieur
Vous faites comme si seule la France était exposée alors que ses voisins le sont aussi. Nous apportons une réponse de fermeté et je serai un ministre de l’intérieur de fermeté. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Kévin Pfeffer
On y croit !
M. Laurent Nuñez, ministre de l’intérieur
Je poursuivrai la politique menée par tous mes prédécesseurs, qui consiste à lutter contre les filières d’immigration illégale et à les démanteler, ainsi qu’à augmenter le nombre de reconduites forcées, en hausse de plus de 22 % depuis le début de l’année – de plus de 20 % l’année dernière, de plus de 35 % dans le territoire dont j’avais précédemment la responsabilité.
M. Jordan Guitton
Cinq cent mille par an !
M. Laurent Nuñez, ministre de l’intérieur
Vous oubliez également de dire que nous sommes le premier pays d’Europe, devant l’Allemagne, pour le nombre d’étrangers en situation irrégulière reconduits à la frontière de manière coercitive. Depuis le début de l’année, 30 000 retours forcés ont eu lieu en Europe, dont 7 400 en France. (Exclamations sur les bancs des groupes RN, LFI-NFP et UDR.)
Non, je ne serai pas laxiste ! Je suis un homme de fermeté et d’autorité, mais aussi un homme d’humanité. Oui, c’est vrai, il y a des mots que je refuse d’utiliser et je préfère parler d’intégration que d’assimilation, pour ne pas convoquer un débat d’un autre temps. Je suis un homme d’intégration et je crois que les étrangers en situation régulière doivent s’intégrer dans le cadre des lois de la République…
M. Théo Bernhardt
Ça ne marche pas !
M. Laurent Nuñez, ministre de l’intérieur
…et respecter ses valeurs. (Mêmes mouvements.) C’est ce qu’ils font ! Et quand ils ne le font pas, la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, votée à l’initiative de Gérald Darmanin, permet de leur retirer leur titre de séjour et le cas échéant de les reconduire hors du territoire.
Je suis bien le ministre de l’intérieur de la fermeté et je vous le démontrerai, si tant est que vous ne soyez pas convaincus par mon action depuis dix-huit années au service de la sécurité des Français ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, Dem et HOR.)
Politique industrielle
Mme la présidente
La parole est à M. Jorys Bovet.
M. Jorys Bovet
Monsieur le ministre chargé de l’industrie, 191 salariés, 191 femmes et hommes de l’entreprise Amis, équipementier automobile implanté à Montluçon, risquent de perdre leur emploi et leur avenir – 191 vies, 191 familles suspendues. Et pour une seule raison : vos choix politiques. Cette fermeture n’est pas un cas isolé et s’ajoute à une hécatombe silencieuse qui frappe les sous-traitants de l’automobile dans toute la France. Partout, des usines ferment, des savoir-faire disparaissent, des territoires s’appauvrissent. Depuis des années, vos gouvernements successifs sacrifient notre industrie automobile en imposant une transition écologique brutale, mal préparée et socialement injuste, en fermant les yeux sur les délocalisations massives, en abandonnant les sous-traitants, pourtant essentiels à notre souveraineté industrielle et à la vitalité de nos régions.
Le 30 septembre, contre toute attente, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé la liquidation judiciaire d’Amis malgré une offre sérieuse qui permettait de sauver 147 emplois sur 191. Dans moins de vingt-quatre heures, l’appel sera rendu, mais déjà le ministère public demande la confirmation du jugement. Autrement dit, l’espoir disparaît.
Jusqu’où irons-nous ? Combien d’emplois, de savoir-faire, de compétences faudra-t-il encore sacrifier ? Faut-il attendre que tout soit détruit pour réagir ? Même l’Allemagne, que vous preniez pour modèle, revient sur cette politique absurde. Et pourtant vous persistez. Alors je vous le demande : quand allez-vous agir ? Quand sauverez-vous les fleurons industriels français et défendrez-vous enfin ceux qui travaillent et qui produisent en France ? Avant qu’il ne soit tout simplement trop tard ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’industrie.
M. Sébastien Martin, ministre délégué chargé de l’industrie
Le 30 septembre, en effet, le tribunal de commerce de Lyon a rejeté l’offre du groupe lyonnais CMW, qui proposait de reprendre 147 emplois sur 191 de l’équipementier automobile Amis. Il ne m’appartient pas de juger cette décision, mais l’offre nous paraissait intéressante. L’entreprise a fait appel et les services du ministère ont produit auprès de la cour d’appel de Lyon un document démontrant que le projet proposé par le repreneur était sérieux. Vous savez sans doute que depuis quatre ans, le ministère et ses services accompagnent la société Amis. Le tribunal jugera demain et sera souverain, mais sachez que nous avons défendu l’entreprise, y compris auprès du tribunal.
Vous m’interrogez sur la réindustrialisation de la France. Je n’ai pas accepté ce poste pour ne pas me battre deux fois plus dans une période deux fois plus difficile, et je me félicite qu’une majorité de députés aient fait le choix de la responsabilité la semaine dernière ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et DR. – Protestations sur les bancs du groupe RN.)
M. Pierre Cordier
Très bien !
M. Sébastien Martin, ministre délégué
Dans les trois prochains mois, des discussions fondamentales auront lieu au niveau européen : si la France n’était pas présente autour de la table pour défendre notre industrie, la préférence européenne et des dispositifs de protection,…
M. Aurélien Dutremble
Les électeurs ne vous ont pas élu pour ça !
M. Sébastien Martin, ministre délégué
…les accords européens et internationaux se feraient sur notre dos ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et DR.)
M. Alexandre Portier
Excellent ministre !
Mme la présidente
La parole est à M. Jorys Bovet.
M. Jorys Bovet
Si nous voulons censurer votre politique, c’est parce qu’elle détruit notre pays et nos industries ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Hervé de Lépinau
Exactement !
Dermatose nodulaire bovine
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Mazars.
M. Stéphane Mazars
Madame la ministre de l’agriculture, vendredi dernier, pour lutter contre la dermatose nodulaire, vous avez décidé d’interdire jusqu’au 4 novembre toute sortie de bovins du territoire national. Cette décision brutale a plongé la filière dans l’incompréhension et est vécue dans nos territoires comme une véritable punition collective. Pourtant, la stratégie sanitaire appliquée jusqu’ici avait permis de contenir la maladie et les quelques cas réapparus ces derniers jours dans l’Ain, le Jura et les Pyrénées-Orientales semblaient liés à des mouvements ponctuels et illicites malheureusement passés sous les radars de l’administration.
Cette maladie, il est important de le rappeler, n’est pas transmissible à l’homme. Elle doit être combattue avec rigueur, certes, mais sans pénaliser tout un pays pour les fautes de quelques-uns. Les mesures prises sont d’une sévérité inédite. Dans ma circonscription du nord Aveyron, l’élevage de vaches allaitantes n’est pas une activité parmi d’autres : c’est le cœur battant de notre campagne. Sur le terrain, les mots sont durs : pour certains, c’est « un caprice de nos administrations » ; pour d’autres, « on n’a pas été écoutés ». Cette incompréhension s’entend d’autant plus que nos éleveurs sont des experts du sanitaire, rompus depuis des décennies à la vigilance et à la traçabilité.
Vendredi dernier, les services départementaux n’avaient pour seule information que votre communiqué de presse. Résultat : désorganisation totale, informations contradictoires et, lundi soir, devant la préfecture de l’Aveyron, un mur dressé par des éleveurs en colère. À l’heure où je parle, des manifestations ont encore lieu à Rodez.
Hier, vous rappeliez ici même qu’il fallait éviter un rappel à l’ordre de Bruxelles et une mise sous cloche de la France. Nous l’entendons, mais à trop vouloir protéger l’image de la France à Bruxelles, on va finir par sacrifier ceux qui nous font vivre. Les conséquences sont déjà là : blocage des ventes et baisse des cours. Je renouvelle donc les interrogations de mon collègue du Cantal Jean-Yves Bony : y aura-t-il des indemnisations rapides et ciblées ? Quid de la politique vaccinale ? Comment empêcher en parallèle l’entrée de bovins étrangers sur notre territoire ? Bref, comment éviter qu’une décision sanitaire ne vire à la catastrophe économique et humaine pour des éleveurs à bout de souffle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la souveraineté alimentaire.
Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la souveraineté alimentaire
Vos mots sont excessifs.
M. Pascal Lecamp
Oh !
Mme Annie Genevard, ministre
La maladie dont nous parlons est gravissime et du même ordre que la tuberculose bovine et la fièvre aphteuse. La dermatose nodulaire contagieuse des bovins est classée comme une maladie de catégorie A au niveau européen et fait l’objet de toutes les attentions et de toutes les craintes – il faut en prendre la mesure.
Pourquoi ai-je pris de telles décisions ? Permettez-moi tout d’abord de dire devant la représentation nationale que ce jour est un beau jour : nous venons de lever la zone réglementée concernant les départements de Savoie après trois mois d’efforts constants de lutte contre la dermatose nodulaire contagieuse ; je salue les éleveurs et tous ceux qui ont combattu ardemment la maladie. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.) Malheureusement, quelques-uns, sans qu’on sache exactement lesquels – on ne peut pas mettre un gendarme derrière chaque professionnel de l’agriculture –, ont compromis cet effort collectif, cette stratégie payante, en sortant des animaux de la zone réglementée et en prenant ainsi le risque de contaminer d’autres zones, ce qui précisément s’est produit.
Il y a quelques jours, trois foyers sont apparus dans des régions jusqu’alors indemnes, ce qui a suscité immédiatement une forte inquiétude non seulement de ma part – comment ose-t-on parler de caprice ? – mais aussi chez nos partenaires européens. Car, oui, la France exporte, ce qui constitue une richesse pour notre pays. Pour conserver la confiance de nos partenaires européens, nous devons gérer la maladie de façon exemplaire. C’est la raison pour laquelle, lorsque j’ai été informée vendredi dernier du danger d’une fermeture totale du marché français à l’export, j’ai décidé, dès le samedi, de prendre les mesures qui s’imposaient. Je remercie le ministre de l’intérieur qui a diligenté durant le week-end 700 points de contrôle. Notre objectif à tous doit être de vaincre et d’éradiquer la maladie.
Mme la présidente
Merci, madame la ministre !
Mme Annie Genevard, ministre
C’est le chemin que nous devons emprunter. Je mesure les contraintes imposées au monde agricole, mais c’est pour lui que nous agissons ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR. – Mme Delphine Lingemann applaudit également.)
Polluants éternels
Mme la présidente
La parole est à M. Gabriel Amard.
M. Gabriel Amard
Madame la ministre de la santé, le projet « Dans mon eau » de Générations futures fait froid dans le dos : dans des milliers de communes, l’eau du robinet dépasse les seuils autorisés pour les pesticides, les nitrates, le chlorure de vinyle, les perchlorates ou les PFAS, qui s’accumulent dans notre corps et contaminent nos sols, notre air, nos rivières. Ces poisons venus de l’agriculture chimique, des produits de consommation et des rejets industriels engendrent une épidémie de cancers. Pire encore, dans plus de la moitié des réseaux, aucune recherche de PFAS n’a été menée – le TFA, le plus présent dans l’environnement, n’est même recherché nulle part. Là où des tests sont réalisés, une centaine dépassent déjà les limites fixées sans qu’aucune mesure ni aucune alerte ne soient décidée. Depuis trois ans, nous vous demandons d’activer la clause 129 du règlement européen Reach. Qu’attendez-vous pour protéger tout le monde et interdire, remplacer et détruire ces poisons pour les animaux humains et non humains ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Marc Pena applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la transition écologique.
M. Mathieu Lefèvre, ministre délégué chargé de la transition écologique
Les PFAS posent un problème sérieux et grave, que nous gagnerions à aborder en tant que tel et qui a d’ailleurs fait l’objet d’une proposition de loi, adoptée par la représentation nationale.
L’État n’a rien à cacher et c’est grâce à la transparence dont a fait preuve Agnès Pannier-Runacher que vous pouvez aujourd’hui interroger le gouvernement sur les PFAS. Par ailleurs, cette pollution ne devrait pas faire l’objet de contrevérités et nous gagnerions tous à prendre la science comme repère.
Plusieurs députés du groupe LFI-NFP
Précisément !
M. Mathieu Lefèvre, ministre délégué
Que dit la science ? L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail a rendu aujourd’hui un rapport, qui affirme simplement que le bilan de la contamination de notre environnement par les PFAS nécessite une catégorisation rigoureuse et une priorisation des substances à surveiller.
Ses recommandations confirment la pertinence des actions qui ont été définies dans le plan interministériel du gouvernement et la nécessité de poursuivre son application pour réduire l’exposition collective à ces polluants.
Ne laissez pas croire que l’État n’agirait pas, que le traitement des situations de crise serait laissé au hasard ou que celles-ci seraient laissées sans réponse. Lorsque des non-conformités sont détectées, les préfets et les agences régionales de santé engagent immédiatement des actions concrètes afin de protéger les populations, de garantir leur accès à l’eau potable et, si nécessaire, de décider de restrictions – vous l’avez constaté vous-même dans votre département.
Nous gagnerions aussi à travailler ensemble sur le sujet. Est-il possible d’améliorer la prévention et la réparation de ce dommage ? Oui, mais collectivement, en bonne intelligence et loin des polémiques.
Mme la présidente
La parole est à M. Gabriel Amard.
M. Gabriel Amard
Les premières interdictions sont marginales et votre décret d’application minore la portée de la loi. Alors que les rapports scientifiques sont sans appel, vos instructions aux ARS restent floues et les seuils que vous fixez, trop élevés. Le Haut Conseil de la santé publique recommande une concentration de 0,02 microgramme par litre pour les quatre PFAS les plus dangereux ; or votre instruction du 19 février 2025 n’en tient pas compte ! Pour la dépollution, il n’y a toujours rien ! Aucune filière française de destruction de ces particules n’a encore vu le jour ! Les PFAS qu’on filtre pour potabiliser l’eau sont ensuite rejetés dans la nature ! Ce cycle d’empoisonnement est absurde, irresponsable, criminel ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Boris Tavernier applaudit aussi.)
Il est temps d’agir et si vous ne savez pas comment faire, ouvrez et lisez notre contre-budget ! (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent. – Mme Béatrice Bellay applaudit également.)
Mme la présidente
Nous avons terminé les questions au gouvernement.
M. Hervé de Lépinau
C’est la vérité, ça ! Vous n’aimez pas la vérité, les socialistes !
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quatorze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
2. Report du renouvellement général du Congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie
Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’une proposition de loi organique adoptée par le Sénat
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi organique visant à reporter le renouvellement général des membres du Congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie afin de permettre la poursuite de la discussion sur l’accord du 12 juillet 2025 et sa mise en œuvre (nos 1969, 1980).
Je vous indique que 1 701 amendements ont été déposés sur le texte. Les services de l’Assemblée ont dû travailler toute la nuit pour les traiter et ainsi organiser la présente discussion. Je remercie ces fonctionnaires de l’ombre, dévoués à la démocratie parlementaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN, EPR, DR, Dem et HOR. – M. Philippe Gosselin, rapporteur de la commission des lois, applaudit également.)
Présentation
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre des outre-mer.
Mme Naïma Moutchou, ministre des outre-mer
Il est des textes, comme celui-ci, qui dépassent les clivages partisans parce qu’ils engagent, bien plus qu’un vote, une parole et une confiance. Derrière cette proposition de loi organique, une réalité s’impose à tous, quels que soient les camps, les bancs ou les partis : la Nouvelle-Calédonie sort d’une période d’extrême tension. Les violences du mois de mai 2024 ont laissé des traces profondes, des habitants meurtris, des entreprises à genoux et des institutions fragilisées. Le traumatisme est encore dans les esprits et visible dans la société. On ne peut organiser des élections dans ce contexte comme si de rien n’était. Ce serait trahir la réalité du terrain et la peur encore vive des Calédoniens. Avant de voter, il faut pouvoir se parler. Les Calédoniens ont besoin de temps. Nous savons combien, dans ce territoire, le temps politique ne peut pas être séparé du temps humain.
Le 12 juillet, un nouveau chapitre s’est ouvert : l’accord de Bougival a été signé et soutenu par les indépendantistes de l’UNI-Palika – Union nationale pour l’indépendance-Parti de libération kanak –, les Loyalistes, le Rassemblement, Calédonie ensemble et l’Éveil océanien. Cet accord est essentiel pour la Nouvelle-Calédonie, parce qu’il a remis autour de la table des interlocuteurs qui ne se parlaient plus, parce qu’il redonne de la perspective, notamment sur le plan institutionnel, ô combien important. Il est essentiel parce qu’il propose un équilibre inédit entre les aspirations indépendantistes et l’attachement à la République. Il ouvre la voie à des avancées majeures : la création d’un État de la Nouvelle-Calédonie, la double nationalité française et calédonienne, une organisation politique sui generis – singulière et spécifique –, le transfert immédiat d’une compétence, les relations internationales, dans le champ des compétences propres de l’île ; enfin, le transfert possible, à terme, des autres compétences régaliennes.
Le Congrès de la Nouvelle-Calédonie, qui rassemble les représentants élus des trois provinces, a approuvé le report des élections à une large majorité : trente-neuf voix contre treize. Il y a quelques jours, lors de la quatrième commission de l’ONU, le groupe mélanésien Fer de lance, regroupant plusieurs pays mélanésiens ainsi que le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) comme membre à part entière, a encore exprimé son soutien à l’accord de Bougival. Le Conseil d’État a quant à lui confirmé sa pleine conformité au droit. Cet accord dispose ainsi d’une double légitimité, celle du droit et celle du terrain. Il n’y a donc aucun passage en force.
Néanmoins, disons-le sans détour, l’accord de Bougival ne règle pas tout ; il a besoin d’un socle solide. Aussi pourra-t-il être complété, détaillé, consolidé, en sorte que tous se l’approprient. Je me rendrai très bientôt sur l’île afin de lui conférer une dynamique de terrain. Je veux que le dialogue se poursuive, et si ce dialogue devait conduire à amender l’accord, de concert avec toutes les formations politiques, notamment pour tenir compte des attentes exprimées par le FLNKS et des besoins concrets des Calédoniens, il évoluera. Si nous devons procéder à des ajustements, notamment pour ce qui concerne l’exercice du droit à l’autodétermination, la loi organique et la loi constitutionnelle pourront être – à condition qu’un consensus se dégage – modifiées en conséquence.
Cependant, le volet institutionnel ne suffira pas. Le premier ministre l’a rappelé la semaine dernière au Sénat, à l’occasion de sa déclaration de politique générale, l’île ne connaîtra pas de paix durable sans un véritable sursaut économique et social. La Nouvelle-Calédonie est en effet entrée dans une spirale de récession. Les entreprises ferment, les ménages s’endettent, le chômage des jeunes explose et la vie quotidienne devient chaque jour plus difficile. Si nous n’agissons pas maintenant, la fracture économique viendra nourrir encore davantage la fracture politique.
Agir sur le plan économique et social est donc au moins aussi essentiel que sur le plan institutionnel. J’en ferai ma priorité en proposant au premier ministre un plan de relance autour de plusieurs axes.
Le premier concernera le régalien – l’ordre et la justice –, car l’État doit jouer son rôle. Nous devons avancer sans attendre pour remettre en état certains commissariats de police et accélérer la construction de nouvelles prisons – prévues par l’accord de Bougival. Les conditions de détention actuelles au camp pénitentiaire de Nouméa, dit Camp Est, sont inacceptables et nourrissent la récidive. Je tâcherai d’accélérer ce chantier dans les tout prochains jours, avec le ministre de la justice.
Le deuxième axe concernera le développement, car la paix ne se décrète pas mais se construit, grâce au travail, à la croissance, à la dignité retrouvée des Calédoniens. Nous devons tenir les engagements pris et accompagner les projets des collectivités, qu’il s’agisse de la reconstruction de bâtiments, des transports, de l’accès aux soins ; nous devons investir dans ce qui donne un avenir au territoire : le secteur portuaire, la logistique, l’énergie. Nous élaborerons ainsi, avec l’ensemble des acteurs, un plan de redressement de la filière nickel, laquelle constitue un véritable atout à la fois pour le territoire, pour la France et pour l’Europe. Dans le même esprit, nous soutiendrons la consommation et l’investissement, notamment en prenant des mesures fiscales adaptées. Enfin, en matière d’environnement, nous devrons impérativement franchir une étape dans l’adaptation du territoire au changement climatique – urgence vitale pour les Calédoniens confrontés aux cyclones, à la sécheresse, à la montée des eaux ainsi qu’aux atteintes à la biodiversité.
Sur les plans économique, social et environnemental, des mesures peuvent être prises dès l’examen du projet de loi de finances (PLF). Elles pourront ainsi se concrétiser à partir de janvier 2026, pas aux calendes grecques. D’autres mesures figureront dans le grand plan que nous construirons avec tous les volontaires.
Il nous faut donc du temps ; d’où cette proposition de loi de report. Nous ne réparerons pas un territoire fracturé avec un calendrier électoral. Nous le réparerons en nous donnant un temps de respiration, en ouvrant une parenthèse qui permettra de traduire l’accord de Bougival dans le droit avec intelligence – sans le dénaturer ni le figer –, de renouer le dialogue avec toutes les sensibilités – je pense évidemment au FLNKS – et ainsi de créer les conditions d’un scrutin sincère et apaisé. Je ne souhaite pas, je le répète, procéder en l’absence du FLNKS, pourvu que le FLNKS ne fasse pas sans les autres. En donnant du temps au dialogue, nous donnons une chance au rassemblement et à la paix. Le texte ne suspend donc pas la démocratie, il la protège.
M. Antoine Léaument
Ce n’est pas vrai !
Mme Naïma Moutchou, ministre
Toutes les opinions sur ce texte sont respectables dès lors qu’elles s’inscrivent dans le débat parlementaire. Certains contestent le choix du report, ils s’exprimeront dans le respect des règles démocratiques. D’autres ont fait le choix délibéré et assumé de l’obstruction.
Deux députés du groupe LFI ont déposé à eux seuls plus de 1 500 amendements (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP),…
M. Philippe Gosselin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
Ce n’est pas glorieux ! C’est une faute politique !
Mme Naïma Moutchou, ministre
…de manière à empêcher la représentation nationale de voter ; plus de 1 500 amendements sans aucune portée, sans aucun contenu de fond, puisqu’il ne s’agit que de remplacer la date du 28 juin par celle du 1er décembre, puis du 2, du 3, du 4 décembre, et ainsi de suite, jusqu’à faire le tour du calendrier.
Plus de 1 500 amendements – Mme la présidente a fait les comptes, je la remercie d’ailleurs de son engagement constant pour la Nouvelle-Calédonie –, cela représente un mois de débat dans l’hémicycle, alors que le cycle budgétaire démarre après-demain !
C’est une première : jamais, dans l’histoire des textes calédoniens, on n’avait vu une telle manœuvre,…
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Une manipulation !
Mme Naïma Moutchou, ministre
…laquelle traduit un mépris assumé à l’égard des Calédoniens, qui attendent pour leur part des solutions concrètes pour leur quotidien. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR. – M. le rapporteur applaudit également.)
Vous prétendez défendre la démocratie, vous soutenez que le report des élections est antidémocratique, mais qu’y a-t-il de plus antidémocratique que de bloquer le débat, d’empêcher le vote dans le lieu même où s’exerce la démocratie ? C’est d’une incohérence totale ! C’est vous qui êtes dans le déni de la démocratie ! En réalité, vous voulez faire de la Nouvelle-Calédonie un champ de bataille politique parisien,…
Mme Mathilde Panot
Vous n’avez rien compris et n’avez aucune leçon à donner !
Mme Naïma Moutchou, ministre
…au détriment de l’île et de ses acteurs. C’est une faute politique grave !
Ce qui se joue là-bas dépasse les petits affrontements partisans. Il y va de la stabilité d’un territoire, de la sécurité de nos concitoyens, de la fidélité à la parole donnée. Je vous invite à prendre de la hauteur et à retirer vos amendements – vous en avez encore le temps – afin de laisser la démocratie suivre son cours.
M. Laurent Wauquiez
Très bien !
Mme Naïma Moutchou, ministre
À toutes les Calédoniennes et à tous les Calédoniens, à celles et ceux des tribus, des villages, des quartiers de Nouméa, des îles Loyauté et de la Grande Terre, à ceux qui doutent mais espèrent encore, je veux simplement dire que cette proposition de report n’obéit pas à un calcul politique. C’est un acte de fidélité à la parole donnée depuis Matignon et Nouméa, à l’esprit de Bougival, à ce lien qui vous relie à la République.
M. Antoine Léaument
Non, précisément !
Mme Naïma Moutchou, ministre
Je sais que vous attendez du concret ; vous avez raison. Vous voulez du travail, de la sécurité, des perspectives. Je m’y engage devant vous : le temps du report ne sera pas un temps mort, mais un temps utile pour la reconstruction, un temps de résultats.
Mme Mathilde Panot
On ne vous croit pas !
Mme Naïma Moutchou, ministre
Je viendrai vous écouter, comprendre et bâtir avec vous. C’est ensemble, et seulement ainsi, que nous construirons la suite.
Mesdames et messieurs les députés, le choix du report n’est pas celui de la facilité mais de la responsabilité. En votant le texte, vous permettrez à la Nouvelle-Calédonie de se relever et de se préparer. Vous ferez le choix du dialogue plutôt que de la fracture. Vous permettez à la République de rester fidèle à sa promesse de respect, de développement et de paix. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR ainsi que sur les bancs des commissions.)
M. Gabriel Amard
Soit vous mentez, soit vous êtes vraiment naïve !
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Gosselin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
M. Philippe Gosselin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
Chers collègues, et surtout chers Calédoniens, quelles que soient vos origines ou vos conceptions, qui attendez que nos débats soient menés avec sérieux, la présente proposition de loi organique, d’origine sénatoriale, tend à reporter au 28 juin prochain des élections qui doivent, en l’état du droit, se tenir au plus tard le 30 novembre prochain. Cela se justifie au regard du contexte politique particulier de la Nouvelle-Calédonie,…
M. Antoine Léaument
Ce n’est pas vrai !
M. Philippe Gosselin, rapporteur
…tant sur le plan institutionnel que sur le plan économique et social.
Je n’ignore pas, après son examen en commission, que le texte ne fait pas l’unanimité au sein de notre assemblée, pas plus d’ailleurs qu’en Nouvelle-Calédonie – même s’il est soutenu, redisons-le avec force, par une majorité des partenaires politiques de toutes tendances. Mettant mes pas dans ceux de la ministre, je déplore cependant le choix du groupe La France insoumise de déposer plus de 1 600 amendements sur un texte qui contient trois articles… (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Il s’agit d’une tentative, plutôt grossière, d’embolisation du débat parlementaire, bref, d’obstruction ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Antoine Léaument
C’est l’hommage du vice à la vertu !
M. Philippe Gosselin, rapporteur
D’ailleurs, vous ne vous en cachez pas dans les exposés sommaires de vos amendements…
Mme Mathilde Panot
C’est pour vous empêcher de faire des erreurs !
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Je regrette que cette manœuvre nuise à la lisibilité des débats. Elle me paraît surtout irresponsable, tant les Calédoniens attendent que nous fassions preuve de sérieux.
La Nouvelle-Calédonie mérite mieux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. – Mme Danielle Brulebois applaudit également.)
Nationaliser ainsi le débat, en visant un objectif beaucoup plus général, n’est pas simplement une erreur, c’est une faute. Je suis profondément persuadé que l’urgence n’est pas la précipitation et que, parfois, on doit reculer pour mieux avancer.
M. Manuel Bompard
Ah !
M. Philippe Gosselin, rapporteur
En ce qui concerne les élections en Nouvelle-Calédonie, il s’agit plutôt de se hâter maintenant pour se concentrer sur l’essentiel : consacrer du temps, au cours des semaines qui viennent, à la réforme institutionnelle qui constitue le cœur du dispositif.
Depuis la fin des consultations prévues par l’accord de Nouméa sur l’autodétermination, les Calédoniens vivent dans l’incertitude politique, institutionnelle et, ajouterais-je, économique et sociale. Depuis 2023, des discussions souvent difficiles ont eu lieu entre les partenaires politiques, indépendantistes et non-indépendantistes, afin de déterminer un statut consensuel et pérenne pour ce territoire, qui permette la poursuite de son développement social, économique, mais aussi culturel, au bénéfice de l’ensemble des Calédoniens. Le vivre-ensemble et le « destin commun » qui étaient chers aux accords de Matignon et de Nouméa me semblent toujours d’actualité.
Rappelons le contexte, qu’il importe de connaître. Depuis les événements violents survenus en mai 2024, qui ont causé de 2,2 à 2,5 milliards d’euros de dégâts, la Nouvelle-Calédonie se trouve dans une situation de grande vulnérabilité.
M. Bastien Lachaud
À cause de ce que vous avez voté en 2024 !
M. Antoine Léaument
Vous ne nous avez pas écoutés !
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Une vulnérabilité d’abord économique, avec une diminution de 13,5 % du PIB – quel territoire pourrait s’en relever facilement ? Les indicateurs économiques sont dégradés : les investissements ont chuté de 24 % et le tourisme, de 53 %. Des milliers de personnes ont quitté l’île tandis que le chômage et la précarité ont bondi. Le nickel, qui constitue la richesse de la Nouvelle-Calédonie, est en souffrance. Un plan Marshall est bel et bien nécessaire ! (Mme Danielle Brulebois ainsi que MM. Philippe Vigier et Laurent Wauquiez applaudissent.) Il devra être prévu dans le prochain budget, pour les mois qui viennent ; il faut donc un peu de temps.
En juillet, réunis à Bougival, dans les Yvelines, à l’initiative du président de la République, les partenaires politiques sont parvenus à un accord qui donnerait, s’il était concrétisé, un statut pérenne à la Nouvelle-Calédonie. Des critiques ont été émises de part et d’autre – je ne l’ignore pas, elles ont été rappelées lors des auditions.
L’accord de Bougival du 12 juillet 2025 prévoit la création d’un « État de la Nouvelle-Calédonie » au sein de la Constitution ; il tend également à créer une nationalité calédonienne, adossée à la nationalité française, qui donnerait à ses titulaires le droit de voter aux élections provinciales à venir – à l’exception des prochaines, qui feront intervenir un corps électoral ad hoc.
Cet accord, d’abord signé par tous, ne fait plus l’unanimité – je le regrette. Les indépendantistes du FLNKS ont en effet retiré leur appui. En revanche, cet accord reste soutenu de façon transpartisane : par les formations politiques non-indépendantistes, par l’Éveil océanien, ainsi que par une partie des indépendantistes, ceux de l’UNI-Palika – dans une démarche que je qualifierais de courageuse, loyale, cohérente et responsable ;…
M. Matthias Tavel
En toute neutralité !
M. Philippe Gosselin, rapporteur
…il faut les en remercier.
Cet accord constitue une avancée majeure et un réel espoir pour le développement économique, social et institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. Je fais partie de ceux qui pensent qu’il peut encore être amélioré et précisé ; il faut donner du temps au temps pour parfaire ce volet institutionnel. Néanmoins, cet accord demeure un acquis précieux qu’il ne faut pas sous-estimer ; il constitue, dans tous les cas, un point d’appui.
Le temps dégagé par le report des élections, si nous le votons, permettra de renouer les fils du dialogue – c’est souhaitable – avec les indépendantistes du FLNKS, que nous respectons. Ce choix est unanimement partagé par tous les partenaires politiques favorables au projet que j’ai pu auditionner. Ainsi, le représentant de l’UNI-Palika et ses collègues ont réaffirmé que ne pas voter le report revenait à dessaisir les Calédoniens eux-mêmes de leur sort. Ne décidons pas ici à leur place !
L’histoire politique de la Nouvelle-Calédonie nous a appris, depuis plusieurs décennies, qu’aucune sortie par le haut n’était possible sans un consensus de l’ensemble des partenaires politiques calédoniens, indépendantistes ou non. C’est cette exigence qui a permis la signature des accords de Matignon, puis de l’accord de Nouméa, qui mettaient fin à plusieurs années, sinon décennies, de violences. À l’évidence, cette exigence demeure. C’est ce que le Sénat a voulu souligner dans le seul amendement qu’il a adopté et que la commission des lois de l’Assemblée nationale a confirmé : il modifie le titre de la proposition de loi organique en précisant qu’il s’agit « de permettre la poursuite de la discussion sur l’accord du 12 juillet 2025 et sa mise en œuvre ».
Au-delà de l’accord de Bougival, cet amendement résume surtout l’état d’esprit qui doit être le nôtre quant au report des élections : reconnaître l’impérieuse nécessité de renouer le dialogue avec toutes les formations politiques. Je vous renvoie à de Gaulle : « Une constitution, c’est un esprit, des institutions, une pratique. » De même, un accord, c’est un esprit, et l’application de cet accord, une pratique.
Je ne vous cache pas que la situation politique nationale est scrutée avec grande inquiétude en Nouvelle-Calédonie. Des acteurs politiques ont fait, là-bas, leur part du travail et ils se demandent si, finalement, l’instabilité politique de Paris ne réduira pas leurs efforts à néant. Nous n’avons pas le droit de décevoir leur attente.
J’ajoute que si les élections devaient se tenir le 30 novembre, soit dans un mois, cela risquerait de poser certaines difficultés matérielles et juridiques. Certes, elles ne seraient pas toutes insurmontables, mais elles seraient sans doute de nature à créer des failles juridiques qui pourraient entacher la légalité du scrutin – je pense que nul ici ne le souhaite.
M. Matthias Tavel
Vous avez vraiment un problème avec les élections !
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Le report des élections est prévu par l’accord de Bougival, qui fixe un calendrier pour les prochains mois. Le moment venu, il faudra reprendre les débats sur la partie constitutionnelle et sur la loi organique ; il faudra aussi prévoir la consultation des électrices et des électeurs. Je vous rappelle que le Congrès de la Nouvelle-Calédonie s’est prononcé très majoritairement en faveur de ce report, par trente-neuf voix contre treize.
M. Matthias Tavel
Autant de personnes désireuses de prolonger leur mandat !
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Mme la ministre a également rappelé que le groupe Fer de lance mélanésien, un ensemble important d’États du Pacifique, avait encouragé le processus engagé par l’accord de Bougival lors de la dernière session de la quatrième commission de l’ONU.
Enfin, s’agissant du dégel du corps électoral, rassurez-vous, il viendra en son temps. J’ai bien en tête qu’il s’agit d’un sujet encore irritant ; il constitue un autre enjeu, ne mélangeons pas tout aujourd’hui.
Nous avons déjà, il est vrai, par deux fois en dix-huit mois, décidé des reports.
Mme Marine Le Pen
Merci de le rappeler !
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Nous y voilà une troisième fois. Cependant, ce n’est pas la volonté de l’Assemblée nationale ou du Parlement dans son ensemble. Nous pouvons déplorer ce temps qui s’allonge, ce film sans fin, mais il est exigé par la situation de la Nouvelle-Calédonie. Je rappelle que dans sa décision QPC – question prioritaire de constitutionnalité – du 19 septembre 2025, le Conseil constitutionnel n’a pas émis d’objection à l’encontre du gel du corps électoral. Je renvoie également à l’avis du Conseil d’État du 1er octobre 2025.
En conclusion, cette discussion sur le report n’obère en rien le débat institutionnel qui devra suivre. Toutes les parties prenantes doivent pouvoir se réunir et se retrouver autour de la table. Ce sont ces échanges qui doivent reprendre, en donnant du temps au temps. Il y a un peu moins de quarante ans, on invoquait un « pari sur l’intelligence » ; il demeure d’actualité. Ajoutons-y ce « pari de la confiance ». Dans tous les cas, mes chers collègues, je nous invite au pari de l’ambition collective, car c’est elle qui doit écrire l’avenir de la Nouvelle-Calédonie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DR ainsi que sur quelques bancs des groupes EPR, Dem et LIOT. – M. le président de la commission des lois applaudit également.)
Motion de rejet préalable
Mme la présidente
J’ai reçu de MM. Vincent Caure et Nicolas Metzdorf une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement. (« Quelle indignité ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Mathilde Panot
Le 49.3 parlementaire !
Mme la présidente
La parole est à M. Vincent Caure.
Mme Sandra Regol
On n’avait pas dit, après la loi Duplomb, qu’on arrêtait de s’asseoir sur ses propres textes ?
M. Vincent Caure
Cette motion de rejet préalable ne signifie pas, bien entendu, un changement de position de notre groupe quant à l’avenir de la Nouvelle-Calédonie. Le groupe Ensemble pour la République reste pleinement fidèle à l’accord de Bougival et au calendrier constitutionnel qui en découle. Nous demeurons fermement convaincus du bien-fondé du projet qui se dessine – il est d’envergure : naissance d’un État de Nouvelle-Calédonie, création d’une nationalité néo-calédonienne et dégel du corps électoral.
Cette motion est surtout une réponse à une pratique politique menée délibérément par un groupe, La France insoumise, et qui porte un nom : celui de l’obstruction parlementaire à outrance. Cette pratique n’a qu’un seul objectif : faire obstacle à l’adoption de la proposition de loi organique et empêcher l’application de l’accord de Bougival.
Comme Mme la ministre et M. le rapporteur l’ont rappelé, cet accord est le fruit d’un dialogue et de discussions continues qui ont abouti en juillet. Ces discussions se poursuivent et ont vocation à perdurer ; nous devons en être ici les garants et les témoins, aux côtés de nos collègues Nicolas Metzdorf et Emmanuel Tjibaou, députés de la Nouvelle-Calédonie.
Dans cette droite ligne, le présent texte organique cherche à traduire le plus large consensus politique possible. Il a été lancé par un large éventail de groupes politiques au Sénat, des Républicains aux Socialistes, soit six groupes sur huit, réunis par-delà les clivages et les différences. L’exigence du dialogue le plus large n’a jamais été abandonnée. Ceux qui ont déposé près de 2 000 amendements s’inscrivent hors de l’héritage des accords de Matignon et de Nouméa. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) L’avis des responsables politiques à Paris est une chose, mais il ne suffit pas ; celui des responsables de Nouvelle-Calédonie compte tout autant.
Cette dimension transpartisane a également trouvé à s’exprimer dans l’hémisphère sud, car c’est bien le Congrès de la Nouvelle-Calédonie qui, le 15 septembre, a exprimé par trente-neuf voix contre treize son soutien au report des élections. Hier, la formation politique néo-calédonienne de l’Union nationale pour l’indépendance a elle aussi soutenu, dans une lettre, l’application de l’accord de Bougival et le report des élections prévues en novembre, qualifiant ce report de nécessité pour la « stabilité » et la « reconstruction ». L’UNI nous appelle à assumer notre rôle de garant de la stabilité en Nouvelle-Calédonie. À nous tous, collègues des différents bancs, de nous saisir de cet appel.
Bien sûr, certains de nos concitoyens de l’Hexagone ou du Pacifique s’opposent et s’opposeront à ce report, à cet accord, à ce chemin politique et même à tout ce que comporte la révision constitutionnelle proposée. C’est leur droit premier et entier ; mais le débat, dans cette assemblée, ne doit jamais se réduire à céder à la tyrannie d’une minorité qui refuserait le consensus majoritaire. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Antoine Léaument
LOL !
M. Davy Rimane
Ce n’est pas cela, le consensus !
M. Vincent Caure
Car il y a bien une majorité politique derrière ce texte : celle qui l’a adopté en commission il y a quarante-huit heures. Ce texte, que nous aurions dû discuter paisiblement et calmement, vise simplement à reporter les élections des membres du Congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie. Nous demeurons convaincus de son importance.
Il n’est jamais anodin de reporter des élections et de prolonger un mandat, même compte tenu de l’avis du Conseil d’État et même dans le plein respect des principes constitutionnels. Cependant, il est encore moins anodin de proposer une révision constitutionnelle porteuse d’avenir comme l’accord de Bougival nous y invite.
Le rapporteur Philippe Gosselin a eu l’occasion de le dire de la meilleure des manières : il s’agit de donner du temps au temps, de permettre que se trace avec l’ensemble des forces politiques néo-calédoniennes un chemin d’apaisement, en faisant également en sorte que le FLNKS revienne à la table des négociations.
En réalité, ce que cette obstruction refuse, c’est la stabilité et la reconstruction pour la Nouvelle-Calédonie.
Un député du groupe GDR
N’importe quoi !
M. Vincent Caure
Cette motion de rejet préalable, c’est…
Mme Sandra Regol
Une motion de rejet préalable inversée !
M. Vincent Caure
…une réponse politique à une obstruction politique. Comme l’a rappelé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 7 août 2025, le débat démocratique repose sur l’équilibre permanent entre le droit fondamental d’amendement, propre à chaque député et garanti par la Constitution, et l’usage des procédures parlementaires.
M. Antoine Léaument
Il a dit aussi que les élections pourraient avoir lieu !
M. Vincent Caure
Vos près de 2 000 amendements nous éloignent bien plus de l’exigence de sincérité du débat parlementaire que cette motion de rejet : en raison de l’arrivée en séance, dans moins de quarante-huit heures, du projet de loi de finances, ils nous empêcheraient d’adopter la proposition de loi organique avant les élections.
Les habitants de la Nouvelle-Calédonie attendent une réforme constitutionnelle, une évolution du corps électoral et un développement économique au service de tous. Et nous devrions, pendant ce temps, examiner les 2 000 amendements de MM. Taché, Lachaud et consorts ? L’avenir institutionnel, politique et économique de la Nouvelle-Calédonie est un sujet sensible et d’importance ; il mérite mille fois mieux que cette obstruction. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur quelques bancs des groupes DR, Dem et HOR. – M. le rapporteur applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Cette motion de rejet, vous l’avez bien compris, est une réponse politique à une démarche politique visant à torpiller le débat qui s’était engagé lundi en commission des lois – débat vif mais assez serein, portant sur vingt-trois amendements. La conférence des présidents est convenue hier matin qu’un vote solennel aurait lieu à l’issue des débats ; après quoi nous avons vu arriver sur la base Eloi, sortis du chapeau, des centaines et des centaines d’amendements, déposés à des fins d’obstruction parlementaire.
Chacun est bien évidemment libre de ses choix dans le cadre des pratiques démocratiques et constitutionnelles…
M. Bastien Lachaud
Ah ! Merci, monsieur le rapporteur !
M. Philippe Gosselin, rapporteur
…et je considère comme conforme au droit tout ce qui relève de l’exercice des pouvoirs que la Constitution confère aux parlementaires.
Mais vous utilisez à des fins politiques une procédure qui, me semble-t-il, est destinée à autre chose. (Exclamations sur les bancs du groupe EcoS.) Nous aussi, nous faisons de la politique ; ce que je vous reproche, c’est de faire de la politique nationale…
M. Alexis Corbière
C’est l’inverse !
M. Jean-Victor Castor
Vous êtes responsables de cette situation !
M. Philippe Gosselin, rapporteur
…sur un sujet qui, depuis plusieurs dizaines d’années – depuis l’accord de Nouméa et avant lui les accords de Matignon –, en était justement déconnecté. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
Mme Danièle Obono
La Constitution, cela concerne tout le monde !
M. Philippe Gosselin, rapporteur
Le Parlement a, jusqu’ici, été le greffier des accords. S’ils ne sont pas unanimes, les acteurs du territoire de la Nouvelle-Calédonie sont, dans une très large majorité, en faveur du report des élections.
M. Jean-Victor Castor
C’est à géométrie variable !
M. Philippe Gosselin, rapporteur
L’essentiel n’est pas dans ce report mais dans le débat sur les questions institutionnelles qui pourra s’ensuivre, débat qui se fera sur la base de l’accord de Bougival. Cet accord est sans aucun doute à parfaire et à compléter ; personne ne souhaite aller à marche forcée.
En réponse à cette stratégie d’obstruction, nous sommes donc contraints de recourir à une motion de rejet préalable. Nous aurions préféré l’éviter ; elle permettra cependant de respecter la volonté que le Congrès de la Nouvelle-Calédonie et la très grande majorité des acteurs politiques de ce territoire ont clairement exprimée. En tant que rapporteur de la proposition de loi, il me semble donc légitime de voter cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, DR et Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
M. Florent Boudié, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
Depuis le printemps 2024, la Nouvelle-Calédonie vit une crise d’une exceptionnelle gravité.
M. Antoine Léaument
La faute à qui ?
M. Florent Boudié, président de la commission des lois
Au cœur de cette crise se trouve la question du corps électoral.
M. Antoine Léaument
Ah ça ! Il fallait nous écouter !
M. Florent Boudié, président de la commission des lois
Nous en connaissons déjà le bilan : quinze morts, des centaines d’entreprises détruites, des populations déplacées dans l’île elle-même, d’autres qui ont dû la quitter pour l’Hexagone et des conditions économiques et sociales particulièrement difficiles pour nos compatriotes calédoniens.
Dans ce contexte, il a fallu retisser le dialogue civique ainsi que les conditions de la paix civile. Ce fut le travail de Manuel Valls, alors ministre des outre-mer, comme c’est maintenant le vôtre, madame la ministre, depuis votre prise de fonction le 12 octobre.
L’enjeu est double : reconstruire l’île sur le plan économique et social ; y créer les conditions, non seulement de la paix civile, mais aussi d’un avenir institutionnel.
Alors que chaque mot compte, alors que la situation est extrêmement fragile, alors que le contexte est friable et que le dialogue est précaire, que faites-vous, chers collègues de La France insoumise ? Vous ne cherchez qu’à jeter de l’huile brûlante sur une situation déjà inflammable.
Mme Mathilde Panot
C’est vous qui passez en force !
M. Florent Boudié, président de la commission des lois
C’est une erreur politique – et c’est irresponsable ! ( A pplaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
Mme Mathilde Panot
Les irresponsables, c’est vous ! Vous n’écoutez jamais aucun avertissement ! (Vives protestations sur plusieurs bancs.)
M. Laurent Croizier
Nous sommes à l’Assemblée nationale, pas dans une AG !
M. Florent Boudié, président de la commission des lois
Le chiffre que vous avez annoncé, madame la ministre, est en dessous de la réalité : ce sont 1 631 amendements qui ont été déposés – une véritable obstruction.
Cette motion de rejet – et nous en sommes désolés – est la seule façon de laisser au projet d’accord de Bougival…
M. Antoine Léaument
Ah, voilà : vous l’avouez !
Mme Mathilde Panot
Il n’y a pas d’accord de Bougival !
M. Florent Boudié, président de la commission des lois
…la possibilité de prospérer dans le dialogue entre les acteurs calédoniens, avec ce tiers de confiance que l’État Français – notamment le gouvernement –, dans la situation actuelle, doit demeurer. En tant que président de la commission des lois, je dois redire que cette motion de rejet – chacun l’a compris – n’est pas une motion de rejet de la proposition de loi organique, mais le rejet d’une obstruction et d’un blocage indécents. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur plusieurs bancs du groupe HOR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Naïma Moutchou, ministre
Je donnerai à cette motion de rejet préalable un avis de sagesse appuyé (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP) – il ne s’agit pas d’un rejet du texte mais d’un rejet de cette manœuvre d’obstruction qui nous conduirait clairement à une impasse vis-à-vis des Calédoniens.
M. Thibault Bazin
Eh oui !
Mme Naïma Moutchou, ministre
Je tiens à remercier les députés Caure et Metzdorf de cette initiative courageuse et nécessaire : nous devons faire avancer les choses.
Mme Sandra Regol
Cela n’a rien de courageux !
Mme Naïma Moutchou, ministre
Rendons-nous bien compte que, sur le sujet de la Nouvelle-Calédonie, c’est la première fois que nous assistons à ce type de blocage organisé.
Mme Sandra Regol
Ce n’est pas la première fois !
Mme Naïma Moutchou, ministre
L’Assemblée nationale et le Sénat ont toujours tenu, avec honneur, à débattre de ces sujets. Pour la première fois, aujourd’hui, il en est autrement – c’est ce qui nous conduit à cette motion de rejet préalable.
Je m’en étonne, car vous avez souvent le mot de « démocratie » à la bouche. Je sais que vous y être attachés ; alors de quoi avez-vous peur ? J’entends les uns et les autres s’exprimer, avec quelques éléments de fond : retirez donc vos amendements, madame la présidente Panot, nous avons le temps d’en discuter !
Mme Mathilde Panot
Renoncez à votre passage en force !
Mme Naïma Moutchou, ministre
Ayons ce débat, convictions contre convictions ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur quelques bancs du groupe HOR.) Est-ce du processus démocratique que vous avez peur ? On ne peut pas prétendre que le report des élections est antidémocratique quand on n’accepte pas que la démocratie s’exerce, ici même, en son lieu. Il y a là quelque chose d’assez insaisissable – ou de pas si insaisissable que cela, puisqu’en réalité vous instrumentalisez ce sujet. Ce n’est pourtant pas un sujet parisien et on ne saurait le réduire à des logiques de partis. Cette attitude n’est pas à la hauteur.
Mme Mathilde Panot
C’est vous qui n’êtes pas à la hauteur !
Mme la présidente
S’il vous plaît, madame Panot !
Mme Naïma Moutchou, ministre
Le dossier calédonien s’est toujours élevé au-dessus des enjeux purement hexagonaux : c’est ce qui a permis de le faire avancer.
La discussion ne s’est pas arrêtée, même s’il est vrai qu’elle peut connaître des moments de pause, ou avancer un peu moins vite. (M. Matthias Tavel s’esclaffe.) Ma porte est toujours ouverte et je ferai en sorte que tout le monde revienne à la table des discussions, du moment qu’il est possible d’avancer. L’obstruction, en revanche, n’est clairement pas une opinion : laissons la démocratie s’exprimer dans cette assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur quelques bancs du groupe LIOT.)
Mme la présidente
Nous en venons aux explications de vote. (M. Philippe Bonnecarrère brandit le règlement de l’Assemblée.)
La parole est à M. Paul Molac.
M. Paul Molac (LIOT)
Nous sommes particulièrement mal à l’aise avec ce texte. Prenant prétexte d’une obstruction parlementaire – j’en ai vu d’autres dans cet hémicycle –, vous en oubliez l’essentiel. Et l’essentiel, c’est qu’il est loin d’être certain que vous parveniez, en juin prochain, à obtenir une révision constitutionnelle, une loi organique et un référendum en Nouvelle-Calédonie, qui permettraient – éventuellement – de régler le problème.
M. Jean-Victor Castor
Exactement !
M. Paul Molac
Surtout, nous voyons bien que chacun attend le report pour essayer d’avoir un nouveau corps électoral lui permettant, à un moment donné, d’être majoritaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.)
Il y a donc là derrière un certain nombre de combines électorales, ce qui me gêne considérablement. Cela me gêne d’autant plus que, lors des derniers débats que nous avons eus sur la Nouvelle-Calédonie, j’avais appelé votre attention sur les risques d’embrasement ; on m’avait alors expliqué que je ne devais pas m’inquiéter et que tout était sous contrôle – on a vu que ce n’était pas le cas. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs des groupes SOC et GDR.)
Mme Mathilde Panot
Exactement !
M. Paul Molac
Je suis gêné de devoir décider à la place des Calédoniens. Cela leur revient. Dans l’esprit de la Nouvelle-Calédonie Kanaky, on ne peut qu’aller ensemble, du même pas, avec l’accord de tous – c’est la seule façon de régler les choses. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe SOC.)
La façon qui est la nôtre en France hexagonale – une majorité qui décide et une minorité qui se plie – ne marche pas là-bas. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et SOC ainsi que sur les bancs du groupe GDR.) Il faut le comprendre ! Vous avez en effet, là-bas, un peuple premier et d’autres qui sont venus – tout à fait légitimes, là n’est pas la question. La question, en revanche, est de savoir comment nous pouvons marcher ensemble et ne pas donner l’impression de favoriser un clan au détriment d’un autre ; nous aboutirons, sinon, au désordre. Le problème est bien un problème politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP, sur quelques bancs du groupe EcoS et sur les bancs du groupe GDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Emmanuel Tjibaou.
M. Emmanuel Tjibaou (GDR)
Je suis assez effaré de la teneur des propos que j’entends. Qui, dans cette assemblée, était à Bougival ? J’y étais ; je sais ce que j’y ai dit et ce qu’y a dit le premier ministre. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP et EcoS.) N’essayez donc pas de nous faire passer pour ce que nous ne sommes pas.
Nous avons signé un document qui nous a été présenté comme un projet d’accord. À quel titre voudrait-on maintenant mettre sur la table une proposition de report des élections provinciales qui reviendrait à considérer cet accord comme acquis ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP et sur les bancs du groupe EcoS.) Il a été publié au Journal officiel sans la mention des signataires et sans que ne soit mentionnée sa nature de projet.
Mme Sandra Regol et M. Alexis Corbière
Exactement !
M. Emmanuel Tjibaou
Vous ne pouvez pas nous donner des leçons alors que vous n’étiez pas là, quand, moi, j’y étais. Je sais ce que le ministre a dit au nom de l’État et de la représentation nationale. Ne tentez donc pas d’interpréter, en l’inversant, ce qui a été dit par le représentant de l’État.
M. Pierre Cordier
Ce n’est pas cela le sujet ; ce sont les amendements !
M. Emmanuel Tjibaou
Nous n’avons qu’une seule parole, et nous l’avons tenue ; c’est l’État qui a manqué à la sienne – c’est sa parole qui, aujourd’hui, est remise en question. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et LFI-NFP, sur quelques bancs du groupe SOC ainsi que sur les bancs du groupe EcoS.)
Il faut donc faire attention à ce que nous faisons. À chaque décision prise, ici, par l’Assemblée, nous jouons, là-bas, notre vie. Ce texte alimente de nouveau la tension, la fébrilité et les frustrations. Voilà pourquoi il faut redonner la parole au peuple : c’est l’assise même de la démocratie. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP et EcoS.)
Les mandats courent depuis bientôt sept ans, à force de report des élections. Nous demandons donc la tenue des élections provinciales, afin de conforter l’assise de ceux qui sont autour de la table et pour que ces derniers puissent ainsi mener à bien les discussions institutionnelles sur la sortie de l’accord de décolonisation. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP et EcoS.)
Mme la présidente
Je rappelle à M. Bonnecarrère qu’il ne peut y avoir de rappel au règlement durant les explications de vote.
La parole est à Mme Sophie Ricourt Vaginay.
Mme Sophie Ricourt Vaginay (UDR)
L’UDR votera la motion de rejet préalable : nous refusons l’obstruction systématique venue de l’extrême gauche (« Il n’y a pas d’extrême gauche ici ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP) qui détourne ce débat essentiel de son véritable objet, l’avenir de la Nouvelle-Calédonie.
L’UDR aurait souhaité un débat démocratique, lucide et engagé, à la hauteur du moment que vivent nos compatriotes calédoniens. Chacun le sait, la Nouvelle-Calédonie traverse une période décisive de son histoire. Ce débat méritait le respect, l’écoute et la gravité. Il méritait que l’on parle des faits, des perspectives et de l’avenir commun – non que l’on en fasse une tribune idéologique. C’est pourtant à une manœuvre d’obstruction que nous assistons depuis le début de cette séance, portée par une volonté de bloquer le débat et le travail parlementaire, une volonté d’empêcher toute avancée constructive.
L’UDR refuse cette logique du chaos, elle refuse que le Parlement soit pris en otage par ceux qui préfèrent le vacarme au débat. La Nouvelle-Calédonie mérite mieux et c’est pourquoi nous voterons pour la motion de rejet préalable, contre l’obstruction et pour la dignité du débat démocratique. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Yoann Gillet.
M. Yoann Gillet (RN)
Nous refusons que la Nouvelle-Calédonie soit empêchée d’être ce qu’elle devrait naturellement être : un relais de puissance pour la France dans le Pacifique, un creuset de prospérité et de stabilité pour toute la région.
M. Alexis Corbière
Naturellement…
M. Yoann Gillet
Si la France assumait pleinement sa responsabilité et sa vision stratégique, la Nouvelle-Calédonie serait un moteur, non un champ de ruines.
Cette proposition de loi organique visant à reporter une nouvelle fois – une troisième fois – les élections provinciales ne répond ni aux besoins du territoire ni à l’exigence de légitimité démocratique. Soyons sérieux, madame la ministre : reporter les élections de deux ans ? Pourquoi ne pas les supprimer, tant qu’on y est ?
M. Jean-Paul Lecoq
Ils en rêvent !
M. Yoann Gillet
Sans élus légitimes, sans institutions respectées, sans une économie solide capable de créer des emplois et de soutenir la population, nous ne pourrons construire aucune stabilité politique, aucun avenir durable dans ce territoire français. Seule une prospérité partagée, fondée sur la vitalité économique et sur la solidité des institutions, permettra une adhésion durable des Calédoniens à la France.
Les gouvernements successifs, aveugles aux risques et incapables d’anticiper les conséquences, ont précipité le territoire dans une instabilité profonde. Marine Le Pen avait d’ailleurs prévenu le gouvernement de l’époque des risques que le calendrier proposé faisait peser sur le territoire. (« Ah ! » sur plusieurs bancs.)
M. Antoine Léaument
Ce n’est pas vrai !
M. Yoann Gillet
Mais nos alertes sont restées sans réponse, et le territoire a sombré dans le chaos. Or vous êtes prêts à renouveler cette erreur !
Parallèlement à cette inconséquence, les Insoumis ont choisi de pratiquer l’obstruction en déposant plus de 1 600 amendements, empêchant les discussions d’aboutir, non pas pour défendre un point de vue sur le fond, mais pour entretenir le chaos, nourrissant ainsi leur fonds de commerce en Nouvelle-Calédonie, comme dans le reste du territoire national.
Le Rassemblement national, fidèle à sa position, votera pour la motion de rejet préalable. Il plaide pour un projet capable d’unir toute la population : un véritable plan de relance et de confiance économique s’inscrivant dans la durée et étant en mesure de rassembler toutes les forces vives du territoire autour d’objectifs concrets. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Danièle Obono
Vous êtes la béquille de Macron !
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Metzdorf.
M. Nicolas Metzdorf (EPR)
Évidemment, le groupe Ensemble pour la République votera pour la motion de rejet. J’aimerais profiter de ces deux minutes pour m’adresser à mon collègue de Nouvelle-Calédonie, M. Tjibaou, pour qui j’ai énormément de respect.
Nous sommes deux, dans cette salle, à avoir été à Bougival. Je ne reviendrai pas sur la façon dont nous interprétons ce que nous nous sommes dit. Je retiens simplement qu’en nous rendant là-bas avec nos délégations, nous avons avancé comme personne ne l’avait fait depuis sept ans. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem ainsi que sur quelques bancs des groupes DR et LIOT.)
Nous avons accepté des choses que nous, les non-indépendantistes, n’aurions jamais imaginé accepter : un État dans l’État, une nationalité calédonienne dépendante de la nationalité française, une loi fondamentale inscrite dans la Constitution de la République française. Nous avons eu beaucoup de mal à l’expliquer à nos militants, à nos adhérents, à nos électeurs – mais nous l’avons fait pour le bien de la Nouvelle-Calédonie.
Nous sommes conscients que rien ne se fera les uns sans les autres puisqu’il y a 50 % d’indépendantistes et 50 % de non-indépendantistes – en conséquence, personne n’obtiendra une solution idéale dans cinq ans.
S’il faut encore prendre le temps de rediscuter, d’amender, de préciser afin qu’un maximum de personnes adhèrent à l’accord de Bougival – ou à un accord consensuel, quel qu’il soit –, alors, prenons ce temps.
Mme Sabrina Sebaihi
Mais, là, c’est un passage en force !
M. Nicolas Metzdorf
Je le répète, en quelques semaines, nous avons avancé comme personne. En décalant les élections provinciales, donnons-nous le temps nécessaire. Vous le savez très bien, ces élections ouvriront le débat sur le corps électoral. Les positions politiques vont se radicaliser ; nous allons encore perdre du temps.
La Calédonie a-t-elle encore du temps, quand elle a déjà perdu 20 % de son PIB ? Cher collègue Tjibaou, je vous invite – et j’invite l’Assemblée nationale – à nous aider à poursuivre les négociations. Nous, les non-indépendantistes, y sommes prêts parce que nous voulons, à tout prix, le bien-être de la Nouvelle-Calédonie. Pensons aussi à l’image de la France. (Les députés du groupe EPR se lèvent pour applaudir ainsi que plusieurs députés du groupe Dem et quelques députés des groupes HOR et LIOT.)
Mme la présidente
La parole est à M. Bastien Lachaud.
M. Bastien Lachaud (LFI-NFP)
Voici venus les grands chantres de la démocratie : ils veulent reporter les élections pour la troisième fois, prolonger des mandats, déjà prolongés deux fois, d’au moins sept mois encore, afin de maintenir en poste des élus dont la légitimité s’effrite avec le temps – dans l’espoir, peut-être, d’aboutir enfin à un accord.
Voici venus les grands chantres de la démocratie : ils veulent à tout prix éviter les élections. « Surtout, ne votons pas : c’est plus démocratique ainsi ! » La vérité, c’est qu’ils ont peur du résultat. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et GDR.) Le corps électoral, dégelé, leur est pourtant favorable en théorie, mais ils ont largement perdu les élections législatives de juin 2024 puisque les indépendantistes ont 10 000 voix d’avance.
Voici venus les grands chantres de la démocratie : ils ne veulent ni débattre, ni discuter, ni argumenter – ils ne prennent même pas la peine d’entendre une voix qui ne leur convient pas. Alors ils activent un 49.3 parlementaire – une motion de rejet – sur leur propre texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Depuis l’examen de la proposition de loi Duplomb, on connaît la chanson : CMP, vote final, sans amendement ni débat. C’est un passage en force chimiquement pur !
Mme Sandra Marsaud
Retirez vos amendements !
M. Bastien Lachaud
Ces grands démocrates viennent nous expliquer que, bien sûr, tout cela se fait au nom de la démocratie.
Voici venus les grands chantres de la démocratie : on ne discute pas, on ne débat pas, on ne prend pas le temps d’argumenter ; on passe en force, on écrase, on impose ! Vous transformez le consensus de Nouméa en consensus majoritaire (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe GDR) ; vous rompez le consensus national. C’est totalement irresponsable de votre part ! (Mêmes mouvements.)
Le premier ministre Lecornu l’a annoncé, ici, il y a moins d’une semaine : il souhaite une discussion sur le projet de loi constitutionnelle avant la fin de l’année 2025 – le texte a déjà été présenté en Conseil des ministres. Qui peut croire qu’il reste encore du temps – et une volonté politique – pour discuter, amender, aménager ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) La prochaine étape du passage en force est déjà en route.
Pour vous, la démocratie n’est pas l’expression de la souveraineté populaire par le vote ; la démocratie, c’est quand cela vous arrange, quand le résultat vous convient ! (Exclamations sur les bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
Merci, cher collègue.
M. Bastien Lachaud
La Kanaky-Nouvelle-Calédonie mérite mieux que ces basses manœuvres et ces artifices de procédure parlementaire… (Le temps de parole étant écoulé, la présidente coupe le micro de l’orateur. – Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent pour applaudir ce dernier.)
Mme la présidente
La parole est à M. Arthur Delaporte.
M. Arthur Delaporte (SOC)
L’examen de 1 600 amendements aurait empêché le débat ; une motion de rejet préalable l’empêchera également, et c’est regrettable. Néanmoins, disons-le clairement, car des incompréhensions persistent : ce texte n’est pas un passage en force sur une réforme constitutionnelle. (M. Jacques Oberti applaudit.) Ce n’est pas ce que vous avez tenté de faire il y a deux ans, qui avait mis le feu aux poudres et conduit, chers collègues macronistes, la Nouvelle-Calédonie dans la situation où elle se trouve et dont vous êtes responsables.
Il n’y aura pas de passage en force, car l’accord de Bougival – tel que vous l’appelez, tel que la proposition de loi le nomme – n’est pas adopté. Il doit être rediscuté – tout doit être rediscuté, puisque l’objectif, c’est le consensus.
Les socialistes ont toujours été les garants du consensus dans le processus calédonien ; nous ne laisserons personne passer en force et nous serons attentifs à ce que les arguments défendus par le FLNKS soient entendus dans la poursuite du processus de discussion. (M. Davy Rimane s’exclame.)
S’agissant du report des élections – car c’est uniquement de cela qu’il est question aujourd’hui –, il n’y a jamais de solution simple. Reporter une élection est toujours un crève-cœur démocratique.
M. Jean-Victor Castor
Reporter une nouvelle fois !
M. Arthur Delaporte
Les reporter une troisième fois – les deux fois précédentes, le FLNKS avait approuvé le report et aujourd’hui, une partie des indépendantistes approuve cette décision et la majorité du Congrès l’approuve aussi –…
M. Antoine Léaument
Mais pas le FLNKS !
M. Arthur Delaporte
…est simplement un moyen de chercher à aboutir à cet accord que nous désirons tant. S’il n’y a pas d’accord, alors les élections se dérouleront avec le corps électoral actuel puisqu’il n’y aura pas de dégel du corps électoral sans accord.
Notre objectif n’est pas tant ce dégel que l’existence d’un avenir institutionnel pour la Nouvelle-Calédonie. C’est le combat des socialistes pour les Calédoniens. C’est le moins que nous leur devons, dans un objectif de dignité collective. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Émilie Bonnivard.
Mme Émilie Bonnivard (DR)
Le groupe Droite républicaine votera en faveur de la motion de rejet préalable, non pour bloquer le débat, mais pour le sauver.
Nous regrettons que La France insoumise ait choisi l’obstruction et la paralysie au détriment de l’intérêt général de tous les Calédoniens. Nous, nous faisons le choix de la responsabilité car, un an et demi après les émeutes de 2024, les séquelles sont toujours là, bien réelles, douloureuses, fragilisant encore très fortement le territoire, son économie et toute sa population.
Face à cette réalité, le report des élections provinciales au 28 juillet 2026 n’est pas une option, c’est une nécessité absolue : une nécessité pour éviter un scrutin dans un climat potentiellement explosif ; une nécessité pour donner au territoire le temps de panser ses plaies.
Il s’agit aujourd’hui non pas de voter pour ou contre l’accord de Bougival – cela ne relève pas de notre compétence – mais simplement de permettre à la parole politique de se parfaire, d’être amendée, expliquée, comprise et acceptée.
C’est pourquoi, je le répète, nous soutiendrons cette motion de rejet, non par opposition au texte – que nous soutenons pleinement –, mais pour le protéger des postures idéologiques qui mettent en péril la stabilité du territoire alors que cette proposition de loi organique permet d’éviter une nouvelle crise et respecte le processus démocratique tout en garantissant la stabilité institutionnelle.
M. Vincent Descoeur
Exactement !
Mme Émilie Bonnivard
La Droite républicaine, fidèle à son histoire, est au rendez-vous. Nous assumons notre choix parce que les Calédoniens méritent notre détermination, parce que la Nouvelle-Calédonie n’est pas un terrain d’expérimentation politicienne, parce que sa population mérite notre confiance et notre détermination à l’accompagner vers un avenir apaisé. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sabrina Sebaihi.
Mme Sabrina Sebaihi (EcoS)
Comme lors de l’examen de la proposition de loi Duplomb, vos petites manœuvres ne trompent personne. Plutôt que d’assumer les débats, d’ouvrir la parole et de chercher le consensus, vous jouez la montre et utilisez une motion de rejet pour bâillonner l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et GDR. – Exclamations sur les bancs du groupe EPR.)
M. Laurent Croizier
Toujours dans la nuance…
Mme Sabrina Sebaihi
En agissant ainsi, vous manquez de respect au territoire, aux Calédoniens et aux Kanaks. Par cette manœuvre, vous voulez confier l’avenir d’un peuple à un petit salon parlementaire – la commission mixte paritaire – où vous êtes les seuls à avoir l’avantage, afin d’écrire le texte qui vous convient, pour obtenir le résultat que vous souhaitez. Ainsi, vous passez une nouvelle fois en force. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP et GDR.)
Votre choix politique est clair : vous préférez verrouiller la procédure plutôt que construire le consensus ; vous préférez protéger les intérêts loyalistes plutôt qu’écouter l’ensemble des populations concernées. Par vos manœuvres, vous choisissez les colons contre les colonisés, et vous le faites au nom d’un prétendu ordre républicain que vous trahissez par vos méthodes. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP et GDR. – Protestations sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs des groupes RN et EPR.)
Mme Sandra Marsaud
Ces propos sont honteux !
Mme Sabrina Sebaihi
C’est donc sans surprise que le Rassemblement national soutient le socle commun sur cette motion de rejet. Ce n’est pas anodin et cela aura des conséquences réelles et dangereuses sur le terrain : une aggravation des tensions, une perte de confiance et le délitement du fragile équilibre que l’accord de Nouméa avait tenté d’instaurer.
La République n’a pas à imposer ses décisions dans l’opacité. Elle doit les construire avec celles et ceux qu’elles concernent. Or ce texte est la première étape du projet d’accord de Bougival, et il n’y a pas de consensus sur ce projet – encore moins sur le dégel du corps électoral.
Ce troisième report vise uniquement à obtenir le corps électoral qui vous convient, pour obtenir le résultat qui vous convient. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.) Nous ne serons pas les complices de cette manœuvre.
M. Pierre Cordier
Et la vôtre, de manœuvre ?
Mme Sabrina Sebaihi
Nous refusons ce détournement. Je vous rappelle qu’adopter une motion de rejet préalable signifie que l’on s’oppose au texte.
Un député du groupe RN
Pas du tout !
Mme Sabrina Sebaihi
J’espère que vous assumerez votre vote et que vous ne convoquerez pas la commission mixte paritaire si cette motion est adoptée. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS, LFI-NFP et GDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Éric Martineau.
M. Éric Martineau (Dem)
Nous devions examiner un texte essentiel pour la Nouvelle-Calédonie, visant à garantir la stabilité institutionnelle, à permettre la sérénité du dialogue et à rendre possible la mise en œuvre de l’accord de Bougival – ce compromis que chacun ici devrait respecter.
Malgré les divergences – elles aussi doivent être respectées –, cet accord représente un pas historique vers une solution politique pérenne et stable pour le territoire. Et pourtant, que constatons-nous ? Une avalanche d’amendements – près de 2 000 – déposés par un seul groupe, connu pour son esprit constructif et respectueux. (Sourires.)
Chers collègues de La France insoumise, vos amendements n’ont pas été déposés pour enrichir le débat, ni pour améliorer le texte, mais pour empêcher le Parlement de travailler !
M. Philippe Vigier
Eh oui !
M. Éric Martineau
Il y a des jours où j’ai honte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.) Honte, oui, car votre groupe nous propose de reporter les élections au 1er décembre ou au 2, ou au 3, au 4, au 5, au 6, voire au 25 décembre ou au 1er janvier ! (Mme Mathilde Panot s’exclame.)
Mme la présidente
S’il vous plaît !
M. Éric Martineau
Cela pourrait prêter à sourire, si ces manœuvres ne mettaient pas en péril la paix civile en Nouvelle-Calédonie. C’est une stratégie d’obstruction assumée, revendiquée, et dangereuse.
Chers collègues de La France insoumise, quand vous transformez l’Assemblée nationale en champ de bataille procédural, ce n’est pas le gouvernement que vous empêchez d’agir, c’est la République que vous paralysez et l’Assemblée nationale que vous ridiculisez. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et EPR.)
Cette proposition de loi organique vise à rétablir la paix, la confiance, la cohésion d’un territoire déjà meurtri – par les tensions, par les morts aussi. (M. Antoine Léaument s’exclame.)
Chers collègues de La France insoumise, la démocratie, ce n’est pas le vacarme des procédures ; c’est la délibération sincère, l’écoute mutuelle, la responsabilité collective.
Aujourd’hui, il n’y a d’autre choix que de mettre fin à cette obstruction et la seule manière d’y parvenir, c’est de voter la motion de rejet. Nous ne refusons pas le débat ; au contraire, nous voulons nous concentrer sur l’essentiel : l’avenir de la Nouvelle-Calédonie. Croyez-le bien, nous sommes sincères. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem ainsi que sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean Moulliere.
M. Jean Moulliere (HOR)
Notre groupe s’oppose traditionnellement aux motions de rejet préalable, considérant que notre assemblée s’honore en débattant, quelles que soient les positions respectives de chacun. (« Ah ! » sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Antoine Léaument
C’est bien ! Bravo !
M. Jean Moulliere
Toutefois, chaque règle a ses exceptions – et l’obstruction dont ce texte fait l’objet en est une.
M. Antoine Léaument
Ah !
M. Jean Moulliere
Notre assemblée aurait dû se mettre d’accord sur une chose au moins, cet après-midi : l’importance de nos débats. Nous aurions espéré que ceux-ci puissent se tenir en ayant à cœur le seul intérêt calédonien – loin des manœuvres scandaleuses visant à refuser le débat. Les plus de 1 600 amendements déposés par La France insoumise sur ce texte de trois articles témoignent de sa volonté d’obstruer les débats. (« Eh oui ! » sur quelques bancs du groupe HOR.)
Contrairement aux mélenchonistes qui n’aiment pas la démocratie, les Calédoniens ont eu le courage de se remettre à la table des négociations, moins d’un an après la crise de 2024. Ce courage a permis d’aboutir à une issue favorable, à la hauteur de l’histoire : l’accord de Bougival.
M. Antoine Léaument
Il n’y a pas d’accord !
M. Jean Moulliere
Outre le fait qu’elles honorent la République tout entière, les avancées significatives de ces négociations justifient un nouveau report des élections. Seul celui-ci permettra de poursuivre le travail afin d’expliquer, de débattre, de surmonter les désaccords qui ont pu émerger depuis et, ainsi, de permettre à l’accord de se concrétiser.
Notre groupe a conscience que les élections provinciales ont déjà été reportées à deux reprises. Il convient toutefois de souligner que le gel du corps électoral, qui remonte à 1998, conduit à exclure aujourd’hui près d’un cinquième des électeurs des listes électorales. C’est à cet enjeu ainsi qu’à beaucoup d’autres qu’ont répondu les forces politiques calédoniennes, cet été. Le report des élections provinciales proposé par le présent texte vise à leur laisser le temps suffisant pour mettre en œuvre les solutions trouvées à Bougival.
Un débat apaisé et à la hauteur des enjeux étant impossible, le groupe Horizons & indépendants votera pour la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et EPR. – M. le rapporteur applaudit également.)
Mme la présidente
Sur la motion de rejet préalable, je suis saisie par les groupes Ensemble pour la République et de la Gauche démocrate et républicaine de demandes de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je propose, chers collègues, que nous procédions immédiatement au scrutin.
Il n’y a pas d’opposition ?…
Je mets donc aux voix la motion de rejet préalable.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 373
Nombre de suffrages exprimés 362
Majorité absolue 182
Pour l’adoption 257
Contre 105
(La motion de rejet préalable est adoptée.)
Mme la présidente
En conséquence, la proposition de loi organique est rejetée.
3. Ordre du jour de la prochaine séance
Mme la présidente
Prochaine séance, demain, à neuf heures :
Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, de la proposition de loi modifiant la définition pénale du viol et des agressions sexuelles.
La séance est levée.
(La séance est levée à seize heures cinq.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra