Deuxième séance du jeudi 30 octobre 2025
- Présidence de M. Christophe Blanchet
- 1. Rétablissement du délit de séjour irrégulier
- M. Laurent Nuñez, ministre de l’intérieur
- Discussion des articles
- Article unique
- Mme Marine Le Pen
- M. Charles Sitzenstuhl
- M. Bastien Lachaud
- Mme Colette Capdevielle
- M. Jean-Pierre Vigier
- Mme Léa Balage El Mariky
- M. Éric Martineau
- Mme Elsa Faucillon
- Mme Sylvie Josserand, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
- Amendements nos 2, 4, 6, 11, 44, 76 et 86
- Suspension et reprise de la séance
- Rappel au règlement
- Après l’article unique
- Suspension et reprise de la séance
- Article unique
- 2. Information sur l’origine des denrées alimentaires par l’étiquetage
- Présentation
- Discussion générale
- Discussion des articles
- Article 1er
- Rappel au règlement
- Article 1er (suite)
- Amendement no 1
- Article 1er bis
- Suspension et reprise de la séance
- Après l’article 1er bis
- Amendement no 3
- Sous-amendements nos 14 et 17 rectifié
- Rappel au règlement
- Après l’article 1er bis (suite)
- Sous-amendement no 10
- Rappel au règlement
- Après l’article 1er bis (suite)
- Rappel au règlement
- Après l’article 1er bis (suite)
- Suspension et reprise de la séance
- Rappels au règlement
- Après l’article 1er bis (suite)
- Rappels au règlement
- Après l’article 1er bis (suite)
- Amendement no 4
- Sous-amendement no 15
- Rappel au règlement
- Après l’article 1er bis (suite)
- Sous-amendements nos 29, 26, 16 et 11
- Rappel au règlement
- Après l’article 1er bis (suite)
- Amendement no 5
- Sous-amendements nos 34 et 25 rectifié
- Suspension et reprise de la séance
- Rappels au règlement
- Après l’article 1er bis (suite)
- Sous-amendement no 12
- Rappel au règlement
- Après l’article 1er bis (suite)
- Article 2
- Article 3
- Rappel au règlement
- Article 3 (suite)
- Seconde délibération
- Explications de vote
- Explications de vote (suite)
- Vote sur l’ensemble
- 3. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de M. Christophe Blanchet
vice-président
M. le président
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1. Rétablissement du délit de séjour irrégulier
Suite de la discussion d’une proposition de loi
M. le président
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi visant au rétablissement du délit de séjour irrégulier (nos 1839, 1987).
Ce matin, l’Assemblée s’est arrêtée après la réponse de la rapporteure et du président de la commission des lois aux orateurs inscrits dans la discussion générale.
La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Laurent Nuñez, ministre de l’intérieur
Je souhaite à mon tour réagir en quelques minutes aux propos tenus ce matin dans la discussion générale, avant qu’on en vienne à l’examen de l’article unique.
Tout d’abord, j’ai entendu dire à plusieurs reprises que des personnes se retrouveraient en séjour irrégulier en raison du manque d’efficacité du travail des préfectures. Je tiens pourtant à saluer l’engagement de leurs agents, qui exercent leur fonction dans un contexte compliqué (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem. – Mme Léa Balage El Mariky et Mme Christine Pirès Beaune applaudissent également), en se fondant sur des textes dont le moins qu’on puisse dire est qu’ils sont très mouvants. Bien évidemment, nous renforçons les effectifs et améliorons le dispositif de traitement Anef – administration numérique pour les étrangers en France.
Par ailleurs, certaines interventions ont laissé penser que nous pourrions revenir, à l’occasion de cette discussion, sur certaines dispositions concernant l’accès au séjour. Que les choses soient claires, il n’est pas dans mon intention de l’assouplir.
Mme Ségolène Amiot
On avait compris !
M. Laurent Nuñez, ministre
Je confirme que le dispositif proposé est conforme au droit européen. Mais s’il est conventionnel, il n’est absolument pas opérationnel. Le texte ne donne aucun pouvoir coercitif supplémentaire à nos forces de l’ordre, y compris par rapport à la procédure de retenue pour vérification du séjour – qui permet déjà de prendre des empreintes et des photos. Bien au contraire, et plusieurs intervenants l’ont relevé, le texte comporte un double risque : saturer les tribunaux judiciaires et détourner les forces de sécurité intérieure de leur mission principale, qui consiste surtout à lutter contre les filières illégales et contre la délinquance. C’est un danger réel.
Je ne reviens pas sur les chiffres que j’ai donnés ce matin, mais je confirme que l’outil du délit de séjour irrégulier, lorsqu’il existait, ne fonctionnait pas du tout. Il s’agit donc d’une mesure d’affichage : on parie sur son caractère dissuasif.
M. Richard Ramos
Pari perdant !
M. Laurent Nuñez, ministre
Je pense en effet que ce pari est perdu d’avance, et nos concitoyens doivent le savoir.
Dans le cadre de nos débats démocratiques, certains assument des postures idéologiques. Mais ce qui importe au ministre de l’intérieur et aux forces de sécurité intérieure dont il a la responsabilité, c’est le caractère opérationnel des dispositions adoptées et leur efficacité. À cet égard, je répète que le texte n’apporterait rien de plus en matière de pouvoir coercitif. L’important, c’est de pouvoir reconduire les étrangers en situation irrégulière, ce qui suppose de les identifier et de pouvoir exécuter les procédures, donc d’augmenter les places en CRA – les centres de rétention administrative –…
M. Antoine Léaument
Oh non !
M. Laurent Nuñez, ministre
…et de reconduire en priorité ceux des étrangers en situation irrégulière qui sont les plus dangereux. C’est ce qui est fait depuis 2022, les chiffres cités ce matin par M. le président de la commission des lois en témoignent. Ils sont en augmentation très significative : déjà plus 24 % de procédures d’éloignement depuis le début de cette année.
Au passage, je note que l’activité des forces de sécurité intérieure en matière de lutte contre l’immigration illégale est parfois méconnue. Dans la vraie vie, c’est la retenue pour vérification du droit au séjour qui permet d’identifier les personnes concernées, et c’est l’exercice de pouvoirs coercitifs à l’encontre des étrangers interpellés pour des délits de droit commun – garde à vue et accès, par exemple, à leur téléphonie ainsi qu’à d’autres d’éléments – qui permettra de les reconduire effectivement et efficacement quand ils sont en situation irrégulière, ce qui est le but ultime. C’est d’ailleurs pour cette raison que les textes européens s’opposent à ce que les États membres prévoient une peine d’emprisonnement pour sanctionner un tel délit : celle-ci constitue un frein et un obstacle à la reconduite effective, qui doit rester l’objectif principal,
Je vous parle comme ministre de l’intérieur, mais aussi comme ancien patron opérationnel. De grâce, n’alourdissez pas, par ce texte, le travail des forces de sécurité intérieure, ne les dispersez pas, et n’alourdissez pas non plus le travail des magistrats. Le rétablissement du délit de séjour irrégulier conduirait forcément à de tels dysfonctionnements, lesquels empêcheraient de mener une politique efficace contre l’immigration illégale. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem.)
M. Laurent Jacobelli
Courage, fuyons !
Discussion des articles
M. le président
J’appelle maintenant l’article unique de la proposition de loi dans le texte dont l’Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n’a pas adopté de texte.
Article unique
M. le président
La parole est à Mme Marine Le Pen.
Mme Marine Le Pen
Cela m’ennuie de vous entendre parler ainsi, monsieur le ministre, parce que s’il y a un sujet sur lequel vous ne devriez pas vous étendre, c’est bien celui de l’efficacité dans le domaine de la maîtrise de l’immigration et particulièrement de l’immigration clandestine.
Il y a trois raisons majeures de voter ce texte.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Rendez l’argent d’abord !
Mme Marine Le Pen
La première, c’est qu’il faut rétablir une cohérence entre la volonté populaire, dont je vous rappelle tout de même qu’elle est le fondement de la démocratie, et la loi. La volonté du peuple, c’est que ceux qui s’invitent chez nous, dans notre maison nationale, ceux qui squattent, en quelque sorte – on peut faire le parallèle –, soient bien conscients qu’ils commettent alors un délit. Et pour que ce soit entendu et compris, il faut d’abord que ce soit dit.
La deuxième, c’est que ce texte prévoit une peine complémentaire d’interdiction du territoire, mesure dont vous ne pouvez pas dire qu’elle serait inefficace. En tout cas, avec un autre gouvernement, elle serait beaucoup plus efficace.
Enfin, l’article 40 du code de procédure pénale serait rétabli en la matière, tous ceux qui tous les jours voient passer des gens qui violent la loi pouvant alors saisir le procureur, comme c’est le cas pour beaucoup d’autres délits.
Mme Léa Balage El Mariky
Voilà ce que vous êtes : des délateurs !
Mme Marine Le Pen
Ce sont trois excellentes raisons pour lesquelles il faut évidemment rétablir le délit de séjour irrégulier.
Les arguments contraires, je suis désolée de le dire, sont indigents. Je ne répondrai pas aux éructations de la gauche, car elles ne font plus florès depuis bien longtemps et personne ne les écoute plus. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe RN et sur plusieurs bancs du groupe UDR.) Mais j’ai entendu de la part du ministre deux arguments absolument piteux.
Le premier, c’est le nombre : il y a tellement de clandestins, preuve de l’inefficacité du système, qu’on ne va tout de même pas rétablir le délit parce que l’administration serait encore plus submergée de procédures. Mais nemo auditur propriam suam turpitudinam allegans (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe EcoS) – nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. Ce premier argument est la démonstration de votre faiblesse insigne à lutter contre l’immigration clandestine.
M. le président
Il faut conclure.
Mme Marine Le Pen
Dans ce cas, je dirai au ministre de l’intérieur qu’il est certes le premier des policiers, mais que si on organisait un référendum chez les forces de l’ordre pour savoir s’ils sont d’accord avec notre texte, je pense qu’on atteindrait 98 % d’approbation ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
À lire une certaine presse, il paraît que le Rassemblement national a changé, qu’il s’est même dédiabolisé. Ce que je constate, c’est qu’alors que l’on aurait pu parler, au cours de cette journée, d’industrie, d’artisanat, de transport, d’écologie, d’agriculture ou d’accès à l’eau, soit de nombreux problèmes qui concernent notre pays (Exclamations sur les bancs du groupe RN), le Rassemblement national monopolise cet hémicycle pour nous parler d’immigration. (Mêmes mouvements.) Chers collègues d’extrême droite, vous n’avez pas changé, vous êtes les mêmes, le Front national est toujours là, il subsiste ; le fantôme de Jean-Marie Le Pen est toujours bien présent dans vos rangs. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR et sur de nombreux bancs du groupe EcoS. – Exclamations continues sur les bancs du groupe RN.)
Sur le fond, l’argument central pour rejeter cette proposition de loi, c’est qu’elle ne sert absolument à rien et qu’elle va même rendre encore plus difficile le travail de nos policiers et de nos magistrats. La place d’un clandestin, d’un étranger qui est entré de façon irrégulière sur le territoire français, c’est dans un centre de rétention administratif. Les CRA existent, ils fonctionnent (Protestations sur les bancs du groupe RN), il ne sert absolument à rien de rajouter un délit supplémentaire. Bien au contraire, cela engendrerait davantage de paperasse et de bureaucratie pour les agents du ministère de l’intérieur et du ministère de la justice, produisant en réalité les effets inverses à ceux que vous recherchez. Tout cela ne permettra aucunement de réduire le nombre d’entrées illégales – l’expérience des années 2000 le confirme d’ailleurs. J’interviendrai à nouveau dans quelques instants avec d’autres arguments, mais de toute façon, votre texte ne sert à rien. Retirez-le et passons à autre chose ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
M. Laurent Jacobelli
Selon vous, il n’y a plus rien à faire !
M. le président
La parole est à M. Bastien Lachaud.
M. Bastien Lachaud
Étudiants, salariés, parents, conjoints… Voilà la réalité derrière la froide expression « sans-papiers », que les racistes de toutes catégories ressortent à fréquence régulière par pur intérêt électoral. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Retailleau, Philippe, Le Pen ou Zemmour : sous des bannières différentes, tous concourent au même but, jeter des centaines de milliers de personnes dans la misère et la précarité. Hier après-midi, cinq personnes avaient rendez-vous à ma permanence d’Aubervilliers, cinq femmes, toutes racisées, dont deux étudiantes, une salariée et une épouse de citoyen français, toutes en situation irrégulière ou sur le point de l’être, toutes ayant pourtant droit au séjour, toutes déjà titulaires d’un titre et ayant déposé leur dossier dans les temps. (Mêmes mouvements.) Mais la préfecture de Seine-Saint-Denis ne répondant pas, leur titre expirera dans quelques jours, si ce n’est déjà le cas ; avec cette expiration, tout peut basculer : perte de l’emploi, arrêt des études, perte de droits, effondrement d’une vie.
Voilà la réalité du séjour irrégulier : des existences brisées, non par fraude, mais par lenteur, par incurie administrative et par une politique de discrimination et d’exclusion. Chaque fin de semaine, à Aubervilliers et à Pantin, je vois ces mêmes visages, j’interpelle, j’écris, je relance… Rien ne change. Voilà ce que produit la politique déjà en vigueur, celle que vous voulez encore durcir : des droits bafoués et des vies suspendues à cause de l’incurie de l’administration et d’une politique de discrimination et d’exclusion. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Les rafles permanentes (« Oh ! » sur les bancs du groupe RN), l’État policier et le racisme d’État : voilà le programme politique du Rassemblement national, de ses supplétifs de droite et de ses imitateurs macronistes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)
À rebours de vos névroses, nous proposons tout l’inverse. Collègues, soyez à la hauteur de l’histoire : régularisez les travailleurs sans papiers, garantissez un service public du séjour fonctionnel, écartez sans trembler les propositions racistes du Rassemblement national ! Rejetez cet article ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à Mme Colette Capdevielle.
Mme Colette Capdevielle
J’ai eu l’honneur avec beaucoup d’autres ici, dont le président de la commission des lois, de voter en 2012 le texte actuel, avec un sacré esprit de responsabilité. Nous avions à l’époque tiré les conséquences de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne et lu l’étude d’impact faite par ces dangereux gauchistes du Conseil d’État (« En effet ! » sur les bancs du groupe RN) – ce que vous feriez bien de faire, chers collègues : ils écrivaient que l’existence de cette incrimination pénale était de nature à entretenir à l’égard de la population étrangère une suspicion de délinquance potentielle. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Nous avons été très fiers à l’époque de voter cette réforme.
L’autre raison de supprimer l’article unique est que l’infraction de séjour irrégulier ne reviendra pas dans notre droit.
M. Fabien Di Filippo
Il n’y a pas de droit à la clandestinité !
Mme Colette Capdevielle
Collègues d’extrême droite et de droite – qui ne faites qu’un depuis ce matin –, vous feignez de croire à son retour, mais c’est l’Arlésienne : elle ne revient jamais, et encore moins quand nous sommes là. (Exclamations puis rires sur les bancs du groupe RN.) Collègues de LR et d’Horizons, on ne combat pas l’extrême droite, comme vous prétendez le faire, en soutenant ses propositions de loi. On la combat en étant présent dès 9 heures du matin, pour s’opposer dès le début à son ordre du jour réservé. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NFP, EcoS et GDR.) On la combat en argumentant ici contre ses textes et non en en parlant sur les plateaux de télévision.
M. Laurent Jacobelli
C’est la gauche qu’il faut combattre !
Mme Colette Capdevielle
Enfin, comment certains osent-ils encore dire qu’ils sont républicains ? Ils se ridiculiseront devant toutes les instances européennes : ils savent bien que ce texte n’est pas conforme au droit européen. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Il est même crétin, (Les exclamations redoublent sur les mêmes bancs. – Applaudissements sur certains bancs du groupe EcoS) parce qu’il est inutile et inapplicable. Je me demande comment vous osez vous vautrer dans un tel populisme. (Le temps de parole étant écoulé, M. le président coupe le micro de l’oratrice. – Les députés du groupe SOC ainsi que quelques députés du groupe EcoS applaudissent cette dernière.)
M. le président
Il est à peine plus de 15 heures et nous allons passer la journée et la soirée ensemble. Je vous demande donc de faire preuve d’un peu de calme et de vous écouter les uns les autres, de telle sorte que ceux qui nous regardent puissent nous entendre correctement.
La parole est à M. Jean-Pierre Vigier.
M. Jean-Pierre Vigier
Je dis clairement que le rétablissement du délit de séjour irrégulier serait un choix de cohérence et de responsabilité. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.) Depuis sa suppression, en 2012, l’immigration irrégulière n’a cessé d’augmenter. On estime à plus de 700 000 le nombre d’étrangers en situation illégale dans notre pays, pendant que les obligations de quitter le territoire français (OQTF) ne sont exécutées qu’à 15 %. Ce chiffre dit tout. Il révèle un affaiblissement inquiétant de l’autorité de l’État dans le domaine migratoire. (M. Laurent Wauquiez applaudit.)
De nombreux collègues de la Droite républicaine, dont Éric Pauget, ont déposé un texte allant dans le même sens que la proposition de loi. Celle-ci s’inscrit dans la continuité de leur travail. Elle vise à redonner à l’État les moyens d’appliquer ses décisions et de faire respecter la loi. Le viol d’une loi de la République doit avoir des conséquences. Il doit entraîner une sanction claire, proportionnée et dissuasive : 3 750 euros d’amende et trois ans d’interdiction du territoire. De telles peines, qui respectent les cadres juridiques français et européen, forment un outil juridique concret et envoient un message d’autorité.
Notre pays a besoin d’une politique migratoire crédible, lisible et appliquée. La République ne peut être forte si elle tolère que ses lois ne soient pas respectées. Elle doit protéger ses citoyens, contrôler ses frontières et s’assurer que ceux qui vivent sur son sol respectent ses règles. La proposition de loi va dans le bon sens, celui de la fermeté, du respect des règles et de la protection de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR, RN et UDR.)
M. le président
La parole est à Mme Léa Balage El Mariky.
Mme Léa Balage El Mariky
L’article unique de la proposition de loi est un danger pour la République et une farce juridique – un peu à l’image du Rassemblement national : bruyant, mais inefficace. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.) Vos éructations ne masquent pas la réalité : depuis 1980, l’immigration augmente, malgré l’adoption de trente lois toujours plus répressives. Cette proposition de loi ne changera rien. Marine Le Pen explique que ce texte sert à criminaliser les personnes qui traversent la frontière irrégulièrement. Madame Le Pen, il ne sert à rien de nous parler latin si vous êtes incapable d’ouvrir un code pénal. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.) Le délit d’entrée irrégulière sur le sol français existe déjà. Votre proposition de loi ne sert donc à rien, sinon à criminaliser des personnes qui vivent ici de manière régulière depuis des années et qui perdent leur titre de séjour en raison d’un système rendu un peu kafkaïen.
Je parlerai de Yasmine, une agente de préfecture âgée de 30 ans, épuisée par ce qu’elle vit. (Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Maxime Laisney
Une agente de préfecture ! Écoutez donc !
Mme Léa Balage El Mariky
Elle et ses trois collègues doivent traiter quatre-vingt-cinq dossiers par jour. Peu formée, peu soutenue, elle raconte avoir refusé des droits au séjour par erreur et faute d’encadrement.
Je parlerai aussi d’une étudiante birmane, devenue sans papiers à cause d’un bug. Arrivée dans notre pays en 2019 avec un visa étudiant, elle obtient d’excellents résultats dans son cursus de stylisme. En 2023, elle dépose sa demande de renouvellement de titre de séjour sur la plateforme de l’Anef. Elle reçoit un avis favorable mais pas de SMS lui fixant un rendez-vous de retrait du document. Elle s’en inquiète, on lui affirme alors qu’elle est déjà venue chercher son titre de séjour. Elle fait désormais l’objet d’une OQTF.
Ces témoignages nous sont rapportés dans nos permanences, et je suis sûre qu’il en est de même dans celles des députés du Rassemblement national. Si, face à de telles situations, ils ne saisissent pas les préfets pour essayer de les débloquer, c’est qu’ils n’ont pas de cœur. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.) L’article unique de la proposition de loi est inutile et dénué de cœur, à l’image du Rassemblement national. (Mêmes mouvements.)
M. le président
La parole est à M. Éric Martineau.
M. Éric Martineau
Le groupe Démocrates ne votera pas ce texte. Pour nous, l’immigration est bien un sujet à traiter, mais les positions et les propositions du RN sont inopérantes. Il n’est donc pas question que nous consacrions tout notre après-midi à ce texte. Il faut écouter ce qu’a dit M. le ministre et donner aux forces de l’ordre les moyens de lutter contre l’immigration illégale, mais sans faire n’importe quoi. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR et sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
M. le président
La parole est à Mme Elsa Faucillon.
Mme Elsa Faucillon
Il va de soi que nous voterons résolument contre l’article unique de la proposition de loi, qui s’inscrit dans une logique de criminalisation de la personne étrangère habituelle à l’extrême droite. Le texte vise à juger non une infraction ou un mauvais comportement mais une simple présence ou une absence de statut administratif.
Comme mes collègues, au cours des derniers mois, j’ai vu passer dans ma permanence des centaines de personnes qui avaient basculé en situation irrégulière, alors même qu’elles avaient effectué leurs démarches à temps. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. – M. Stéphane Peu applaudit également.) Elles perdent alors leur emploi et leurs droits à accéder à un logement ou à des prestations sociales. La majorité des personnes en situation irrégulière est composée soit de gens qui ont connu la situation que je viens de décrire, soit de travailleurs et de travailleuses sans papiers qui subissent l’hypocrisie de la politique migratoire française, selon laquelle ils peuvent accéder à la régularisation via un travail qu’ils ne sont pas censés exercer.
Madame Le Pen, je n’ai aucun doute que, dans un pays en crise, vous rencontriez de l’écho quand vous agitez les instruments de la peur et de la xénophobie. Mais ne trahissez pas la nature profonde de notre nation, une nation d’hospitalité (Mêmes mouvements) où des médecins soignent, que les patients aient ou non des papiers, où des bénévoles distribuent des repas dans les banques alimentaires, que les bénéficiaires aient ou non des papiers, où des milliers de citoyens aident aux devoirs d’enfants dont les parents n’ont peut-être pas de papiers ! Voilà ce que nous continuerons de défendre, parce que c’est la vraie nature de notre pays, parce que c’est la République. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS. – M. Richard Ramos applaudit également.)
M. le président
Sur les amendements nos 2 et identiques, je suis saisi par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Sylvie Josserand, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
Mme Sylvie Josserand, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
Madame Balage El Mariky, je ne peux pas vous laisser dire que le Rassemblement national et la présidente Le Pen ne connaissent pas le code pénal au prétexte que le délit d’entrée sur le territoire y figure déjà. En effet, le délit de séjour sur le territoire sans document l’autorisant n’existe pas. C’est vous qui confondez plusieurs délits et ne savez pas lire le code pénal.
Monsieur Sitzenstuhl, vous nous avez dit : « Chers collègues d’extrême droite, vous n’avez pas changé. » Vous, en revanche, vous semblez avoir changé puisqu’en janvier 2024, vous avez voté, avec une grande majorité de députés de votre groupe, le délit de séjour irrégulier. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.) Peut-être s’agit-il là d’un effet de votre conception du « en même temps », mais vous ne pouviez pas être pour une mesure hier et contre aujourd’hui.
Un député du groupe RN
C’est une girouette !
M. le président
Je suis saisi de sept amendements identiques, nos 2, 4, 6, 11, 44, 76 et 86, tendant à supprimer l’article unique.
La parole est à M. Paul Christophle, pour soutenir l’amendement no 2.
M. Paul Christophle
Un argument est très souvent avancé par Mme la rapporteure et par les autres auteurs du texte, en commission des lois comme ce matin, selon lequel les Français soutiendraient les mesures proposées. J’invite ces collègues à ne pas accorder trop de crédit à des sondages instrumentalisés et à ne pas voir dans ces études d’opinion ce qu’ils ont envie d’y trouver, mais à regarder ce que des centaines de milliers de Françaises et de Français ont écrit dans les cahiers de doléances. J’en profite pour saluer l’action de ma collègue drômoise Marie Pochon en faveur de la diffusion de ces cahiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
Que nous disent les Français ? L’immigration n’est pointée comme un problème que dans très peu de cas (« Ah, vraiment ? » et sourires sur les bancs du groupe RN), moins d’un sur dix. En revanche, sur les sujets sociaux et sur les services publics comme l’hôpital ou l’école, le nombre d’occurrences explose. Les préoccupations des Françaises et des Français sont là, pas dans les sujets que vous mettez en avant. Ils savent que les étrangers ont en commun avec eux la précarité et la fragilité, des vies sur un fil. Ils savent que ce qui leur manque, ce sont des services publics et que ce qui manque à ces services publics, c’est de l’argent – celui que les milliardaires ne versent pas en évitant l’impôt, celui des bénéfices indécents des entreprises, qui devraient permettre l’amélioration des conditions d’existence des travailleurs plutôt que la concentration des richesses.
En consacrant votre journée de niche à de pareils textes, vous faites perdre du temps non seulement à la représentation nationale mais aussi à la France et à nos concitoyens. (Protestations sur les bancs des groupes RN et UDR.) Je vous invite à regarder ce qui est inscrit au fronton des écoles et des mairies, ainsi que dans cet hémicycle. Le troisième principe de la République est la fraternité. Vous n’avez même pas la hauteur de vue nécessaire pour lire ce qui est écrit au-dessus de vos têtes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC ainsi que sur quelques bancs du groupe EcoS. – M. Éric Martineau applaudit également.)
M. le président
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l’amendement no 4.
M. Charles Sitzenstuhl
Je maintiens que ce texte est inutile et qu’il faut en supprimer l’unique article. Madame la rapporteure, dans la vie, il faut savoir avancer, travailler, étudier (Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR) et se rendre compte que certains textes votés à l’Assemblée nationale sont totalement inopérants. Il en va ainsi du rétablissement du délit de séjour irrégulier.
J’entendais il y a quelques minutes des collègues soutenir de bonne foi que cette disposition permettrait de lutter contre l’immigration irrégulière. Les chiffres des années 2000 prouvent le contraire. Même s’il est très compliqué de savoir combien de clandestins se trouvent sur le territoire national, un indicateur – non dénué de limites – est parfois utilisé pour au moins établir la dynamique de l’immigration illégale : le nombre de bénéficiaires de l’aide médicale de l’État. Or, pendant les années 2000, alors que la répression du séjour irrégulier était plus sévère que celle que vous proposez, le nombre de bénéficiaires de l’AME a fortement augmenté, ce qui montre que celui des clandestins présents en France progressait aussi. Il est donc faux de dire qu’avec le rétablissement du délit de séjour irrégulier, l’État serait mieux armé pour lutter contre l’immigration illégale.
Mme Marine Le Pen
N’importe quoi !
M. Charles Sitzenstuhl
Je le dis aussi à mes collègues de droite : nous avions un droit dur sans que cela ait permis de résoudre les problèmes. Il faut donc retirer ce texte et passer à autre chose.
M. le président
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l’amendement no 6.
Mme Elsa Faucillon
Si ce texte venait à être adopté, il ne changerait rien à la situation évoquée par le Rassemblement national. Il ne ferait qu’ajouter aux malheurs du monde, ce que nos collègues savent d’ailleurs très bien, je crois. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
En effet, les gens qui traversent la Méditerranée ne se disent pas : « Mince, je risque une amende ! » Ils s’embarquent sur des bateaux pneumatiques, sont la proie des garde-côtes libyens. Franchement, ce ne sont pas vos ridicules 3 750 euros d’amende qui les arrêteront (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS),…
M. Benjamin Lucas-Lundy
Eh non!
M. Laurent Jacobelli
Relisez Georges Marchais !
Mme Elsa Faucillon
…pas plus qu’ils n’arrêteront les exilés qui, à Calais ou à Dunkerque, cherchent à gagner l’Angleterre à bord de bateaux pneumatiques, et parfois en meurent. Non seulement vous ne récupérerez pas ces sommes, mais la mesure ne changera rien à la situation. Ce qui ne changera pas non plus, ce sont les expulsions systématiques toutes les quarante-huit heures ou les actions destinées à empêcher les associations de donner à manger et à boire à ces gens.
Ceux que vous allez vraiment embêter, ce sont les travailleuses et travailleurs sans papiers…
M. Laurent Jacobelli
Ce sont des clandestins !
Mme Elsa Faucillon
…qui s’occupent de nos aînés, qui s’occupent des enfants, qui nettoient nos rues. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.) Ces personnes aspireraient d’ailleurs à faire plein d’autres boulots, si on le leur permettait, car ce sont aussi des avocats ou des médecins, voire des députés en puissance. Ces gens qui travaillent pour le pays sans bénéficier de tous les droits afférents, vous allez en plus les criminaliser et les jeter dans une précarité plus grande encore.
Voilà quelques-unes des raisons pour lesquelles nous nous opposerons à cet article. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et EcoS ainsi que sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à Mme Élisa Martin, pour soutenir l’amendement no 11.
Mme Élisa Martin
Mesdames et messieurs du Rassemblement national, la xénophobie est votre fonds de commerce. Vous défigurez la France.
Mme Hanane Mansouri
Vous allez nous parler de vos 400 euros par mois ?
Mme Élisa Martin
Quelque 25 % d’entre nous ont un grand-parent étranger. C’est comme ça, c’est la France. Nous sommes un peuple de mélangés, c’est notre force. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Benjamin Lucas-Lundy
Elle a raison !
Mme Élisa Martin
Vous vous appuyez sur certains faits divers, foulant aux pieds le respect que l’on doit aux victimes. Vous voulez faire croire que les étrangers sont dangereux ; vous faites l’amalgame entre étranger et délinquant. Pourquoi ? Parce que la xénophobie est votre fonds de commerce.
De plus, vous omettez soigneusement de dire que c’est nous qui créons les sans-papiers, faute de respecter le délai de traitement des procédures, du fait de la dématérialisation qui est un véritable casse-tête, et à cause de la difficulté d’accéder au guichet unique pour déposer une demande d’asile – car même l’asile, vous ne le respectez pas !
Nous ferions bien mieux d’accueillir ces personnes dans de bonnes conditions, de les autoriser à travailler, de leur permettre d’être à l’abri…
M. Julien Odoul
Chez toi ?
M. Laurent Jacobelli
Prends-les chez toi !
Mme Élisa Martin
…– par là même, nous les protégerions d’ailleurs des filières de traite des êtres humains –, et, bien sûr, de scolariser les enfants. Voilà ce que nous devrions faire. Ce n’est pas seulement une question de morale, c’est aussi le droit et l’histoire de notre pays qui sont en jeu. Alors, votons contre cette proposition de loi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. Benjamin Lucas-Lundy, pour soutenir l’amendement no 44.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Avec cette journée d’initiative parlementaire du groupe Rassemblement national, nous avons affaire à une journée de pervers, d’obsédés et d’hypocrites. (Protestations sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Des pervers d’abord, parce qu’ils se délectent du malheur des classes populaires et des classes moyennes, qu’ils instrumentalisent… (Sur les bancs des groupes RN et UDR, dont les députés se tournent vers le président, les protestations s’amplifient jusqu’à couvrir la voix de l’orateur.)
M. le président
Monsieur Lucas-Lundy, un instant.
Mes chers collègues, que les mots puissent blesser, c’est l’évidence, mais en l’occurrence, il ne s’agit ni d’une injure ni d’une insulte. (Nouvelles protestations sur les bancs du groupe RN.) La langue française est suffisamment pourvue, et je crois savoir que vous l’utilisez aussi à bon escient, quand il le faut. Supportez ces propos, auxquels vous répondrez ensuite.
Continuez, monsieur le député !
M. Benjamin Lucas-Lundy
Je disais donc : pervers, obsédés, hypocrites.
M. Laurent Jacobelli
Lubrique ! Ce n’est pas une insulte !
M. Benjamin Lucas-Lundy
Pervers d’abord, parce qu’ils se délectent des souffrances des classes populaires et des classes moyennes. Se livrant à une sorte de « classes populaires-washing » ils avancent des propositions faisant écho aux angoisses de nos compatriotes – sur l’accès aux soins, l’alimentation, l’école – puis modifient au dernier moment leur ordre du jour pour en venir à leurs obsessions.
Car ce sont bien des obsédés ! Obsédés par les étrangers, obsédés par les exilés, ils les poursuivent de leur vindicte raciste et xénophobe, comme cela encore a été prouvé ce matin. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP ainsi que sur plusieurs bancs des groupes SOC et GDR. – Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Ce sont enfin des hypocrites.
M. Laurent Jacobelli
Et ça, ce n’est pas une insulte ? Cochon !
M. Benjamin Lucas-Lundy
Un collègue proclamait tout à l’heure : il faut respecter les lois de la République, faire preuve de fermeté, de sévérité, d’autorité ! Mais quel est le parti qui a fait élire le plus grand nombre de personnalités condamnées par la justice ? Quel est le parti qui a fait élire le plus de personnalités condamnées pour avoir bafoué les valeurs de la République ? (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR, plusieurs députés désignant la droite de l’hémicycle. – Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Laurent Jacobelli et M. Julien Odoul
Ces personnalités, elles sont là-bas, à gauche !
M. le président
Monsieur le député, veuillez en rester à l’objet de l’amendement !
M. Benjamin Lucas-Lundy
C’est précisément pour cela qu’il faut supprimer cet article, monsieur le président.
Je donnerai un conseil à Mme Le Pen : peut-être pourrait-elle utiliser les 4 millions d’euros qu’elle a volés au Parlement européen…
M. le président
Tenez-vous-en à la défense de l’amendement, s’il vous plaît !
M. Benjamin Lucas-Lundy
…pour s’acheter un peu de décence et de dignité. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
M. Laurent Jacobelli
Médiocre !
M. le président
La parole est à M. Ludovic Mendes, pour soutenir l’amendement no 76.
M. Ludovic Mendes
Comme ceux de mes collègues, il tend à supprimer l’article unique, dont les dispositions sont contraires aux principes européens fondamentaux et aux conventions internationales, inapplicables en pratique et de nature à faire perdre beaucoup de temps à nos forces de l’ordre et à nos juges. Vous qui passez le vôtre à expliquer qu’ils ont besoin de plus de moyens pour effectuer leur travail, vous allez leur imposer une tâche administrative supplémentaire.
Les préfectures aussi auraient besoin d’aide. Certaines ont jusqu’à neuf mois de retard pour répondre aux demandes de renouvellement de titre de séjour, ce qui crée malheureusement des sans-papiers.
Vous confondez en outre fermeté et efficacité. Adopter cet article, ce serait tout simplement gaspiller de l’argent public.
Criminaliser le séjour irrégulier revient à criminaliser la précarité et l’exil. Vous voulez gouverner, mais vous vous complaisez dans le simplisme, le symbole, sans aucun résultat concret. Pourquoi dis-je cela ? Parce que, en soixante ans d’application, cette disposition a montré son inefficacité. Elle ne fonctionne pas et n’a aucun effet dissuasif.
Le RN vend une illusion pénale, sans proposer la moindre solution républicaine : rien contre les passeurs, rien contre la traite des êtres humains, rien contre l’exploitation des étrangers.
M. Emeric Salmon
Tu tiens à ton dealer, c’est ça ?
M. Ludovic Mendes
En effet, la seule chose qui vous intéresse, c’est l’immigré, l’immigré, l’immigré.
L’efficacité ne se mesure pas au nombre de gardes à vue, mais de reconduites à la frontière exécutées. Il existe donc un débat sur les OQTF, mais vous n’avez pas proposé de les réformer, simplement de taper sur l’immigré.
Permettez-moi aussi, chers collègues des groupes Horizons et DR, de m’adresser aussi à vous. Pourquoi apporter vos voix au RN ? Vous pouvez vous abstenir. Pourquoi faire sauter la digue ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et EcoS et sur quelques bancs du groupe EPR.) Pourquoi accepter de vous compromettre pour quelque chose d’aussi inefficace ?
Le RN n’a pas changé : il fait de l’immigré le seul responsable. Par la voix de Mme Le Pen, l’extrême droite appelle même à pratiquer à nouveau la délation, comme en 40 – pardon : au titre de l’article 40. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à M. Romain Eskenazi, pour soutenir l’amendement no 86.
M. Romain Eskenazi
Cette proposition de loi s’inscrit dans la tradition de l’extrême droite, qui consiste à désigner 1 % de la population comme bouc émissaire, censé être responsable de tous les maux de la société. Un pour cent de la population, c’est ce que représentent les étrangers en situation irrégulière. Tiens, 1 % de la population, c’est aussi ce que représentent les Juifs de France, qui étaient l’objet de votre haine il y a encore quelques années ! (Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.) Vous avez simplement changé de cible, mais la philosophie xénophobe reste strictement la même.
Les étrangers seraient responsables de la délinquance en France ? Je vous invite à visiter les prisons en Amérique latine, en Afrique, en Asie, partout dans le monde. Le point commun à tous les délinquants du monde, c’est la précarité et non le fait de venir d’un autre pays.
Les étrangers seraient responsables du trou de la sécurité sociale ? L’AME représente 0,47 % du budget de l’assurance maladie, et sa suppression coûterait encore plus cher, tous les médecins avec lesquels j’ai travaillé pendant quatre ans à l’hôpital me l’ont dit.
Les étrangers seraient responsables du déficit budgétaire ? Toutes les études sérieuses montrent pourtant que l’immigration rapporte plus d’argent qu’elle n’en coûte. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC. – Rires sur plusieurs bancs du groupe RN.)
M. Emeric Salmon
Continuez, ça nous rapporte des voix !
M. Romain Eskenazi
Enfin, l’immigration serait responsable du chômage. Du médecin urgentiste à l’infirmière, du plongeur dans un restaurant à la personne qui s’occupe de nos personnes âgées, les étrangers font en France les métiers que les Français ne veulent plus faire. Ils servent à la fois l’économie et nos services publics.
M. Emeric Salmon
Ce sont des esclaves. Esclavagiste !
M. Romain Eskenazi
Votre proposition de loi est à la fois illégale, inefficace et inhumaine. Illégale, car elle contrevient au droit européen et aux principes de notre Constitution. Inefficace, car elle mobiliserait des policiers pour faire payer des amendes à des personnes insolvables et des juges pour s’occuper de personnes qui ne sont pas des délinquants.
Pour finir, elle est inhumaine, car jamais la République ne saurait pénaliser une condition administrative ni confondre absence de titre et délinquance. J’ai avec vous, madame Le Pen, et M. Bardella, un point commun : c’est bien un certain Jean-Marie Le Pen qui m’a poussé à m’engager en politique, non pas pour défendre ses idées nauséabondes, qui rappellent les heures les plus sombres de notre histoire, mais contre ces idées et pour les valeurs de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC, dont plusieurs députés se lèvent, et sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sylvie Josserand, rapporteure
Il est évidemment défavorable.
Mme Ayda Hadizadeh
Comme c’est bizarre !
Mme Sylvie Josserand, rapporteure
M. Sitzenstuhl propose de gouverner la France de la même façon qu’il y a vingt-cinq ans – un quart de siècle !
M. Charles Sitzenstuhl
Cette proposition ne sert à rien !
Mme Sylvie Josserand, rapporteure
Il nous explique que dans les années 2000, le nombre d’OQTF n’était pas si élevé que cela et que l’on ne voit pas pourquoi le rétablissement du délit changerait quoi que ce soit à la situation.
Ce que je constate, monsieur Sitzenstuhl, c’est qu’il y a un an et demi, vous avez voté en faveur du rétablissement du délit de séjour irrégulier ! Mais aujourd’hui, c’est le Rassemblement national qui défend cette proposition – et ça, vous ne pouvez pas l’admettre. Vous ne la rejetez que parce qu’elle provient de mon groupe, et non parce que l’intérêt du pays, que vous voudriez gouverner aujourd’hui comme il y a vingt-cinq ans, l’exigerait. C’est bien regrettable. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Antoine Léaument
Vous, vous voudriez le gouverner comme dans les années trente !
Mme Sylvie Josserand, rapporteure
Du côté des bancs de gauche, j’ai la persistante impression – c’est la même rengaine depuis huit jours –, que l’on confond immigration régulière et immigration irrégulière. (« Pas du tout ! » sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et GDR.) Sans doute est-ce à dessein, pour ne pas voir le vrai problème. Notre proposition porte sur les étrangers en séjour irrégulier. Ceux dont le séjour est régulier ne sont donc pas concernés par le débat d’aujourd’hui. Vous pouvez toujours nous expliquer que vos grands-parents sont bien traités à l’Ehpad par des étrangers, mais les personnels concernés sont en séjour régulier. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR. – « Non ! » sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
Mme Julie Laernoes
Non, ce n’est pas toujours le cas !
M. Benjamin Lucas-Lundy
Il n’y a pas un article sur les mensonges dans le règlement de l’Assemblée ?
Mme Sylvie Josserand, rapporteure
Si vous nous reprochez de faire l’amalgame entre délinquance et immigration, c’est que, faute d’étudier les dossiers…
M. Benjamin Lucas-Lundy
La blague !
Mme Sylvie Josserand, rapporteure
…et préférant en rester aux caricatures, vous ne vous êtes pas interrogés sur la surreprésentation des étrangers dans la population carcérale (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes SOC et EcoS),…
M. le président
S’il vous plaît !
Mme Sylvie Josserand, rapporteure
…laquelle compte 25 % d’étrangers, contre 8 % seulement dans la population française.
Mme Florence Herouin-Léautey
Ça suffit ! Stop !
Mme Sabrina Sebaihi
C’est vrai que la prison, vous, vous n’y allez pas !
M. Benjamin Lucas-Lundy
Mais Sarkozy, lui, est français !
Mme Sylvie Josserand, rapporteure
Vous devriez vous poser la question.
Mme Ayda Hadizadeh
Et quelles sont vos conclusions ?
Mme Sylvie Josserand, rapporteure
Pour le reste, les reproches qui nous sont adressés – ne pas connaître le code pénal, méconnaître le droit européen – sont évidemment sans fondement. Nous avons interrogé la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) ; nous avons interrogé les services de l’État ; nous avons procédé nous-mêmes aux analyses juridiques. Tout le monde nous a assuré que la conformité de notre proposition au droit européen était indiscutable. Vous continuez de semer la confusion afin que la question reste nébuleuse dans l’esprit des Français.
Mme Julie Laernoes
Non, nous essayons de protéger l’État de droit, mais ça ne vous parle pas beaucoup !
Mme Sylvie Josserand, rapporteure
La situation est pourtant très simple : des gens s’invitent dans notre pays, ils le squattent, et l’ordre public exige de les rappeler à l’ordre.
Quant aux OQTF, elles peuvent être cumulées : deux, trois, quatre, dix OQTF peuvent être prononcées au cours des années.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Et 2, 3, 4 millions !
Mme Sylvie Josserand, rapporteure
Qui plus est, lors de l’interpellation d’un étranger, sa situation est réexaminée. Au contraire, une interdiction du territoire français (ITF) est une peine : inscrite au casier judiciaire, elle est exécutoire et le reste jusqu’à sa prescription, au bout de dix ans, ce qui dispense de quelque réexamen que ce soit.
Il est donc évident que Lola et Philippine seraient en vie (Vives exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS)…
M. Benjamin Lucas-Lundy
C’est dégueulasse ! Charognards ! Vautours malfaisants !
M. Alexis Corbière
Scandaleux !
Mme Sylvie Josserand, rapporteure
…si des peines d’interdiction du territoire français avaient été prononcées (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR. – Huées sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR),…
M. Benjamin Lucas-Lundy
Honteux ! Dégueulasse !
Mme Danièle Obono
Un peu de dignité, les fascistes !
M. Alexis Corbière
Vous utilisez la mort d’une petite fille !
Mme Sylvie Josserand, rapporteure
…parce que de telles peines sont exécutoires ! Voilà ! (Les huées s’intensifient sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR, obligeant l’oratrice à marquer une pause.)
M. le président
Un peu de silence, s’il vous plaît !
Mme Sylvie Josserand, rapporteure
Vos propres électeurs, et cela vaut pour tous les bancs de l’hémicycle, sont favorables au rétablissement du délit de séjour irrégulier (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR. – « C’est faux ! » sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS) ;…
Mme Ayda Hadizadeh
C’est ça, bien sûr !
Mme Julie Laernoes
Archifaux !
Mme Sylvie Josserand, rapporteure
…ils y sont favorables ! J’ai sous les yeux le sondage effectué par BFM qui dit que même vos électeurs sont à 50 % favorables à cette mesure. (Vives exclamations sur les bancs des groupes SOC et EcoS.)
Mme Ayda Hadizadeh
Menteurs !
Mme Sylvie Josserand, rapporteure
Quant aux électeurs de M. Sitzenstuhl et du groupe EPR, ils y sont favorables à 89 %. Voilà la réalité ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement sur ces amendements de suppression ?
M. Laurent Nuñez, ministre
Ils visent en effet à supprimer l’article unique de la proposition de loi. Pour les raisons que j’ai indiquées et qui peuvent d’ailleurs être très éloignées de celles qui motivent les auteurs de certains de ces amendements, je ne peux qu’y être favorable. La conformité, ce n’est pas le problème : sur ce point, vous avez raison, madame la rapporteure. Le problème, c’est l’efficacité ! Je vous le répète : la priorité est donnée à la reconduite. Qu’il s’agisse d’OQTF ou d’interdiction du territoire français, c’est la même chose. Vous parlez d’appliquer l’article 40 du code de procédure pénale, madame la présidente Marine Le Pen, mais je ne sais pas si vous vous rendez bien compte de ce que cela veut dire ! (Exclamations sur les bancs du groupe EcoS.) Cela signifie qu’il faudra systématiquement saisir la justice ! Vous allez engorger les tribunaux là où ce que nous souhaitons, c’est l’efficacité des reconduites.
Dans les affaires dramatiques que vous citez, madame la rapporteure, ce qui aurait tout changé, c’est que l’on applique effectivement ces reconduites : c’est cela qui doit être amélioré ! De ce point de vue, l’OQTF et l’interdiction judiciaire du territoire, c’est bien la même chose. La politique menée par le gouvernement n’a donc pas d’autre objectif que d’être efficace,…
M. Emeric Salmon
Elle ne l’est pas !
M. Laurent Nuñez, ministre
…de cibler les étrangers les plus dangereux, d’augmenter le nombre de places en CRA et de procéder effectivement à des reconduites. C’est cela qui importe ! La procédure que vous créez n’apporte aucune coercition supplémentaire. Il faut vraiment le dire aux Français !
Mme Claire Marais-Beuil
Essayez, au moins !
M. Laurent Nuñez, ministre
Il n’y a rien de plus que ce qui existe déjà dans le cadre de la retenue d’un étranger prévue aux fins de vérifier son droit de séjour. En revanche, le règlement relatif à la procédure de retour à la frontière, dit règlement retour, est actuellement en discussion : il rendra possible, dans le cadre de cette procédure administrative, de fouiller dans les téléphones portables, ce qui permettra d’identifier plus sérieusement les filières concernées. D’autres mesures permettent donc d’obtenir des résultats bien plus efficaces ! Ce que vous proposez n’est qu’une mesure d’affichage et ce que veulent les Français – vous l’avez dit, madame Le Pen, je vous prends au mot –, ce sont des actes, pas des mots ! (M. Sylvain Maillard applaudit. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
Sur ces amendements de suppression, j’ai reçu de très nombreuses demandes de prise de parole. Je vous propose que nous nous limitions à une intervention par groupe, car c’est ici que va se concentrer l’essentiel du débat ; d’autres prises de parole pourront s’ajouter ensuite, mais si tout le monde est d’accord, nous nous en tiendrons alors à un orateur pour, un orateur contre. (« Non, passons au vote ! » sur les bancs du groupe RN.)
La parole est à Mme Danièle Obono.
Mme Danièle Obono
Madame la rapporteure, vous aurez beau citer tous les sondages du monde pour accréditer l’idée selon laquelle les Français seraient majoritairement favorables à ce que vous proposez, nous vous avons déjà répondu : l’immigration n’est pas la première préoccupation des millions de gens qui vivent dans notre pays, au contraire de l’urgence sociale, économique et écologique. Cela dit, il est vrai que votre travail a été préparé par des décennies de collusion et même de collaboration (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP) avec les thèses racistes et xénophobes.
Nous l’avons observé année après année, ici même à l’Assemblée nationale, au travers de certains textes. M. le ministre affirme d’ailleurs qu’il serait plus efficace que vous en la matière ; c’est l’expression du fait que la droite se tient aux côtés de l’extrême droite dans la même folie raciste et xénophobe. Quoi que vous prétendiez, votre texte n’est ni juste ni conforme à la réalité, d’autant que de toute évidence – votre intervention l’a démontré –, vous ne savez pas que la politique menée ces dernières années a mis des milliers de personnes en situation irrégulière, alors qu’elles étaient entrées sur le territoire de manière régulière (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP), qu’elles bénéficiaient du droit de séjour et qu’elles vivaient parfois en France depuis des dizaines d’années.
Les politiques menées par les gouvernements successifs ont fait en sorte que des parents ou des grands-parents dont le séjour était régulier se retrouvent du jour au lendemain en situation irrégulière, sans aucun moyen d’y remédier. Ces personnes ont vu leur vie brisée à cause de vous ! Ce qu’assume le Rassemblement national n’est donc que la continuation de ce qu’ont fait les macronistes : une politique de fabrique de sans-papiers qui conduit à criminaliser des personnes déjà vulnérables et précaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Sandrine Rousseau applaudit également.) Ces personnes, ce sont les travailleurs et les travailleuses essentiels de ce pays, qui le font tourner et sans qui quasiment aucun secteur ne pourrait fonctionner ! Vous le savez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
M. le président
La parole est à M. Christophe Proença.
M. Christophe Proença
Mon cœur saigne d’entendre vos propos sur l’immigration, madame la rapporteure. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Je vous le dis sincèrement ! Nombre de nos collègues pensent d’ailleurs certainement comme moi, à commencer par ceux qui sont d’origine étrangère. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.) Mon père est arrivé de manière irrégulière en France et une partie de sa famille a alors été mise en prison pendant quelques jours. C’était en 1959 !
Presque 2 millions de Portugais sont arrivés en France de manière irrégulière entre 1955 et 1965 – c’est aussi le cas de nombreux Espagnols et d’autres encore –, sous le regard bienveillant des gendarmes qui, dans les Pyrénées, les laissaient passer en leur indiquant la direction à prendre pour rebâtir leur existence, notamment la banlieue parisienne – en particulier Champigny-sur-Marne –, mais aussi Clermont-Ferrand et le grand Sud-Ouest. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NFP, EcoS et GDR et sur quelques bancs du groupe EPR.) Ils sont venus travailler dans les carrières ; sans eux et sans le regard bienveillant des Français et notamment des Lotois, je ne serais pas ici, député du Lot ! (Les députés des groupes SOC, LFI-NFP, EcoS et GDR ainsi que Mme Natalia Pouzyreff, continuant d’applaudir, se lèvent.)
Je pense que vous vous trompez : ceux qui fuient leur pays ne viennent pas pour les aides sociales ! Ils viennent parce que c’est la misère chez eux. Vous aurez beau construire les murs les plus hauts, les frontières les plus hermétiques, les grillages les plus solides, vous n’empêcherez pas la misère de venir ! Occupez-vous de cette misère et ils ne viendront plus ! (Les députés des groupes SOC, LFI-NFP, EcoS et GDR, toujours debout, continuent d’applaudir. – Des « Bravo ! » retentissent sur les bancs du groupe SOC.)
M. Alexis Corbière
Enfin un peu de dignité !
M. le président
Je précise à l’attention de tous que je limite chaque prise de parole à deux minutes. Je préviens dix secondes avant que le temps soit écoulé en frappant deux fois sur mon pupitre ; au bout de deux minutes, je coupe.
La parole est à M. Pouria Amirshahi.
M. Pouria Amirshahi
Cette proposition de loi n’est qu’un tissu de mensonges. Votre premier mensonge, c’est de dire que vous agissez en conformité avec le droit européen, alors que c’est précisément parce qu’elle est anticonventionnelle que nous avions abrogé cette disposition en 2012, de même que nous avons supprimé celles qui criminalisaient les actions humanitaires et désintéressées à l’égard des personnes arrivées en situation irrégulière ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et SOC.)
Comme l’a dit Elsa Faucillon tout à l’heure, certaines personnes pouvaient aussi se retrouver en situation irrégulière à la suite de procédures infernales alors qu’elles travaillaient dans des associations, qu’elles exerçaient dans les hôpitaux ou qu’elles donnaient des cours du soir ; bref, qu’elles étaient actives auprès de nos compatriotes pour permettre à notre société d’aller mieux. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et SOC et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Ayda Hadizadeh
Bravo !
M. Pouria Amirshahi
Vous n’êtes pas convaincus, je le sais bien : vous ne le serez jamais. Au fond, deux visions s’opposent et nous sommes fiers d’être de ce côté-ci, fiers d’appartenir à une France, notre patrie républicaine, qui s’enrichit des mémoires immigrées, dont la langue s’enrichit des mots des autres, dont la cuisine s’enrichit du parfum et des saveurs de tous les autres ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR.)
M. Laurent Jacobelli
Quarante ans de retard ! C’est Hibernatus !
M. Pouria Amirshahi
Et ce qui fait la grandeur de la nation française, c’est précisément cette richesse-là ! Croyez bien une chose : lorsque des femmes et des hommes en détresse viennent chez nous, ce n’est pas en lisant le code pénal, comme le disait Léa Balage El Mariky ; ils le font parce que notre France, cette terre révolutionnaire, est une terre de liberté qui permet aux gens de s’extraire de leur condition. (Mêmes mouvements.)
Nous ne vous convaincrons pas mais je veux m’adresser à tous les autres bancs, à celles et ceux qui ont été élus pour empêcher ces idées-là d’advenir : il n’est pas encore trop tard ! (Les députés des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR se lèvent et applaudissent. – Plusieurs députés des groupes EPR et Dem applaudissent également.) Le vote qui a eu lieu ce matin pose un grave problème et je le dis solennellement : tous les démocrates qui ont été élus pour ce mandat doivent se réunir pour empêcher cette infamie de scinder la République !
M. le président
La parole est à M. Richard Ramos.
M. Richard Ramos
Vous n’arrêtez pas de parler des électeurs, madame la rapporteure, pour essayer de flatter ceux qui pourraient vous amener au pouvoir. Mais nous, nous parlons ici d’êtres humains (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem, EPR, SOC, EcoS et GDR), d’hommes et de femmes qui ont risqué leur vie parce qu’ils pensaient que la France était un grand pays ! Je vous le dis, madame : il y a sur ces bancs une droite modérée qui s’apprête à voter avec le Rassemblement national alors que dans les territoires, nos évêques et le Secours catholique sont aux côtés des migrants ! C’est la honte de la Droite républicaine que d’agir ainsi ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR et sur quelques bancs des groupes Dem et EPR. – Les députés des groupes SOC, EcoS et GDR ainsi que Mme Natalia Pouzyreff se lèvent.)
Nous devons donc, nous, le centre, empêcher la haine d’arriver ! (Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR. – M. Laurent Jacobelli dresse le poing.) Nous devons le faire tous ensemble. Je dis merci à la droite des territoires et merci aux évêques de défendre l’humanité et non la démagogie ! (Les applaudissements se poursuivent.)
M. le président
La parole est à M. Thomas Cazenave.
M. Thomas Cazenave
Mme Le Pen, tout à l’heure, a placé le débat sur la question de l’efficacité, disant, à propos de cette proposition de loi, que « les policiers l’attendent ». Mais l’ensemble de ce texte repose sur un énorme mensonge ! Les policiers et les magistrats ne l’attendent pas : ils l’ont déjà essayé ! Un seul chiffre suffit à le démontrer : en 2009, sur 100 000 mises en cause pour séjour irrégulier, seules 597 condamnations ont été prononcées, soit moins de 1 %. Le résultat sera nul, madame Le Pen : vous allez emboliser le système et saper le travail des policiers et des magistrats, qui ont bien d’autres priorités. C’est une farce ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
M. Laurent Jacobelli
Et vous, c’est le chaos ! Ça fait huit ans que vous êtes là !
M. Thomas Cazenave
Par un joli coup de communication, vous faites croire aux Français que vous allez résoudre leurs problèmes, mais – nous avons été très nombreux à le dire depuis le début de la discussion – il n’y a aucun résultat à attendre de ce que vous proposez. C’est la raison pour laquelle nous voterons ces amendements de suppression. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem et sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS.)
M. Laurent Jacobelli
Quand on n’a pas de courage, on ne fait pas de politique !
M. le président
La parole est à M. Fabien Di Filippo.
M. Fabien Di Filippo
À ce stade des débats, nous devons nous montrer capables d’y remettre un peu de rationalité. (Exclamations sur les bancs des groupes SOC et EcoS.) Je vois énormément de gens, notamment à la gauche de l’hémicycle, se draper dans de bons sentiments…
M. Benjamin Lucas-Lundy
Ça vaut mieux que d’en avoir de mauvais !
M. Fabien Di Filippo
…et oublier de quoi on parle. Nombre d’entre vous se prévalent d’être des descendants d’immigrés, mais c’est aussi mon cas ! (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.) C’est probablement aussi le cas de nombreux autres députés. Mais ici, nous sommes tous des élus du peuple français : nous sommes français avant tout (Applaudissements sur les bancs des groupes DR, RN et UDR), avec la responsabilité de redresser notre pays.
Je remercie d’ailleurs mes parents et mes grands-parents de ne m’avoir jamais rien expliqué d’autre : je suis français et tout ce que l’on a, on le doit à notre République ! (Mêmes mouvements.)
M. Laurent Jacobelli
Prenez-en de la graine !
M. Fabien Di Filippo
C’est le seul message que nous devons porter. Sinon, à force de jouer à ces petits jeux-là, c’est la République des communautarismes qui risque d’advenir, celle des uns contre les autres ! Vous allez diviser tout le monde ! (Exclamations sur les bancs des groupes SOC et EcoS.)
Mme Ayda Hadizadeh
C’est l’inverse !
M. Pouria Amirshahi
C’est vous !
M. Laurent Jacobelli
C’est ce qu’ils veulent ! C’est leur rêve !
M. Fabien Di Filippo
S’agissant de ce texte et de son article unique, il s’adresse à tous ceux qui adhèrent pleinement aux valeurs et aux règles de la République, qui font l’effort de venir légalement, de travailler et de s’intégrer.
Mme Sabrina Sebaihi
C’est faux !
M. Benjamin Lucas-Lundy
Mensonge !
Mme Léa Balage El Mariky
Ce n’est pas vrai !
M. Fabien Di Filippo
Quand on voit que nos capacités d’intégration sont saturées, il faut avoir l’honnêteté de le reconnaître ! Le délit de séjour irrégulier a déjà existé dans le passé ; la gauche l’a supprimé en arrivant au pouvoir. Avez-vous l’impression que depuis, la situation du pays, en matière migratoire et d’intégration, s’est améliorée ? (Nouvelles exclamations sur les bancs des groupes SOC et EcoS.) N’avez-vous pas envie de réintroduire des repères dans notre pays ? On peut les appeler des repères de fermeté ; pour ma part, je les appelle simplement des repères républicains, permettant aux gens qui rejoignent notre pays de le faire en respectant ses règles et avec la volonté pleine et entière de s’intégrer ! (Applaudissements sur les bancs des groupes DR, RN et UDR.)
M. le président
La parole est à M. Stéphane Peu.
M. Stéphane Peu
Je souscris à de nombreux propos tenus précédemment, aussi me contenterai-je d’insister sur quelques points. Tout d’abord, je vous invite tous ici à vous promener dans un rayon de 500 mètres autour de l’Assemblée nationale, car il n’est pas nécessaire d’aller très loin, et de frapper à la porte de tous les restaurants pour voir ce qu’il se passe dans les arrière-cuisines. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP et EcoS.)
M. Emeric Salmon
Ce sont vos esclaves qui y travaillent !
M. Stéphane Peu
Profitez-en d’ailleurs pour vous attarder dans les rues et observer qui travaille dans les tranchées,…
M. Julien Odoul
Reviens, Georges Marchais !
M. Stéphane Peu
…qui grimpe sur les échafaudages ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC, dont quelques députés se lèvent.)
M. Gérault Verny
Quel rapport ?
M. Stéphane Peu
Vous vous apercevrez bien vite que dans ce pays, aujourd’hui, même au cœur de la capitale, même dans le 7e arrondissement, rien d’utile ne se fait sans l’intervention d’un bon nombre de travailleurs étrangers en situation irrégulière…
M. Emeric Salmon
Mais ce sont vos esclaves !
M. Laurent Jacobelli
Exploiteurs !
M. Stéphane Peu
…pour la simple et bonne raison que le patronat en use et abuse ! Pendant la crise sanitaire, alors que vous étiez tous repliés dans vos appartements, qui ouvrait les magasins, qui vous livrait les marchandises ? (Applaudissements continus sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS.) Qui est mort du covid faute d’avoir été protégé ? Les salariés sans papiers ! (Vifs applaudissements sur les mêmes bancs dont les députés se lèvent. – M. Richard Ramos se lève également pour applaudir.)
Je vous le dis clairement : s’il y a une urgence dans ce pays, c’est bien de régulariser tous ceux qui travaillent, tous ceux qui, par leur sueur, font marcher le pays.
M. le président
La parole est à Mme Marine Le Pen. (« Rendez l’argent ! » sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
Mme Marine Le Pen
Monsieur Sitzenstuhl, le montant de l’AME a augmenté de 80 % entre 2009 et 2022. En effet, cela n’a pas beaucoup changé.
Madame Balage El Mariky, je n’ai qu’un DEA de droit pénal. Je sais, c’est peu, mais cela m’a tout de même obligée à ouvrir de temps en temps un code pénal. Merci beaucoup pour votre sollicitude. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Partout en Europe, la gauche s’est rendu compte que l’immigration avait atteint un niveau qui n’était plus soutenable. Partout en Europe, les positions les plus restrictives en matière d’immigration sont prises par des gouvernements socialistes. Vous, vous n’avez pas changé. Il paraît que nous non plus, d’ailleurs.
Mme Dieynaba Diop
C’est vrai, vous êtes toujours racistes !
Mme Marine Le Pen
Vous nous donnez l’impression d’assister à un concert Stars 80 ! Cela nous rajeunit ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Vos hurlements, vos insultes, vos vociférations suffisent à vous décrédibiliser quand vous essayez de convaincre que vous luttez contre la haine. De fait, vous n’êtes que haine. (Mêmes mouvements.) Cela n’a pas d’importance car, vous avez pu vous en rendre compte, nous avons le cuir épais.
En revanche, monsieur le ministre de l’intérieur, ne pas vous avoir entendu réagir lorsque M. Lachaud a accusé les policiers de se livrer à des rafles, c’est beaucoup plus grave ! (Les députés des groupes RN et UDR se lèvent et applaudissent longuement.)
M. Emeric Salmon
Quelle honte !
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 2, 4, 6, 11, 44, 76 et 86.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 379
Nombre de suffrages exprimés 378
Majorité absolue 190
Pour l’adoption 209
Contre 169
(Les amendements identiques nos 2, 4, 6, 11, 44, 76 et 86 sont adoptés ; en conséquence, l’article unique est supprimé.)
(Applaudissements vifs et prolongés sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR, dont les députés se lèvent, ainsi que sur quelques bancs des groupes EPR et Dem. – Quelques députés des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR enjoignent par un geste du bras les députés du groupe RN de quitter l’hémicycle.)
M. le président
S’il vous plaît, nous poursuivons l’examen du texte… (Plusieurs députés du groupe EcoS entonnent La Marseillaise, bientôt rejoints par le reste du groupe et par les députés des groupes LFI-NFP, SOC et GDR.) S’il vous plaît ! (Les mouvements se poursuivent.) Dans ces conditions, je vais suspendre la séance.
Suspension et reprise de la séance
M. le président
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures dix.)
M. le président
La séance est reprise.
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à M. Bastien Lachaud, pour un rappel au règlement.
M. Bastien Lachaud
Rappel au règlement sur le fondement de l’article 70, alinéa 3, du règlement de notre assemblée, pour mise en cause personnelle. Mme Le Pen m’a prêté des propos que je n’ai pas tenus. Je n’ai pas dit que la police procédait à des rafles. Nous pourrions en discuter mais ce n’est pas ce que j’ai dit. J’ai simplement dit que les rafles étaient au programme du Rassemblement national. (« Pas du tout ! » sur les bancs du groupe RN. – Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Emeric Salmon
Quelle honte !
M. le président
La parole est à M. Alexis Corbière, pour un autre rappel au règlement.
M. Alexis Corbière
Pour la clarté des débats et afin que des chiffres faux ne circulent pas, je tiens à rectifier ce que vient de dire Mme la rapporteure. Elle est partie du fait que les détenus étrangers représentent 24,5 % de l’ensemble de la population carcérale pour en déduire que les étrangers sont plus délinquants que les Français. Ce que montrent les chiffres, ce n’est pas cela, mais plutôt qu’à délit équivalent, les étrangers écopent plus souvent d’une peine de prison que les Français…
M. le président
Ce n’est pas un rappel au règlement, monsieur Corbière.
M. Olivier Faure
Ce n’est pas un rappel au règlement, mais c’est un rappel des faits !
Après l’article unique
M. le président
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Sylvie Josserand, rapporteure
Nous prenons acte de ce vote. (« Ah ! » sur les bancs du groupe EcoS.)
Les Français qui attendent et qui ont bien compris que si nous restons les bras croisés, nous irons vers le pire, devront prendre patience. Pour reprendre les propos de M. Brochand, ancien directeur de la DGSE – direction générale de la sécurité extérieure –, le pire,…
Mme Dieynaba Diop et M. Benjamin Lucas-Lundy
Le pire, c’est vous et vos collègues !
Mme Sylvie Josserand, rapporteure
…c’est la régression du pays dans tous les domaines, à commencer par la sécurité de ses habitants. Dès que le RN sera au pouvoir (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR. – « Jamais ! » sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS), nous rétablirons le délit de séjour irrégulier et nous veillerons à restaurer l’ordre public, comme le font actuellement les gouvernements des vingt pays de l’Union – dont la France n’était pas – qui ont écrit à la Commission européenne pour demander le renvoi dans leur pays des Afghans en situation irrégulière !
Cette proposition de loi aura au moins eu le mérite de permettre d’entendre chanter La Marseillaise à gauche de l’hémicycle ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
Monsieur le président, nous retirons notre texte. (Les députés du groupe RN se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs du groupe UDR.)
M. le président
Il est pris acte du retrait de la proposition de loi par son auteure en application de l’article 84, alinéa 2, du règlement. En conséquence, il n’y a pas lieu de poursuivre la discussion sur ce texte.
Suspension et reprise de la séance
M. le président
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures vingt-cinq.)
M. le président
La séance est reprise.
2. Information sur l’origine des denrées alimentaires par l’étiquetage
Discussion d’une proposition de loi
M. le président
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de Mme Hélène Laporte et des députés du groupe Rassemblement national visant à rendre systématique l’information du consommateur sur l’origine des denrées alimentaires par le moyen de l’étiquetage (nos 1837, 1985).
Présentation
M. le président
La parole est à Mme Hélène Laporte, rapporteure de la commission des affaires économiques.
Mme Hélène Laporte, rapporteure de la commission des affaires économiques
L’objet de la proposition de loi que le groupe Rassemblement national vous soumet est clair, limpide et même évident pour quiconque croit en la souveraineté de notre pays : il s’agit de rendre systématique l’information du consommateur sur l’origine des denrées alimentaires. Ce renforcement des normes d’étiquetage s’inscrit dans un combat que nous estimons fondamental, celui de la transparence, de la loyauté et du respect dû à nos producteurs comme à nos concitoyens.
Offrir une information claire, complète et sincère sur l’origine des produits du quotidien est un acte de justice, tout d’abord envers nos agriculteurs qui se battent chaque jour pour maintenir une production française d’excellence, dans un cadre réglementaire souvent plus exigeant que partout ailleurs. C’est aussi un acte de justice envers les Français, qui ont le droit de savoir d’où vient la nourriture qu’ils consomment et dans quelles conditions celle-ci a été produite.
Les études d’opinion sont formelles : l’origine géographique est le premier déterminant de l’acte d’achat pour nos concitoyens. Pour les trois quarts d’entre eux, une origine française est un gage de qualité ; pour plus de 80 % de nos concitoyens, acheter français est une manière concrète de soutenir nos entreprises et de préserver nos emplois. Cette exigence n’est ni un caprice ni une lubie ; elle traduit une conscience collective, celle d’un peuple qui refuse de voir disparaître son modèle agricole et son indépendance alimentaire.
Pourtant, à l’heure actuelle, cette aspiration légitime est trahie par une législation lacunaire. Six Français sur dix estiment ne pas être correctement informés sur l’origine et la qualité des produits qu’ils consomment – et ils ont raison. En effet, si les règles d’étiquetage sont globalement satisfaisantes pour la viande ou les fruits et légumes, elles demeurent floues, voire inexistantes, dès lors qu’il s’agit de produits transformés. L’opacité règne, entretenue par un droit incomplet et par des stratégies commerciales qui jouent avec les symboles pour induire le consommateur en erreur. C’est pour remédier à cette défaillance que la proposition de loi établit un principe simple et universel : toute denrée alimentaire, brute ou transformée, doit indiquer de manière explicite le pays d’origine ainsi que celui de ses principaux ingrédients.
En agissant ainsi, nous ne faisons pas œuvre d’idéologie, mais de cohérence. En effet, sans transparence, il ne peut y avoir ni confiance du consommateur ni concurrence équitable entre producteurs. Mes chers collègues, vous le savez comme moi : nos agriculteurs subissent une concurrence internationale d’une brutalité inédite. Ils voient des produits affluer du bout du monde, fabriqués à moindre coût, selon des normes environnementales et sanitaires bien inférieures aux nôtres. Comment peuvent-ils résister alors que nos étals accueillent des marchandises d’importation dont les conditions de production sont inacceptables sur notre sol ? Nous ne pouvons pas, d’un côté, imposer à nos agriculteurs toujours plus de contraintes, et de l’autre, tolérer que leur production soit évincée par des produits étrangers fabriqués à bas prix dans des conditions inéquitables.
La loi Egalim 2 du 18 octobre 2021 avait annoncé des ambitions en matière de transparence sur l’origine. Pourtant, faute de décrets d’application, ces promesses sont restées lettre morte. Les obstacles sont connus : un droit européen rigide, parfois tatillon, et surtout – il faut le dire – un manque de volonté politique pour le faire évoluer. Loin de nous résigner à cette inertie, à travers cette proposition de loi, nous entendons au contraire ouvrir la voie, affirmer une exigence française et appeler à un changement d’échelle dans la réglementation européenne.
L’article 1er de la proposition de loi tend à généraliser l’obligation d’étiquetage à tous les produits alimentaires et marins, y compris transformés, en précisant qu’il sera nécessaire d’indiquer le pays d’origine de tout ingrédient représentant plus de 10 % du produit.
L’article 1er bis résulte d’un ajout opportun lors des discussions en commission des affaires économiques, signe encourageant que la collaboration constructive de députés d’autres groupes politiques pour élaborer un tel texte est possible et – évidemment – bienvenue. Il prévoit une obligation d’information complémentaire lorsque la production des denrées a donné lieu à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques, de produits vétérinaires ou d’aliments pour animaux interdits d’usage dans l’Union européenne. En tout état de cause, l’article L. 236-1 A du code rural et de la pêche maritime interdit la vente de tels produits. Vous le savez, nous serions favorables à rendre cette interdiction effective en bloquant leur entrée sur notre territoire, disposition qui avait été défendue l’an dernier dans un texte que nous avons évidemment soutenu. Toutefois, en l’absence d’une telle interdiction d’importation, une obligation d’informer sur ce point, assortie de sanctions lourdes, s’intègre parfaitement à la proposition de loi.
D’autres amendements déposés en séance seront l’occasion d’enrichir cette disposition en y intégrant la problématique des surtranspositions et celle de la souffrance animale – nous y reviendrons.
Mme Hélène Laporte, rapporteure
L’article 2 introduit une sanction proportionnée et dissuasive – un an d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende – afin de garantir le respect effectif de la loi. Le choix de cette peine n’est pas le fruit du hasard : elle correspond à la moitié de la peine actuellement prévue à l’article L. 132-2 du code de la consommation pour réprimer les pratiques commerciales trompeuses, soit deux ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende.
Enfin, l’article 3 renforce la lutte contre les pratiques commerciales trompeuses. L’usage du drapeau tricolore, d’une carte de France ou d’un emblème national ne pourra plus masquer la réalité – en l’occurrence, l’importation des produits. Cette interdiction, initialement inscrite à l’article 12 de la loi Egalim 2, était restée depuis quatre ans lettre morte, faute de décret d’application une fois encore. En apportant de la clarté au texte, nous supprimons la nécessité d’un décret et rendons la loi directement applicable en droit interne.
Nous mettons ainsi un terme à une pratique hypocrite trop répandue : laisser penser au consommateur que les produits proviennent de France alors que ce n’est pas la réalité. Seules les filières utilisant des matières premières non disponibles sur notre territoire continueront de bénéficier d’une exception, dès lors – c’est une précision qu’apporte le texte – que la transformation a lieu en France.
Avec ces dispositions, nous affirmons une triple ambition : la transparence, indispensable pour rétablir la confiance du consommateur ; la justice économique, pour garantir une concurrence équitable ; la souveraineté alimentaire, condition première de notre indépendance nationale.
Ne nous y trompons pas : la question de l’étiquetage n’est pas un détail administratif, mais bel et bien un enjeu stratégique. Nos importations de poulet ont bondi de 37 % en trois ans, nos vergers se vident, nos serres ferment, notre filière bovine s’affaiblit. C’est tout un pan de notre économie, de notre culture et de nos territoires qui vacille. Refuser la transparence sur l’origine, c’est entretenir cette désindustrialisation agricole et renoncer à l’un des fondements de notre identité : la fierté de produire et de consommer français.
Bien sûr, ce texte ne résoudra pas, à lui seul, la crise de notre agriculture. Cependant, il trace un cap et envoie un signal, celui d’une France qui veut savoir ce qu’elle mange, qui veut protéger ses producteurs et qui refuse la dilution de ses exigences dans une mondialisation sans conscience.
La France a souvent su, par ses choix, inspirer les réformes européennes. C’est le sens même de notre rôle législatif : anticiper, impulser et défendre nos intérêts. Le premier paragraphe de l’article 45 du règlement concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires, dit Inco, prévoit que « l’État membre qui juge nécessaire d’arrêter une nouvelle législation concernant l’information sur les denrées alimentaires notifie au préalable à la Commission et aux autres États membres les mesures envisagées ». Après l’adoption aujourd’hui de cette proposition de loi, le gouvernement français devra donc notifier à la Commission européenne l’existence du processus législatif en cours.
Cette étape technique doit être l’occasion de relancer la révision du règlement Inco qui, depuis le 25 octobre 2011, régit à l’échelle européenne les règles d’étiquetage des produits alimentaires. Annoncée pour 2022, elle n’est toujours pas à l’ordre du jour – ni en 2025 ni en 2026. Elle se fait donc toujours attendre, et le gouvernement français, au-delà des discours rassurants à visée électoraliste, semble pour l’heure s’être résigné à l’attentisme.
Je vous appelle à adopter cette proposition de loi comme l’a fait la semaine dernière la commission des affaires économiques. J’en ai la ferme conviction : personne ici ne pourrait, en conscience, écarter un texte qui redonne au consommateur le pouvoir de choisir ; au producteur, l’assurance de la reconnaissance de son travail ; à la nation, les moyens de préserver sa souveraineté alimentaire.
Faisons de cette loi un acte de clarté et de courage politique ! En matière alimentaire, comme dans bien d’autres domaines, la vérité est la première des libertés. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat, du tourisme et du pouvoir d’achat.
M. Serge Papin, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat, du tourisme et du pouvoir d’achat
Madame la rapporteure, je vous remercie d’avoir cité à deux reprises la loi Egalim 2, car je suis l’auteur du rapport qui en est à l’origine.
Je suis très sensible à ces questions puisque, pendant plus de quarante ans, le commerce a été mon quotidien. J’ai vu les lois évoluer et les habitudes de consommation changer profondément.
Ce qui domine aujourd’hui, c’est la conscience que l’alimentation est un facteur de santé, d’où l’importance de l’origine des produits. D’où vient ce que nous mangeons et faisons manger à nos enfants ? Telle est sans doute l’une des questions que les consommateurs se posent le plus. Bien plus qu’une simple tendance, c’est un changement dans nos modes de vie. Échaudés par plusieurs scandales, à une époque où l’information est accessible à tous, les Français veulent savoir ce qu’ils mettent dans leur assiette – et je les comprends.
Un cadre, qui impose des obligations aux producteurs, existe déjà au niveau européen. Il prévoit trois cas dans lesquels l’origine d’un produit doit être indiquée. Le premier, c’est lorsque la réglementation le prévoit expressément, comme pour les fruits et légumes – le pays de récolte doit toujours être mentionné – ou la viande.
Le deuxième, c’est lorsque le pays d’origine du produit est indiqué mais que son ingrédient primaire – celui qui représente plus de 50 % du produit – et ceux habituellement associés à la dénomination du produit viennent d’un autre pays. Prenons l’exemple d’une sauce tomate : si la sauce est préparée en France et que l’industriel vante cette provenance au moyen d’un drapeau alors que sa tomate – l’ingrédient principal – est espagnole, il devra renseigner l’origine de celle-ci.
Le troisième cas, c’est lorsque, compte tenu de la présentation d’un produit, l’omission de l’indication de son origine serait de nature à induire le consommateur en erreur.
Ce cadre a été conçu pour protéger le consommateur contre des pratiques trompeuses.
Le texte que nous examinons va plus loin. Il vise à changer de logique : il ne s’agit plus seulement de protéger, mais aussi d’informer. Il prévoit que le pays d’origine de toutes les denrées soit mentionné sur l’étiquette et que, pour les produits transformés, l’origine de l’ingrédient principal et de tout ingrédient présent à plus de 10 % soit indiquée.
Au fond, je partage cette ambition – c’est d’ailleurs pour cette raison que l’on m’avait confié la rédaction du rapport à l’origine de la loi Egalim 2. Un consommateur informé est un consommateur éclairé, donc une personne qui fait de meilleurs choix pour sa santé, pour son porte-monnaie et, souvent aussi, pour le respect de l’environnement.
Cependant, dans mes fonctions actuelles, je dois aussi veiller à ce que la loi soit applicable, proportionnée pour les entreprises et, surtout, respectueuse du cadre existant – c’est tout l’enjeu. Or votre proposition nous confronte à plusieurs difficultés.
Premièrement, cette proposition de loi emporte un risque juridique. Le règlement européen Inco fixe des règles précises, notamment s’agissant des marges de manœuvre des États membres. Sortir de ce cadre, c’est prendre un grand risque, celui d’être sanctionné. Étant donné la mission qui m’a été confiée, je ne veux pas exposer la France à un tel risque.
Deuxièmement, ce texte induit un risque économique, car il impose de nouvelles obligations et crée une barrière à l’entrée mais aussi à la sortie, ce qui compliquera nos exportations. Il y aura un coût : dans les deux cas, cela se traduira par une hausse des prix pour les consommateurs.
Troisièmement, vous créez un degré de complexité supplémentaire pour les entreprises. En allant aussi loin dans le détail, on forcerait certaines entreprises à modifier leurs étiquettes en permanence. Ce serait le cas, par exemple, pour un industriel qui produit du jus multivitaminé à partir d’oranges importées, sachant que les oranges peuvent provenir du Maroc une semaine donnée et du Brésil la suivante. Cela irait à l’encontre de la lutte que nous menons actuellement pour que les normes auxquelles sont soumises nos entreprises ne soient pas trop complexes.
Par ailleurs, l’article 2 introduit une sanction en cas de manquement à ces obligations. Or le droit actuel permet déjà de sanctionner les pratiques trompeuses sur l’origine des denrées.
Quant à l’article 3, il tend à autoriser l’utilisation de symboles français – comme le drapeau ou le mot « France » – pour des produits dont les matières premières ne viennent pas forcément de France à condition qu’une partie importante de la fabrication soit réalisée sur notre territoire. Il va pourtant de soi que le drapeau ou le mot « France » ne peuvent être utilisés que lorsque les produits viennent effectivement de France.
En résumé, je partage vos objectifs mais, en l’état, votre texte présente trop de fragilités. Je vous propose de suivre une autre piste. Je veux agir là où notre action peut être efficace, tout d’abord au niveau européen puisque c’est là que sont fixées les règles. La Commission a annoncé qu’elle allait bientôt rouvrir une partie du dossier de l’information au consommateur en s’orientant vers des démarches sectorielles. Je me rendrai prochainement à Bruxelles pour en discuter et pour faire bouger les lignes afin que l’on traite cette question à la hauteur de l’enjeu qu’elle représente pour les consommateurs aussi bien que pour les producteurs français. Le droit européen doit évoluer rapidement pour favoriser et instaurer une plus grande transparence sur l’origine des produits.
Je veux aussi m’engager au niveau national en poursuivant le déploiement de la démarche Origin’lnfo. Cette initiative qui repose sur le volontariat, parfaitement compatible avec le droit européen, permet déjà aux entreprises d’indiquer l’origine de la matière première agricole. Plus de 120 marques, dont certaines très connues, y participent. L’objectif est simple : permettre à chacun de savoir d’où vient le poulet qu’il cuisine ou la tomate qui compose sa sauce.
N’oublions pas que, dans une démarche de cette nature, il faut travailler avec les entreprises, qui ont intérêt à mettre en avant ces informations. Certaines – elles sont de plus en plus nombreuses – n’ont pas attendu la loi pour agir de leur propre chef et afficher l’origine du produit sur l’étiquette. Elles considèrent que c’est une manière de se singulariser, sachant que les produits d’origine française recueillent les faveurs de l’opinion publique. Les consommateurs sont très sensibles à cette forme de patriotisme, d’affirmation d’une identité qu’est le made in France.
En conclusion, si je partage votre ambition, nous devons agir dans le cadre le plus adapté sans fragiliser nos entreprises ni créer de nouvelles contraintes, surtout en ce moment. Continuons donc à avancer ensemble, mais dans le respect des règles européennes, de manière robuste pour les entreprises, avec la volonté commune d’apporter, en effet, plus de transparence aux consommateurs.
M. le président
La parole est à M. Julien Dive, suppléant M. Stéphane Travert, président de la commission des affaires économiques.
M. Julien Dive, suppléant M. Stéphane Travert, président de la commission des affaires économiques
Je m’exprime en qualité de vice-président de la commission des affaires économiques – j’en profite pour excuser notre président Stéphane Travert.
La semaine dernière, la commission des affaires économiques a examiné puis adopté le texte que vous lui proposiez, madame la rapporteure. L’information des consommateurs sur l’origine des produits est en effet un sujet majeur, indissociable de la question de la protection de la valeur de nos productions agricoles, donc de la rémunération de nos agriculteurs.
Ainsi, renforcer l’information du consommateur, lequel est très sensible à l’enjeu de l’origine, c’est permettre de différencier les produits français, de segmenter les marchés et de créer davantage de valeur pour les produits issus de l’agriculture française.
Qui n’a jamais eu le sentiment de se retrouver devant une carte IGN au moment d’essayer de déchiffrer, au beau milieu d’un rayon de supermarché, l’origine, la qualité et les bienfaits d’un produit qu’il s’apprête à acheter ? Ingrédients, mode de cuisson, labels – vrais ou faux –, marques, drapeau, Nutri-score, Rémunéra-score, etc., c’est une vraie jungle pour le consommateur !
Pour toutes ces raisons, le Parlement s’était déjà saisi de la question au cours des débats sur la loi Egalim en 2018 afin d’informer notamment sur l’origine des produits servis dans la restauration collective.
Cependant, c’est surtout dans le cadre de la loi Egalim 2 que l’objectif de renforcer l’information des consommateurs sur les produits alimentaires mis sur le marché a été rehaussé avec l’instauration de nouvelles dispositions au sein du code de la consommation. Celles-ci prévoyaient des obligations spécifiques d’information sur certains produits comme le cacao, la gelée royale, le miel, les bières, etc. De même, la loi rendait passible d’une amende le fait d’afficher un drapeau français ou un symbole officiel similaire sur un produit dont l’ingrédient principal n’est pas d’origine française.
Force est de constater qu’en la matière, plusieurs décrets d’application restent en suspens. Et pour cause ! Les obligations d’étiquetage ont été fixées par le règlement européen Inco. C’est dans ce cadre que s’appliquent les dispositions d’information au consommateur. Ainsi – et vous le savez, madame la rapporteure –, cette proposition de loi n’a aucune chance de prospérer car elle est contraire au droit de l’Union européenne.
Néanmoins, vous avez choisi cette voie. Au vu de l’importance de l’enjeu pour l’agriculture française, la commission des affaires économiques a adopté votre proposition de loi non sans l’avoir amendée fortement en y introduisant l’article 1er bis – défendu par votre serviteur –, qui impose en outre l’information du consommateur au moyen de l’étiquetage lorsqu’une denrée alimentaire a été produite dans des conditions impliquant l’utilisation de produits phytopharmaceutiques ou vétérinaires ou d’aliments pour animaux non autorisés dans l’Union européenne.
Il s’agit là aussi d’un point crucial pour la défense de notre agriculture, qui ne doit plus subir de concurrence déloyale résultant du fait que nos partenaires n’imposent pas à leurs agriculteurs les règles auxquels les nôtres sont soumis. Lorsque le mode de production d’une denrée alimentaire ne respecte pas les règles qui s’appliquent aux producteurs français, il faut à tout le moins que les consommateurs en soient informés.
L’adoption de cette proposition de loi en commission des affaires économiques nous permet d’évoquer solennellement, dans l’hémicycle, ce sujet important, étant entendu que le groupe Rassemblement national a modifié l’ordre d’examen des textes de sa niche pour avancer celui-ci en troisième position.
Discussion générale
M. le président
Dans la discussion générale, la parole est à M. Patrice Martin.
M. Patrice Martin
La souveraineté alimentaire n’est pas un slogan : c’est la condition première de l’indépendance d’un pays. Elle se définit comme la capacité d’un État à nourrir sa population avec des produits de qualité, issus de son propre territoire, tout en respectant ses choix économiques, sanitaires et environnementaux. Or, depuis vingt ans, cette souveraineté, en France, recule dangereusement. Notre pays, autrefois deuxième puissance exportatrice agricole mondiale, n’occupe plus que le sixième rang.
M. Pierre Cordier
Eh oui !
M. Patrice Martin
Pour la première fois depuis un demi-siècle, notre balance commerciale agricole s’apprête à passer dans le rouge d’ici à la fin de l’année.
En dix ans, la France a perdu 10 % de ses exploitations agricoles : c’est un véritable plan social silencieux. Un agriculteur sur trois vit sous le seuil de pauvreté. Et, dans les dix ans à venir, la moitié de nos paysans partiront à la retraite, souvent sans avoir trouvé de repreneur.
Nos agriculteurs subissent une avalanche de normes, de surtranspositions européennes et la concurrence déloyale de produits importés qui ne respectent ni nos standards de production, ni nos exigences sociales.
Pendant qu’on écrase ainsi le travail agricole français, on laisse prospérer une injustice majeure : l’opacité de l’étiquetage. Combien de consommateurs croient encore acheter français alors que les produits viennent de l’autre bout du monde ? Combien de fruits, de légumes, de viandes, de plats transformés affichent des mentions vagues, trompeuses, où l’origine réelle se perd dans les astérisques et les petits caractères ?
Cette opacité n’est pas une fatalité. Elle résulte d’un choix politique : celui du laisser-faire, du renoncement et de la dérégulation. C’est pourquoi les membres du groupe Rassemblement national proposent de rendre systématique et obligatoire l’information sur l’origine des denrées alimentaires, qu’il s’agisse des produits bruts ou des ingrédients qui les composent. La traçabilité et la transparence ne sont pas seulement des notions techniques : ce sont des principes de justice et de loyauté économique. Les Français ont le droit de savoir ce qu’ils mangent et d’où vient ce qui compose leurs assiettes. Ils ont le droit de choisir des produits issus de leur territoire, de leur agriculture, de leur savoir-faire.
Cette mesure s’inscrit dans les grands axes du programme présidentiel de Marine Le Pen et du Rassemblement national : garantir des prix justes dans les négociations entre agriculteurs et grandes surfaces ; instaurer la priorité nationale et privilégier les circuits courts dans la restauration collective ; suspendre tout nouvel accord de libre-échange et sortir l’agriculture des traités déloyaux existants ; décréter un moratoire sur le Green Deal européen, symbole d’une écologie punitive qui fragilise nos exploitations ; enfin, imposer des clauses miroirs, pour qu’aucun produit étranger ne puisse entrer sur notre territoire s’il ne respecte pas nos normes de production.
Cette mesure prolonge aussi le combat mené au Parlement européen par le Rassemblement national en faveur d’une Europe des nations souveraines, où chaque pays retrouve la maîtrise de sa politique agricole et de son modèle alimentaire.
La souveraineté alimentaire, c’est aussi une politique économique de bon sens. Chaque produit brut ou transformé en France, chaque atelier ouvert ou rouvert, c’est un emploi sauvegardé, une richesse qui reste sur notre sol. C’est la relocalisation de nos filières, la revalorisation du travail agricole et la protection du pouvoir d’achat des Français. Il s’agit de conformer notre action au triptyque économique « produire, protéger et permettre » : produire en France ce que nous consommons ; protéger nos producteurs de la concurrence déloyale ; permettre aux consommateurs de choisir en connaissance de cause.
Reprendre le contrôle de notre destin agricole, c’est dire non à la dépendance et à la tromperie ; c’est dire oui à la transparence, à la loyauté et au respect du travail français. Défendre nos campagnes, nos producteurs, nos savoir-faire, notre identité culinaire : voilà notre ambition pour l’agriculture française. Étiqueter, c’est respecter : respecter le travail de ceux qui nourrissent la France ; respecter le droit de choisir et de consommer français ; respecter, enfin, notre souveraineté nationale ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à M. Jean-Luc Fugit.
M. Jean-Luc Fugit
Votre proposition de loi prétend renforcer la transparence sur l’origine des denrées alimentaires. Sur le fond, qui pourrait s’y opposer ? Nous sommes tous attachés à la souveraineté alimentaire de la France et à ce que la transparence soit garantie au consommateur, et nous avons tous à cœur la valorisation de l’agriculture française, qui est certainement la meilleure du monde – notamment dans mon département du Rhône.
C’est d’ailleurs pour valoriser l’origine française qu’en 2016, par exemple, le gouvernement de l’époque avait promulgué un décret sur l’origine du lait, dit décret Lactalis. Or le Conseil d’État, dans sa décision du 10 mars 2021, a annulé ce décret. Pourquoi ? Parce que le règlement européen Inco harmonise intégralement l’information du consommateur sur l’origine des denrées alimentaires. Le Conseil d’État a constaté qu’il était impossible pour un État membre d’imposer seul une mention obligatoire d’origine, à moins qu’il ne démontre que sont réunies deux conditions strictes prévues à l’article 39 de ce règlement : il doit exister un lien objectif entre l’origine géographique et les propriétés du produit ; la majorité des consommateurs doit attacher une importance décisive à cette information. Or, s’agissant du lait, aucune de ces deux conditions n’était remplie. La même logique a d’ailleurs conduit, plus récemment, à l’annulation des décrets de 2022 et 2024 sur les dénominations végétales. Les mêmes raisons ont prévalu : le droit européen est d’harmonisation complète.
Autrement dit, alors que le Conseil d’État a annulé la création d’une indication d’origine concernant une seule filière bien spécifique, en considérant que cette indication était contraire au droit commun européen, vous proposez aujourd’hui de généraliser une telle indication d’origine à tous les produits alimentaires. Manifestement, vous pensez que, par miracle, cette loi ne sera ni contestée, ni retoquée. Comme on dit : plus c’est gros, mieux ça passe !
La réalité, c’est que vous savez pertinemment, madame la rapporteure, que le verdict est sans appel : si votre proposition de loi était adoptée, elle ne s’appliquerait jamais. ( MM. Boris Tavernier et Frédéric Maillot applaudissent.) Vous l’avez d’ailleurs reconnu lors de son examen en commission, puisque vous avez indiqué qu’au fond, ce texte était – je vous cite – « un texte d’appel. »
Soyons lucides : cette proposition a pour seul but de faire croire que vous défendez le « produire français » alors que vous savez qu’elle sera invalidée à la première contestation. Ce que vous faites aujourd’hui, c’est, une fois de plus, de la pure démagogie, et votre loi est un leurre politique. (Mme Sandra Marsaud applaudit.)
Votre méthode suscite l’interrogation : si le but de cette proposition de loi est d’envoyer un message à la Commission européenne, pourquoi n’avez-vous pas déposé une proposition de résolution européenne appelant à la révision du règlement Inco ? Si le but du Rassemblement national est de changer les choses, pourquoi perdons-nous notre temps à discuter de mirages législatifs ? Pourquoi n’êtes-vous pas, en ce moment même, en train de préparer une initiative au Parlement européen ? Vous y disposez désormais d’un groupe nombreux et vous pourriez sans nul doute trouver des majorités sur ce sujet.
Chers collègues du Rassemblement national, vous qui aimez à nous rappeler ce que veulent les Français, dites à vos députés européens que ce que veulent les Français,…
M. Benjamin Lucas-Lundy
C’est qu’ils rendent l’argent !
M. Jean-Luc Fugit
…c’est qu’ils siègent, travaillent et proposent des réformes. (Mme Sandra Marsaud, Mme Corinne Vignon et M. Jean Moulliere applaudissent.) Au lieu d’agiter des symboles ici, dites donc à vos députés européens de défendre au niveau européen le projet de réforme que vous souhaitez !
Enfin, je tiens à vous dire que, si la révision du règlement Inco doit effectivement se jouer à Bruxelles, cela ne veut pas dire que rien n’a été fait au niveau national. Ces dernières années, plusieurs avancées ont été obtenues : l’affichage obligatoire de l’origine de la viande bovine dans les restaurants, grâce à la loi Bessot Ballot, du nom de notre ancienne collègue ; l’affichage obligatoire de l’origine de la viande dans les produits transformés, grâce à la loi Egalim 2 ; enfin, le dispositif Origin’Info, créé par la ministre Olivia Grégoire, qui permet aux marques volontaires d’indiquer l’origine des matières premières et auquel plus de 120 marques ont souscrit.
En conclusion, soyons parfaitement clairs : notre groupe est totalement favorable à l’indication systématique et obligatoire de l’origine de tous les aliments.
M. Pierre Cordier
Bien sûr !
M. Jean-Luc Fugit
Mais nous refusons de faire croire à nos concitoyens qu’une loi nationale pourra effacer un règlement européen et de soutenir des textes d’affichage qui décrédibilisent le législateur et le Parlement français.
Mme Sandra Marsaud
Eh oui !
M. Jean-Luc Fugit
Pour le groupe Ensemble pour la République, une bonne intention ne suffit pas toujours à faire une bonne loi.
M. Pierre Cordier
Il faudra le dire à Macron !
M. Jean-Luc Fugit
Nous voterons donc contre ce texte. (Mme Sandra Marsaud, Mme Mélanie Thomin et M. Boris Tavernier applaudissent.)
M. le président
La parole est à Mme Sylvie Ferrer.
Mme Sylvie Ferrer
L’objectif affiché de ce texte est de permettre de consommer local sans pour autant faire toute la lumière sur le mode de production. Faire toute la transparence sur la confection d’un produit, c’est aussi indiquer le lieu de naissance des animaux et leur lieu d’élevage, qui peuvent être différents. Faire toute la transparence, c’est encore indiquer leur mode d’élevage – en plein air, en bâtiment, intensif ou en ferme usine – ainsi que leur alimentation. Si les consommateurs demandent effectivement en très grande majorité un meilleur étiquetage, c’est parce qu’ils veulent que leurs actes d’achat soient globalement vertueux.
Dès 2013, selon une enquête européenne menée par l’organisation Compassion In World Farming, 92 % des sondés en France souhaitaient, pour la viande et les produits laitiers, un étiquetage obligatoire qui précise le mode d’élevage, à l’instar de ce qui est en vigueur pour les œufs.
Je m’adresse donc au Rassemblement national : c’est un vœu pieux de votre part que de vouloir favoriser une consommation française, quelles que soient les conditions, sans donner aux consommateurs la possibilité de bénéficier d’une transparence globale, notamment sur la densité des élevages ainsi que sur la nature et le lieu de production de l’alimentation donnée au bétail. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
La connaissance de l’origine ne changera pas tout ! Selon une enquête menée par OpinionWay en 2019, 88 % des Français sont avant tout intéressés par la qualité. En deuxième position arrive le made in France, pour 87 % d’entre eux, à égalité avec les produits bons pour la santé. Ce qui sauvera notre agriculture, ce sont des prix rémunérateurs et une montée en gamme des produits. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Sur le terrain, à rebours des revendications de certains syndicats nationaux majoritaires, les agriculteurs sont volontaires pour réduire l’usage de produits phytosanitaires, sans doute aussi parce qu’ils savent que ces produits nuisent à leur santé. De nombreuses études confirment le lien entre l’utilisation des pesticides et le développement de certains cancers de la prostate, du myélome ou du lymphome chez les agriculteurs.
M. Pierre Cordier
Des études qui viennent d’où ?
Mme Sylvie Ferrer
C’est notamment le cas de l’étude Agrican, menée sur le fondement de questionnaires envoyés depuis 2005 à 180 000 affiliés à la Mutualité sociale agricole (MSA). Les produits phytosanitaires détruisent les corps des agriculteurs et ceux des consommateurs. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Ils polluent nos terres, tout notre écosystème et l’eau, jusqu’aux nappes phréatiques.
Encore une fois, le Rassemblement national se révèle être une escroquerie ! Il n’y a qu’à se pencher sur la réalité de ce texte ! En tout premier lieu, son incompatibilité avec le droit européen le rend inopérant en pratique dans le contexte politique actuel – Mme la rapporteure l’a reconnu elle-même.
En second lieu, il est temps d’examiner la réalité de vos votes, mesdames et messieurs les députés du Rassemblement national ! Nous n’oublierons pas que le RN s’est abstenu lorsqu’il s’est agi de voter, en 2024, sur la proposition de loi qui visait à instaurer des prix planchers au bénéfice des agriculteurs (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS),…
M. Benjamin Lucas-Lundy
Ce sont des Tartuffe !
Mme Sylvie Ferrer
…ni qu’il se positionne comme un soutien indéfectible de la loi Duplomb, totem d’un modèle productiviste, destructeur d’emplois et de l’environnement (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS),…
M. Benjamin Lucas-Lundy
Exactement ! C’est honteux !
Mme Sylvie Ferrer
…qui a réintroduit l’acétamipride, un néonicotinoïde tueur d’abeilles, que nous ingérerons nous aussi !
M. Pierre Cordier
Les abeilles ne vont pas dans les betteraves, qui ne font pas de fleurs…
M. Fabien Di Filippo
Hors sujet ! Ça n’a rien à voir avec le texte !
Mme Sylvie Ferrer
En prenant le contre-pied de la loi Duplomb, il faut transformer la politique agricole commune (PAC), engager la sortie du système actuel d’aides à l’hectare, qui pousse à l’agrandissement démesuré au détriment des fermes paysannes, pour aller vers un système de contrats de transition agroécologique et de paiements pour services environnementaux qui comportent les aides à l’agriculture biologique.
En complément, il faut créer des aides ambitieuses à la transmission et à l’installation pour permettre à nos jeunes agriculteurs de s’implanter et pour soutenir les projets territoriaux qui participent aux circuits courts et à l’approvisionnement de la restauration collective de proximité. (Applaudissements sur plusieurs sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Durant la discussion budgétaire de la mission Agriculture, il y a quelques jours, le RN proposait de retirer 3,7 millions d’euros à l’Agence française pour le développement et la promotion de l’agriculture biologique – l’Agence bio –, dont il souhaite la suppression, et 9 millions à la structuration des filières biologiques.
M. Benjamin Lucas-Lundy
La honte !
Une députée du groupe LFI-NFP
Ce sont des escrocs !
Mme Sylvie Ferrer
Dans cette même discussion budgétaire, il assumait de soutenir une baisse de 90 millions pour le fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA),…
M. Maxime Laisney
Ah ben bravo !
Mme Sylvie Ferrer
…dispositif d’aide destiné aux exploitations agricoles ayant subi des pertes résultant de calamités agricoles.
Pour soutenir les agriculteurs de façon effective, je propose au Rassemblement national de voter pour une augmentation, au niveau du smic, des pensions de retraite pour une carrière complète, et pour l’augmentation du minimum vieillesse au niveau du seuil de pauvreté. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Gérard Leseul applaudit également.)
Mme Anne-Laure Blin
Qui paie ? L’argent magique ?
M. Pierre Cordier
Et les recettes ?
Mme Sylvie Ferrer
Voilà deux mesures concrètes pour nos agriculteurs, qui perçoivent souvent de très faibles pensions de retraite.
Par ailleurs, le pouvoir d’achat des salaires n’a jamais rattrapé son niveau de 2021. Le Rassemblement national n’a pas voté l’indexation des salaires sur l’inflation, ni la revalorisation du smic et des minima sociaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit également.) En conséquence, les foyers ont toujours moins d’argent, chaque mois, pour les dépenses alimentaires.
Vous proposez un texte sur l’étiquetage, mais derrière cet affichage, d’une grande hypocrisie, vous ne soutenez aucune mesure pour le pouvoir d’achat et, par là même, vous poussez la plupart des consommateurs vers la malbouffe.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre cette proposition de loi. (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent. – MM. Benjamin Lucas-Lundy et Boris Tavernier applaudissent également.)
M. le président
La parole est à Mme Mélanie Thomin.
Mme Mélanie Thomin
Cette proposition de loi illustre une pratique bien connue à laquelle recourt l’extrême droite : reprendre à son compte des idées élaborées par d’autres, en les simplifiant à outrance, pour en faire un coup politique sans lendemain.
En 2024, le groupe socialiste, sous l’impulsion de Dominique Potier, avait déjà déposé une proposition de loi complète sur le partage de la valeur tout au long de la chaîne agroalimentaire, incluant un affichage au consommateur, pour garantir une transparence réelle du prix entre producteurs, transformateurs et distributeurs.
Revenons à votre proposition de loi : elle repose sur un énorme mensonge envers nos agriculteurs, car elle est tout simplement incompatible avec le droit européen, en l’occurrence le règlement Inco.
Mme Hélène Laporte, rapporteure
Il va falloir trouver un autre argument.
Mme Mélanie Thomin
Vous l’avez vous-même avoué en commission, madame la rapporteure, et l’ensemble des groupes présents l’ont signalé. Votre proposition de loi n’a pas les qualités législatives requises pour être opérationnelle. Pourtant, vous la maintenez à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.
Votre texte contourne, en toute impunité, la réglementation européenne…
M. Guillaume Garot
Ce sont des spécialistes !
Mme Mélanie Thomin
…alors qu’une révision des règles d’étiquetage des denrées alimentaires est en cours afin d’améliorer l’information du consommateur, notamment sur les aspects nutritionnels et la durabilité des produits.
Ce texte procède d’une vision réductrice, tronquée, alors que nous cherchons des voies de passage pour aider concrètement les agriculteurs, sans leur raconter, comme vous le faites, des histoires à dormir debout.
Une vraie politique agricole mérite que l’on assume une approche complète, engagée, par filière. Aux côtés des parlementaires européens socialistes, nous avons des propositions solides. Nous voulons de vraies lois sur l’étiquetage – pas des lois d’affichage – qui vont de la production au consommateur, intégrant non seulement l’origine des produits, mais aussi les qualités nutritives des aliments, avec la généralisation du Nutri-score, auquel nous sommes très attachés.
M. Guillaume Garot
Très bien !
Mme Mélanie Thomin
Enfin et surtout, il faut un étiquetage qui prenne en compte les conditions de production et de rémunération des producteurs – les agriculteurs et les salariés agricoles –, car c’est aussi ce qui fait la qualité d’un produit.
La rédaction de plusieurs articles de votre texte est clairement défaillante. Vous le savez et vous l’assumez. L’article 1er bis, issu d’un amendement du groupe DR adopté en commission, rend obligatoire l’étiquetage des denrées produites en utilisant des produits phytosanitaires interdits dans l’Union européenne. Nous, socialistes, pensons qu’il faut, au contraire, interdire purement et simplement la vente de ce type de produits agricoles dans les rayons des supermarchés.
M. Guillaume Garot
Bien sûr !
Mme Hélène Laporte, rapporteure
Ce n’est pas applicable.
Mme Mélanie Thomin
Ainsi, dans notre proposition de résolution européenne contre l’accord UE-Mercosur, nous proposons d’inverser la charge de la preuve : c’est aux pays tiers de prouver que leurs produits respectent nos normes et peuvent être importés sur le sol européen, et non au consommateur de trancher en lisant sur l’étiquette « avec ou sans hormones de croissance ».
M. Guillaume Garot
Oui, c’est la bonne méthode !
Mme Mélanie Thomin
L’article 3 est une tromperie aggravée : dans une rédaction très ambiguë, vous autorisez l’apposition du drapeau ou d’un autre symbole français sur des produits qui ont seulement été transformés en France, sans qu’il soit nécessaire de rien préciser sur leur provenance ni sur les conditions de leur production.
M. Guillaume Garot
Quelle tromperie !
Mme Mélanie Thomin
Du surimi transformé en France mais dont les ingrédients ont été pêchés à l’autre bout du monde pourrait donc bénéficier d’un drapeau français ? Vous irez l’expliquer à nos pêcheurs !
Rappelons que l’extrême droite est régulièrement aux abonnés absents lorsqu’il s’agit de défendre concrètement les agriculteurs. Lors de l’examen de la proposition de loi prolongeant la majoration du seuil de revente à perte, nous avons fait adopter des amendements inscrivant dans la loi les contrats tripartites pluriannuels et prévoyant un contrôle annuel de la bonne répartition des gains réalisés par la grande distribution. Ces amendements sont essentiels pour garantir une meilleure transparence des prix.
Il en va de même lorsqu’il s’agit de lutter contre les situations de concurrence déloyale les plus graves. Souvenons-nous de la volte-face des députés du RN au Parlement européen en 2020 : ils se sont abstenus lors du vote qui a rejeté l’accord UE-Mercosur. Madame Laporte, vous qui siégiez alors sur les bancs du RN à Bruxelles, expliquez-nous votre position opportuniste contre ce traité ! (MM. Laurent Lhardit et Pierre Pribetich applaudissent.)
La vraie question qui se pose face à ce texte est la suivante : voulons-nous encore nous contenter d’initiatives symboliques, électoralistes, instrumentalisant les difficultés des agriculteurs, ou allons-nous enfin adopter une vision cohérente et structurante pour l’agriculture et pour le droit des consommateurs ?
Vous semez la colère, madame la rapporteure, en faisant voter des mesures juridiquement inapplicables qui donnent le signal dangereux d’une impuissance politique permanente.
M. Pierre Pribetich
Comme d’habitude !
Mme Mélanie Thomin
Pour la défense des agriculteurs, fiers de produire dans nos territoires, mais aussi des consommateurs, soucieux d’une alimentation de qualité, nous voterons contre l’hypocrisie et contre vos fausses promesses. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS.)
M. le président
La parole est à M. Julien Dive.
M. Julien Dive
Madame la rapporteure, vous nous présentez une proposition de loi d’appel – comme vous l’avez qualifiée en commission des affaires économiques – pour envoyer un signal. Je ne vous ferai pas de procès quant à votre engagement,…
M. Benjamin Lucas-Lundy
Le procès a déjà eu lieu !
M. Julien Dive
…pas plus que je n’en ferai aux collègues engagés dans la défense des agriculteurs sur les différents bancs de cet hémicycle. Je pense notamment à Dominique Potier dans le groupe socialiste, à Jean-Luc Fugit dans le groupe EPR, à vous-même, madame la rapporteure, à Benoît Biteau…
M. Benjamin Lucas-Lundy
Il est excellent !
M. Julien Dive
…et à Richard Ramos. Les députés qui s’engagent sur la question agricole sont nombreux, avec leurs différences, leurs ambitions, leurs propositions. Cependant, quand on s’engage, il faut le faire avec efficacité.
Vous le savez, vous qui avez été députée européenne, la question de l’étiquetage des origines sur les produits alimentaires relève du règlement Inco, que nous sommes nombreux, parmi les parlementaires, à souhaiter réviser. J’ai moi-même appelé à une telle révision, en 2021, dans le rapport que j’ai remis à l’issue de la mission d’information sur l’autonomie alimentaire de la France.
Pour envoyer ce signal, l’outil pertinent était une proposition de résolution européenne.
M. Jean-Luc Fugit
Oui, c’est ce que j’ai dit.
M. Julien Dive
Vous me direz que vous avez tenté de l’utiliser, que cela n’a pas été retenu. Nous pourrons solliciter à ce sujet le président de la commission des affaires européennes. Je suis persuadé que l’on peut parvenir à en débattre dans cette commission. Avec cette proposition de loi, la seule chose que vous réussirez à créer, c’est de la déception, parce que vous allez laisser penser au monde agricole que le problème est réglé.
Le monde agricole a besoin de notre accompagnement et de notre mobilisation. Nous nous sommes déjà mobilisés sur de nombreuses questions, notamment avec la loi d’orientation et d’avenir agricoles et, bien sûr, avec la loi Duplomb. Notre agriculture et nos agriculteurs souffrent, quels que soient les filières et les territoires. C’est aussi pour cette raison que nous ne pouvons pas faire ou dire n’importe quoi.
Mme Hélène Laporte, rapporteure
Bien sûr.
M. Julien Dive
Néanmoins, je me suis engagé à défendre votre appel, car c’est l’occasion de faire passer quelques messages. Si cette proposition de loi était acceptée, il faudrait vous engager à expliquer aux agriculteurs pourquoi elle ne sera pas applicable. Vous vous sentirez bien maligne de dire aux agriculteurs que vous avez fait adopter une proposition de loi qui ne changera rien à leur quotidien !
J’ai donc pris ce pari et défendu un amendement instaurant une forme de mesure miroir, assez puissante : dans le cas où des produits ne respecteraient pas les standards imposés à nos agriculteurs en Europe et en France, leur étiquetage devrait obligatoirement le mentionner – cette mesure relève du même esprit que l’article 40 de la loi Egalim, d’ailleurs inapplicable. L’amendement a été adopté en commission ; il est à l’origine de l’article 1er bis. Je suis persuadé que cette disposition pourra également recueillir un assentiment dans cet hémicycle.
Monsieur le ministre, deux enjeux cruciaux doivent nous mobiliser. Tout d’abord, la révision de la politique agricole commune, qui inquiète le monde agricole.
M. Laurent Wauquiez
Ça, c’est l’un des gros sujets.
M. Julien Dive
Nous devons nous opposer aux coupes franches envisagées par Ursula von der Leyen. Il s’agit de défendre nos modèles agricoles, tant ceux des zones de grande culture que ceux des territoires bénéficiant de l’indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN), chers à Laurent Wauquiez.
Ensuite, c’est l’opposition farouche au traité de libre-échange UE-Mercosur, qui fait l’unanimité sur ces bancs comme sur ceux du Sénat. (M. Laurent Wauquiez, Mme Nicole Dubré-Chirat et M. Éric Martineau applaudissent.) Nous demandons qu’il y ait un vote, pour que le Parlement français puisse exprimer clairement sa position. Nous refusons ce traité parce qu’il va mettre à mal notre agriculture française et pénaliser nos éleveurs, qui subissent des drames. Monsieur le ministre, c’est surtout sur ce grand enjeu que nous vous attendons. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. le président
La parole est à M. Boris Tavernier.
M. Boris Tavernier
Mal écrit et hypocrite : voilà comment qualifier votre texte qui prévoit de généraliser l’étiquetage géographique des produits alimentaires.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Exactement !
M. Guillaume Garot
C’est très bien dit !
M. Pierre Pribetich
Très juste !
M. Thierry Tesson
Voilà qui est très nuancé…
M. Boris Tavernier
Il est d’abord mal écrit, mais je ne vais pas trop m’y attarder. Sa nouveauté réside dans le fait que l’indication du pays d’origine devrait se faire par l’étiquetage, et seulement par l’étiquetage. Cela signifie que chaque produit alimentaire, brut ou transformé, devrait être muni d’une étiquette. Si votre loi était appliquée, le rayon fruits et légumes aurait fière allure, puisque la moindre pomme, cerise ou banane devrait avoir son étiquette ! (Mme Léa Balage El Mariky sourit.) Le Rassemblement national n’aurait donc rien à envier aux fameux bureaucrates de la Commission européenne, qu’il critique pourtant à longueur de journée en les accusant de produire des normes loufoques ou inadaptées.
Votre texte est mal écrit – ce ne sera une surprise pour personne –, mais surtout, votre démarche est hypocrite.
Mme Hélène Laporte, rapporteure
Quelle condescendance…
M. Boris Tavernier
Aujourd’hui, vous prétendez défendre la transparence en matière d’alimentation. Or, hier, en commission des affaires sociales, j’ai défendu un amendement visant à rendre obligatoire le Nutri-score – vous savez, ce logo nutritionnel plébiscité par les consommateurs, validé par la science. Qu’ont fait vos députés ? Ils s’y sont opposés farouchement, en répétant les éléments de langage des lobbys agro-industriels.
Vous prétendez défendre la transparence en matière d’alimentation. Pourtant, au RN, vous vous attaquez aux institutions qui la permettent. Il y a quelques mois, vous avez déposé des amendements au projet de loi « simplification » pour supprimer l’Observatoire de l’alimentation (Oqali), dont le rôle est précisément de nous informer sur la qualité nutritionnelle des produits transformés.
Lors de l’examen de ce même texte, mais aussi dans votre contre-budget présenté la semaine dernière, vous avez proposé de supprimer l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), dont la création avait été décidée à la suite de la crise de la vache folle. En d’autres termes, vous vous attaquez à une institution qui nous protège, nous, consommateurs, en nous permettant de mieux comprendre ce que nous mangeons.
Vous prétendez défendre la transparence en matière d’alimentation, mais vous vous êtes attaqués l’an dernier à l’Institut national de l’origine et de la qualité (Inao), en proposant par amendement la diminution de 20 % de son budget, et même sa suppression. La mission de cet institut est, je le rappelle, d’accompagner les producteurs dans leurs démarches AOP – appellation d’origine protégée –, IGP – indication géographique protégée – ou Label rouge. Vous êtes de piètres défenseurs de notre patrimoine, de nos savoir-faire, de notre alimentation et de nos paysans.
Vous prétendez défendre la transparence en matière d’alimentation, mais vous vous attaquez aux associations lanceuses d’alerte qui y contribuent. Je pense ici aux amendements que vous soutenez en ce moment même, dans la discussion du projet de loi de finances, pour bâillonner les associations qui osent s’introduire dans des abattoirs-usines pour mener un travail d’intérêt public : nous informer, nous, consommateurs ; nous montrer la réalité, les excès et le non-respect de la loi dans certains de ces lieux.
Alors, quelle transparence défendez-vous, au Rassemblement national ? Une transparence sans expertise publique ou indépendante, sans vigilance et contre-pouvoir citoyen – autrement dit, une transparence dépouillée de tous ses moyens. Les seuls qui auront la capacité de voir et de savoir seront les industriels.
J’accuse donc le Rassemblement national de n’avoir strictement rien à faire de la transparence en matière d’alimentation. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et SOC.)
M. Benjamin Lucas-Lundy
Exactement ! Ce sont des Tartuffe !
M. Boris Tavernier
Plus généralement, j’accuse le Rassemblement national de n’avoir strictement rien à faire de ce que l’on met dans notre assiette.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Eh oui !
M. Boris Tavernier
Soutiens presque fanatisés de la loi Duplomb et du retour des pesticides, vous n’avez rien à faire que des produits dangereux pour la santé se retrouvent dans notre assiette.
Partisans inconditionnels de l’agrochimie, vous proposiez la semaine passée, lors du débat budgétaire, de supprimer l’Agence bio, c’est-à-dire de réserver cette alimentation aux plus riches et de tourner le dos aux dizaines de milliers d’agriculteurs qui ont choisi ce mode de production.
Mme Marie Pochon
C’est vrai !
M. Benjamin Lucas-Lundy
La honte !
M. Boris Tavernier
Soumis aux lobbys, vous n’en avez rien à faire du remplacement de nos fermes par des usines à viande, au mépris du bien-être animal. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
M. Benjamin Lucas-Lundy
Il a raison !
M. Boris Tavernier
Pour les collègues du Rassemblement national, c’est probablement peine perdue. J’invite les autres, s’ils souhaitent sincèrement plus de transparence dans l’alimentation, à s’intéresser à nos travaux, à nos propositions. Les sénateurs écologistes ont par exemple lancé une commission d’enquête chargée de faire la lumière sur les marges de la grande distribution.
Mme Léa Balage El Mariky
Exactement !
M. Boris Tavernier
Si vous souhaitez une alimentation de meilleure qualité, si vous souhaitez donner aux Français la possibilité de mieux manger, soyez cohérents : revenez sur la loi Duplomb !
M. Benjamin Lucas-Lundy
Implacable !
M. Boris Tavernier
Interdisez la publicité pour les produits alimentaires mauvais pour la santé, en particulier celle qui vise les enfants ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et SOC.) Soutenez la généralisation du Nutri-score et du planet-score ! Voyons même plus grand : reconnaissons le droit à l’alimentation et inscrivons-le dans la Constitution ! (Mêmes mouvements.)
Mme Léa Balage El Mariky
Bravo !
M. Benjamin Lucas-Lundy
Il a raison !
M. le président
La parole est à M. Éric Martineau.
M. Éric Martineau
L’origine des produits alimentaires constitue aujourd’hui un critère de choix déterminant pour un grand nombre de consommateurs. Nos choix alimentaires ne dépendent plus seulement du goût ou du prix : ils traduisent une volonté de consommer de manière responsable, en tenant compte de la qualité, de la traçabilité et de l’impact environnemental des produits.
Dans ce contexte, l’étiquetage de l’origine joue un rôle déterminant, car il informe, oriente et responsabilise le consommateur. Lorsque l’on fait ses courses ou que l’on fait le choix de se restaurer en dehors de son domicile, on peut être confronté à des produits alimentaires aux origines plus ou moins opaques.
La demande de l’indication d’origine émane des consommateurs, mais également des agriculteurs et producteurs. J’y suis moi aussi favorable, comme la plupart d’entre nous, je n’en doute pas. Faire la transparence sur les produits présents dans notre assiette est important pour les consommateurs que nous sommes tous, et permet de valoriser le travail de nos agriculteurs. Promouvoir cette transparence est un objectif louable. L’interrogation est légitime, et ces informations doivent être facilement accessibles, compréhensibles et fiables.
La confiance est essentielle, et nous n’avons pas attendu votre texte pour agir, madame la rapporteure. Je tiens à rappeler et à saluer le travail de nos ministres de l’agriculture, Marc Fesneau et Annie Genevard, qui ont travaillé en ce sens. (Mme Blandine Brocard applaudit.) Les agriculteurs et leurs organisations reconnaissent notre travail sur le sujet.
L’indication de l’origine est déjà obligatoire pour plusieurs catégories de produits agricoles. C’est notamment le cas des viandes préemballées de bœuf, de porc, de volaille, de mouton et de chèvre, pour lesquelles doivent figurer les lieux d’élevage et d’abattage. Pour la viande de bœuf, qu’elle soit préemballée ou non, le lieu de naissance de l’animal doit aussi être mentionné. Au début de l’année, cette obligation a été étendue aux viandes servies dans la restauration, y compris celles qui sont proposées à emporter ou à la livraison.
L’origine du miel, de l’huile d’olive vierge ou vierge extra, des œufs et du vin doit également être précisée. Le pays de récolte des fruits et légumes doit être indiqué. L’étiquette des produits issus de l’aquaculture doit mentionner le pays d’élevage, et celle des produits issus de la pêche sauvage, la zone de capture.
Pour les produits qui ne relèvent pas de ces catégories, la spécification de l’origine – au moyen d’un drapeau français ou d’une mention du type « Origine France » – relève d’une démarche volontaire des fabricants. Dans ce cas, les entreprises doivent respecter des règles strictes de transparence, de sorte que le consommateur ne soit pas induit en erreur.
Cette proposition de loi du Rassemblement national prévoit de systématiser l’obligation d’étiquetage de l’origine des produits et de l’assortir d’une peine d’un an d’emprisonnement et d’une amende de 150 000 euros en cas de manquement. C’est très bien, mais le dispositif proposé suscite chez nous plusieurs réserves.
D’une part, des dispositifs d’information des consommateurs sur l’origine des produits alimentaires existent déjà. Je pense notamment à Origin’Info, lancé en 2023 pour détailler la provenance des trois ingrédients principaux d’un produit transformé. La démarche repose sur le volontariat, je le concède, mais elle se développe, l’objectif étant d’atteindre 10 000 références d’ici à la fin de l’année. Soutenons le déploiement de ces dispositifs, qui montent en puissance et dont les premiers résultats sont positifs !
D’autre part, les dispositions de ce texte dérogent au droit européen. Elles sont inconstitutionnelles, et vous le savez. Inutile de faire croire aux agriculteurs qu’il est possible de les appliquer, puisque c’est faux !
En l’espèce, légiférer uniquement en France n’est pas judicieux ; sanctionner les manquements très lourdement l’est encore moins. C’est au niveau européen qu’il faut renforcer l’information relative à l’origine des produits alimentaires, en déterminant quelles doivent être les mentions obligatoires en la matière. Le règlement Inco doit être revu, ce qui fournira l’occasion d’un tel débat.
Au niveau français, dont il est question aujourd’hui, faisons notre travail d’évaluation des politiques publiques existantes et formulons des propositions respectueuses du cadre européen. Ne soyons pas démagogues et ne mentons pas aux Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)
M. le président
La parole est à M. Thierry Benoit.
M. Richard Ramos
Il est excellent !
M. Sylvain Berrios
Oui, remarquable !
M. Thierry Benoit
Monsieur le ministre, c’est à vous que j’adresserai mes premiers mots. Il y a six ans, en 2019, j’ai eu l’honneur de présider la commission d’enquête sur les négociations commerciales. À cette époque, vous étiez le patron du groupe Système U, et vous vous étiez montré très sensible et très favorable au partage de la valeur, au rééquilibrage des négociations commerciales et à la contractualisation entre producteurs, industriels et distributeurs. Je vous en sais gré et tiens à le dire publiquement.
M. Serge Papin, ministre
Merci.
M. Thierry Benoit
Hélène Laporte invite notre assemblée à se pencher sur le sujet de l’étiquetage. J’ai souvenir, à l’hiver 2024, lorsque les agriculteurs se sont mobilisés sur les routes de France et que chacune et chacun d’entre nous est allé à leur rencontre, que la question de l’étiquetage et celle de la composition des produits vendus aux consommateurs étaient prioritaires à leurs yeux. Ils nous expliquaient qu’ils étaient concurrencés par des produits d’importation mal étiquetés, dont on ignorait parfois l’origine ou dont les ingrédients n’étaient pas toujours affichés avec transparence.
Madame la rapporteure, vous souhaitez rendre plus claire et plus lisible l’information relative à l’origine des produits qu’achètent les consommateurs. La mesure concernerait donc les consommateurs, mais aussi les agriculteurs et les industriels.
Je vous répète ce que j’ai dit en commission : si vous étiez ministre de l’agriculture, vous auriez déposé un projet de loi, et non une proposition de loi…
M. Pouria Amirshahi
On en apprend des choses !
M. Thierry Benoit
Je le précise pour celles et ceux qui écoutent nos échanges. À ce projet de loi aurait été annexée une étude d’impact et celle-ci aurait établi que l’article 1er n’est pas recevable car il se télescope avec le droit européen.
Cet article 1er constitue le cœur de votre proposition de loi : vous voulez améliorer l’étiquetage, l’identification de l’origine des produits et de leur composition. Comme en commission, j’inviterai mes collègues du groupe Horizons & indépendants à s’opposer à l’article 1er – il n’y a pas d’autre issue.
S’agissant de l’article 2, je suis plutôt favorable au renforcement des sanctions pour celles et ceux des industriels qui ont des pratiques trompeuses pour les consommateurs. Faut-il priver de liberté un industriel qui aurait des pratiques douteuses et trompeuses en matière d’étiquetage ? Je n’en suis pas certain, d’autant que les prisons sont déjà remplies. En revanche, je soutiens totalement le renforcement des sanctions financières, qui passeraient de 1 500 à 150 000 euros, car je pense que c’est au porte-monnaie qu’il faut toucher ces industriels.
L’article 3 a trait à l’apposition de symboles tels que le drapeau français ou la carte de France pour indiquer que l’aliment a été produit en France. Là aussi, on peut vous suivre.
M. Guillaume Garot
C’est incroyable ! Soutenir une proposition de loi du RN en étant élu d’une circonscription bretonne !
M. Thierry Benoit
En commission, au nom du groupe Horizons & indépendants, je me suis abstenu. Nous verrons ce que donneront les débats dans cet hémicycle. Si l’article 1er est supprimé, nous pourrions peut-être voter pour votre proposition de loi, les articles 2 et 3 pouvant vivre leur vie.
Mme Sabrina Sebaihi
Vous avez perdu votre boussole !
M. Benjamin Lucas-Lundy
Quelle déchéance chez Horizons !
M. Guillaume Garot
L’union des droites est en marche ! Tu as perdu tes repères, Thierry.
Mme Sabrina Sebaihi
Vous sombrez du côté obscur de l’histoire !
M. Thierry Benoit
Si l’article 1er est maintenu, nous nous opposerons au texte.
Comme Julien Dive et Jean-Luc Fugit, je suis convaincu que vous auriez pu faire passer le même message aux agriculteurs français en déposant, au lieu de cette proposition de loi, une proposition de résolution européenne par laquelle l’Assemblée nationale aurait encouragé le gouvernement à défendre auprès de l’Union européenne une telle position sur l’étiquetage.
M. le président
Merci, monsieur Benoit…
M. Thierry Benoit
Dernier point : le plus important à nos yeux, du point de vue stratégique, est de préparer la politique agricole commune de 2028-2034.
M. Pierre Pribetich
Il a déjà parlé cinq minutes trente !
M. Thierry Benoit
C’est en effet la PAC qui procure à notre agriculture le soutien le plus important – 45 milliards d’euros entre 2023 et 2027, soit 9 milliards par an. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)
M. Benjamin Lucas-Lundy
Quelle déchéance ! Horizons est lepéniste !
Mme Sabrina Sebaihi
Quelle honte ! Et c’est de l’opportunisme !
M. le président
La parole est à Mme Constance de Pélichy.
Mme Constance de Pélichy
Alors que la souveraineté alimentaire figure officiellement depuis 2022 parmi les missions clés du ministre de l’agriculture, force est de constater qu’elle est aujourd’hui très fragilisée : par l’accord d’association avec le Mercosur ; par les taxes imposées par les États-Unis ; par un flot d’importations qui, bien souvent, ne respectent ni nos normes environnementales, ni nos exigences sanitaires, ni les règles auxquelles nous soumettons nos propres agriculteurs.
Face à ces menaces, nous ne devons pas faiblir. Nous nous sommes fermement opposés à l’accord UE-Mercosur pour défendre la souveraineté agricole française, la qualité de notre alimentation, la santé publique et le respect de l’environnement. C’est notre ligne et nous la tiendrons.
Au printemps 2024, nos concitoyens ont accueilli de manière très positive l’annonce de la création du label Origin’Info, qui renforce la transparence de la production au bénéfice des consommateurs. Mais, disons-le clairement, nous regrettons que les dispositions de la loi Egalim 2 – notamment celles qui portent sur l’information relative à l’origine des produits alimentaires – ne soient toujours pas appliquées.
Toutefois, nous ne soutenons pas la réponse que vous proposez avec ce texte. Nous ne croyons pas qu’une solution non conforme au droit européen et dépourvue de portée juridique réelle puisse améliorer la situation des consommateurs ou des agriculteurs. Ce serait leur faire croire à une victoire sans lendemain – une fois de plus.
À l’inverse, nous soutenons la recommandation claire et ambitieuse du rapport d’information récemment remis à ce sujet : proposer au niveau européen une obligation généralisée d’information sur l’origine de la matière première agricole. La Commission européenne a déjà avancé dans cette direction dans le cadre de la stratégie « de la ferme à la table », en prévoyant la révision du règlement Inco. C’est bien à l’échelle européenne que cette bataille doit être menée.
Pour être efficaces, les règles doivent être les mêmes pour tous. Pour être justes, elles doivent protéger nos agriculteurs des différentes formes de concurrence déloyale. Pour être utiles, elles doivent réellement renforcer la transparence et la souveraineté alimentaire.
Si nous partageons pleinement l’objectif final de mieux informer le consommateur, de mieux valoriser les produits français et de sanctionner les abus en matière d’affichage, nous voulons des solutions solides, applicables, qui permettront réellement de créer plus de valeur dans nos filières, de rémunérer justement les agriculteurs et de renforcer la compétitivité de l’agriculture française.
Contrairement aux députés au Rassemblement national, ceux du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires resteront toujours du côté des agriculteurs.
Un député du groupe RN
Nous sommes aussi à leurs côtés !
Mme Constance de Pélichy
Ce texte relève d’une hypocrisie totale car il n’est pas applicable, et vous le savez très bien. Vous faites à nos concitoyens une énième promesse impossible à tenir. Le groupe LIOT ne pourra donc pas le soutenir. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, SOC et EcoS.)
M. le président
La parole est à M. Frédéric Maillot.
M. Frédéric Maillot
Cette proposition de loi n’est pas nouvelle. Quant à la stratégie qui consiste à reprendre les propositions d’autres groupes pour tenter un petit coup politique, nous l’avons vue venir de très loin. Dès 2013, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine avait déposé une proposition de loi analogue, défendue à l’époque par notre cher camarade André Chassaigne. En 2020, nous avions également été à l’initiative d’une proposition de résolution européenne relative à la sécurité alimentaire, qui appelait notamment à accélérer les travaux européens concernant l’étiquetage de l’origine géographique des produits alimentaires, afin d’aller au-delà de ce que permet le cadre européen actuel. De fait, ce débat serait plus pertinent au niveau européen – encore faudrait-il que les eurodéputés du Rassemblement national siègent au Parlement européen.
M. Jean-Paul Lecoq
Exactement !
M. Frédéric Maillot
Modifié par la loi Egalim 2, l’article L. 412-4 du code de la consommation rend déjà obligatoire l’indication du pays d’origine pour les produits agricoles et alimentaires ainsi que pour les produits de la mer, à l’état brut ou transformé. Cette obligation demeure toutefois subordonnée à la compatibilité avec le droit européen, puisqu’il est précisé : « Les modalités d’application [de cette disposition] sont fixées par décret en Conseil d’État après que la Commission européenne a déclaré compatible avec le droit de l’Union européenne l’obligation prévue au présent article ».
En fixant une obligation d’étiquetage du pays d’origine pour « tout produit agricole ou alimentaire », la présente proposition de loi s’exonère délibérément du cadre européen et des obligations de notification préalable à la Commission européenne. Ainsi, s’il venait à être adopté, il exposerait la France à un recours en manquement devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), voire à ce qu’un juge national saisisse ladite Cour d’une question préjudicielle conduisant à écarter la loi comme contraire au droit de l’Union.
Le sujet que vous soulevez fait bien sûr largement consensus. Qui s’opposerait aujourd’hui à plus de transparence dans l’étiquetage, en particulier celui des produits transformés ? Personne ou presque. Les organisations syndicales agricoles sont toutes favorables non seulement à un étiquetage obligatoire de l’origine des produits alimentaires, mais aussi à un contrôle renforcé des pratiques des importateurs. D’après une étude conduite par le collectif En Vérité et l’institut d’études Appinio en 2023, 85 % des Français souhaiteraient connaître la provenance des matières premières des denrées alimentaires, et 82 %, leur lieu de transformation.
Alors que nos producteurs subissent la concurrence déloyale des productions des pays tiers – aggravée par les accords de libre-échange –, un effort de transparence s’impose. Nul ne le nie. Néanmoins, vous savez fort bien que votre proposition de loi est juridiquement inopérante. Vous êtes à cet égard des marchands d’illusions.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Exactement !
Mme Sabrina Sebaihi
Des marchands de tapis aussi !
M. Frédéric Maillot
Pour ce qui est du miel, les directives « petit-déjeuner », qui ont été adoptées le 10 avril 2024 et doivent être transposées avant le mois de juin 2026, sont mieux-disantes que votre texte. En effet, pour les miels mélangés, l’étiquette devra indiquer la liste exhaustive des pays d’origine par ordre décroissant et le pourcentage que chaque pays représente.
Nous devons à présent réformer en profondeur le règlement Inco, pour que les attentes des citoyens et des agriculteurs l’emportent enfin sur les intérêts de l’industrie agroalimentaire. Le gouvernement doit prendre ses responsabilités pour faire évoluer au plus vite le cadre européen afin que l’obligation déjà prévue par notre droit s’applique effectivement à tous les produits agricoles et alimentaires. Dans un contexte de mondialisation alimentaire, source de risques économiques, écologiques et sanitaires, cette évolution est désormais une urgence démocratique.
La réponse n’est pas dans l’adoption d’un texte sans lendemain, juridiquement inopérant, qui cherche, par pur opportunisme électoral, à capitaliser sur la colère de nos agriculteurs et les attentes légitimes de nos concitoyens. Nous ne participerons pas à cela. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et EcoS.)
M. le président
La parole est à M. Pierre-Henri Carbonnel.
M. Pierre-Henri Carbonnel
Ce texte était attendu depuis longtemps. La présente proposition de loi, de bon sens, vise la transparence : il s’agit de rendre systématique l’information du consommateur sur l’origine des denrées alimentaires. Dans un pays comme le nôtre, où l’agriculture est non seulement un pilier économique, mais participe aussi de notre identité, la possibilité de connaître l’origine des produits présents dans notre assiette devrait être non pas l’exception, mais la règle. Les Français veulent savoir ce qu’ils mangent, d’où viennent leur viande, leur lait, leurs fruits et légumes. Ils ne comprennent plus que certains produits transformés, parfois fabriqués ici à partir d’ingrédients venus du bout du monde, puissent être vendus sans aucune information claire sur leur origine.
La confiance du consommateur est l’un des biens les plus précieux de l’économie alimentaire. La transparence est ce qui permet de valoriser les filières françaises et européennes, lesquelles respectent des normes environnementales, sociales et sanitaires parmi les plus exigeantes au monde.
Cette proposition de loi du Rassemblement national, défendue par notre collègue Hélène Laporte, que je salue, ne prévoit pas seulement des mesures d’étiquetage et de santé publique ; c’est un outil de souveraineté.
M. Benjamin Lucas-Lundy
LOL ! (Sourires sur les bancs du groupe EcoS.)
M. Pierre-Henri Carbonnel
Je suis agriculteur et je suis enraciné. Contrairement à vous, je sais de quoi je parle ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Quand nous savons ce que nous consommons, nous pouvons choisir en conscience de soutenir nos producteurs plutôt que des importations à bas coût qui ne respectent ni nos règles ni nos valeurs.
La crise agricole du début de l’année a rappelé à quel point nos agriculteurs se sentaient trahis : on leur demande d’être exemplaires tout en laissant sur nos étals des produits qui ne le sont pas. Vous invoquez le droit français quand ça vous arrange, surtout s’il s’agit d’en rajouter une couche au détriment des agriculteurs français. En revanche, quand ça vous dérange, vous vous cachez derrière le droit européen !
Mme Sabrina Sebaihi
Pas du tout ! Vous êtes dans la caricature !
M. Pierre-Henri Carbonnel
L’étiquetage de l’origine des produits est aussi un moyen concret de rétablir une concurrence loyale. Ce n’est pas du protectionnisme, c’est de la transparence.
Le texte s’inscrit en outre dans une continuité. Depuis l’expérimentation lancée en 2017 sur l’origine du lait et de la viande présents dans les produits transformés, la demande citoyenne n’a cessé de croître en la matière. L’Union européenne elle-même progresse, bien que trop lentement. La France doit donc continuer à agir en éclaireur, comme nous le faisons avec ce texte.
M. Pierre Pribetich
Ça ne va pas bien loin !
M. Pierre-Henri Carbonnel
Notre droit national peut et doit pousser Bruxelles à harmoniser les règles dans le bon sens, celui de la transparence et de la souveraineté alimentaire.
Derrière cette proposition de loi, il y a la réalité très concrète de nos agriculteurs, de nos éleveurs, de nos transformateurs, de nos PME agroalimentaires. L’étiquetage de l’origine permet de mieux valoriser les productions locales – les produits laitiers de nos montagnes, les fruits de nos vergers, la viande issue de nos élevages familiaux. Il permet aussi de redonner du sens au travail agricole : on fait reconnaître, grâce à l’étiquette, le savoir-faire, la qualité et l’attachement au territoire.
Pour nos territoires ruraux, l’adoption de ce texte serait un signal fort : elle signifierait que l’État ne se contente plus de discours sur le « manger local », qu’il se donne le moyen de rendre visible et traçable ce qui est produit de cette manière.
Cette proposition de loi est simple : elle ne crée pas de nouvelles normes technocratiques, elle rend simplement obligatoire ce que les consommateurs réclament déjà et que beaucoup de producteurs appliquent volontairement. Au demeurant, les outils techniques existent : la traçabilité est déjà assurée tout au long des chaînes de production. Il s’agit désormais de rendre cette information accessible et lisible pour tous, dans les rayons et sur les emballages.
Soutenir ce texte, c’est faire preuve de cohérence. Nous parlons tous de relocaliser, de consommer responsable, de renforcer notre souveraineté alimentaire. Commençons par là ! Ce texte n’est ni partisan ni idéologique. Il répond à une demande sociale, à une exigence démocratique, celle du consommateur citoyen.
Le groupe UDR votera avec conviction en faveur de la proposition de loi, parce que nous croyons à une agriculture fière et reconnue, parce que nous croyons à la transparence comme condition de la confiance, parce que nous croyons que chaque Français doit pouvoir choisir, en connaissance de cause, les produits qu’il met dans son assiette. Je m’exprime en tant que député agriculteur, éleveur au cœur du Tarn-et-Garonne. C’est donc un paysan qui vous demande de voter pour ce texte qui dépasse tous les clivages politiques. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
M. Pierre Pribetich
C’est ça !
Mme Sabrina Sebaihi
Arrêtez de vous chercher des excuses !
M. le président
La discussion générale est close.
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Hélène Laporte, rapporteure
Nous ne nous cherchons pas d’excuses. Force est de constater que vous êtes tous favorables au texte, mais que personne à gauche ne le votera ! (Exclamations sur les bancs des groupes SOC et EcoS.)
Mme Sabrina Sebaihi
Favorables ? Pas du tout !
M. Guillaume Garot
On a dit qu’on était contre !
Mme Hélène Laporte, rapporteure
Vous restez dans l’attente, rien ne se passe, et cela vous va bien !
À ceux qui m’indiquent que j’aurais pu déposer une proposition de résolution européenne, je rappelle que j’avais tenté de le faire au sujet du Mercosur, en amont de notre dernière niche parlementaire, mais qu’elle avait été retoquée en conférence des présidents – c’était sous le gouvernement Barnier –, au motif qu’elle contenait une injonction à l’égard du gouvernement. Seul le Rassemblement national subit un tel traitement ! D’où l’intérêt de déposer plutôt une proposition de loi.
Quant à la loi Duplomb, mon groupe et moi assumons totalement d’avoir voté en sa faveur. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Mme Sabrina Sebaihi
Quelle honte ! Vous assumez d’empoisonner !
M. Maxime Laisney
Les gens seront atteints de cancers bien français !
Mme Hélène Laporte, rapporteure
Laissez-moi terminer s’il vous plaît, j’ai écouté tous les orateurs ! Nous sommes du côté des agriculteurs (Nouvelles exclamations sur les mêmes bancs),…
M. le président
Chers collègues, s’il vous plaît ! Vous pourrez répondre ensuite.
Mme Hélène Laporte, rapporteure
…comme nous l’avions été en votant pour la loi d’orientation agricole, à laquelle vous vous êtes opposés !
Vous critiquez le travail de nos députés européens. Je rappelle que nous avons déposé plusieurs amendements en commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs (Imco), afin de permettre aux États membres de rendre obligatoire l’étiquetage national. Malheureusement, les eurodéputés macronistes s’y opposent systématiquement !
Vous nous reprochez d’être peu présents. Dois-je rappeler que, lors du scrutin du 30 janvier 2025 sur la proposition de résolution européenne visant à refuser la ratification de l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur, tous les bancs de la Macronie étaient vides ?
M. Pierre Pribetich
Comme d’habitude !
Mme Hélène Laporte, rapporteure
Il n’y avait personne ! Nous avons quant à nous voté en faveur de cette résolution, tout comme la gauche.
Au Parlement européen, quand vous n’êtes pas absents, vous votez en faveur de la restauration des écosystèmes, bien que cela impose des contraintes beaucoup trop lourdes pour la production agricole.
M. Benoît Biteau
N’importe quoi !
Mme Hélène Laporte, rapporteure
Vous votez aussi en faveur des accords de libre-échange avec le Vietnam et avec la Nouvelle-Zélande ; les eurodéputés français du groupe Renew les ont votés. S’agissant de la protection des agriculteurs, nous n’avons donc aucune leçon à recevoir – les intéressés le savent bien, d’ailleurs. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Enfin, j’ai relevé, dans l’intervention de Mme Thomin, une imprécision au sujet des prix planchers – nous sommes habitués à la malhonnêteté intellectuelle du Parti socialiste ! (Exclamations sur les bancs du groupe SOC.)
M. Pierre Pribetich
Parce que vous êtes honnêtes intellectuellement ?
Mme Hélène Laporte, rapporteure
Laissez-moi terminer, je vous ai écoutés – c’était suffisamment pénible pour mes oreilles ! Le 30 novembre 2023, nous avons voté en faveur de la proposition de loi sur les prix planchers, et nous avions même approuvé des amendements – notamment celui de M. Potier – obligeant les industriels à rendre publiques leurs marges.
Nos agriculteurs le savent : ils ne seront défendus ni par la gauche ni par la Macronie ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Serge Papin, ministre
Je voulais saluer la qualité des débats et l’esprit constructif qui les caractérise… (Rires sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, DR et EcoS.) J’y tiens ! Pardonnez-moi de chercher à retenir le positif !
M. Alexandre Portier
C’est la positive attitude !
M. Serge Papin, ministre
Chacune des interventions contenait des propositions intéressantes. (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe EcoS.) Mais si ! J’ai donc envie de défendre cette idée de transparence au niveau européen, puisque c’est à ce niveau qu’il faut agir et que le dossier sera rouvert.
Rappels au règlement
M. le président
La parole est à M. Benjamin Lucas-Lundy, pour un rappel au règlement. Sur le fondement de quel article le formulez-vous, cher collègue ?
M. Benjamin Lucas-Lundy
Sur celui de l’article 70, alinéa 3 : nous sommes plusieurs à nous être sentis visés assez durement par les propos de Mme la rapporteure. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.)
M. Thierry Tesson
Insupportable, celui-là !
M. Benjamin Lucas-Lundy
Je serai très bref – mon objectif n’est pas de ralentir les débats, vous l’imaginez bien ! La rapporteure a évoqué l’attachement des uns et des autres aux agriculteurs. Monsieur le président, je demande tout simplement, pour qu’on ne perde pas de temps, des excuses au Rassemblement national pour les propos de M. Odoul, qui ironisait sur les suicides d’agriculteurs… (M. le président coupe le micro de l’orateur. – Les députés du groupe EcoS applaudissent ce dernier. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. Pierre Pribetich
Il a raison !
M. le président
Merci, monsieur Lucas. Jusqu’ici, la discussion de ce texte s’est bien passée, donc ne renchérissez pas. Il ne faut pas exagérer la portée des mots.
La parole est à Mme Marine Le Pen, pour un rappel au règlement.
Mme Marine Le Pen
Je voudrais juste rappeler aux fragiles de la gauche… (Exclamations sur les bancs du groupe EcoS.)
M. Benjamin Lucas-Lundy
Ce n’est pas une insulte d’être fragile et sensible ! Nous avons un cœur, contrairement à vous qui êtes froids et insensibles, à l’instar de M. Odoul !
Mme Marine Le Pen
…que la mise en cause personnelle doit être personnelle, c’est-à-dire qu’elle doit être adressée à un individu. Nous avons donc le droit de vous critiquer de manière collective et, objectivement, nous n’allons pas nous en priver. (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
Nous éviterons également les menaces dans cet hémicycle. Retrouvons notre sérénité. C’est d’ailleurs avec sérénité que je salue la présence, dans les tribunes, des élèves de l’École de l’air et de l’espace. (Les députés se lèvent et, se tournant vers les tribunes, applaudissent longuement. – « Bravo ! » sur plusieurs bancs.)
Discussion des articles
M. le président
Je profite de ce moment de cohésion pour appeler, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi. (Sourires.)
Article 1er
M. le président
La parole est à M. Benoît Biteau.
Mme Sabrina Sebaihi
Prenez des notes, c’est un vrai agriculteur !
M. Thierry Tesson
On s’en fout !
M. Benoît Biteau
La droite et l’extrême droite n’ont pas, dans leurs rangs, le monopole des agriculteurs puisque je me revendique aussi, depuis vingt ans maintenant, agriculteur en grande culture et éleveur. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et SOC.) Je crois donc pouvoir apporter une expertise, d’autant que je suis également agronome.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Il s’y connaît, contrairement à vous !
M. Benoît Biteau
Ce que révèle ce texte sur le besoin d’un meilleur étiquetage et d’une plus grande transparence, c’est qu’on ne sait pas traiter le problème à la racine. Si les produits qui arrivaient dans nos assiettes ne menaçaient pas la biodiversité, l’eau qu’on boit tous les jours, l’air qu’on respire à chaque instant – bref, notre santé –, nous n’aurions pas besoin de ces étiquetages exigeants pour nous alerter sur ce que contient notre nourriture.
Madame la rapporteure, vous vous dites fière d’avoir voté la loi Duplomb, mais je vous invite à réfléchir aux conséquences d’un tel geste. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. – M. Pierre Pribetich applaudit également.)
M. Benjamin Lucas-Lundy
Honte à vous !
M. Benoît Biteau
Je le répéterai à l’envi : ce qui menace la souveraineté alimentaire, c’est l’effondrement de la biodiversité et le dérèglement climatique (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. – M. Maxime Laisney applaudit également), dangereusement accélérés par les pratiques agricoles que vous soutenez avec la loi Duplomb,…
M. Benjamin Lucas-Lundy
Pesticides de la vie politique française !
M. Benoît Biteau
…ce qui rend nécessaire d’informer le consommateur sur la présence de produits très dangereux dans sa nourriture. Je nous invite donc, plutôt que de travailler éternellement à des solutions curatives et d’information, à repenser, à réinventer notre agriculture pour que, quel que soit l’endroit où le consommateur choisit de s’alimenter, il n’ait plus à se poser de questions sur l’origine des produits et sur les menaces qu’ils représentent pour la santé, l’eau, l’air et la souveraineté alimentaire. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur plusieurs bancs du groupe SOC. – M. Frédéric Maillot applaudit également.)
M. le président
La parole est à Mme Sandrine Le Feur.
Mme Sandrine Le Feur
Je veux d’abord redire mon soutien et mon respect aux agriculteurs parce qu’ils nourrissent la France et font vivre nos territoires. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem. – M. Gérard Leseul applaudit également.) Le Rassemblement national prétend les défendre mais, en réalité, il leur ment. (« Eh oui ! » et applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et EcoS.) Quitter la PAC ou s’y opposer, ce serait priver nos exploitants de 9 milliards d’euros par an, soit la moitié de leur revenu. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, Dem et SOC.) Fermer nos frontières, ce serait condamner nos filières exportatrices et faire flamber les prix pour les consommateurs.
Pour notre part, nous avons agi : avec la loi Egalim, afin de garantir une meilleure rémunération aux producteurs ; avec France 2030, pour investir dans l’innovation agricole ; enfin, en instaurant un accompagnement renforcé face aux crises climatiques et sanitaires. Nous allons plus loin : nous soutenons celles et ceux qui protègent nos sols, les pollinisateurs et la biodiversité. Car sans biodiversité, il n’y a pas d’agriculture durable.
L’avenir de notre agriculture, ce n’est pas le repli ni l’isolement, mais une souveraineté alimentaire assumée, une juste rémunération des producteurs et une Europe qui protège les agriculteurs et les écosystèmes. (M. Philippe Lottiaux s’exclame.) Voilà la différence entre les promesses irréalisables du Rassemblement national et notre action concrète en faveur des agriculteurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur quelques bancs du groupe Dem. – Mme Chantal Jourdan applaudit également.)
M. Pierre-Henri Carbonnel
Vous n’avez pas voté la loi Duplomb !
M. le président
La parole est à Mme Mélanie Thomin.
Mme Mélanie Thomin
Monsieur le ministre, vous avez souligné la qualité des débats. Je ne partage pas votre point de vue : les rapporteurs qui se succèdent depuis ce matin menacent les députés qui travaillent et qui défendent de vraies propositions, issues du terrain et cohérentes avec l’activité de leurs collègues au Parlement européen.
Cette proposition de loi d’étiquetage se résume à une proposition de loi d’affichage. Le cadre proposé à l’article 1er pour rendre obligatoire la mention de l’origine des produits est particulièrement inapproprié, incompatible avec le droit européen. Est-ce par méconnaissance de la part du groupe Rassemblement national ?
Mme Marine Le Pen
Oh, c’est bon !
Mme Mélanie Thomin
En tout cas, introduire une mention nationale est contraire au droit européen, et cette mesure serait immédiatement bloquée par l’Union européenne.
Mme Marine Le Pen
Amen !
Mme Mélanie Thomin
Mesdames et messieurs les députés du Rassemblement national, il faut sans doute aller sonner les cloches de Jordan Bardella au Parlement européen (Exclamations sur quelques bancs du groupe RN)…
Mme Marie Mesmeur
Il n’y est pas ! Il ne travaille pas !
Mme Mélanie Thomin
…car c’est là que l’on discute du règlement Inco, dont la révision est prévue pour 2026.
Enfin, ce texte occulte les vraies difficultés de l’agriculture française.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Elle a raison !
Mme Mélanie Thomin
On n’y trouve rien sur la rémunération des agriculteurs, rien sur le foncier et le renouvellement des générations, rien sur les concurrences déloyales, rien sur l’élevage, rien sur les transitions. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Mme Sabrina Sebaihi
C’est de l’affichage !
M. Timothée Houssin
Quel est le rapport ? C’est un texte de niche parlementaire !
Mme Mélanie Thomin
Nous avons besoin d’une véritable politique agricole, fondée sur une approche complète et par filière. Le groupe socialiste apporte tout son soutien aux agriculteurs, qui sont fiers de produire, et aux consommateurs, dont nous allons défendre ici les droits. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)
M. le président
La parole est à M. René Pilato.
M. René Pilato
Collègues du RN, vous avez un petit problème de cohérence.
M. Thierry Tesson
Pas vous ?
M. René Pilato
Vous rappelez-vous de la publicité « Mangez cinq fruits et légumes par jour » ?
Mme Sabrina Sebaihi
Eux proposent cinq pesticides par jour !
M. René Pilato
La population française compte 10 millions de pauvres et les gosses demandent à leurs parents s’ils peuvent manger cinq fruits et légumes par jour. Votre truc, c’est encore pire : les gosses qui liront les affiches exigeront peut-être de leurs parents des produits de qualité mais, du fait des textes que vous votez par ailleurs – aucune augmentation du smic, pas de remboursements, pas de prix planchers pour les agriculteurs (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN) –,…
M. Nicolas Meizonnet
Qu’est-ce que tu racontes ?
M. René Pilato
…le reste à vivre est tellement bas que bien des parents ne pourront leur en proposer.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Ce sont des affameurs !
M. René Pilato
Vous leur dites : vous serez informés de la manière dont on vous empoisonne, mais vous serez obligés de vous empoisonner car vous n’aurez d’autre choix que d’acheter des produits bas de gamme et de la malbouffe. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.) Là réside votre problème de cohérence, et vous n’y répondez jamais ! Quand on regarde vos votes à l’Assemblée nationale, rien ne va : vous soutenez toute la politique économique de Macron.
M. Pierre Pribetich
C’est vrai, vous êtes macronistes !
M. René Pilato
À 75 %, vous votez les mêmes textes qu’eux ! Vous suivez les préconisations d’Arnaud Rousseau, président de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), qui vous dit exactement ce que vous devez voter – comme pour la loi Duplomb –, puis vous venez ici simplement pour faire de l’affichage, comme vient de le relever ma collègue. Votre hypocrisie est lamentable ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP. – M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit également.)
M. le président
Je suis saisi de demandes de scrutin public : sur les amendements nos 2 et 1, par le groupe Rassemblement national ; sur l’article 1er, par les groupes Rassemblement national et Ensemble pour la République.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l’amendement no 2.
M. Charles Sitzenstuhl
Il vise à rappeler que nous évoluons dans un cadre européen. J’ai été étonné, en lisant le rapport, de constater que cette proposition de loi très importante avait été élaborée sans mener aucune audition. Mais c’est peut-être la conception du sérieux propre au groupe dont c’est aujourd’hui la journée réservée !
M. Benjamin Lucas-Lundy
Très juste !
M. Charles Sitzenstuhl
Dans le rapport figure une seule contribution écrite, celle de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Je suis très étonné que ce texte n’ait pas été préparé en lien avec les syndicats agricoles, les représentants des entreprises agroalimentaires, des juristes, le secrétariat général des affaires européennes et la représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne. Bref, je vois là beaucoup de légèreté.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Ce sont des amateurs !
M. Charles Sitzenstuhl
Le gouvernement l’a indiqué, ce texte contrevient manifestement aux engagements européens de la France. Il est donc inopérant et induit un risque juridique, puisqu’il exposerait l’État à des recours devant la juridiction européenne.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Oui, ils sont nuls !
M. Charles Sitzenstuhl
Cet amendement tend donc à rappeler les exigences européennes que nous devons respecter.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Hélène Laporte, rapporteure
Je préférerais donner mon avis sur les amendements nos 2 et 1 simultanément, car ils sont assez similaires. (« Non ! » sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
M. Bastien Lachaud
Respectez le règlement !
M. le président
Je vous invite à donner d’abord votre avis sur cet amendement no 2.
Mme Hélène Laporte, rapporteure
Cet amendement, comme le suivant, revient à affirmer solennellement l’impuissance de la loi française. Je ne m’en suis pas cachée : je m’appuie bien évidemment sur l’article 2 du règlement Inco, qui prévoit la possibilité d’interpeller la Commission européenne ; c’est ce qu’il faudra faire si cette proposition de loi poursuit son cheminement législatif.
La précision que cet amendement tend à apporter – rappeler la supériorité du droit européen – est inutile. Cela vise surtout à souligner que notre pays, selon votre doctrine politique, n’est qu’une entité fédérée, dépourvue de souveraineté. J’émets donc un avis défavorable.
Je rappelle que, lors de la discussion du texte Egalim 2 en juin 2021, le groupe Les Républicains avait déposé un amendement qui allait devenir le II de l’article 12 de cette loi, le ministre de l’agriculture avait indiqué que cette disposition était incompatible avec le droit européen, mais s’en était remis à la sagesse de l’Assemblée, afin d’envoyer un signal à l’Union européenne. C’est précisément l’objet de notre texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN et sur quelques bancs du groupe UDR.)
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Serge Papin, ministre
L’amendement vise à rappeler que les exigences nationales en matière d’indication de l’origine ne peuvent porter préjudice aux exigences d’étiquetage prévues par le droit de l’Union européenne. Ce rappel me semble particulièrement utile. En effet, les exigences en la matière sont harmonisées au niveau européen, par le règlement Inco. Il n’est donc pas possible de décider au niveau national d’une indication obligatoire du pays d’origine de tout produit agricole ou alimentaire et de tout produit de la mer, à l’état brut ou transformé.
Étant défavorable à l’article 1er et à l’ensemble de la proposition de loi, je m’en remets, sur cet amendement, à la sagesse de l’Assemblée.
M. le président
La parole est à Mme Léa Balage El Mariky.
Mme Léa Balage El Mariky
Le Rassemblement national fait une nouvelle fois preuve d’hypocrisie, quand il prétend défendre les agriculteurs tout en accélérant, en réalité, la destruction de l’agriculture française. (Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Benjamin Lucas-Lundy
Eh oui !
M. le président
Venez-en à l’amendement, s’il vous plaît !
Mme Léa Balage El Mariky
Je vais y venir, monsieur le président.
Vous avez voté, au Rassemblement national, pour l’accélération de l’artificialisation des sols. Vous voulez mettre fin à la contribution française au budget de l’Union européenne. Cet amendement permet donc de vous rappeler au bon sens européen !
Vous faites des mamours à Trump bien qu’il nous déclare une véritable guerre commerciale. Et que dire de Julien Odoul qui s’est moqué des suicides d’agriculteurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Vous ne voulez pas leur venir en aide et vous exploitez leurs conditions de travail.
M. le président
Veuillez rester sur l’amendement, chère collègue !
Mme Léa Balage El Mariky
Non seulement l’amendement de M. Sitzenstuhl vous met face à vos contradictions, mais il tend surtout à fixer un cadre à cette proposition de loi qui, véritablement, va dans le mauvais sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
M. le président
La parole est à M. Pierre Cazeneuve.
M. Pierre Cazeneuve
Je m’oppose, paradoxalement, à cet amendement de mon collègue Charles Sitzenstuhl. En effet, la précision qu’il entend apporter au texte est superfétatoire, le Rassemblement national étant, par essence, opposé à l’Union européenne…
Mme Sabrina Sebaihi
Ils aiment l’Europe quand il s’agit de piquer dans les caisses !
M. Pierre Cazeneuve
…et à toutes les dispositions supranationales dans le droit français.
Les positions que vous défendez dans votre niche parlementaire sont cohérentes avec celles que vous défendez lors de l’examen du budget : vous poussez et poussez encore pour que notre pays sorte de l’Union européenne. Vous entendez couper notre contribution à son financement ; vous ne voulez pas respecter ses règles, qui sont pourtant les nôtres – vous êtes ici pris en flagrant délit.
L’Union européenne joue pourtant un rôle absolument essentiel pour l’agriculture. La France est le premier pays bénéficiaire de la PAC : chaque année, 10 milliards d’euros sont alloués dans ce cadre à la défense de nos agriculteurs. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Mme Marine Le Pen
C’est notre argent !
M. Pierre Cazeneuve
L’Europe est la destination de près de 60 % des exportations de nos agriculteurs.
Mme Michèle Martinez
Allez, allez !
M. Pierre Cazeneuve
Je vois bien la portée de votre amendement, cher collègue Sitzenstuhl, mais il est inutile, tant le Rassemblement national hait l’Europe et est incohérent sur ces sujets – une attitude qui ne peut provoquer que le chaos. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à M. Manuel Bompard, pour un rappel au règlement. Sur quel fondement le formulez-vous ?
M. Manuel Bompard
Sur celui de l’article 54, alinéa 6, du règlement.
Monsieur le président, sans vouloir remettre en cause votre présidence, je constate qu’à plusieurs reprises, vous avez rappelé à l’ordre des orateurs en leur demandant de rester sur l’amendement. (Mme Marine Le Pen mime une personne essuyant ses larmes.) Ledit article 54, alinéa 6, dispose : « L’orateur ne doit pas s’écarter de la question, sinon le président l’y rappelle. » Or les interventions de ces orateurs concernaient bien la question dont nous parlons, à savoir les politiques publiques relatives à l’agriculture et à l’alimentation. Il faut donc, s’il vous plaît, les laisser aller au bout de leur propos. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
M. le président
Je suis seul juge en cette matière, monsieur Bompard, et j’espère que vous ne remettez pas en cause ma présidence. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Emeric Salmon
À peine !
Mme Mathilde Panot
Mais non : il vient de dire qu’il ne la remettait pas en cause !
M. Ugo Bernalicis
C’est du propre : il n’y a pas de procédure d’appel !
M. Benjamin Lucas-Lundy et Mme Sabrina Sebaihi
Faites attention à vous, monsieur le président : en face, ils n’aiment pas les juges !
Article 1er (suite)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 2.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 303
Nombre de suffrages exprimés 297
Majorité absolue 149
Pour l’adoption 112
Contre 185
(L’amendement no 2 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l’amendement no 1.
M. Charles Sitzenstuhl
Il tend à supprimer l’alinéa 8 de l’article 1er, afin de conserver dans sa rédaction actuelle le dernier alinéa de l’article L. 412-4 du code de la consommation : « La liste des produits concernés et les modalités d’application de l’indication de l’origine mentionnée au premier alinéa sont fixées par décret en Conseil d’État après que la Commission européenne a déclaré compatible avec le droit de l’Union européenne l’obligation prévue au présent article. »
Il s’agit, à nouveau, de faire en sorte que notre pays reste dans le cadre de la légalité européenne. Contrairement à ce que vous racontez, madame la rapporteure – et contrairement à ce que votre groupe raconte depuis des années –, la France a fait le choix souverain de participer à l’Union européenne et de la construire.
La France est un État-nation indépendant ; elle n’est pas un État fédéré de l’Union européenne, qui, elle-même, n’est pas une fédération, mais une union d’États-nations. La France est un État indépendant et nous participons de façon souveraine à la construction européenne, que les Français ont ratifiée, par référendum, en 1992.
M. Timothée Houssin
Ils ont voté contre en 2005 !
M. Thierry Tesson
Vous vous arrangez avec l’histoire !
M. Charles Sitzenstuhl
Contrairement à ce que vous prétendez, nous ne sommes pas soumis à l’ordre juridique européen. Nous participons de nous-mêmes, et parce que nous l’avons voulu, à la construction de l’Europe et à la construction de cet ordre juridique, qui est également l’ordre juridique national.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Hélène Laporte, rapporteure
Avis défavorable. Je regrette que vous refusiez toute évolution du droit européen.
M. Charles Sitzenstuhl
Cela se décide à Strasbourg, madame Laporte !
Mme Hélène Laporte, rapporteure
Le règlement Inco prévoit la possibilité, si ce texte va au bout du processus législatif, d’interpeller la Commission européenne. Vous restez dans l’inaction ; au Rassemblement national, nous sommes dans la proposition – c’est ce qui, depuis le départ, nous différencie. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme Blandine Brocard
Demandez donc à M. Bardella de faire quelque chose !
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Serge Papin, ministre
Je m’en remets, comme pour le précédent amendement, à la sagesse de l’Assemblée.
M. le président
La parole est à M. Benoît Biteau.
M. Benoît Biteau
Une fois n’est pas coutume, je soutiens l’amendement de notre collègue Charles Sitzenstuhl. (Mme Marie Pochon applaudit.)
Je m’étonne de la position du Rassemblement national, lui qui est toujours enclin à nous encourager à l’exportation des denrées agricoles françaises et européennes. Il oublie le principe des vases communicants : si nous avons besoin, aujourd’hui, de nous pencher sur la question de l’étiquetage, c’est parce que cette volonté d’exportation systématique a fini par nous rendre dépendants des importations. Les surfaces qui ont été mobilisées pour exporter ne peuvent plus être utilisées pour les productions dont nous aurions besoin, ce qui nous contraint à les importer. (« Eh oui ! » et applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. – Mme Martine Froger applaudit également.)
M. José Beaurain
Ça n’a rien à voir !
M. Benoît Biteau
Nous nous exposons ainsi à importer et à mettre dans notre assiette des produits qui ne sont pas exactement conformes à ce que nous souhaitons.
Une anecdote : quand j’étais député européen, les Allemands m’avaient surnommé « M. Niet », car je déposais systématiquement des amendements de rejet des accords de libre-échange. J’attends toujours le vote de ces amendements par le Rassemblement national, à commencer par celui rejetant l’accord de libre-échange avec le Mercosur ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.)
M. le président
La parole est à Mme Marine Le Pen.
Mme Marine Le Pen
Vous aurez du mal à faire croire à quiconque que nous ne sommes pas opposés à l’accord avec le Mercosur – nos votes ont témoigné, au contraire, d’une très grande cohérence.
Je suis surprise : je croyais que l’ensemble de cet hémicycle était favorable au patriotisme économique. L’idée est de promouvoir les produits français…
Mme Sabrina Sebaihi
Sans pesticides !
Mme Marine Le Pen
…pour au moins trois raisons : par patriotisme ; pour soutenir économiquement nos producteurs ; parce que nos produits sont en vérité de bien meilleure qualité que les produits importés – peut-être sont-ils plus contrôlés, ils sont en tout cas issus d’un savoir-faire que chacun reconnaît. Or le patriotisme économique n’est possible que si les consommateurs participent à cette politique, et ils ne peuvent y participer que s’ils peuvent détecter quels produits sont français. (M. Ugo Bernalicis s’exclame.)
Je me demande également pourquoi personne ne s’interroge sur la réticence de l’Union européenne, depuis des années maintenant, dès qu’il est question de l’étiquetage du pays de provenance. Pourquoi peut-on tout trouver sur l’étiquette – les composantes, les pourcentages, tout ! – sauf le pays de provenance ? (Mme Prisca Thevenot s’exclame.)
J’y vois, pour ma part, une réticence à la défense du patriotisme économique. Il serait bon que, par ce texte, nous signalions à l’Union européenne que le peuple français, lui, souhaite cet étiquetage – comme toutes les études d’opinion le montrent.
Nous menons ce combat ici comme au Parlement européen.
Mme Sabrina Sebaihi
Vous n’y êtes jamais !
Mme Marie Mesmeur
Vous ne travaillez pas !
Mme Marine Le Pen
C’est d’ailleurs peut-être pour cette raison que les Français nous ont accordé 31,37 % de leurs voix aux dernières élections européennes, contre 14,6 % à Renaissance, 13,83 % au Parti socialiste, 9,89 % à La France insoumise et 5,5 % aux Verts. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 1.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 315
Nombre de suffrages exprimés 310
Majorité absolue 156
Pour l’adoption 123
Contre 187
(L’amendement no 1 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix l’article 1er.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 315
Nombre de suffrages exprimés 311
Majorité absolue 156
Pour l’adoption 149
Contre 162
(L’article 1er n’est pas adopté.)
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, SOC et EcoS.)
Article 1er bis
M. le président
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
Plusieurs députés du groupe RN
Oh, non !
M. Charles Sitzenstuhl
Je m’intéresse aux sujets agricoles, qui sont fondamentaux pour notre nation et pour l’Union européenne. Donc, pemettez-moi de prendre la parole sur ce dossier !
En 2011, madame Le Pen, vous étiez déjà députée européenne. Or c’est précisément l’année où le règlement Inco a été adopté, pour entrer en vigueur quelques années plus tard. Contrairement à ce que vous venez d’expliquer, ce règlement prévoit que l’indication de l’origine est possible pour une partie importante des aliments qui se trouvent sur les étals de nos supermarchés, de nos magasins et de nos marchés.
Mme Marine Le Pen
Mais pas obligatoire !
M. Charles Sitzenstuhl
Il rend cet étiquetage obligatoire pour les viandes, les fruits et légumes, les poissons, le miel et l’huile d’olive, qui composent une part déjà très importante de notre alimentation quotidienne. Je tenais à apporter cette clarification, car vous vous êtes bien gardée de rappeler que l’Union européenne nous avait permis d’avancer sur ce sujet.
Il est vain de mener un tel combat au niveau national. Si la législation européenne doit évoluer, c’est à Strasbourg, c’est à Bruxelles.
Mme Prisca Thevenot
Exactement !
M. Charles Sitzenstuhl
Si nous légiférons au niveau national, sans concertation…
M. Nicolas Meizonnet
Soumission !
M. Jean-Philippe Tanguy
Vous êtes à plat ventre ! (Mme Marine Le Pen fait le geste de se coucher sur son pupitre.)
M. Charles Sitzenstuhl
Non, je ne suis pas à plat ventre, et vous le savez ! Je ne fais que respecter le cadre de l’Union européenne et l’ordre juridique européen, dans lesquels évolue souverainement la République française. (M. Jean-Philippe Tanguy s’exclame.) Si nous avançons seuls, sans concertation avec nos partenaires européens, nous aboutirons à une surtransposition, qui contraindra une nouvelle fois nos entreprises agroalimentaires à faire davantage que leurs concurrents européens – après quoi vous irez raconter, dans les exploitations agricoles et devant les syndicats, que nous avons surtransposé et que vous n’y êtes pour rien.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Eh oui !
M. Charles Sitzenstuhl
Tout cela est hypocrite et inopérant. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur quelques bancs du groupe Dem.)
M. le président
Je suis saisi de demandes de scrutin public : sur l’amendement no 9, par le groupe Rassemblement national ; sur l’article 1er bis, par les groupes Rassemblement national et Ensemble pour la République.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Manon Meunier.
Mme Manon Meunier
Dans ma circonscription de Haute-Vienne, l’élevage bovin est majoritaire. C’est un élevage familial, pourvoyeur de nombreux emplois. T’Rhéa, filiale du géant Carnivor, cherche cependant à accaparer 600 hectares de prairies. Ce gros groupe agro-industriel va mettre la main sur des terres agricoles, accompagnant ainsi le recul progressif du nombre d’agriculteurs et d’agricultrices en France.
M. Bastien Lachaud
Quel scandale !
Mme Manon Meunier
Ce groupe, avant de pouvoir s’installer, doit encore franchir quelques paliers démocratiques et environnementaux – contrairement aux agriculteurs et aux éleveurs, qui peuvent s’installer sans ces paliers. Or la loi Duplomb a fait sauter ces paliers ; le Rassemblement national les a fait sauter. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS. – M. Pierre Pribetich applaudit également.)
M. Robert Le Bourgeois
N’importe quoi !
Mme Manon Meunier
Vous faites sauter, au fur et à mesure, les mesures qui protègent notre élevage herbager et qui donnent la main, en priorité, aux éleveurs et aux éleveuses. Car vous n’avez en tête que la compétitivité internationale ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
La compétitivité internationale et l’approche libérale, voilà ce que les macronistes soutiennent depuis des années.
M. Thierry Tesson
C’est délirant !
Mme Manon Meunier
Année après année, elles entraînent une diminution constante du nombre de nos agriculteurs. Mais non, nous ne serons jamais compétitifs face aux immeubles de douze étages chinois remplis de cochons ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Thierry Tesson
Quel rapport ?
Mme Manon Meunier
Et non, nous ne serons jamais compétitifs face au coût du travail de certains pays européens ! La loi Duplomb ne fait qu’une chose : s’aligner sur le moins-disant international. En soutenant cette loi, vous favorisez la persistance de ce moins-disant ! Vous plaidez pour des mesures protectionnistes, mais la vérité, c’est que le seul groupe qui vote systématiquement contre les traités de libre-échange en Europe, c’est La France insoumise ! (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent.)
M. Julien Dive, suppléant M. le président de la commission des affaires économiques
On est carrément hors sujet !
M. le président
La parole est à Mme Mélanie Thomin.
Mme Mélanie Thomin
Madame la rapporteure, vous estimez que le vote du Rassemblement national sur la concurrence déloyale est cohérent. Pourtant, au Parlement européen, le 6 octobre 2020, lors du vote sur la ratification de l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur, votre groupe s’est abstenu ! (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Alors ne parlez pas de cohérence !
Madame Le Pen, vous trompez les électeurs à Bruxelles comme à Paris, et dans les territoires, où vos candidats remplacent leur visage par le vôtre sur leurs affiches. (Mme Marine Le Pen rit.)
M. Alexandre Dufosset
N’importe quoi !
M. Nicolas Meizonnet
C’est mauvais !
Mme Mélanie Thomin
L’article 1er bis, introduit par Les Républicains, et l’article 1er sont inopérants puisque le sujet relève du droit européen. Vous déplacez le problème sans régler la question des concurrences déloyales, ni celle de la gestion des produits phytosanitaires.
Le groupe Socialistes et apparentés souhaite interdire en France les produits agricoles qui ne respectent pas nos normes.
Un député du groupe RN
Il faudrait tout interdire, tant que vous y êtes !
Mme Mélanie Thomin
Notre groupe se bat contre les traités de libre-échange qui dérégulent notre souveraineté alimentaire et fragilisent notre agriculture.
Dans notre proposition de résolution européenne (PPRE) adoptée à l’unanimité le 30 janvier 2025, nous plaidons pour des mesures miroirs dans de nombreux domaines – sanitaires, sociaux, environnementaux – et en faveur du bien-être animal.
Nos propositions sont claires : nous voulons inverser la charge de la preuve. Les pays tiers doivent s’aligner sur nos normes car ce n’est pas au consommateur, dans un rayon de supermarché, de choisir entre un poulet avec ou sans hormones de croissance – tous les maillons de la chaîne sont redevables de sa bonne information. C’est pourquoi nous nous opposerons à cet article. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. le président
La parole est à M. Benjamin Lucas-Lundy.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Je veux vous répondre, madame Le Pen – pour une fois, vous êtes présente, cela nous change des débats budgétaires de vendredi et samedi ! (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Mme Marine Le Pen
Je suis là depuis lundi !
M. Benjamin Lucas-Lundy
Vous avez raison de le rappeler.
Vous avez évoqué, dans un moment d’euphorie, les résultats des élections européennes. (Vives protestations sur les bancs du groupe RN.)
M. Jean-Philippe Tanguy
Obsédé !
M. le président
Monsieur Tanguy, s’il vous plaît, seul l’orateur a la parole.
M. Emeric Salmon
Ce n’est pas une insulte !
M. Benjamin Lucas-Lundy
Je vous rappelle donc, ainsi qu’à votre groupe et à certains de nos collègues qui, depuis ce matin, se perdent dans des compromissions répugnantes un autre résultat : celui du 7 juillet 2024. Ce jour-là, l’immense majorité du peuple français nous a donné mandat pour faire barrage (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS, LFI-NFP et GDR), pour ériger une digue contre l’extrême droite et son projet de haine et de repli nationaliste, car notre peuple ne tombe pas dans vos combines, ni dans vos pièges ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe RN.)
M. Philippe Lottiaux
Vous ne serez bientôt plus là ! Ne vous faites pas plus important que vous ne l’êtes !
M. Benjamin Lucas-Lundy
En outre, madame Le Pen, une fois encore, vous avez tenu des propos outranciers : vous vous êtes attaquée à moi, à des membres de mon groupe et à d’autres collègues du Nouveau Front populaire en affirmant que nous étions « fragiles ». Madame Le Pen, nous assumons notre sensibilité – je ne sais pas si c’est de la fragilité : nous avons un cœur, des émotions, et elles nous poussent à refuser la loi Duplomb, qui empoisonne nos enfants et nos agriculteurs ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et SOC.)
C’est du fait de cette sensibilité que nous avons été choqués, indignés, révoltés par les propos de Julien Odoul ironisant sur le suicide des agriculteurs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. – Protestations sur les bancs du groupe RN.) Et vous êtes sans doute aussi un peu gênée, car M. Odoul n’est pas là – vous êtes tous présents, sauf lui. Il reste planqué parce que vous n’assumez pas ses propos, ni de l’avoir fait élire député ! Vous êtes une hypocrite, madame Le Pen ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et SOC. – Quelques députés du groupe RN se tapotent la tête pour mimer la folie.)
M. Nicolas Meizonnet
Pervers !
M. le président
La parole est à M. Julien Dive, suppléant M. le président de la commission des affaires économiques.
M. Julien Dive,, suppléant M. Stéphane Travert, président de la commission des affaires économiques
Je souhaite expliquer pourquoi la commission a adopté mon amendement portant création de l’article 1er bis – c’est l’occasion de recentrer le débat, car je constate que certains s’en éloignent… En commission, Mme la rapporteure m’avait initialement demandé de retirer l’amendement. C’est grâce à l’intervention de plusieurs députés, dont Richard Ramos, que nous avons pu le défendre et expliquer son intérêt : il s’agit d’identifier clairement les produits importés qui ne respectent ni les standards imposés par la France à ses agriculteurs dans le cadre de surtranspositions – que la loi Duplomb a d’ailleurs voulu supprimer –, ni les standards européens qui s’imposent aux producteurs européens.
Mon amendement était donc un amendement de cohérence et s’inscrivait également, monsieur le ministre, dans la dynamique de la loi Egalim du 30 octobre 2018 : son article 44 interdit la vente en France de produits ne respectant pas les standards français et européens à la vente. Les Républicains ont d’ailleurs souhaité aller plus loin avec une proposition de loi, défendue par Antoine Vermorel-Marques, visant à appliquer cette interdiction aux importateurs – lesquels sont les mieux placés pour supporter d’éventuelles sanctions financières. Dans un esprit constructif fidèle à celui qui a animé nos débats en commission des affaires économiques, j’ai donc estimé qu’il était pertinent d’aller plus loin dans le présent texte en introduisant cet amendement, devenu l’article 1er bis.
Vous avez raison, madame Thomin, nous restons dans une logique d’appel, mais je crains, si vous interdisez certains produits par le biais d’un quelconque véhicule législatif, que vous vous heurtiez aussi au syndrome de l’appel. Le contournement sera facile pour les importateurs, qui pourront passer par d’autres pays de l’Union. Au nom de la libre circulation des biens et des marchandises, ces produits se retrouveront alors très facilement dans nos magasins ou ailleurs en France.
L’ajout de cet article constitue un signal fort : il a permis de faire basculer l’avis de la rapporteure et d’adopter la proposition de loi en commission.
M. le président
L’amendement no 9 de Mme la rapporteure est rédactionnel.
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Serge Papin, ministre
Vous souhaitez améliorer la rédaction de l’article. Néanmoins, les sanctions envisagées par la proposition de loi ne me semblent pas opportunes. Elles existent déjà et sont proportionnées à la gravité des faits constatés. Avis défavorable.
M. le président
La parole est à M. Pierre Cazeneuve.
M. Pierre Cazeneuve
L’amendement est certes rédactionnel, mais il s’applique aux amendes prévues en cas d’infraction, qui pourraient aller jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires. Or n’existe-t-il pas une jurisprudence constante considérant ce niveau de sanction comme confiscatoire et donc inconstitutionnel ? Même le montant forfaitaire de 150 000 euros me semble difficilement acceptable. Il serait regrettable que nous ne soyons pas en conformité avec le droit européen et que, de surcroît, nous prenions le risque de ne pas respecter le droit français.
M. le président
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Hélène Laporte, rapporteure
Une telle sanction existe déjà dans le code de la consommation.
M. Pierre Cazeneuve
Oui, mais il faut qu’elle soit proportionnée !
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 9.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 310
Nombre de suffrages exprimés 304
Majorité absolue 153
Pour l’adoption 151
Contre 153
(L’amendement no 9 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Mathilde Panot.
Mme Mathilde Panot
Je demande une suspension de séance, monsieur le président !
Suspension et reprise de la séance
M. le président
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à dix-huit heures trente-cinq.)
M. le président
La séance est reprise.
Je mets aux voix l’article 1er bis.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 238
Nombre de suffrages exprimés 235
Majorité absolue 118
Pour l’adoption 124
Contre 111
(L’article 1er bis est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Après l’article 1er bis
M. le président
La parole est à M. Jean-Luc Fugit, pour soutenir l’amendement no 3, qui fait l’objet de trois sous-amendements.
M. Jean-Luc Fugit
Dans le même esprit que l’amendement de Julien Dive qui a été adopté en commission et qui visait à instaurer un étiquetage pour tout produit alimentaire traité avec des substances actives non autorisées dans l’Union européenne, nous souhaitons instaurer un étiquetage lorsqu’un produit agricole ou alimentaire importé en France a été traité soit avec de l’acétamipride, soit avec du sulfoxaflor, soit avec du flupyradifurone, substances qui sont toujours autorisées au niveau européen, mais qui ne le sont pas en France.
Cela vous rappelle certainement nos débats sur la loi Duplomb, et j’en profite pour vous inviter à prendre connaissance, sans pression médiatique et avec une distance raisonnable, du rapport de l’Inrae sur les alternatives aux pesticides, publié cette semaine et qui montre que, dans certaines filières, il n’y a pas de solution pour compenser les interdictions. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – M. Corentin Le Fur applaudit également.) Prenez donc le temps de lire ce rapport, ou au moins sa synthèse ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
M. le président
La parole est à Mme Claire Lejeune, pour soutenir le sous-amendement no 14.
Mme Claire Lejeune
Le RN a une vision partielle de la transparence et de l’information, ce qui est assez conforme à son hypocrisie et à sa duplicité. Pour ce qui est de l’origine géographique, il exige une transparence complète, absolue, jusqu’à aller traquer les drapeaux français ; en revanche, lorsqu’il s’agit de dire la vérité aux Français, et en premier lieu aux agriculteurs, sur la nocivité des pesticides qui se trouvent dans nos sols et dans nos assiettes, il n’y a plus personne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Léa Balage El Mariky applaudit également.) Quand il s’agit de dire la vérité aux Françaises et aux Français sur le fait que notre modèle agricole productiviste est absolument insoutenable, pour les agriculteurs, pour les consommateurs, pour les sols et pour notre planète, il n’y a plus personne ! (Mêmes mouvements.)
Nous voterons pour l’amendement de M. Fugit, qui vise à indiquer sur les étiquetages l’utilisation de néonicotinoïdes, d’acétamipride ou de substances du même type, tout en soulignant qu’il y a là aussi une grande hypocrisie puisque son groupe a été à l’origine de la loi Duplomb et l’a votée, alors qu’elle permettait précisément la généralisation de ces substances.
Nous répétons que toutes ces substances sont des pesticides nocifs, qui ont un impact sur la santé de chacune et de chacun. C’est en le précisant sur les étiquettes qu’on atteindra la vraie transparence et que les Français seront véritablement informés. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à Mme Manon Meunier, pour soutenir le sous-amendement no 17 rectifié.
Mme Manon Meunier
Avec ce sous-amendement, nous proposons d’améliorer l’amendement de M. Fugit, pour lequel nous le remercions, car c’est une bonne chose de disposer d’une information sur l’acétamipride. Je rappelle que la pétition contre la loi Duplomb a récolté 2 millions de signatures (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP), ce qui prouve que nous avons un problème avec ce produit !
D’ailleurs, madame la rapporteure, vous avez assisté comme moi à l’audition des scientifiques organisée lors de l’examen de la proposition de loi Duplomb, lesquels scientifiques nous ont alertés et ont confirmé qu’il existait un consensus scientifique autour du danger que représente cette substance. (Mêmes mouvements.) Contredisez-vous ce que nous avons entendu dans l’enceinte même de l’Assemblée nationale, à savoir que ces pesticides sont dangereux à la fois pour ceux qui les utilisent et pour ceux qui vont les consommer ? Indiquer la présence d’acétamipride c’est donc bien ; l’interdire c’est mieux. C’est pour cela que nous devons mettre en place de véritables mesures protectrices. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à M. Pierre Cazeneuve, pour un rappel au règlement.
M. Pierre Cazeneuve
Sur le fondement de l’article 93 et du premier alinéa de l’article 98, monsieur le président.
L’article 1er bis, que nous venons d’adopter, prévoit une sanction financière pour toute infraction aux dispositions contenues dans l’article 1er, qui, lui, a été supprimé. Sans vous faire offense, madame la rapporteure, j’ai un immense doute sur la sincérité de la proposition de loi dont nous continuons l’examen. En effet, cette incohérence est susceptible de remettre en cause la recevabilité de tous les articles qui suivront. Adopter une sanction s’appliquant à une infraction qui n’existe pas est parfaitement inconstitutionnel. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, SOC et Dem.)
M. Pierre Pribetich
Bravo !
M. le président
Il s’agit d’une question de fond qui n’empêche pas la poursuite de la discussion. La navette sera l’occasion de la résoudre.
Après l’article 1er bis (suite)
M. le président
Le sous-amendement no 10 de Mme la rapporteure est rédactionnel.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement et les sous-amendements ?
Mme Hélène Laporte, rapporteure
Mon avis sur l’amendement no 3 vaudra pour l’amendement no 4. Je note que le droit européen n’est manifestement plus un problème pour vous puisqu’après avoir dénoncé la proposition de loi, vous vous prêtez au jeu en tentant de l’améliorer ! D’ailleurs, je vais abonder dans votre sens, car ces deux amendements complètent opportunément l’article 1er bis en y intégrant la question des surtranspositions. En effet, dans sa rédaction actuelle, l’article ne s’applique qu’aux produits phytosanitaires interdits par l’Union européenne, ce qui exclut l’acétamipride mais aussi d’autres néonicotinoïdes La France interdit toutes ces substances depuis 2018 et nos voisins européens ne sont pas alignés avec nos normes. Le consommateur a le droit de savoir qu’un produit arrive dans son rayon de supermarché du fait de cette divergence. Je suis donc favorable aux amendements nos 3 et 4.
En revanche, mon avis est défavorable sur les sous-amendements nos 14 et 17 car la proposition de loi parle de « produits phytopharmaceutiques » et nous souhaitons garder cette appellation.
J’en profite pour dire à nos collègues de gauche qu’il faudrait qu’ils varient et trouvent d’autres mots que « traîtres » et « menteurs » – ils pourraient éventuellement songer à s’acheter un dictionnaire des synonymes ! (Rires et applaudissements nourris sur les bancs des groupes RN et UDR.) Par ailleurs, à quel moment avez-vous soutenu nos agriculteurs ? Vous n’avez pas voté la loi Duplomb et vous vous opposez maintenant à une proposition de loi valorisant leurs produits ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Serge Papin, ministre
Votre amendement propose d’étiqueter les produits agricoles ou alimentaires importés en France contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes, ou présentant des modes d’action identiques, en mentionnant cette information sur l’étiquetage. Je comprends évidemment l’intention, mais cela poserait deux problèmes importants.
Premièrement, si notre pays est le seul à adopter cette règle, ce sera très contraignant pour nos entreprises. Par ailleurs, celles qui exportent vers la France devront adapter leurs process et le consommateur en supportera le coût. Deuxièmement, l’absence d’un alinéa prévoyant une notification à la Commission européenne ne serait pas sans effet si l’amendement venait à être adopté, car sa conformité avec le règlement Inco devra être vérifiée. À défaut de notification, et donc de vérification, la disposition votée sera inopposable aux entreprises. C’est pourquoi je vous propose de retirer votre amendement. À défaut, mon avis sera défavorable. Par cohérence, il le sera également sur les trois sous-amendements.
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à M. Bastien Lachaud, pour un rappel au règlement.
M. Bastien Lachaud
Au titre de l’article 101, alinéa 1.
Je souscris aux propos du collègue Cazeneuve. Je pense en effet que nous ne pouvons pas décemment envoyer au Sénat un texte aussi incohérent.
M. Laurent Jacobelli
Pourquoi ne votez-vous pas les amendements, alors ?
M. Bastien Lachaud
Il serait utile que nous ayons une seconde délibération sur l’article 1er bis et je la demande en vertu de l’article susmentionné. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
Je l’ai déjà dit : ce point sera tranché dans le cadre la navette et ne remet pas en cause la recevabilité du texte. Nous continuons la discussion des articles.
Après l’article 1er bis (suite)
M. le président
La parole est à Mme Claire Lejeune.
Mme Claire Lejeune
Madame la rapporteure, vous avez admis, au sujet des amendements nos 3 et 4, que les consommateurs avaient le droit d’être informés des pesticides, notamment l’acétamipride, et autres substances mentionnées par M. Fugit présents dans les produits qu’ils achètent. Vous concédez que les Françaises et les Français devraient pouvoir connaître le contenu de ce qu’il y a dans leur assiette et qu’il y a donc un besoin d’alerter si nécessaire.
Mais pourquoi alors votre groupe, au lieu de défendre le maintien des standards français, pour faire mieux que les autres pays européens, nous a-t-il tirés vers le bas en soutenant la loi Duplomb, qui permet la réintroduction de l’acétamipride ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Vous reconnaissez pourtant vous-même que cette substance pose problème, qu’il y a un besoin d’information et un besoin d’alerter ! C’est absolument incohérent.
Quant aux adjectifs que nous utilisons pour vous qualifier, je suis désolée qu’ils ne varient pas, mais c’est que votre hypocrisie est bien constante – duplicité, hypocrisie et tromperie de tous vos électeurs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à M. Aurélien Saintoul, pour un rappel au règlement.
M. Aurélien Saintoul
Je réitère la demande de M. Lachaud d’une seconde délibération sur l’article 1er bis. Le premier alinéa de l’article 101 du règlement est ainsi rédigé : « Avant le commencement des explications de vote sur l’ensemble des projets et propositions, l’Assemblée peut décider, sur la demande du gouvernement ou d’un député [en l’occurrence mon collègue Lachaud], qu’il sera procédé à une seconde délibération de tout ou partie du texte. » Il suffit donc de consulter notre assemblée et de mettre aux voix sa demande ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La demande n’est pas de droit lorsqu’elle émane d’un député, mais elle sera soumise au vote à la fin de l’examen des articles. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Après l’article 1er bis (suite)
M. le président
La parole est à M. Jean-Luc Fugit.
M. Jean-Luc Fugit
J’ai bien entendu les explications de M. le ministre s’agissant de la complexité de la mesure que je propose. Vous aurez compris qu’il s’agissait d’un amendement d’appel visant à souligner certaines incohérences. Je réitère toutefois mes propos sur le rapport de l’Inrae : il est extrêmement important et j’espère que tout le monde le lira ! Les quatorze experts qui se sont mobilisés pour nos agriculteurs montrent combien certains d’entre eux sont en difficulté et peinent à protéger leurs cultures. Nous allons devoir trouver des solutions nouvelles face à certaines interdictions. Je retire l’amendement no 3.
Mme Mathilde Panot
Il est repris !
M. le président
La parole est à M. Benoît Biteau.
M. Benoît Biteau
Je suis surpris par l’attitude paradoxale du Rassemblement national, qui veut l’étiquetage des produits avec des petits drapeaux bleu, blanc, rouge, mais qui n’est pas inquiet de la menace que représentent les pesticides dans nos assiettes. Je rappelle qu’en votant pour la loi Duplomb, le Rassemblement national a accepté de réintroduire des molécules dangereuses pour la santé. Je suis élu d’une circonscription où des enfants contractent des cancers pédiatriques. En votant la loi Duplomb, vous avez voté pour le cancer de nos enfants ! (Protestations sur les bancs du groupe RN.) Nous avons besoin d’un étiquetage informant sur l’utilisation de ces substances, mais aussi de revisiter l’utilisation des pesticides. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS et LFI-NFP.)
Et pour revenir à ce qu’a dit M. Fugit au sujet de l’Inrae, j’appelle votre attention sur une décision de justice du 3 septembre dernier selon laquelle l’évaluation des pesticides n’est pas suffisante pour protéger la biodiversité et surtout notre santé. Les pesticides autorisés en France doivent repasser sous les fourches caudines de l’agence sanitaire pour vérifier leur innocuité ! Quand on a autant d’indices sur la dangerosité des pesticides pour la santé, la biodiversité et le climat, quand on voit les expériences menées en agronomie pour proposer des solutions alternatives à leur utilisation, on doit, dans une République où s’applique le principe de précaution, préférer celui-ci à l’étiquetage des produits ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Hélène Laporte, rapporteure
Je trouve scandaleux que vous osiez ainsi faire de chaque député qui a voté la loi Duplomb une cible ! On m’a souhaité de contracter un cancer, ainsi qu’à mes enfants… C’est une honte, il n’y a pas d’autre terme ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.) Je rappelle que dans la loi d’orientation agricole et dans la loi Duplomb, l’usage de l’acétamipride est très encadré…
Mme Julie Laernoes
Il n’est pas encadré du tout ! C’est faux !
Mme Hélène Laporte, rapporteure
…et uniquement destiné à des filières qui sont dans l’impasse. (Vives exclamations sur les bancs du groupe EcoS) Je rappelle que la filière de la noisette représente moins de 2 % des exploitations agricoles et que la molécule est autorisée dans tous les autres pays de l’Union européenne, et ce jusqu’en 2033. (Mêmes mouvements.) Cela veut-il dire que tous les autres pays européens veulent s’empoisonner ?
De nombreux députés des groupes LFI-NFP et EcoS
Oui !
Mme Hélène Laporte, rapporteure
Arrêtez un peu ! Vous devriez avoir honte au vu des difficultés de nos agriculteurs ! Vous irez dire ça aux professionnels de la filière de la pomme et de la poire et à ceux de la filière de la noisette. Vous êtes toujours contre les agriculteurs, tout en consommant des produits issus de pays qui autorisent des molécules bien plus actives ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR. – M. Guillaume Lepers applaudit également.)
M. le président
La parole est à M. Julien Dive, suppléant M. le président de la commission des affaires économiques.
M. Julien Dive, suppléant M. le président de la commission des affaires économiques
On peut s’opposer à ce texte, échanger des arguments pour et contre, mais il y a des choses qui ne peuvent pas se dire ni se faire. Vous voulez avoir le débat sur la loi Duplomb avant l’heure ? Venez mercredi en commission des affaires économiques ! (Exclamations sur les bancs du groupe EcoS.) Vous savez pourquoi on en est arrivé là : vous avez fait de l’obstruction, comme vous continuez de le faire sur ce texte. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs des groupes DR et UDR.) Le plus scandaleux, c’est que vous instrumentalisez les malades du cancer pour dénoncer ceux qui ont voté ce texte ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe EcoS.)
Monsieur Biteau, l’acétamipride n’est pas cancérigène ! Aucune étude scientifique ne le démontre ! C’est une honte d’agir comme vous le faites, une honte ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR ainsi que sur plusieurs bancs du groupe DR. – Protestations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Enfin, madame Lejeune, je vous rappelle qu’aujourd’hui la loi Duplomb n’autorise même plus l’acétamipride, puisque le Conseil constitutionnel a censuré l’article concerné, plaçant donc l’agriculture française dans une situation de distorsion de concurrence par rapport à ses voisins européens. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN, EPR, DR et UDR.)
M. le président
La parole est à Mme Léa Balage El Mariky.
Mme Léa Balage El Mariky
Monsieur le président, je demande une suspension de séance de dix minutes. (Protestations sur les bancs des groupes RN et UDR.) Le groupe Écologiste et social a besoin de ce temps pour étudier les amendements.
M. le président
La suspension est de droit et accordée pour deux minutes.
Suspension et reprise de la séance
(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante-cinq, est reprise à dix-huit heures cinquante-sept.)
M. le président
La séance est reprise.
Rappels au règlement
M. le président
La parole est à Mme Mathilde Panot, pour un rappel au règlement.
Mme Mathilde Panot
Sur le fondement des articles 70 et 100.
Nous ne pouvons pas accepter que l’on tienne, sur les bancs de la commission, des propos selon lesquels nous instrumentalisons les victimes de cancer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.) C’est ignoble de dire cela ! Je rappelle que si plus de 2 millions de citoyens, du jamais vu durant la Ve République, ont signé la pétition contre la loi Duplomb, c’était pour réaffirmer que le cancer est une maladie politique et que les décisions que vous prenez sur vos bancs, ce que Fleur Breteau a appelé la « coalition du cancer », ont des conséquences sur des millions de gens qui ont bien compris que c’est l’organisation politique de notre société, ainsi que les décisions politiques, qui les rendent directement malades ! (Mêmes mouvements.)
Donc oui, nous avons le droit de dire que l’acétamipride entraînera une explosion de cancers et que les lois que vous votez sur le glyphosate, comme nous l’ont appris les scandales du chlordécone et de l’amiante, et tant d’autres, sont des textes scandaleux, qui tuent encore aujourd’hui ! Nous n’admettrons jamais que vous vous exemptiez de vos responsabilités. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS. – Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.) Les cancers, comme d’autres maladies chroniques, ne sont pas des maladies individuelles : ce sont des maladies politiques ! Et vous avez tous une responsabilité ! (Les députés des groupes LFI-NFP et EcoS se lèvent et applaudissent longuement. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
M. le président
La parole est à Mme Prisca Thevenot, pour un rappel au règlement.
Mme Prisca Thevenot
Sur la base de l’article 100, relatif à la bonne tenue des débats.
Je rappelle que nous sommes à l’Assemblée nationale pour travailler. C’est ce qu’attendent de nous les Françaises et les Français qui nous regardent (Exclamations sur les bancs du groupe RN)…
M. Laurent Jacobelli
Ce n’est pas un rappel au règlement !
Mme Prisca Thevenot
…et qui malheureusement constatent ce qui se passe depuis ce matin. (Mme Sandra Marsaud applaudit.)
Mme Julie Laernoes
Vous étiez où, ce matin ?
Mme Prisca Thevenot
D’un côté, le Rassemblement national nous présente des textes mal ficelés, mal travaillés, qui ne devraient pas être présentés ici mais plutôt au Parlement européen – alors que leur principal représentant est occupé à écrire des livres qu’il ne lira peut-être jamais. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe RN.) De l’autre, La France insoumise fait de l’obstruction, comme elle sait le faire, en demandant des suspensions de séance toutes les deux minutes. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Un peu de sérieux ! Mettons-nous à travailler !
M. le président
La parole est à Mme Sandrine Rousseau, pour un rappel au règlement.
Mme Sandrine Rousseau
Sur la base de l’article 100, relatif à la bonne tenue de nos débats.
J’ai entendu l’accusation selon laquelle nous instrumentaliserions les malades de cancer et je tiens à rappeler que nous sommes le pays du monde dans lequel il y a le plus grand nombre de cancers du sein (Vives exclamations sur les bancs du groupe RN) et que, dans certains territoires, nous détenons le record mondial des cancers de la prostate et du pancréas… (M. le président coupe le micro de l’oratrice. – Les députés du groupe EcoS applaudissent cette dernière.)
M. le président
Ce n’est pas un rappel au règlement !
Après l’article 1er bis (suite)
(Les sous-amendements nos 14 et 17 rectifié, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président
Je mets aux voix le sous-amendement no 10.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 319
Nombre de suffrages exprimés 316
Majorité absolue 159
Pour l’adoption 150
Contre 166
(Le sous-amendement no 10 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 3.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 305
Nombre de suffrages exprimés 303
Majorité absolue 152
Pour l’adoption 190
Contre 113
(L’amendement no 3 est adopté.)
(Mme Katiana Levavasseur applaudit.)
Rappels au règlement
M. le président
La parole est à M. Matthias Tavel, pour un rappel au règlement.
M. Matthias Tavel
Il se fonde sur le troisième alinéa de l’article 70.
Mme Thevenot vient de nous accuser de faire de l’obstruction,…
Mme Prisca Thevenot
Oui !
M. Matthias Tavel
…ce qui n’est pas notre intérêt. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Comme elle a également souligné que nous étions là pour travailler, je lui rappelle que les séances commencent à 9 heures ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Au moment du vote de la résolution visant à dénoncer les accords franco-algériens, elle n’était pas là, le président de son groupe non plus, pas plus d’ailleurs que les deux tiers dudit groupe. Peut-être y a-t-il eu une panne de réveil à La République en marche ? Si c’est le cas… (M. le président coupe le micro de l’orateur. – Les députés du groupe LFI-NFP, quelques députés du groupe EcoS, ainsi que Mme Ayda Hadizadeh, se lèvent pour applaudir ce dernier.)
M. le président
La parole est à Mme Prisca Thevenot, pour un rappel au règlement.
Mme Prisca Thevenot
Sur le fondement de l’article 70, relatif à la mise en cause personnelle.
Certes, il n’a manqué qu’une voix ce matin, et j’en suis désolée. Je ne rentrerai pas dans les détails de ma vie personnelle, mais puisque vous m’interpellez, je rappelle que je suis généralement présente ici vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept. Quand je ne suis pas là, sans doute y a-t-il à cela une raison médicale et personnelle importante. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – Échanges d’invectives entre les travées.)
Après l’article 1er bis (suite)
M. le président
La parole est à M. Jean-Luc Fugit, pour soutenir l’amendement no 4, qui fait l’objet de plusieurs sous-amendements. Merci de l’écouter dans le calme !
M. Jean-Luc Fugit
Comme le précédent, qui a semble-t-il été mal compris par certains, il s’agit d’un amendement d’appel qui vise à instaurer un étiquetage lorsqu’un produit agricole ou alimentaire importé en France a été traité avec du métam-sodium, un biocide à large spectre d’action toujours autorisé au niveau européen, mais interdit en France.
Ce type d’amendement vise à ouvrir le débat en soulignant les contradictions entre les réglementations. (Mme Prisca Thevenot prend à partie M. Matthias Tavel. – Vives protestations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
M. le président
Madame Thevenot, je vous en prie ! (La députée quitte l’hémicycle. – Les invectives se prolongent.)
Du calme, s’il vous plaît !
La parole est à Mme Sylvie Ferrer, pour soutenir le sous-amendement no 15.
Mme Sylvie Ferrer
Je souhaite appeler l’attention de l’Assemblée sur le travail des apiculteurs, menacé par la destruction du cheptel d’abeilles. Les abeilles mellifères, ainsi que les pollinisateurs sauvages, contribuent activement aux rendements agricoles. La valeur de la contribution de la pollinisation à l’alimentation était estimée à 5,3 milliards d’euros en France en 2010. Or les pesticides, notamment les néonicotinoïdes, constituent un danger mortel pour les abeilles. (« Mais non ! » sur les bancs du groupe RN.) Le taux annuel de mortalité des abeilles dépasse parfois le seuil des 30 % alors que la norme est de 10 %. La première cause de l’effondrement de leur population est bel et bien l’utilisation des pesticides.
Un député du groupe RN
C’est totalement faux !
Mme Sylvie Ferrer
Par ailleurs, l’utilisation de ces produits a des conséquences graves sur la santé de ceux qui les manipulent et sur celle des riverains, ainsi que sur l’environnement. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à M. Benjamin Lucas-Lundy, pour un rappel au règlement.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Il se fonde, je suppose, sur l’alinéa 3 de l’article 70.
Mme Le Pen m’a fait passer un petit mot, que je n’arrive pas à lire. J’aimerais qu’elle m’assure qu’il s’agit d’une démarche bienveillante à mon égard, ne nécessitant pas un rappel au règlement pour mise en cause personnelle. (Mme Marie Pochon applaudit.)
Un député du groupe RN
Donne-le à lire à Delogu ! (Sourires sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
Chers collègues, si nous voulons avancer, évitons d’évoquer les échanges de messages personnels.
Après l’article 1er bis (suite)
M. le président
La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir le sous-amendement no 29.
Mme Mathilde Panot
Je remercie M. Tanguy pour les petits mots qu’il nous envoie et dans lesquels il nous menace de pourrir notre journée de niche ! Mais passons…
Le sous-amendement no 29 souligne qu’il faut se préoccuper non seulement des végétaux traités aux pesticides, mais aussi de ceux qui ont poussé dans un sol « nettoyé » avec ces mêmes produits.
Madame Laporte, vous appartenez à un groupe d’hypocrites et de Tartuffe. Bien qu’il fasse maintenant semblant d’être opposé à l’accord avec le Mercosur, le RN a voté de nombreux accords de libre-échange au Parlement européen, comme les macronistes. Il a aussi contribué à faire adopter la loi Duplomb. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Le texte dont nous débattons ne porte que sur les produits agricoles destinés à l’alimentation et oublie de multiples professions qui connaissent pourtant les mêmes problèmes. L’information des professionnels et des consommateurs est évidemment importante, mais s’y limiter réduit la question. Si nous disons que les maladies dont nous parlons sont politiques, c’est qu’elles relèvent de notre organisation collective. Nous ne voulons pas vivre dans un monde où les gens s’empoisonnent en fonction de leur porte-monnaie, selon ce qu’ils consomment ou la manière dont ils travaillent. (Mêmes mouvements.)
Prenons l’exemple de Laure Marivain, une fleuriste qui, sans le savoir, a empoisonné sa fille pendant sa grossesse. La mort d’Emmy à l’âge de 11 ans est directement liée aux pesticides avec lesquels sa mère était en contact. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. Pierre-Henri Carbonnel
D’où venaient les fleurs ?
Mme Mathilde Panot
Une étude belge a montré que les fleuristes touchent plus de cent pesticides sans en avoir conscience et sans que la réglementation plafonne la quantité de résidus autorisés. Nous pourrions aussi parler de ceux qui manipulent sans protection des produits agricoles, à Rungis par exemple. Nous voulons interdire, par des clauses de sauvegarde, l’importation des produits dont l’usage est proscrit en France, alors que le texte se limite à informer de leur présence. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Philippe Lottiaux
Vous voulez toujours tout interdire !
M. le président
La parole est à Mme Claire Lejeune, pour soutenir le sous-amendement no 26.
Mme Claire Lejeune
Monsieur Dive, au moment où vous avez présenté la honteuse motion qui a bâillonné l’Assemblée sur la proposition de loi Duplomb, interdisant tout débat, la réautorisation de l’acétamipride était prévue par le texte ! Le succès de la pétition lancée après son adoption a prouvé que le sujet était prioritaire pour les Français. Merci de ne pas vous cacher maintenant derrière les décisions du Conseil constitutionnel. Ce dernier a protégé les Français que vous aviez mis en danger ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
M. Julien Dive,, suppléant M. Stéphane Travert, président de la commission des affaires économiques
Non, non, non !
Mme Claire Lejeune
Assez d’hypocrisie !
Au RN, vous prétendez que la proposition de loi dont nous discutons fait de vous les parangons de la transparence, de l’information des Françaises et des Français, ainsi que de la loyauté. Mais vous ne souffrez même pas la transparence sur vos propres votes à l’Assemblée, puisque vous n’assumez pas votre position sur la loi Duplomb ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Ce n’est pas nous qui mettons vos noms sur la place publique, ce sont vos votes qui ont prouvé votre incapacité absolue à protéger les Françaises et les Français des substances toxiques ! En tant qu’élus, ayez au moins la décence d’assumer vos votes face à nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Emeric Salmon
Nous sommes fiers de nos votes !
M. le président
La parole est à Mme Anne Stambach-Terrenoir, pour soutenir le sous-amendement no 16.
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Je veux dire à nos collègues qui ont voté la loi Duplomb, notamment à ceux du Rassemblement national (« Oui ! » sur les bancs du groupe RN), qu’il faut appeler un chat, un chat.
Un député du groupe RN
Vous n’aimez pas les chats non plus ?
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Tel est l’objectif de notre amendement, qui vise à remplacer par le mot « pesticides » les termes « produits phytopharmaceutiques » ou « produits phytosanitaires », choisis pour nous laisser croire qu’ils sont bons pour la santé.
M. Thierry Tesson
On fait ce qu’on veut !
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Pourtant, il n’y a rien de plus délétère pour la santé collective que ces produits, source de pathologies : cancers pédiatriques (Mme Marine Le Pen s’exclame) et maladies touchant les agriculteurs eux-mêmes, parce que le système agro-industriel, défendu bec et ongles par le RN, les oblige à utiliser de telles substances.
Ces pesticides s’infiltrent dans les sols et dans l’eau, dont ils sont l’une des causes majeures de pollution. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Nous sommes toutes et tous concernés puisque 97 % des réserves souterraines d’eau contiennent des pesticides. C’est de notre eau potable qu’on parle ! Ajoutons que certains de ces pesticides se dégradent en acide trifluoroacétique (TFA), la plus petite molécule des substances per- ou polyfluoroalkylées (PFAS), ces polluants éternels et perturbateurs endocriniens qui nous atteignent toutes et tous.
M. Laurent Jacobelli
Elle est docteure en médecine ?
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Enfin, il est impossible de prétendre défendre l’agriculture en soutenant l’utilisation des pesticides, qui, en s’attaquant à la biodiversité, ont eu un rôle majeur dans la baisse du rendement des sols.
Un député du groupe RN
Charlatanisme !
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Nous vivons dans un monde où 80 % des insectes ont disparu récemment, comme 25 % des populations d’oiseaux en vingt-cinq ans. Nous sommes à l’autre bout de la chaîne. Collègues, soyez cohérents ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
Le sous-amendement no 11 de Mme la rapporteure est rédactionnel.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 4 et sur les sous-amendements ?
Mme Hélène Laporte, rapporteure
J’ai déjà donné mon avis sur cet amendement, qui j’espère sera soutenu par M. Fugit : vous avez voté contre le précédent, dont vous étiez pourtant l’auteur, cher collègue !
M. Jean-Luc Fugit
Je l’avais retiré !
Mme Hélène Laporte, rapporteure
Mais il a été repris ! Vous jouez sur les mots de manière très malhonnête. (Exclamations sur les bancs du groupe EPR.) Vos protestations ne m’empêcheront pas de parler de malhonnêteté intellectuelle, j’ai le droit de m’exprimer et de vous renvoyer les termes que vous avez utilisés contre nous à de multiples reprises, faute d’arguments.
À ceux qui veulent refaire le débat sur la loi Duplomb et parler des abeilles, je répliquerai que nous ne nous contentons pas de voir les agriculteurs en photo. Comme j’ai rencontré des producteurs de noisettes, je sais que l’épandage de l’acétamipride se fait au printemps, alors que les noisetiers fleurissent en hiver, et que ce produit reste très peu de temps dans le sol, contrairement aux autres néonicotinoïdes. C’est pour cela que l’Union européenne l’a autorisé jusqu’en 2033.
Mon avis sur tous ces sous-amendements d’obstruction est évidemment défavorable : ils donnent une fois encore un piètre spectacle de certains bancs ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
M. Nicolas Bonnet
Respectez le droit d’amendement !
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Serge Papin, ministre
Pour les mêmes raisons que sur l’amendement précédent, je suggère le retrait de l’amendement no 4 qui vise à indiquer sur l’étiquette des produits certains traitements qu’ils ont reçus. À défaut, mon avis sera défavorable. Par cohérence, je suis défavorable aux cinq sous-amendements.
M. le président
La parole est à Mme Marine Le Pen.
Mme Marine Le Pen
Les seuls véritables complotistes de l’Assemblée se trouvent de l’autre côté de l’hémicycle et sont sans foi ni loi ! Comme ils ont continué à mentir, et de manière relativement ignoble compte tenu du sujet, je vais rappeler – pour la dernière fois, j’espère – que la présidente de la Société française de lutte contre les cancers et les leucémies de l’enfant et de l’adolescent (SFCE) leur a déjà répondu : la professeure Gandemer a affirmé qu’aucun lien entre les causes environnementales et les cancers de l’enfant n’avait pu être démontré et que les polluants extérieurs n’étaient pas une piste pour les expliquer. (Mme Julie Laernoes s’exclame.) Elle a condamné de la manière la plus ferme toute instrumentalisation politique, soulignant son caractère insupportable. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR ainsi que sur quelques bancs du groupe DR.)
M. le président
La parole est à M. Jean-Luc Fugit.
M. Jean-Luc Fugit
En accord avec ce qu’a dit M. le ministre, je retire mon amendement.
Mme Mathilde Panot
Il est repris !
(Les sous-amendements nos 15, 29, 26, 16 et 11, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
(L’amendement no 4 est adopté.)
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à M. Matthias Tavel, pour un rappel au règlement.
M. Matthias Tavel
Sur le fondement de l’article 70, alinéa 3.
Pour une raison que je ne m’explique pas – peut-être le fait de passer une journée entière entourée des membres de son groupe –, la présidente Le Pen se met à voir des complotistes partout. (Rires et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) L’Ordre des médecins, qui au moment du vote de la loi Duplomb appelait à tenir compte du principe de précaution, serait donc complotiste… (M. le président coupe le micro de l’orateur. – Plusieurs députés des groupes LFI-NFP et EcoS applaudissent ce dernier.)
M. le président
Ce n’est pas un rappel au règlement, monsieur Tavel. Avançons !
Après l’article 1er bis (suite)
M. le président
Je suis saisi de l’amendement no 5, qui fait l’objet de six sous-amendements, nos 34, 25 rectifié, 28, 18, 20 et 12.
La parole est à M. Jean-Luc Fugit pour le soutenir.
M. Jean-Luc Fugit
Monsieur le président, loin de moi l’idée de mettre en cause votre présidence, mais lors du vote de l’amendement no 4, il me semble que vous avez indiqué qu’il faisait l’objet d’un double avis favorable. Or M. le ministre m’avait invité à le retirer. Je me demande si cette erreur n’aurait pas entraîné l’adoption de l’amendement. Je voulais juste le signaler.
Dans le même esprit que les précédents, l’amendement no 5 vise à instaurer un étiquetage spécifique lorsqu’un produit alimentaire importé – je dis bien importé – a été produit dans des conditions impliquant la mise à mort des poussins mâles. Interdite en France depuis le 1er janvier 2023 dans la filière des poules pondeuses, cette pratique est toujours autorisée au niveau européen. Cet amendement nous donne l’occasion de dénoncer cette forme de maltraitance animale.
M. le président
Merci, monsieur Fugit. Je vous confirme que l’amendement no 4 avait reçu un double avis défavorable. Peut-être me suis-je mal exprimé ou, du fait du brouhaha, avez-vous mal entendu.
La parole est à M. Matthias Tavel, pour soutenir le sous-amendement no 34.
M. Matthias Tavel
Mme Le Pen a affirmé que ceux qui avaient mis en garde contre la loi Duplomb étaient complotistes. Je rappelle que l’Ordre des médecins l’a fait, et ce ne sont pas des complotistes ! La Ligue contre le cancer l’a fait également, et ce ne sont pas non plus des complotistes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Plusieurs députés du groupe RN
Quel est le lien avec l’amendement ?
M. Matthias Tavel
Lorsque nous pointons l’effet des insecticides sur le neurodéveloppement des enfants ou sur la pollution de l’eau, il s’agit de faits scientifiquement établis. Peut-être que ces faits vous dérangent ; quant à nous, ils nous amènent à soutenir le plus fort possible la conversion de notre agriculture vers un modèle agricole qui respecte les paysans, la biodiversité, les sols, le consommateur et les animaux. (Mêmes mouvements.) C’est la raison pour laquelle ce sous-amendement porte sur l’étiquetage de produits liés à la volaille, dont on constate que la production implique le broyage des poussins ou leur maltraitance. Il nous paraît nécessaire que les consommateurs soient informés du recours à ces méthodes cruelles et barbares, dont notre modèle pourrait se passer, d’autant que ces méthodes ont cours hors de nos frontières, ce qui participe d’une concurrence déloyale.
Il conviendrait d’aller encore plus loin en la matière. Il faudrait ainsi étiqueter les tracts de M. Dive en indiquant son appartenance au parti de Mme von der Leyen, qui impose le Mercosur à toute l’Europe. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Il faudrait étiqueter les tracts du Rassemblement national en précisant que Mme Laporte défend désormais le droit européen en nous expliquant que les décisions de l’Union européenne tendant à autoriser les pesticides sont une bonne chose. (Mêmes mouvements.) Peut-être faudrait-il même y ajouter la mention de toutes les condamnations dont vous avez fait l’objet ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)
M. le président
Sur le sous-amendement no 25 rectifié, je suis saisi par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Aurélie Trouvé, pour soutenir ce sous-amendement.
Mme Aurélie Trouvé
À travers ce sous-amendement, je souhaite revenir sur notre bataille contre les pesticides, contre l’acétamipride en particulier, et répondre à Mme Le Pen au sujet de notre complotisme supposé. En vérité, ceux qui sont complotistes, c’est vous, puisque vous êtes antiscience. (Protestations sur les bancs des groupes RN et UDR.)
La réautorisation de l’acétamipride a entraîné la levée de boucliers aussi bien de la Ligue nationale contre le cancer, de l’Ordre des médecins que du conseil scientifique du Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Dès 2013, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) faisait paraître des études sur les effets nocifs des pesticides sur la santé et, depuis plus de dix ans, l’Anses affirme que l’acétamipride a des conséquences sur le développement du cerveau des enfants, ou plus exactement que les indices de l’existence d’un tel risque sont très probants. (M. Matthias Renault proteste.) Il ne s’agit donc nullement de complotisme, mais de préoccupation quant à la santé des enfants, des eaux et des sols !
Nous poursuivons en ce moment les auditions en rapport avec la pétition contre la loi Duplomb, qui a recueilli plus de 2 millions de signatures. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) S’agissant de l’argument selon lequel l’épandage d’un pesticide ne pose pas de problème dès lors qu’il concerne des plantes non pollinisées, je veux rappeler que les pesticides font l’objet d’une diffusion massive dans les eaux et dans les sols. Dans le cadre de la rotation des cultures, les substances utilisées pour l’une contaminent la suivante, par exemple le colza, lequel est bien pollinisé. Il suffit de faire un peu d’agronomie pour le comprendre, chers collègues !
Mme Liliana Tanguy
Il y a des choses que l’on ne vous a apparemment jamais expliquées !
Mme Aurélie Trouvé
Nous sommes donc très attachés à la lutte contre l’acétamipride et nous sommes heureux que sa réautorisation ait été censurée par le Conseil constitutionnel. Nous espérons qu’elle le restera, pour la santé des enfants et celle des gens en général. Respectons cette pétition qui a recueilli plus de 2 millions de signatures ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit également.)
M. Matthias Renault
Vous n’avez pas honte ?
M. le président
La parole est à Mme Mélanie Thomin.
Mme Mélanie Thomin
Au nom du groupe socialiste, je demande une suspension de séance.
M. le président
Vous n’avez pas la délégation. (Exclamations sur les bancs du groupe SOC.)
M. le président
La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris Vallaud
Je demande une suspension de séance, monsieur le président !
Suspension et reprise de la séance
M. le président
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à dix-neuf heures vingt-huit.)
M. le président
La parole est à Mme Léa Balage El Mariky, pour soutenir le sous-amendement no 28.
Mme Léa Balage El Mariky
Le produit étiqueté a-t-il été produit dans des conditions de maltraitance animale ? Cette information est importante pour de nombreux Français. Avec ce sous-amendement, nous proposons de compléter l’amendement de M. Fugit. Marine Le Pen et ses amis devraient y être favorables puisque leur amour pour les animaux les pousse à se rendre à Matignon avec eux !
Je profite de la défense de ce sous-amendement pour exprimer ma reconnaissance, ma gratitude, envers les associations comme L214. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS et LFI-NFP. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RN et DR.) Elles sont parvenues à nous alerter sur les conditions d’élevage, de castration et de mise à mort – en masse – des poussins. Or vous voulez couper leurs financements dans le projet de loi de finances pour 2026. Votre hypocrisie sera-t-elle encore révélée aujourd’hui ? C’est le sens de ce sous-amendement : vous tendre la main et vous permettre d’affirmer clairement que vous souhaitez défendre la condition animale.
Enfin, je veux répondre à M. Chenu, qui a affirmé que les écologistes étaient des végans mangeurs de moustiques. (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Plusieurs députés du groupe RN
Il a raison !
Mme Léa Balage El Mariky
Puisque nous parlons de la condition animale, je vais vous expliquer la différence entre végétarien, végan et piscalien. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Sans entrer dans les détails, les végans sont des personnes qui ne mangent pas de produits provenant des animaux, ce qui exclut aussi bien les moustiques que les œufs ! (Les exclamations vont crescendo sur les bancs du groupe RN.) Elles refusent également de porter du cuir. Quant aux végétariens,…
M. Laurent Jacobelli
Ça ne nous intéresse pas !
Mme Léa Balage El Mariky
…ils ne mangent ni viande ni poisson tout en continuant éventuellement à manger des œufs. Je tiens vraiment à vous expliquer les choses car vous semblez peu informés sur la question. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS et LFI-NFP. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. Laurent Jacobelli
Donnez-moi un bon steak !
M. le président
La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir le sous-amendement no 18.
M. Bastien Lachaud
M. Fugit nous permet d’aborder un sujet qui est malheureusement trop rarement abordé dans cet hémicycle : celui de la maltraitance animale. Nous avons réussi à adopter, lors d’une législature précédente, l’interdiction du broyage à vif des poussins. Il faut imaginer ce que c’est que de broyer à vif des petits poussins tout jaunes et tout mignons ! Les autres pays européens n’ont pas légiféré sur cette pratique : dans le reste de l’Europe, on continue de broyer allègrement. Et quand on parle de broyer des poussins, ce ne sont pas quelques poussins : ce sont des centaines de milliers de poussins qui sont broyés à vif tous les ans !
Mme Liliana Tanguy
C’est interdit en France !
M. Bastien Lachaud
Il est donc essentiel de produire un étiquetage qui informe à ce sujet. Mais là encore, le Rassemblement national fait preuve d’hypocrisie. Vous vous proclamez les amis des animaux et votre présidente, Mme Le Pen, se promène à Matignon avec son chat (Exclamations sur les bancs du groupe RN), mais lorsqu’il s’agit de voter, d’agir pour les millions d’animaux victimes d’un système agricole qui les martyrise massivement, vous n’êtes pas là ! Il est indispensable de le dire publiquement. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à Mme Anne Stambach-Terrenoir, pour soutenir le sous-amendement no 20.
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Je voudrais à mon tour saluer M. Fugit pour l’ajout de cet amendement, qui permet de mettre en lumière la question de la maltraitance immense subie par les animaux. Il est vrai que depuis le 1er janvier 2023, il est interdit de broyer des poussins dans le cadre de l’élevage de poules pondeuses. Cependant, l’association L214, qu’une collègue évoquait tout à l’heure, a publié une enquête pas plus tard que jeudi dernier qui révèle que cette pratique existe encore : ce sont notamment des pintadeaux qui la subissent dans le cadre de l’industrie de la viande. Là aussi, on broie des poussins !
Je suis désolée, mais je vais vous aider à visualiser un peu ce dont je parle. Vous voyez votre petit poussin tout mignon ? Quand il sort de son œuf, il tombe sur un tapis roulant gris et froid qui, alors qu’il ne comprend absolument pas ce qui se passe, le mène directement dans un broyeur où il est broyé vivant.
M. Antoine Léaument
Oh !
Mme Anne Stambach-Terrenoir
C’est de cela qu’il est question : ce sont des milliers d’êtres vivants qui souffrent. Or cette pratique a toujours cours dans l’industrie de la viande, parce que cette dernière a besoin de lots d’animaux qui sont tous du même genre afin d’être plus facilement exploitables.
M. Philippe Lottiaux
Vous êtes les polluants éternels du débat démocratique !
Mme Anne Stambach-Terrenoir
La même réalité prévaut dans l’industrie du canard. Je veux donc rappeler à nos collègues du Rassemblement national qu’on ne peut pas prétendre défendre les animaux en se contentant de faire de jolies photos avec des chats (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP) : il faut aussi s’attaquer à la maltraitance animale dans le cadre de l’élevage industriel, que vous défendez !
Rappels au règlement
M. le président
La parole est à Mme Cyrielle Chatelain, pour un rappel au règlement.
Mme Cyrielle Chatelain
Sur le fondement de l’article 70 de notre règlement, qui concerne un député se rendant « coupable d’injures, de provocations ou de menaces ».
J’ai reçu un message écrit de M. Jean-Philippe Tanguy qui s’apparente clairement à du chantage. Il nous dit que si nous n’arrêtons pas nos interventions, pas un seul texte ne passera lors de notre niche (« Oui ! » sur les bancs du groupe RN) ; cela s’appelle du chantage ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. Pierre Meurin
Ce sont des conversations privées !
Mme Cyrielle Chatelain
Vous nous dites que vous l’assumerez publiquement ! Je voulais donc vous répondre, et je le fais pour ma part vraiment publiquement : le groupe Écologiste et social assume totalement de se battre pied à pied contre vos idées, contre l’ensemble de vos textes (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP) et contre vos méthodes de voyous.
M. Matthias Renault
Bla bla bla !
Mme Cyrielle Chatelain
C’est le mandat qui nous a été donné par nos électeurs : faire barrage à vos idées et à vos méthodes. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Nous ne faisons qu’exercer ce mandat pour que vous fassiez adopter le moins de textes possible !
M. Pierre Meurin
Stop !
M. Kévin Pfeffer
C’est bon maintenant !
Mme Cyrielle Chatelain
Chacun d’eux contient en effet l’ADN de votre parti : la logique de l’exclusion, du racisme et de la xénophobie. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS, LFI-NFP et SOC.)
Monsieur Tanguy, la prochaine fois que vous voudrez vous adresser à moi, faites-le publiquement et sachez que les écologistes ne cèdent jamais au chantage – jamais ! (Les députés des groupes EcoS, LFI-NFP et SOC se lèvent et applaudissent.)
M. le président
La parole est à Mme Mathilde Panot, pour un rappel au règlement.
Mme Mathilde Panot
Sur le fondement des articles 70 et 100.
Il se trouve que j’ai reçu le même message, assez menaçant, de M. Tanguy (Sourires sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations sur les bancs du groupe RN) ; je veux donc m’adresser à lui pour lui dire qu’il manque sacrément d’expérience parlementaire. Affirmer qu’avec sept sous-amendements déposés sur ce texte, nous faisons de l’obstruction (« Oui ! » sur les bancs du groupe RN), c’est quand même fort de café ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Je le dis d’autant plus facilement que nous avons, quant à nous, subi une vraie obstruction parlementaire, qui visait à nous empêcher de voter l’abrogation de la retraite à 64 ans. Ce n’étaient alors pas sept pauvres sous-amendements mais bien plusieurs milliers qui avaient été déposés ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Monsieur Tanguy, vous ne nous impressionnerez jamais et j’ai hâte de vous voir vous justifier, face aux ouvriers, après avoir fait de l’obstruction parlementaire sur la nationalisation d’ArcelorMittal ! (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et GDR.)
M. le président
La parole est à M. Sébastien Chenu, pour un rappel au règlement.
M. Sébastien Chenu
Sur la base de l’article 70, alinéa 3, monsieur le président.
Je veux d’abord dire aux présidentes Panot et Chatelain que beaucoup de collègues aimeraient recevoir des mots de M. Tanguy. (Rires sur les bancs du groupe RN.) Vous avez de la chance ! Ce n’est peut-être pas votre style, mais enfin, je connais des collègues qui s’en réjouiraient.
Mme Julie Laernoes
Ce n’est pas un rappel au règlement !
M. Sébastien Chenu
Quoi qu’il en soit, il n’y avait là rien de secret. Vous évoquez le règlement, mais ce que vous dit notre collègue Jean-Philippe Tanguy n’est pas une menace : c’est une promesse ! Lors de votre niche, vous n’aurez pas fini d’aboyer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Après l’article 1er bis (suite)
M. le président
Le sous-amendement no 12 de Mme la rapporteure est rédactionnel.
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à M. Manuel Bompard, pour un rappel au règlement.
M. Manuel Bompard
Sur le fondement de l’article 70, pour mise en cause personnelle.
M. Chenu, après que l’un de ses collègues a envoyé des messages pour intimider d’autres collègues de l’hémicycle,…
M. Alexandre Sabatou
Vous n’avez pas été mis en cause personnellement !
M. Manuel Bompard
…s’est permis à l’instant de nous comparer à des chiens, donc à des animaux. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. Laurent Jacobelli
Fragile !
M. Alexandre Sabatou
On aime les chiens, nous !
M. Manuel Bompard
C’est tout à fait inacceptable, monsieur le président, et je crois que cela nécessite un rappel à l’ordre.
Pour le reste, monsieur Chenu, vous dites nous avoir fait une promesse, mais les électrices et les électeurs savent très bien que vous ne respectez jamais vos promesses ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Après l’article 1er bis (suite)
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 5 et les sous-amendements le concernant ?
Mme Hélène Laporte, rapporteure
S’agissant de l’amendement no 5, qui a trait à la souffrance animale dans les élevages, nous sommes tous d’accord : je donne donc un avis favorable. En revanche, sur les sous-amendements, clairement d’obstruction, l’avis est défavorable – à l’exception du mien, qui est rédactionnel.
Vous avez demandé un scrutin public sur le sous-amendement no 25 rectifié, qui vise à mentionner explicitement le cas des poules élevées en cage. Le broyage des poussins est en effet interdit, mais pour ce qui est des poules en cage, le gouvernement a lancé en 2016 et confirmé en 2023 – vous devriez le savoir – un plan pour la filière visant à réduire de 27 % à 10 %, d’ici 2030, la proportion de poules pondeuses élevées en cage. En l’état actuel, il n’est pas possible de donner un avis favorable à cet amendement car cela reviendrait à pénaliser la filière.
J’ajoute une dernière remarque : si vous cherchez à améliorer les amendements de M. Fugit, c’est que vous êtes pour la proposition de loi, n’est-ce pas ? Vous allez donc certainement voter notre texte à la fin ! Ne pas le faire serait encore une fois une preuve d’incohérence. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Serge Papin, ministre
Je comprends l’intention derrière votre amendement, monsieur Fugit, mais toujours pour les mêmes raisons, je vous propose de le retirer ; à défaut, j’y serai défavorable. Par cohérence, je suis également défavorable aux six sous-amendements.
M. le président
La parole est à M. Jean-Luc Fugit.
M. Jean-Luc Fugit
Dans un souci d’apaisement, maintenant que le débat a eu lieu, je retire l’amendement.
Mme Cyrielle Chatelain
Il est repris !
M. Jean-Luc Fugit
Vous remarquerez que j’ai aussi retiré les deux suivants, qui concernaient la castration chimique et les résidus de pesticides. À l’heure de l’apéritif, je ne voulais pas gâcher votre soirée ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
M. le président
Nous passons donc aux votes.
(Le sous-amendement no 34 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix le sous-amendement no 25 rectifié.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 299
Nombre de suffrages exprimés 298
Majorité absolue 150
Pour l’adoption 114
Contre 184
(Le sous-amendement no 25 rectifié n’est pas adopté.)
(Les sous-amendements nos 28, 18, 20 et 12, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
(L’amendement no 5 est adopté.)
M. le président
Sur les articles 2 et 3, je suis saisi par les groupes Rassemblement national et Ensemble pour la République de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Article 2
M. le président
La parole est à Mme Claire Lejeune.
Mme Claire Lejeune
Je voudrais évoquer le problème soulevé tout à l’heure par notre collègue Pierre Cazeneuve : comment pourrait-on voter un article prévoyant une sanction qui n’existe plus ? S’agissant ensuite de la notion de pratique commerciale trompeuse, qui est le sujet de cet article, j’aimerais dire que le RN se rend lui-même coupable d’une pratique commerciale trompeuse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
En effet, Mme Laporte vient de donner un avis favorable à une disposition, celle prévue par l’amendement de M. Fugit, qui concerne l’information ayant trait aux poussins et au traitement qu’ils subissent. Pourtant, la semaine dernière, en commission, vous avez voté contre une taxe limitant l’utilisation d’animaux dans l’industrie cosmétique, démontrant ainsi votre hypocrisie sur la question de la condition animale. (M. Aurélien Le Coq applaudit.) En l’occurrence, il n’était pas seulement question des millions de souris qui partout dans le monde sont utilisées dans ce cadre : nous parlions aussi de chats et de chiens exploités sur le sol français. Mais vous avez voté contre cette disposition !
Vous avez également voté contre une taxe sur la chasse touristique d’animaux protégés : j’espère, dans un souci de transparence, que vos électeurs en seront bien informés.
M. Julien Guibert
Excellent ! Merci pour eux !
Mme Claire Lejeune
Vous avez voté contre une taxe sur les munitions au plomb qui empoisonnent nos campagnes et vous avez nié la notion de ferme-usine alors que c’est précisément au sein de ces 3 000 sites, en France, que se passe le gros de la maltraitance animale dans notre pays !
M. Laurent Jacobelli
En fait, elle ne parle pas du tout de l’amendement ! Cette femme a juste besoin de parler.
Mme Claire Lejeune
Je veux enfin exprimer mon étonnement sur un point. On sait qu’une mue est en train de s’opérer, au Rassemblement national, et que quelques transformations sont en cours, mais tout de même ! Entendre Mme la rapporteure défendre les décisions de la Commission européenne concernant l’acétamipride et son autorisation, c’était déjà étonnant, mais l’entendre défendre le plan du gouvernement pour la réduction du nombre de poules en cage permet de constater que la mue s’est encore accélérée. C’est incroyable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Hélène Laporte, rapporteure
Qu’est-ce que vous êtes lourds !
M. le président
La parole est à Mme Cyrielle Chatelain.
Mme Cyrielle Chatelain
Les députés du Rassemblement national aiment les métaphores animalières : alors que Marine Le Pen s’est rendue à Matignon accompagnée d’un chat, voilà que M. Chenu nous traite de chiens ! (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Le point commun, c’est que ça manque toujours de classe. (Rires sur les bancs du groupe RN.)
M. Laurent Jacobelli
C’est la classe incarnée qui le dit !
Mme Cyrielle Chatelain
L’article 2 prévoit des pénalités pour les personnes qui ne respecteraient pas la loi. Je veux donc vous interroger sur un point. Quand Mme Le Pen est condamnée pour avoir détourné l’argent des contribuables français, elle demande à ses collègues ciottistes de déposer un texte qui, s’il était adopté, lui permettrait de contourner la loi. (« C’est vrai ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Considère-t-elle, de la même manière, que les peines prévues seront optionnelles ou bien pense-t-elle que la loi ne s’applique qu’aux autres ? Je pose la question pour comprendre : est-elle la seule à pouvoir se permettre d’être hors-la-loi, hors d’atteinte de la justice, et veut-elle réellement que de telles sanctions puissent s’appliquer ? (Protestations sur les bancs du groupe RN.) On a un peu de mal à vous suivre. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS et LFI-NFP.)
M. Laurent Jacobelli
La haine s’habille en vert, apparemment ! Quelle classe !
M. le président
La parole est à Mme Mélanie Thomin.
Mme Mélanie Thomin
Une nouvelle fois, madame la rapporteure, cet article n’est que de l’affichage. Vous êtes en train de raconter aux agriculteurs et aux consommateurs que ceux qui ne respectent pas les règles encourront une peine d’emprisonnement. C’est une proposition racoleuse. Il faut le dire, les cas d’infraction aux règles d’affichage ou de partage de la valeur sont légion dans la grande distribution. Pour ne citer que cet exemple, l’été dernier, le groupe Leclerc a été épinglé pour avoir écoulé des centaines de milliers de lots d’œufs importés d’Ukraine, fragilisant ainsi la filière française. Les socialistes considèrent, quant à eux, qu’il serait plus efficace de condamner les entreprises de la grande distribution à verser un pourcentage de leur chiffre d’affaires plutôt que de les menacer d’une peine de prison illusoire.
Lors de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à renforcer la stabilité économique et la compétitivité du secteur agroalimentaire, qui a permis d’adopter le dispositif d’augmentation du seuil de revente à perte (SRP+10), les socialistes ont obtenu que l’amende administrative encourue en cas de non-respect de l’obligation de transmettre certaines informations essentielles ne soit plus forfaitaire et fixée au montant ridicule de 75 000 euros, mais dépende du chiffre d’affaires, jusqu’à 1 % de celui-ci ! C’est à coups de centaines de millions d’euros que les multinationales qui ne respectent pas les règles seront épinglées. Voilà comment l’on combat ceux qui ne participent pas au partage de la valeur et ne se mettent pas au service de notre souveraineté alimentaire.
M. le président
Je mets aux voix l’article 2.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 307
Nombre de suffrages exprimés 300
Majorité absolue 151
Pour l’adoption 149
Contre 151
(L’article 2 n’est pas adopté.)
Article 3
M. le président
La parole est à Mme Manon Meunier.
Mme Manon Meunier
Mesdames et messieurs les députés du Rassemblement national, vous êtes des patriotes en papier mâché et je m’en vais vous en faire la démonstration. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Si les normes françaises peuvent s’enorgueillir d’être mieux-disantes, c’est précisément parce que la loi interdit l’usage de l’acétamipride sur notre sol, pour protéger les travailleurs et les travailleuses, les consommateurs et les consommatrices de notre pays. Oui, nous refusons la loi Duplomb qui permet à des firmes agro-industrielles et internationales de mettre la main sur nos terres et nos outils de production. Nous ne pouvons l’admettre.
M. Laurent Jacobelli
Retournez en URSS !
Mme Manon Meunier
Nous sommes les véritables protectionnistes de cet hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) La seule chose qui vous préoccupe est d’aligner les agriculteurs et les agricultrices sur le moins-disant international, les normes qui sévissent en dehors de l’Europe, tout particulièrement les normes chinoises, car vous voulez rivaliser avec ces fermes-usines que l’on voit pousser ailleurs qu’en France. Vous n’êtes pas patriotes, vous ne protégez pas les agriculteurs et les agricultrices. Vous vendez au contraire notre agriculture à la découpe sur le marché international. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Si vous voulez véritablement instaurer des normes protectionnistes, solidaires et écologiques, dotez notre pays d’un plan de souveraineté alimentaire. Mais pour ce faire, il faudrait voter des fonds supplémentaires pour l’agriculture. Ce n’est pas le chemin que vous prenez dans votre contre-budget : moins 8 millions d’euros pour les mesures environnementales et climatiques destinées à nos élevages, moins 3 millions pour l’Agence bio et 60 000 agriculteurs biologiques sur le carreau ! Voilà votre vision de l’agriculture et elle n’est pas de nature à nous rendre souverains. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à Mme Mélanie Thomin.
Mme Mélanie Thomin
Cet article organise une tromperie aggravée en jouant sur une rédaction très ambiguë. Vous autorisez l’utilisation du drapeau ou de symboles français pour des produits dès lors qu’ils ont été transformés en France, sans vous préoccuper de leur provenance ou des conditions de leur production. Par exemple, du surimi transformé en France mais dont les ingrédients ont été pêchés à l’autre bout du monde pourrait se voir assortir d’un drapeau français. Madame la rapporteure, allez donc expliquer à nos pêcheurs cette nouvelle forme de tromperie et de fraude sur les produits transformés !
Les députés socialistes revendiquent une certaine exigence politique. Nous sommes très engagés pour systématiser l’usage de nouveaux indicateurs plus complets, par exemple le Nutri-score pour valoriser la qualité nutritionnelle des produits, le planetscore pour informer sur leur empreinte environnementale ou enfin le Rémunéra-score, qui encourage la bonne rémunération des agriculteurs et le partage de la valeur ajoutée. Nous oublions encore trop souvent que ce qui fait la qualité d’un produit, ce sont aussi les conditions de rémunération des producteurs, des agriculteurs et des salariés agricoles. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. le président
La parole est à M. Benoît Biteau.
M. Benoît Biteau
La manœuvre du Rassemblement national, qui veut planter partout des petits drapeaux bleu, blanc, rouge n’aura échappé à personne.
M. Laurent Jacobelli
Lesquels auriez-vous voulu mettre ?
M. Benoît Biteau
Nous aurions pu être d’accord s’il s’était agi de saluer l’inscription de notre gastronomie au patrimoine immatériel de l’Unesco, de reconnaître qu’elle est une source de fierté nationale, mais c’est tout le contraire que fait le Rassemblement national. Au lieu d’admettre que la valeur gastronomique de nos produits tient précisément à nos standards de production très élevés, il essaie, par l’intermédiaire de la loi Duplomb, de réintroduire sur notre marché des produits qui abaisseront le niveau général, menaceront la santé de nos enfants et porteront atteinte à la biodiversité dont nous avons besoin pour préserver notre souveraineté alimentaire, sans parler du climat. Mettre des drapeaux bleu, blanc, rouge sur une agriculture qui renonce à son excellence, c’est une supercherie qu’il faut dénoncer ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP. – M. Guillaume Garot applaudit également.)
M. Laurent Jacobelli
Les agriculteurs apprécieront !
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à M. Emeric Salmon, pour un rappel au règlement.
M. Emeric Salmon
Sur la base de l’article 101.
J’ai bien entendu les remarques de mon collègue Cazeneuve et peut-être ses observations étaient-elles fondées. Par conséquent, nous demandons qu’il soit procédé à une seconde délibération de l’article 1er avant les explications de vote sur l’ensemble du texte. Tant que nous y sommes, l’article 2 ayant été rejeté de justesse, nous sollicitons également une seconde délibération de cet article.
M. le président
Sachez que M. Lachaud a retiré sa demande de seconde délibération concernant l’article 1er bis.
M. Emeric Salmon
Je maintiens néanmoins la mienne.
Article 3 (suite)
M. le président
Je mets aux voix l’article 3.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 327
Nombre de suffrages exprimés 321
Majorité absolue 161
Pour l’adoption 148
Contre 173
(L’article 3 n’est pas adopté.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Seconde délibération
M. le président
En application de l’article 101, alinéa 1, du règlement, M. Emeric Salmon demande qu’il soit procédé à une seconde délibération des articles 1er et 2.
Je mets aux voix cette demande.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 328
Nombre de suffrages exprimés 321
Majorité absolue 161
Pour l’adoption 144
Contre 177
(La demande de seconde délibération n’est pas adoptée.)
Explications de vote
M. le président
Chers collègues, j’ai été saisi de six demandes de prise de parole pour des explications de vote de cinq minutes chacune. Si vous voulez finir l’examen de ce texte avant 20 heures, je vous invite à être concis. Sinon, nous reprendrons le cours de nos travaux à 21 h 30.
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à M. Pierre Cazeneuve, pour un rappel au règlement.
M. Pierre Cazeneuve
Sur le fondement de l’article 101, je demande une seconde délibération de l’article 1er bis.
M. le président
Il est trop tard, cher collègue. J’ai déjà appelé les explications de vote.
Explications de vote (suite)
M. le président
La parole est à M. Jean-Luc Fugit.
M. Pierre Cazeneuve
J’ai un rappel au règlement !
M. le président
Je viens de donner la parole à M. Fugit. Vous vous exprimerez plus tard si vous le souhaitez !
M. Jean-Luc Fugit (EPR)
Je l’ai dit lors de la discussion générale, une bonne intention ne suffit pas à faire une bonne loi. Les députés du Rassemblement national aiment à nous dire ce que veulent les Français. Je peux le leur dire, moi, ce qu’ils veulent : des députés européens qui siègent et travaillent à des propositions de réforme. Demandez donc à vos députés européens de faire évaluer et surtout évoluer le règlement Inco ! Pour notre part, nous refusons de faire croire à nos concitoyens et à nos agriculteurs qu’une loi française pourrait effacer un règlement européen. Pour toutes ces raisons, nous voterons contre la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
M. Pierre Cazeneuve
Rappel au règlement !
M. le président
Il n’y a pas de rappel au règlement durant les explications de vote.
M. Pierre Cazeneuve
D’où vient cette jurisprudence ?
M. le président
La parole est à Mme Claire Lejeune.
Mme Claire Lejeune (LFI-NFP)
Nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à Mme Mélanie Thomin.
Mme Mélanie Thomin (SOC)
Nous voterons contre, sans explication de vote.
M. le président
La parole est à M. Guillaume Lepers.
M. Guillaume Lepers (DR)
Nous voterons pour ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
Sur l’ensemble de la proposition de loi, je suis saisi par les groupes Rassemblement national et Ensemble pour la République de demandes de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Éric Martineau.
M. Éric Martineau (Dem)
Le groupe votera contre la proposition de loi pour les raisons exposées tout à l’heure. Je regrette les propos qui ont été tenus contre les agriculteurs français. Je suis fier d’eux et j’espère que nous pourrons débattre, entre autres, de l’usage de l’acétamipride. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et SOC.)
M. le président
La parole est à M. Pierre-Henri Carbonnel.
M. Pierre-Henri Carbonnel (UDR)
Chers collègues, vous parlez la bouche pleine. L’agriculture française est la plus vertueuse au monde. Vous interdisez l’acétamipride alors que l’Union européenne multiplie par six le seuil des résidus dans les produits importés traités avec l’acétamipride. Au nom de votre idéologie de la bien-pensance, vous allez tuer une filière et des métiers. Ce ne sera pas la première fois. Vous avez déjà sévi contre le textile et la métallurgie, mais vous n’y parviendrez pas avec l’agriculture. Vous vivez en Utopie ! Ce n’est pas avec trois pieds de tomates, sous serre, sans eau, cultivées en biodynamie, que notre agriculture pourra nourrir 68 millions de Français.
Les agriculteurs veulent des mesures pour rivaliser à armes égales avec leurs concurrents sur les marchés. Au cas où vous ne le sauriez pas, les prix des agriculteurs français sont indexés sur les prix européens internationaux. Vous êtes capables de leur imposer des normes spécifiquement françaises, mais vous êtes incapables de les défendre contre l’Europe. Aujourd’hui, il s’agit de notre capacité à leur donner un bouclier et à faire passer un message à l’Europe, qui méprise nos agriculteurs, comme en atteste l’accord avec le Mercosur. Nous voterons pour ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
M. le président
La parole est à Mme Marine Le Pen.
Mme Marine Le Pen (RN)
Une fois de plus, une partie de l’hémicycle aura donné d’elle une image déplorable. (« Oui, vous ! » sur les bancs du groupe EcoS.) Vous déclarez vouloir défendre les agriculteurs, mais cela leur a manifestement échappé, car ils vous considèrent comme les pires députés pour la survie de leur activité. Vous leur apparaissez comme ceux qui ont défendu l’intégralité des propositions de loi qui les empêchent de gagner correctement leur vie. Surtout, à chaque fois qu’il se sera agi de les défendre contre la concurrence déloyale, vous n’aurez jamais été de leur côté.
Monsieur Fugit, qui aimez tant nous donner des leçons de morale, à ma plus grande joie, je vais me faire un plaisir de vous ramener à la réalité. Vous connaissez sans doute Mme Virginie Joron, qui est eurodéputée : sachez qu’elle a déposé, à de multiples reprises, des amendements au règlement Inco pour rendre l’étiquetage national obligatoire dans les États membres. Ce sont les eurodéputés macronistes qui ont systématiquement voté contre, au prétexte de la libre circulation dans le marché unique ! (Exclamations continues sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Je ne reprendrai pas les termes qui ont été utilisés tout à l’heure de manière récurrente – « hypocrites » –, mais le moins que l’on puisse dire est que votre argumentation manque de cohérence.
M. René Pilato
Il n’y a que nous qui sommes cohérents !
M. Pierre-Yves Cadalen
Et la retraite à 60 ans, on en est où ?
Mme Marine Le Pen
Mais je me limiterai à ce reproche, qui est plutôt sympathique et bienveillant. La bienveillance était votre ligne de conduite à l’origine, non ? Entre-temps, cette approche a été très largement oubliée, il faut bien l’admettre… (Sourires sur les bancs du groupe RN.)
Plusieurs députés du groupe EcoS
C’est fini !
Mme Marine Le Pen
Nous défendons l’étiquetage et la possibilité pour nos producteurs d’indiquer très clairement la provenance de leurs produits. Ils font un travail formidable et mettent toute leur énergie dans leurs productions, mais ils n’ont pas le sentiment d’en tirer un bénéfice. Le simple fait d’apposer une étiquette indiquant « Élevé en France » constitue un avantage pour l’exportation, comme vous l’avez d’ailleurs admis tout à l’heure. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Plusieurs députés des groupes EPR, LFI-NFP, SOC et EcoS
C’est fini ! Le temps est écoulé !
Mme Laure Lavalette
Non, elle dispose de cinq minutes !
Mme Marine Le Pen
C’est vous qui l’avez dit, monsieur le ministre, et je m’en réjouis. Je suis très heureuse que les masques soient tombés aujourd’hui et que l’on sache désormais qui soutient l’étiquetage français pour nos agriculteurs et qui ne le soutient pas, et cherche donc, en réalité, à les plomber ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Vote sur l’ensemble
M. le président
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 331
Nombre de suffrages exprimés 323
Majorité absolue 162
Pour l’adoption 149
Contre 174
(La proposition de loi n’est pas adoptée.)
3. Ordre du jour de la prochaine séance
M. le président
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Discussion de la proposition de loi relative à la gratuité des parkings d’hôpitaux publics ;
Discussion de la proposition de loi portant plusieurs mesures de justice pour limiter les frais bancaires injustes ;
Discussion de la proposition de loi portant simplification administrative des droits et prestations pour les personnes en situation de handicap ;
Discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à protéger l’école de la République et les personnels qui y travaillent.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra