Deuxième séance du mercredi 19 novembre 2025
- Présidence de M. Sébastien Chenu
- 1. Projet de loi de finances pour 2026
- Première partie (suite)
- Article 22 (suite)
- Amendement no 806
- Mme Amélie de Montchalin, ministre de l’action et des comptes publics
- Amendement no 943 rectifié
- M. Philippe Juvin, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
- M. Éric Coquerel, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
- Amendements nos 3395, 460, 2211, 2820, 1259, 2738, 459, 2538, 2824, 736, 2615, 2802, 2810, 3674, 2832, 734, 2833 et 369
- Rappel au règlement
- Suspension et reprise de la séance
- Suspension et reprise de la séance
- Article 23
- Rappel au règlement
- Article 23 (suite)
- Article 22 (suite)
- Première partie (suite)
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de M. Sébastien Chenu
vice-président
M. le président
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
1. Projet de loi de finances pour 2026
Première partie (suite)
M. le président
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2026 (nos 1906, 1996).
Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 806 tendant à supprimer l’article 22.
Article 22 (suite)
M. le président
L’amendement no 806 a été présenté à la fin de la séance de cet après-midi. Il a fait l’objet d’une demande de scrutin public, qui a été annoncé. La commission et le gouvernement ont donné leur avis. Plusieurs orateurs ont souhaité s’exprimer ensuite. Certains d’entre eux sont déjà intervenus ; nous allons désormais entendre les autres.
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.
M. Jean-Philippe Tanguy
La différence entre vous, les macronistes, et nous, les patriotes, c’est que nous n’avons pas attendu une opération médiatisée de contrôle de colis pour savoir que 90 % des produits importés de la sorte étaient soit non conformes aux normes en vigueur, soit tout simplement dangereux ! Cela fait quinze ans, depuis 2014, que Marine Le Pen le dit publiquement. Elle l’a dit quand les échanges par conteneur, puis par avion, ont pris de l’ampleur. Or vous avez rétorqué à Marine Le Pen et au Rassemblement national que tout cela était faux, que nous inquiétions les commerçants et les Français, que nous étions des populistes et des démagogues.
Mme Dominique Voynet
Ça, c’est vrai !
M. Jean-Philippe Tanguy
Bref, vous nous avez servi toutes les insultes que vous convoquez quand une réalité est contraire à vos désirs.
Madame la ministre de l’action et des comptes publics, vous avez dit que refuser la taxe sur les petits colis, c’était laisser entrer des produits avec lesquels les enfants sont susceptibles de s’étouffer. Or, quand un produit est dangereux, il faut l’interdire ! Si des produits livrés par colis menacent d’étouffer les enfants, il faut les interdire, ce que vous ne voulez pas faire ! Nous considérons qu’il ne suffit pas de payer 2 euros pour être autorisé à étouffer les enfants ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Tout à l’heure – je vous écoute attentivement –, vous avez dit à un collègue qu’il ne fallait pas taxer un produit que l’on veut interdire, car le taxer revient à l’autoriser. Or c’est précisément ce que vous allez faire avec la taxe sur les petits colis ! En payant 2 euros, on aura le droit d’importer des produits dangereux. Vous allez valider ce que vous voulez interdire. Nous nous y opposons !
Une fois de plus, vous faites les choses dans le mauvais ordre. Il faut reconstruire une filière, baisser les impôts de production, permettre à l’industrie de se rétablir dans notre pays et, parallèlement, instaurer de véritables taxes et mesures douanières, par exemple des quotas sur les produits textiles, qui ont été supprimés.
M. Paul Midy
Vous allez asphyxier les commerçants français !
M. Jean-Philippe Tanguy
En taxant de 2 euros les familles populaires et moyennes, vous les empêcherez de dépenser et consommer comme elles le peuvent, de profiter d’un système que vous avez vous-même organisé. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.) Le problème de la Macronie, c’est que vous reprochez aux autres vos propres turpitudes. Nous ne céderons pas. Nous défendrons à la fois l’industrie et le pouvoir d’achat ! (Mêmes mouvements.)
M. le président
J’ai été un peu généreux en laissant deux minutes de temps de parole au premier intervenant de cette séance. Je laisserai donc deux minutes aux orateurs suivants sur cet amendement, mais nous reviendrons ensuite à des interventions d’une minute.
Mme Danielle Simonnet
Comme par hasard !
M. le président
Madame Simonnet, c’est moi qui préside cette séance. Si vous avez quelque chose à dire, demandez la parole pour un rappel au règlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) N’applaudissez pas, ce n’est pas la peine d’en faire trop.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.
Mme Marie-Christine Dalloz
Il y a eu récemment une évolution dans les actes de consommation. Les États-Unis ont imposé de façon directive, en une seule nuit, une taxe sur les produits importés, qu’ils viennent d’Asie ou d’Europe. Dès lors, les pays d’Asie ont reporté leurs produits, par un dumping puissant, sur les marchés européens. Cela se fait au détriment de nos commerçants et de nos artisans. (Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback applaudit.)
Cette concurrence, complètement déloyale, désorganise le commerce tel que l’on pouvait le concevoir. C’est la souveraineté économique française qui est en jeu. Les députés du groupe Droite républicaine souhaitent protéger les consommateurs contre les produits dangereux, rétablir une concurrence loyale, accomplir un acte de souveraineté économique nationale – cet argument devrait vous convaincre, chers collègues du Rassemblement national –, soutenir la production et le commerce français dans les territoires ruraux comme dans les villes. C’est pourquoi nous voterons contre cet amendement de suppression. Nous voulons que le débat ait lieu. (M. Guillaume Lepers, M. Philippe Brun et Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback applaudissent.)
M. Thierry Benoit
Excellent !
M. le président
La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric Petit
Je suis un peu perturbé : doit-on comprendre que le localisme peut faire un crochet par Pékin si le produit est moins cher ? qu’il faut taxer les riches sauf quand ils sont chinois ? Au groupe Démocrates, nous nous demandons pourquoi la mesure suscite un tel débat. Nous le savons tous, la solution n’est pas parfaite.
M. Emeric Salmon
Ça, c’est sûr !
M. Frédéric Petit
Comme il s’agit de transactions personnelles, il est très compliqué de réaliser des contrôles. Il faudra changer nos méthodes de contrôle, car cela ne passera pas par des bateaux, ni par des opérateurs locaux.
Le groupe Démocrates est très surpris que l’extrême gauche et l’extrême droite soient vent debout contre cette mesure. (« Il n’y a pas d’extrême gauche ! » et autres exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Si, il y a bien une extrême gauche !
M. Jean-François Coulomme
Ce n’est pas la décision du Conseil d’État.
M. Frédéric Petit
Le Conseil d’État a donné raison au ministère de l’intérieur de ne pas vous classer dans l’extrême gauche quand vous faisiez partie du Nouveau Front populaire, mais il n’a pas interdit de vous appeler ainsi. Relisez sa décision !
Nous ne comprenons pas pourquoi il y a un tel débat. Nous sommes tout à fait conscients que la solution n’est pas parfaite. D’un côté de l’hémicycle et de l’autre, vous avez l’air d’accord pour dire qu’il y a un problème, mais que proposez-vous ?
M. Nicolas Meizonnet
Nous venons de le dire !
M. Frédéric Boccaletti
Il faut écouter !
M. Frédéric Petit
Le pouvoir de vivre est-il le pouvoir de consommer chinois ? Le localisme doit-il passer par Pékin lorsque c’est moins cher ? Je ne vois pas ce que vous proposez. La solution n’est pas parfaite, mais notre groupe la soutiendra.
M. le président
La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo.
Mme Agnès Firmin Le Bodo
Je rappelle que le groupe Horizons a été à la pointe du combat contre la fast fashion, grâce à la proposition de loi d’Anne-Cécile Violland, que nous avons tous votée – nous pouvons donc nous rejoindre sur ce sujet. C’est pour cette raison, entre autres, que notre groupe votera contre cet amendement de suppression.
Collègues du groupe Rassemblement national, nous ne comprenons plus ce que vous voulez faire. Cette taxe vise bel et bien à protéger la souveraineté française. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.) C’était, je crois, l’une de vos priorités.
Il s’agit aussi d’assurer la sécurité de nos enfants, laquelle est mise en danger, nous le savons, par des jouets fabriqués en Chine. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe HOR.)
M. Emeric Salmon
Ce n’est pas un argument, ça !
Mme Agnès Firmin Le Bodo
Sous le couvert d’une lutte pour préserver le pouvoir d’achat, vous voulez supprimer cette taxe, qui est, je le répète, une mesure de souveraineté, de sécurité et de protection de nos petits commerces. Je croyais pourtant que vous vouliez protéger le petit commerce dans les territoires. Je cherchais une définition du populisme ; je crois l’avoir trouvée ce soir. (Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback applaudit.)
M. le président
La parole est à M. Alexandre Allegret-Pilot.
M. Alexandre Allegret-Pilot
Le sujet mériterait que l’on sorte de la démagogie. On nous répond par une approche très caricaturale ; on fait semblant de ne pas comprendre nos objections quant à un éventuel contournement du mécanisme proposé. Je peux entendre certains arguments, mais le débat mérite mieux que des stigmatisations un peu ridicules.
Madame la ministre, combien de contrôles cette taxe de 2 euros par colis permettra-t-elle de financer ? En cas de contrôle négatif, quelles seront les conséquences ? Si les contrôles mettent au jour une fraude anormale dans certaines filières ou en provenance de certains pays, de quels moyens disposerez-vous ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UDR et RN.)
M. le président
Tous les groupes qui le souhaitaient se sont exprimés.
La parole est à Mme la ministre de l’action et des comptes publics.
Mme Amélie de Montchalin, ministre de l’action et des comptes publics
L’objectif de l’article 22 n’est pas de taxer les Français ; c’est de nous donner les moyens de contrôler, puisque les plateformes, manifestement, ne réalisent pas les contrôles requis. Lors des contrôles, les produits interdits seront écartés. À cet égard, nos normes sont connues : les pièces trop petites dans les jouets sont interdites, les produits chimiques qui s’écaillent sont interdits, etc.
Monsieur Allegret-Pilot, le rendement attendu de la taxe est d’environ 500 millions d’euros. Un scanner permettant de contrôler des colis dans un flux logistique coûte dans les 5 millions. Dans chaque port et aéroport, il faudra déployer des installations pour environ 10 millions. Il faudra aussi recruter des douaniers et des inspecteurs de la DGCCRF – direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.
Tous les pays européens ont décidé ensemble que le montant de 2 euros par colis était adapté pour nous donner les moyens de faire les contrôles que les plateformes ne font pas, pour éviter que les produits dangereux n’entrent dans les flux logistiques et n’arrivent dans nos maisons.
Monsieur de Courson m’a interrogée sur les droits de douane. Nous avons obtenu, la semaine dernière, une grande victoire au niveau européen : l’abrogation de l’exonération de droits de douane pour les colis de moins de 150 euros. À compter de 2026, toutes les importations qui arriveront sur le continent européen seront taxées, dès le premier euro.
Une députée du groupe RN
À quel niveau ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
La taxe sera probablement forfaitaire. Le droit de douane est en train d’être déterminé, mais je peux vous dire que ce sera un véritable droit de douane, car nous considérons qu’il ne faut pas créer d’écart important autour du seuil de 150 euros.
Vous avez tous des contacts, je pense, avec le monde entrepreneurial. Beaucoup d’entre vous affirment soutenir les entreprises, les artisans, les commerçants.
Mme Anne-Laure Blin
Baissez les charges !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Or, Amir Reza-Tofighi, président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), qui regarde nos débats, a écrit il y a quelques minutes : « Ce vote n’est pas technique. Ce vote n’est pas secondaire. Ce vote engage la souveraineté économique française, la protection des consommateurs et l’avenir de milliers d’entreprises. […] Ceux qui disent défendre les entreprises françaises doivent être cohérents avec leur vote. » (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et HOR.)
Mme Anne-Laure Blin
C’est à peine commandé ! Ce n’est pas bien de procéder ainsi !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Pierre Talamon, président de la Fédération nationale de l’habillement (Exclamations sur les bancs des groupes RN et DR),…
M. le président
S’il vous plaît, chers collègues !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
…a publié sur Twitter le message suivant : « Ce n’est pas une question de pouvoir d’achat. C’est la survie de nos commerces, de notre industrie, de nos emplois. » (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et HOR. – M. Jean-Paul Mattei applaudit également.)
Dominique Schelcher, président-directeur général de Coopérative U (Exclamations sur les bancs des groupes RN et DR),…
Mme Anne-Laure Blin
Je m’y attendais !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
…a lui aussi déclaré publiquement : « La bataille pour taxer les petits colis venant de l’étranger se tient en ce moment même à l’Assemblée nationale. […] Un vote contre cette mesure serait une grave erreur au moment où nos centres-villes se meurent sous le coup de cette concurrence déloyale. »
Mme Anne-Laure Blin
Que faites-vous pour nos agriculteurs ? Qu’en est-il de l’accord UE-Mercosur ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Cette mesure n’est pas une idée du gouvernement. Nous avons entendu le cri d’alerte de nos commerçants, qui, eux, respectent les normes et retirent les produits interdits. Ce n’est pas eux qui vendent ces millions d’articles que nous ne devons plus laisser entrer dans les flux logistiques.
M. Ian Boucard
Dans ce cas, interdisez les plateformes !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je dois avec tous mes collègues du gouvernement et avec les administrations placées sous ma tutelle disposer des moyens nécessaires pour les contrôler et les retirer. D’après la Commission européenne, notre pays retire des flux logistiques mille fois plus de colis que ses partenaires européens. C’est précisément pour cela qu’il nous faut des moyens.
Toute l’Europe est en train de se mettre d’accord pour instaurer cette taxe de 2 euros, pour soumettre les importations à un droit de douane dès le premier euro à compter de 2026, afin que nous soutenions nos artisans, nos commerçants et la filière de l’habillement. Tous nos patrons de PME, nos commerçants et nos artisans nous demandent de prendre cette mesure. Je pense que, ce soir, ils nous regardent. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et LIOT. – M. Jean-Paul Mattei applaudit également.)
M. le président
Je suis saisi de demandes de scrutin public : sur l’amendement no 3395, par le groupe Ensemble pour la République ; sur les amendements identiques nos 460 et 2211, par les groupes Rassemblement national et Ensemble pour la République ; sur l’amendement no 2820, par le groupe Rassemblement national.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Chaque groupe ayant pu s’exprimer, j’ai refusé les nouvelles demandes de parole.
Je mets aux voix l’amendement no 806.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 245
Nombre de suffrages exprimés 241
Majorité absolue 121
Pour l’adoption 86
Contre 155
(L’amendement no 806 n’est pas adopté.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et HOR ainsi que sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS.)
M. le président
La parole est à M. Corentin Le Fur, pour soutenir l’amendement no 943 rectifié.
M. Corentin Le Fur
Conscient des dangers représentés par les géants chinois de la fast fashion, qui pratiquent un dumping social, sanitaire et environnemental et vendent des produits éthiquement choquants, mon collègue Vermorel-Marques est très déterminé à les taxer afin de protéger les petits commerçants. Je défends son amendement qui propose de remplacer la dénomination « taxe sur les petits colis » par celle de « malus sur les colis importés de pays non européens » pour préciser la nature de cette taxe et marquer qu’il s’agit de lutter contre la concurrence déloyale de ces géants chinois et de protéger nos commerçants locaux partout sur le territoire.
M. le président
Désormais, sur chaque amendement, je donne la parole à un orateur favorable et à un orateur opposé, pour une minute.
La parole est à M. Philippe Juvin, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission.
M. Philippe Juvin, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
La commission a adopté un amendement de M. Vermorel-Marques tendant à renommer la taxe « malus sur les importations d’articles de marchandises contenus dans des envois de faible valeur », ce qui est un peu différent de la dénomination proposée dans le présent amendement. Compte tenu du vote intervenu en commission, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée sur l’amendement no 943 rectifié.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Techniquement, dans le droit douanier européen, il s’agit d’une redevance pour contrôle, qui sera payée par les plateformes au moment du dédouanement. Le produit de cette redevance servira à nous donner les moyens de contrôler les flux logistiques et d’empêcher l’expédition de produits interdits. Je le répète : il existe un consensus européen pour appliquer partout en Europe une taxe de 2 euros par colis à compter du 1er novembre 2026, étant observé que les gouvernements belge, néerlandais, luxembourgeois et français proposent à leurs parlements une entrée en vigueur le 1er janvier 2026.
L’appeler « malus », pourquoi pas ? Si l’on veut être précis, vous votez pour mettre en place une redevance pour contrôler les petits colis provenant de plateformes extra-européennes.
M. Théo Bernhardt
Voilà comment ils maquillent la chose !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
À mon avis, il est important de garder en tête que cette taxe ne concerne que les importations de produits extra-européens. Je veux rassurer tous les députés des circonscriptions au sein desquelles les leaders historiques de la vente à distance – La Redoute, Kiabi, Linvosges – sont implantés. Ces entreprises ne sont pas concernées par la redevance puisqu’elles respectent les normes et n’expédient pas de produits dangereux chez les Français. Nous ne souhaitons évidemment pas entraver la consommation populaire de ces biens du quotidien très bon marché. Nous voulons avoir les moyens de contrôler ce que les grandes plateformes, notamment asiatiques, envoient chez nous au mépris de nos normes et de nos principes.
Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée sur la dénomination de cette redevance qui ne changera pas sa nature technique.
M. le président
La parole est à Mme Alma Dufour.
Mme Alma Dufour
Je souhaite éclairer la portée de notre vote contre l’amendement de suppression de l’article 22. Selon Mme la ministre, la taxe, bien qu’assise sur les colis, sera supportée par les plateformes. Pour sa part, M. Juvin avait déposé un amendement visant à taxer directement les plateformes en fonction du nombre de colis envoyés de manière à s’assurer que la taxe ne pèserait pas sur les consommateurs. Nous sommes étonnés qu’il ait retiré son amendement et nous aimerions connaître les raisons de ce retrait.
Mme la ministre explique elle-même que la redevance est destinée à financer les contrôles. Arrêtez donc de dire qu’elle va sauver les petits commerces de France ! Si vous vouliez les sauver, vous feriez payer la TVA à toutes les plateformes d’e-commerce hébergeant ce type de revendeurs comme nous le demandons depuis des années. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Je suis choquée par ailleurs de n’entendre parler que de plateformes asiatiques. Amazon, que vous avez largement aidé à s’installer en France, vend les mêmes produits que Wish, AliExpress ou Shein. (Mêmes mouvements.) Arrêtons de fantasmer et parlons vrai : nous voulons taxer les plateformes et non les colis. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à Mme Marine Le Pen.
Mme Marine Le Pen
Madame la ministre, faire croire aux Français qu’en taxant les petits colis vous augmenterez de manière spectaculaire le nombre de contrôles, c’est se moquer du monde ! L’an dernier 0,125 % des colis seulement ont été vérifiés. Combien le seront avec cette taxe ?
Vous parlez des petits colis, qu’en est-il des gros ? Ne soyons pas dupes, de nombreux commerçants français se fournissent auprès de ces vendeurs asiatiques, ce qui soulève les mêmes problèmes de sécurité et de respect des normes. Il incombe à l’État de garantir la sécurité des consommateurs. Il existe plusieurs moyens pour ce faire mais pas celui que vous proposez qui, comme d’habitude, pénalisera les petits consommateurs. Ainsi, vous pourriez considérer le non-respect des normes de sécurité comme une pratique anticoncurrentielle, laquelle expose au paiement d’amendes énormes, sans commune mesure avec les 2 euros par colis envisagés. Vous pourriez également engager la responsabilité du dernier vendeur. Ce que vous faites est hypocrite ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
Nous avons entendu deux orateurs opposés à l’amendement. J’ouvre donc le débat à de nouveaux orateurs. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson
Ne votons pas cet amendement ! Il ne s’agit pas d’un malus : Mme la ministre dit elle-même que c’est une redevance qui doit permettre de financer les contrôles ! L’an dernier, ceux-ci n’ont porté que sur 80 000 des 800 millions de colis réceptionnés. Il faudrait des moyens considérables pour contrôler une part significative des colis expédiés. Mme la ministre peut-elle nous détailler les moyens qui seront mis en œuvre à cette fin grâce aux 250 millions escomptés de la taxe ?
Si notre groupe est opposé à la suppression de l’article, nous ne pensons pas que les 2 euros de taxe puissent avoir un effet dissuasif : seuls seront efficaces le contrôle des colis et l’abrogation de l’exonération de taxe pour les colis d’une valeur inférieure à 150 euros. Vous annoncez un accord européen à compter du 1er novembre 2026 : c’est très important. Pour autant, il ne suffit pas que les colis respectent les normes européennes, il faut aussi vérifier la valeur déclarée. Il y a là une fraude fiscale massive s’élevant entre 2 et 10 milliards !
M. le président
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Pour répondre à notre collègue Dufour, j’avais déposé en commission un amendement prévoyant une taxe très importante de 25 euros.
M. Aurélien Le Coq
Eh oui !
Mme Claire Lejeune
Il était très bien !
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Cet amendement a été rejeté par la commission. Je l’ai retiré…
Mme Alma Dufour
Ce n’est pas très correct !
M. Philippe Juvin, rapporteur général
…car si la somme de 25 euros était destinée à combler l’écart entre le prix de la commande en Chine et le prix en magasin, la rédaction proposée conduisait à un effet pervers : les colis n’auraient pas atterri à Roissy ou abordé au Havre mais à Liège pour contourner le système. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Mme Claire Lejeune
Il fallait sous-amender !
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Que ceux qui auraient une solution miracle n’hésitent pas à la proposer ! Toute la difficulté est de trouver un prix assez haut pour pénaliser l’industrie chinoise mais pas trop élevé pour ne pas léser le consommateur français, tout en ne créant pas d’effet d’éviction sur les zones d’atterrissage en Europe. Tant qu’il n’existera pas une taxe, quel que soit son prix, au niveau européen, nous n’y arriverons pas.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Elle arrive !
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Cela arrivera peut-être. J’ai préféré retirer mon amendement, imparfaitement écrit, qui risquait d’avoir des conséquences malheureuses.
M. le président
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Monsieur le rapporteur général, je suis orphelin de votre amendement !
M. Erwan Balanant
Il fallait le déposer !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
L’article 22 ne règle pas le problème, réel, auquel il prétend s’attaquer. Comment faire face à l’entrée massive de produits fabriqués dans des conditions écologiques et sociales scandaleuses et qui, de surcroît, invitent au pire du consumérisme : la consommation de biens qui ne durent quelques semaines et dont l’obsolescence programmée à très court terme va à l’encontre de tous les principes de l’écologie ?
Si nous sommes satisfaits qu’un débat ait lieu, convenons que ce qui nous est proposé par le gouvernement ne freinera en rien l’importation de ces produits et touchera uniquement les consommateurs…
M. Emeric Salmon
C’est ce que nous disons !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Par parenthèse, préserver la consommation populaire passe par une augmentation des salaires.
L’amendement de M. le rapporteur général avait le mérite de ne pas peser sur les consommateurs mais sur les plateformes, libre à elles, ensuite, d’agir comme elles l’entendaient mais au moins voyaient-elles leurs marges baisser. ( Mme Claire Lejeune et M. Aurélien Le Coq applaudissent). Selon moi, il fallait fixer la taxation plus haut que ce qu’il avait prévu mais il ouvrait une voie.
En l’état, nous nous retrouvons dans une situation compliquée : le gouvernement fait semblant de s’attaquer au problème car sa taxe de 2 euros ne réglera rien et ne pèsera que sur la consommation populaire. (M. Manuel Bompard et Mme Alma Dufour applaudissent.) Le problème est posé mais non résolu ; je regrette que M. le rapporteur général ait retiré son amendement car j’aurais été content de le voter !
M. Philippe Juvin, rapporteur général
J’en suis très flatté !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Voyez, nous ne sommes pas sectaires !
M. Thierry Tesson
Ça dépend !
M. le président
La parole est à M. Gérard Leseul.
M. Gérard Leseul
Comme M. le président Coquerel, je regrette de ne pouvoir débattre de l’amendement de M. le rapporteur général.
Nous soutiendrons l’amendement de M. Vermorel-Marques, qui propose de substituer le mot « malus » au mot « taxe » tout en relevant que Mme la ministre aurait pu le sous-amender pour donner à cette redevance sa dénomination exacte.
M. le président
Merci, monsieur Leseul, de vous être tenu à carreau… ( L’allusion de M. le président aux motifs de la veste arborée par l’orateur déclenche des sourires approbateurs.)
M. Aurélien Rousseau
Mise en cause personnelle…
Mme Dieynaba Diop
…qui aurait mérité un rappel au règlement !
M. le président
Il me fallait faire une blague, vous l’avez eue !
La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je voulais informer la représentation nationale que des contrôles sont déjà opérés, au prix d’importants moyens publics, qu’il est important de renforcer. Deux exemples : cette année, Shein a dû payer 150 millions à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) pour usage non conforme des données personnelles de ses clients et 40 millions pour pratiques commerciales trompeuses.
M. Jean-Philippe Tanguy
Ce ne sont pas des contrôles sur les produits !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
C’est aussi une forme de contrôle : nous contrôlons qu’ils respectent la vie privée des consommateurs et qu’ils les informent.
Mme la présidente Le Pen m’a interrogée sur la part de colis contrôlée et sur la différence de traitement entre gros et petits colis qui arrivent par avions ou par conteneurs.
M. Jean-Philippe Tanguy
Il n’y a pas de gros colis dans les avions !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Il y a des gros et des petits colis dans les avions. D’autres colis arrivent au Havre par conteneurs entiers. Ceux dont la valeur dépasse 150 euros passent par des circuits de dédouanement officiels et sont soumis à des droits de douane. Ils font l’objet d’une déclaration complète. Nous sommes le pays d’Europe qui retire le plus de marchandises : mille fois plus que nos concurrents européens…
M. Erwan Balanant
Partenaires !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
…selon la commission européenne. C’est la raison pour laquelle nous ambitionnons une union douanière de manière à faire converger la proportion de contrôles.
Notre pays est l’un de ceux qui retirent le plus de marchandises de ces flux – je pourrais vous transmettre les documents qui l’indiquent –, précisément parce que l’État prend très au sérieux l’exigence de protection des consommateurs.
Les sommes récoltées grâce à la redevance pour contrôle financeront la DGCCRF, les douanes, les infrastructures portuaires et aéroportuaires ou les scanners. La France sera ainsi le premier pays européen à scanner 100 % des colis postaux qui arrivent sur le territoire. (Mme Marine Le Pen et Mme Anne-Laure Blin s’exclament.) Je ne peux évidemment pas vous donner l’adresse de la plateforme chargée de cette mission parce que le dispositif est très sécurisé. En revanche, madame Le Pen, je vous invite à aller observer avec moi ce travail qui consiste à vérifier le contenu des colis afin d’écarter tous les produits dangereux. Car je vous signale que l’on peut ainsi trouver de la drogue ou des armes blanches.
Mme Marine Le Pen
Ça n’a rien à voir avec ce dont nous parlons !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Par ailleurs – je suis d’accord avec M. de Courson –, les contrôles ne sont pas uniquement physiques : il faut aussi vérifier que la valeur des produits déclarés correspond bien à leur valeur effective.
D’autre part, quand j’évoque un problème de TVA à propos des petits colis, comme je l’ai fait ces derniers jours, ce n’est pas pour dire que la TVA n’est pas payée mais que les produits sont massivement sous-déclarés. M. de Courson a rappelé – et je l’en remercie – que, d’après les estimations, les montants non déclarés oscillent entre plusieurs milliards et plusieurs dizaines de milliards. La fourchette est large, je pourrai évidemment vous transmettre les chiffres en détail.
Il faut lutter contre un phénomène qui constitue une immense attaque à l’encontre de notre souveraineté, que subissent nos entreprises et nos consommateurs et qui nous pose un problème logistique.
Nos chefs d’entreprise – qu’il s’agisse de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises, de la Fédération nationale de l’habillement ou de tous les distributeurs français – veulent que nous les aidions à tout contrôler pour que les fleurons français de la vente en ligne continuent à jouer à armes égales. Il me semble que nous pourrions mener ce combat sans fausse polémique. Plutôt que d’utiliser les arguments de nos adversaires économiques, il est préférable de s’occuper des Français.
M. le président
La parole est à M. Guillaume Lepers.
M. Guillaume Lepers
Je vois certains collègues sourire, ils pensent que le sujet n’est pas important. Or j’affirme que l’heure est grave. Ce problème de concurrence déloyale ne fait que commencer, nous ne voyons que la partie émergée de l’iceberg.
Il y a quelques semaines, j’avais évoqué ce sujet, qui n’était pourtant pas d’actualité, dans le cadre des questions au gouvernement par peur que, le jour où un jouet tuera un gamin, où une décoration de Noël brûlera une maison, où un vêtement blessera un enfant, un de mes concitoyens vienne voir le parlementaire que je suis et me reproche de n’avoir rien fait pour empêcher ces drames. Car il est parfaitement vrai que ces produits sont non conformes. En outre, ils ne sont pas soumis à des droits de douane et leur valeur donne lieu à des fraudes massives.
Quelqu’un a dit aujourd’hui que ces produits ne tuaient pas les enseignes de cœur de ville. C’est faux ! Les enseignes tombent les unes après les autres, dans l’indifférence générale. Et puisque la question du recyclage a été abordée cet après-midi, je rappelle qu’il est impossible de recycler ces produits.
Vous refusez cette taxe sous couvert de protéger le pouvoir d’achat des Français. Vous vous trompez – nous en reparlerons dans quelques années. Si nous ne mettons pas fin à cette catastrophe dès aujourd’hui, je vous garantis nous en paierons le prix dans les années à venir. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
(L’amendement no 943 rectifié n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Nicolas Turquois, pour soutenir l’amendement no 3395.
M. Nicolas Turquois
Monsieur le président, vous avez dit avec humour que M. Leseul s’était tenu « à carreau ». Pour filer la métaphore vestimentaire, je dirai que, sur le sujet des petits colis, nous devrions être « unis » !
Cette question représente un véritable enjeu de sécurité publique mais est aussi importante d’un point de vue économique et budgétaire.
Le contrôle visant à vérifier la valeur du produit repose uniquement sur l’obligation déclarative. Nous proposons donc que le champ de la taxe soit étendu aux colis de moins de 2 kilos. En effet, ceux-ci sont parfois considérés comme de petits colis alors qu’ils renferment parfois des produits d’une valeur bien supérieure à 150 euros – même si le montant déclaré indique le contraire.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Défavorable.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 3395.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 248
Nombre de suffrages exprimés 197
Majorité absolue 99
Pour l’adoption 20
Contre 177
(L’amendement no 3395 n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de trois amendements, nos 460, 2211 et 2820, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 460 et 2211 sont identiques.
La parole est à Mme Violette Spillebout, pour soutenir l’amendement no 460.
Mme Violette Spillebout
Il vise à exclure du champ de la taxe visant les petits colis importés les articles de seconde main, les produits reconditionnés, les œuvres d’art et les objets de collection.
Mme Alma Dufour
Une nouvelle niche ! Bravo…
Mme Violette Spillebout
Si l’on applique cette taxe indistinctement, on pénalise les acteurs du réemploi, du reconditionnement, de la réparation et du commerce culturel alors même qu’ils contribuent à la réduction de nos déchets et à la sobriété de nos ressources. S’il faut taxer ce qui détruit, nous devons préserver ce qui est durable.
Cet amendement, qui vise à éviter les dommages collatéraux de cette taxe, a été élaboré en collaboration avec l’Alliance française des places de marché.
M. le président
La parole est à Mme Marie Lebec, pour soutenir l’amendement no 2211.
Mme Marie Lebec
Il est identique à celui de Mme Spillebout, par conséquent je me contenterai de demander une précision à Mme la ministre. Lorsque vous avez donné votre avis sur l’amendement de M. Vermorel-Marques, vous avez indiqué que cette taxe visait uniquement les biens extracommunautaires. Pouvez-vous nous dire ce qui est prévu pour les objets reconditionnés, les objets d’art ou ceux qui s’inscrivent dans une logique d’économie circulaire ?
La parole est à Mme Graziella Melchior, pour soutenir l’amendement no 2820.
Mme Graziella Melchior
Il vise à exclure du champ de la taxe sur les petits colis provenant de pays extérieurs à l’Union européenne les achats de produits de seconde main ou reconditionnés. L’économie circulaire, notamment les achats de seconde main, se développe considérablement en France, ce qui constitue une bonne nouvelle. Je rappelle que cette pratique est bonne pour la planète mais aussi pour le pouvoir d’achat. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Tout d’abord, je doute que, parmi les produits d’une valeur de moins de 150 euros figurent des objets de collection – même si tout est possible.
Ensuite, il ne me semble pas souhaitable de prévoir des exceptions. Comme je l’ai déjà dit, 6,5 milliards de colis arriveront de Chine l’année prochaine. Si nous décidons d’établir des distinctions entre les produits, nous n’y arriverons jamais, à moins d’ouvrir tous les colis pour tout vérifier ! Si nous commençons à prévoir des exceptions, le dispositif deviendra une usine à gaz ingérable. Avis défavorable. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem.)
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
En 2024, les douanes ont retiré 21 millions d’articles du flux logistique, contre 9 millions en 2021 – je le dis à l’attention de Mme Le Pen : le nombre de retraits d’articles dangereux a plus que doublé en trois ans. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Je tiens à présent à rassurer les auteures de ces amendements : la redevance pour contrôle ne concerne évidemment pas les plateformes européennes, qui respectent forcément le droit européen – sinon elles n’existeraient pas. Elle vise uniquement les petits colis vendus par des plateformes, en provenance d’un pays extra-européen.
Par conséquent, soit vos amendements sont sans objet, soit ils transforment le dispositif en une usine à gaz incontrôlable.
J’ajoute que, si l’un de vos amendements était adopté, les fraudeurs que nous combattons pourraient s’engouffrer dans la brèche : puisqu’ils ne respectent aucune règle, ils prétendraient que tous les produits concernés sont de seconde main.
Je vous demande donc de retirer ces amendements. À défaut, j’émettrai un avis très défavorable.
M. Philippe Vigier
Très bien !
M. le président
Je suis saisi de plusieurs demandes de scrutin public : sur les amendements no 1259 et identique, par le groupe Rassemblement national ; sur les amendements no 2538 et identique par les groupes Rassemblement national, Ensemble pour la République et Libertés, indépendants, outre-mer et territoires ; sur les amendements no 736 et identiques par les groupes Rassemblement national, Ensemble pour la République et Socialistes et apparentés ; sur l’amendement no 2832 par les groupes Rassemblement national et Socialistes et apparentés ; enfin sur les amendements no 734 et identique par les groupes Rassemblement national, Ensemble pour la République et Socialistes et apparentés.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Aurélien Le Coq.
M. Aurélien Le Coq
Il nous a été démontré que la taxe proposée par le gouvernement relevait d’une hypocrisie totale. Elle n’empêchera pas – qui plus est avec un montant de 2 euros – l’ensemble des produits que vous décrivez depuis tout à l’heure d’arriver sur le sol français.
Par ailleurs, vous avez parlé de risques mais nous avons dépassé ce stade : les petits commerces et les enseignes françaises qui subissent cette concurrence déloyale ferment déjà, tout comme des produits non conformes franchissent déjà nos frontières.
Oui, il est urgent d’agir mais pas en instaurant de façon hypocrite une taxe à 2 euros, destinée uniquement à faire rentrer de l’argent dans les caisses de l’État et qui pèsera uniquement sur les classes populaires.
Madame la ministre, nous vous le disons clairement : nous ne voterons pas pour cette taxe en l’état. En revanche, nous étions prêts à voter pour l’amendement de M. Juvin. (M. le rapporteur général applaudit.) Celui-ci nous a expliqué que le problème était que son amendement n’incluait pas l’ensemble de l’espace européen. Or nous avions sous-amendé pour y remédier… (Le temps de parole étant écoulé, M. le président coupe le micro de l’orateur.)
M. le président
La parole est à M. Éric Michoux.
M. Éric Michoux
On nous a expliqué il y a quelques jours qu’il manquait 10 milliards dans les caisses et que c’était la faute des petits colis. Or, si je fais le calcul, avec une taxe à 2 euros pour 800 000 colis, on obtient 1,6 milliard d’euros. Il manque donc encore beaucoup d’argent.
M. Erwan Balanant
C’était la TVA, il fallait écouter !
M. Éric Michoux
Peu importe le montant de la taxe. Le vrai problème, c’est que des produits illicites entrent dans notre pays alors qu’ils ne respectent pas nos normes. Ils ne devraient pas arriver sur notre sol. Quels moyens allez-vous mettre en œuvre, madame la ministre, pour y remédier ? Je parle d’ailleurs aussi bien des produits commandés sur les plateformes que des voitures électriques qui, demain, seront déguisées en voitures françaises alors qu’elles contiendront des pièces chinoises – mais c’est un autre sujet.
Cet enjeu se situe au même niveau que le narcotrafic. On peut d’ailleurs parler de « trafic de daube ». Il s’agit de non-assistance à industrie et commerce français en danger. Qu’allez-vous faire ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
M. le président
La parole est à Mme Marine Le Pen.
Mme Marine Le Pen
Moi qui ai un peu d’ancienneté dans la vie politique – j’espère que cela ne se voit pas trop ! –,…
M. Matthias Tavel
Mieux vaut avoir un avenir qu’un passé !
Mme Marine Le Pen
…j’avais expliqué, il y a quinze ans, pour résumer le problème, que nous faisions fabriquer à des esclaves des produits vendus ensuite à des chômeurs !
Vous déplorez aujourd’hui les conséquences de causes que vous avez adorées. Car c’est bien vous qui avez fait du libre-échange une véritable religion. Lorsque nous demandions des droits de douane pour protéger nos industries, vous nous avez insultés. C’était sacrilège d’évoquer cette idée ou même de parler de la nécessité d’effectuer le moindre contrôle.
D’ailleurs, cette philosophie a continué de vous guider puisque, au cours des quinze dernières années, vous avez réduit de 25 % le nombre de salariés de la DGCCRF. Faut-il croire que tout allait bien et qu’il n’était plus nécessaire d’effectuer des contrôles ?
Vous vous servez aujourd’hui de ce commerce dangereux pour récupérer de l’argent et remplir les caisses alors que vous devriez vous attaquer réellement à lui. Vous avez d’ailleurs les moyens juridiques de lutter contre les dangers qu’il représente. Or vous vous contentez d’amasser du pognon.
Mme Dominique Voynet
Ça fait une très longue minute !
Mme Marine Le Pen
Si, un jour, un gamin rencontre un problème grave à cause d’un de ces produits et que vous avez perçu une taxe sur le colis en question, que direz-vous aux parents ? Arrêtons l’hypocrisie ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Laurent Croizier
Où sont vos propositions ?
M. le président
La parole est à Mme Olivia Grégoire.
Mme Olivia Grégoire
J’ai l’impression qu’on mélange différents débats. J’entends que, ici et là, on nous exhorte à agir mais lorsque, en 2017, nous avons baissé de 11 milliards l’impôt sur les sociétés, où étiez-vous ? Lorsque nous avons enclenché la baisse des impôts de production pour favoriser la réindustrialisation, où étiez-vous ? (Vives exclamations sur les bancs des groupes RN et LFI-NFP.) Lorsque nous avons contribué à fluidifier le marché, où étiez-vous ?
Voilà la question posée ici : c’est 2 euros pour quoi ? Pour renforcer le financement des contrôles. Je ne crois pas que la ministre ait l’intention d’arrêter des milliards de colis avec sa seule taxe à 2 euros, mais 500 millions seront consacrés au renforcement du contrôle des douanes. Est-ce utile ? Oui ! Faut-il voter cette mesure ? À mon sens, oui !
Ceci posé, il y a un truc qui n’est pas mal, qui fonctionne parfois : l’Europe ! (Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.) Elle s’est bougée et, le 12 décembre, comme la ministre l’a dit, une mesure sera annoncée, qui entrera en vigueur en janvier 2026.
Madame la présidente Le Pen, vous disiez à l’instant qu’il fallait instaurer des procédures. La procédure, c’est l’article 70 du règlement sur les services numériques (DSA) qui la prévoit, en parallèle du renforcement des droits de douane. Les deux, mon général ! Pas uniquement les droits de douane mais aussi les sanctions prévues par le DSA contre les plateformes. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – M. Philippe Vigier applaudit également.)
Alors ne nous énervons pas, votons l’article 22 et n’allons pas au contentieux en votant n’importe quoi au-delà de 2 euros. Il y a un vrai risque de contentieux, je vous aurez prévenus ! (Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
Du calme ! Je mets aux voix les amendements identiques nos 460 et 2211.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 257
Nombre de suffrages exprimés 254
Majorité absolue 128
Pour l’adoption 5
Contre 249
(Les amendements identiques nos 460 et 2211 ne sont pas adoptés.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 2820 de Mme Melchior, qui parle de colis à l’époque de Noël – tout cela a une vraie cohérence ! (Sourires.)
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 261
Nombre de suffrages exprimés 259
Majorité absolue 130
Pour l’adoption 6
Contre 253
(L’amendement no 2820 n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de treize amendements, nos 1259, 2738, 459, 2538, 2824, 736, 2615, 2802, 2810, 3674, 2832, 734 et 2833, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 1259 et 2738 sont identiques, de même que les amendements nos 2538 et 2824, les amendements nos 736, 2615, 2802, 2810 et 3674 et les amendements nos 734 et 2833.
La parole est à M. Bertrand Sorre, pour soutenir l’amendement no 1259.
M. Bertrand Sorre
C’est un amendement de notre collègue Christophe Blanchet, dont on connaît l’engagement en faveur de la lutte contre les contrefaçons puisqu’il a commis deux rapports sur le sujet, en 2020 et 2023.
L’amendement prévoit de porter la redevance sur les petits colis de 2 à 50 euros. 50 euros, ce serait rendre ces biens illicites non attractifs ; 50 euros, ce serait protéger nos concitoyens de produits dangereux, de contrefaçons, et nos enfants de marchandises qui ne respectent absolument pas les normes que nous imposons aux fabricants français et étrangers ; 50 euros, ce serait aussi protéger nos entreprises, nos artisans et commerçants locaux, qui font l’attractivité de nos centres-villes et qui, comme vous le constatez chaque jour sur le terrain, souffrent terriblement de cette concurrence illicite. Les fermetures sont nombreuses, notamment dans le commerce de textile et, si nous n’agissons pas fermement, tous les secteurs seront malheureusement touchés et disparaîtront. Il ne sera plus possible de faire ses achats là où l’on nous offre le conseil, la qualité, le sourire, le papier cadeau.
Je vous invite à voter unanimement cette élévation de la taxe de 2 à 50 euros.
M. le président
La parole est à M. Tristan Lahais, pour soutenir l’amendement no 2738.
M. Tristan Lahais
Je serai rapide parce qu’on est pressé et qu’on veut pouvoir voter.
Il y a, dans cette discussion, une ambiguïté qui tient au fait qu’on a beaucoup entendu qu’il s’agissait de contrôler et de vérifier la sécurité des produits que nous importions. Nous, nous croyons que cette taxe est sous-tendue non seulement par l’idée de contrôler ce que nous importons mais aussi par celle de casser, de mettre un coup d’arrêt à un modèle de production et de consommation incompatible avec des conditions de travail décentes pour les salariés, de bonnes conditions environnementales de production, l’aménagement de nos territoires et la préservation de notre industrie.
Si nous voulons préserver notre modèle social, si nous appelons à empêcher la diffusion de produits dont la fabrication ne respecte pas les normes sociales et environnementales que nous estimons normales, ce n’est pas pour qu’ici, en Europe et en France, nous détruisions petit à petit ces mêmes normes alors que nous contestons leur insuffisance ailleurs. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)
M. le président
La parole est à Mme Violette Spillebout, pour soutenir l’amendement no 459.
Mme Violette Spillebout
Madame la ministre, l’amendement que je défends rehausse à 25 euros la taxe sur les petits colis importés dans l’Union européenne.
Nous sommes au cœur d’une discussion essentielle pour la réalité quotidienne de nos entrepreneurs français. Je pense à ceux du Nord, dans le domaine du textile, à de grandes marques françaises connues et historiques – Damart, Blancheporte, La Redoute –, qui sont membres de la Fédération de l’e-commerce et de la vente à distance (Fevad) et dont les représentants, en mai dernier déjà, venaient avec moi voir la ministre du commerce pour lui dire qu’il fallait agir vite et fort.
Cette taxe, si son montant était maintenu à 2 euros, serait insuffisante pour disposer de moyens de contrôle raisonnables face aux millions de colis qui arrivent et face à la puissance financière des plateformes, notamment chinoises, que nous combattons tous ensemble. Il est donc nécessaire d’augmenter ce montant.
M. le président
La parole est à M. Laurent Mazaury, pour soutenir l’amendement no 2538.
M. Laurent Mazaury
Nous avons entendu nos collègues nous proposer des augmentations significatives de la taxe. Pour ma part, je propose de la faire passer à 10 euros. En effet, il y a deux façons de concevoir l’objectif d’une taxe. La façon courante, la plus simple, ne prend en compte que sa capacité à engendrer des recettes. Selon les simulations, une taxe à 2 euros rapporterait 600 millions d’euros, contre 3 milliards pour une taxe à 10 euros.
Mais l’objectif de cette taxe doit être tout autre : dissuader, lutter contre un trafic, car c’est bien ce dont nous parlons.
Mme Marine Le Pen
Interdisez-le, alors ! Ce n’est pas possible, ça !
M. Laurent Mazaury
Dans le cas d’espèce, il est question de combattre un trafic qui détruit nos entreprises, notre système social, et met nos vies, notamment celles des plus jeunes, en péril. Ce n’est pas une taxe de rendement ! Pour qu’elle soit efficace, son montant doit donc être supérieur à 2 euros. 10 euros, c’est le prix des moyens de contrôle indispensables à cette efficacité. Et c’est à ce prix-là que nous pourrons lutter contre un trafic destructeur.
M. Emeric Salmon
Il faut interdire !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
C’est pour contrôler, pas pour interdire !
M. le président
La parole est à Mme Graziella Melchior, pour soutenir l’amendement no 2824.
Mme Graziella Melchior
Nous faisons face à une explosion des achats de vêtements et accessoires provenant des plateformes d’e-commerce comme Shein et Temu. Du fait de cette explosion, en 2024, deux fois plus de colis qu’en 2023 nous sont parvenus et quatre fois plus qu’en 2022. Nous sommes submergés par cette vague qui déferle et ravage l’industrie textile française, depuis la confection des vêtements jusqu’aux petits commerçants de nos communes. De plus, ces sites de vente déversent des produits qui enfreignent gravement nos normes, qu’elles soient sociales ou environnementales.
Dans ce budget, madame la ministre, vous proposez de créer une taxe de 2 euros applicable aux articles vendus sur ces plateformes. Néanmoins, ce montant peut ne pas sembler dissuasif au regard de la violence de la concurrence déloyale à laquelle se livre l’industrie chinoise. Des contrôles sont requis.
C’est pourquoi je vous propose cet amendement qui vise à rehausser ce montant à 10 euros. Nous devons frapper fort et ne pas craindre de l’assumer. Nous voulons tout faire pour protéger nos enfants, la filière textile…
Mme Marine Le Pen
Vous l’avez détruite !
Mme Graziella Melchior
…et nos commerçants. (Mme Véronique Riotton applaudit.)
M. le président
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l’amendement no 736.
M. Charles Sitzenstuhl
Cet amendement tend à rehausser la taxe sur les petits colis à 5 euros.
M. le président
La parole est à M. Guillaume Lepers, pour soutenir l’amendement no 2615.
M. Guillaume Lepers
Je ne reviendrai pas sur la gravité des faits. Je sais que l’augmentation de la taxe sur les petits colis que prévoit cet amendement n’est pas la solution idéale, qu’il y en a beaucoup d’autres et que c’est un ensemble de décisions complémentaires qui nous permettront de lutter contre ces géants qui dévastent nos commerces et nos centres-villes.
Je m’adresse à ceux qui se disent fans de Trump : lui, il a réglé le problème puisqu’en quelques mois, il a réussi à faire baisser de 65 % les importations de Shein et s’est débarrassé de cette difficulté.
Ce n’est pas une solution idéale mais il faut qu’on l’adopte. Un montant de 5 euros correspond à un juste milieu entre des sommes excessives – 25 ou 10 euros – et celle, trop modeste, de 2 euros.
Quand j’entends ricaner dans les coins, j’ai l’impression qu’on ne prend pas le problème au sérieux. Je vous le dis : nous ne sommes qu’au début des difficultés et il est peut-être déjà trop tard !
M. Emeric Salmon
Ça fait vingt ans que vous êtes au pouvoir !
M. Guillaume Lepers
Si nous ne réagissons pas maintenant, c’est foutu pour nos industries et nos commerces ! Dans quelques années, il ne faudra pas pleurer ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)
M. le président
L’amendement no 2802 de Mme Delphine Lingemann est défendu.
La parole est à M. Pierrick Courbon, pour soutenir l’amendement no 2810.
M. Pierrick Courbon
Cet amendement vise encore à rehausser la taxe – nous soutiendrons évidemment les amendements précédents.
La mesure dont nous débattons a bien sûr pour objet de protéger les consommateurs de produits dont les conditions de production ne sont pas conformes à nos standards, de protéger notre souveraineté, de protéger – en partie du moins, même si ça ne suffit pas – nos commerces de proximité.
Je parlerai davantage de l’argument relatif au pouvoir d’achat, selon lequel les populations modestes n’auraient d’autre solution que de consommer ce genre de produits et de se livrer à des acquisitions sur ces plateformes. C’est un très mauvais raisonnement. En effet, dans la mesure où la durabilité des produits en question est nulle, il faut les racheter, acheter encore et toujours. Il n’est pas possible d’encourager ce mode de consommation, qu’il faut au contraire combattre : sous prétexte de faire des économies à l’instant T, de telles pratiques coûtent bien plus cher et minent le pouvoir d’achat, en plus de détruire la planète. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS.)
M. le président
La parole est à Mme Anne-Cécile Violland, pour soutenir l’amendement no 3674.
Mme Anne-Cécile Violland
Comme ceux de mes collègues, cet amendement tend à répondre à l’impératif urgent de protéger l’industrie française et l’industrie européenne, particulièrement exposées à la concurrence déloyale des plateformes étrangères qui inondent le marché de produits à bas prix. Ce sont nos emplois, nos savoir-faire, nos territoires qui sont terriblement menacés.
Le montant de 5 euros peut sembler dérisoire, insuffisant par rapport aux autres propositions qui ont été faites. L’idée est tout simplement d’obliger à un contrôle face au dumping insupportable dont souffrent nos entreprises qui, elles, respectent les réglementations européennes, et de donner plus de pouvoir à la DGCCRF et aux douanes. On peut également inspirer l’Europe, qui vient de valider aujourd’hui la taxe à 2 euros.
M. le président
L’amendement no 2832 de M. Pierrick Courbon est défendu.
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l’amendement no 734.
M. Charles Sitzenstuhl
Cet amendement tend à rehausser la taxe sur les petits colis à 3 euros.
M. le président
L’amendement no 2833 de M. Pierrick Courbon est défendu.
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Les augmentations que prévoient tous ces amendements répondent à des motivations différentes, ce qui rend le débat difficile. Pourquoi faire passer la taxe de 2 euros à 3, 5, 10, 25 ou 50 euros ?
Le premier objectif pourrait être de combler l’écart de prix entre le pantalon ou la robe vendus par Shein qui arrivent à mon domicile et ceux que je trouve dans le magasin au coin de la rue, pour sauver le commerçant. Il s’agit ici de trouver la balance entre la défense du consommateur, qui veut un prix bas, et celle du commerce de détail, qui veut qu’il ne soit pas trop bas pour continuer à vivre. Très clairement, une taxe de 2, 3 ou 4 euros ne suffira pas à combler cet écart.
M. Guillaume Lepers
Qu’ils paient des droits de douane !
M. Philippe Juvin, rapporteur général
En revanche, elle obligera le consommateur à payer un peu plus chaque fois.
Deuxièmement, plus le montant de la taxe sera élevé, plus il sera certain, puisque nos voisins ne prélèvent pas la même taxe, que le colis atterrira à Liège et plus à Roissy, arrivera à Amsterdam et pas au Havre, pour des raisons évidentes.
On m’a rapporté une histoire qui date de l’année dernière. Les douanes françaises ont décidé un jour d’organiser une opération coup de poing de contrôle des colis qui arrivaient à Roissy vers 10 heures du matin. Quelques heures plus tard, l’aéroport de Liège téléphonait à Roissy pour demander pourquoi des avions détournés arrivaient à Liège. En quelques heures, ceux qui envoyaient les colis de Chine avaient compris que quelque chose se passait et réorienté l’opération. Donc, si le montant de la taxe dépasse celui de 2 euros que pratiquent nos voisins, vous constaterez rapidement qu’il s’ensuivra un détournement des marchandises, qui arriveront ailleurs. (M. Paul Midy applaudit.) C’est malheureusement automatique, et celui qui vous le dit voulait faire adopter une taxe à 25 euros. Je suis donc très libre pour vous en parler.
L’autre objectif que l’on pourrait vouloir atteindre en augmentant le montant de la taxe est de financer des contrôles. Mais, là encore, si nous demandons 5 euros, 10 euros ou 20 euros quand nos voisins demandent 2 euros, sachant qu’en vertu de la législation européenne, ces sommes doivent être obligatoirement affectées au contrôle, on ne pourra pas expliquer pourquoi les Allemands ont besoin de 2 euros par article pour mener leurs contrôles, alors que nous avons besoin de 50 euros. Ce ne sera pas crédible et notre affaire tombera devant le juge européen.
Il n’y a pas de solution idéale, mais il s’agit d’arriver à réaliser un contrôle effectif de la conformité des paquets. Mme la ministre nous explique que 2 euros par article suffisent pour financer les contrôles. Je veux bien la croire, mais j’avoue que je suis, probablement comme vous tous, un peu effrayé du mur de paquets qui arrive alors qu’il est nécessaire d’opérer ces contrôles.
En tout cas, on a intérêt à ce qu’ils aient lieu en France pour pouvoir les organiser nous-mêmes si on veut qu’ils soient bien faits puisque l’on sait que certains contrôles dans d’autres pays d’Europe, en particulier au port d’Amsterdam, ne sont pas effectués correctement – les Néerlandais ont tendance à contrôler surtout ce qui va demeurer sur leur territoire et à laisser filer le reste.
C’est pourquoi je suis contraint de donner un avis défavorable à tous ces amendements même si, initialement, j’en partageais l’analyse, sachant qu’aller au-delà de ce que font nos voisins, c’est nous condamner en réalité à ne plus rien avoir à contrôler parce que plus rien ne passera par la France.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Le montant de 2 euros n’est pas une invention française : c’est le résultat d’un calcul fait dans tous les pays européens pour évaluer le coût des contrôles, matériels et déclaratoires, celui de la mise en place de l’autorité douanière visant à les homogénéiser davantage, et définir quel était le montant que nous pouvions tous appliquer le 1er novembre 2026. Si la France, les Pays-Bas, le Luxembourg et la Belgique ont décidé d’anticiper, c’est que près de 75 % des petits colis arrivent dans nos quatre pays pour toute l’Europe.
Je vous vois froncer les sourcils, madame la présidente Le Pen : sachez que nous voulons implanter cette autorité douanière à Lille pour qu’elle fonctionne d’après nos standards. Je rappelle que la France est le pays qui retire le plus de conteneurs du flux logistique d’Europe, mille fois plus que dans certains ports européens, parce que nous voulons interdire l’interdit et que, pour cela, il faut d’abord le détecter, et donc contrôler.
Je rejoins exactement le rapporteur général et je confirme que le montant de 2 euros correspondant au coût du contrôle fait consensus. Si vous allez au-delà, on prend le risque, comme l’a dit la députée Grégoire, d’inventer un droit de douane. Il y en aura un, le moment venu, dès le 1er euro, puisque la réunion des ministres des finances de vendredi dernier l’a acté pour 2026, mais il nous faut des moyens de contrôler, et la meilleure manière de rendre cette redevance pour contrôle effective et durable, c’est de la fixer à 2 euros par article. Ce chiffre a été défini au niveau européen après des analyses poussées et je pense qu’on a trouvé un point d’équilibre sur ce sujet.
Je suis donc défavorable à l’ensemble des amendements.
M. le président
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.
M. Jean-Philippe Tanguy
On arrive toujours à avoir un semblant de vérité quand on vous titille un peu. La vérité, c’est que vous n’avez pas le droit d’établir une nouvelle taxe douanière en France parce que c’est interdit par le marché commun !
M. Philippe Brun
Eh oui ! C’est interdit !
M. Jean-Philippe Tanguy
Mais il a fallu presque une heure de débat pour avoir la vérité… grâce à la gaffe de l’ex-ministre Grégoire !
Mme Olivia Grégoire
Je n’ai pas dit ça !
M. Jean-Philippe Tanguy
Merci à elle pour ce lapsus de vérité ! (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
Mme Dieynaba Diop
Arrêtez de crier !
M. Jean-Philippe Tanguy
C’est suffisamment rare en Macronie ! Mais puisque les réactions sont négatives, je ne remercie plus ! (Mêmes mouvements.) En tout cas, vous n’en avez pas le droit et c’est pourquoi le rapporteur général a retiré son amendement visant à taxer directement les plateformes : l’OMC comme le droit communautaire interdisent les mesures de rétorsion ! Les liens avec lesquels vous vous êtes ligotés vous-mêmes tuent l’économie européenne, et vous en avez tellement conscience que vous ne soutenez même pas les amendements qui donneraient raison à votre propre raisonnement : avec 2 euros de plus, les Chinois continueront à tricher sur le coût de l’énergie dans le prix de revient, ils auront toujours des esclaves, ils saliront toujours l’environnement et contourneront toujours toutes les règles ! Avec 2 euros, vous ne contenez rien et vous ne financez rien !
Madame la ministre, pouvez-vous prendre l’engagement devant la représentation nationale qu’avec 500 millions d’euros vous allez pouvoir contrôler 100 % des petits colis, des grands colis et des conteneurs ? Prenez cet engagement, ou alors vous mentez ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu
Nous comprenons totalement les amendements qui visent à augmenter le niveau de la taxe, mais il ne faut pas oublier pourquoi on en est là. Mme la ministre nous dit qu’il faut « interdire l’interdit »… Je me souviens qu’avant, il était « interdit d’interdire », c’était un peu mieux. (Sourires.) Le problème, c’est qu’on est dans un système mondial et mondialisé absolument fou. On a accepté que l’Organisation mondiale du commerce chapeaute tous les échanges entre pays,…
Mme Marine Le Pen
Voilà !
M. Nicolas Sansu
…entre empires, et on est aujourd’hui submergé par 800 millions de petits colis – c’était 400 millions il y a encore deux ans. Et vous nous dites qu’une taxe de 2 euros devrait permettre de les contrôler. Mais ce n’est même pas une taxe douanière. On aurait compris que les colis soient taxés sur la valeur, c’est-à-dire qu’un colis de 100 euros taxé à 20 % ou 30 %, ce serait au moins quelque chose de…
M. le président
Je vous remercie, monsieur le député.
M. Nicolas Sansu
Bon, je continuerai tout à l’heure, monsieur le président. (Sourires.)
M. le président
La parole est à M. Manuel Bompard.
M. Manuel Bompard
Madame la ministre, je ne vous comprends pas. Dans votre propos introductif sur l’article, vous avez dit qu’il n’y a pas d’inquiétude à avoir parce que, si on taxait les colis, le surcoût serait absorbé par les plateformes qui ne le répercuteraient pas sur les prix, au détriment des consommateurs. Si c’est vraiment le cas, il y a une solution très simple pour le garantir : c’est de ne pas la faire porter sur les colis mais directement sur les plateformes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Si vous voulez que cet article soit adopté, vous devez accepter qu’il soit modifié en conséquence. C’était le sens de l’amendement déposé par M. Juvin et qui malheureusement a été retiré. Par conséquent, au vu des interventions des uns et des autres, il apparaît que si vous déposez un amendement identique au sien, l’article sera voté. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LFI-NFP.) Si vous ne le faites pas, madame la ministre, je peux déjà vous annoncer qu’après l’article 27, nous défendrons un amendement no 2871, qui propose de taxer les plateformes, et que c’est lui qui sera voté. (Mêmes mouvements.)
M. le président
La parole est à M. Paul Midy.
M. Paul Midy
La bonne nouvelle, c’est qu’on a repoussé la suppression de l’article et qu’on avance au sujet de cette taxe sur les petits colis, qui va protéger les entreprises européennes et les petits commerçants. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.)
M. Thierry Tesson
2 euros ? Vous êtes un boutiquier !
M. Paul Midy
Je pense qu’il faut maintenant aller au bout de l’exercice pour que ce soit efficace et, même si je comprends évidemment le motif de ces amendements, cosignés parfois par d’excellents collègues, il faut les repousser car, pour garantir l’efficacité du dispositif, il faut que celui-ci soit bien calé sur ce que nous avons décidé avec l’ensemble de nos partenaires européens.
Je propose donc que nous repoussions ces amendements et que nous adoptions l’article 22.
M. le président
La parole est à M. Dominique Potier.
M. Dominique Potier
Le groupe Socialistes et apparentés est favorable à l’ensemble des dispositions dont nous discutons, mais je voudrais revenir sur le fond : le 29 septembre dernier, l’OCDE, via le point de contact national que Boris Vallaud et moi-même avions saisi au nom du groupe socialiste, a répondu en produisant l’étude la plus documentée par un établissement public à l’échelle internationale sur Shein : elle dénonce le travail des enfants, les pollutions diffuses dans les champs de coton et dans le transport aérien, le travail forcé des Ouïgours, etc. Tout est documenté. Aucune taxe, si utile soit-elle, ne sera à la hauteur des directives européennes.
Je voudrais rappeler au collègue de la droite républicaine qui nous a demandé de ne pas ricaner de son amendement à 5 euros, qu’il y a une semaine, au Parlement européen les droites et l’extrême droite ont fait alliance pour tuer deux directives qui visaient fondamentalement à réguler le commerce international (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SOC), à combattre l’esclavage moderne, le travail des enfants, les pollutions, les atteintes à la planète et à la biodiversité ! Hypocrisie ! Hypocrisie ! (Protestations sur les bancs du groupe DR.)
M. le président
Merci de conclure, monsieur le député.
M. Dominique Potier
Il nous faut bâtir un bouclier européen fondé sur des valeurs universelles. Tout le reste est du vent ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SOC. – M. Jérémie Iordanoff applaudit également.)
M. le président
La parole est à Mme Eva Sas.
Mme Eva Sas
Le groupe écologiste et social soutient cette taxation des petits colis et même son augmentation. Cela fait plusieurs années que les écologistes proposent une taxe de ce type, en particulier l’élu de Paris David Belliard dès 2023. En Île-de-France, en effet, près d’un million de colis sont livrés chaque jour, dans les rues de Paris et des communes de la région parisienne, ce qui génère encombrement de l’espace public, pollution, bruit, et nuit aux commerces de proximité, aujourd’hui en grande difficulté. Cette taxation est aussi indispensable pour lutter contre l’ultrafast fashion, un modèle de production et de consommation délétère et insoutenable du fait des transports et des déchets qu’elle engendre.
Nous proposons donc une augmentation forte de la future taxe pour mettre un coup d’arrêt à cette déferlante, qui a conduit à une multiplication par deux des déchets textiles en vingt ans et qui concurrence nos commerces de centre-ville. Je ne comprends d’ailleurs pas que nous ne soyons pas unanimes pour taxer les petits colis. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)
M. le président
La parole est à Mme Anne-Cécile Violland.
Mme Anne-Cécile Violland
On peut entendre l’argument de l’alignement avec l’Union européenne, mais un pays de l’Union a déjà adopté une taxation à 5 euros : c’est la Roumanie, et elle en prévoit l’entrée en vigueur dès le 1er janvier 2026. Cela veut dire que c’est possible de la voter. Il faut prendre en compte le fait qu’elle ne doit pas être confiscatoire pour le consommateur, mais il s’agit d’obtenir vraiment davantage de moyens pour les administrations concernées. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR. – M. Guillaume Lepers applaudit également.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Un point de droit a été soulevé : peut-on légiférer au niveau national – ce que nous sommes en train de faire – sur une taxe avant qu’elle ne devienne européenne au 1er novembre 2026 ? La réponse est oui, puisque le code des douanes de l’Union, qui est encore en vigueur jusqu’au 1er janvier 2028, dispose en son article 52 que « les autorités douanières nationales peuvent demander le paiement de frais ou récupérer des coûts pour des services spécifiques rendus, notamment […] pour des mesures exceptionnelles de contrôle, lorsque celles-ci se révèlent nécessaires en raison de la nature des marchandises ou d’un risque potentiel ».
M. Paul Midy
Eh oui, bien sûr !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Il me semble que la nature des marchandises et le risque potentiel sont exactement ce dont nous parlons depuis maintenant une heure, que mon ministère est une autorité douanière et que, avant que cette redevance pour contrôle s’applique dans l’ensemble de l’Union européenne au 1er novembre 2026, notre pays a tout à fait le droit d’anticiper le 1er janvier cette démarche.
Vous devez tous avoir en tête que le code douanier de l’Union a été réformé, à l’initiative de la France, lorsque nous présidions le conseil de l’Union européenne, en 2022. Vous le voyez, ce n’est pas une lubie soudaine, on ne s’est pas réveillé en découvrant avec beaucoup de stupeur et d’indignation la vente de produits illicites sur les plateformes. Cela fait cinq ans que la France, méthodiquement, construit une coalition européenne, rapproche des pays, pour que le nouveau dispositif marche. (MM. Gabriel Attal, Philippe Vigier et Paul Midy applaudissent.)
Et nous avons franchi une très grande étape vendredi, au conseil des ministres des finances, puisqu’il y aura l’année prochaine des droits de douane dès le premier euro. Nous considérons en effet, comme d’ailleurs les États-Unis depuis quelques semaines, que le seuil des 150 euros n’a aucun sens puisque c’est devenu une incitation à sous-déclarer massivement les valeurs : il suffit d’indiquer que le colis vaut 149 euros pour se soustraire aux droits de douane, alors que s’il en valait 151, il y serait assujetti. Vous voyez bien que cet effet de seuil n’a aucun sens dans le monde d’aujourd’hui. (M. Paul Midy applaudit.)
Je voudrais conclure en m’adressant à M. Tanguy : vous dites que je mens, mais je pense que le mensonge, c’est de laisser croire à nos artisans, à nos commerçants et à tous ceux qui veulent se battre pour la souveraineté, que nous n’aurions que l’impuissance à leur offrir. (Vifs applaudissements sur de nombreux bancs des groupes EPR, Dem et HOR.)
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 1259 et 2738.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 268
Nombre de suffrages exprimés 241
Majorité absolue 121
Pour l’adoption 61
Contre 180
(Les amendements identiques nos 1259 et 2738 ne sont pas adoptés.)
M. le président
Sur l’amendement n° 369, je suis saisi par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Je suis saisi d’une demande similaire sur l’article 22 par les groupes Rassemblement national, Ensemble pour la République et Libertés, indépendants, outre-mer et territoires.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je mets aux voix l’amendement no 459.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 271
Nombre de suffrages exprimés 248
Majorité absolue 125
Pour l’adoption 60
Contre 188
(L’amendement no 459 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 2538 et 2824.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 276
Nombre de suffrages exprimés 246
Majorité absolue 124
Pour l’adoption 74
Contre 172
(Les amendements identiques nos 2538 et 2824 ne sont pas adoptés.)
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 736, 2615, 2802, 2810 et 3674.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 278
Nombre de suffrages exprimés 249
Majorité absolue 125
Pour l’adoption 90
Contre 159
(Les amendements identiques nos 736, 2615, 2802, 2810 et 3674 ne sont pas adoptés.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 2832.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 286
Nombre de suffrages exprimés 247
Majorité absolue 124
Pour l’adoption 87
Contre 160
(L’amendement no 2832 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 734 et 2833.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 284
Nombre de suffrages exprimés 247
Majorité absolue 124
Pour l’adoption 84
Contre 163
(Les amendements identiques nos 734 et 2833 ne sont pas adoptés.)
M. le président
La parole est à Mme Sandra Delannoy, pour soutenir l’amendement no 369.
Mme Sandra Delannoy
Nous proposons que les plateformes numériques d’intermédiation ou de vente à distance soient tenues de communiquer trimestriellement à l’administration des douanes la liste consolidée des expéditions dont elles sont à l’origine, en précisant le pays de départ, le montant déclaré et le mode d’expédition. Cette mesure permettra de lutter contre la sous-évaluation des colis importés et la fraude à la TVA sur les ventes en ligne transfrontalières. Elle responsabilise les grandes plateformes de l’e-commerce en les associant à la traçabilité douanière. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Tout ce que vous demandez à juste raison est satisfait par les déclarations en douane, dont c’est l’un des buts. Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Heureusement, nous avons déjà toutes les informations que vise à demander l’amendement. Elles nous parviennent même à un rythme quotidien et non trimestriel. Les produits passant nos frontières doivent être dédouanés. Si la valeur du colis est inférieure à 150 euros, la procédure nous permet de connaître les articles qu’il contient et de contrôler la véracité de leur liste en ouvrant le paquet. Si la valeur est supérieure, une procédure de douane classique, avec des déclarations complètes, s’applique. Les douanes fournissent chaque mois des données très précises sur les importations, qui permettent de connaître les lieux de production des marchandises. Mon équipe et moi-même sommes à votre disposition si ces données, qui permettent un suivi quotidien, mensuel et trimestriel, vous intéressent. L’amendement est donc satisfait.
M. le président
La parole est à Mme Christine Arrighi.
Mme Christine Arrighi
Sur le même sujet, mais avec une autre approche, j’ai déposé un amendement dont l’examen aurait dû, selon moi, avoir lieu après celui de l’article 22. Je regrette qu’il ait été déplacé après celui de l’article 27.
Le commerce en ligne est chaque année à l’origine de la distribution de 1,7 milliard de colis en France. Cela exerce une pression croissante sur les infrastructures locales et contribue à plus de 20 % du trafic et des émissions de gaz à effet de serre en zone urbaine. Mon amendement vise à instaurer une taxe sur les livraisons réalisées par les grandes plateformes de vente en ligne pour faire contribuer ces opérateurs au financement pérenne des politiques de mobilité. Cette taxe serait limitée aux entreprises dépassant un certain seuil de chiffre d’affaires et ne concernerait pas les zones rurales, les points relais et les livraisons de La Poste effectuées dans le cadre du service universel. Je me suis inspirée d’exemples étrangers. Des dispositifs comparables existent aux États-Unis, dans le Colorado et le Minnesota, tandis que l’Allemagne et les Pays-Bas expérimentent des contributions logistiques locales. Je pense… (Le temps de parole étant écoulé, M. le président coupe le micro de l’oratrice.)
M. le président
La parole est à M. Hervé de Lépinau.
M. Hervé de Lépinau
L’amendement de ma collègue Delannoy permet de revenir sur les déclarations de Mme la ministre à propos de la coalition contre la concurrence déloyale chinoise dont la France aurait pris la tête. Nos concitoyens doivent savoir que jusqu’au 24 septembre 2025, la Chine bénéficiait au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) du statut particulier de pays en voie de développement. Pour que cela cesse, il a fallu une décision prise outre-Atlantique par un monsieur un peu excentrique au teint orangé. L’Europe n’a rien dit sur le sujet et c’est grâce aux États-Unis que la deuxième puissance économique mondiale relève enfin du droit commun ! Arrêtez donc, madame la ministre, d’essayer de nous faire croire que l’Europe est un bouclier ! La décision prise par le président chinois sous la pression de son homologue américain est le révélateur de votre impuissance et de celle de l’Union européenne dans cette lutte contre la course effrénée au moins-disant économique. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme Dieynaba Diop
Votre intervention est surtout le révélateur de votre admiration pour Trump !
M. le président
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Je profite de l’examen d’un amendement portant sur les plateformes pour vous interpeller, madame la ministre. Je crois qu’une très large majorité des députés pensent qu’il faut agir contre le système des plateformes, contre la manière déloyale dont elles inondent le marché et contre les valeurs consuméristes qu’elles véhiculent. En revanche, même si l’amendement de suppression de l’article n’a pas été adopté, il n’existe pas de majorité pour faire payer le prix de cette action aux consommateurs. Je pense que cela ne passera pas. Vous ne cessez de dire que vous voulez construire le texte budgétaire avec l’Assemblée. La question est donc désormais la suivante : se donne-t-on les moyens de taxer les plateformes, c’est-à-dire les produits à l’entrée du territoire, et non les consommateurs ?
Mme Danielle Simonnet
Il faut arrêter avec ce discours !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Le problème est pourtant là, madame Simonnet ! Une taxe à 2 euros pénaliserait les consommateurs sans rien résoudre. L’excellent amendement de M. Juvin, éventuellement remanié, pourrait réunir une large majorité et son adoption permettrait à l’article d’être voté. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Je demande que l’on réfléchisse à cette solution, afin d’aller vers une victoire collective plutôt que vers l’échec prévisible d’un article qui, en l’état, ne répond pas au problème qui nous est posé.
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à Mme Mathilde Feld, pour un rappel au règlement.
Mme Mathilde Feld
Je demande une suspension de séance de cinq minutes pour offrir à Mme la ministre la possibilité de déposer un amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
Elle est de droit.
Suspension et reprise de la séance
M. le président
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-deux heures cinquante, est reprise à vingt-trois heures.)
M. le président
La séance est reprise.
Je mets aux voix l’amendement no 369.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 202
Nombre de suffrages exprimés 199
Majorité absolue 100
Pour l’adoption 62
Contre 137
(L’amendement no 369 n’est pas adopté.)
M. le président
L’amendement no 3016 de M. le rapporteur général est rédactionnel.
(L’amendement no 3016, accepté par la commission et le gouvernement, est adopté.)
M. le président
La parole est à M. Elie Califer, pour soutenir l’amendement no 452, qui fait l’objet de cinq sous-amendements.
M. Elie Califer
Cet amendement vise à préserver les consommateurs et les acteurs économiques ultramarins de la surtaxation des petits colis importés de pays tiers prévue à l’article 22.
Ce n’est pas aux ménages de payer la charge du contrôle et les douaniers supplémentaires dont nous avons besoin. Dans nos territoires, le coût des importations est déjà très supérieur à ce qu’il est dans l’Hexagone, en raison de l’éloignement, des surcoûts logistiques et de la baisse du trafic postal. Appliquée uniformément, cette nouvelle taxe aggraverait une inégalité territoriale déjà manifeste et contraire au principe d’égalité devant les charges. La France peut donc exclure ses territoires ultramarins de cette taxation.
M. le président
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy, pour soutenir le sous-amendement no 4081. Voulez-vous bien présenter le suivant en même temps ?
M. Jean-Philippe Tanguy
Non, car nous avons beaucoup de choses à vous dire.
M. le président
C’est très aimable.
M. Jean-Philippe Tanguy
Cela fait vingt ans que le camp national se fait insulter : son protectionnisme ferait de lui le camp du mal, du retranchement, de la fin de la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, EPR, SOC, Dem et EcoS.)
Mme Dieynaba Diop
Il faut réviser un peu l’état des lieux !
M. Laurent Croizier
C’est vous qui insultez tout le monde !
M. Jean-Philippe Tanguy
Nous avons encore beaucoup de choses à vous dire. Nous soutenons l’amendement du collègue et notre sous-amendement… (Les exclamations s’amplifient jusqu’à couvrir la voix de l’orateur.) Rien ne sert de hurler, collègues, je dirai quand même ce que j’ai envie de dire ! Notre sous-amendement se justifie par lui-même.
Madame la ministre, consacrerez-vous l’intégralité du produit de la taxe à embaucher des douaniers ? Vous n’en avez pas pris l’engagement. Un scanner à 10 millions d’euros, c’est très bien, mais ça ne fait pas 500 millions. (Mme la ministre proteste.) Eh bien, ce n’est pas dans le PLF ! Expliquez-nous pourquoi à cette taxe ne correspond pas une dépense de 500 millions d’euros dans la seconde partie. On ne les a pas vus ! Montrez-les nous, nous pouvons vous écrire une fiche ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Deuxièmement, ce montant ne suffit pas. J’ai fait une règle de trois par rapport aux contrôles qui existent : si vous dépensez 500 ou 600 millions, vous ne pourrez contrôler que 5 % des petits colis – et 0 % des conteneurs, 0 % des gros colis, 0 % du reste !
Mme Dieynaba Diop
Il faut sous-titrer les interventions de M. Tanguy !
M. Erwan Balanant
Ça n’a rien à voir avec le sous-amendement !
M. Jean-Philippe Tanguy
Avec 500 millions, vous ne vérifiez que 5 % des petits colis. Est-ce faux ? Où est l’argent ? Prenez l’engagement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
Restez debout, monsieur Tanguy, pour soutenir le sous-amendement no 4082. J’ai dit « restez debout », car je ne vois pas bien si vous l’êtes (Sourires.) – vous avez refusé de défendre les deux amendements en une seule intervention, alors je me venge.
M. Jean-Philippe Tanguy
Vous ne voyez pas la différence, mais vous allez l’entendre, monsieur le président !
Nous voulions vous dire une deuxième chose : pourquoi réagissez-vous soudain à la disparition du textile français ? Entre l’année où la Chine a rejoint l’OMC et 2020, l’industrie textile française a été détruite à 69 % ! Pendant tout ce temps, on ne vous a jamais entendus ! Il n’y avait pas de problème ! Le textile français, c’était ringard, fini !
M. Erwan Balanant
Ça n’a aucun rapport avec le sous-amendement !
Mme Dieynaba Diop
Quel rapport avec le sous-amendement ? C’est hors sujet !
M. le président
Assez, chers collègues ! Les orateurs défendent leurs amendements comme bon leur semble.
M. Jean-Philippe Tanguy
Dans ma circonscription gisent les ruines de l’industrie textile, qui ne vous ont jamais fait verser une larme. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes SOC et Dem.) La Chine s’est emparée des chaînes de valeur, que vous voudriez à présent démondialiser. Ce ne sont pas les ouvriers, mais les cadres supérieurs – ceux qui se sont enrichis grâce à la mondialisation – que vous voulez défendre avec votre taxe sur les petits colis : elle ne recréera pas un seul emploi d’ouvrier textile en France ! Aucun ! Prenez l’engagement contraire ! Vous n’en avez pas le courage. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à M. Matthias Renault, pour soutenir le sous-amendement no 4083.
M. Matthias Renault
Je profite de la défense de ce sous-amendement rédactionnel pour évoquer la façon dont La Poste subventionne indirectement l’importation de colis en France via l’Union postale universelle (UPU). (Exclamations sur les bancs du groupe SOC.) Ce système assez méconnu de modulation des tarifs terminaux a permis à la Chine, considérée comme un pays en voie de développement jusqu’en 2019, de bénéficier de tarifs excessivement avantageux de la part de La Poste pour l’importation de petits colis en France.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Tout à fait, aux termes de l’accord postal mondial.
M. Matthias Renault
C’est absolument scandaleux ! Il a fallu que Donald Trump tape du poing sur la table en 2018 pour obtenir une révision des tarifs.
Mme Anna Pic
Quel rapport avec le sous-amendement ?
M. Matthias Renault
Ma question est la suivante : la Chine bénéficie-t-elle encore de tarifs avantageux, bien qu’elle ne figure plus sur la liste des pays en voie de développement ? En effet, l’Union postale universelle ne pratique pas la transparence sur les tarifs terminaux applicables. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à Mme Marine Le Pen, pour soutenir le sous-amendement no 4084.
Mme Marine Le Pen
Madame la ministre, vous nous avez expliqué que depuis cinq ans, vous dépensiez beaucoup d’énergie pour lutter contre ces petits colis. Votre lutte ne semble pas avoir porté ses fruits : les 97 000 contrôles réalisés en 2024 n’ont permis de vérifier que 0,1 % des petits colis ! Ce qui me pose problème, c’est que vous fassiez croire aux Français que désormais les colis qu’ils recevront seront sécurisés, alors que vous savez pertinemment que vous n’avez aucune capacité de les préserver des produits dangereux.
Un bon moyen de le faire existe, madame la ministre : interdisez donc les importations de Shein et de Temu ! Et prévenez ces plateformes que tant qu’un seul des produits qu’elles envoient vers notre territoire ne respectera pas nos normes, elles seront interdites d’importation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. Benjamin Dirx
On en parlera aux viticulteurs !
M. Laurent Croizier
Vous êtes communiste !
Mme Marine Le Pen
Mais vous ne pouvez pas leur dire : on va se faire du fric sur les importations non respectueuses des normes que vous allez envoyer massivement sur notre territoire. Car dans ce cas-là, ils vont vous rire au nez, et ils auront raison de le faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à M. Jordan Guitton, pour soutenir le sous-amendement no 4085.
M. Jordan Guitton
Madame la ministre, vous voulez en somme faire payer votre incompétence aux Français. Qui a sacrifié 1 000 emplois d’agents de la DGCCRF sur l’autel du libre-échange par idéologie mondialiste ? C’est vous ! Qui a supprimé 4 000 postes de douaniers, en prétendant à l’époque qu’ils ne servaient à rien ? C’est vous !
Nous, au Rassemblement national, nous avons toujours défendu un protectionnisme intelligent ; vous, vous défendez un délire fiscaliste inélégant, qui va pénaliser les Français. Qu’entraînerait en effet l’adoption de cet article ? Les Français paieront 2, 3 ou 5 euros de plus par colis, mais les plateformes chinoises continueront toujours de vendre. En vérité, il ne faut pas dissuader, mais interdire les produits illicites ou ne respectant pas les normes.
Permettez-moi de rappeler que dès 2012, à l’occasion des élections présidentielles, Marine Le Pen avait employé ces termes. C’était il y a treize ans ! Vous vous plaignez aujourd’hui de ne pas avoir les moyens de contrôler ce que l’on importe dans notre pays ? Il aurait fallu écouter Marine Le Pen il y a treize ans de ça ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
L’amendement no 452 m’inspire deux observations. D’une part, il fait référence aux collectivités relevant de l’article 74 de la Constitution. Or ces territoires ne font pas partie du territoire douanier de l’Union européenne (UE) : ils ne sont donc pas concernés par l’article dont nous discutons. D’autre part, sa rédaction manque de précision – j’en donne lecture pour que chacun s’en aperçoive : « Les dispositions du présent article ne s’appliquent pas […] lorsque le coût moyen du transport et de la logistique rend l’application de la taxe disproportionnée au regard du droit existant. » D’après l’article 34 de la Constitution, la loi doit fixer précisément « l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions », de sorte qu’une telle imprécision est manifestement non conforme à la Constitution.
Pour ces deux raisons, j’émets un avis défavorable sur cet amendement et, par voie de conséquence, sur les sous-amendements dont il fait l’objet.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Beaucoup de questions ont été soulevées, alors que nous arrivons à un moment important du débat, où les uns et les autres vont devoir décider de leur vote.
Je tiens d’abord à vous dire qu’après un contrôle, on détruit les produits non conformes, soit plusieurs tonnes de produits. Cela fait mal au cœur, car ils contiennent du plastique et d’autres ressources, mais on est obligé de le faire, car ils sont dangereux. Ces destructions coûtent d’ailleurs assez cher à la douane, qui doit collecter et acheminer dans les filières de recyclage, voire de destruction pure et simple – je ne dispose pas des chiffres à cette heure, mais je vous les communiquerai.
Depuis quelques semaines, si vous consultez le site de Shein – vous pouvez tous le faire à l’aide de votre téléphone –, la marketplace a disparu, et les produits non textiles avec. Il ne reste que des tee-shirts, des pantalons et des jupes. En effet, l’opération que nous avons lancée consistait à leur dire : si dans quarante-huit heures, on trouve encore des produits interdits sur votre plateforme, vous serez suspendus. Ils ont réagi en fermant la marketplace et en retirant toutes les références non textiles de leur site. C’est un aveu colossal : ils sont incapables de nous assurer que tous les produits mis en vente sur la marketplace et tous leurs articles non textiles respectent nos normes. Cette opération est un succès ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, Dem et HOR.)
M. Éric Michoux
Il fallait le faire avant !
M. Hervé de Lépinau
Allez plus loin !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Vous me demandez d’interdire ces produits. C’est déjà fait : ils ne sont plus en vente et Shein a dû diviser par dix environ le nombre de ses références. Cela signifie que l’État sait faire respecter la loi.
M. Renault m’a interrogée sur l’Union postale universelle. J’ai commencé à échanger avec la nouvelle directrice de La Poste sur cette question majeure, il est vrai très méconnue. Tout comme une initiative européenne est intervenue il y a quelques mois pour suspendre de manière collective les envois de colis vers les États-Unis, où les délais sont devenus exagérément longs – les mesures américaines ne concernent pas seulement la Chine, elles concernent aussi la France –, je souhaite en effet que cet accord postal soit remis en question et renégocié. Il s’agit d’un élément de notre souveraineté autant que d’une question de survie pour La Poste. En proie à des difficultés financières structurelles, puisque nous envoyons moins de lettres et achetons donc moins de timbres, elle doit continuer d’assurer une présence postale, notamment en ruralité.
Ensuite, vous m’avez interrogée sur le montant des recettes de la taxe – 500 millions d’euros – et l’usage que nous comptions en faire. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Je vais vous le dire très franchement : nous allons les utiliser pour financer la surveillance des flux de marchandises et la lutte contre la grande fraude douanière, dont le budget représente 580 millions d’euros – payés pour l’heure avec notre déficit et nos impôts alors même que ces contrôles s’appliquent à des plateformes qui ne respectent pas nos normes.
Ces recettes nous permettront donc de recruter des douaniers et de renforcer nos moyens de contrôle, mais aussi de les refinancer, puisqu’ils le sont pour l’instant par des gens qui payent tout à fait honnêtement leur TVA, leurs courses et leurs impôts alors que des plateformes comme Shein, Temu et les autres ne se conforment pas à leurs obligations – contrôler les produits qu’ils nous envoient et qu’ils vendent sur la plateforme. La moindre des choses est quand même de nous assurer que les Français ne payent pas les contrôles que Shein ne paye pas ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. Hervé de Lépinau
Vous faites décidément tout bien ! 20 sur 20 !
M. le président
La parole est à M. Aurélien Le Coq.
M. Aurélien Le Coq
J’ai du mal à vous comprendre, madame la ministre. Vous nous expliquez que les 500 millions récupérés grâce à cette taxe vont financer la douane. Or, dans le programme 302 Facilitation et sécurisation des échanges de la seconde partie du PLF pour 2026, les crédits affectés à la douane passent de 20 millions et 9 000 euros à 24 millions et 13 000 euros : ils sont certes en hausse, mais de seulement 4 millions. Comment cela se fait-il ? Est-ce à dire que 496 millions d’euros ne seront tout simplement pas dédiés à la douane mais serviront à financer autre chose, par exemple des crédits d’impôts pour les plus riches ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Antoine Léaument
Bonne question !
M. Hervé de Lépinau
Le début était bien, mais la fin, nulle !
M. le président
La parole est à M. Elie Califer.
M. Elie Califer
M. le rapporteur général était très embarrassé par cet amendement qui nous aura au moins permis de souligner le besoin de recruter des douaniers et d’affirmer que ce n’est pas aux populations des outre-mer de payer le contrôle. Pour ne pas embarrasser davantage M. Juvin, je retire mon amendement. (« Il est repris ! » sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
L’amendement est repris par le groupe Rassemblement national.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Il est absurde de considérer que nos concitoyens d’outre-mer n’ont pas besoin des mêmes moyens de contrôle et des mêmes protections pour les consommateurs que dans l’Hexagone. Nous savons bien, monsieur le député, que les territoires ultramarins sont soumis à de nombreux trafics, et en tant que ministre des douanes, je suis naturellement très impliquée dans la lutte contre le narcotrafic. Ce matin même, j’étais encore avertie par les services de renseignement que vos îles faisaient l’objet d’attaques très importantes de la part de réseaux de criminalité organisée qui veulent en faire des plateformes. Il ne faut donc pas moins de contrôles douaniers et de moyens dans les territoires ultramarins mais au contraire davantage – ce à quoi je m’engage.
M. le président
Sur l’amendement n° 4086, je suis saisi par le groupe Les Démocrates d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
(Les sous-amendements nos 4081, 4082, 4083, 4084 et 4085, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
(L’amendement no 452 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement no 4086.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
J’ai réalisé en écoutant nos débats que notre article initial crée une fragilité, ou tout du moins une confusion. Nous avions prévu que le fait générateur de l’impôt soit le dédouanement – l’entrée sur le territoire du petit colis – et que le flux de paiement vienne de la personne qui dédouane, de telle sorte que cet impôt passe par le tuyau des droits de douane.
Après avoir entendu les arguments de M. Coquerel et de beaucoup d’entre vous qui ne veulent pas que cet impôt se répercute in fine sur le consommateur, nous proposons par cet amendement que le fait générateur de l’impôt reste le dédouanement mais que son tuyau de paiement soit celui de la TVA, qui présente l’avantage d’être alimenté par les plateformes.
La taxe reste donc la même, son fait générateur reste le même et elle reste une redevance pour contrôle, mais son recouvrement par la DGFIP – direction générale des finances publiques – s’opère par le tuyau de la TVA plutôt que par celui des droits de douane. Cela facilitera son recouvrement et son efficacité, mais surtout le fait que ce soient les plateformes qui la payent. Cet amendement constitue donc à la fois un compromis et une sécurisation ; il devrait permettre à l’’article 22 de refléter l’ensemble de nos débats et, je l’espère, d’être adopté. (Mme Danielle Brulebois applaudit.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Il est intéressant d’avancer ainsi dans la discussion. Je suis favorable à cet amendement : c’est une des voies que nous avions ouvertes lors de l’examen en commission. Il faut toutefois que nous vérifiions deux ou trois points importants entre le vote de ce soir – que j’espère positif – et la navette.
Il faut d’abord trouver le moyen d’éviter que cette taxe se répercute finalement sur le consommateur, car les plateformes vont être tentées de trouver des voies de répercussion. Nous devons également réfléchir – et c’est la raison pour laquelle j’avais retiré mon amendement – à la manière de conjurer le risque d’une requalification en droit de douane déguisé par la Commission européenne. Enfin, la troisième question est celle d’une potentielle différence de traitement entre clients européens. Un produit qui atterrit en Belgique serait taxé sur la base de la TVA à son entrée en France pour y être mis en vente, mais pas s’il est acheté par un consommateur belge. Il ne faut pas que cette mesure soit considérée comme un obstacle à la libre circulation des biens au sein de l’Union européenne. Avis favorable sur cet amendement, parce que le circuit est bon, mais il faut le retravailler aux petits oignons au cours de la navette.
M. le président
La parole est à Mme Estelle Mercier.
Mme Estelle Mercier
Je demande une suspension de séance pour étudier l’amendement du gouvernement.
Suspension et reprise de la séance
M. le président
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures vingt-cinq, est reprise à vingt-trois heures trente.)
M. le président
La séance est reprise.
La parole est à Mme Claire Lejeune.
Mme Claire Lejeune
Nous avons entamé l’examen de l’article 22 très insatisfaits de la taxe telle qu’elle était proposée. Elle nous paraissait hypocrite : elle allait reposer sur les consommateurs, sans pour autant modifier les structures de consommation ni endommager le modèle économique complètement fou des plateformes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) C’est la raison pour laquelle nous voulions voter l’amendement de M. Juvin, qui permettait de déplacer le poids de la taxe vers les plateformes – qui sont bien les premières responsables, au contraire des consommateurs.
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Merci !
Mme Claire Lejeune
Malheureusement, M. Juvin a retiré son amendement. Nous nous sommes donc abstenus sur l’ensemble des taxes visant à rehausser le niveau de fiscalité. Nous sommes à présent satisfaits, puisque le gouvernement a concédé cet amendement qui déplace la redevabilité de la taxe vers les plateformes. (Mêmes mouvements.)
M. Aurélien Rousseau
Il a cédé sous la pression du peuple de France !
Mme Claire Lejeune
Néanmoins, si nous avions su que cet amendement serait proposé, nous aurions voté une taxe à 10 ou à 25 euros ! Nous regrettons donc de ne pas avoir pu le sous-amender pour proposer un montant… (Le temps de parole étant écoulé, M. le président coupe le micro de l’oratrice. – Les députés du groupe LFI-NFP applaudissent cette dernière.)
M. le président
La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson
J’approuve l’amendement du gouvernement. Si nous ne le votons pas, la taxe sera payée au lieu de dédouanement : par exemple, quand on envoie un colis de Chine en France via Düsseldorf, il est dédouané à Düsseldorf puis vient chez nous en camion ; nous ne toucherons donc rien du tout.
M. François Hollande
Mais oui, il a raison !
Mme Marie-Christine Dalloz
Ce sont les droits de douane, ça !
M. Charles de Courson
La TVA, en revanche, est due au lieu de destination : adopter l’amendement permettra qu’il en soit de même pour la nouvelle taxe. Cela me paraît préférable à une réserve près, madame la ministre : vous devez obtenir l’accord de vos partenaires européens, car la même règle doit s’appliquer partout. Sinon, l’amendement ne fonctionnera pas. Avez-vous déjà tâté le terrain sur cette question ?
M. le président
La parole est à Mme Anne-Cécile Violland.
Mme Anne-Cécile Violland
Vous avez en partie répondu aux questions que nous nous posons, mais on sait très bien que les plateformes finiront par répercuter cette taxe sur le consommateur : c’est le consommateur qui paiera.
Mme Anne-Laure Blin
Elle a raison !
Mme Anne-Cécile Violland
Nous avons affaire à un problème beaucoup plus global que ne le laisse penser l’amendement. Le Digital Services Act (DSA) impose aux plateformes européennes – et donc françaises – de procéder chaque année à une évaluation des risques systémiques liés à leurs services.
La question principale est donc la suivante : comment pouvons-nous obliger les plateformes des pays tiers à déployer des moyens, y compris financiers et humains, pour contrôler leurs propres services, comme le font les nôtres ? Cela va beaucoup plus loin que l’instauration d’une taxe ou d’une taxe assimilée, qui me paraît un peu hypocrite puisque c’est finalement le consommateur qui paiera, et non la plateforme ! (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et DR. – M. Éric Bothorel applaudit également.)
Mme Claire Lejeune
Pas forcément !
M. le président
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.
M. Jean-Philippe Tanguy
C’est vraiment le bal des faux culs. (Exclamations sur les bancs du groupe SOC.)
Mme Dieynaba Diop
Surveillez votre langage, monsieur Tanguy !
M. Jean-Philippe Tanguy
Vous vous apprêtez à danser ensemble une dernière chorégraphie, pour faire croire que vous avez trouvé une solution magique.
M. Manuel Bompard
Oh, le seum !
M. Jean-Philippe Tanguy
Charles de Courson a révélé le fond de l’affaire : tout cela n’est pas applicable ! Vos arguments sont à géométrie variable, madame la ministre : vous utilisez la Constitution quand ça vous arrange et le droit européen quand il vous permet de contrer le Rassemblement national.
Vous n’avez en réalité aucun principe – vous n’êtes pas la seule, nous l’avons bien vu ce soir – et tous vos arguments peuvent être modifiés ou retournés pourvu que nous passions la journée ; de toute façon, le texte partira bientôt au Sénat qui fera ce que vous voulez, et M. Coquerel pourra faire croire qu’il a été trompé alors qu’il sait très bien ce qui va arriver. Vous aurez ainsi pu voter cette taxe ! Vous avez fait la TVA sociale sur les petits colis, bravo ! Ils en rêvaient, vous l’avez fait. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Claire Lejeune
N’importe quoi !
M. Jean-Philippe Tanguy
Dans le même temps, vous supprimez huit équivalents temps plein (ETP) de douaniers pour l’année prochaine : les 500 millions attendus ne serviront pas à lutter contre le trafic.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Si !
M. Jean-Philippe Tanguy
500 millions de plus, huit postes de douaniers en moins : les calculs ne sont pas bons, l’arnaque est totale ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à M. Pierrick Courbon.
M. Pierrick Courbon
Le groupe Socialistes votera cet amendement, même si nous avons un peu l’impression qu’il s’agit surtout de se faire plaisir par de l’affichage. Nous n’avons pas la certitude que cette taxe ne finira pas par être répercutée, d’une manière ou d’une autre, sur le consommateur. J’aimerais être persuadé que nous réduisons ainsi les profits et les marges des plateformes de l’e-commerce, mais je n’en suis pas certain ! Nous regrettons que vous ayez repoussé les différents amendements présentés tout à l’heure qui visaient à rehausser le niveau de la taxe, car je doute qu’une taxe à 2 euros suffise à remettre fondamentalement en cause le système en place.
Pour l’information de tous, je précise que nous avons proposé de sous-amender cet amendement ; malheureusement, cela n’a pas été possible. En attendant, c’est mieux que rien !
M. le président
La parole est à M. Guillaume Lepers.
M. Guillaume Lepers
J’aimerais simplement revenir sur le prix payé par le consommateur. Beaucoup disent que la taxe va être répercutée sur le consommateur, mais il faut bien comprendre que le prix affiché sur les plateformes est un faux prix ! C’est un prix qui n’intègre aucun contrôle des matières premières et sur lequel n’a pas été appliqué le moindre droit de douane. Or le contrôle des matières coûte cher – il est effectué en laboratoire –, tout comme les contrôles sociaux et environnementaux !
Mme Anne-Laure Blin
Eh oui !
M. Guillaume Lepers
Il est faux de dire que ces coûts peuvent être reportés sur les produits en question, dont le prix est totalement déloyal et irréaliste. Le débat est biaisé parce que nous parlons d’un prix qui n’est pas juste ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. – M. Raphaël Schellenberger applaudit également.)
M. le président
La parole est à Mme Olivia Grégoire.
Mme Olivia Grégoire
Cette taxe à 2 euros, c’est le début de l’histoire ! Je le répète : elle est complémentaire avec la réforme douanière qui devrait être actée le 12 décembre prochain au niveau européen pour entrer en vigueur au premier trimestre 2026. La suite de l’histoire arrive très bientôt !
Certains disent que nous aurions pu voter une taxe à 10, 15, 20 ou 25 euros, mais le débat n’est pas clos : il va avoir lieu dans les mois qui viennent pour entériner le principe d’un forfait douanier européen dissuasif. C’est le début du match et la France est en pointe, notamment grâce aux députés de tous bords qui s’engagent sur le sujet, ici comme au Parlement européen.
La France doit continuer à marquer : votons ces 2 euros, entraînons l’Europe derrière nous et allons plus loin en instaurant un forfait douanier à l’échelle européenne, comme d’autres pays l’ont fait – le député Lepers le rappelait. Nous sommes beaucoup à nous accorder sur le constat : travaillons ensemble ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur quelques bancs du groupe Dem.)
M. le président
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Je voulais d’abord remercier Philippe Juvin (« Ah ! » sur divers bancs) : c’est son amendement CF1859, qu’il avait présenté en commission, qui a permis d’aligner le régime de la présente taxe sur celui de la TVA. La plateforme, d’où que viennent ses produits, s’en acquittera donc au pays de destination, ce qui est absolument fondamental.
Ensuite, contrairement à ce que certains imaginent peut-être, aucun d’entre nous n’est hostile par principe aux compromis ; cependant, nous estimons qu’ils doivent se faire en public, de manière transparente ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations sur quelques bancs des groupes EPR et SOC.)
M. Philippe Brun
Ben oui !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Ils doivent être issus de nos débats et avoir lieu dans l’hémicycle, comme cela vient d’être le cas.
Pourquoi ce que nous nous apprêtons à voter est-il important ? Ce n’est évidemment pas le grand soir, nous sommes tous d’accord là-dessus. Notre objectif, à terme – je l’assume –, c’est d’empêcher purement et simplement ce type de produits d’arriver en France (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP), car leurs modes de production, de distribution et de consommation sont intenables du point de vue tant social qu’écologique, et ce d’abord pour les travailleurs qui les fabriquent, dans des pays où ils sont exploités et dans des conditions environnementales insoutenables. Nous le savons, la mesure proposée n’y suffira pas.
Cependant, elle pose les bases d’un mécanisme vertueux car elle permet que ce soit la plateforme – et non le consommateur – qui paie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Pour moi, c’est fondamental !
Mme Danielle Simonnet
Mais non ! Ce sera répercuté sur le consommateur !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Je comprends votre irritation, madame Simonnet, d’autant que la proposition vient du gouvernement. Mais comprenez ce que je suis en train de dire : le fait qu’un consommateur paie 2 euros de plus, ce n’est pas une solution pour nous, car cela touche à son pouvoir d’achat ; mais nous tablons sur le fait que la taxe sera considérablement réévaluée dans le futur, à un tel point que les plateformes seront forcées d’en finir avec ce mode de production et de distribution. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Danielle Simonnet
Alors proposez 50 euros !
M. Vincent Descoeur
Il faudra doubler, tripler !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
La dynamique est enclenchée ; il faudra très certainement l’intensifier et aussi que se concrétisent d’autres ententes au niveau européen, parce que je doute de l’existence d’une vraie volonté européenne à ce sujet, mais c’est déjà ça ! Rien que pour cela, l’amendement mérite d’être adopté.
Mme Marie-Christine Dalloz
C’est bien !
M. le président
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet
Mettre à contribution les plateformes : encore heureux ! Tout le monde est d’accord sur le principe mais à 2 euros le colis, ce n’est pas demain la veille ! Par ailleurs, je ne comprends pas votre obstination à ne pas responsabiliser aussi le consommateur. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Jean-Claude Raux applaudit également, ainsi que plusieurs députés des groupes EPR et Dem. – Exclamations sur les bancs des groupes RN et LFI-NFP.)
Faut-il lui cacher les conséquences sociales et environnementales désastreuses de ce comportement compulsif (« L’écologie punitive ! » sur les bancs du groupe RN) qui consiste à acheter des biens de consommation éphémères (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et SOC), à accumuler des produits qui vont finir à la décharge avant même d’être déballés ! Nous aurions pu faire beaucoup mieux si nous avions clarifié ce point dès le début. À 2 euros le colis, nous n’arriverons à rien : il faudra y revenir. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et SOC.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 4086.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 296
Nombre de suffrages exprimés 290
Majorité absolue 146
Pour l’adoption 201
Contre 89
(L’amendement no 4086 est adopté.)
(Applaudissements sur quelques bancs des groupes RN et LFI-NFP.)
M. le président
Je mets aux voix l’article 22, tel qu’il a été amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 296
Nombre de suffrages exprimés 295
Majorité absolue 148
Pour l’adoption 208
Contre 87
(L’article 22, amendé, est adopté.)
(Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je vous avais dit que beaucoup d’artisans et de commerçants nous regardaient ce soir ; je pense qu’ils peuvent être fiers de ceux qui les ont soutenus ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.)
M. Emeric Salmon
Quand ils déposeront le bilan, ils seront fiers !
Article 23
M. le président
La parole est à M. Philippe Lottiaux.
M. Philippe Lottiaux
La politique de lutte contre le tabagisme repose depuis quelques années sur deux piliers un peu bancals : la surtaxation et la prohibition. Surtaxation du paquet de cigarettes, qui a conduit à ce que plus de 40 % des cigarettes vendues en France ne soient pas achetées chez les buralistes et nourrit des réseaux de contrebande et de contrefaçon ; et prohibition, notamment des sachets de nicotine. Nous pouvions craindre que les produits de la vape soient eux aussi prohibés, ou du moins que l’on tente de réduire leur consommation, au motif – d’ailleurs parfois fondé – que l’on peut y trouver à peu près n’importe quoi, ce qui pose un véritable problème de santé publique.
L’article 23, il faut le reconnaître, permet, grâce à un encadrement de la distribution et de la diffusion, de garantir la pérennité de la filière en répondant notamment aux objectifs de santé publique, de non-vente aux mineurs et de traçabilité. Il y a donc un point positif. Malheureusement, vous n’avez pas tout à fait renoncé à votre obsession de la taxation, puisque vous prévoyez de taxer la vape sans réintroduire les sachets de nicotine, qui constituent pourtant une solution alternative ayant porté ses fruits.
Nous approuvons donc le principe général de cet article, qui fait entrer les produits de la vape dans le droit commun et garantit d’une certaine manière leur pérennité en évitant les risques de prohibition – c’est une très bonne chose. En revanche, il devra être amendé – nous avons déposé des amendements en ce sens – d’une part pour distinguer les produits de la vape et les produits à fumer, car ce n’est pas du tout la même chose, et d’autre part pour que la taxation proposée, qui sera peut-être un jour nécessaire mais ne se concrétisera pas avant 2028 au niveau européen, soit prévue mais sans être effective pour l’instant. Enfin, il faudra aussi intégrer dans le dispositif les sachets de nicotine. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à M. Pierre Cazeneuve.
M. Pierre Cazeneuve
La lutte contre le tabagisme est un sujet très sérieux, presque trop pour être abordé au détour d’un article du projet de loi de finances puisque c’est un sujet de santé publique. Je trouve très dommage, à titre personnel, que nous l’abordions à travers le prisme de la fiscalité.
Chaque année, le tabac tue 75 000 personnes en France ; c’est la première cause de mortalité évitable dans notre pays. À cet égard, la cigarette électronique est un produit de substitution très efficace…
M. Emeric Salmon
C’est Mme Borne qui parle ?
M. Pierre Cazeneuve
…pour arrêter de fumer ; elle permet donc de sauver des vies. On estime que 700 000 personnes ont arrêté de fumer grâce à la cigarette électronique : quand on sait qu’un fumeur sur deux meurt du tabagisme en France, je vous laisse faire le calcul pour connaître le nombre de vies sauvées ! La cigarette électronique a sauvé de nombreux fumeurs en France, y compris dans notre assemblée, à commencer par moi – …
M. Antoine Léaument
Mme Borne ?
M. Pierre Cazeneuve
…je pense aussi à M. Le Coq, à M. Kasbarian, à M. Bothorel et à Mme Élisabeth Borne, parmi d’autres.
Nous sommes 700 000 personnes à avoir réussi à arrêter de fumer grâce à la cigarette électronique. Pourtant, le gouvernement propose de taxer cette solution. Comprenez notre incompréhension et l’ampleur de notre doute quant à son ambition sur ce sujet de santé publique, alors qu’il propose de taxer non le problème mais la solution.
Sans doute la cigarette électronique n’est-elle pas 100 % sûre ; elle est évidemment nocive à certains égards, notamment quand elle contient de la nicotine, mais elle est, on le sait, bien moins dangereuse et nocive que la cigarette. Renoncez, je vous prie, à l’article 23 quand la cigarette électronique permet à tant de gens d’arrêter de fumer et de sortir de la dépendance au tabac qui fait 75 000 morts par an en France. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et DR.)
M. le président
La parole est à M. Aurélien Le Coq.
M. Aurélien Le Coq
Le sujet que nous abordons est grave. En effet, le tabagisme est un fléau pour notre pays. Cela a été dit, mais je veux le répéter : en France, chaque année, 73 000 personnes meurent du tabagisme. Il est donc de notre responsabilité de tout faire pour que la consommation de tabac baisse. Elle est à l’origine d’un cancer sur trois dans notre pays – c’est absolument monstrueux.
M. Pierre Cazeneuve
Eh oui !
M. Aurélien Le Coq
Nous devons reconnaître que la cigarette électronique est l’un des moyens pour arrêter de fumer des cigarettes et sortir du tabagisme. Décider de taxer les liquides pour les cigarettes électroniques est une lourde erreur, qui risque d’empêcher celles et ceux qui fument des cigarettes et s’empoisonnent d’arrêter progressivement. Cette taxe est donc particulièrement dangereuse. Bien sûr, cela a été dit, la consommation de cigarettes électroniques n’est pas anodine car elle n’est pas bonne pour la santé. Elle est cependant moins dangereuse que le tabac et elle permet d’accompagner un parcours vers la sortie définitive du tabagisme.
Face à la cigarette électronique, ce n’est pas la taxation qui sera utile, car elle ne ferait que renforcer le tabagisme, mais le développement, comme pour de nombreuses autres addictions, de formes de prévention. Il faut donc investir dans la prévention à tous les étages, notamment auprès des plus jeunes.
C’est pourquoi le groupe La France insoumise défendra un amendement de suppression de cet article qui instaure une taxe sur les produits pour les cigarettes électroniques. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. Gérard Leseul.
M. Gérard Leseul
Cela a été dit, le tabagisme tue 75 000 personnes par an en France, ce qui en fait la première cause de mortalité évitable. Il tue aussi 700 000 personnes en Europe. L’article 23 a pour objet, dans le cadre du plan national anti-tabac, de préciser le régime fiscal pour les produits à fumer. Il faut entendre par produits à fumer non seulement le tabac mais aussi toutes les substances à inhaler, qu’elles comprennent ou non du tabac ou de la nicotine, que l’action de fumer implique ou non une combustion ou l’emploi d’un dispositif dédié comme la cigarette électronique. Cette précision est importante, car il ne faudrait pas considérer que seule la cigarette ou seule la cigarette électronique sont concernées. En ce sens, nous sommes d’accord avec vous lorsque vous prévoyez, madame la ministre, l’exclusion de principe du taux de TVA réduit à 5,5 % des produits à fumer.
Le gouvernement propose aussi d’instaurer une taxe comprise entre 30 et 50 centimes par flacon selon la teneur en nicotine, ce qui va renchérir l’ensemble des produits de vape. Cela a été dit, la vape peut constituer une sortie de l’addiction au tabac pour de gros fumeurs, comme l’a souligné un orateur qui a donné l’exemple de sa propre expérience, mais aussi une entrée dans le tabac pour les adolescents. (MM. Michel Lauzzana, Jean-François Rousset et Charles Sitzenstuhl applaudissent.) Les effets négatifs voire mortels du tabac demeurent pour ceux qui continueraient à fumer et à vapoter, car ce qu’on appelle le vapofumage ne règle en rien l’addiction et n’annule pas le risque mortel du tabac. Nous l’avions déjà souligné dans un rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) de septembre 2023 dont j’étais le corapporteur avec la sénatrice Catherine Procaccia.
L’article 23 va plus loin, puisqu’il inclut aussi l’interdiction totale de la vente des produits de vapotage sur internet, ce qui représente tout de même entre un quart et un tiers des ventes. Nous sommes ici face à un double choix politique, dont l’enjeu est sanitaire et économique : il faut protéger l’attrait de la vape, dès lors que c’est le premier outil de sevrage, mais il ne faut pas détruire la filière indépendante au profit de l’industrie du tabac.
Le groupe Socialistes et apparentés est d’accord avec le principe d’une taxation des produits à fumer. Nous soutiendrons cet article.
M. le président
La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson
L’article 23 va dans la bonne direction. Il est encore perfectible, notamment sur le problème des sachets de nicotine, mais si l’on peut critiquer certains choix opérés par le gouvernement, ce n’est pas suffisant pour le supprimer. Dans certaines recharges des e-cigarettes, il n’y a absolument pas de nicotine, mais dans d’autres, il y a davantage de nicotine que dans des cigarettes. Modifier le montant de la taxe en fonction du taux de nicotine paraît donc une mesure de bon sens.
Interdire les sachets de nicotine par voie de décret me paraît constituer une erreur. Je défendrai donc un amendement sur ce sujet, car il me paraît préférable d’interdire ces sachets au-delà d’un certain taux de nicotine et de taxer la vente de ceux qui sont en dessous de ce seuil. Plusieurs dispositions de l’article 23 peuvent encore être améliorées, mais la direction prise est la bonne.
M. le président
La parole est à M. Jean-Louis Roumégas.
M. Jean-Louis Roumégas
Je veux revenir sur les arguments qui ont été développés. Bien entendu, il vaut mieux passer au vapotage que continuer à fumer des cigarettes, mais il faut faire attention à ne pas présenter le vapotage comme une pratique anodine. C’est bien pourquoi nous en avons interdit la publicité.
En outre, le vapotage ne touche pas seulement les personnes qui sortent du tabac : certaines personnes s’adonnent directement au vapotage, notamment les jeunes. La taxation du vapotage me paraît donc tout à fait justifiée. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. – M. Gérard Leseul applaudit.)
M. le président
La parole est à M. Antoine Léaument, pour soutenir l’amendement no 1277, tendant à supprimer l’article 23.
M. Antoine Léaument
Il tend à supprimer cette nouvelle taxe, qui porte cette fois-ci sur les produits de vapotage. Nous avons l’impression que dès qu’un comportement vous semble problématique, vous répondez par un même réflexe : la taxe. (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Rires sur les bancs des groupes RN et UDR. – M. Pierre Cazeneuve applaudit en souriant.)
M. Théo Bernhardt
Il sait de quoi il parle !
M. Antoine Léaument
Vous soutenez que procéder ainsi changera les comportements. Pourtant, ce n’est pas ainsi que cela fonctionne, notamment en matière de lutte contre les dépendances. Sur la question du vapotage comme sur celle de l’alcool, du tabac, ou encore – en l’occurrence, vous ne les taxez pas puisqu’ils ne sont pas légaux – des produits stupéfiants (« Ah ! » sur les bancs du groupe RN), les seules méthodes efficaces relèvent de la prévention. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Je l’ai déjà dit plusieurs fois dans cet hémicycle, car ce sujet qui revient sur le devant de la scène pose des questions majeures pour notre société : si vous voulez lutter efficacement contre les pratiques qui entraînent une dépendance, il faut conduire des politiques de prévention et de soin de la dépendance, car ce sont elles qui sont efficaces. (Mêmes mouvements.)
Mme Farida Amrani
Exactement !
M. Antoine Léaument
Tant que vous n’aurez pas compris cela, nous n’arriverons à rien. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin, rapporteur général
L’article 23 est très intéressant car il permettra peut-être de mettre à niveau nos règles en matière de produits à fumer. Ces dernières années, la variété des produits à fumer a considérablement augmenté. Il y a quarante ans, il n’y avait pratiquement que la cigarette. Pour prendre en considération la variété des produits disponibles, nous pourrions adopter des règles différentes selon les produits.
La France est désormais le pays d’Europe où les jeunes fument le moins. En 2015, 16 % des jeunes de 16 ans fumaient tous les jours. En 2024, ils ne sont plus que 3 %.
M. Charles Sitzenstuhl
Très bien ! Bravo les jeunes !
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Mais parallèlement, nous constatons une augmentation massive du vapotage chez les jeunes de 16 et 17 ans.
M. Pierre Cazeneuve
Non, ce n’est pas vrai !
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Différentes études ont clairement établi que le vapotage chez les jeunes constitue une porte d’entrée vers le tabac.
M. Pierre Cazeneuve
Non !
M. Philippe Juvin, rapporteur général
Comme Janus, le vapotage a ainsi un double visage : chez les adultes, il est probablement une porte de sortie efficace du tabac, à condition que les produits ne contiennent pas de nicotine. En effet, celle-ci a par elle-même des effets délétères sur la santé très variés, notamment dans le domaine cardio-vasculaire et sur la fertilité. En revanche, le vapotage est probablement à bannir chez les jeunes, puisqu’il est une porte d’entrée vers le tabac alors même que les jeunes fument moins que par le passé. (MM. Michel Lauzzana, Jean-François Rousset et Charles Sitzenstuhl applaudissent.) La complexité de cette question est telle que nous devons avoir ce débat. Supprimer purement et simplement cet article ne constituerait qu’une occasion manquée ; si le débat n’a pas lieu, nous ne pourrons pas conduire une analyse fine en distinguant les produits à fumer.
Je donne donc un avis très défavorable à l’amendement de suppression de l’article 23.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je ne suis pas médecin et M. le rapporteur général a argumenté mieux que je ne saurais le faire sur le plan de la santé publique. Je souhaite aborder cette question sous un autre angle pour exposer ce qui nous a amenés à la rédaction de l’article 23. Les buralistes de notre pays sont tous les jours amenés à contrôler à qui ils vendent des cigarettes.
Mme Anna Pic
Non, mais arrêtez !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Ils sont obligés de réaliser ces contrôles pour que les jeunes de moins de 18 ans ne se mettent pas à fumer et n’achètent pas de cigarettes…
Mme Anna Pic
Ils ne le font jamais !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
…qui nuisent ensuite gravement à leur santé. Les buralistes sont soumis à des règles ; ainsi, ils ne peuvent pas s’installer près d’une école ou vendre à distance.
Comme l’a souligné le rapporteur général, la nicotine est considérée comme un produit addictif. Les produits à fumer, quels qu’ils soient, doivent être encadrés. L’article 23, si vous l’examinez en détail, propose ainsi différentes mesures : non seulement des mesures fiscales, mais aussi des mesures de contrôle, notamment pour appliquer l’interdiction de la vente à distance et celle de commercialiser ces produits à proximité des établissements scolaires. En outre, il exclut les produits à fumer du bénéfice du taux de TVA à 5,5 % même lorsqu’ils se présentent sous la forme de denrées alimentaires. Certains produits étiquetés « tisane » se fument.
Nous nous sommes efforcés de donner à la législation sur ces produits cohérence et lisibilité. Les magasins de produits à fumer, qui peuvent constituer parfois une marche vers la cigarette, ne doivent pas pouvoir s’installer devant les écoles, les collèges et les lycées, car certains commencent à fumer alors qu’ils sont très jeunes.
M. Jean Terlier
Trop jeunes !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je voulais vous présenter l’article 23 sous cet autre angle pour m’assurer que chacun sache bien qu’il ne s’agit pas seulement de taxes mais aussi, plus largement, de la santé de nos enfants et du respect de règles qui me semblent relever du bon sens. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. le président
Sur l’amendement n° 1277, je suis saisi par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Marine Le Pen.
Mme Marine Le Pen
En réalité, il n’y a aucune justification sanitaire à cette taxation. De nombreux tabacologues ont exprimé de manière assez vive leur indignation face à cette mesure. Ils reconnaissent que le vapotage n’a pas des effets extraordinaires sur la santé – les hamburgers et tant d’autres choses non plus ; néanmoins, il est beaucoup moins nocif que la cigarette.
Vous usez ici de la technique des Rapetou – vous êtes devenus des spécialistes en la matière – : on taxe tout ce qui bouge.
M. Aurélien Le Coq
Sauf les milliardaires !
Mme Marine Le Pen
À chaque fois qu’on identifie un secteur où on peut aller récupérer du fric sur les gens, on se précipite pour créer une taxe. C’est la seule justification de la taxe que vous voulez imposer ! Vous cherchez de l’argent partout et vous vous êtes dit que le vapotage était un puits où vous pourriez gratter quelques euros.
Madame la ministre, vous vous trompez lorsque vous nous dites que la nicotine est vendue à distance pour le vapotage. Sachez que les boosters de nicotine ne sont pas vendus sur internet. Quant à interdire aux magasins de vapotage de s’installer trop près des écoles, c’est inefficace à l’heure où l’immense majorité des jeunes achètent ces produits sur internet.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Votre argumentation est contradictoire ! Vous venez de dire que ces produits n’étaient pas vendus sur internet !
Mme Marine Le Pen
S’ils doivent traverser deux rues de plus pour acheter de quoi vapoter, ils le feront. Tout cela n’a donc aucun sens. Nous sommes évidemment pour la suppression de l’article 23. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à M. Michel Lauzzana.
M. Michel Lauzzana
Comme l’a dit le rapporteur général, avec la nicotine, il y a aussi des dangers. Ses effets cardiovasculaires sont connus. De plus, elle est peut-être moins dangereuse que le tabac, mais elle a un effet addictif très important. On a beaucoup de mal à se sevrer de la nicotine, qui est d’ailleurs classée comme une drogue dure.
Certes, la vape a permis à certaines personnes de sortir du tabac, mais aujourd’hui, l’industrie du tabac se transforme pour viser les jeunes. Il suffit de voir le packaging des produits de vape pour le comprendre : la vape est une porte d’entrée vers l’addiction à la nicotine.
Nous avons tous autour de nous des gens qui ont du mal à se sevrer de la vape. Pour reprendre ce qui a été dit, nous devrions donc d’abord réfléchir aux programmes de sevrage.
Enfin, je voudrais poser une question à la ministre… (Le temps de parole étant écoulé, M. le président coupe le micro de l’orateur.)
M. le président
La parole est à M. Nicolas Thierry.
M. Nicolas Thierry
Notre groupe votera contre cet amendement de suppression. Permettez-moi de revenir sur quelques-uns des arguments qui ont été avancés. Mme la présidente Le Pen a expliqué que la taxe n’avait aucune justification en matière de santé publique.
Or l’OMS et le Comité national contre le tabagisme ont montré qu’au niveau européen, une augmentation de 10 % du prix du paquet de cigarettes faisait baisser de 4 % le nombre de fumeurs. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Il est donc faux de dire que cela n’a aucun impact sanitaire.
Ensuite, MM. Lauzzana et Leseul ont invité à tenir un discours nuancé sur la cigarette électronique, à la fois outil de sevrage et point d’entrée vers le tabac pour les plus jeunes. En effet, comme l’a dit le rapporteur général, on constate une explosion du vapotage dans cette population. Nous aurions dû réfléchir à une taxation des arômes sucrés, notamment. (Mme Marie-Charlotte Garin applaudit.)
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à M. Pierre Cazeneuve, pour un rappel au règlement.
M. Pierre Cazeneuve
Sur le fondement de l’article 56, alinéa 1, de notre règlement. Avant de passer au vote, je voudrais signaler que ce n’est pas une discussion à avoir dans le cadre du PLF. Madame la ministre, vous êtes une très bonne ministre, personne n’en doute. Tout le monde vous remercie pour la qualité de vos réponses sur les sujets budgétaires.
M. le président
Il n’y a aucun rapport avec l’article que vous avez cité !
M. Pierre Cazeneuve
Si, il porte sur la réponse des ministres. Je pense que c’est la ministre de la santé qui devrait être à votre place pour parler d’un sujet aussi important.
M. Antoine Léaument
Il n’y a pas un article dans le règlement sur les fayots ?
Article 23 (suite)
M. le président
La parole est à M. Gérard Leseul.
M. Gérard Leseul
Mon collègue a répondu à Mme Le Pen : la taxation des produits répond bien à des considérations sanitaires, puisqu’elle vise à en limiter la consommation.
Cette taxation est essentielle pour faire comprendre qu’il n’est pas anodin de passer au vapotage. Le problème du vapofumage a été évoqué tout à l’heure : les fumeurs qui pensent diminuer sensiblement leur consommation de tabac en associant la cigarette et le vapotage n’améliorent absolument pas leur santé.
Nous devons débattre de ce sujet. C’est pourquoi nous voterons contre l’amendement de suppression de l’article 23. Il nous faut réfléchir à une limitation, voire à une interdiction de certains produits, et à un renforcement des moyens de contrôle.
Je rappelle que les snus et les pouches de nicotine ne sont toujours pas réellement interdits, alors qu’ils devraient l’être depuis longtemps. Nous sommes toujours en retard d’une législation sur les addictions. C’est regrettable. (Mme Christine Pirès Beaune applaudit.)
M. le président
La parole est à M. Antoine Léaument.
M. Antoine Léaument
Je voudrais revenir sur l’un des arguments que nous venons d’entendre. Il est vrai que la hausse des prix fait diminuer la consommation de tabac. Mais est-ce souhaitable, désirable et durable ? Non, car la hausse des prix a un effet néfaste majeur : elle alimente le marché illégal. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP. – Protestations sur les bancs du groupe EcoS.)
Pendant dix-huit mois, j’ai travaillé sur le trafic de stupéfiants. Le rapport qui est issu de ce travail aborde l’ensemble des drogues, notamment le tabac et l’alcool, qui ne sont jamais évoqués dans le débat sur le sujet. Je rejoins les propos de notre collègue : nous devrions en discuter avec la ministre de la santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Si on veut faire baisser le trafic de stupéfiants et de tabac ainsi que la consommation de tabac et d’alcool, le moyen le plus efficace, ce n’est pas la taxation, mais la prévention et le soin de la dépendance ! Il est temps de s’y mettre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Farida Amrani
Exactement !
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 1277.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 159
Nombre de suffrages exprimés 144
Majorité absolue 73
Pour l’adoption 91
Contre 53
(L’amendement no 1277 est adopté ; en conséquence, l’article 23 est supprimé.)
M. le président
La suite de l’examen du projet de loi de finances est renvoyée à la prochaine séance.
2. Ordre du jour de la prochaine séance
M. le président
Prochaine séance, demain, à neuf heures :
Suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2026.
La séance est levée.
(La séance est levée, le jeudi 20 novembre, à zéro heure cinq.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra