Deuxième séance du jeudi 16 janvier 2025
- Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
- 1. Motion de censure
- M. Manuel Bompard
- M. François Bayrou, premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique
- M. Olivier Faure
- Mme Michèle Tabarot
- Présidence de M. Xavier Breton
- Mme Cyrielle Chatelain
- M. Bruno Fuchs
- M. François Jolivet
- M. Stéphane Lenormand
- Mme Elsa Faucillon
- M. Maxime Michelet
- M. Sébastien Chenu
- Mme Annaïg Le Meur
- Suspension et reprise de la séance
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1. Motion de censure
Discussion et vote
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la discussion et le vote sur la motion de censure déposée, en application de l’article 49, alinéa 2, de la Constitution, par Mme Mathilde Panot et cinquante-sept membres de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Manuel Bompard.
M. Manuel Bompard
Il paraît, monsieur le premier ministre, que vous vous êtes imposé au président de la République en le menaçant s’il refusait d’accéder à votre demande de nomination. On peut donc le dire : votre mandat est marqué par le sceau du chantage. Chantage que vous infligez désormais au peuple, pour lui imposer une politique qu’il a pourtant refusée à de multiples reprises. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP. – M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit également.)
En vérité, vous vous fichez bien de la stabilité du pays : vous l’utilisez comme un prétexte pour imposer la continuité d’une politique. La preuve ? Vous avez volontairement reporté l’examen parlementaire du projet de loi d’urgence pour Mayotte afin qu’il débute après le vote de la première motion de censure contre votre gouvernement. Vous avez refusé de déposer immédiatement ce projet de loi qui aurait permis que des mesures budgétaires consensuelles soient déjà adoptées à l’heure où l’on se parle. Vous préférez gouverner par la peur et braquer sur la tempe des oppositions le revolver de la paralysie du pays. (Mêmes mouvements.)
Or celui qui sème le chaos, c’est le président de la République. Il a gaspillé trois premiers ministres en un an. Vous êtes le quatrième et vos heures sont déjà comptées ; vous êtes en CDD. Vous tomberez aujourd’hui, ou dans quelques jours, car l’entêtement du monarque à s’accrocher au pouvoir malgré le vote des Français condamne le pays à une instabilité durable. Seuls son départ et le retour aux urnes permettront de sortir le pays de l’impasse dans laquelle il l’a plongé. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Le roi Henri IV était notamment connu pour son goût de la ruse. En fidèle admirateur, vous vous êtes livré mardi à un bel exercice d’enfumage, monsieur le premier ministre. (Sourires sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) En vous présentant comme un novice, vous pensiez peut-être nous intoxiquer. Mais après sept ans de macronisme, nous avons acquis une très large expérience à ce sujet.
M. François Cormier-Bouligeon
Combien d’années de mélenchonisme ?
M. Manuel Bompard
Je mettrai donc en garde contre vos manipulations : non, il n’y aura pas de changement de politique budgétaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) En décidant de repartir du budget austéritaire et injuste proposé par le gouvernement précédent, vous rendez tout simplement impossibles les nouvelles recettes qu’apporterait la mise à contribution des plus hauts patrimoines ou des plus hauts revenus. Vous vous apprêtez à imposer 15 milliards de coupes supplémentaires qui pèseront sur le pouvoir d’achat des Français, sur les services publics et les investissements indispensables pour faire face à l’urgence climatique.
M. Antoine Léaument
La honte !
M. Manuel Bompard
Non, il n’y aura pas d’abrogation de la retraite à 64 ans. (Mêmes mouvements .) Vous avez pourtant déployé tous vos talents d’illusionniste pour faire croire aux uns que les choses bougeront, et aux autres qu’elles ne bougeront surtout pas. Vous avez ainsi annoncé le lancement d’un conclave censé permettre la renégociation de la réforme injuste et inhumaine que vous avez imposée au moyen du 49.3 il y a quelques mois. Vous avez cependant pipé la discussion en augmentant artificiellement le déficit du régime de retraites, en y intégrant la somme versée par l’État pour payer les retraites des fonctionnaires.
M. François Cormier-Bouligeon
Et alors ? C’est la réalité des comptes !
M. Manuel Bompard
En outre, vous avez rendu impossible toute remise en cause de l’âge de départ à 64 ans ou de la durée de cotisation en offrant un droit de veto au Medef. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Bref, vous avez inventé la négociation où l’on est perdant à tous les coups.
M. François Cormier-Bouligeon
Vous ne faites plus confiance aux partenaires sociaux pour négocier ?
M. Manuel Bompard
Unanimes pour demander l’abrogation de votre réforme, les syndicats de salariés pourront soit y renoncer pour se mettre d’accord avec le patronat, soit échouer à l’obtenir parce qu’ils ne sont pas d’accord avec le patronat, la réforme restant alors en l’état. Face je gagne, pile tu perds ! (Mêmes mouvements.)
M. François Cormier-Bouligeon
Laissez faire les partenaires sociaux !
M. Manuel Bompard
Qui peut croire que ce conclave sera une avancée pour les Français, qui ont rejeté dans la rue comme dans les urnes la retraite à 64 ans ?
M. François Cormier-Bouligeon
Nous !
M. Manuel Bompard
Si vous étiez réellement ouverts à la discussion, vous laisseriez les parlementaires se prononcer sur l’abrogation de votre réforme, comme nous l’avions proposé en novembre. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs des groupes EcoS et GDR.) En démocratie, c’est parfois bien de laisser voter les représentants du peuple…
M. Alexis Corbière
Ça, c’est vrai !
M. Manuel Bompard
Non, votre politique ne permettra aucune avancée sociale ou démocratique. Vous avez rendu hommage au mouvement des gilets jaunes pour faire oublier que vous proposiez à l’époque d’envoyer l’armée pour le réprimer (« Exactement ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP) ,
Non, il n’y aura pas de prise de conscience de la catastrophe que constituent le changement climatique et l’effondrement du vivant. Alors que le seuil de 1,5 degré Celsius de réchauffement par rapport à l’ère préindustrielle a été franchi avec soixante-quinze ans d’avance sur l’objectif des accords de Paris, vous refusez toujours les milliards d’euros nécessaires à la bifurcation écologique. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Ce ne sont pas vos métaphores sur les poireaux qui masqueront la continuité d’une politique de destruction de la biodiversité.
Mme Élisa Martin
Les poireaux ne poussent pas tous au même rythme, par ailleurs !
M. Manuel Bompard
Non, nos compatriotes des départements dits d’outre-mer n’éprouveront pas le respect qui leur est enfin dû. Alors que la vie y est plus chère que jamais et que l’accès à l’eau n’y est pas partout garanti, vous restez sourds à leurs demandes d’égalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. François Cormier-Bouligeon
Vous racontez n’importe quoi, Bompard !
M. Manuel Bompard
Vous avez abandonné depuis des années nos compatriotes de Mayotte. Quand le gouvernement s’y rend, c’est pour tourner le dos aux habitants qui demandent des comptes à l’État au sujet de sa réponse aux ravages provoqués par le cyclone Chido.
M. François Cormier-Bouligeon
Vous dites n’importe quoi ! Arrêtez de mentir aux Français !
M. Manuel Bompard
Non, la voix de la France sur la scène internationale ne sera pas rétablie. Vous n’aurez rien fait pour arrêter le génocide à Gaza ou protéger le Liban des attaques du gouvernement d’extrême droite de Netanyahou.
M. François Cormier-Bouligeon
Parlez un peu d’Israël, on ne vous entend pas sur les otages !
M. Manuel Bompard
Vous préférez laisser votre pyromane de ministre de l’intérieur organiser une escalade délétère et irresponsable avec l’Algérie.
Les raisons de vous censurer aujourd’hui sont nombreuses, comme vous le voyez.
M. Sylvain Berrios
Non, on ne voit pas !
M. François Cormier-Bouligeon
Pour l’instant, c’est zéro !
M. Manuel Bompard
Ce qui n’empêche pas certains députés, pourtant élus pour en finir avec le macronisme, de s’apprêter à sauver votre gouvernement et à servir de béquille à sa politique. Ceux-là prétendent qu’il faut attendre de voir quelques jours ou quelques semaines. D’ailleurs, plusieurs d’entre eux sont tout simplement absents pour voter la motion de censure. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Antoine Léaument
C’est vrai, il n’y a personne !
M. Sylvain Berrios
Les meilleurs sont là, ne vous inquiétez pas !
M. Manuel Bompard
Attendre quelques jours ou quelques semaines pour voir : quelle ridicule justification ! Nous connaissons tout des orientations politiques de ce gouvernement, de ses grandes lignes budgétaires et de sa composition – incluant des anciens premiers ministres de Macron, des mercenaires sans conviction et des ministres de la droite extrême. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Quelle irresponsabilité, surtout ! Pensez-vous que le pays peut se payer le luxe de tels atermoiements ? Pensez-vous que nos concitoyens peuvent perdre encore plusieurs semaines à observer cette comédie où l’on fait semblant que tout va changer pour que rien ne change, jusqu’à ce que nous nous retrouvions dans un mois au point auquel nous sommes aujourd’hui ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et GDR.) Ce n’est pas sérieux !
Chacun se trouve donc à cet instant devant ses responsabilités et sa fidélité aux engagements pris devant le peuple. Françaises, Français, notre pays n’est pas condamné à perpétuité au macronisme.
M. François Cormier-Bouligeon
Il y aura pire : le mélenchonisme !
M. Manuel Bompard
Nous évoluons dans ce clair-obscur d’où surgissent les monstres dont parlait le philosophe italien Antonio Gramsci. Ce gouvernement de bric et de broc en est la plus cruelle démonstration. Il figure l’ultime affront d’un président ivre de son pouvoir. Monsieur le premier ministre, les jours de votre gouvernement de malheur sont comptés. Quand il tombera, le monarque suivra. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Dans ce grand pays de France, le peuple méprisé et martyrisé pourra alors reprendre le contrôle de son existence. Il pourra en finir avec une V e République à l’agonie.
M. François Cormier-Bouligeon
Vous comptez prendre le Venezuela pour modèle ?
M. Manuel Bompard
Il pourra organiser le grand partage plutôt que le grand saccage, et garantir à chacun la dignité à laquelle il aspire.
M. Manuel Valls, ministre d’État, ministre des outre-mer
Franchement, Panot est meilleure que lui !
M. Manuel Bompard
Il pourra faire face au défi de ce siècle qu’est la catastrophe écologique, dont la brûlante actualité se rappelle à nous désormais chaque semaine. Il pourra enfin apparaître aux yeux du monde comme la pointe avancée de l’humanité, dans la lignée de la grande Révolution de 1789. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Comme il l’a fait lors des dernières élections législatives, le peuple pourra refuser de s’abandonner aux tentations malsaines de la division et du racisme auxquelles vous pavez malheureusement le chemin.
M. François Cormier-Bouligeon
Ne parlez pas du peuple, vous ne le respectez pas !
M. Manuel Bompard
Cette nouvelle France, fidèle à sa maxime Liberté, Égalité, Fraternité , attend son heure. Vous pouvez toujours nous faire perdre du temps, vous n’empêcherez pas son surgissement. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. François Cormier-Bouligeon
Vous ne respectez pas le suffrage universel !
M. Manuel Bompard
En cette froide journée de janvier, je fais donc mienne la parole d’Albert Camus :…
M. François Cormier-Bouligeon
Ah non ! Laissez Camus tranquille ! (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Manuel Bompard
« C’est finalement au plus fort de l’hiver que j’ai compris qu’il existait en nous un invincible printemps. » (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, dont les députés se lèvent. – M. Benjamin Lucas-Lundy et Mme Elsa Faucillon applaudissent également.)
Mme la présidente
La parole est à M. le premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique.
M. Ugo Bernalicis
Pas à M. Cormier-Bouligeon ? Il semble pourtant avoir des choses intéressantes à dire !
M. François Bayrou, premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique
Monsieur Bompard, je n’ai pas l’intention de refaire l’intégralité des débats que nous avons vécus depuis plusieurs jours, tant sur la déclaration de politique générale que sur les prémisses de la discussion budgétaire. Je lirai simplement une lettre publiée il y a moins d’un mois, le 17 décembre, par la totalité des organisations représentant les entreprises et la grande majorité des organisations syndicales (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP) ,…
M. Nicolas Sansu
Pas toutes !
M. François Bayrou, premier ministre
…signant ensemble un document sans précédent qui s’adresse précisément aux élus – à vous – et aux responsables politiques.
« L’instabilité dans laquelle a basculé notre pays, écrivent ces organisations de la démocratie sociale en France, fait peser sur nous le risque d’une crise économique aux conséquences sociales dramatiques.
D’ores et déjà en France, des projets d’investissements sont gelés, les intentions d’embauche sont révisées, les défaillances d’entreprises de toutes tailles se multiplient au point d’atteindre un niveau inconnu depuis longtemps. »
M. Jean-François Coulomme
C’était déjà le cas bien avant la dissolution !
M. François Bayrou, premier ministre
« Derrière ces remontées en temps réel de nos capteurs de terrain sur tout le territoire – dont toutes nos organisations disposent massivement –, c’est l’économie réelle, l’avenir des entreprises et le quotidien des salariés qui sont en jeu.
« Les conséquences d’une instabilité prolongée, pour notre société, sa cohésion, les femmes et les hommes qui la composent, en seraient graves. Dans le respect du fonctionnement de nos institutions »…
Mme Marie Mesmeur
Et vous, quelles institutions respectez-vous ?
M. François Bayrou, premier ministre
…« et des choix des élus de la nation, il est de notre devoir de vous alerter sur les risques réels qu’une telle instabilité génère. »
M. Ugo Bernalicis
La carte Vitale ne fonctionnera plus, oui, on sait ! Vous nous avez déjà fait le coup ! Mme Borne a menti !
M. François Bayrou, premier ministre
« Comme vous, les acteurs sociaux que nous sommes – représentants des organisations syndicales et patronales – sommes profondément attachés à la démocratie et à la démocratie sociale. Nous sommes déterminés à participer pleinement aux transformations de notre société, confrontés à une situation budgétaire et à des mutations sans précédent, qu’elles soient technologiques, géostratégiques, démographiques ou climatiques. C’est pourquoi nous appelons, au nom de la confiance que les millions de salariés et chefs d’entreprise que nous représentons placent en nous et de l’esprit de responsabilité qui nous guide, à retrouver au plus vite le chemin de la stabilité, de la visibilité et de la sérénité. La voie du paritarisme qui passe par le dialogue, la négociation collective et la construction de compromis, est en capacité d’apporter des réponses concrètes. Nos organisations en ont fait encore récemment la démonstration. Il y va de notre capacité à être porteurs de progrès et de justice sociale, de performance économique et sociale et de respect de l’environnement. Les interlocuteurs sociaux seront comme toujours au rendez-vous du dialogue et de la responsabilité. »
Toutes les organisations (Protestations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et GDR) représentant les entreprises et l’immense majorité des organisations de salariés…
M. Maxime Laisney
Ce n’est pas pareil !
M. Nicolas Sansu
Pas la CGT !
M. François Bayrou, premier ministre
…ont signé ce texte.
M. François Cormier-Bouligeon
On est vraiment dans le déni, à LFI !
M. Benjamin Lucas-Lundy
C’est bien la première fois que M. Bayrou cite les organisations syndicales !
M. François Bayrou, premier ministre
C’est la première réponse qui méritait d’être apportée, monsieur Bompard, à votre motion de censure. Deuxièmement, je crois que nous ne prenons pas la mesure de ce qui est en train de se passer dans les jours où nous sommes.
M. Antoine Léaument
Vous avez fait combien aux élections ?
M. François Bayrou, premier ministre
Nous sommes, la France et l’Europe, comme une citadelle assiégée.
M. Pieyre-Alexandre Anglade
C’est vrai ! Il a raison !
M. François Bayrou, premier ministre
Nous sommes, la France et l’Europe, confrontés à des puissances qui ont désormais choisi le parti de la domination sur la société que nous formons et la civilisation que nous défendons.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Trump tremble devant vous, sans doute ?
M. François Bayrou, premier ministre
À la fin du mois de décembre, la Chine a presque franchi le cap du millier de milliards de dollars d’excédent commercial.
M. Antoine Léaument
Et l’Allemagne ?
M. François Bayrou, premier ministre
L’Allemagne est en récession pour la deuxième année consécutive – le chiffre a été publié hier matin. Heureusement, la France, avec un peu plus de 1 % de croissance, y échappe.
M. Jean-François Coulomme
Grâce à la commande publique !
M. François Bayrou, premier ministre
Mais c’est toute l’Europe qui est atteinte et la France voit son projet de pacte social menacé par la crise en cours. Là est le point de divergence le plus significatif. La motion de censure que vous avez présentée, monsieur Bompard, signifie une chose.
Plusieurs députés du groupe LFI-NFP
« Dehors ! »
Mme Clémence Guetté
Vous êtes illégitime, monsieur Bayrou !
M. Nicolas Sansu
Nous voulons changer de politique !
M. François Bayrou, premier ministre
Elle dit : « Nous voulons demeurer dans l’affrontement »… (Exclamations prolongées sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Béatrice Bellamy
Quelle éducation, vraiment !
Mme la présidente
Chers collègues, s’il vous plaît !
M. François Bayrou, premier ministre
« Nous ne voulons pas, dit votre motion de censure, sortir de l’affrontement pour entrer dans la pratique du dialogue, de la négociation, de la construction commune de l’avenir. » C’est la raison pour laquelle les bancs dont vous réclamez le soutien sont totalement vides.
M. François Cormier-Bouligeon
Ils sont complètement isolés !
M. Benjamin Lucas-Lundy
En tout cas, ceux qui sont censés vous soutenir ne sont pas là !
M. François Bayrou, premier ministre
Vous préférez choisir la guerre intestine au sein de notre pays.
Mme Mathilde Panot
Cela s’appelle la démocratie !
M. François Bayrou, premier ministre
Vous voulez que l’affrontement soit la loi et vous voulez que la conflictualisation… (Exclamations prolongées sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES et EcoS.)
M. Benjamin Lucas-Lundy
C’est minable !
Mme la présidente
Ceci n’est pas un dialogue ! Pardon de vous interrompre, monsieur le premier ministre, mais je dois demander aux députés du groupe La France insoumise de se taire et de vous écouter. Nous ne sommes pas dans un débat, nous suivons la procédure prévue par nos textes. Seul le premier ministre a la parole. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem, HOR et sur quelques bancs du groupe RN. – Vives exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS. – De nombreux députés du groupe LFI-NFP désignent M. François Cormier-Bouligeon.)
M. François Cormier-Bouligeon
Ça suffit, les éructeurs !
M. François Bayrou, premier ministre
Le choix qui est devant nous, dans la situation si grave que connaît notre pays et qui menace et fait souffrir l’ensemble de ses activités et de ses travailleurs, ce choix est entre l’affrontement intérieur perpétuel et la tentative de chercher un chemin de dialogue, de réflexion, de compromis, de négociation pour que les choses avancent.
M. Nicolas Sansu
Et le vote des législatives ?
M. François Bayrou, premier ministre
C’est la raison pour laquelle le scrutin qui va être organisé sur cette motion est significatif. La démocratie, ce n’est pas l’affrontement perpétuel.
M. Manuel Bompard
C’est l’affrontement des points de vue !
M. Ugo Bernalicis
Quant à vous, vous avez fait entrer au gouvernement des habitués de l’affrontement social !
M. François Bayrou, premier ministre
Nous avons choisi un autre chemin, celui de la tentative – je ne suis pas assuré qu’elle réussisse – de construire un avenir différent à partir de la contribution de tous ceux qui, en raison de leur expérience sociale et politique, savent et affirment qu’ils pourront améliorer la situation de notre pays. (« Sans vous ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Cette situation, du point de vue des finances publiques, de l’économie et de l’industrie, est terriblement inquiétante.
Plusieurs députés du groupe LFI-NFP
La faute à Macron !
Mme Mathilde Panot
C’est votre bilan ! Votre gouvernement, ce sont les artisans du malheur réunis !
M. François Bayrou, premier ministre
Tournons nos regards vers les États-Unis, dont le président sortant a fait hier soir un discours riche de signification, en affirmant que son pays était sur le point d’être livré à des oligarchies. Ce danger concerne d’ailleurs la planète entière, lorsque des puissances extérieures à la politique décident de se servir de la politique pour imposer leur point de vue et leur vision du monde – une vision qui n’est d’ailleurs pas très éloignée de la vôtre.
M. Manuel Bompard
Arrêtez ! Vous vouliez envoyer l’armée contre les gilets jaunes, alors de quoi parlez-vous ?
M. François Bayrou, premier ministre
Au fond, ceux qui veulent l’affrontement et ceux qui veulent la domination sont du même avis : tous se refusent à laisser leur place au compromis, à la discussion, à la réflexion, au progrès graduel.
M. Nicolas Sansu
La lutte des classes, ça existe !
M. François Bayrou, premier ministre
C’est pourquoi la motion de censure que vous présentez ne pourra pas être adoptée. Difficilement, avec beaucoup de travail, de discussion, de négociation, chacun apportant ce qu’il croit bon et ce qu’il a de plus précieux, un autre chemin apparaît, une entente susceptible de construire un avenir différent.
Un député du groupe LFI-NFP
Une entente avec Bruno Retailleau ?
M. François Bayrou, premier ministre
C’est la seule réponse que doit apporter l’Assemblée nationale à la motion de censure destructrice que vous avez présentée. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, Dem et HOR. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Olivier Faure.
M. Olivier Faure
Nous sommes dans l’opposition et nous y resterons. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Nous ne croyons pas au « en même temps » qui entretient la confusion et qui a pour seul effet de faire de l’extrême droite une solution alternative. Nous sommes dans l’opposition mais nous avons signifié notre ouverture au compromis. La situation politique actuelle est inédite puisqu’aucune coalition ne dispose d’une majorité absolue. Vous êtes vous-même, monsieur le premier ministre, à la tête d’un « socle commun » dont on peine à voir le socle et qui n’a de commun que la volonté de siéger au conseil des ministres. Nous avons tous entendu, il y a deux jours, M. Wauquiez expliquer à cette tribune que son parti, alors qu’il participe au gouvernement, ne voterait les projets de loi qu’au cas par cas.
Cependant, pour permettre au pays d’être gouverné au cours des vingt-huit prochains mois, nous vous avions d’abord proposé un pacte de non-censure…
M. Paul Vannier
C’est un blanc-seing !
M. Olivier Faure
…qui reposait sur trois conditions : le non-usage du 49.3, un changement de cap et le respect du front républicain en vous refusant à faire dépendre votre survie de l’extrême droite comme l’a fait votre prédécesseur. Vous n’y avez pas donné suite. Il n’est donc plus question de pacte de non-censure, comme cela peut exister dans d’autres pays qui connaissent des gouvernements minoritaires. Un vote de censure est donc possible à tout moment.
M. Antoine Léaument
Cheh, Bayrou !
M. Olivier Faure
Depuis dix jours, nous sommes entrés en négociation avec vous et vos ministres. Nous avons fait ce choix, non pour négocier une place, obtenir un ministère ou un avantage quelconque, mais pour vous arracher des concessions qui n’auraient pas vu le jour sans cette discussion. Nous n’avons pas la négociation honteuse (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC) et vous ne devriez pas davantage en avoir honte. Je vous ai écouté lors du discours de politique générale. Vous auriez dû dire, par simple respect pour le dialogue engagé, que vous aviez prévu nombre de coupes claires qui auraient directement porté atteinte au quotidien des Français les plus vulnérables, et reconnaître que nos échanges, notre dialogue, notre négociation ont permis de faire bouger les lignes. (Mêmes mouvements.)
Grâce à la négociation, il n’y aura pas de nouveau gel des pensions de retraite en 2025, pas d’augmentation des taxes sur l’électricité,…
Mme Mathilde Panot
Il n’y en aurait pas non plus avec la censure !
M. Olivier Faure
…pas de déremboursement des consultations chez le médecin et pas d’aggravation du déremboursement des médicaments. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) De plus, 12 000 postes de personnel soignant hospitalier seront créés ou maintenus ; il n’y aura pas de passage d’un à trois jours de carence dans la fonction publique, pas de suppression de 4 000 postes d’enseignants ; quelque 2 000 postes d’accompagnants d’élèves en situation de handicap seront créés ;…
Mme Mathilde Panot
L’Assemblée nationale avait déjà gagné !
M. Olivier Faure
…il n’y aura pas de baisse du budget des outre-mer comme le proposait le budget Barnier. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.) Le prêt à taux zéro sera étendu aux logements neufs et à tout le territoire, et les maires seront financièrement incités à construire davantage de logements sociaux. Nous avons également obtenu le minimum de justice fiscale : la spéculation financière et les dividendes seront mieux taxés ; le crédit d’impôt recherche (CIR), la niche fiscale la plus coûteuse, sera limité, et les patrimoines les plus insolents seront à nouveau taxés (Mêmes mouvements) , ce que nous demandions avec Gabriel Zucman depuis des années et que vous refusiez obstinément depuis la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF).
M. Antoine Léaument
Cela signifie que vous êtes pour leur budget ?
M. Olivier Faure
Pourquoi n’assumez-vous pas, je vous le dis comme un conseil presque amical, ces 21 milliards de recettes nouvelles ? Comprenons-nous bien : le résultat de cette négociation n’a pas miraculeusement transformé le futur budget en budget de gauche. (« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Les lois de finances ne sont pas celles que nous adopterions si nous étions au pouvoir. (« Mais… » sur les mêmes bancs.) Mais c’est notre honneur – oui, notre honneur (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC) – d’avoir évité aux Françaises et aux Français ces mesures qui ont un effet direct sur leur pouvoir d’achat, leur capacité à se soigner, à offrir une éducation de qualité à leurs enfants, et d’avoir permis de rétablir un minimum de justice fiscale dans un pays où le CAC40 sable le champagne tandis que 9 millions de nos concitoyens vivent sous le seuil de pauvreté.
Je le dis à mes collègues, de droite comme de gauche : souvent, nous nous sommes interrogés sur notre utilité, celle de ces heures et de ces nuits passées sur ces bancs, sans conséquences sur la vie des Français. Notre vocation n’est pas de toujours nous limiter à prendre date, en attendant la prochaine élection ; elle est d’arracher, jour après jour, toutes les victoires possibles. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Paul Vannier s’exclame.)
Mais, vous le savez, monsieur le premier ministre, la clé de voûte de cette négociation portait sur la réforme des retraites de 2023, qui demeure une blessure sociale et démocratique.
En ouvrant le débat, monsieur le premier ministre, vous avez fait un premier pas. Je ne minimise pas ce geste. Les précédents gouvernements s’étaient, jusqu’ici, refusés à toute remise en cause de ce qui, progressivement, est apparu comme le totem de la Macronie. En reconnaissant qu’il était possible, comme vous l’avez dit, de parvenir aux mêmes résultats avec une réforme plus juste, vous avez ouvert la possibilité d’une alternative.
Mme Mathilde Panot
Tu n’y crois même pas !
M. Olivier Faure
Vous avez accepté, à notre demande, de ne pas différer le débat ; vous réunirez donc, dès demain, les partenaires sociaux. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Si vous êtes gênés, chers collègues, prenez la parole après moi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.) Si vous pensez que ce que je dis là n’a aucun intérêt pour les Français, si vous pensez qu’ils ne sont pas heureux de voir une gauche qui propose, une gauche qui avance, une gauche qui fait céder le gouvernement, dites-le ! (Les députés du groupe SOC se lèvent pour applaudir.)
Les partenaires sociaux, monsieur le premier ministre, auront donc la maîtrise de l’ordre du jour. Tout sera sur la table : âge légal, cotisations, pénibilité, carrières hachées, égalité entre les femmes et les hommes, sources de financement mobilisables.
Mme Mathilde Panot
Abrogation !
M. Olivier Faure
Il est cette fois-ci possible que reviennent le dialogue social et la démocratie sociale dont nous avons, pendant sept ans, demandé le respect. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.) Les Français se sont exprimés dans la rue, dans les sondages et par les élections. Ils ont été clairs (M. Antoine Léaument s’exclame) : le contrat social français repose, pour partie, sur l’accès à la retraite en bonne santé. Ceux qui aiment leur métier, qui sont reconnus dans leurs missions et ne souffrent pas de l’usure et de la pénibilité, peuvent juger qu’à 64 ans, on est encore jeune ; pour tous les autres, chaque trimestre supplémentaire est une souffrance. Tout doit donc être sur la table, y compris les financements alternatifs permettant de ne pas reculer l’âge légal de départ à 64 ans.
En annonçant dans un premier temps, avant le courrier que vous venez de nous adresser, qu’en l’absence d’accord général, on en reviendrait purement et simplement à la réforme de 2023, vous avez déjà indiqué à ceux qui n’ont aucune intention de bouger qu’il leur suffisait de bloquer la discussion, de l’enliser, pour obtenir satisfaction. Vous ne pouvez pas accorder un droit de veto aux tenants de l’immobilisme. Au cours des prochains jours, chacun des partenaires sociaux indiquera les voies permettant de consolider notre système de retraite par répartition. Nous n’accepterons pas une condamnation au plus petit dénominateur commun. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) C’est la raison pour laquelle, accord ou pas, nous souhaitons que le Parlement ait le dernier mot. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.) Nous allons donc donner toutes ses chances à la négociation, mais que personne ne s’y trompe : si nous avons le sentiment que le débat est verrouillé et ne permet pas d’aller au bout des alternatives, nous déposerons une motion de censure.
Mme Mathilde Panot
Et quelqu’un comme Retailleau, qui parle comme Mme Le Pen, est-ce que ça ne justifie pas la censure ?
M. Olivier Faure
Nous n’accepterons pas le statu quo . En ouvrant la discussion, monsieur le premier ministre, vous devez prendre la mesure des espoirs qu’elle peut soulever. Après avoir donné une perspective positive, rien ne serait pire pour vous que de prendre la responsabilité d’un retour en arrière. Si tout devait apparaître comme un simple simulacre, vous nourririez une colère qui balayera tous les efforts entrepris…
Un député du groupe LFI-NFP
Elle est déjà là, la colère !
M. Olivier Faure
…et déroulera le tapis rouge à l’extrême droite. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Je voudrais, pour terminer, m’éloigner du débat franco-français. Dans quatre jours, Trump va entrer à la Maison Blanche. Il promet déjà d’annexer tout le continent américain. Son allié Musk s’ingère dans les affaires internes des Britanniques et des Allemands. Poutine n’a pas revu à la baisse ses prétentions face à nos amis ukrainiens. Le Proche-Orient est encore en feu et Gaza succombe, même si nous nous réjouissons de ce cessez-le-feu, tant attendu, dont nous venons d’apprendre la nouvelle.
M. François Cormier-Bouligeon
Et la libération des otages ? (« Arrêtez de l’interrompre ! » sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
M. Alexis Corbière
Espèce de troll !
M. François Cormier-Bouligeon
Ça vous dérange, peut-être ?
M. Benjamin Lucas-Lundy
Pas de rappel à l’ordre, rien ?
M. Paul Vannier
C’est le « deux poids, deux mesures » permanent !
M. Sébastien Chenu
Folle ambiance !
M. Olivier Faure
J’allais le dire : nous nous réjouissons bien sûr de la libération des otages. Erdoğan se rêve en nouveau sultan et Xi Jinping en dernier empereur. Il faut une puissance d’équilibre. Cette force, c’est l’Europe et, en Europe, la France ne peut, après l’Autriche, basculer aux mains de l’extrême droite. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.) Ce qui se joue maintenant est proprement historique et présuppose une certaine hauteur de vue. En ne censurant pas dès ses premiers pas votre gouvernement, monsieur le premier ministre, et comme vous l’aurez compris, nous ne vous accordons pas pour autant notre confiance. Mais nous avons choisi de ne pas pratiquer la politique du pire, parce qu’elle peut conduire à la pire des politiques, c’est-à-dire l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir. C’est la raison pour laquelle nous ne vous censurerons pas. (Les députés du groupe SOC se lèvent pour applaudir. – Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Aurélien Le Coq
Vous acceptez donc Retailleau au gouvernement !
Mme la présidente
La parole est à Mme Michèle Tabarot.
Mme Michèle Tabarot
Autant le dire immédiatement : nous ne trahirons pas nos valeurs, nous ne trahirons pas nos électeurs et nous ne voterons donc jamais une motion de censure déposée par La France insoumise. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR et Dem.)
M. Laurent Wauquiez
Très bien !
Mme Michèle Tabarot
Votre agenda politique n’est pas le nôtre. Votre choix du conflit permanent n’est pas le nôtre. Votre projet destructeur n’est pas le nôtre.
M. Alexis Corbière
Ça c’est sûr !
Mme Michèle Tabarot
À quoi servirait le vote de cette motion, alors qu’aucune élection législative ne peut se tenir avant l’été ? Les mêmes qui réclament des mesures pour les agriculteurs, le logement, l’éducation, la santé et les services publics ne veulent même pas attendre que le gouvernement puisse se mettre au travail et nous proposer des textes concrets. Les mêmes qui réclament le respect du Parlement ne veulent plus que nous puissions débattre du fond et porter, nous aussi, nos amendements et nos réformes.
Voilà pourquoi nous ne voterons pas cette motion de censure qui empêcherait tout progrès pour la France, comme vous l’avez fait en censurant le gouvernement de Michel Barnier, auquel je veux rendre hommage. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. Xavier Breton
Très bien !
Mme Michèle Tabarot
Il a eu le courage de s’engager dans un moment difficile pour le pays. Il est parvenu, en quinze jours, à proposer un budget. Celui-ci était sans doute perfectible, mais il aurait évité à la France de se retrouver dans une impasse dont nul ne sait, aujourd’hui, comment nous allons sortir. Nous vous avions pourtant mis en garde : voter une motion de censure privant notre pays de budget, c’est mettre la France en péril. Vous nous avez traités de menteurs mais aujourd’hui les faits sont là, et vous ne pouvez les nier.
M. Emmanuel Duplessy
Il ne fallait pas dealer avec le RN !
Mme Michèle Tabarot
L’absence de budget, c’est la dégradation immédiate de la note de la France.
M. Vincent Jeanbrun
Exactement !
Mme Michèle Tabarot
C’est la hausse des taux d’intérêt, alors que notre pays s’endette déjà à des taux supérieurs à ceux de l’Espagne, du Portugal et parfois même de la Grèce. Chaque point de taux d’intérêt supplémentaire représente, à terme, 30 milliards d’euros d’intérêts à verser en plus, chaque année, à nos créanciers. Cela représente trois fois le budget de la justice. L’absence de budget, c’est aussi la croissance révisée à la baisse, en raison du poison de l’incertitude pour nos entreprises, nos PME, nos artisans, nos commerçants. Nous avons subi 65 000 défaillances d’entreprises l’an dernier.
Ce sont également des moyens en moins pour l’armée, l’intérieur, la justice, l’hôpital. C’est le renoncement aux mesures pour les agriculteurs, pour les maisons de retraite en difficulté, pour le bâtiment, qui attend l’extension du prêt à taux zéro, tout comme pour les ménages qui cherchent à se loger. C’est aussi le renoncement au recrutement de 2 000 accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH). C’est le blocage de nouvelles aides pour la Nouvelle-Calédonie. C’est enfin le gel du barème de l’impôt sur le revenu, qui soumettra 380 000 nouveaux foyers à l’impôt et risque d’en faire payer davantage à près de 18 millions de familles.
J’arrête là ce triste inventaire, qui se résume en quelques mots : moins de croissance, plus de taxes, plus de dépenses et plus de dettes. Voilà le cocktail explosif auquel vous condamnez la France en la privant de gouvernement et de budget.
L’intérêt de la France ne saurait être dans la stratégie du chaos. L’intérêt de la France ne saurait être dans l’instabilité, alors que notre pays n’avait jamais connu, depuis plus d’un siècle, une telle succession de premiers ministres. Les Français nous demandent d’apporter au pays une stabilité minimale. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.) Ils nous demandent de trouver les moyens d’avancer dans les mois qui viennent, dans une configuration politique inédite pour notre V e République.
Voilà pourquoi nous avons fait le choix de participer à ce gouvernement et de poursuivre ainsi le travail engagé avec Michel Barnier. Nous serons toujours force de proposition. Nos priorités sont connues : elles se trouvent dans le pacte législatif que nous avons présenté, avec nos 178 députés et sénateurs, dès le mois de juillet dernier. Nous avons avancé des propositions fortes, à même de rassembler les Français, dans l’intérêt de notre pays. Nous voulons valoriser le travail pour que l’on puisse en vivre dignement, en sortant notamment les heures supplémentaires du revenu fiscal de référence. Nous voulons une allocation sociale unique plafonnée à 70 % du smic, pour que le travail paye toujours plus que l’assistanat. Nous voulons des sanctions effectives contre le crime organisé, contre le narcotrafic et contre la délinquance des mineurs. Nous voulons une stricte maîtrise de l’immigration, en restreignant l’accès des étrangers aux prestations sociales, en réformant l’aide médicale de l’État (AME) ou en limitant le regroupement familial.
Ces mesures, je le rappelle, sont plébiscitées par les trois quarts des Français. Nous voulons que les promesses faites aux agriculteurs, chers amis, soient traduites en actes. Nous voulons mettre fin à cette inflation normative qui empêche les Français de vivre et dont le coût est exorbitant pour notre compétitivité.
Monsieur le premier ministre, voilà ce que nous sommes prêts à bâtir avec vous et avec votre gouvernement. Comme vous l’a dit Laurent Wauquiez, nous sommes des partenaires de confiance, mais nous sommes aussi des partenaires exigeants. Nous voulons moins de dépenses, pas plus d’impôts. Vous nous avez entendus sur la réduction des budgets des opérateurs d’État, à laquelle nous serons très attentifs. Nous porterons d’autres propositions d’économies dans le débat budgétaire qui s’ouvrira prochainement. Ce n’est pas en ponctionnant toujours plus les familles et les entreprises que notre pays redressera ses comptes. Voilà pourquoi nous devons mettre un coup d’arrêt à la dérive des dépenses administratives et sociales. Nous refusons toute fuite en avant dans l’irresponsabilité budgétaire et je vous remercie d’avoir rappelé les difficultés de financement de notre système de retraite. La réforme des retraites peut être améliorée, nous l’avons toujours dit, mais certainement pas au prix d’une hausse des charges ou d’une baisse des pensions.
(À quinze heures quarante, M. Xavier Breton remplace Mme Yaël Braun-Pivet au fauteuil de la présidence.)
Présidence de M. Xavier Breton
vice-président
Mme Michèle Tabarot
Des illusionnistes promettent qu’on peut travailler toujours moins et dépenser toujours plus ; mais, à la fin, ce sont toujours les Français qui travaillent qui finissent par payer l’addition.
M. Laurent Wauquiez
C’est clair !
Mme Michèle Tabarot
Nous attendons une grande ambition pour l’autonomie stratégique de la France et de l’Union européenne, afin de garantir notre défense, de réduire nos dépendances et de relancer nos productions.
Nous attendons aussi une grande ambition pour l’éducation. Je vous sais sensible, monsieur le premier ministre, à l’objectif d’enrayer la chute des performances.
Si nous avons des points de convergence, nous avons aussi des points de divergence, comme la proportionnelle, qui aurait pour seule conséquence de pérenniser le désordre et l’instabilité politique actuels. Elle ferait perdre définitivement à notre pays ce qui a été son atout principal depuis près de soixante-dix ans : la solidité de ses institutions, qui nous a protégés, y compris dans les crises les plus graves. Aussi tourmenté et divisé qu’il puisse être, notre pays demeurait pourtant gouvernable. Dans cette période périlleuse, il convient que nous fassions, tous, preuve de responsabilité, d’exigence et même de dignité, pour la France et les Français.
La France a besoin de stabilité. La France a besoin de visibilité. La France a besoin d’apaisement. Voilà pourquoi nous rejetons cette motion de censure, en cohérence avec nos valeurs et avec nos engagements.
Je déplore d’ailleurs que les députés du Rassemblement national n’aient pas eu le même sens des responsabilités le 4 décembre dernier, quand ils ont décidé d’unir leurs voix à celles de La France insoumise. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. Benjamin Lucas-Lundy
Applaudissements nourris des trois Républicains présents !
Mme Michèle Tabarot
Vous avez voté une motion de censure qui vous attaquait directement et qui stigmatisait, je cite, « vos plus viles obsessions ». Laurent Wauquiez a parlé très justement de cette coalition d’irresponsables. Nous ne voterons pas avec ceux qui s’affichent avec des prêcheurs de haine appelant à l’intifada en France, avec ceux qui normalisent l’antisémitisme (Applaudissements sur les bancs des groupes DR et HOR. – Mme Constance Le Grip applaudit également) , avec ceux qui suggèrent de légaliser la drogue et de rémunérer les dealers, avec ceux qui vont jusqu’à proposer d’abroger le délit d’apologie du terrorisme.
Nous, nous resterons fidèles : à nos convictions, à nos valeurs, à nos idéaux. Nous ne serons pas les complices du déclin de la France, nous ne serons pas les alliés des artisans du chaos, uniquement guidés par des arrière-pensées politiciennes. Notre seul guide est, et restera, l’intérêt de la France et de tous les Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR, EPR, Dem et HOR.)
M. le président
La parole est à Mme Cyrielle Chatelain.
Mme Cyrielle Chatelain
Au milieu des fracas du monde, et de nos débats désespérants, il y a des jaillissements d’espoir. Ce fut le cas hier, lors de l’annonce de la signature d’un cessez-le-feu entre Israël et le Hamas. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR.)
Il faut le préserver à tout prix et le faire durer, alors que la relation semble de nouveau se raidir.
Le groupe Écologiste et social s’incline devant les 46 000 morts – leur nombre devrait malheureusement augmenter avec le déblaiement des décombres – et tient à rendre hommage aux blessés et aux déplacés forcés, à ces millions de personnes qui survivent dans des camps de fortune depuis quinze mois, dans la terreur des bombardements, privés de nourriture et de soins.
Nous espérons que ce cessez-le feu leur permette de retrouver la sécurité, de reconstruire leur foyer et de guérir leurs blessures.
Nos pensées vont également aux familles des otages qui, dans les semaines qui viennent, devraient retrouver leurs proches dont ils ont été violemment séparés lors de l’attaque terroriste du 7 octobre 2023. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et SOC.) Nous souhaitons qu’ils puissent se reconstruire.
Enfin, nous saluons l’engagement pris pour la libération des prisonniers politiques palestiniens.
Ce cessez-le-feu doit être le premier pas vers une paix juste et durable, fondée sur le respect des droits humains et du droit international. La France et l’Europe, bien trop attentistes depuis quinze mois, devront redevenir des acteurs de la paix. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe SOC.)
Monsieur le premier ministre, puisqu’il paraît évident que vous ne tomberez pas, le travail qui vous attend est colossal. Il vous faudra apporter un soutien sans faille à l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (Unrwa). (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et SOC, ainsi que sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et GDR.)
Du 5 au 8 janvier, une délégation de parlementaires et d’élus écologistes s’est rendue à Jérusalem et dans les territoires occupés, et s’est alarmée de la situation dramatique de cette agence des Nations unies. Elle doit continuer sa mission, cruciale pour la reconstruction de Gaza.
C’est d’une voix ferme que la France doit promouvoir la reconnaissance d’un État palestinien, aux côtés d’Israël, ainsi que la fin de la colonisation, seules issues pour résoudre ce conflit. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS et SOC.)
J’espère que vous excuserez cette digression mais, parfois, heureusement, le monde se rappelle à nous. J’en viens maintenant à la question de votre censure, à l’ordre du jour de notre séance, puisque nous n’avons pas pu nous prononcer lors d’un vote de confiance.
Depuis 2022, et plus encore 2024, les Français expriment un souhait simultané de changement profond de ligne politique et de stabilité. Les deux objectifs seraient compatibles sans l’obstination constante d’Emmanuel Macron et de ses soutiens à perpétuer leur politique.
Attaché au parlementarisme, à la délibération collective et au dialogue, depuis le vote de la motion de censure le 4 décembre dernier, le groupe Écologiste et social s’est saisi de tous les espaces d’échanges existants. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
Nous avons rencontré Emmanuel Macron afin de lui demander de nommer un premier ministre du Nouveau Front populaire, puis nous vous avons rencontré, monsieur le premier ministre, pour vous demander de mettre des moyens sur la transition écologique.
Pendant une semaine, nous avons échangé avec le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, avec la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles et avec la ministre chargée des comptes publics.
Il est de notre devoir de nous saisir de chaque espace pour défendre nos propositions, pour être les porte-voix de nos électeurs et de nos territoires. Nous continuerons à l’être.
Nous avons multiplié les réunions, envoyé des notes, plaidé pour l’abandon de la réforme des retraites ou pour une augmentation du budget en faveur de l’environnement. Nous avons défendu la nécessité d’une véritable politique en faveur du logement, de la santé et de l’école.
C’était l’occasion pour vous de démontrer que vous aviez conscience de ne pas être majoritaire, que vous respectiez les 9 millions d’électeurs du NFP (M. Sylvain Berrios s’exclame) et d’accepter de revenir sur les erreurs – sur certaines au moins – des dernières années.
L’inflexion est bien timide. Vous consentez à conserver les avancées obtenues au cours du débat parlementaire : pas de suppression de postes dans l’éducation nationale, pas d’augmentation des taxes sur l’électricité, des coupes moins brutales pour les collectivités. Mais, en démocratie, c’est bien normal ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. – M. Paul Vannier applaudit également.)
Par contre, augmenter substantiellement le budget de l’écologie, c’est « Non ». Accepter de renoncer au 49.3, c’est « Non ». Augmenter le smic, c’est « Non ». Abroger la réforme des retraites, c’est « Non ». La suspendre, vous le refusez également.
Dans votre dernier courrier, la présentation d’un projet de loi sur les retraites est soumise à un double veto : celui du Medef – il faut un accord des partenaires sociaux – et celui de la droite – il faut celui de vos partenaires politiques.
Je vous mets en garde : cette loi pour abandonner la retraite à 64 ans, les Français la réclament. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.) Ne faites donc pas des promesses que vous n’entendez pas tenir…
Au sein du groupe Écologiste et social, les discussions ont été nourries : nous sommes conscients qu’il n’est pas évident de trouver un juste équilibre entre la défense ferme et droite de nos valeurs et l’exigence d’ouverture que requiert la situation. C’est un travail de chaque instant, mais c’est un travail que nous n’abandonnerons pas.
Votre discours, très général, ne nous a pas convaincus. Vous commentez l’actualité sans prendre position – ou trop peu – sur quatre sujets fondamentaux pour notre groupe.
Le premier, cela ne vous surprendra pas, c’est l’écologie : 158 mots, soit une minute montre en main, pour parler du plus grand défi de ce siècle. Vous ne mentionnez le climat que pour parler d’immigration, l’environnement que pour évoquer le Conseil économique, social et environnemental, et vous n’avez même pas prononcé les mots « renouvelable », « pollution » ou « gaz à effet de serre ». (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
Vous allez jusqu’à pointer du doigt les inspecteurs de la biodiversité, alors qu’ils subissent quotidiennement pressions et menaces. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS et SOC.) Les rendre coupables des difficultés des agriculteurs est une faute ! (Mêmes mouvements.)
En outre, c’est une erreur d’analyse car la préservation de la biodiversité est une protection pour nos agriculteurs et la terre qu’ils cultivent.
Votre discours a cinquante ans de retard.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Au moins !
Mme Cyrielle Chatelain
Comment voulez-vous comprendre le monde qui nous entoure et les périls qui nous guettent, la spéculation sur les matières premières, la dangerosité de la dépendance au pétrole, les défis qui attendent l’industrie, la catastrophe que représentent les polluants qui s’infiltrent dans nos eaux et dans notre air si vous omettez la catastrophe climatique et l’effondrement de la biodiversité ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)
M. Benoît Biteau et M. Hendrik Davi
Bravo !
Mme Cyrielle Chatelain
Le deuxième oubli, c’est l’emploi. La CGT recense 300 plans de licenciement, qui menacent 300 000 emplois. En Isère, 5 000 emplois sont menacés à court et moyen terme par la fermeture de Vencorex et le plan de licenciement d’Arkema. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.) Mais, du combat des syndicalistes, des salariés et de leurs familles, de leur inquiétude, pas un mot – et pas une solution.
Le troisième oubli, ce sont vos engagements pour l’égalité femmes-hommes et contre les violences sexuelles et sexistes. Alors que la société française a été éblouie par le courage de Gisèle Pélicot, alors que nous avons pleuré dès le 1 er janvier un nouveau féminicide, vous vous contentez d’une phrase de vingt secondes – pas même une minute.
Mme Marie-Charlotte Garin
Quelle honte ! Ce n’est pas à la hauteur ! N’est-ce pas la grande cause du quinquennat ?
M. Benjamin Lucas-Lundy
Lamentable !
Mme Sophie Taillé-Polian
Le cumul des mandats, c’est plus important !
Mme Cyrielle Chatelain
Êtes-vous prêt à présenter un projet de loi global contre les violences sexuelles et sexistes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.) Êtes-vous prêt à donner aux associations les moyens d’accueillir et d’accompagner toutes les femmes et les enfants victimes de violences intrafamiliales ? Nous ne le savons pas.
Enfin, dernier oubli – et non des moindres : votre silence sur la façon dont vous allez réaliser 30 milliards d’euros d’économies.
Deux options : soit vous n’atteindrez pas cet objectif, et vous trompez les Français sur votre trajectoire budgétaire, soit vous l’atteindrez, mais vous nous devez la transparence sur les postes de dépenses dans lesquels vous allez couper – école, égalité, logement, transports.
Aujourd’hui, je le répète, nous ne savons rien. Mais, derrière les oublis, les maladresses et les hésitations se dessine une stratégie : vous maintenir au pouvoir grâce au flou et à l’inaction, grâce à des promesses incertaines, mais en ne vous engageant réellement sur rien, alimentant la grande confusion dont se nourrit l’extrême droite, condamnant la France à l’immobilisme et, donc, à une lente décadence.
Dans un pays percuté de plein fouet par les conséquences du réchauffement climatique, miné par les inégalités, secoué par une nouvelle vague de désindustrialisation, fragilisé par le retour de l’isolationnisme américain et les tentatives d’ingérence de la Russie, peut-on vraiment se permettre de rester immobile ? Non.
Dans un pays où les agriculteurs sont de plus en plus nombreux à jeter l’éponge, où les travailleurs ne peuvent plus vivre de leur salaire, où les professeurs se sentent abandonnés, les soignants épuisés, les défenseurs de l’environnement ignorés et les jeunes méprisés, est-il responsable de poursuivre dans la même voie ? Non.
Dans un pays fracturé par le racisme, où certains de nos compatriotes sont agressés, humiliés ou discriminés en raison de leur religion ou de leur couleur de peau, peut-on se permettre de constituer un gouvernement avec les incendiaires de la haine ? Absolument pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Benjamin Lucas-Lundy
Elle a raison !
Mme Cyrielle Chatelain
Tant que vous continuerez à refuser de nous écouter et de vous engager volontairement, résolument, à financer la transition écologique, tant que vous refuserez de revenir sur les politiques menées au cours des dernières années, nous continuerons à vous censurer. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
M. le président
La parole est à M. Bruno Fuchs.
M. Bruno Fuchs
Laissez-moi commencer en faisant preuve, calmement mais avec gravité, d’un peu de bon sens et d’esprit de responsabilité.
Non, monsieur Bompard, Les Démocrates ne considèrent pas qu’ils ont tout le temps raison, sur tout.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Parce que vous avez souvent tort !
M. Bruno Fuchs
Nous ne pensons pas incarner, à nous seuls, le peuple souverain dans toutes ses dimensions et sa diversité.
M. Pouria Amirshahi
Quel ministre !
M. Alexis Corbière
Pas trop de modestie !
M. Bruno Fuchs
Pour nous, la démocratie est l’organisation respectueuse et féconde de la coopération entre les citoyens, les différents partis et courants de pensée afin d’atteindre grâce au dialogue, au compromis, à la délibération, une forme de vérité partagée par le plus grand nombre.
La France souffre plus que jamais de la volonté de certains de tordre – de dévoyer – cette démocratie en la remplaçant par un combat à mort entre idées, partis et personnes. Ce combat est départagé par les urnes mais, depuis des décennies, le gagnant impose systématiquement et unilatéralement ses idées en écrasant de fait tous les perdants.
Cette approche unilatérale, et l’effacement des idées différentes et de la diversité, c’est l’inverse d’une véritable démocratie, démocratie à laquelle nous croyons et que nous nous efforçons de faire vivre.
Surtout, une telle approche n’est pas celle que réclament les Français qui, par deux fois, n’ont pas souhaité donner à un seul courant politique la majorité absolue à l’Assemblée nationale.
Au sein de cette assemblée plurielle, ils nous demandent de nous rapprocher, de discuter, de concéder, pour avancer et nous retrouver sur le chemin du compromis, dans l’intérêt de la France et des Français.
Une telle forme de politique est d’ailleurs plus exigeante que l’autre car elle nous demande d’intenses efforts – remise en question, compréhension et reconnaissance de l’autre.
Ce n’est faire injure à personne que de constater que nous n’y sommes pas encore tout à fait parvenus, alors que c’est le quotidien des députés européens et des élus d’une grande majorité des collectivités locales.
M. Éric Martineau
C’est vrai !
M. Bruno Fuchs
Pourtant, notre incapacité systématique à travailler ensemble désespère et exaspère nos concitoyens, notamment ceux que je retrouve chaque semaine à Mulhouse et dans le sud de l’Alsace. Ils ne sont pas moins choqués et révoltés du désordre que certains organisent méthodiquement à l’Assemblée nationale comme à l’extérieur.
En censurant le gouvernement Bayrou, vous ne feriez que répéter notre erreur collective de décembre dernier, alors que nous avançons quotidiennement vers un chemin commun.
En censurant le gouvernement, c’est la volonté de dialogue que vous censureriez.
Depuis le 23 décembre, l’ensemble des forces politiques représentées au Parlement, sans exception – car elles sont toutes légitimes –, ont été reçues par le premier ministre. Elles lui ont exposé leurs priorités et elles ont présenté des propositions pour explorer, ensemble, un chemin responsable pour faire avancer la France.
Dans cette même perspective, le ministre de l’économie et des finances, la ministre chargée du budget et le ministre chargé des relations avec le Parlement ont mené des entretiens pour pouvoir doter, enfin, la France d’un budget et sortir notre pays de l’immobilisme dans lequel il est plongé depuis décembre dernier. Je veux ici saluer leur engagement et leur travail.
En censurant le gouvernement, vous diriez aussi non à une méthode fondée sur l’écoute et le respect de l’identité de l’ensemble de nos territoires, en métropole comme en outre-mer, et de tous les acteurs qui font aujourd’hui notre société. Tout le monde a déjà pu observer que ce gouvernement attachait une extrême importance au travail commun avec nos élus locaux et avec les représentants de leurs différentes familles politiques sur ces bancs. D’ailleurs, la volonté du gouvernement de réintroduire l’aide aux maires bâtisseurs découle directement de ces échanges – et je me réjouis de ce résultat.
De même, le gouvernement a confiance dans la capacité des partenaires sociaux à trouver dans les prochains mois des solutions innovantes, en premier lieu en ce qui concerne l’ajustement de la réforme des retraites.
Le Mouvement démocrate, lors de l’examen de la réforme des retraites en 2023, avait souhaité faire adopter une clause de revoyure. Nous considérions alors que, très vite, nous verrions apparaître les effets financiers comme sociaux de cette réforme. Aujourd’hui, plutôt que de censurer, il est temps d’activer cette clause. C’est justement ce que le premier ministre a décidé de faire. Les plus aptes à mener cette évaluation sont les forces syndicales et patronales. Or toutes – absolument toutes – se sont déclarées ouvertes et partantes pour cette discussion. Elles ont même rappelé, dans un courrier dont le premier ministre a fait état au début de cette séance, la gravité de la situation dans laquelle se trouve la France. Faisons leur confiance. Le Parlement sera alors saisi de leurs conclusions lors du prochain débat relatif à cette question, au plus tard à l’automne.
En censurant le gouvernement, non seulement vous renonceriez à l’idée de rendre le dialogue utile et fécond mais il vous faudrait aussi assumer de priver nos concitoyens des nombreux bénéfices des politiques publiques.
Cela se vérifierait en premier lieu avec le projet de loi de finances alors même que nos concitoyens attendent avec impatience un budget pour cette année – je rappelle que nous sommes presque au début du mois de février. Par exemple, les agriculteurs sont depuis plusieurs mois dans l’attente de mesures concernant le GNR, le gazole non routier, ou la transmission des exploitations. Je pourrais aussi citer les collectivités, dont l’investissement est aujourd’hui sévèrement ralenti, affectant tout un tissu économique local, ou encore les entreprises qui s’interrogent sur les perspectives futures et hésitent donc sur la marche à suivre pour se développer, avec d’importantes conséquences sur l’emploi que nous constatons jour après jour.
M. Laurent Wauquiez
La facture de la censure !
M. Bruno Fuchs
Censurer le gouvernement, c’est renforcer l’ampleur de la crise politique, économique et sociale, renoncer à disposer rapidement d’un budget mais aussi abandonner à court terme tout effort en matière de justice fiscale.
Certes, il est complexe de trouver le bon équilibre en la matière. Toutefois, vous savez que vous pouvez compter sur les députés Les Démocrates pour avancer, dans le cadre du budget pour 2025, comme pour formuler des propositions innovantes et élaborées – nous en avons déjà fait la démonstration au cours des mois et des années passés.
Les conséquences négatives se feront également sentir en matière de transition écologique, dont je sais que nombre des députés siégeant sur les bancs de cette assemblée considèrent, comme nous, que c’est une des premières priorités de l’action publique. Cela a d’ailleurs été rappelé dans quasiment toutes les interventions précédentes. Je pense notamment à la décarbonation de l’industrie, à nos modes de mobilité ou encore à notre habitat.
De même, l’adaptation de notre politique de l’eau ne mérite pas d’attendre – il y a urgence. Nous devons travailler tous ensemble dès demain dans un contexte de profonds changements des conditions d’accès naturel à l’eau, devenues parfois très difficiles dans les territoires, en métropole comme en outre-mer.
Je pourrais aussi évoquer le secteur de l’éducation, que le gouvernement souhaite mettre au cœur de son action à une époque où la perte de repères dans la société conduit à une perte de sens du métier d’enseignant. Le premier ministre s’est exprimé sur ce sujet à plusieurs reprises. Nous devons renverser cette tendance – je sais que, sur ces bancs, nous sommes nombreux à vouloir y travailler.
Je tiens d’ailleurs à saluer la volonté de compromis du premier ministre qui, à l’invitation de parlementaires des deux assemblées, a souhaité maintenir le nombre de postes d’enseignants en 2025, contrairement à ce qui était prévu dans le budget initialement proposé et débattu dans cette assemblée en 2024 – nouvelle preuve que, lorsque nous nous parlons, lorsque nous nous écoutons et lorsque nous nous respectons, nous pouvons progresser rapidement, dans le sens de l’intérêt général. C’est alors la France qui progresse et sort renforcée.
M. Éric Martineau
C’est vrai !
M. Bruno Fuchs
Notre relation au travail serait elle aussi atteinte, dans un monde où les conditions d’emploi et les perspectives de carrière évoluent de plus en plus rapidement. Nous devons collectivement nous saisir de questions telles que les augmentations pérennes des rémunérations – par une hausse de la productivité –, le partage de la valeur au sein de l’entreprise mais aussi l’organisation du travail, les parcours de carrière ou encore la pénibilité, notamment dans le cadre des discussions sur l’avenir du système de retraite.
Enfin, censurer le gouvernement, c’est prendre une nouvelle fois du retard sur l’amélioration de notre système de santé. Ainsi, à très court terme, la non-augmentation de l’Ondam, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, irait à l’encontre des attentes formulées dans cet hémicycle et du besoin évident et urgent exprimé au quotidien par les Français. À plus long terme, une censure conduirait à l’abandon des travaux menés pour une meilleure organisation pluriannuelle de nos dépenses de santé, intégrant plus largement la logique de prévention, chère au groupe Les Démocrates comme à d’autres groupes de notre assemblée.
Je veux préciser, pour conclure, ce qui fonde à mon sens une bonne aptitude au compromis et au consensus – que nous pouvons tous atteindre, en continuant à travailler au quotidien avec ardeur et détermination.
D’abord, les bases doivent être solides. On ne saurait parvenir à un compromis au détriment des générations futures, en matière environnementale comme en matière budgétaire. Nous avons, individuellement et collectivement, la responsabilité morale, envers nos enfants et nos petits-enfants, de n’aggraver ni la dette écologique ni la dette financière.
Ensuite cela passe par une attitude : il faut écouter et respecter les positions de l’autre, les prendre au sérieux et chercher comment des rapprochements peuvent se faire. Le compromis n’efface pas toutes les différences ; au contraire, une fois que le consensus et le compromis ont été acceptés et signés, les différences sont beaucoup plus légitimes.
Enfin, il faut se rappeler sans cesse que le compromis démocratique ne signifie pas une victoire totale de l’un sur l’autre. Un bon consensus, cela suppose le respect des convictions de l’un et de l’autre. Au Mouvement démocrate, nous serons toujours prêts pour une telle démarche car elle correspond à notre conception de la démocratie et de la vie politique.
J’espère que vous saurez saisir la main qui vous est tendue avec bienveillance et respect mais surtout avec responsabilité face aux engagements qui nous lient devant les Français, et avec espoir pour la France, pour les Françaises et les Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et DR.)
M. le président
La parole est à M. François Jolivet.
M. François Jolivet
Cette énième motion de censure aurait pu faire sourire si la situation de la France n’était pas si grave.
Mme Mathilde Panot
Non, ça ne nous fait pas sourire !
M. François Jolivet
Aujourd’hui, LFI et ses alliés – à moins qu’ils aient le statut d’otage ou de victime –…
Mme Mathilde Panot
Ça ne va pas ? C’est indécent !
M. Pierre-Yves Cadalen
C’est insultant !
M. François Jolivet
…veulent hypothéquer l’avenir du pays sur un post-it. Car comment prendre au sérieux les quelques phrases expéditives de votre texte incendiaire que je vous invite à relire ?
M. Pierre-Yves Cadalen
Quel mépris ! Un peu de respect !
M. François Jolivet
Fort heureusement, je fais partie de celles et ceux qui pensent que ChatGPT ne pourra jamais remplacer Victor Hugo.
M. Pierre-Yves Cadalen
Écoutez-vous ! Vous ne l’avez jamais lu !
M. François Jolivet
Le groupe Horizons & indépendants a, quant à lui, le sens des responsabilités gouvernementales et celui de la réalité sociale, économique, environnementale et bien sûr budgétaire de notre pays. Nous sommes des modérés, ce qui ne signifie pas que nous sommes tièdes mais bien, toutes et tous, des élus engagés pour redresser le pays car nous préférons le redressement à la chute. En clair, nous placerons toujours les hommes et les femmes avant les dogmes, et la France et les Français avant tout.
Il est toujours possible de faire chuter un gouvernement – c’est prévu par la Constitution, par la loi, or nous respectons le droit. En revanche, il est toujours inacceptable de faire dégringoler son pays. En affaiblissant la France – ce qui se paie cash en intérêts d’emprunt –, vous faites un cadeau à nos créanciers. Avec des ennemis pareils, la finance a encore de grands jours devant elle. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Mathilde Panot
Catastrophique, ce discours !
M. François Jolivet
De même, s’agissant des taux de croissance, la prévision pour 2025 est révisée à la baisse, passant de 1,1 % à 0,9 %.
La France, puissance nucléaire dans un monde dangereux où ont lieu des attaques multiples – comme l’a rappelé notre premier ministre – n’a pas de budget : quel exemple !
La continuité dans notre pays est assurée par la loi spéciale qui reconduit toutes les dépenses ayant été engagées, par arrêté ou contrat, avant le 31 décembre 2024. Pour tout le reste, c’est le trou noir. Les dotations d’investissement aux collectivités locales, c’est terminé : au revoir le gymnase, au revoir les travaux sur le bâtiment de l’école, au revoir les emplois créés par ces travaux, au revoir la croissance et bonjour France Travail pour les salariés qui auront été licenciés – cela commence déjà.
M. Maxime Laisney
Qui demande 2 milliards aux collectivités ?
M. François Jolivet
Il est malhonnête de dire que le vote de la censure n’a rien changé. Dans la vie publique comme dans la vie privée, l’inconséquence a toujours un prix. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)
Oui, chers collègues signataires, vous avez réussi un coup politique le 4 décembre dernier grâce à une conception très large de la gauche puisque, sans les voix d’un groupe situé de l’autre côté de l’hémicycle, la motion de censure n’aurait pas été adoptée.
Vous avez mis la France à l’arrêt et vous voulez récidiver. Vous persistez. Tant pis pour les Français les plus modestes, tant pis pour les agriculteurs qui nous alertent depuis plus d’un an, tant pis pour les investissements pour la défense, tant pis pour les territoires ruraux, tant pis pour la Nouvelle-Calédonie et tant pis pour les recrutements d’AESH prévus.
On peut d’ailleurs compléter cette liste avec les annonces faites par le premier ministre lors de sa déclaration de politique générale. Rétablir nos comptes publics ? C’est non. Simplifier la vie des usagers des services publics ? C’est non. Faire exécuter les obligations de quitter le territoire français ? C’est non. Faire confiance aux partenaires sociaux pour améliorer la réforme des retraites ? C’est toujours non. À croire que toute personne qui ne s’appelle pas Jean-Luc Mélenchon ne peut avoir raison. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Arnaud Saint-Martin
C’est méprisant !
M. François Jolivet
Vous n’avez pas de solution de rechange car nul n’est majoritaire dans cet hémicycle et les Français nous ont envoyés ici pour que nous nous entendions. Je souhaite d’ailleurs remercier Olivier Faure pour les propos qu’il a tenus.
Mme Mathilde Panot
Vous pouvez !
M. François Jolivet
Certains privilégient l’affrontement, mais nous sommes encore quelques-uns à préférer le travail au tapage, et à défendre pour chacun de nos départements de petites avancées plutôt que des grands soirs qui ne viendront jamais. Nos électeurs nous ont élus pour agir. (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) La participation considérable aux élections législatives de l’été dernier démontre que la politique est encore un recours.
On ne m’a jamais beaucoup parlé de nos débats sur le fond à l’Assemblée nationale, on a plutôt évoqué nos tapages. En revanche, mes concitoyens me parlent toujours de logement, d’emploi, de santé et d’ordre public mais aussi des retraites.
M. Maxime Laisney
Et vous ne répondez rien !
M. François Jolivet
Dès lors, venons-en à ce sujet. La cote d’alerte budgétaire est atteinte. Le groupe Horizons & indépendants est attaché à la sauvegarde de la retraite par répartition. Il ne s’agit pas de renoncer aux évidences budgétaires et démographiques de notre pays. Tout temps perdu est définitivement perdu.
Toutes les réformes sont contestables mais refuser l’obstacle est condamnable. Nous défendons l’effort – mais un effort juste en matière de retraites. J’ajoute que notre groupe est très attaché aux questions sociales et au dialogue social.
Mme Mathilde Panot
Vous êtes des ennemis de la démocratie !
M. François Jolivet
Ce n’est d’ailleurs pas totalement un hasard si la commission des affaires sociales est présidée par l’un des nôtres.
Notre groupe défend également la recherche des économies. La revue des dépenses publiques doit nous guider. Ce qui est inutile doit disparaître. Nous devons cesser d’emprunter notre niveau de vie, et ce sur le dos de nos enfants et de nos petits-enfants, à qui nous transmettons la charge de rembourser cet argent.
Nous sommes également totalement en phase avec l’objectif de simplification des démarches administratives et nous serons force de proposition auprès de Laurent Marcangeli.
Le mal français, dénoncé par Alain Peyrefitte il y a cinquante ans, a hélas progressé. Et ce n’est pas l’échéance, à mon avis prématurée, d’interdictions en lien avec le diagnostic de performance énergétique le 1 er janvier qui me fera changer d’avis.
Comme le disait le canadien David Easton s’adressant à des parlementaires britanniques : surtout, si l’État n’a plus d’argent – ce qui est notre cas –, veillez à ce que l’administration ne s’occupe pas en créant des normes, car après cela, vous aurez encore moins d’argent. Veillons à faire de cette analyse la nôtre et de cette devise le guide de notre action pour les prochaines années.
De la même manière, la sécurité ne doit pas passer à l’arrière-plan de l’action publique. Je tiens à rendre hommage publiquement à celles et ceux qui nous permettent de vivre en sécurité et qui sont trop souvent la cible d’attaques inacceptables. Les forces de sécurité et leurs familles méritent tout notre soutien et tout notre respect. S’il y a une apologie à faire, c’est sans doute la leur, en priorité, plutôt que de faire la promotion de l’apologie…plutôt que de prôner la suppression du délit d’apologie du terrorisme.
Mme Mathilde Panot
Eh ben ! C’est de plus en plus pénible !
M. Alexis Corbière
Ce n’est décidément pas du Victor Hugo !
M. Jean-Claude Raux
On en est très loin !
M. François Jolivet
Nous soutiendrons les initiatives qui garantiront la sécurité. En particulier, nous serons aux côtés du ministre de l’intérieur et du garde des sceaux pour pourrir la vie des narcotrafiquants. Il est urgent d’assécher le marché des stupéfiants et de rendre notre arsenal pénal plus dissuasif. À titre personnel, je m’étonne que les employeurs qui exigent un extrait de casier judiciaire vierge pour certains emplois ne soient pas informés des condamnations pour consommation de stupéfiants – et cela concerne aussi les administrations. L’usage de drogues est un délit et l’impunité, à tous niveaux, ne doit plus exister.
Le logement peut être un combat collectif gagnant. Nous l’avons démontré ici tous ensemble quel que soit notre groupe. Cette question peut en effet nous rapprocher. C’est d’ailleurs dans cet esprit qu’en tant que rapporteur spécial j’avais réuni tous les groupes parlementaires lors du travail sur le budget pour 2025, afin de relancer la construction de logements neufs. Des centaines de milliers d’emplois non délocalisables sont menacées dans les domaines de l’immobilier, du BTP
Nous sommes parvenus à un accord sur l’extension à tout le territoire du prêt à taux zéro pendant trois ans pour les logements neufs et anciens rénovés. De même, par le biais de la réduction de loyer de solidarité (RLS), nous avons souhaité réduire de 200 millions d’euros l’effort financier pesant sur les bailleurs HLM. Je souhaite que nous retrouvions cet esprit de consensus quand le projet de loi de finances reviendra à l’Assemblée.
Le groupe Horizons & indépendants défend la nécessité d’orienter l’épargne privée vers l’achat de logements neufs en facilitant les donations des grands-parents à leurs petits-enfants, et des parents à leurs enfants, cela pour une durée d’un an. Je sais que le Sénat nous a entendus.
Plus largement, la politique du logement doit être réinventée car trop de Français voient leur projet de vie contrarié ou empêché du fait de difficultés d’accès à un logement. Je pense aux étudiants mais aussi aux familles monoparentales. Il est temps d’agir pour eux.
Sans surprise, le groupe Horizons & indépendants ne votera pas cette motion de censure. La stratégie de la terre brûlée n’est pas nôtre. Je conclurai en citant François Mitterrand qui disait : « L’échec n’est pas d’arriver nulle part, mais de n’avoir pas essayé. » Vous pouvez et pourrez compter sur nous, monsieur le premier ministre, pour essayer, avec le gouvernement, de relever les défis innombrables auxquels nous faisons face. Sachez que mon groupe souhaite votre réussite. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et EPR. – M. Pascal Jenft applaudit également.)
Mme Mathilde Panot
C’était mauvais du début à la fin !
M. le président
La parole est à M. Stéphane Lenormand.
M. Stéphane Lenormand
La déclaration de politique générale du premier ministre ne nous a pas vraiment convaincus, ni sur la forme ni sur le fond ; mais il est vrai que, sans majorité claire, l’exercice était sans doute difficile. Reste qu’en ce qui concerne l’inquiétude des Français sur leur pouvoir d’achat, nous avons obtenu peu de réponses concrètes. Face aux craintes des Français relatives au système de santé, à l’accès aux soins et à la désertification médicale, la hausse de l’Ondam, que nous avons souvent réclamée, est un début de réponse même s’il demeure tant à faire. En outre, aucune réponse n’a été donnée aux malaises des territoires ultramarins, même si l’attention a été portée sur Mayotte.
Pour ce qui est de la réforme des retraites, le premier ministre renvoie à une conférence sociale, un premier pas qu’il faut saluer mais qui n’engage pas le gouvernement dans un calendrier précis. Nous réitérons notre souhait d’une suspension de la mesure d’âge et nous demandons que le Parlement vote une loi une fois terminées les négociations entre les partenaires sociaux – quelles que soient les conclusions auxquelles ces derniers seront parvenus. Il s’agit d’un impératif démocratique – n’oublions pas que nous parlons d’une réforme qui n’a jamais été votée par l’Assemblée.
En ce qui concerne l’anxiété de la jeunesse, pas un mot ni une ligne non plus.
Certes, les collectivités seraient moins pénalisées que prévu, mais vous faites encore d’elles des vaches à lait.
Souffrez d’entendre, monsieur le premier ministre, qu’il y a loin de la coupe aux lèvres.
Face à l’inquiétude et à la colère des Français, au malaise des très petites, petites et moyennes entreprises, à la souffrance des soignants, à la détresse du monde agricole – la liste n’est pas exhaustive –, vous offrez un retour au cumul des mandats et vous ouvrez la porte au scrutin proportionnel, autant de mesures en décalage avec les priorités évoquées par nos concitoyens en circonscription. Concédez que, faute de poule au pot pour tous, vous nous avez servi un pâté de cheval et d’alouette.
M. Alexis Corbière
C’est vrai !
M. Stéphane Lenormand
Nous devons entendre le message exprimé par les Français dans les urnes en juin 2024. Une véritable rupture est nécessaire avec les politiques menées ces dernières années, tant sur la forme que sur le fond. Nous serons intraitables sur l’indispensable surcroît d’écoute, de dialogue, de respect du Parlement. Il faut définir des objectifs partagés et abandonner un centralisme déconnecté. Surtout, vous devrez respecter vos engagements.
Dans les semaines qui viennent, nous serons intransigeants quant aux signaux envoyés. Humilité, responsabilité et transparence doivent guider vos pas et ceux des membres du gouvernement, ainsi que je l’ai précisé mardi dernier. Les députés du groupe LIOT jugeront avec rigueur votre volonté de travailler avec l’ensemble des composantes politiques de l’Assemblée.
C’est dans cet esprit d’ouverture qui nous a toujours caractérisés comme groupe d’opposition-construction, mais aussi conscients de notre responsabilité, dans un pays qui n’a pas de budget, que nous ne voterons pas la motion de censure. Nous ne souhaitons pas vous sanctionner a priori mais sachez, et mes propos l’attestent, qu’il ne s’agit en rien d’un chèque en blanc.
L’examen du projet de loi de finances puis du projet de loi de financement de la sécurité sociale va reprendre. Les députés du groupe LIOT seront vigilants sur le fait que leurs propositions soient entendues et sur votre capacité à répondre de la façon la plus efficace aux urgences des Français – loin de la copie originale du précédent gouvernement.
Nous ne doutions pas que vos ministres et vous-même alliez nous écouter, ce qui est la moindre des politesses, mais ce n’est pas suffisant : il faut également nous entendre. Le pouvoir d’achat se trouve au premier rang de nos préoccupations : il est urgent d’engager des réformes grâce auxquelles les Français puissent faire face à leurs difficultés quotidiennes. Je l’ai également dit mardi dernier, nous souhaitons l’organisation la plus rapide possible d’une conférence sociale nationale sur le partage de la valeur, associant les corps intermédiaires. Il est indispensable de réfléchir aux pistes qui permettront aux entreprises françaises de toutes tailles de produire plus de résultats afin de réaliser ce partage. Le travail doit être plus rémunérateur, ce qui doit apparaître sur la fiche de paie des Français.
Quand on parle de pouvoir d’achat, il ne faut pas oublier l’outre-mer – vous savez que c’est l’ADN de notre groupe –, en particulier la continuité territoriale des biens et des personnes sur laquelle nous attendons toujours des réponses précises.
Nous serons également vigilants sur le budget des outre-mer afin qu’il ne soit pas la portion congrue du budget de la France. Nous vous mettons par conséquent en garde contre toutes les coupes budgétaires qu’avait souhaitées votre prédécesseur. Des signes encourageants viennent du Sénat et nous souhaitons qu’ils soient confirmés par l’Assemblée. Il y a beaucoup à faire pour les collectivités d’outre-mer, vous le savez, monsieur le premier ministre. Je n’évoquerai pas les situations extrêmes de Mayotte et de la Nouvelle-Calédonie…
Vous avez mentionné la nécessité de lutter, à l’échelle de l’Hexagone, contre les narcotrafiquants. Sachez que, pour une bonne partie, cela commence dans les collectivités d’outre-mer (M. le premier ministre acquiesce) , en particulier dans les Caraïbes où, pour faire face à ce fléau, nous manquons cruellement de moyens humains et matériels. Nous voulons des actes plutôt que de grands discours – mais je sais que vous préférez les actes aux paroles.
Nous nous montrerons tout aussi vigilants concernant un autre territoire insulaire : la Corse. La reprise du processus de Beauvau est pour nous indispensable : c’est une demande des élus et du peuple corse.
La hausse de la taxe de solidarité sur les billets d’avion constitue pour les territoires ultramarins et insulaires une ligne rouge que vous ne devez pas franchir, monsieur le premier ministre : cette mesure est pour nous une provocation alors que le prix des billets est déjà faramineux et que, souvent, nos concitoyens ultramarins doivent venir se faire soigner dans l’Hexagone.
Le logement est un problème pour les Français – en particulier pour ceux des territoires ruraux et des territoires ultramarins –, et donc un sujet de préoccupation pour le groupe LIOT. Nous demandons un élargissement du prêt à taux zéro à tout le territoire français.
Le groupe LIOT, c’est évidemment les territoires. Si nous saluons votre intention de diminuer l’effort des collectivités dans le redressement des comptes publics de la France, nous sommes très clairs : il ne doit pas être demandé d’effort supplémentaire. Nous vous appelons d’ailleurs à revenir sur la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).
Pour ce qui est de la vaste réforme de l’action publique que vous voulez engager, nous souhaitons plutôt une vaste décentralisation, travaillée avec l’ensemble des corps intermédiaires et des élus. Cette décentralisation devra comprendre une véritable autonomie fiscale, voire politique, dans les territoires où elle est demandée, avec le renforcement de la démocratie locale, mise à mal par le redécoupage des régions.
L’accès aux soins et l’hôpital constituent la priorité des Français. Nous serons inflexibles sur la débureaucratisation de la santé et sur le lancement, dès cette année, d’un plan grand âge : il s’agit de déterminer une réelle stratégie nationale pour apporter des réponses à des milliers de familles françaises. La désertification médicale demeure un fléau dans bon nombre de territoires, lassés de constater l’impuissance de l’État.
Monsieur le premier ministre, le gouvernement de votre prédécesseur est tombé non pas sur le projet de loi de finances mais sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale. C’est la douloureuse piqûre de rappel que les questions de santé sont désormais l’acmé des tensions de notre société.
En tant qu’ancien enseignant, je ne pourrais guère ne pas évoquer l’éducation nationale, un vaste chantier. Vous avez laissé un bon souvenir de votre passage rue de Grenelle. La non-suppression des 4 000 postes est bienvenue même si vous concédez, et je suis entièrement d’accord avec vous, que le métier de professeur, dévalorisé, ne fait plus recette. Nous comptons sur vous et sur votre ministre de l’éducation pour y remédier. Vous savez en outre que les députés de mon groupe sont attachés – comme vous-même, du reste – au sort réservé à l’enseignement des langues régionales.
Je terminerai mon intervention par les questions budgétaires. Faites attention : la suffisance précède la ruine et l’orgueil, la chute. La suffisance, c’est tabler sur une croissance de 0,9 % quand le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) la limite à 0,6 % ou 0,7 %. L’orgueil, c’est vouloir faire plus que ce qui est nécessaire, de surcroît sans majorité claire. Économiser de 50 à 60 milliards d’euros quand 35 milliards sont nécessaires pour tenir la trajectoire jusqu’à 2029, ce n’est ni souhaitable ni raisonnable. Réduire le déficit public doit être une priorité mais les mesures prises doivent être justes et les recettes supplémentaires, ciblées, notamment quand on est le pays qui prélève déjà le plus d’impôts dans le monde. Les députés du groupe LIOT seront vigilants lors de l’examen du budget – car il faut un budget à la France.
Vous êtes sur un chemin de crête, monsieur le premier ministre. Le groupe LIOT n’est pas le plus nombreux – vingt-trois députés –, ni le moins nombreux ; vous pouvez compter sur sa détermination à travailler pour l’intérêt général.
L’heure est grave. La situation appelle à la responsabilité – la vôtre est grande. Pour reprendre une métaphore d’un pays de marins : le bateau France tangue, il prend l’eau, mais il n’a pas encore coulé et reste beau. Aussi, selon le cap que vous choisirez de prendre, avez-vous la possibilité de le mettre à l’abri et d’en entamer la réparation. C’est tout ce que je vous souhaite car, si vous échouez, nous serons très mal en point puisque les saisons à venir ne nous sont pas favorables – une nouvelle dissolution en 2025 ne changerait rien. De plus, sachant que 2026 est l’année des élections municipales et 2027 celle de l’élection présidentielle, la France court le risque de trois ans d’immobilisme, ce qui serait mortifère pour elle. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. – MM. François Jolivet et Karl Olive applaudissent également.)
M. le président
La parole est à Mme Elsa Faucillon.
Mme Elsa Faucillon
Vous n’avez rien fait, monsieur le premier ministre, pour que les députés du groupe GDR ne votent pas la motion de censure. Mardi dernier, vous avez parlé, longuement, pour ne rien dire de nouveau, rien que Michel Barnier n’aurait pu lui-même déclarer. Nous avons pris nos responsabilités : les communistes, sans grandes illusions, sont venus vous livrer leurs propositions dont vous n’avez rien fait.
En vous nommant, le président de la République savait que vous n’en feriez rien, pour que, surtout, tout reste en place, pour que rien ne bouge. Les cris d’orfraie des députés de la majorité, lorsque les députés du Nouveau Front populaire ont voulu toucher aux héritages dorés ou seulement ciseler une exonération fiscale inefficace, nous reviennent comme un écho.
Vous ne recherchez pas la stabilité, seulement la préservation des intérêts des plus riches. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Alors qu’en sept ans de pouvoir macroniste, les 500 plus grosses fortunes ont doublé et
Oui, les Français sont inquiets ; inquiets pour leur avenir et pour celui de notre pays, non de savoir combien de temps vous resterez à ce poste. Ils vous demandent comment se loger, comment nourrir leur famille, comment avoir un travail rémunérateur et intéressant ; vous leur répondez que les élus pourront de nouveau cumuler des mandats et leurs indemnités. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Nos compatriotes s’inquiètent de leur avenir et de celui du pays, pas du vôtre. Ils sont en colère de constater que, malgré votre pouvoir, vous décidiez de ne pas améliorer leurs vies, que vous soyez si peu à la hauteur de leurs attentes.
Vous avez fait mine de vouloir avancer sur la question des retraites, mais ce n’est pas un jeu, monsieur le premier ministre, c’est une question de vie et de mort. Vous avez parlé de compromis, comme d’autres avant vous avaient parlé de coconstruction pour mieux piétiner la mobilisation sociale et imposer la réforme des retraites à coup de 49.3. Le pays subit encore les soubresauts de cet assaut antidémocratique. Que proposez-vous pour y remédier ? D’abord, un conclave mal ficelé, ensuite, un droit de veto pour le Medef. Dans votre dernière lettre, le flou persiste : il y a tellement de « si » pour que le Parlement puisse enfin se prononcer qu’il est difficile d’y voir clair. Monsieur le premier ministre, les députés veulent enfin voter sur l’abrogation de la réforme des retraites ! (Mme Cyrielle Chatelain et M. Nicolas Bonnet applaudissent.)
Nous n’avions déjà pas confiance, mais vous nous flouez quand même. Vous ne posez pas la question de confiance, comme on le fait dans les démocraties parlementaires, vous la redoutez ; pire, vous croyez pouvoir vous en passer.
Vous avez décidé de tourner le dos aux aspirations populaires et, une nouvelle fois, de ne pas respecter le scrutin des élections législatives anticipées. Vous avez décidé de vous lier à ceux qui exigent la discipline de marché et qui demandent aujourd’hui à faire tomber ce qu’ils appellent la gratuité, oubliant qu’il s’agit des cotisations sociales et de la contribution par l’impôt.
Vous avez décidé de reprendre le budget, ou plutôt le plan d’austérité, de Michel Barnier que nous avons censuré. Vous avez décidé d’empêcher l’Assemblée nationale de discuter des recettes, peut-être parce que vous aviez peur que le NFP…
M. Sylvain Berrios
L’ex-NFP !
Mme Elsa Faucillon
…fasse à nouveau la démonstration de ses capacités à répondre aux besoins.
Non, vous avez préféré annoncer 32 milliards de baisses des dépenses publiques et aujourd’hui, vous cherchez à nous vendre comme un effort gigantesque le moindre renoncement à réduire le nombre d’enseignants. Vous avez même admis qu’il n’y aurait pas assez de candidats au concours. J’ai le sentiment que c’est une manière pour vous d’avouer que vous ne ferez rien pour la rémunération des enseignants et pour leurs conditions de recrutement.
Ce jusqu’au-boutisme a plongé nos comptes publics dans le rouge, tout en alimentant les inégalités et en sabordant les services publics. À cela s’ajoute une gestion calamiteuse de la crise écologique. Aucune de vos annonces ne pourrait mettre un coup d’arrêt à ce qui provoque véritablement le chaos dans ce pays : la pauvreté, la précarité, les licenciements, les bas salaires, la peur pour l’avenir, les effets du réchauffement climatique.
D’ailleurs, dans votre long discours, pas grand-chose, si ce n’est rien, sur le grand défi de ce siècle qu’est la crise climatique. Peu d’ambition, alors que nous connaissons de plus en plus d’épisodes dramatiques : incendies, inondations, cyclones, ouragans. Vous regardez ailleurs, alors que nos compatriotes viennent de vivre l’un des pires événements de leur vie. Quand vous évoquez Mayotte, ce n’est pas pour vous inquiéter du sort de ses habitants, mais pour nous parler d’immigration.
Pendant votre discours, pas un mot sur les énergies renouvelables, la sobriété énergétique, la rénovation thermique des logements, les transports alternatifs à la voiture. Vous n’entendez même pas remettre en cause le modèle agricole qui détruit l’environnement et qui ne permet pas aux agriculteurs de vivre décemment et de produire sainement. Au contraire, vous dénoncez les normes environnementales, faisant le jeu de l’agro-industrie. Pourtant, ces normes sont essentielles pour protéger l’intérêt général, la santé publique et l’environnement.
Certes, les élections de juillet dernier n’ont donné la majorité absolue à aucun bloc. En revanche, une majorité de Français ne veut plus de votre politique, ils l’ont suffisamment dit. Ils aspirent à des services publics renforcés, à des salaires décents et à une retraite plus précoce. Ils ne sont pas tous d’accord sur la manière d’y arriver, mais vous avez décidé de mépriser ces aspirations populaires.
Les attentes sont particulièrement criantes pour les populations ultramarines, qui continuent de souffrir d’un abandon systémique : infrastructures délabrées, services publics insuffisants, pollution durable au chlordécone et séquelles des essais nucléaires. Plutôt que de répondre à leurs aspirations à l’émancipation et à la dignité, vous persistez dans un modèle fondé sur la répression et l’exploitation, comme ce fut le cas en Martinique. Après des mois de mobilisations contre la vie chère, vous décidez d’embastiller le leader du mouvement au lieu de mettre au pied du mur les groupes économiques dominants à l’origine de l’explosion des prix. Quant à Mayotte, affirmer qu’en sabotant le droit du sol vous mettrez fin à l’immigration et à la misère est un mensonge. Non, pour apaiser et protéger, il y a besoin de justice et de réparation.
En matière de diplomatie, la politique macroniste oscille entre l’inaction coupable et des choix désastreux qui aggravent les crises mondiales. Emmanuel Macron adopte une posture digne d’OSS 117, avec une condescendance d’un autre âge. Ses déclarations sur les pays africains qui auraient « oublié de dire merci » ou ses remarques sur les Haïtiens traduisent un mépris colonialiste latent. Ce discours discrédite profondément la diplomatie française. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Vous abandonnez les peuples en lutte pour leur indépendance, qu’il s’agisse des Palestiniens ou des Sahraouis, au profit de calculs stratégiques et économiques cyniques. Le fragile cessez-le-feu à Gaza ne fera pas oublier votre silence complice. Le temps de la justice va venir et la France ne peut pas maintenir une prétendue immunité fonctionnelle de Benyamin Netanyahou pour justifier le refus d’exécuter le mandat d’arrêt délivré contre lui par la Cour pénale internationale. En Palestine et au Moyen-Orient, vous persistez dans une politique étrangère fondée sur un double standard, un « deux poids, deux mesures », qui fragilise les fondements du droit international.
Je finis par votre gouvernement : il sonne comme une provocation. Je pourrais vous parler du retour de Manuel Valls ou d’Élisabeth Borne, experte en 49.3, mais je me concentrerai sur le ministre de l’intérieur. Il est un danger pour notre État de droit, qu’il ne considère ni intangible ni sacré (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS) , une insulte faite à celles et ceux qui luttent contre une colonialité qui marque encore notre rapport aux départements dits d’outre-mer – et pas qu’eux. Renouveler Bruno Retailleau, c’est valider ses complaisances et son alignement coupable avec toutes les théories racistes d’extrême droite. (Mêmes mouvements.)
Mardi, vous avez affirmé, monsieur le premier ministre, qu’Emmanuel Macron avait subi plus de crises que ses prédécesseurs, mais croyez-vous qu’il ne s’agit que de poisse ? Celui qui accapare tous les pouvoirs n’aurait-il pas de responsabilités ? Votre discours de politique générale confirme que vous poursuivez la trajectoire macroniste, entre libéralisme autoritaire, démantèlement social et voie ouverte à l’extrême droite. Tête baissée, vous persistez sans l’infléchir.
Alors nous avons décidé de vous censurer et vous n’avez rien fait pour l’empêcher. (Mêmes mouvements.)
Mme Marie Mesmeur
Bravo !
M. le président
La parole est à M. Maxime Michelet.
M. Maxime Michelet
Après la chute du précédent gouvernement, il aura fallu attendre quarante-deux jours jusqu’au discours de politique générale du nouveau premier ministre. Étonnant attentisme au vu des urgences qui assaillent notre pays et du chaos que d’aucuns promettaient à la France ! Ce long délai n’était pas à la hauteur de la situation que nous vivons, et votre discours de politique générale, monsieur le premier ministre, ne l’était malheureusement pas davantage.
Le premier de vos écueils est de ne pas assumer la rupture avec Emmanuel Macron, pourtant rejeté par deux fois dans les urnes cet été. Au contraire, vous vous montrez élogieux quand vous affirmez qu’il aurait reconstruit l’influence, qu’il a tant abîmée, de la France en Europe. Et vous lui trouvez aussi des excuses, en invoquant des crises que nous ne sommes pas les seuls à avoir connues, mais dont nous serons bientôt les seuls à ne pas nous être relevés.
Votre second écueil est de ne pas proposer de méthode nouvelle. Par exemple, au sujet des retraites, quand vous nous annoncez « une méthode inédite et quelque peu radicale », qu’en est-il ? Un rapport ; une commission.
Votre discours passé, nos craintes sont vives. Nous craignons notamment que votre gouvernement ne s’enferme dans l’immobilisme des vieilles recettes, des vieilles politiques, alors qu’il est plus que jamais urgent de nous réinventer.
Nous craignons aussi que votre gouvernement, enfermé dans ses vieux réflexes, ceux du « en même temps », dérivant toujours à gauche comme le veut la nature du macronisme, ne regarde pas la situation de la France telle qu’elle est.
Que voyons-nous en regardant notre pays ? Nous voyons une France asphyxiée. Asphyxie administrative d’un pays où l’enchevêtrement de normes et de contraintes entrave l’initiative ; asphyxie fiscale d’un pays champion du monde des prélèvements obligatoires et où le travail paie désormais moins que le non-travail ; asphyxie migratoire d’un pays confronté à la fragilité de ses frontières et à l’irrespect de sa souveraineté ; asphyxie sécuritaire d’un pays abandonné à l’ensauvagement et à la violence ; enfin, asphyxie institutionnelle d’un pays livré à une division politique inédite, conséquence des alliances, aussi conjoncturelles que contradictoires, forgées durant le second tour des législatives pour empêcher la première force politique de France – le Rassemblement national et ses alliés – de gouverner.
Les députés du RN et de l’UDR sont pourtant les seuls à avoir sincèrement pris acte du résultat de ces élections, sans chercher à les réécrire.
Dans la motion de censure dont nous débattons, nous pouvons lire qu’« il n’existe [pas] de majorité à l’Assemblée nationale pour prolonger le macronisme ». Le constat est partagé : cette majorité n’existe pas plus dans cette assemblée que dans le peuple. Mais permettez-moi d’ajouter : il n’existe aucune majorité d’aucune sorte dans cette assemblée. Et si nous devions rechercher un gouvernement disposant d’une majorité a priori ,
Nous ne participerons donc pas à ce jeu irresponsable, qui n’a d’autre objectif que la déstabilisation de la V e République, comme l’a admis M. Bompard à cette tribune.
Chers collègues du NFP,…
M. Sylvain Berrios
L’ex-NFP !
M. Maxime Michelet
…rappelez-vous que vous n’avez pas gagné les élections législatives et que vous n’avez aucun début de majorité qui vous permettrait de gouverner. Ne voulant d’ailleurs gouverner avec personne, vous savez en réalité que vous ne pouvez pas gouverner, et vous voudriez donc que personne ne gouverne.
Mme Marie Mesmeur
Surtout pas vous !
M. Maxime Michelet
Mais, déjà, le NFP appartient au passé : loin de pouvoir former une majorité, votre propre coalition se divise contre elle-même. Les socialistes d’aujourd’hui rejoignent les socialistes d’hier :…
M. Mickaël Bouloux