Deuxième séance du jeudi 31 octobre 2024
- Présidence de M. Xavier Breton
- 1. Restaurer un système de retraite plus juste
- Article 2 octies
- Après l’article 2 octies
- Amendements nos 9 et 1
- M. Thomas Ménagé, rapporteur de la commission des affaires sociales
- Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l’emploi
- Amendement no 6
- Rappel au règlement
- Après l’article 2 octies (suite)
- Article 3
- Explications de vote
- Vote sur l’ensemble
- 2. Expulsion des étrangers constituant une menace grave pour l’ordre public
- Rappel au règlement
- Discussion générale
- Reprise de la discussion
- Discussion des articles
- 3. Réduire les contraintes énergétiques pesant sur l’offre locative et juguler leurs effets sur la crise du logement
- Suspension et reprise de la séance
- Présentation
- Discussion générale
- 4. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de M. Xavier Breton
vice-président
M. le président
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1. Restaurer un système de retraite plus juste
Suite de la discussion d’une proposition de loi
M. le président
L’ordre du jour appelle la suite de discussion de la proposition de loi visant à restaurer un système de retraite plus juste en annulant les dernières réformes portant sur l’âge de départ et le nombre d’annuités (nos 284, 475).
Ce matin, l’Assemblée a commencé l’examen des articles, s’arrêtant à l’article 2 octies.
Article 2 octies
M. le président
La parole est à M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis
L’article 2 octies prévoit la rédaction d’un nouveau rapport pour faire une analyse des différentes réformes des retraites, du financement, etc. C’est très intéressant, cependant la propagande du Rassemblement national ne résiste pas à l’épreuve des faits. D’abord, les députés du groupe RN prétendent choisir le chemin le plus rapide et le plus court pour abroger la réforme des retraites qui a porté l’âge de départ à 64 ans. Figurez-vous que le chemin le plus court aurait été d’avoir un gouvernement du Nouveau Front populaire, en nommant Lucie Castets Première ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations prolongées sur les bancs du groupe RN.) Pourquoi n’y a-t-il pas un tel gouvernement ? Parce que le Rassemblement national l’a refusé. Pourquoi y a-t-il un gouvernement de M. Barnier ?
M. Philippe Ballard et M. Emeric Salmon
Parce que vous avez voté pour eux le 7 juillet !
M. Ugo Bernalicis
Parce que le Rassemblement national l’a accepté. (Mêmes mouvements.)
M. Fabien Di Filippo
Chaque fois qu’il y a un problème, on appelle la droite pour rattraper les choses !
M. Ugo Bernalicis
Ensuite, dès lors que le critère de l’urgence est évacué, reste le critère de l’efficacité. Pour que la loi soit effectivement abrogée, il ne suffit pas de voter un texte en première lecture à l’Assemblée ; il faut une navette parlementaire. Je vous l’apprends peut-être, chers collègues, mais il faut que le texte aille au Sénat, puis revienne, s’il n’y a pas de commission mixte paritaire (CMP) à l’issue de la première lecture dans les deux chambres. Or les prochaines niches parlementaires au Sénat pour abroger la réforme portant l’âge de départ à 64 ans auront lieu en décembre 2024 et en janvier 2025. Vous aurez donc l’occasion de vous rattraper, avec la coalition majoritaire – en majorité relative certes, mais en majorité à l’Assemblée nationale – du Nouveau Front populaire, le 28 novembre prochain. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Je me tiens à votre disposition, car je serai le rapporteur de cette proposition de loi d’abrogation…
M. Philippe Ballard
Nous avons dit que nous la voterions !
M. Ugo Bernalicis
…que vous voterez parce que ce circuit-là sera efficace pour abroger effectivement la réforme des retraites. Enfin, nous vous en voulons de ne pas avoir voté l’amendement du groupe LFI-NFP au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) ; nous proposons une base de financement, au moins à court terme, pesant sur les actifs qui gagnent le plus, lesquels paieront une légère surcotisation. Vous l’avez refusé, car vous n’avez pas de proposition pour financer l’abrogation de la retraite à 64 ans, sinon de dire aux femmes de procréer davantage ; c’est inacceptable. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP, ainsi que sur quelques bancs du groupe GDR.)
M. le président
La parole est à M. Benjamin Lucas-Lundy.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Dans la suite de ce qu’a très bien dit M. Ugo Bernalicis, je souhaite à mon tour démontrer le mensonge que vous faites aux Français. Ce n’est pas bien, ce n’est pas beau de mentir. (Protestations prolongées sur les bancs du groupe RN.)
M. Philippe Ballard
Ça vous va bien de dire ça !
M. Benjamin Lucas-Lundy
Quand autant de gens se sont mobilisés contre cette réforme, quand autant de gens en souffrent, faire croire que vous pourriez l’abroger aujourd’hui est un mensonge vraiment répugnant, et qui vous ressemble d’ailleurs. (Vives protestations sur les bancs du groupe RN.) Avant même d’être vidée de sa substance, votre proposition de loi était un coup d’un soir législatif.
M. le président
Ne prenez pas à partie vos collègues.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Je m’exprimerai donc à la troisième personne. Le texte du Rassemblement national était un coup d’un soir législatif, puisqu’il s’agissait de voter aujourd’hui un texte qui n’aurait pas été transmis au Sénat ensuite, et qui n’aurait rien changé à la vie de personne. Or nous sommes à l’Assemblée nationale pour changer la vie de nos concitoyens, pas pour créer des visuels et faire des effets de communication, ou pour permettre à Mme Le Pen d’entamer sa dix-huitième campagne présidentielle. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et SOC. – Protestations sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
Je mets aux voix l’article 2 octies.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 214
Nombre de suffrages exprimés 200
Majorité absolue 101
Pour l’adoption 111
Contre 89
(L’article 2 octies est adopté.)
Après l’article 2 octies
M. le président
Nous en venons à une série d’amendements portant article addionnel après l’article 2 octies.
Je suis saisi de deux amendements, nos 9 et 1, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Philippe Juvin, pour soutenir l’amendement no 9.
M. Philippe Juvin
Il ne faut pas se faire d’illusion : avec le système de retraite par répartition pur, compte tenu de la natalité, la baisse des pensions est inéluctable. Que font alors les riches pour s’assurer une bonne retraite ? Ils économisent, et cela s’appelle de la capitalisation. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Un député du groupe SOC
C’est inégalitaire !
M. Philippe Juvin
Cela existe déjà pour les fonctionnaires, avec le régime de la retraite additionnelle de la fonction publique (RAFP) ou au Sénat, par exemple. Si l’État avait capitalisé comme le Sénat, il aurait réduit son déficit de 40 %. En réalité, économiser permet non seulement de compléter le système par répartition, c’est-à-dire les pensions de retraite, mais aussi de financer l’économie. Je vous propose donc, monsieur le rapporteur, d’étudier l’avenir des régimes de retraite et de compléter le système de retraite par répartition au moyen d’une étude sur la capitalisation collective.
M. Jean-Paul Lecoq
Va-t-on capitaliser le Smic ?
M. Philippe Juvin
Ayez une chose en tête : si nous n’avons pas de capitalisation collective obligatoire, il y aura des gens qui capitaliseront néanmoins ; ce seront les privilégiés, car ils pourront le faire, tandis que vous aurez laissé les autres sur le bord du chemin. (M. Olivier Marleix applaudit. – Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
M. le président
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l’amendement no 1.
M. Fabien Di Filippo
Comme je l’ai dit ce matin, le système de retraite par répartition, étant donné l’évolution démographique qui s’accélère, est condamné. Il nous faut envisager de nouvelles manières pour nos concitoyens de se constituer une retraite solide. Nous le constatons en observant d’autres pays : la capitalisation permet d’atteindre des niveaux de pension bien plus satisfaisants que ce que nous pouvons encore garantir aux retraités en France.
Je souhaite également exprimer un regret. Je sais que les mariages de raison sont les plus longs à se dessiner, mais ce sont souvent les plus solides. Je vois le Rassemblement national et le Nouveau Front populaire se déchirer alors qu’ils portent exactement le même projet (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NFP) en matière de retraite. (M. Pierre Cazeneuve applaudit.) M. Bernalicis vient de publier les bans : dans quelques semaines, le 28 novembre, ils se retrouveront sans doute.
Cependant, nous perdons énormément de temps sur une proposition de loi vide de tout contenu. J’aimerais que nous abordions les sujets des propositions de loi suivantes : les peines planchers ou la clandestinité sont des vrais problèmes dans notre pays. Si l’on se réfère à la promesse que vous avez faite à vos électeurs sur le contenu de cette journée, pour l’instant, le compte n’y est pas. Je ne vois pas pourquoi vous vous obstinez à perdre des heures et en allant au bout de la discussion, alors que nous pourrions aborder des sujets beaucoup plus porteurs. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)
M. le président
La parole est à M. Thomas Ménagé, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour donner l’avis de la commission sur ces deux amendements.
M. Thomas Ménagé, rapporteur de la commission des affaires sociales
MM. Juvin et Di Filippo ont abordé dans l’hémicycle un sujet important. Certains critiquent le débat que nous avons depuis le début de cette journée, mais je pense qu’il est intéressant. Vous avez tous les deux évoqué un sujet qui intéresse les Français. (« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Vous l’avez très bien dit, il faut débattre de la question d’une part de capitalisation collective, pour éviter, bien entendu, que seuls les plus riches se constituent indirectement une retraite par capitalisation, grâce à des produits financiers et par l’intermédiaire de sociétés privées, et pour préserver le niveau de pension de retraite et le niveau de vie des Français. Il faut donc étudier cette question, sur la base du régime de retraite additionnelle de la fonction publique, comme vous l’avez bien expliqué, monsieur Juvin.
Il me semble cependant, comme je l’ai dit lors des débats en commission, que la demande de rapport sur ce sujet n’est pas opportune. En effet, notre travail est d’apporter des solutions et non de les attendre du Gouvernement. Le sujet de la capitalisation collective peut être ouvert.
M. Manuel Bompard
Ah !
M. Thomas Ménagé, rapporteur
Néanmoins, ce qui m’inquiète, monsieur Juvin, c’est qu’il semble difficile, avec un taux de cotisation vieillesse de 28 % du salaire brut, d’ajouter un nouvel étage à la fusée, comme vous le proposez – en effet, nous sommes attachés au système par répartition, donc il s’agirait d’un étage supplémentaire – sans baisser le pouvoir d’achat des Français en diminuant mensuellement leur salaire net. Voilà la difficulté à laquelle nous sommes confrontés.
D’autres pays ont une part de capitalisation, mais comme je l’ai expliqué ce matin, ils ont souvent des taux de cotisation largement inférieurs à ceux de la France : ce taux s’élève à 28 % en France contre 18 % en moyenne dans les pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE.
J’ai souhaité laisser se dérouler le débat sans répondre aux différentes accusations, mais je voudrais désormais répondre sur le financement. Chers collègues de gauche, il n’y a pas que la natalité. Cela devrait vous parler, de soutenir les familles avec des places en crèche, des services publics qui marchent, en garantissant la sécurité dans le pays et en assurant un soutien financier et un pouvoir d’achat à la hauteur, pour qu’elles vivent en bonne santé, dans de bonnes conditions ; je ne comprends pas l’hystérisation dont vous faites preuve sur cette question.
Cependant, il y a d’autres sujets que nous avons mis au cœur de nos capacités à financer notre système de retraite par répartition, comme la question de la productivité. Au cours des cinq dernières années, la productivité dans notre pays et surtout en Europe, a augmenté dix fois moins vite qu’aux États-Unis. Nous sommes donc très en retard. C’est la raison pour laquelle le groupe Rassemblement national veut porter à 3 % du PIB les moyens en matière de recherche et développement.
Nous souhaitons également travailler sur l’amélioration du taux d’emploi pour financer les retraites sans demander plus d’efforts aux Français qui ne peuvent pas en fournir davantage. Je le répète, nous sommes très loin derrière l’Allemagne, où le taux d’emploi est supérieur de 10 points, et les Pays-Bas, où il est supérieur de 14 points. Le Conseil d’orientation des retraites (COR) l’explique très bien : si nous rattrapons les Pays-Bas, 140 milliards d’euros supplémentaires entreront dans les caisses pour financer le système de retraite par répartition.
Enfin, vous avez proposé d’abroger la réforme portant l’âge de départ à la retraite à 64 ans grâce à un gouvernement du Nouveau Front populaire, cependant nous aurions eu une inquiétude : celle que M. Aurélien Rousseau soit votre ministre du travail, alors qu’il était favorable à la retraite à 64 ans, qu’il a instaurée. Nous sommes désolés, mais non : nous ne voulions pas de M. Rousseau comme ministre du travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Avis défavorable.
M. le président
La parole est à Mme la ministre du travail et de l’emploi, pour donner l’avis du Gouvernement.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l’emploi
Cette série d’amendements est intéressante. Il ne faut pas avoir peur des demandes d’études. Je donne donc un avis de sagesse sur l’amendement no 9 de M. Juvin sur la capitalisation collective, comme je le ferai sur l’amendement no 8 de M. Viry portant sur un système universel de retraites par points, car je pense que cela permettra à la représentation nationale et à l’exécutif de mieux prendre des décisions à l’avenir.
M. le président
La parole est à M. Hadrien Clouet.
M. Hadrien Clouet
Aujourd’hui, c’est Halloween.
M. Fabien Di Filippo
Vous importez la culture américaine dans notre pays !
M. Hadrien Clouet
Normalement, Halloween, c’est la nuit des masques, mais il est quinze heures et les masques tombent déjà. En effet, autour de l’article 2 octies, nous voyons se constituer une coalition baroque, de l’extrême droite à la droite dure, de personnes qui sont d’accord, selon les termes du rapporteur, pour examiner la capitalisation des retraites,…
M. Thomas Ménagé, rapporteur
La capitalisation collective !
M. Hadrien Clouet
…soit le fait de jouer en Bourse les revenus de retraite des Françaises et des Français.
M. Fabien Di Filippo
La capitalisation, ce n’est pas la Bourse !
M. Hadrien Clouet
Nous avons entendu vos arguments. Certains nous disent : avec la répartition, on ne trouverait pas l’argent pour les caisses de retraite. Mais d’où viendra alors l’argent de la capitalisation ? C’est l’argent magique. Comment voulez-vous mettre à la banque l’argent que vous ne trouvez pas actuellement ? Peut-être parce que vos amis sont banquiers. Ce n’est que ça, la différence entre ces deux types de projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
J’entends dire : cela aura un rendement à long terme. D’abord, vous ne savez pas calculer à six mois vos résultats électoraux, alors les taux d’intérêt à quinze ans… (Sourires sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Néanmoins, admettons. Vous nous dites : regardez, il y a des pays où les rendements sont de 2 % ou 2,5 %. Mais pourquoi ? Parce que personne ne le fait. Dès lors que tout le monde entre dans un même fonds de pension, le rendement de ce fonds de pension baisse automatiquement. Vous nous proposez donc d’aller vers un système où le rendement des placements que vous aurez pris aux Français sera de 0 %. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Les effets de ce type de politique sont bien connus : vous allez créer une masse gigantesque de capital fictif qui excédera les capacités de production et qui entraînera de l’inflation. Alors, non seulement on aura perdu de l’argent au début, mais on rognera le pouvoir d’achat des pensionnés à la fin. En vous écoutant aujourd’hui, ces derniers auront perdu à deux ou trois, voire à quatre reprises. Pour l’instant, heureusement, il ne s’agit que de leur temps, et pas de leur argent.
Nous voyons bien que ces rapports sont demandés sur consigne du Medef. Du Rassemblement national à la Droite républicaine, tout le monde est d’accord pour jeter l’argent des Français sur les marchés financiers.
Plusieurs députés du groupe EPR
Oh là là…
M. Hadrien Clouet
Mais rassurez-vous : le 28 novembre, nous défendrons la retraite à 62 ans et – surtout – le système par répartition auquel nous ne vous laisserons jamais prendre un centime ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations sur les bancs des groupes RN et DR.)
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
Monsieur Clouet, ces amendements visent seulement à étudier la question. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Avec vos propositions et celles du RN, notre système de retraite va droit dans le mur !
Contrairement à ce que vous prétendez, monsieur le rapporteur, loin d’apporter des solutions, vous aggraverez le déficit de 4 milliards, dès l’année prochaine, et de 16 milliards par an les années suivantes.
M. Hadrien Clouet
C’est de l’argent magique, la capitalisation !
M. Thibault Bazin
Vous évoquez le taux d’activité et le taux de renouvellement des générations, mais, depuis que je siège ici, c’est-à-dire depuis 2017, je ne vous ai jamais entendus vous exprimer sur la politique familiale.
M. Fabien Di Filippo
Ils n’aiment pas la famille !
M. Thibault Bazin
Où étiez-vous quand nous débattions du taux d’activité et de la loi pour le plein emploi ? Vous avez refusé les contreparties au RSA et le plafonnement des aides sociales. En fait, vous ne voulez pas vraiment améliorer le taux d’activité : vous étiez absents à chaque rendez-vous ! Pire, vous votiez contre les solutions !
M. Sylvain Maillard
Eh oui !
M. Thibault Bazin
Si nous proposons d’étudier la question, c’est non pour les banquiers ou le Medef, mais pour les Français ! Nous réfléchissons à toutes les solutions possibles, afin de financer une retraite digne pour tous, qui protège le pouvoir d’achat de ceux qui ont travaillé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. – M. Hadrien Clouet mime un joueur de violon.)
Mme Anne-Laure Blin
Exactement !
M. Hadrien Clouet
Une retraite qui disparaîtra sur les marchés financiers !
M. le président
La parole est à Mme Clémentine Autain.
Mme Clémentine Autain
À mesure qu’il progresse, le débat éclaire la position de chacun. En cohérence avec vos votes sur le budget, les propos du rapporteur du Rassemblement national sur la retraite par capitalisation en disent long sur le modèle que vous promouvez : celui d’un pays où la finance et le privé prendraient le pas sur la protection sociale. Ce n’est pas cela qui permettra aux ouvriers et aux employés d’avoir de meilleures retraites, car vous les appauvrirez.
Vous n’avez qu’un mot à la bouche : la productivité au travail. En bout de course, pour les caissières et les travailleurs à la chaîne, cette obsession signifie qu’ils devront faire plus en moins de temps. La détérioration des conditions de travail de ceux qui font vivre le cœur de notre pays n’est pas acceptable.
Puisque vous évoquez le modèle américain, permettez-moi de rappeler que l’Inflation Reduction Act a permis d’investir des milliards dans les écoles et la transition écologique. C’est précisément ce que vous refusez de faire sur ces bancs. (L’oratrice désigne les bancs du groupe RN jusqu’aux bancs du groupe EPR).
M. Fabien Di Filippo
Vous avez montré François Hollande !
Mme Clémentine Autain
Vous êtes incapables d’avoir un minimum d’esprit public et d’investir pour être non plus productifs, mais plus utiles à nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
M. le président
La parole est à M. Philippe Juvin.
M. Philippe Juvin
Vos fantasmes sur la capitalisation collective trompent les Français qui n’ont pas la possibilité financière de mettre de l’argent de côté.
M. Vincent Jeanbrun
C’est clair !
M. Philippe Juvin
La capitalisation collective est le choix d’économiser ensemble pour l’avenir.
M. Vincent Jeanbrun
Bravo !
M. Philippe Juvin
C’était la position de Jaurès, dans L’Humanité. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Hadrien Clouet
Il est sérieux ?
M. Philippe Juvin
Dans plusieurs articles de 1909, il expliquait que l’une des bases du progrès social était de permettre aux ouvriers d’économiser, afin qu’une fois à la retraite, ils bénéficient de la richesse produite par leur travail. En ne leur disant pas la vérité, en avançant que le système par répartition continuera à les défendre, vous trompez ceux d’entre nous qui sont les plus dépouillés d’avantages personnels. Pour vous – c’est encore un fantasme –, le capital ne peut pas être au service des plus modestes. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR et EPR.)
M. le président
La parole est à M. le rapporteur.
M. Thomas Ménagé, rapporteur
Je souhaite dissiper les incompréhensions des collègues de gauche. Avec Marine Le Pen, nous ne proposons pas d’investir dans des fonds de pension privés, mais nous invitons à une réflexion sur la part de capitalisation collective dans un fonds souverain français, sur lequel nous aurions la main. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Madame Autain, il est évident que la productivité est nécessaire. Sans richesse créée, il n’y a rien à répartir. Si on veut que chacun ait sa part, il faut faire grossir le gâteau. Vous voulez le réduire en le taxant : cette position mènera notre pays à la ruine.
Plusieurs députés du groupe LFI-NFP
Cela n’a rien à voir !
M. Thomas Ménagé, rapporteur
Monsieur Bazin, je n’ai pas compris votre colère au sujet de la part de capitalisation collective.
M. Thibault Bazin
Ce n’est pas moi !
M. Thomas Ménagé, rapporteur
Pardon, j’ai cru que vous m’interpelliez. S’agissant du financement, je vous invite à lire notre contre-budget présenté par Jean-Philippe Tanguy la semaine dernière. Il propose 15 milliards d’économies supplémentaires, qui s’ajoutent aux 60 milliards du budget de M. Barnier. Cela compensera largement les 3 milliards de déficit des retraites pour l’année prochaine, et cela donnera deux ans de vie en plus aux Français. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UDR.)
(Les amendements nos 9 et 1, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président
Sur ces amendements, en raison du grand nombre d’interventions, j’ai donné la parole à deux orateurs pour et deux orateurs contre. Nous repassons à un orateur pour, un orateur contre.
La parole est à M. Aurélien Pradié, pour soutenir l’amendement no 6.
M. Aurélien Pradié
Il s’agit d’un amendement commun, déposé avec huit collègues issus de trois groupes politiques différents ou non inscrits.
L’amendement porte sur les carrières longues, qui ont fait l’objet d’une bataille collective, il y a plusieurs mois. Permettez-moi de présenter la situation actuelle, après la dernière réforme des retraites : si vous avez commencé à travailler à 16 ans, vous cotiserez quarante-quatre annuités et si vous avez commencé à travailler à 17, 18, 19 ou 20 ans, quarante-trois annuités. J’imagine que, comme moi, vous n’y comprenez pas grand-chose.
Parmi les grands perdants de la dernière réforme des retraites figurent ceux qui ont eu une carrière longue, en commençant à 16 ou plus généralement avant 21 ans. La sociologie de ces travailleurs montre qu’ils ont les métiers les plus difficiles, avec des horaires décalés et une faible rémunération.
D’un point de vue intellectuel, il est injustifiable que quelqu’un qui a commencé à 16 ans cotise une année de plus que quelqu’un qui a commencé à 17 ans. Cela n’a pas été corrigé par la réforme des retraites, même si nous étions un certain nombre à appeler à le faire. Le Premier ministre a annoncé qu’il voulait avancer sur la question, mais je ne vois pas pourquoi nous y réfléchissons encore. En plus, cela nous coûte de l’argent. Depuis la dernière réforme des retraites, les études du COR pointent une explosion des dépenses liées aux pensions d’invalidité et aux arrêts maladie, notamment pour ceux qui ont commencé à travailler avant 21 ans. Même si la réforme vous pousse à travailler une année de plus, si votre métier est physiquement difficile, vous ne le pouvez pas. À défaut de pouvoir faire mieux, la demande de rapport vise à mettre fin le plus rapidement possible à ces injustices. (Mmes Stella Dupont et Constance de Pélichy, ainsi que M. Raphaël Schellenberger applaudissent.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thomas Ménagé, rapporteur
Je vous remercie d’évoquer ce sujet majeur. Les personnes ayant effectué une carrière longue, qui ont commencé entre 18 et 20 ans, travailleront aussi deux ans de plus. Faute de pouvoir faire mieux, comme vous l’avez bien dit, je donne un avis favorable à cette demande de rapport.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Je donne un avis de sagesse à ces demandes de rapport.
M. le président
La parole est à M. Hadrien Clouet.
M. Hadrien Clouet
Nous voterons cet amendement posant la question légitime des carrières longues, qui ont été au cœur de la bataille contre la réforme des retraites.
Par ailleurs, je tiens à dire que nous avons été scandalisés par les propos tenus par le Rassemblement national et l’extrême droite en général sur la capitalisation. Une fois ouverte la possibilité de dilapider sur les marchés financiers les retraites des Français,…
M. Thomas Ménagé, rapporteur
J’ai dit l’inverse !
M. Hadrien Clouet
…nos collègues de la Droite républicaine, notamment notre collègue Juvin, se sont engouffrés dans la brèche. La France insoumise ne peut pas le laisser salir ainsi la mémoire de Jean Jaurès. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Les explications que vous avez données sont sorties de leur contexte, ou bien de mauvaise foi – vous connaissant, c’est plutôt la première option. Nous nous réjouissons que vous soyez d’accord avec Jaurès, puisque vous êtes maintenant favorables au groupement associé des travailleurs en vue de contrôler toute la production du pays. Bravo, bienvenue au club ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP, ainsi que sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS.)
Ensuite, vous arguez que Jaurès défendait la capitalisation. Il soutenait plutôt le placement des caisses de retraite dans des rentes d’État ou des rentes industrielles. Il n’y avait pas de fonds de pension !
M. Fabien Di Filippo
On n’a pas parlé de fonds de pension !
M. Hadrien Clouet
Vous n’avez donc pas compris Jaurès – et même si vous l’aviez compris, nous ne serions pas d’accord. Jaurès défendait les caisses de retraite qui pouvaient placer des intérêts, parce qu’à l’époque, l’État était hostile à la classe ouvrière et lui refusait toute institution autonome.
M. Philippe Juvin
C’est exactement ça !
M. Hadrien Clouet
Cette institution a été conquise en 1945 : elle s’appelle la sécurité sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP, ainsi que sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS.)
Elle est directement placée entre les mains des travailleurs associés et élimine, pour toujours, l’usage de la finance et des fonds de pension dans notre pays. Elle a fait de la finance, qui pouvait alors passer pour une force de progrès, une force de régression. La sécurité sociale répond donc à votre question. Votre amendement ne sert à rien, votre lecture de Jaurès a cent ans de retard, vous devriez lire le début et la fin de la page, et enlever le paragraphe que vous citez. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Un député du groupe LFI-NFP
Tel est pris qui croyait prendre !
M. le président
La parole est à Mme Naïma Moutchou.
Mme Naïma Moutchou
J’ai cosigné cet amendement de mon collègue Aurélien Pradié, parce que les carrières longues sont un sujet de protection sociale et de justice économique. Les travailleurs en carrière longue occupent généralement des emplois pénibles et parmi les moins qualifiés. Certes, le temps a permis des améliorations, notamment avec la dernière réforme, mais il existe encore des biais, sans parler de la complexité des règles.
Le cadre financier du système des retraites doit évidemment être préservé, afin de protéger les retraites des Français, mais M. le Premier ministre a ouvert la porte à d’autres améliorations et le rapport demandé vise à avancer sur ce sujet consensuel. L’hémicycle s’honorerait à voter l’amendement à l’unanimité.
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à Mme Danielle Brulebois, pour un rappel au règlement.
Mme Danielle Brulebois
Sur le fondement de l’article 100, relatif à la bonne tenue des débats, je rappelle à mes collègues qu’ils ont un micro et qu’ils doivent prendre garde au niveau sonore. Certains, qui se reconnaîtront, nous agressent par un niveau de décibels insupportable. Ces conditions de travail nous affectent beaucoup. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
Je vous remercie, madame Brulebois, mais je ne sais pas si vous serez entendue.
Après l’article 2 octies (suite)
(L’amendement no 6 est adopté.)
(Mmes Stella Dupont et Constance de Pélichy, ainsi que MM. Aurélien Pradié et Raphaël Schellenberger applaudissent.)
M. le président
La parole est à M. Julien Dive, pour soutenir l’amendement no 7.
M. Julien Dive
Il s’agit d’étudier l’extension du versement de la pension de réversion aux couples unis par un pacte civil de solidarité (pacs). Sur ce sujet j’avais rédigé une proposition de loi en 2019 et déposé des amendements à feu la réforme des retraites d’Édouard Philippe en 2020 puis à celle de 2023, dont on connaît les conditions d’adoption.
La devise Liberté, Égalité, Fraternité est inscrite au fronton de nos mairies. Nos concitoyens sont libres de s’unir comme ils l’entendent. Ils sont de plus en plus nombreux à recourir au pacs, notamment dans le cadre d’une deuxième ou troisième union.
Si le mariage et le pacs instaurent une contribution commune à l’impôt, ce dernier n’ouvre pas droit à une pension de réversion en cas de décès.
Par cet amendement, il est proposé qu’un rapport étudie l’extension du versement d’une telle pension, notamment ses modalités et son coût, afin de rédiger une vraie loi dans quelques mois ou années. (Mme Constance de Pélichy et MM. Aurélien Pradié, Raphaël Schellenberger et Stéphane Viry applaudissent.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thomas Ménagé, rapporteur
Vous abordez un sujet intéressant car, vous l’avez dit, compte tenu des évolutions qui ont eu lieu dans notre pays, le mariage n’est plus la norme centrale. La question d’étendre le versement de la pension de réversion peut se discuter. Toutefois, multiplier les rapports n’a pas nécessairement d’intérêt.
En conséquence, je donne un avis de sagesse.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Je donne également un avis de sagesse. Le Conseil d’orientation des retraites, qui travaille actuellement sur les droits familiaux, rendra ses conclusions au début de 2025.
M. le président
La parole est à M. Hadrien Clouet.
M. Hadrien Clouet
Nous voterons cet amendement qui pose la question importante de l’égalité des revenus entre différentes formes de conjugalité. Notre groupe l’a beaucoup défendue, par exemple l’année dernière dans le cadre de notre proposition de loi visant à déconjugaliser l’allocation de soutien familial.
L’amendement pose la question de l’égalité entre couples mariés et pacsés en matière de pension de réversion. Je ne suis pas surpris d’entendre le rapporteur du RN s’y opposer, même dans le cadre d’une simple demande de rapport. (« Vous n’avez pas écouté ! » et exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. José Beaurain
Le rapporteur a donné un avis de sagesse !
M. Hadrien Clouet
Le Rassemblement national reste le parti qui a combattu le pacs (Vives exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement national) – pardon, je veux dire le Front national, car rien n’a changé entre hier et aujourd’hui. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Le FN, avec tout le ramassis autour de lui, s’est opposé au pacs, à tous les grands progrès des libertés conjugales et d’émancipation familiale, à l’égalité des droits pour les différentes formes de couple, à l’ouverture de la procréation médicalement assistée. (Mêmes mouvements.)
Ce combat d’arrière-garde, qui est mené à quelques mètres de nous, n’est que la fidélité à votre ADN historique – malheureux, mais historique – sur ce sujet comme sur d’autres.
Nous espérons que l’amendement sera adopté. L’égalité doit être absolue et inconditionnelle entre les êtres humains, quelle que soit la forme de conjugalité qu’ils et elles ont choisie. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 7.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 322
Nombre de suffrages exprimés 294
Majorité absolue 148
Pour l’adoption 133
Contre 161
(L’amendement no 7 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Stéphane Viry, pour soutenir l’amendement no 8.
M. Stéphane Viry
L’amendement aborde la question du système universel de retraite à points. Cette solution permet de sortir du brouhaha du régime par répartition. Elle mérite d’être mise sur la table car elle présente des avantages en matière de simplification et de liquidation de droits.
Pour ce qui est des carrières longues, de la pénibilité, de l’égalité entre femmes et hommes, le mécanisme introduit davantage de justice.
Cet amendement, rédigé par des députés de divers groupes, vise à mettre le sujet des retraites au cœur de notre pacte social et républicain. (Applaudissements de Mme Constance de Pélichy et de MM. Aurélien Pradié et Raphaël Schellenberger.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thomas Ménagé, rapporteur
Défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Sagesse.
(L’amendement no 8 n’est pas adopté.)
M. le président
L’amendement no 12 de M. Philippe Gosselin est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thomas Ménagé, rapporteur
Défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Sagesse.
M. le président
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian
Il est difficile de réagir à un amendement qui n’a pas été présenté, mais qui vise encore à passer d’un modèle de retraite par répartition à un modèle par capitalisation.
Comme nous l’avons dit à de nombreuses reprises, nous nous y opposons fermement. Que le fonds soit souverain ou privé, il s’agit toujours de jouer la protection sociale à la roulette des marchés !
Le rapporteur a dit qu’il voulait financer une réforme des retraites par des gains de productivité.
Or la robotisation et l’arrivée de l’intelligence artificielle ont pour effet soit, comme l’a dit Mme Autain, de dégrader les conditions de travail, notamment pour les métiers manuels peu qualifiés, avec une intensification du travail que le corps des salariés ne peut pas supporter ; soit de supprimer des emplois.
Vous ne pouvez pas dire que vous voulez financer la réforme par l’augmentation du taux d’emploi et par des gains de productivité quand ces derniers se fonderont sur des destructions d’emplois, notamment d’emplois de bureau non qualifiés. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)
(L’amendement no 12 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Anne-Laure Blin, pour soutenir l’amendement no 19.
Mme Anne-Laure Blin
La fraude sociale est un vrai serpent de mer, dont on débat mais contre lequel on ne lutte pas assez. Il s’agit de mener une étude précise sur l’ampleur de la fraude aux retraites – la Caisse nationale d’assurance vieillesse l’évalue à 70 millions d’euros.
Dans une période où les finances publiques sont fortement grevées, le Gouvernement doit se saisir de la question et restaurer la justice dans la perception des aides sociales, notamment des pensions de retraite.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thomas Ménagé, rapporteur
Le Rassemblement national, notamment notre collègue Franck Allisio, mène un travail approfondi sur ce sujet essentiel, qui a abouti à un plan antifraude, tant sociale que fiscale.
On le sait, les 13 milliards par an de la fraude sociale permettraient de financer un retour à une retraite à 62 ans.
Mme Sandrine Runel
Et la fraude au Parlement de l’Union européenne ?
M. Thomas Ménagé, rapporteur
S’agissant de la fraude sur les pensions de retraite, le rapport que le Haut Conseil du financement de la protection sociale a publié en juillet 2024 fournit des données suffisantes. Il faut maintenant passer aux actes et nous avons nos propositions en la matière.
Madame Blin, vous avez dit ce matin qu’il était inutile de multiplier les rapports. Soucieux de me mettre en cohérence avec vos propos, je donne un avis défavorable à votre amendement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
Mme Anne-Laure Blin
J’étais contre les comités Théodule !
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
À l’initiative de Gabriel Attal, un Conseil de l’évaluation des fraudes a été instauré l’an dernier.
Le rapport de Dominique Libault répond par ailleurs à ces questions.
Sur le même sujet, enfin, un amendement de M. Cordier, sur lequel le Gouvernement avait émis un avis de sagesse, a été adopté hier dans le cadre de l’examen du PLFSS.
Avis de sagesse.
(L’amendement no 19 n’est pas adopté.)
Article 3
M. le président
La parole est à M. Aurélien Le Coq.
M. Aurélien Le Coq
Nous arrivons à la fin de ce qui a été, durant plusieurs heures, le grand cirque du Rassemblement national, dans toute sa splendeur. (Murmures et exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. Philippe Ballard
Il sait de quoi il parle !
M. Aurélien Le Coq
Vous veniez en nous expliquant que vous comptiez abroger la réforme des retraites. Vous avez fait la démonstration que, depuis le début, vous en êtes incapables. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
La proposition de loi ne prévoit plus que quelques rapports et une taxe sur le tabac. C’est ridicule !
Vous passez votre temps à combattre et à critiquer la bureaucratie, mais, en bons bureaucrates, vous présentez un texte plein de rapports et de paperasse, sans rien qui change la vie des gens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
En plus d’être des clowns, vous êtes des menteurs (Vives exclamations sur les bancs du groupe RN) parce que vous êtes venus ici pour faire semblant…
M. le président
Chers collègues, ne vous en prenez pas directement à vos collègues. Je vous prie de qualifier leurs propos sans les qualifier eux-mêmes !
M. Aurélien Le Coq
Je les qualifie comme je veux, car, monsieur le président, c’est une réalité qui doit éclater !
M. Fabien Di Filippo
Respectez la présidence !
M. Aurélien Le Coq
Jamais ils n’ont compté abroger la réforme des retraites, ni améliorer la vie des gens ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Oui, aujourd’hui, les masques sont tombés. Vous racontez n’importe quoi, et vous l’assumez ! Même Mme Le Pen l’a assumé tout à l’heure. Vous êtes d’accord pour que certains partent à 66 ans – le rapporteur l’a dit ! (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Marine Le Pen fait le signe d’un zéro avec ses doigts.)
Vous êtes d’accord pour que la retraite soit mise dans les mains des banquiers. Quand bien même ils seraient français, le problème n’est pas leur nationalité mais le fait qu’ils soient des banquiers. (Plusieurs députés du groupe RN signifient de la main à l’orateur qu’il doit quitter l’hémicycle.)
M. le président
Cher collègue, je vous invite à conclure.
M. Aurélien Le Coq
Si vraiment vous vouliez vous débarrasser de la réforme des retraites, il fallait, le 8 octobre… (M. le président coupe le micro de l’orateur, dont le temps de parole est écoulé. – Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. Nicolas Turquois.
M. Nicolas Turquois
Durant les quelque cinq heures qu’a duré ce débat, je ne me suis pas exprimé, alors que le sujet me passionne.
M. Fabien Di Filippo
On ne s’en était pas rendu compte !
M. Nicolas Turquois
Notre rapport à la retraite est très lié à notre rapport au travail, donc à la structuration de notre société, des sujets passionnants.
La réforme des retraites adoptée en 2023 est-elle populaire ? Assurément, non ! Il est donc normal que vous puissiez la remettre en question.
Nos concitoyens sont-ils attachés à notre système de retraite par répartition ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe Dem.) Très majoritairement, oui.
M. Fabien Di Filippo
Ce n’est pas la question !
M. Nicolas Turquois
Nos concitoyens sont-ils inquiets pour la pérennité de notre système de retraite par répartition ? Oui, et de façon très significative.
Fallait-il la réformer ? Oui, évidemment.
Le critère d’âge est-il le plus pertinent ? (« Non ! » sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Oui, et vous le savez tous.
Personne ici ne reviendra sur cette réforme ; tout au plus sera-t-elle adaptée, car aucune mesure n’est plus efficace que l’augmentation de l’âge du départ, qui déplace à la fois vers le haut le curseur des cotisations récoltées et vers le bas celui des pensions versées. Tous les pays occidentaux l’ont fait. Notre collègue Sandrine Runel, rapporteure pour avis de la mission budgétaire Régimes sociaux et de retraite, évoquait hier en commission des affaires sociales les initiatives intéressantes prises en matière de pénibilité par l’Autriche ou la Finlande, où l’âge légal de départ est de 65 ans – 67 ans aux Pays-Bas, que le rapporteur Ménagé citait tout à l’heure en exemple pour leur taux d’emploi. M. Bardella lui-même confie régulièrement aux chefs d’entreprise qu’il rencontre afin d’asseoir sa stature l’impossibilité de remettre en cause les dispositions adoptées ! (Brouhaha. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
Veuillez conclure, cher collègue.
M. Nicolas Turquois
Pour autant, il est évident que ce report pose problème : tous ne commencent pas à travailler en même temps, ne s’usent pas à la même vitesse, n’ont pas le même rapport au travail.
M. le président
Merci, monsieur Turquois.
(L’article 3 n’est pas adopté.)
Explications de vote
M. le président
Pour les explications de vote, la parole est à M. Gaëtan Dussausaye.
M. Gaëtan Dussausaye (RN)
Nous achevons l’examen de la proposition de loi, soutenue par le groupe Rassemblement national, visant à abroger l’injuste réforme des retraites d’Emmanuel Macron – celle qui exige toujours plus d’efforts de la France du travail, la France qui se lève tôt. Depuis un an, nos compatriotes devront travailler deux années supplémentaires, en dépit de la dureté des conditions dans lesquelles ils bossent. (Mme Caroline Parmentier applaudit.) Ces débats leur auront révélé toute la vérité : en ce jour de transparence totale, les masques sont tombés.
Mme Sandra Regol
Nous sommes bien d’accord !
M. Gaëtan Dussausaye
Nous avons fait éclater la triple trahison de l’extrême gauche, des membres du Nouveau Front populaire. (« Eh oui ! » sur quelques bancs du groupe RN.) La première a eu lieu lors de l’élection présidentielle de 2022, lorsque gauche et extrême gauche ont fait élire au second tour M. Macron,…
Mme Marie Pochon
Ils vous ont surtout fait perdre !
M. Gaëtan Dussausaye
…candidat dont la seule et unique proposition consistait à porter de 62 ans à 64 ans l’âge légal de départ en retraite. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe UDR.) La seconde s’est produite cette année, à l’occasion des élections législatives, où, durant l’entre-deux-tours, l’extrême gauche et la Macronie ont formé, main dans la main, un parti unique (Mme Sophie Taillé-Polian s’exclame) et permis l’élection non seulement de François Hollande, dont la réforme des retraites, accomplie par Mme Touraine, avait allongé la durée de cotisation des travailleurs, mais de Mme Borne, maître d’œuvre de la réforme des retraites d’Emmanuel Macron.
La troisième trahison est celle que nous vivons aujourd’hui. Le groupe Rassemblement national, aux côtés de Marine Le Pen, vous l’a rappelé : la seule majorité absolue qui existe à ce jour dans cet hémicycle est celle des 55 % de députés élus notamment…
M. Gérald Darmanin
Notamment !
M. Gaëtan Dussausaye
…sur la foi de leur promesse d’abroger la retraite à 64 ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe UDR.) Par votre comportement sectaire (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN), vous empêchez, vous bloquez cette volonté du peuple français. Demain, dans vos circonscriptions, il vous faudra expliquer à vos électeurs…
M. Alexis Corbière
On leur expliquera pourquoi vous n’avez pas voté la censure !
M. Gaëtan Dussausaye
…pourquoi ils devront continuer de travailler deux années supplémentaires, expliquer aux femmes, dont les carrières hachées font les premières victimes de cette réforme injuste, pourquoi, par votre faute, elle n’a pas été abrogée !
M. Alexis Corbière
Pourquoi le Gouvernement n’a-t-il pas été censuré ? À cause de vous !
M. Gaëtan Dussausaye
Nous vous l’avons dit, chers collègues du Nouveau Front populaire, le sectarisme ne viendra pas de notre camp. Pour nous, seuls importent la France et les Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.) La France insoumise compte faire examiner en novembre une proposition de loi visant également à abroger la réforme (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP) : parce que nous considérons avant tout l’intérêt des travailleurs français, nous serons capables, pour notre part, de voter en faveur de ce texte. (M. Alexis Corbière s’exclame.) D’ailleurs, je vous le répète une ultime fois, si celui-ci est adopté, ce sera uniquement, exclusivement, grâce aux voix du Rassemblement national ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Thomas Ménagé, rapporteur
Eh oui !
M. Gaëtan Dussausaye
Nous regrettons, encore une fois, que votre sectarisme nous ait empêchés d’améliorer le quotidien de nos compatriotes,…
Mme Mathilde Panot
Arrêtez de dire n’importe quoi : il n’y a rien dans votre texte !
M. Gaëtan Dussausaye
…mais ce sera à vous de leur rendre des comptes : je suis content que ce procès de la gauche et de l’extrême gauche ait démontré votre culpabilité, prouvé que vous êtes responsables du climat d’injustice sociale que nous connaissons. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN, dont plusieurs députés se lèvent, ainsi que sur les bancs du groupe UDR.)
M. le président
La parole est à M. Hadrien Clouet.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP)
Je commencerai par vous souhaiter un joyeux Halloween : le film d’horreur a débuté tôt ce matin (Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR)…
M. Thomas Ménagé, rapporteur
Tu t’es regardé dans un miroir ?
M. Hadrien Clouet
…par les discours successifs, à la tribune ou au micro, des intervenants d’extrême droite. Cela nous a tout de même permis d’apprendre que Mme Le Pen est ouverte à l’idée d’un départ à la retraite à 66 ans. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.) Vous êtes vos pires ennemis : pour que vous trahissiez ce que vous avez derrière la tête, il suffit de vous laisser parler ! Vous avez ainsi révélé votre penchant pour une capitalisation, partielle ou totale, des retraites des Français en émettant un avis favorable aux amendements prévoyant un rapport en ce sens.
M. Thomas Ménagé, rapporteur
C’est faux : j’ai émis un avis défavorable. Vous vivez dans un monde parallèle !
M. Hadrien Clouet
Vous voulez savoir comment extraire de l’argent des caisses de retraite, l’injecter dans les grands circuits internationaux de crédit et produire le même effet que dans tous les pays où l’on capitalise les retraites, à savoir le départ en fumée d’une bonne partie du magot. Rappelez-vous la crise des subprimes de 2008 : aux États-Unis, ce système a alors fait disparaître 2 000 milliards de dollars.
M. Fabien Di Filippo
La capitalisation, ce ne sont pas les fonds de pension !
M. Hadrien Clouet
Que les gens voient se volatiliser les économies d’une vie, voilà le projet du Rassemblement national ! Des Français, à l’époque, ont subi les conséquences d’une telle politique. Ils avaient placé à l’étranger leur épargne retraite ou investi dans des fonds de pension : certains y ont perdu 50 000 ou 70 000 euros. C’est ce que promet la capitalisation souhaitée par l’alliance entre DR, RN et les quelques amis ici présents de M. Ciotti !
Vous nous avez également parlé des manifestations qui ont eu lieu l’an dernier contre la réforme des retraites – pour les critiquer, les traiter de bazar ou de violences.
M. Thomas Ménagé, rapporteur
Vous dites n’importe quoi !
M. Hadrien Clouet
Sans doute les avez-vous confondues avec les défilés de vos amis du GUD (Groupe union défense). (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.)
Un député du groupe RN
Vous êtes un zadiste !
M. Hadrien Clouet
Une manifestation, c’est quelque chose d’organisé, de paisible, de familial ; vous n’y seriez certes pas les bienvenus, mais ne parlez pas pour autant de ce que vous ne connaissez pas, d’autant que depuis le début de nos discussions, vous avez exclusivement mentionné des syndicats patronaux.
M. Thomas Ménagé, rapporteur
N’importe quoi, une fois encore : j’ai parlé des syndicats de salariés que j’avais rencontrés !
M. Hadrien Clouet
Sur le marché du travail, vos interlocuteurs sont donc les patrons, lesquels, contrairement à la plupart des employeurs du pays, se refusent à mettre un centime dans les caisses d’assurance vieillesse ; cela ne vous empêche pas de travailler avec eux, puisque – voir M. Bardella – vous espérez, en vue des élections, l’appui financier et moral des grands monopoles privés.
Par ailleurs, vous comptez financer les retraites exclusivement – pardon, à 99 %, cela change tout – par la natalité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Thomas Ménagé, rapporteur
En termes de fake news, c’est vraiment un modèle du genre !
M. Hadrien Clouet
Autrement dit, vous comptez sur les naissances pour redresser les comptes dès les prochaines années ; or, collègues, on ne met pas au travail un enfant de 3 ans ou de 5 ans. Même si vous y parveniez, ce n’est pas ainsi que vous rempliriez les caisses de retraite.
M. Fabien Di Filippo
Désolé de voir les choses à long terme !
M. Thomas Ménagé, rapporteur
Gouverner, c’est prévoir !
M. Hadrien Clouet
Surtout, laissez les utérus tranquilles : personne ne vous a rien demandé au sujet du nombre d’enfants que les femmes devraient faire dans ce pays ! Enfin, votre souci de financer les retraites exclusivement par la natalité explique votre attitude depuis le début de l’examen du PLFSS : lundi, mardi, mercredi, vous avez voté contre toutes les propositions visant à instaurer de nouvelles cotisations, même prélevées sur les plus hauts revenus, sur les dividendes, sur le produit des rachats d’actions. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Chaque fois qu’il aurait fallu prendre un euro aux plus puissants pour le verser aux caisses de retraite et concourir à l’abrogation de la réforme des macronistes, vous vous y êtes opposés, main dans la main avec M. Barnier ! (Mêmes mouvements.) S’y ajoutent vos votes contre la hausse du Smic, contre l’indexation des salaires sur l’inflation, contre l’égalité salariale entre les femmes et les hommes,…
M. Laurent Jacobelli
Ce n’est pas possible d’entendre des choses pareilles !
M. Hadrien Clouet
…autant de mesures qui auraient contribué au financement des retraites.
M. Laurent Jacobelli
Va bosser, ça te fera du bien ! Va créer une boîte !
M. Hadrien Clouet
Nous assistons donc à une pantalonnade absolue. Heureusement, le bout du tunnel se rapproche : le 28 novembre, cette assemblée se prononcera sur le rétablissement d’un départ à 62 ans (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP) et l’abrogation de cette réforme illégitime, refusée par les Français. (Plusieurs députés du groupe RN désignent leur montre et font au revoir de la main à l’orateur.)
M. le président
Merci de conclure, cher collègue.
M. Hadrien Clouet
Nous réussirons en partageant les richesses, non en protégeant les grands et les puissants ! Si vous vouliez réellement mettre fin à l’état actuel des choses, censurez le Gouvernement, destituez le Président de la République, plutôt que de trahir… (M. le président coupe le micro de l’orateur, dont le temps de parole est écoulé. – Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP, dont plusieurs députés se lèvent, ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.)
M. le président
Sur l’ensemble de la proposition de loi, je suis saisi par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Jean-Philippe Tanguy
Tiens, voilà François Hollande ! (Sourires sur quelques bancs du groupe RN.)
M. Boris Vallaud (SOC)
Il y a quelques mois, nous nous tenions, dans les rangs de la gauche, aux côtés des Français qui, par les rues, contestaient une réforme dont la violence sociale égalait la brutalité politique : vous n’y étiez pas.
M. Thomas Ménagé, rapporteur
Nous étions dans l’hémicycle !
M. Jean-Philippe Tanguy
Vous les avez plantés, d’ailleurs.
Un député du groupe RN
Maintenant, ils votent pour nous !
M. Boris Vallaud
Nous nous sommes tenus aux côtés des organisations syndicales qui exprimaient à l’unisson leur opposition à cette réforme injuste : vous n’y étiez pas davantage.
M. Laurent Jacobelli
Depuis combien de temps n’avez-vous pas vu un salarié ?
M. Boris Vallaud
Nous avons, au sein de notre assemblée, ferraillé durement, relevé chaque mensonge du Gouvernement, signifié nettement ce qu’était cette réforme ; Jérôme Guedj, ici présent, peut en témoigner. Vous manquiez à ces combats !
M. Jean-Philippe Tanguy
N’importe quoi !
M. Boris Vallaud
Nous continuerons de dénoncer la réforme, guidés, dans la nuit que vous avez voulue, par la seule lumière subsistante, la justice ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Il y avait aujourd’hui dans l’hémicycle quelque chose d’une escroquerie en bande organisée – mal organisée, en définitive, car à aucun moment vous n’aurez proposé l’abrogation de la réforme des retraites, mais seulement quelques obscurs rapports. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
M. Thomas Ménagé, rapporteur
C’est de votre faute !
M. Boris Vallaud
Vous ne savez pas où vous allez, où vous voulez en venir, à force d’être revenus de tout. Vous avez dit tour à tour vouloir la retraite à 60 ans, à 62 ans, à 64 ans, à 67 ans ; la réalité qui vient d’apparaître crûment, c’est que vous voulez la retraite par capitalisation. (Mêmes mouvements.)
M. Laurent Jacobelli
Où est Marisol Touraine ?
M. Boris Vallaud
Au fond, ne prévoyant pas de financement, vous souhaitez diminuer les pensions. Au lieu de votre escroquerie politique, il y avait, pour abroger la réforme, un rendez-vous, que vous avez manqué : la motion de censure ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LFI-NFP.) Vous avez soutenu le Gouvernement ; vous appartenez de fait à sa majorité.
Il y avait aussi une autre forme d’escroquerie institutionnelle : vous n’avez pas de groupe parlementaire au Sénat ! Dès lors, votre initiative était mort-née. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC. – « À qui la faute ? » sur quelques bancs du groupe RN.)
M. Thomas Ménagé, rapporteur
C’est vous qui l’avez tuée !
M. Boris Vallaud
Vous pensez qu’il est possible de gouverner les Français à coups de hochet et de mensonges. En réalité, ils ont besoin non de tuteurs ni de maîtres, mais de guides honnêtes et intelligents. Au cours des débats sur le projet de loi de finances, comme sur ceux relatifs à la loi de financement de la sécurité sociale, vous vous êtes montrés tels que vous êtes : les valets dociles de la Macronie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.)
Un député du groupe RN
Et toi ! Tu as été élu grâce à qui ?
M. Boris Vallaud
Vous vous êtes rangés du côté des rentiers, des multipropriétaires et des très riches, mais en aucun cas du côté de celles et ceux qui n’ont que leur force de travail pour vivre. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.)
M. Thomas Ménagé, rapporteur
Que dit Aurélien Rousseau de ton discours ?
M. Boris Vallaud
Nous sommes contre votre réforme des retraites, contre les mensonges, contre votre esbroufe, contre les faux-semblants, contre les masses qui cachent mal votre vilenie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.) Votre proposition de loi ne rime à rien et ne permettra aucun progrès – surtout pas le progrès social, dont vous n’êtes aucunement les pères. Au contraire, vous êtes les ennemis de la République sociale, comme vous êtes les ennemis de la République ! (M. Laurent Jacobelli s’exclame.)
Les socialistes voteront donc contre cette réforme – et vous pouvez ajouter mon nom et le nom de beaucoup d’autres ici sur la longue liste des ennemis de l’extrême droite (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR), ceux qui ne céderont jamais rien et qui ne mentiront jamais au peuple. Voilà où nous en sommes !
Un député du groupe RN
Ridicule !
M. Boris Vallaud
Messieurs, nous vous souhaitons bien du plaisir ! (Les députés du groupe SOC se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.)
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin (DR)
Vous le savez, je suis très attaché au respect envers chacun. Avant d’en venir au fond – c’est tellement difficile depuis ce matin –, permettez-moi de déplorer le climat entretenu dans cet hémicycle et les attaques personnelles infondées sur des sujets aussi graves, aussi complexes, qui mériteraient pourtant moins d’hystérie.
Mme Olivia Grégoire
Il a raison !
M. Thibault Bazin
Sur le fond, il faut dire la vérité : nous venons de débattre pendant près de cinq heures pour rien !
M. Hervé de Lépinau
À qui la faute ?
M. Thibault Bazin
Pourquoi avez-vous maintenu en séance une proposition de loi qui a été complètement vidée de sa substance, il y a une semaine, en commission ?
M. Philippe Vigier
Eh oui !
M. Thibault Bazin
Pour quelle utilité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.) Ce matin, vous avez fait semblant de revenir sur la réforme des retraites de 2023. Soyons sérieux : juridiquement, il n’en est rien. Cela ne révèle-t-il pas, en définitive, un problème de crédibilité ? (Mme Marie Pochon applaudit.) Il est toujours facile d’être majoritaire lorsqu’il s’agit de s’opposer, mais bien plus ardu de trouver des majorités pour soutenir des propositions sérieuses, crédibles, élaborées dans l’intérêt des Français, en vue d’assurer la pérennité du système de retraite. Car ce qui doit nous réunir, c’est bien l’intérêt des Français. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)
Quel aurait été l’impact de votre proposition de loi initiale ? Vous avez esquivé ce sujet toute la matinée. Pourtant, là est le principal écueil de votre texte : son défaut de financement.
M. Philippe Vigier
Très bien !
M. Thibault Bazin
Le déficit serait encore plus élevé qu’actuellement ! En effet, si votre proposition de loi, dans sa rédaction initiale, était adoptée, nous aurions 3,4 milliards supplémentaires de déficit dès 2025, et près de 16 milliards par an à long terme. Ce n’est pas un petit sujet pour l’avenir de nos retraités !
M. Thomas Ménagé, rapporteur
Il faut faire des économies, monsieur Bazin !
M. Thibault Bazin
Quelles conséquences ce déséquilibre aggravé des caisses de retraite aurait-il pour les Français ? Soyons clairs : il en résulterait soit une baisse des pensions pour les retraités, soit une augmentation des cotisations, c’est-à-dire une baisse du pouvoir d’achat, pour les actifs. Voilà la réalité. Et ce n’est pas acceptable !
M. Laurent Jacobelli
Tu as changé Thibault !
M. Thibault Bazin
Non, je n’ai pas changé ! Relisez mes interventions des années précédentes sur ce sujet : je suis toujours resté cohérent (Applaudissements sur les bancs du groupe DR), parce que la cohérence est aussi un gage de crédibilité sur le long terme.
Si nous adoptions votre proposition de loi, nous condamnerions les retraités à ne plus voir leurs pensions revalorisées, et ce durablement. Voilà la réalité que vous tentez de masquer ! C’est l’exact contraire de ce que nous souhaitons et de ce qui devrait nous rassembler.
C’est pourquoi le groupe Droite républicaine s’opposera à la présente proposition de loi, qui menacerait le pouvoir d’achat des retraités, comme des actifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. Emeric Salmon