Deuxième séance du lundi 10 février 2025
- Présidence de M. Xavier Breton
- 1. Renforcement de la sûreté dans les transports
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de M. Xavier Breton
vice-président
M. le président
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
1. Renforcement de la sûreté dans les transports
Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’une proposition de loi adoptée par le Sénat
M. le président
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports (nos 134, 636).
Présentation
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé des transports.
M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports
Je me présente aujourd’hui devant vous dans un rôle particulier : celui de défendre, en tant que ministre, une proposition de loi dont j’ai été, comme sénateur, l’auteur et le rapporteur pour avis. Avant toute chose, je tiens à saluer le travail réalisé par la commission des lois de l’Assemblée nationale sur ce texte et j’ai une pensée pour Clément Beaune, qui en a été le rapporteur. La proposition a connu bien des embûches, avec la dissolution du 9 juin, qui a marqué un premier coup d’arrêt, puis avec la censure du gouvernement en décembre, qui en a de nouveau décalé l’examen. Nous y sommes à présent et je souhaite que nous réussissions à la faire adopter au sein de votre hémicycle.
Je veux remercier et saluer le rapporteur Guillaume Gouffier-Valente, qui a réalisé un travail remarquable et qui s’est fortement impliqué sur une thématique qui dépasse les clivages politiques. Je rappelle, en effet, que cette démarche s’inscrit dans la continuité du travail précurseur commencé par Gilles Savary et Bruno Le Roux en 2016. Ces députés socialistes avaient alors posé les premiers jalons d’une politique de sécurité dans les transports, démontrant que la sûreté n’est ni de droite ni de gauche, mais que c’est une exigence républicaine.
Depuis, le Parlement a accompli plusieurs avancées, avec la loi d’orientation des mobilités en 2019, la loi pour une sécurité globale préservant les libertés en 2021, et la loi relative aux Jeux olympiques et paralympiques (JOP) en 2023. Ces lois ont permis de renforcer le continuum de sûreté dans les transports, notamment grâce à l’utilisation des nouvelles technologies, mais de nombreux défis doivent encore être relevés.
La réalité est implacable : en 2024, 110 000 personnes ont été victimes de vol, de violence ou d’escroquerie dans nos transports. Plus inquiétant encore, 87 % des femmes déclarent avoir déjà été victimes de harcèlement sexiste ou sexuel dans les transports. Les violences sexuelles et sexistes, dans les transports publics, sont en nette augmentation : elles ont progressé de 15 % sur la seule année 2023. Et les derniers chiffres sont alarmants, puisque les agressions sexuelles ont connu, dans l’ensemble de notre pays, une augmentation de 6 % en 2024.
En parallèle, les agressions contre nos agents augmentent de manière préoccupante : chaque semaine, en moyenne, quatre conducteurs de bus sont agressés physiquement ou verbalement sur le seul réseau de surface de la RATP. Cette triste réalité ne peut plus durer. Ces chiffres ne sont pas de simples statistiques : derrière eux, il y a des vies bouleversées, des libertés entravées, des droits fondamentaux bafoués.
Mme Élisa Martin
Justement !
M. Philippe Tabarot, ministre
Quand une femme renonce à prendre le RER le soir par peur, c’est une forme d’assignation à résidence inacceptable dans notre société. Quand un conducteur de bus hésite à prendre son service par crainte d’une agression, c’est notre pacte social qui est menacé.
M. Ian Boucard
Il a raison !
M. Philippe Tabarot, ministre
Cette proposition de loi, je l’ai construite sur le terrain. Elle n’est pas née dans un bureau, mais au contact des agents, des usagers, des opérateurs.
M. Ian Boucard
La vraie vie !
M. Philippe Tabarot, ministre
Je l’ai élaborée en écoutant ceux qui, chaque jour, font vivre nos réseaux de transport et ceux qui chaque jour utilisent les transports pour se déplacer. Ce n’est pas une loi théorique : ce sont des mesures concrètes pour protéger ceux qui nous transportent et ceux qui voyagent.
Les mesures que nous proposons sont pragmatiques et équilibrées. Elles visent à renforcer les prérogatives des services de sûreté, à déployer des innovations technologiques au service de la sécurité et à instaurer des sanctions plus dissuasives contre les comportements qui minent le quotidien de nos concitoyens.
M. Sylvain Maillard
Très bien !
M. Philippe Tabarot, ministre
Parmi les avancées majeures, ce texte propose de renforcer les prérogatives des agents du service de la surveillance générale – Suge – et du groupe de protection et de sécurité des réseaux – GPSR –, qui sont en première ligne. La situation actuelle est parfois absurde : un agent peut constater une infraction dans une gare, mais il est impuissant dès que le contrevenant en franchit les murs. Cette limitation n’a pas de sens.
Cela me rappelle un événement tragique qui m’a profondément marqué et qui illustre dramatiquement les conséquences de ces limites absurdes. En octobre 2017, alors vice-président de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, j’ai été marqué par l’attentat de la gare Marseille-Saint-Charles : deux jeunes cousines, Laura Paumier et Mauranne Harel, ont été sauvagement assassinées sur le parvis de la gare. Lorsque je me suis rendu sur place dans les heures qui ont suivi le drame, les agents de la police ferroviaire m’ont expliqué qu’ils n’avaient pas pu intervenir parce que leurs prérogatives s’arrêtaient aux limites de la gare. Pourtant, le drame s’est déroulé à quelques mètres seulement de leur périmètre d’intervention.
Ces agents sont habilités à porter une arme et maîtrisent parfaitement la procédure pénale, mais ils ont été contraints à l’inaction par des barrières administratives incompréhensibles. Cette tragédie nous rappelle cruellement que la sécurité ne peut pas s’arrêter à des frontières artificielles.
M. Sylvain Maillard
Bien sûr !
M. Philippe Tabarot, ministre
Les criminels, eux, ne s’embarrassent pas de ces délimitations administratives. C’est pourquoi je suis convaincu que nous devons établir un véritable continuum de sécurité, dans lequel chacun doit trouver sa place en fonction de sa formation et de ses prérogatives : agents de la police nationale et de la police municipale, agents du service interne de sécurité de la SNCF et de la RATP, agents de sécurité privée.
Certaines autorités organisatrices ont également exprimé le souhait de se doter d’agents compétents en matière de sûreté. Dans un contexte d’ouverture à la concurrence, il est vrai que la question se pose, alors que le nombre d’entreprises ferroviaires va augmenter dans les années qui viennent. M. le rapporteur demandera, par voie d’amendement, que le gouvernement remette, d’ici dix-huit mois, un rapport sur les conséquences en matière de sûreté dans les transports de l’ouverture à la concurrence des transports en commun en Île-de-France. Il importe en effet de prendre le temps de réfléchir sereinement à la question des compétences, en se référant notamment à ce que font d’autres pays confrontés à la même problématique. Notre responsabilité est de tirer les leçons du passé pour éviter que de telles tragédies ne se reproduisent.
Nous aurons également l’occasion de discuter de la possibilité de saisir des objets dangereux.
M. Julien Odoul
Bon courage !
M. Philippe Tabarot, ministre
Sur ce sujet, les chiffres sont alarmants. La SNCF rapporte une croissance exponentielle des signalements d’objets dangereux, qui sont passés de près de 1 500 en 2018 à plus de 4 000 en 2023. Hachoirs de boucher, pics à glace, couteaux, battes de baseball : les exemples sont aussi nombreux qu’inquiétants. Pour la seule année 2023, 1 342 individus ont ainsi été remis aux forces de sécurité intérieure pour port d’arme prohibée, représentant 23,5 % des interpellations effectuées par les agents de sûreté ferroviaire. Il est impératif de permettre la saisie de ces objets.
Nous proposons aussi de pérenniser le recours aux caméras-piétons pour les agents de contrôle. Ce dispositif a déjà fait ses preuves, puisqu’on note une baisse de 35 % des accidents du travail pour atteintes ou outrages chez les agents qui en sont équipés. Ce n’est pas seulement un outil de protection, c’est aussi un puissant moyen de dissuasion et de prévention. L’expérimentation de ce dispositif entre 2021 et 2024 a montré son efficacité, à la fois pour prévenir les situations de tension et pour les apaiser si elles surviennent. Les opérateurs ayant pris part à l’expérimentation font état de retours unanimement positifs et un rapport qui en fait le bilan a été transmis au Parlement.
La proposition de loi prévoit en outre la création d’un délit d’incivilité d’habitude. À titre d’exemple, sera réprimée la commission répétée des délits suivants : circuler dans les transports sur une trottinette ou un vélo, introduire un animal dans les transports, tirer un signal d’alarme sans motif légitime, ou encore fumer.
M. Sylvain Maillard
Eh oui, les règles doivent être respectées !
M. Philippe Tabarot, ministre
L’ensemble de ces incivilités, malheureusement fréquentes, mine le quotidien de nos usagers. Ce sont ces infractions répétées qui, par leur accumulation, dégradent considérablement la qualité du service et le bien-être des voyageurs.
Ce texte prévoit également que nous puissions procéder à des interdictions d’accès aux transports en commun pour tous les délinquants, pickpockets ou frotteurs. Nous ne devons plus attendre qu’une infraction soit commise avant d’intervenir.
La problématique des bagages abandonnés, qui est loin d’être anecdotique, est également abordée. En 2024, la SNCF a recensé 20 000 objets délaissés et ce chiffre est en constante augmentation depuis plusieurs années. Pour la seule année 2024, ces objets abandonnés ont engendré près d’un demi-million de minutes perdues et affecté 30 000 trains. Pour la RATP, le traitement des objets délaissés représente l’équivalent d’un mois d’interruption de la ligne la plus utilisée, comme le rappelle régulièrement son président-directeur général, Jean Castex.
M. Erwan Balanant
L’excellent Jean Castex !
M. Philippe Tabarot, ministre
En 2023, 46 % des objets délaissés dans le réseau RATP ont entraîné une interruption de trafic. Au-delà des perturbations qui affectent les usagers des transports en commun au quotidien et qui constituent un frein à l’utilisation de ces modes de déplacement, la présence de bagages est également un défi en matière de sûreté. J’ai le souvenir d’un engin explosif découvert en gare de Bordeaux Saint-Jean l’an passé, qui a provoqué l’évacuation de 1 000 personnes et l’intervention d’une équipe cynotechnique. Et ce n’est pas qu’un cas d’école.
La mobilisation des équipes cynotechniques contribue à lever le doute sur la nature des bagages, mais, face à l’ampleur de ce phénomène, il convient de proposer d’autres solutions, avec l’aide des nouvelles technologies. Je pense notamment à l’étiquette avec QR code, qui permettra de recueillir le numéro de téléphone des voyageurs en toute confidentialité, en protégeant leur anonymat, et de contacter toute personne qui aura oublié son bagage.
Un député du groupe RN
Nous voilà rassurés !
M. Philippe Tabarot, ministre
Je souhaite insister sur un point : ces mesures ne constituent en rien une atteinte aux libertés. Au contraire, elles visent à garantir la première des libertés, celle d’aller et venir sereinement. En effet, comment pouvons-nous encourager nos concitoyens à privilégier les transports en commun, comment pouvons-nous réussir notre transition écologique et atteindre nos objectifs de décarbonation, si la peur règne dans nos bus, nos métros et nos trains ?
Au-delà des mesures qui seront adoptées dans ce texte, les réflexions et les débats qui l’ont entouré ont déjà permis de retravailler notre modèle. J’ai engagé la semaine dernière avec les opérateurs, l’Imprimerie nationale et nos services, un travail visant à améliorer le dispositif Vérif permis, qui permet aux opérateurs de vérifier la validité du permis de conduire de leurs salariés. En effet, il n’est pas acceptable que des chauffeurs qui se sont vu retirer leur permis puissent, à l’heure où nous parlons, continuer de conduire des transports publics et de mettre en danger la vie de dizaines de personnes.
M. Ian Boucard
Incroyable !
M. Philippe Tabarot, ministre
Je souhaite également définir avec les forces de l’ordre une méthode qui leur permette d’intervenir plus aisément et de réaliser des contrôles d’identité au profit des opérateurs de transport. Pour ces derniers, en effet, la principale difficulté réside dans le fait que leurs agents ne sont pas habilités à effectuer ces contrôles : lorsqu’un fauteur de troubles, un contrevenant, ne veut ou ne peut prouver son identité, il faut faire appel à des officiers de police judiciaire (OPJ), qui la plupart du temps ne sont pas en mesure de se rendre rapidement sur place, si bien que l’auteur de l’infraction repart sans avoir été sanctionné.
Je rappelle, par ailleurs, que, chaque année, la fraude fait perdre à ces mêmes opérateurs près de 800 millions d’euros, soit un coût considérable et inacceptable. En raison du manque de fiabilité des adresses communiquées par les contrevenants, le taux de recouvrement des amendes n’atteint pas 10 % ! Il importe de consolider le dispositif Stop fraude, lancé début janvier : autoriser les agents assermentés des exploitants de services de transport à vérifier les informations en présence du contrevenant, notamment au moment du contrôle du billet, enverra un message clair et marquera la fin d’une impunité que certains croient acquise.
Au moment où nous devons relever le défi de la transition écologique, au moment où les transports sont ouverts à la concurrence, nous ne pouvons plus nous permettre d’avoir des angles morts dans notre politique de sûreté. Cette proposition de loi ne constitue pas une fin en soi : elle s’inscrit dans une stratégie plus large de modernisation et de sécurisation des transports publics. Je forme le vœu que nous puissions ensemble, au-delà de nos différences et des clivages politiques, élaborer ce nouveau pan de la politique de sûreté des transports, car la sécurité au quotidien est une exigence de justice sociale, une condition de l’égalité républicaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR, ainsi que sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)
M. le président
La parole est à M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
Chaque jour, pour se rendre à leur travail ou sur le lieu de leurs études, pour partir en vacances ou retrouver des proches, des millions de nos concitoyens prennent les transports, qu’il s’agisse du train, du métro, du bus, du tramway ou encore d’une navette fluviale. En vue de réduire les émissions de gaz à effet de serre, nous les encourageons à se déplacer ainsi plutôt qu’en voiture, et les résultats sont là.
Afin d’assurer le développement de ces pratiques, il est nécessaire de garantir aux usagers le plus haut niveau de sécurité, le meilleur niveau de fonctionnement des transports. C’est tout le sens de l’engagement des agents des opérateurs, quotidiennement au service de nos concitoyens pour assurer la sérénité de leurs trajets. Je tiens à les saluer et à les remercier de leur disponibilité tout au long de nos travaux.
Cette proposition de loi à l’initiative de Philippe Tabarot quand il était sénateur – fin connaisseur du sujet, il est aujourd’hui ministre chargé des transports – vise à renforcer les prérogatives des opérateurs et de leurs agents afin d’améliorer la sécurité et le fonctionnement de nos transports. Elle a été adoptée par le Sénat le 13 février 2024 et notre commission des lois y a travaillé à son tour, d’abord sous la précédente législature – je salue le rapporteur de l’époque, Clément Beaune –, puis sous la législature actuelle, où nos débats constructifs ont conduit à l’adopter à une large majorité le 27 novembre 2024. Je ne doute pas que notre travail en séance publique sera l’occasion de clarifier et d’améliorer encore ce texte attendu par les usagers comme par les agents. Néanmoins, plus de deux mois s’étant écoulés depuis nos travaux en commission, permettez-moi d’en rappeler le contexte.
Essentiels à la mobilité, les transports en commun n’en sont pas moins profondément vulnérables. Les gares, qui concentrent un grand nombre de personnes dans un endroit souvent fermé, carrefours d’échanges et théâtres d’activités variées, sont des lieux structurellement fragiles, exposés aux incivilités, à la délinquance, au terrorisme. Les véhicules, exigus, clos, parfois déserts, parfois très fréquentés aux heures de pointe, se prêtent à de nombreuses formes d’incivilité outre les vols, les agressions, et les atteintes sexistes et sexuelles. Les passagères, tout particulièrement, peuvent s’y sentir menacées : en France, 87 % d’entre elles déclarent avoir déjà été victimes de harcèlement sexiste ou sexuel, d’agression sexuelle ou de viol.
Vous l’aurez compris, la question de la sûreté dans les transports est déterminante aussi bien pour assurer la sécurité des usagers que pour garantir le bon fonctionnement du service. D’après les données recueillies en 2023 par l’observatoire de la mobilité de l’Union des transports publics et ferroviaires (UTPF), ce qui guide le choix d’un mode de transport est en premier lieu la sécurité. Les deux aspects de la question sont liés puisque le « continuum d’insécurité » entraîne nombre d’interruptions du trafic et d’incidents qui perturbent les trajets de nos concitoyens.
Disons-le clairement : si les chiffres de la délinquance dans les transports diminuent, la gravité des actes augmente, au point que 32 % des personnes interrogées par l’UTPF associent le terme « insécurité » aux transports publics. Au-delà de ce fort sentiment d’insécurité,…
M. Julien Odoul
Ce n’est pas un sentiment !
M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur
…il existe une insécurité réelle : pour la seule année 2023, on recense 90 889 victimes de vol sans violence, 6 416 victimes de vol avec violence, 7 620 victimes de coups et blessures volontaires, 2 407 victimes de violences sexuelles, 4 199 dépositaires de l’autorité publique victimes d’outrage ou de violence. L’Île-de-France, particulièrement touchée, concentre en général plus de la moitié des faits. En outre, je le répète, les opérateurs voient chaque jour le trafic perturbé par des incivilités volontaires ou involontaires.
Il est important d’avoir ce contexte en tête au moment d’examiner cette proposition de loi, qui s’inscrit dans la continuité de la loi du 22 mars 2016, dite Le Roux-Savary, et que notre commission a enrichie en adoptant quatre-vingt-six amendements issus de divers groupes. Je profite de cette occasion pour saluer l’engagement de nos collègues sur ce sujet du quotidien qui importe à nos concitoyens, usagers et agents.
Sans être exhaustif, permettez-moi à présent de revenir sur le fond du texte, divisé en trois grandes parties. La première comprend des dispositifs de nature régalienne visant à adapter les règles d’intervention des agents de sûreté de la Suge et du GPSR. Au regard de l’évolution des comportements auxquels ces agents sont confrontés, ces mesures sont nécessaires : nous devons donner à ces professionnels les moyens de mener à bien leurs missions.
C’est pourquoi je me félicite que la commission ait adopté les trois premiers articles de la proposition de loi, qui les autoriseront à effectuer des palpations de sûreté, à évincer efficacement et durablement de l’emprise des gares les auteurs de troubles à l’ordre public et à poursuivre ces derniers aux abords des gares lorsque le caractère urgent et inopiné des faits le justifie.
Il est indispensable de rétablir l’une des dispositions que la commission a supprimées : la possibilité pour ces agents de saisir des objets considérés comme dangereux. Je vous proposerai donc de réintégrer cette mesure dans le texte en en renforçant l’encadrement.
D’autres dispositions de la première partie prévoient de renforcer le continuum entre les forces de sécurité et les autorités administratives susceptibles d’intervenir dans la gestion des transports : sur ces dispositions, je ne vous proposerai que des amendements de précision, de manière à conserver l’équilibre obtenu par la commission.
La deuxième partie du texte vise à clarifier le recours à de nouvelles technologies et constitue un pas déterminant dans l’utilisation des outils numériques pour assurer la sécurité des usagers comme des agents. Nous avons adopté la pérennisation, attendue, des caméras-piétons pour les agents de contrôle, ainsi que leur expérimentation pour les conducteurs d’autobus et d’autocar. Je regrette, en revanche, que la commission ait supprimé l’article 11 qui prévoyait l’expérimentation d’un système silencieux de déclenchement de la captation sonore de l’habitacle des conducteurs de bus en cas d’agression. J’ai entendu les craintes des commissaires aux lois : je proposerai le rétablissement de cette mesure rendue indispensable par la hausse des violences subies par ces agents, mais sous une forme plus encadrée.
Concernant les articles 9 et 10, je maintiens que les technologies dont ils traitent sont d’une réelle utilité en matière de sûreté des transports mais que nous n’avons pas besoin d’en faire mention dans la législation, d’où la suppression de ces dispositions.
La troisième partie prévoit des dispositifs nécessaires à l’amélioration du fonctionnement et de la continuité du service : il s’agit notamment de mieux lutter contre les incivilités du quotidien, sources de tensions et d’insécurité, les abandons de bagages, qui perturbent régulièrement les transports, et la fraude tarifaire, qui coûte aux opérateurs des centaines de millions d’euros.
Si nous avons amélioré et précisé la rédaction de ces articles afin de les rendre plus opérants, je souhaiterais voir supprimer les peines d’emprisonnement excessives figurant dans les articles 12 à 15 et réduire les sanctions prévues à l’article 14. Quant aux articles relatifs à la lutte contre la fraude, véritable point noir de notre politique des transports, je vous invite à élaborer avec le gouvernement une rédaction aussi juste et efficace que possible.
Cette proposition de loi présente des mesures concrètes et pragmatiques en vue d’améliorer la sûreté dans nos transports publics et de garantir, autant que possible, leur meilleur fonctionnement. Elle peut, bien entendu, faire l’objet d’ajustements et d’améliorations. Elle ne nous dispense pas d’une réflexion plus large – vous l’avez évoquée, monsieur le ministre – sur le devenir de notre politique de sûreté dans les transports alors que se dessine l’ouverture à la concurrence : j’ai déposé un amendement pour demander au gouvernement un rapport sur ce point.
Je sais pouvoir compter sur vous, chers collègues, pour que nous ayons un débat aussi constructif que possible…
M. Sylvain Maillard
Évidemment !
M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur
…sur ce sujet qui concerne la vie quotidienne de nos concitoyens et sur lequel nous sommes attendus. Ce texte est important : j’espère que sa rédaction et son adoption susciteront un large accord. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et DR.)
Motion de rejet préalable
M. le président
J’ai reçu de Mathilde Panot et des membres du groupe La France insoumise-…
Un député du groupe RN
Islamiste, plutôt !
M. le président
…-Nouveau Front populaire une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement. (« Pour changer ! » sur quelques bancs du groupe RN.)
M. Michel Guiniot
Tout cela a un air de déjà-vu !
M. le président
La parole est à Mme Élisa Martin.
Mme Élisa Martin
À l’instar de la Macronie, qui soutient ce texte, les sénateurs ont toujours montré un grand talent pour les titres et les jeux de mots. Les espaces dévolus aux transports publics étant d’ores et déjà très surveillés, il serait logique de s’y trouver en sûreté, puisque cette notion, consacrée par les articles 2 et 7 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, renvoie à la protection des citoyens contre l’arbitraire des institutions et en particulier au respect des droits et libertés fondamentaux : liberté d’aller et venir, droit à la vie privée ou encore, j’ose le dire, droit à l’expression. Or cette proposition de loi prévoit tout l’inverse : augmentation des pouvoirs coercitifs des agents de sécurité privée ou parapublique, création de nombreux délits dits d’habitude, et, bien sûr, multiplication des outils de surveillance de masse. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Élargissement des compétences des agents privés, tout d’abord : ils seront autorisés à pratiquer palpations et fouilles de bagages. Le faible encadrement de ces gestes, qui n’ont rien de banal et exigent une formation précise, risque de multiplier les cas de discrimination.
M. Anthony Boulogne
Il faut prendre le taxi !
Mme Élisa Martin
Ne nous opposez pas la disposition illusoire en vertu de laquelle l’usager devrait donner son autorisation : comment la refuser lorsque, par exemple, on doit prendre le métro pour se rendre au travail ? Par ailleurs, comment déterminer ce qui nécessiterait une fouille ? Nous connaissons bien les biais qui, malheureusement, pourraient guider le choix de l’agent en pareilles circonstances. Comment évaluer le risque que représente telle personne ? Dans votre univers, c’est à la tête du client ; dans le nôtre, ce n’est pas acceptable. (Exclamations continues sur les bancs du groupe RN.)
Mme Marie-Christine Dalloz
Oh là là !
Mme Élisa Martin
Du reste, entre nous soit dit, quelqu’un qui serait animé de mauvaises intentions devrait logiquement se faire le plus discret possible… L’article 2 vise à donner à ces mêmes agents la possibilité d’intervenir hors de la gare « lorsque le caractère urgent de la situation le justifie » : reconnaissons que cette appréciation est fort subjective.
Reconnaissons également que la multiplication de l’armement létal ajoutée à la capacité de poursuivre un individu dans l’espace public multiplie les risques d’incident et de mise en danger de tous. (Protestations sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
Chers collègues, je vous invite à écouter l’oratrice et à ne pas vous livrer à des polémiques. Vous aurez l’occasion de répondre tout à l’heure.
Mme Élisa Martin
Chaque incident entraînant la mort devrait conduire à une analyse des raisons de cet incident. Or cette analyse fait bien sûr toujours défaut.
En outre, permettez-nous de vous rappeler que ces interventions dans l’espace public ne peuvent s’appuyer que sur une formation solide, initiale et continue, que vous ne proposez pas.
L’article 5, dit article « du bleu partout tout le temps » (Applaudissements sur les bancs du groupe RN), relève de l’illusion. Donner à voir des agents de sécurité n’est pas ce qui garantit une quelconque sécurité. C’est malheureusement bien plus subtil que cela.
M. Thibault Bazin
Vous n’aimez pas les policiers !
Mme Élisa Martin
Prenons l’exemple du match de football contre Arsenal : le problème qui s’est posé à cette occasion n’était pas dû au nombre supposément insuffisant d’agents de sécurité privée ou de policiers mobilisés, mais bien à la défaillance globale de l’organisation.
Le bleu partout et tout le temps est l’autre nom du continuum de sécurité : retrait de l’État, croissance exponentielle de la place donnée au privé, braquage des collectivités. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Si nous comprenons bien sûr l’intérêt d’une coopération fondée sur les compétences et les points forts de chacun, faire semblant d’exercer des compétences régaliennes est en revanche tout à fait insensé.
En outre, ce dispositif paraît contraire à l’article 12 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (« Oh là là ! » sur plusieurs bancs du groupe RN),…
M. Julien Odoul
La sécurité, c’est la première des libertés !
Mme Élisa Martin
…tel qu’interprété par le Conseil constitutionnel. Je rappelle cet article : « La garantie des droits de l’homme et du citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée. » (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) C’est la raison pour laquelle le Conseil constitutionnel estime que les pouvoirs régaliens de l’État ne peuvent être délégués à des acteurs privés sans porter atteinte à la garantie des droits.
Vous nous proposez toujours le même modèle, fondé sur l’austérité, qui étrangle le service public pour tout confier au secteur privé.
M. Thibault Bazin
C’est un peu caricatural !
Mme Élisa Martin
Je n’oublie pas la pression qui s’exerce sur les élus locaux – ils y sont désormais habitués –, qui se verront sans doute contraints de faire intervenir leur police municipale dans les transports. (Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.)
M. Thibault Bazin
La police municipale dans les transports, ce n’est pas ça !
Mme Élisa Martin
Venons-en à la multiplication des délits d’habitude. Empêcher la fermeture automatique des portes, introduire un animal dans les véhicules affectés au transport public de voyageurs, voyager sans titre de transport, utiliser un titre de transport à une autre date que la date indiquée, être ivre, alors que l’ivresse publique et manifeste est déjà réprimée, fumer et – le plus formidable ! – traverser les voies à l’approche du train : tout cela peut être puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende. (« Ce n’est pas assez ! » sur quelques bancs du groupe RN.)
M. Julien Odoul
C’est le respect des règles !
Mme Élisa Martin
Si ce n’était si grave, on pourrait en sourire. Le texte prévoit également la création d’une contravention sanctionnant l’oubli, par définition non intentionnel, d’un bagage. On imagine donc que, par crainte d’une contravention, personne n’oubliera plus jamais son sac ? Est-ce là votre intention ?
Se confondent ici délits et négligences, délits et oublis, délits et étourderies, contre lesquels on lutte à coups de surveillance et de coercition pénale.
M. Julien Odoul
C’est très mauvais !
Mme Élisa Martin
En quoi est-ce efficace ? En rien ! On n’empêchera la survenue d’aucun des faits que vous avez décrits l’un et l’autre par l’accumulation des dispositifs liberticides que contient ce texte,…
M. Thibault Bazin
Vous ne croyez pas à la dissuasion !
Mme Élisa Martin
…d’autant plus que des amendes sont déjà prévues dans chacune des situations évoquées.
De surcroît, dans la version du texte déposée à l’Assemblée, il était prévu de créer une peine complémentaire d’interdiction de paraître dans les transports. Or on ne peut appliquer une telle mesure sans avoir recours à la reconnaissance faciale. Heureusement, notre commission des lois a supprimé cette mesure. J’espère que cela n’aura pas été reculer pour mieux sauter.
M. Thibault Bazin
On y viendra !
Mme Élisa Martin
La surenchère pénale n’en finit pas. Bien sûr, cela permet de briller dans les dîners en ville et de vanter à la fois sa fermeté et sa capacité à régler des problèmes par de grandes annonces qui ne coûtent rien, si ce n’est un alourdissement des procédures. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Julien Odoul
Quel théâtre !
Mme Élisa Martin
En quoi est-ce efficace ? En rien ! Ne vaut-il pas mieux diffuser des messages de prévention dans les gares, comme il en existe aujourd’hui, dont il vaudrait la peine de mesurer l’efficacité ?
Le seul élément de cette proposition de loi qui pourrait présenter un intérêt est la création d’un numéro de téléphone unique permettant de signaler un problème ; mais il existe déjà ! À cet égard, la seule question intéressante est la suivante : qu’a-t-on fait pour que les usagers le connaissent ?
D’autres principes sont bafoués par le texte : celui de proportionnalité, par le mélange de délits plus ou moins graves, et celui du droit de la défense et du contradictoire. En effet, conférer a posteriori un caractère délictuel à un comportement déjà sanctionné par une contravention modifie le régime dont il relève. Or les règles procédurales qui s’appliquent dans un tel cas rendent très difficile la contestation de la matérialité des faits.
M. Erwan Balanant
C’est un coup de génie ! On n’aurait rien dû prévoir !
Mme Élisa Martin
J’en viens à la question essentielle de l’élargissement des pouvoirs de surveillance et de contrôle des citoyens. Avant d’aller plus loin, évoquons en passant les JO et l’application de la vidéosurveillance algorithmique, la fameuse VSA. Il s’agit d’apprendre à des logiciels à repérer des comportements suspects – sans d’ailleurs que ceux-ci ne soient définis. La loi relative aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024 prévoyait une expérimentation de cette VSA, à laquelle nous étions déjà opposés. Par le texte que nous examinons, vous voulez encore élargir le périmètre de cette surveillance et la durée de cette expérimentation alors que le rapport qui nous a été remis à ce sujet exprime d’importantes réserves.
Il y est question de performances délicates à apprécier, de difficultés à définir des zones de détection pertinentes, de performances variables selon les cas d’usage ou de résultats encore incertains s’agissant des mouvements de foule, dont on nous a rebattu les oreilles lors de l’examen du projet de loi relatif aux JOP de 2024. Même pour traiter les mouvements de foule, ce dispositif ne fonctionne pas !
M. Marc Fesneau
Il n’y a pas eu de problèmes pendant les JO !
Mme Élisa Martin
Mais votre obsession de la surveillance généralisée l’emporte ! On nous disait que, sans la proposition de loi dont nous discutons à présent, il serait impossible de garantir la sécurité dans les transports lors des Jeux olympiques. Mais le temps a passé, le texte n’a pas été voté et tout s’est pourtant bien passé ! Elle ne prévoit donc rien d’indispensable.
Il en va de même des caméras-piétons, qui sont loin de faire l’unanimité mais portent une réelle atteinte à la vie privée.
Évidemment, je le redis, tout cela nous mènera indubitablement à la reconnaissance faciale. D’ailleurs, vous voulez déjà la pratiquer, n’est-ce pas ? Comme l’a révélé Disclose – pas de chance ! –, vous appelez de vos vœux son autorisation dans les futures réglementations, notamment européennes. Notre absence totale de confiance en vous sur ce point est donc tout à fait fondée. Nous savons quel a été le comportement de la France lors de la discussion de l’AI Act, le règlement européen sur l’intelligence artificielle. Nous savons l’empressement qu’elle a manifesté lorsqu’il s’est agi de légaliser la reconnaissance faciale, sous prétexte de sécurité publique et de maintien de l’ordre. La réalité est sans doute encore pire ! Le gouvernement français et le président Macron ont considéré que, si un État estimait sa sécurité en jeu, il pourrait aller jusqu’à rechercher une personne sur la base de sa race, ses opinions politiques, son affiliation à une organisation syndicale, ses convictions religieuses ou philosophiques ou encore son orientation sexuelle.
Mme Danielle Brulebois
N’importe quoi !
Mme Élisa Martin
Il y a de quoi avoir honte !
En résumé, vous nous demandez de voter un texte qui comporte des risques manifestes de porter atteinte à de nombreux droits et libertés fondamentaux, sous couvert d’une prétendue augmentation de l’insécurité dans les transports, que l’on vient à l’instant même de discuter. (Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.)
Ces atteintes sont d’autant plus inquiétantes qu’elles concernent des millions de personnes – 10 millions au moins chaque jour pour la seule RATP – et banalisent une répression accrue, qui ne protège pas réellement mais contrôle sûrement chacune et chacun d’entre nous.
Les intérêts économiques que vous défendez et votre mépris d’un peuple indomptable – nous ! –, donc à surveiller, guident votre politique. Brique après brique, la société de la surveillance se construit.
M. Thibault Bazin
Vous voyez le mal partout !
Mme Élisa Martin
Nous savons que vous visez les plus précaires et les plus fragiles, les militants politiques et associatifs (Exclamations sur les bancs du groupe RN), que vous ne cessez de criminaliser. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
À rebours de votre politique sécuritaire et discriminatoire, nous proposons un tout autre projet de société.
Mme Marie-Christine Dalloz
Les Français n’en veulent pas !
Mme Élisa Martin
Ce projet est fait de mobilités durables accessibles et non privatisées, d’un développement de l’offre de transport public, de la gratuité des transports en commun, d’une présence humaine renforcée et de proximité, et d’agents formés pour entretenir des rapports apaisés, loin de la suspicion généralisée et délétère que vous instaurez.
L’insécurité, ce sont vos textes qui la créent ! (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Vous jouez sur la peur pour mettre tout le monde au pas, y compris dans les moindres faits et gestes du quotidien.
Vous avez obtenu un résultat probant : la banalisation des idées d’extrême droite. (« Ah ! » sur les bancs du groupe RN.) Vous validez à dessein les théories d’une France Orange mécanique, qui n’aurait d’autre choix que d’abandonner sa liberté pour sauvegarder sa sécurité. Ce n’est pas étonnant : nous avons pour ministre de l’intérieur, M. Retailleau, qui reprend souvent à son compte des idées pétainistes (Protestations sur les bancs du groupe RN. – Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP)…
M. Thibault Bazin
Comment peut-on dire des choses pareilles ?
Mme Élisa Martin
…déjà exprimées en 1940 : « La démocratie libérale a fait son temps. Nous devons lui substituer un régime qui donne plus de place à l’autorité et moins à la liberté. »
M. Pierre Meurin
Rappel au règlement, monsieur le président !
Mme Élisa Martin
Telles sont les raisons pour lesquelles nous nous opposons catégoriquement à ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à M. Pierre Meurin, pour un rappel au règlement.
M. Pierre Meurin
Il se fonde sur l’article 70, monsieur le président.
Lors de la niche du groupe de la Droite républicaine la semaine dernière, nous avons assisté à de nombreux cafouillages et nous entendons aujourd’hui une collègue qualifier un ministre de pétainiste.
M. Jean-François Coulomme
Assumez !
M. Pierre Meurin
Monsieur le président, je vous demande d’en prendre acte et de demander la saisine du bureau au sujet de ces invectives. Il n’est pas acceptable qu’il y ait dans cette assemblée deux poids et deux mesures ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR et sur quelques bancs du groupe DR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Plusieurs députés du groupe RN
C’est scandaleux !
Motion de rejet préalable (suite)
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Tabarot, ministre
Madame Martin, que vous confondiez Arsenal et Liverpool peut prêter à rire – sauf en Angleterre, où cela ne plairait guère ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem.) En revanche, que vous traitiez le ministre de l’intérieur de pétainiste est absolument inadmissible ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR et sur plusieurs bancs du groupe RN.)
M. Thibault Bazin
Il a raison, c’est bien !
M. Philippe Tabarot, ministre
Je regrette que cette motion de rejet préalable ait été déposée contre un texte qui devrait pourtant dépasser les clivages politiques. Il n’est pas idéologique : c’est vous qui le présentez comme tel. Il est le fruit d’un travail de terrain, construit avec ceux qui font vivre nos réseaux de transport et ceux qui les utilisent. Il répond à la brutalité de la réalité que vivent quotidiennement des millions de nos concitoyens, mais aussi nos agents de sûreté, nos conducteurs de bus, nos machinistes, qui œuvrent chaque jour pour nous permettre de nous déplacer sereinement.
Rejeter ce texte, c’est accepter cette brutalité, dire à toutes les femmes qui n’osent plus emprunter les transports en commun le soir que leur peur est secondaire, c’est dire à tous ces agents qui risquent quotidiennement leur intégrité physique que leur sécurité peut attendre ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RN, EPR et DR.)
À l’heure de la transition écologique, alors que nous faisons tout pour assurer le report vers des modes de transport décarbonés et que les transports en commun nous permettront de travailler à réduire les émissions de CO2, nous devons garantir à nos concitoyens la possibilité d’aller et venir librement et en toute sécurité. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et DR.)
M. le président
La parole est à M. le rapporteur.
M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur
Je regrette le dépôt de cette motion, assez habituelle de la part de votre groupe, il faut bien le reconnaître. En la déposant, vous nous signifiez en somme qu’il n’y a pas lieu de débattre du sujet qui nous préoccupe.
Mme Élisa Martin
Pas comme ça !
M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur
C’est ce que vous prétendez, mais vos amendements, que ce soit en commission ou en séance, ne contiennent aucune contre-proposition et nombre d’entre eux sont des amendements de suppression.
Par ailleurs, vous niez qu’il y ait un problème en matière de sûreté et de fonctionnement de nos services de transport, mais leur amélioration est une attente particulièrement forte de nos concitoyennes et de nos concitoyens. Vous prenez certainement comme moi le métro ou le bus et vous avez sans doute constaté vous-même cette attente d’un haut niveau de sécurité, de sûreté et de fonctionnement des transports, à laquelle la proposition de loi entend répondre. Vous avez grandement caricaturé ce texte, notamment s’agissant des travaux menés au Sénat par Philippe Tabarot et ses collègues d’alors, et qui s’appuyaient sur des échanges de terrain avec les acteurs de la SNCF et de la RATP, deux grandes entreprises que vous qualifiez…
Mme Élisa Martin
De rien !
M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur
Voilà comment vous les qualifiez : de rien ! Ces entreprises seraient selon vous opposées à toutes les libertés publiques… Mais non ! (Mme Élisa Martin s’exclame.) Elles travaillent au quotidien pour assurer la sécurité de nos concitoyennes et de nos concitoyens et la sûreté dans les transports. S’il y a bien une diminution des actes de délinquance, vous l’avez évoqué, ceux-ci restent tout de même à un niveau très élevé et on observe leur aggravation, que ce soit le transport d’objets dangereux, voire d’armes, ou les rixes, qui se multiplient.
Mme Élisa Martin
Ce n’est pas vrai !
M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur
C’est une réalité ! Retournez dans les transports et échangez avec nos concitoyennes et nos concitoyens. Les agents du GPSR et de la Suge ont besoin de nouveaux outils pour garantir la sécurité et la sûreté. Il faut en outre les sécuriser eux aussi, ce qui passe par l’expérimentation des caméras-piétons, dont la généralisation est saluée et attendue par l’ensemble des agents de contrôle.
Sécurité et sûreté passent aussi par la lutte contre les incivilités du quotidien, qui, il faut bien le dire, pourrissent la vie des usagers, jusqu’à parfois les dissuader d’emprunter les transports. Voilà pourquoi il faut durcir les sanctions contre ces incivilités, que vous venez de banaliser alors qu’elles agacent profondément.
Il faut aussi lutter contre le phénomène des abandons de bagages, qui est anormal et qu’on ne peut pas laisser se développer. Je vous rejoins sur la nécessité de mieux encadrer ces mesures pour qu’elles ne soient pas contradictoires avec le respect de nos libertés publiques – c’est bien ce que nous recherchons. Mais là aussi, il ne faut pas caricaturer.
Enfin, contrairement à votre famille politique qui défend la gratuité des transports sans expliquer comment elle financerait une telle mesure, nous sommes pour la lutte contre la fraude tarifaire, qui représente une perte de chiffre d’affaires de 700 à 800 millions d’euros pour nos opérateurs. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Marie Mesmeur
Si c’était gratuit, il n’y aurait pas de fraude !
M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur
Autant d’euros qui ne sont pas investis dans l’amélioration du fonctionnement de nos transports au quotidien. Nous devons aller au bout de la logique de la loi Savary-Le Roux de 2016 et introduire de bons dispositifs pour lutter contre la fraude, qui n’a pas lieu de perdurer. Pour toutes ces raisons, mon avis est défavorable sur cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Rappels au règlement
M. le président
La parole est à M. Thomas Portes, pour un rappel au règlement.
Un député du groupe RN
Porte-parole des islamistes !
M. Thomas Portes
Sur la base de l’article 70, alinéa 3, relatif à une mise en cause personnelle.
Monsieur le président, je pense qu’il faut que vous rappeliez à l’ordre un certain nombre de députés, notamment ceux qui nous accusent de tenir tel ou tel propos.
Collègues du Rassemblement national, vous vous sentez visés par le mot « pétainiste » puisque vous venez de défendre le ministre de l’intérieur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Alors oui, nous assumons de dire ce que nous disons !
M. le président
Je vous invite à rester dans le cadre de votre rappel au règlement !
M. Thomas Portes
C’est une caractéristique politique, qui ne vise pas un ou plusieurs individus en particulier et qui est conforme aux termes du débat politique. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Les gens qui se sentent visés sont les représentants de ce courant d’idées d’extrême droite et vous avez… (M. le président coupe le micro de l’orateur.)
M. le président
Merci, monsieur Portes, pour votre contribution au débat.
La parole est à M. Pierre Meurin, pour un rappel au règlement.
M. Pierre Meurin
Le rappel au règlement précédent n’en était pas un. Le mien se fonde bel et bien sur l’article 70, alinéa 3, relatif à une mise en cause personnelle.
Vous ne m’avez pas répondu, monsieur le président, quand je vous ai demandé si l’accusation de pétainisme portée par notre collègue à la fin de sa présentation de la motion de rejet préalable était équivalente, en gravité, aux propos tenus lors de la séance de jeudi dernier. Elle est en tout cas suffisamment grave pour que vous saisissiez le bureau après avoir prononcé un rappel à l’ordre immédiat. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Je vous en saurais gré.
Je ne fais certes pas partie de sa famille politique, mais personne ne saurait accuser ainsi un ministre en tenant des propos aussi graves dans l’hémicycle ! Je vous remercie par avance de la clarification que vous allez apporter. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à M. Sébastien Chenu, pour un nouveau rappel au règlement.
M. Sébastien Chenu
Sur la base de l’article 70, alinéa 6, nous demandons que des mesures disciplinaires soient prises à l’encontre de notre collègue, qui s’est rendue coupable d’injure envers un membre du gouvernement en le qualifiant de pétainiste.
Vous n’avez pas répondu à notre demande de saisine du bureau. Je demande donc une suspension de séance de cinq minutes pour vous permettre de préparer votre réponse. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La suspension est de droit, mais je souhaite auparavant savoir dans quel état d’esprit nous engageons ce débat.
M. Emeric Salmon
Eux ont le droit de nous insulter, pas nous !
M. le président
Ne vous en déplaise, j’aurais également pu relever certaines prises à partie en début de séance de votre côté de l’hémicycle. (M. le président désigne les bancs des groupes RN et UDR. – Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Protestations sur les bancs du groupe RN.) J’ai entendu aussi l’insulte qui a été proférée à l’encontre d’un membre du gouvernement, à laquelle le ministre Tabarot a répondu en disant qu’elle était inadmissible. Je veux bien envisager de mettre tout à plat devant le bureau dans la perspective de sanctions, mais je rappelle que nous avons un texte à examiner, ce qui suppose un débat.
Il est tout à fait normal que la proposition de loi suscite des réactions, certains la défendant, notamment M. le ministre et M. le rapporteur, d’autres y étant opposés et ayant eux aussi le droit de s’exprimer. Toutefois, il y a aussi des provocations faites volontairement pour pourrir les débats. Nous pouvons passer la soirée à faire des suspensions de séance, mais je n’entrerai pas dans la logique de la niche de jeudi dernier en laissant la discussion se dérouler dans des conditions inadmissibles. Je ne veux pas non plus en venir à tout bout de champ à des sanctions pour tel ou tel propos. Telle est ma position.
M. Thibault Bazin
Excellent !
Suspension et reprise de la séance
M. le président
La séance est suspendue pour cinq minutes.
(La séance, suspendue à vingt-deux heures vingt, est reprise à vingt-deux heures vingt-cinq.)
M. le président
La séance est reprise.
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à Mme Marie Mesmeur, pour un rappel au règlement.
Mme Marie Mesmeur
Je vais relire les propos de ma collègue : « Ce n’est pas étonnant : nous avons pour ministre de l’intérieur M. Retailleau, qui reprend souvent à son compte des idées pétainistes déjà exprimées en 1940 : "La démocratie libérale a fait son temps. Nous devons lui substituer un régime qui donne plus de place à l’autorité et moins à la liberté." »
M. Ian Boucard
Vous aggravez votre cas !
Mme Marie Mesmeur
Voilà, collègues, citer Pétain à propos de l’autorité n’a rien d’une insulte. Mais traiter une députée d’antisémite notoire, c’est une insulte et un délit ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP. – Protestations sur les bancs du groupe RN.)
M. Frédéric Weber
Nous, on se fait insulter tous les jours !
Mme Marie Mesmeur
Par vos provocations, vous cherchez juste à… (M. le président coupe le micro de l’oratrice.)
M. le président
Je vous ai laissé le temps de rappeler les propos de Mme Martin,…
M. Thibault Bazin
Elle a dérapé !
M. le président
…mais, je le répète, ce ne sont pas les seuls que j’ai entendus au cours de cette séance.
M. Erwan Balanant
On aimerait bien voter !
M. le président
Je vous propose d’évoquer les propos de Mme Martin devant le bureau – il jugera s’il s’agit d’une insulte ou non à l’égard de M. le ministre Retailleau –, ainsi que tout ce qui s’est passé en début de séance, et j’aurai des éléments à apporter.
Motion de rejet préalable (suite)
M. le président
Nous en venons aux explications de vote.
La parole est à M. Bryan Masson.
M. Bryan Masson (RN)
Je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir pensé à Laura et Mauranne, victimes d’un terroriste islamiste en 2017 sur le parvis de la gare Saint-Charles à Marseille. Sachez que le groupe Rassemblement national est animé, comme vous, par une quête d’autorité et d’ordre. Elle nous anime notamment parce que nous pensons aux victimes, trop souvent oubliées par une partie des députés de cet hémicycle.
Bien que nous soyons confiants dans l’avenir de cette proposition de loi, que nous soutiendrons, nous savons bien que certaines de ses dispositions s’écraseront contre le mur du Syndicat de la magistrature et que le laxisme de la justice ne permettra pas d’imposer davantage de fermeté et d’autorité.
Notre groupe dénonce le dépôt par l’extrême gauche de cette motion de rejet préalable.
Chers collègues de l’extrême gauche,…
M. Jean-François Coulomme
Pas de l’extrême gauche !
M. Bryan Masson
…vous auriez pu ne pas déposer cette motion de rejet si les Français ne réclamaient pas davantage de sécurité, si les Franciliens n’étaient pas 68 % à se sentir en danger dans les transports en commun, si les agents, les policiers municipaux et les policiers nationaux ne réclamaient pas davantage de moyens et de responsabilités pour faire régner l’ordre. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mais il n’y a pas plus aveugle que celui qui ne veut pas voir. Et vous ne voulez pas voir ! Pas voir l’insécurité. Pas voir les racailles qui sèment la terreur dans les transports en commun. Pas voir la hausse de 6 % du nombre d’agressions sexuelles dans les transports. Pas voir ce que provoque le laxisme. (Mêmes mouvements.)
Votre motion de rejet est une honte alors que les Français nous ont envoyés ici en réclamant l’ordre et la justice. Honte à vous pour cette motion de rejet ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à M. Thomas Portes.
M. Julien Odoul
Il a oublié son keffieh ?
M. Thomas Portes (LFI-NFP)
Je rappelle à nos collègues du RN que, d’après le Conseil d’État, ils sont d’extrême droite alors que nous sommes simplement de gauche. Il s’agit d’une réalité politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Le texte qui nous est soumis s’inscrit dans une dérive sécuritaire et liberticide. Monsieur le ministre, je vous ai écouté et je ne vous ferai pas l’injure de vous dire que vous ne connaissez pas le secteur des transports. Même si nos désaccords sont profonds, je sais que vous avez beaucoup travaillé sur le sujet. Si vous parlez des services publics de transport, vous passez cependant sous silence un fait important : pour renforcer le droit à la sûreté et faire disparaître le sentiment d’insécurité, il faut du personnel dans les gares, dans les métros, dans les trains. (Mêmes mouvements.) Le texte est muet sur ce point.
Vous proposez que des policiers municipaux interviennent dans les trains et que les agents de la Suge sortent des emprises ferroviaires. Mais ces personnels n’ont pas les mêmes formations et votre proposition les mettrait en danger.
Si l’on veut que les gens prennent plus les transports en commun, il faut leur donner ce qu’ils réclament avant tout : des trains et des métros ponctuels (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP) et de qualité, qui ne soient pas bondés, ainsi que des tarifs accessibles. Actuellement, des millions de Français n’ont pas accès aux transports publics.
Enfin, j’invite nos collègues du RN à se garder de faire des leçons sur les Franciliens. Vous ne les connaissez pas et, dans les urnes, ils ont envoyé un message clair : ils ne veulent pas de l’extrême droite en Île-de-France. (Mêmes mouvements.) Aux élections législatives, ils ont placé le Nouveau Front populaire en tête pour sortir des positions qui sont les vôtres.
Tout au long de l’examen de ce texte, nous défendrons le droit aux transports avec plus de services pour les usagers et plus de personnel,…
M. Julien Odoul
Avec moins d’extrémisme !
M. Thomas Portes
…mais certainement pas avec plus de contrôle algorithmique et plus de surveillance de masse au service d’un projet sécuritaire et liberticide. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
Sur la motion de rejet préalable, je suis saisi par le groupe Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Roger Vicot.
M. Roger Vicot (SOC)
J’ai l’impression que la discussion générale a déjà commencé, mais la question qui nous est posée tout de suite est celle de savoir si la motion de rejet préalable est pertinente. (« Non ! » sur les bancs du groupe RN.) Autrement dit, est-il nécessaire de délibérer sur la sécurité dans les transports ? Nous pensons que c’est le cas,…
M. Sylvain Maillard
Le NFP se fissure !
M. Roger Vicot
…même si, à la fin, nous votons contre la proposition de loi, comme nous l’avons fait en commission. Nous avons déposé des amendements visant à supprimer ou à améliorer certaines dispositions. Des questions se posent s’agissant de la création de nouveaux délits ou de l’interdiction de paraître, mais nous pensons que le débat doit avoir lieu. Par conséquent, nous nous abstiendrons lors du vote sur la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. le président
La parole est à M. Ian Boucard.
M. Ian Boucard (DR)
Le groupe de la Droite républicaine votera évidemment contre la motion de rejet préalable. Écouter notre collègue de La France insoumise nous décrire un monde dystopique suffit à comprendre pourquoi.
Dans le monde parallèle de La France insoumise, il n’y a pas de problème de sécurité dans les transports : notre collègue a parlé de « prétendue insécurité ».
M. Sylvain Maillard
Eh oui !
M. Ian Boucard
Dans le monde parallèle de La France insoumise, aucun Français n’a peur de prendre les transports en commun : plus de 60 % des Franciliens y ont pourtant déjà ressenti de l’insécurité, cela a été rappelé. Dans ce monde parallèle, la police n’assure pas la sécurité mais, au contraire, plonge dans l’insécurité de braves voyous qui n’auraient plus toute leur liberté pour embêter les honnêtes gens dans le métro. Dans ce monde parallèle, la dissuasion ne fonctionne jamais.
Cela pourrait être amusant si les chiffres cités par M. le ministre n’étaient pas aussi têtus. En 2023, 110 000 personnes ont été victimes de vol ou de violence dans les transports en commun, où 7 620 agressions physiques et 2 407 agressions sexuelles ont eu lieu. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Thibault Bazin
C’est énorme !
Mme Marie-Christine Dalloz
Il faut penser aux victimes !
M. Ian Boucard
Par ailleurs, plus de 4 000 objets dangereux ont été saisis par la SNCF. Ces chiffres sont effarants.
Il est vrai que les Français veulent des trains à l’heure, mais ils veulent aussi plus de sécurité, ils veulent aussi ne pas se faire casser la figure quand ils prennent le métro. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)
Mme Marie-Christine Dalloz et M. Thibault Bazin
Très bien !
M. Ian Boucard
Je ne comprends pas que La France insoumise refuse un tel débat. Que vous vous opposiez au texte et aux solutions proposées par M. le ministre ne surprend personne – j’ai souvent des désaccords avec notre collègue Élisa Martin en commission des lois –, mais je ne m’explique pas que vous souhaitiez interrompre ici le débat sur une proposition de loi qui traite d’un problème de sécurité du quotidien des Françaises et des Français.
Nous voterons contre la motion de rejet préalable, qui, je l’espère, sera largement rejetée. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. Thibault Bazin
Excellent !
Mme Élisa Martin
Ce texte mérite la poubelle !
M. le président
La parole est à M. Philippe Latombe.
M. Philippe Latombe (Dem)
Nous souhaitons qu’ait lieu le débat sur cette proposition de loi, qui présente des constats sur lesquels nous avons besoin de discuter dans l’hémicycle comme nous l’avons fait en commission des lois. Les réponses ne vous satisferont peut-être pas (L’orateur se tourne vers les bancs du groupe LFI-NFP), les propositions du gouvernement ou du rapporteur non plus, mais nous sommes là pour en débattre, car nos concitoyens nous le demandent. Nous sommes opposés à la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, EPR et DR.)
M. le président
La parole est à M. Jean Moulliere.
M. Jean Moulliere (HOR)
Le groupe Horizons & indépendants votera bien évidemment contre la motion de rejet préalable déposée par nos collègues mélenchonistes. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) La proposition de loi à l’ordre du jour se justifie par son seul titre : son objet est le renforcement de la sûreté dans les transports ; comment ne pas souhaiter évoquer ce sujet important pour les millions d’usagers des transports en commun et pour les agents qui y travaillent ?
En 2023, 118 440 personnes ont été victimes de vol ou de violence dans les transports. Parmi elles, les femmes sont au premier rang puisqu’elles subissent 56 % des vols avec ou sans violence et plus de 95 % des violences sexuelles.
Mme Manon Bouquin
Oui, bien sûr !
M. Jean Moulliere
Samedi 1er février, chez moi, dans le Nord, un jeune homme de 18 ans a reçu trois coups de couteau, dont un à l’abdomen, à l’intérieur même du métro lillois. Dans ce contexte, comment le législateur pourrait-il refuser de débattre du sujet ? Comment pourrait-il faire fi des crimes et des délits qui se déroulent trop souvent dans les transports publics ?
La représentation nationale se doit d’avoir un débat de fond sur le renforcement de la sécurité dans les transports. Notre assemblée ne peut faire l’impasse sur ce sujet d’importance majeure. Pour toutes ces raisons, le groupe Horizons & indépendants votera contre la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, EPR, DR et Dem.)
M. le président
Je mets aux voix la motion de rejet préalable.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 162
Nombre de suffrages exprimés 151
Majorité absolue 76
Pour l’adoption 20
Contre 131
(La motion de rejet préalable n’est pas adoptée.)
(M. Ian Boucard applaudit.)
Mme Marie-Christine Dalloz
Ça ne fait pas beaucoup de voix pour !
Discussion générale
M. le président
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Elsa Faucillon.
Mme Elsa Faucillon
Présentée par le groupe Les Républicains, cosignée par des sénateurs de droite et du centre, adoptée par le Sénat et désormais défendue par un ministre favorable à la privatisation du rail, la proposition de loi que nous examinons soulève de sérieuses préoccupations, tant sur la forme que sur le fond. Elle n’a fait l’objet ni d’une étude d’impact ni d’un avis du Conseil d’État, deux instruments pourtant essentiels pour évaluer les conséquences juridiques et pratiques des nombreuses dispositions qu’elle contient. De plus, elle ne repose sur aucune évaluation approfondie des mesures existantes. Et le recours à la procédure accélérée, initialement justifié par l’échéance des Jeux olympiques, apparaît désormais totalement infondé.
Sur le fond, ainsi que M. le rapporteur l’a rappelé, la proposition de loi s’inscrit dans la lignée de la loi Savary-Le Roux de 2016 et de la loi pour une sécurité globale du 25 mai 2021. Ces textes ont contribué à un désengagement progressif mais continu de l’État en matière de sécurité publique et abouti au transfert de responsabilités cruciales à des acteurs non étatiques. Cette évolution, que la proposition de loi renforce, fragilise le principe de souveraineté étatique en matière de sécurité, lequel repose sur le monopole de l’État en matière de violence légitime.
Selon nous, il s’agit d’une orientation inquiétante. Toutes celles et tous ceux qui, dans l’hémicycle, ne cessent d’en appeler à plus de sécurité et de sûreté devraient s’inquiéter de ce transfert de compétences et d’une situation où l’État n’est plus en première ligne sur ces questions.
M. Julien Odoul
C’est inquiétant, la sécurité ?
Mme Elsa Faucillon
Oui, cette orientation est inquiétante car elle repose sur la notion de continuum de sécurité développée dans le Livre blanc de la sécurité intérieure de 2020, qui actait explicitement le dessaisissement de l’État dans ce domaine en soulignant que « les forces de sécurité intérieure ne peuvent pas répondre seules à l’ensemble des problèmes » et qu’il convient de « donner des moyens à d’autres acteurs [du secteur] en étendant leurs compétences ». Il faudrait alors aborder la question de la formation des personnels, mais vous vous y refusez.
La proposition de loi vise à renforcer les prérogatives des agents de la sûreté des transports – ceux de la Suge pour la SNCF et ceux du GPSR pour la RATP –, notamment pour prévenir le risque terroriste, pour lutter contre les incivilités et la fraude, et pour approfondir la coordination entre les différents acteurs. Ces objectifs sont imprécis et trop larges, ce qui risque d’entraîner de la confusion autour des missions de ces agents. L’élargissement de leurs pouvoirs et la création de nouvelles infractions pénales risquent de dénaturer leur rôle initial et d’entraîner une dérive vers des missions de maintien de l’ordre, ce qui devrait tous nous inquiéter.
L’extension des attributions des agents de sûreté de la SNCF et de la RATP remet en question l’équilibre entre, d’une part, les exigences de sécurité et de sûreté, et, d’autre part, le respect des libertés. Par ailleurs, quand des agents de sécurité privée finissent par avoir les mêmes prérogatives que les membres de la police nationale, ces derniers voient diminuer leur autorité et le respect dont ils devraient bénéficier.
M. Julien Odoul
N’importe quoi !
Mme Elsa Faucillon
La loi en vigueur confère déjà des compétences particulières aux agents de la Suge et du GPSR. Elle leur accorde, au sein du continuum de sécurité, une place différente de celle des autres agents privés. Prévus par la proposition de loi, l’élargissement de leurs prérogatives – notamment la faculté de procéder à des palpations préventives ou d’interdire l’accès aux gares – et la pérennisation de l’usage des caméras-piétons suscitent des inquiétudes concernant l’évolution de leurs missions. Ces mesures risquent de dénaturer leur profession, d’aggraver les tensions entre agents et usagers et de perturber l’équilibre entre l’impératif de sécurité et la garantie des droits et libertés. Mais il est vrai que la préservation des droits et des libertés semble désormais ennuyer tout le monde dans cet hémicycle…
M. Christophe Bentz
Oh ! Quelle morgue !
Mme Elsa Faucillon
Certes, la commission des lois a supprimé certaines dispositions préoccupantes, comme l’autorisation de l’utilisation de l’intelligence artificielle pour traiter des données non biométriques ou la peine complémentaire d’interdiction de paraître dans les transports en commun. En revanche, elle a adopté un nouveau dispositif permettant au représentant de l’État dans le département d’autoriser les agents de la Suge et du GPSR à exercer, sur la voie publique, des missions de surveillance contre les vols, les dégradations, les effractions et les actes de terrorisme.
Les mesures proposées ne permettront pas d’atteindre l’objectif affiché et, à coup sûr, elles ne fonctionneront pas contre les agressions sexuelles dans les transports. La proposition de loi omet la question centrale de la dégradation du service public des transports. En tant qu’usagère en Île-de-France, je peux attester que les politiques, en vigueur depuis plusieurs années, de réduction du personnel et de privatisation progressive de la SNCF et de la RATP fragilisent le service public et nuisent aux passagers. Elles font aussi gravement augmenter les tensions et les violences. Il est primordial de garantir aux usagers des conditions de transport décentes. Mais là n’est pas la priorité des auteurs de ce texte, contre lequel nous voterons. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Sandra Regol et M. Sébastien Saint-Pasteur applaudissent également.)
M. le président
La parole est à Mme Sophie Ricourt Vaginay.
Mme Sophie Ricourt Vaginay
Chaque jour, dans l’aube blafarde d’un quai de métro, dans la faible lumière d’un bus de nuit, dans le bercement métallique d’un TER traversant la campagne, des hommes et des femmes empruntent les transports publics avec une crainte sourde au creux du ventre. Un regard de trop, une parole déplacée, une bousculade qui dégénère et la routine du voyage cède la place à la violence. Trop souvent, les nouvelles du matin résonnent d’un même refrain funeste : une agression dans un wagon désert, une altercation qui tourne au drame, un chauffeur frappé pour avoir voulu faire respecter une règle élémentaire.
Ce qui relevait autrefois de l’exception devient l’habitude, ce qui devait indigner finit par lasser. Néanmoins, nous n’avons pas le droit de céder à cette accoutumance coupable, d’accepter qu’une femme hésite avant de monter dans une rame à la nuit tombée, qu’un conducteur de bus serre les poings à chaque montée de passagers, qu’un usager baisse la tête plutôt que d’affronter la brutalité du quotidien. Nous devons agir.
Les chiffres ne mentent pas. En 2023, plus de 60 000 actes de violence et délits ont été recensés dans les transports publics français. À Paris, certaines lignes du métro sont devenues des corridors d’angoisse, où l’on mesure ses pas et surveille chaque ombre. En province, les chauffeurs de bus sont devenus des cibles, agressés pour un simple refus de validation d’un ticket. Devons-nous rappeler le drame de Bayonne ? Un conducteur de bus, un homme dont la mission était de transporter et de servir, laissé pour mort sous les coups de ceux qui méprisent l’autorité et la loi.
Pouvons-nous continuer à détourner le regard ? Non. Car détourner le regard, c’est abandonner.
La proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui repose sur trois fondements.
Désormais, les brigades de sûreté ferroviaire et les agents de sûreté des réseaux urbains ne seront plus de simples observateurs impuissants. Nous leur donnons les moyens d’intervenir, de prévenir, d’agir en lien direct avec les forces de l’ordre.
Nos technologies doivent servir nos concitoyens. Grâce à la reconnaissance intelligente des comportements suspects, nous pourrons détecter la violence avant qu’elle ne frappe, et non plus simplement la constater après coup.
Trop longtemps, les transports ont été le théâtre d’une impunité scandaleuse. Trop souvent, ceux qui sèment la peur dans les rames et les bus sont interpellés le soir pour être relâchés au matin. Désormais, toute violence commise dans un transport public fera l’objet d’une comparution immédiate et de peines exemplaires. En effet, la justice tardive est une justice affaiblie et, face à la peur, seule la certitude d’une réponse immédiate peut restaurer la confiance.
Certains, comme toujours, brandiront l’épouvantail de la dérive sécuritaire. Ils nous opposeront de grandes déclarations, de belles envolées, des principes désincarnés. Mais la véritable dérive est celle de l’inaction : c’est une mère de famille qui renonce aux transports après une agression ; c’est un chauffeur de bus qui exerce son métier avec la peur au ventre ; c’est une République qui abdique et laisse les transports devenir des zones de non-droit. Nous refusons cette dérive.
La sécurité n’est pas un luxe, ni une faveur, mais la condition première de la liberté. Car qu’est-ce qu’un droit s’il ne peut s’exercer sans crainte ? Qu’est-ce que la mobilité si elle est entravée par la peur ?
Mme Mathilde Panot
Vous vivez dans un monde terrifiant !
Mme Sophie Ricourt Vaginay
Garantir des transports sûrs, c’est garantir que chaque citoyen, quel que soit son âge, son sexe ou sa condition, puisse se déplacer librement et sereinement. Nous nous devons d’être à la hauteur de la tâche.
Chers collègues, nous avons le choix : celui de la parole facile, des condamnations molles et des promesses creuses, ou bien celui de l’action, d’une République qui protège, d’un État qui assume ses responsabilités. C’est cette dernière option que choisit le groupe UDR. Il votera ce texte, non par goût du rigorisme, mais par attachement à la justice. Nous le devons aux usagers, aux conducteurs, à tous ceux qui, chaque jour, prennent les transports en espérant simplement arriver à destination en toute sécurité. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
M. le président
La parole est à M. Pascal Jenft.
M. Pascal Jenft
La banalisation de l’ultraviolence a trouvé son premier terrain d’expression dans nos transports en commun. Chaque jour, des Français honnêtes – des travailleurs, des étudiants, des familles – se retrouvent pris au piège d’une insécurité grandissante. Cette escalade doit cesser.
Soucieux de la sécurité de nos concitoyens, le groupe Rassemblement national a accueilli favorablement cette proposition de loi relative à la sûreté dans les transports. Elle constitue un premier pas, une amorce nécessaire face à cette violence rampante qui gangrène notre quotidien. Certes, le texte peut être perfectionné, mais il propose des mesures claires et efficaces, parmi lesquelles l’augmentation des prérogatives des agents de sécurité. En effet, nous l’avons vu lors des Jeux olympiques et paralympiques de Paris : une présence dissuasive et une réactivité accrue sont les clés de la maîtrise de la violence.
Si l’examen en commission des lois a permis d’écarter certaines mesures superflues – devait-on vraiment confisquer des objets autorisés ou instaurer une surveillance sonore systématique dans les bus ? –, il n’en reste pas moins que ce texte est désormais amputé de mesures pourtant essentielles.
Vous (L’orateur désigne les bancs de gauche), vous avez préféré brandir le spectre de la vie privée et de la réinsertion des délinquants au lieu de protéger les victimes. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Mme Dominique Voynet s’exclame.)
M. Julien Odoul
Vous êtes le parti des délinquants !
M. Pascal Jenft
La vie privée d’une personne agressée, violentée, humiliée n’est pas une variable d’ajustement ! Que faites-vous de l’intégrité physique de nos concitoyens ? Au Rassemblement national, nous l’estimons sacrée ; il est de notre devoir et de celui de l’État de tout faire pour la protéger. Mais cela, vous n’en avez que faire !
Mme Elsa Faucillon
Quel acteur !
M. Pierre Meurin
Vous êtes complices des criminels !
M. Pascal Jenft
Pire encore, vous étiez prêts à mettre en danger les mineurs eux-mêmes : vous avez tenté de supprimer l’article 18 bis qui permet de transmettre aux réseaux de transport la liste des criminels condamnés pour agressions sexuelles et violentes.
Mme Elsa Faucillon
On n’est pas loin du César !
M. Pascal Jenft
Votre volonté de torpiller une telle mesure en dit long sur vos priorités. Vous faites courir à nos enfants le risque d’être en contact avec des délinquants sexuels dans les transports. Bien que cet article ait été sauvé, son champ a été restreint à la SNCF. Nous voterons en faveur de son rétablissement dans sa version proposée par le Sénat.
Et que dire de la suppression de l’article 13 ? Cet article visait à interdire aux auteurs de violences l’accès aux transports en commun. Mais non, selon vous, collègues du bloc central, cette sanction était superflue, puisque déjà prévue par l’article 131-31 du code pénal. Erreur ! Il s’agit d’une interdiction de séjour indéterminée, alors que nous parlons ici d’une interdiction spécifique et temporaire. Nous proposerons de rétablir cet article.
En revanche, l’article 12, qui constitue à notre sens une mesure d’affichage, est maintenu. Cet article donne l’illusion d’agir, mais il ne sera qu’une énième norme dépourvue d’effet tant que les peines ne seront pas appliquées. Toutes ces discussions pour un article sans grande portée ! Car soyons clairs : nous pouvons voter toutes les lois du monde ; si elles ne sont pas suivies d’effet, elles ne serviront à rien.
La vérité est là : aujourd’hui, 48 % des mis en cause pour des faits de délinquance dans les transports en commun sont des étrangers.
M. Christophe Bentz
Eh oui !
M. Pascal Jenft
Ils représentent 80 % des mis en cause pour vol sans violence ; 53 % dans le cas des vols avec violence et 41 % dans celui des violences sexuelles.
M. Christophe Bentz
Ce sont des faits !
Une députée du groupe LFI-NFP
Quelle obsession !
M. Pascal Jenft
La part des mineurs est également alarmante : un quart des agressions leur est imputable.
Que faisons-nous face à cela ? Nous en restons aux demi-mesures, aux excuses, à l’inaction. La sanction doit être réelle, dissuasive et appliquée. Nous réclamons l’exécution effective des peines,…
M. René Pilato
Sarkozy ira en prison !
M. Pascal Jenft
…le recouvrement des amendes et l’expulsion des délinquants étrangers. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Nous vous avons déjà invités à une politique pénale plus ferme avec nos propositions de loi visant à créer des peines planchers et à expulser les étrangers ayant commis un délit puni de plus de trois ans d’emprisonnement, mais vous les avez rejetées.
M. Pierre Meurin
C’est minable !
M. Pascal Jenft
Tant que vous n’évoluerez pas, nos efforts resteront vains et nos concitoyens continueront de subir.
Malgré ces déceptions, nous gardons espoir. Si cette proposition de loi peut encore être amendée dans le bon sens, nous y contribuerons. Mais, sachez-le, la réponse à l’insécurité dans les transports passe par un changement de cap plus profond : un renforcement général de notre système judiciaire et pénal, une tolérance zéro pour les délinquants récidivistes, y compris mineurs ou étrangers. C’est notre devoir, c’est notre engagement. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à M. Vincent Caure.
M. Vincent Caure
On l’a dit en commission, le groupe Ensemble pour la République se réjouit de pouvoir enfin, après quelques mois de retard subi, reprendre et terminer l’examen, commencé sous la XVIe législature, de cette proposition de loi sénatoriale du désormais ministre Philippe Tabarot. Ces rebondissements nous auront au moins permis – c’est un point positif – de disposer d’un certain recul, avec l’organisation et le bon déroulement des Jeux olympiques et paralympiques, au cours desquels plusieurs dispositions dont nous discuterons ont été expérimentées. Nous nous en réjouissons car la sûreté dans les transports, c’est-à-dire la protection contre les actes malveillants, est un enjeu fondamental de notre société : chacune et chacun d’entre nous doit pouvoir voyager librement, sans crainte.
Je veux avoir un mot particulier à ce sujet concernant les femmes. (Mmes Nicole Dubré-Chirat et Véronique Riotton applaudissent.)
M. François Cormier-Bouligeon
Très bien !
M. Vincent Caure
…on sait que l’insécurité, voire le sentiment d’insécurité, peut malheureusement constituer pour elles un frein à l’utilisation des transports dans notre pays.
Les violences sexuelles sont celles qui connaissent la plus forte augmentation ces dernières années : + 4 % en 2022 sur un an et + 22 % par rapport à 2018.
Plus généralement, ces dernières années ont été marquées par une recrudescence de certains faits. Je pense à l’attaque à l’arme blanche qui a blessé six personnes en janvier 2023 à la gare du Nord, à la mort d’un conducteur de bus à Bayonne en juillet 2020, à l’attaque au couteau qui a blessé trois personnes à la gare de Lyon en février 2024. Ces faits nous rappellent que, bien que les chiffres de la délinquance dans les transports soient en baisse, à l’exception des violences sexuelles et sexistes, la question des nouvelles violences et des nouveaux risques, comme l’introduction d’armes artisanales – couteaux artisanaux, machettes, que l’on retrouve dans plusieurs attentats – et celle des prérogatives accordées aux agents de la Suge et du GPSR pour protéger les usagers, sont pleinement d’actualité.
Ce texte nous donne l’occasion de répondre à la fois aux évolutions liées aux actes de terrorisme et à la petite délinquance, celle du quotidien, qui, nous le savons, peut rendre tout aussi insupportable l’usage des transports quand elle n’est pas sanctionnée. Permettre à chacun de voyager librement sans craindre pour sa sécurité, c’était déjà, il y a dix ans, l’objectif de la loi Le Roux-Savary. Celle-ci a marqué une étape importante, complétée depuis par d’autres textes comme la loi d’orientation des mobilités (LOM) de 2019. Ce sont ces textes qu’il nous revient désormais de compléter, à l’aune tant des évolutions de la menace que des attentes des usagers et des opérateurs, pour répondre aux actes qui pourrissent encore trop souvent le quotidien dans les transports publics.
Le groupe EPR votera donc pour la proposition de loi, qui nous semble nécessaire et équilibrée entre, d’un côté, une extension raisonnée et raisonnable des moyens d’action offerts aux autorités organisatrices de la mobilité et au continuum de sécurité, et de l’autre, les garanties apportées aux libertés individuelles et collectives. Le travail en commission a, de ce point de vue, été productif – le rapporteur l’a souligné –, même s’il nous apparaît nécessaire de rétablir plusieurs dispositions supprimées.
Ce texte est attendu par nos concitoyens mais aussi, je l’ai dit, par les acteurs du transport. Il ne s’agit pas d’un dispositif conçu uniquement au bénéfice de l’autorité, quelle qu’elle soit, s’exerçant à l’égard des usagers des transports ; il vise également à protéger les agents face à la banalisation d’une certaine forme de violence à leur encontre. Je tiens d’ailleurs à saluer le travail mené par ces agents de la Suge et du GPSR, les deux services de sécurité de la SNCF et de la RATP, qui font preuve d’un engagement et d’un professionnalisme sans faille. Quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons, je suis certain que nos débats seront l’occasion de leur témoigner tout notre soutien.
Pour les aider dans leur mission, nous souhaitons renforcer leurs prérogatives, en leur permettant par exemple, dans certaines conditions, de réaliser des palpations sans décision préfectorale préalable. Nous souhaitons aussi que soit pérennisée la possibilité pour les agents de contrôle de faire usage de caméras-piétons – une mesure attendue et réclamée par les professionnels qui exercent leur mission au plus près du terrain. Nous saluons à ce titre le travail du rapporteur, engagé de longue date sur ce texte, et nous soutiendrons les modifications qu’il propose, parmi lesquelles la suppression de l’enregistrement de l’environnement sonore dans l’habitacle du conducteur d’autobus ou d’autocar pour n’en conserver que la captation et la transmission, celle de la sanction au niveau délictuel de l’abandon volontaire de bagages, ou encore celle de la peine d’emprisonnement pour le délit d’incivilité d’habitude, qui nous paraissait manifestement exagérée.
Pour toutes ces raisons, saluant le travail qui a été mené depuis la commission et jusqu’à l’examen en séance, nous voterons le texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur quelques bancs du groupe DR.)
M. François Cormier-Bouligeon
Excellent !
M. le président
La parole est à M. Thomas Portes.
M. Thomas Portes
Depuis environ un an, le gouvernement et ses alliés s’acharnent à faire passer cette proposition de loi sécuritaire. Vous parlez de sûreté dans les transports, mais, quand on examine le texte, on peut sans peine le qualifier de loi « sécurité globale » bis.
Fichage, surveillance, traçage : nous retrouvons dans ce texte toutes les caractéristiques de la société décrite par George Orwell dans son ouvrage 1984.
M. François Cormier-Bouligeon
N’importe quoi !
M. Thomas Portes
Il s’inscrit dans une dérive autoritaire et liberticide assumée par le gouvernement illégitime de François Bayrou. L’exposé des motifs est clair : surveillance à tout instant et dans chaque recoin de l’espace public. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Monsieur le ministre, ce texte est loin d’être à la hauteur des enjeux, pourtant nombreux : liquidation du fret ferroviaire public sur ordre de la Commission européenne, avec pour conséquences des milliers de camions sur les routes, silence radio de votre part (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP) ; filialisation des TER, des transiliens et des intercités, soumis à l’ouverture à la concurrence, vous êtes aux abonnés absents ; fermeture de gares, suppression de trains, accidents sur les zones de travaux dus aux recours massifs à la sous-traitance, vous n’avez rien à dire. (Mme Mathilde Panot applaudit.)
M. François Cormier-Bouligeon
Totalement hors sujet !
M. Thomas Portes
Alors qu’un Français sur cinq peine à accéder à un transport en commun, votre priorité est d’instaurer une surveillance généralisée au service d’une société de contrôle. Monsieur Tabarot, alors que votre première mission en tant que ministre des transports est d’assurer le droit à la mobilité,…
M. Julien Odoul
Le droit de la racaille !
M. Thomas Portes
…vous préférez renforcer les mécanismes liberticides, instrumentalisant la peur et la lutte contre le terrorisme à des fins politiciennes.
Ce texte marque une nouvelle étape dans la volonté du gouvernement français d’être précurseur en matière de contrôle numérique des citoyens.
M. François Cormier-Bouligeon
Pour assurer la sécurité des Français !
M. Thomas Portes
Notre pays est le premier de l’Union européenne à avoir inscrit dans le droit la surveillance algorithmique de sa population. Cette législation passée, vous cherchez désormais à la généraliser.
Avec ce texte vous voulez étendre dans les gares, les trains, les bus, les métros, les usages des caméras et des enregistrements, scruter, à toute heure et à chaque instant, les faits et gestes de nos concitoyens.
M. Julien Odoul
Sécurité partout !
M. Thomas Portes
Une vraie politique de sûreté dans les transports publics passe avant tout par le renforcement de la présence humaine, en gare comme à bord des trains, des métros, des bus. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Votre texte n’en dit pas un mot.
M. Julien Odoul
Vous voulez les désarmer !
M. Thomas Portes
Depuis des décennies, les gouvernements successifs mènent une politique pour saccager la SNCF et la RATP qui sont pourtant nos biens communs. Au moment où nous étudions ce texte, seule une gare sur quatre dispose encore d’un guichet de vente avec du personnel. Et que dire des agents de circulation, supprimés à marche forcée, alors qu’ils constituaient le dernier contact humain dans les gares ? Et je ne parle même pas des contrôleurs à bord et des conducteurs.
M. Julien Odoul
Hors sujet !
M. Thomas Portes
Tranquilliser les usagers suppose de poursuivre l’humanisation des réseaux. Avec ce texte, vous transformez les espaces publics en zones de contrôle, détruisant la possibilité de l’anonymat, qui est pourtant l’une des conditions d’exercice de nos droits les plus fondamentaux.
Avec vous, la restriction de police est devenue la règle, la liberté des citoyens l’exception. La généralisation des contrôles intrusifs, comme les palpations, instaure une culture du soupçon. La vidéosurveillance et la collecte des empreintes digitales sont des pratiques venues des prisons. Vous étendez ces mesures à toute la population, traitant chaque citoyen comme un criminel potentiel.
Avec cette loi, les agents RATP et SNCF pourraient, hors de tout encadrement, réaliser selon leur propre appréciation palpations et fouilles, qui requéraient jusqu’à présent une autorisation préfectorale.
Il s’agit d’un dispositif hautement discriminatoire. Permettez-moi de vous rappeler que selon la Défenseure des droits, les jeunes gens perçus comme noirs ou arabes sont vingt fois plus susceptibles d’être soumis à des palpations de sécurité par la police. Désormais on pourra les poursuivre jusque dans les gares. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Protestations sur plusieurs bancs du groupe RN.)
M. Julien Odoul
Mensonge !
M. Thomas Portes
Vous supprimez un à un tous les garde-fous qui prémunissent les citoyens des abus répressifs, confiant à des agents parapublics ou privés des missions d’intervention réservées jusque-là à la police. Nous refusons de déléguer la sécurité collective à des agents n’ayant pas reçu la même formation et n’étant pas tenus au principe de la proportionnalité. (Mme Karen Erodi et Mme Mathilde Panot applaudissent.)
M. Julien Odoul
Vous préférez la sécurité des voyous !
M. Thomas Portes
Nos transports publics méritent mieux. Ils méritent une loi de programmation pluriannuelle de financement des infrastructures. Ils méritent une politique publique ambitieuse qui mette fin à l’ouverture à la concurrence et au processus de privatisation de la SNCF comme de la RATP.
M. Yoann Gillet
Aucun rapport !
M. Thomas Portes
Emmanuel Macron s’est conduit en fossoyeur des transports publics. Je n’oublie pas la bataille menée avec mes collègues cheminots en 2018 contre la réforme du secteur ferroviaire, premier acte du dépeçage d’une entreprise publique historique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Manon Bouquin
Ce n’est pas le sujet !
M. Thomas Portes
Partout en Europe, les gouvernements vont à rebours de la France, se rendant compte des ravages des politiques libérales. Partout on renationalise, quand ici on privatise, on ouvre à la concurrence, on découpe pour servir les intérêts de ses amis.
La priorité ce n’est pas de massifier l’usage des caméras, déjà lourdement présentes, ni d’augmenter les dispositifs répressifs ou de faire de la surenchère pénale. La priorité, c’est de remettre nos services publics sur le bon chemin, en assurant une présence humaine, première garante de la sécurité dans les transports, dans chaque gare, chaque train, chaque métro, chaque bus, chaque lieu fréquenté par les usagers. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Les agents de la Suge demandent plus d’effectifs, vous ne répondez pas ; ils posent la question du financement, vous ne répondez pas davantage.
Surveiller, contrôler, sanctionner, voilà le cœur de votre loi. Un texte à votre image, monsieur le ministre : profondément anti-cheminots et anti-service public.
M. Yoann Gillet
Quel rapport ?
M. Julien Odoul
Aucun rapport !
M. Thomas Portes
Nous n’oublierons jamais que vous êtes le premier à avoir cédé une ligne au privé. Nous n’oublions pas votre volonté d’entraver le droit de grève. Nous n’oublierons jamais vos premiers mots honteux sur CNews à la suite du décès de notre collègue Bruno, cheminot que vous avez disqualifié à l’antenne.
Comme ce gouvernement, vous êtes illégitime. Comme lui, vous êtes en sursis. Ce texte mérite le même sort que François Bayrou : la censure.
Mme Andrée Taurinya
Exactement !
Mme Élisa Martin
Mettons ce texte à la poubelle !
M. Thomas Portes
Nous voterons résolument contre. (« Bravo ! »et applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Julien Odoul
Nul !
M. le président
La parole est à M. Roger Vicot.
M. Roger Vicot
Curieux destin pour ce texte, que nous examinons pour la troisième fois – cela a été rappelé tout à l’heure – après qu’il a été pour ainsi dire dissous avec nous-mêmes et qu’il a fait les frais de la censure du gouvernement Barnier. Nous y sommes enfin.
Ce texte s’appuie sur plusieurs faits, rappelés dès l’exposé des motifs, comme l’attaque survenue en gare de Marseille-Saint-Charles en 2017 ou celle qui s’est produite à la gare du Nord en 2023.
Permettez-moi une petite pique en forme de clin d’œil, monsieur le rapporteur. On prétendait que ce texte était rigoureusement indispensable au bon déroulement des Jeux olympiques. Il n’a finalement pas été adopté à temps pour les Jeux, qui se sont pourtant déroulés dans les meilleures conditions, notamment dans les transports. (Applaudissements sur plusieurs du groupe SOC. – Mme Élisa Martin applaudit également.)
Le titre du texte paraît banal, rassurant, de nature à remporter tous les suffrages et à susciter l’adhésion spontanée de tous : qui ne voudrait pas améliorer la sécurité dans les transports ou renforcer la coordination de l’ensemble des forces de sécurité ?
Un député du groupe RN
LFI !
M. Roger Vicot
Néanmoins, le diable se cache dans les détails. En effet, regardé de près, comme nous l’avons tous fait à plusieurs reprises, le texte se révèle plein de ce que je qualifierai d’imprécisions volontaires, de multiples flous,…
Mme Ségolène Amiot
Si c’est flou, il y a un loup !
M. Roger Vicot
…de rédactions hasardeuses. En effet, quand c’est flou, il y a un loup. (Sourires.)
M. Ian Boucard
Et les socialistes s’y connaissent !
M. Roger Vicot
Tel qu’il est rédigé, le texte étend très largement le champ de compétence ouvert aux agents du GPSR et de la Suge, dont nous saluons le travail, bien entendu, mais dont nous rappelons également qu’ils ne sont pas policiers et ne sont formés que durant quatre mois tout au plus.
Voici un premier exemple de ce que nous considérons comme un flou préjudiciable : l’article 1er prévoit de nouvelles possibilités de procéder à des palpations, geste intrinsèquement intrusif (Exclamations sur plusieurs du groupe RN), pour peu que « des éléments objectifs laissent à penser qu’une personne pourrait détenir des objets susceptibles de présenter un risque pour la sécurité des personnes ou des biens ».
Le texte aurait gagné à être beaucoup plus clair, à fixer des objectifs beaucoup plus précis, au lieu de laisser un tel champ à l’appréciation subjective des agents chargés d’effectuer ces palpations.
M. Yoann Gillet
Vous ne servez à rien, les socialistes !
M. Roger Vicot
Mon deuxième exemple concerne la possibilité de confisquer certains objets, susceptibles d’être dangereux ou incommodants par « leur nature, leur quantité ou l’insuffisance de leur emballage ». Je dois vous l’avouer, monsieur le rapporteur : je n’ai toujours pas compris à quoi il était fait référence exactement. Qu’est-ce qu’un objet qui pourrait être dangereux par l’insuffisance de son emballage ou par sa quantité ? Bref, vous proposez là des mesures qui offrent une grande latitude à l’appréciation subjective et méritent, à nos yeux, d’être amendées.
Les amendements que nous proposerons auront donc trait à la formation des personnels, dont je répète que nous saluons le travail, excessivement difficile. En effet, il est nécessaire de renforcer cette formation, de la compléter et de l’objectiver.
Comme nos collègues socialistes du Sénat, nous nous inquiétons du flou juridique de certaines notions, du défaut d’encadrement des technologies utilisées et de la disproportion de certaines des sanctions prévues.
Concernant les nouvelles technologies, nous avons tous ouvert les journaux cette semaine et les précédentes : tous bords confondus, la presse est pleine d’analyses qui soulignent les dangers de ces technologies et de leur développement foudroyant. Si nous ne savons les contenir, nous les subirons ; ce point nous semble vraiment problématique.
Il existe aussi des points positifs, par exemple à propos des caméras-piétons, dont je suis convaincu qu’elles constitueraient un élément de désescalade dans certaines situations, tant pour les agents que pour les contrevenants.
Nous nous inquiétons néanmoins de l’espèce d’appétit de répression qui semble animer un texte qui crée un nouveau délit d’incivilité, prévoit une nouvelle peine d’interdiction d’entrer en gare et introduit des critères d’appréciation très vagues. Sur tous ces points, nous profiterons des débats pour améliorer un texte bien trop imprécis pour que nous ne puissions le voter en l’état, alors qu’il traite – faut-il le rappeler – de la liberté d’aller et venir dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NFP, EcoS et GDR.)
M. le président
La parole est à M. Ian Boucard.
M. Ian Boucard
La sécurité dans les transports en commun est un enjeu majeur pour nos concitoyens. Chaque jour, des millions de Français prennent le train, le métro ou le bus, où l’insécurité est malheureusement une réalité.
En 2023, plus de 111 000 victimes de vols et de violences ont été recensées dans les transports, dont près de 7 620 avaient subi une agression physique et 2 407 des violences sexuelles !
M. Yoann Gillet
C’est le bilan de Darmanin !
M. Ian Boucard
Ces chiffres sont insupportables et appellent une réponse ferme et déterminée.
C’est précisément l’objectif de cette proposition de loi déposée par M. Philippe Tabarot, alors sénateur des Alpes-Maritimes, nommé ministre des transports depuis ; le groupe de la Droite républicaine et moi-même nous réjouissons de cette nomination et soutenons pleinement cette proposition de loi.
En effet, ce texte vise à renforcer les prérogatives des agents de sûreté interne de la SNCF et de la RATP, à améliorer la coopération entre les différents acteurs du continuum de sécurité et à moderniser l’arsenal pénal pour mieux sanctionner les délinquants qui sévissent dans nos transports. Grâce à cette proposition de loi, les agents de sûreté disposeront enfin de moyens plus adaptés : ils pourront inspecter visuellement les bagages et les fouiller avec le consentement de leurs propriétaires, interdire l’accès aux transports aux personnes troublant l’ordre public ou encore intervenir aux abords des infrastructures de transport. Il était temps de leur donner ces droits, car nous ne pouvons pas leur demander d’assurer la sécurité sans leur en donner les moyens.
Par ailleurs, ce texte introduit des avancées essentielles, comme l’usage des caméras individuelles, l’accès en temps réel aux images de vidéoprotection pour mieux coordonner les interventions ou encore la création d’un numéro national unique permettant aux usagers de signaler des incidents.
Mme Élisa Martin
Ça existe déjà !
M. Ian Boucard
Ces mesures répondent à une double exigence : celle d’une meilleure prévention et celle d’une répression plus efficace.
Certains ont critiqué le texte à cause de prétendues atteintes aux libertés individuelles. Soyons clairs : protéger les usagers, c’est avant tout garantir leur liberté d’aller et venir en toute sécurité ! Le droit à la sûreté est fondamental et il est du devoir de l’État de le garantir.
Cependant, ce texte a été nettement modifié lors de son examen en commission à l’Assemblée nationale et nous regrettons que certaines dispositions aient été édulcorées ou supprimées. Je pense notamment à la suppression de l’article qui autorisait les agents de sûreté à retirer des objets dangereux avec le consentement de leur propriétaire, suppression en faveur de laquelle nos collègues du Rassemblement national ont voté. On ne peut prétendre vouloir protéger les Français à longueur de journée sur les plateaux de télévision et supprimer une mesure qui aurait pourtant permis de renforcer la sécurité des usagers.
Nous devons d’ailleurs aller encore plus loin, notamment en généralisant la captation sonore ou en rétablissant la peine complémentaire d’interdiction de paraître dans les réseaux de transport pour les auteurs de certaines infractions graves.
Élaboré en concertation avec les professionnels du secteur, ce texte apporte des solutions concrètes et équilibrées. Il procède d’une volonté claire : celle de restaurer l’autorité et d’assurer la sécurité de tous nos concitoyens.
Mes chers collègues, comme vous pouvez le constater, la Droite républicaine est pleinement mobilisée sur ces enjeux. Nous proposerons donc des amendements pour améliorer encore le texte et nous voterons bien évidemment en faveur de son adoption. Enfin, nous appelons tous les parlementaires soucieux de la sécurité des Français à faire de même. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. le président
La parole est à Mme Sandra Regol.
Mme Sandra Regol
Jamais deux sans trois ! Tel est le constat qu’on peut faire à propos d’un texte tombé une première fois, à la suite de la dissolution, et une seconde, du fait de la censure. Je pensais d’ailleurs qu’avant la troisième tentative d’examen en séance, une nouvelle motion de censure aurait été votée. Raté !
Monsieur le ministre, en préambule, je tiens à vous rappeler qu’on ne légifère pas sur des faits divers : ce n’est pas parce que des événements traumatisants ont lieu que l’on fait des lois, mais parce que l’on doit protéger l’ensemble des Françaises et des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Derrière la question des transports en commun apparaissent de multiples enjeux, qu’ils concernent l’économie, la cohésion des territoires ou l’écologie, bien évidemment. Il convient de consacrer à ces transports les moyens nécessaires à leur fonctionnement – on en est encore loin – et à la sécurité des usagers ; c’est l’objet de ce texte.
Or la sécurité dans les transports, ce sont d’abord des flux maîtrisés, des gares qui ne sont pas submergées et ne mettent pas les usagers en danger, des trains et des métros où les voyageurs puissent respirer et ne soient pas contenus comme dans une canette, des mouvements de foule évités, bref, tous les aspects que ce texte n’aborde pas.
La demande de sécurité émanant des usagers et des personnels des transports est légitime ; nous la soutenons toutes et tous. Mais parfois, les mauvais outils font les mauvaises solutions. Monsieur le rapporteur, j’en conviens, vous avez permis de rendre ce texte bien plus cohérent qu’il ne l’était puisqu’à l’origine, l’incohérence était à peu près partout. Il reste toutefois des occasions de dire « mais » : ces objections concernent notamment des obsessions sécuritaires qui n’ont rien à voir avec une amélioration de la sécurité des passagères et des passagers, et l’instrumentalisation sur les bancs de l’extrême droite d’événements traumatiques qui ne méritent cependant pas que l’on s’obstine à ce point.
Le texte sur lequel nous avons commencé à travailler comprenait une partie inapplicable et une autre déjà appliquée. Il n’en visait pas moins à l’ajout d’une surcouche législative ; la sécurité exige tout de même un peu mieux et nous avons heureusement réussi à le faire partiellement évoluer.
Les Écologistes ont sur ce texte, je dois le reconnaître, deux positions parfois différentes des autres groupes de gauche. Nous ne sommes pas les seuls dans cette situation, puisque j’observe que les députés du groupe DR font de l’obstruction en déposant des amendements dès le titre du chapitre Ier, alors qu’ils me semblaient plutôt favorables au texte. Chacun semble avoir des positions un peu particulières en ce moment !
Premièrement, nous soutenons une demande des conducteurs de bus, qui veulent disposer de moyens d’alerte par captation sonore pour leur sécurité. Nous savons combien il est difficile de recruter mais encore plus de conserver des chauffeurs de bus, notamment en raison de problèmes de sécurité.
Deuxièmement, nous ne sommes pas opposés à la captation, déjà expérimentée dans certaines villes, par des caméras-piétons. Elle fait souvent baisser les tensions : à Lyon, une baisse de près de 30 % des arrêts de travail a été enregistrée depuis qu’elles ont été instaurées. Nous proposons d’ailleurs, pour aller plus loin, de compléter le dispositif en expérimentant la mise en place d’un récépissé dans le cadre des contrôles. Cela permettrait de trouver un point d’équilibre et d’envoyer un signal important pour montrer qu’il ne s’agit pas que d’un texte d’affichage.
Nous nous retrouvons en revanche sur tout le reste avec nos collègues élus sous la bannière du NFP. Nous nous battrons donc sur l’article 1er, dont une partie des dispositions ne sont, elles, que d’affichage – elles sont au moins déjà applicables par décision préfectorale et l’ont d’ailleurs déjà été. Nous défendrons à ce sujet un amendement de suppression et plusieurs amendements de repli.
Nous continuerons à nous battre contre le délit dit d’incivilité d’habitude, qui est inapplicable – certains l’ont déjà largement expliqué – et dont la définition est insensée. Nous nous emploierons à dénoncer les tentatives visant à imposer de façon cavalière la vidéosurveillance algorithmique, d’autant que le rapport issu de la loi de 2023 relative aux JOP de 2024 – celle qui a instauré cette surveillance – est loin d’approuver sans réserve l’usage de tels dispositifs et que le Conseil constitutionnel a déjà encadré le recours à ce type de technologies. Le gouvernement choisit malgré tout, en catimini et au dernier moment, d’ajouter un amendement dont le but est d’en assurer la prolongation sans éclairer le vote des législateurs que nous sommes, sans même en discuter. Ce n’est ni sérieux ni respectueux de nos institutions et de la démocratie ; pour tout dire, c’est assez petit.
Nous nous battrons également contre la dérive des moyens de l’État vers le privé, fût-il paraprivé. Nos amendements relatifs à la formation des agents, qui ont pourtant été déclarés recevables en commission, ne l’ont pas été pour la séance ; c’est fort dommage.
Le texte propose aussi de restreindre les droits des personnes, et par exemple de condamner à la même peine l’atteinte à la vie d’autrui et l’oubli de bagage ; vous conviendrez qu’il s’agit là d’un gloubi-boulga assez particulier.
Reste enfin, même si une bonne part a été gommée, un acharnement systématique sur les plus faibles. Cette obsession à être dur avec les faibles et faible avec les forts n’ennoblit pas notre assemblée et va à l’encontre de nos valeurs républicaines et égalitaires ; et vous savez, monsieur le ministre – je n’ai aucun doute à ce sujet –, que la probité est une valeur essentielle en politique, plus qu’ailleurs.
Il reste donc beaucoup de travail pour passer d’une proposition de loi de communication à un véritable texte d’action. À ce stade, il est encore impossible aux Écologistes de voter en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
M. le président
La parole est à M. Philippe Latombe.
M. Philippe Latombe
L’insécurité dans les transports est un vrai enjeu de sécurité publique, qu’il nous faut appréhender avec pragmatisme et efficacité pour apporter des réponses proportionnées aux menaces – vols avec ou sans violence, agressions physiques et sexuelles, risque terroriste –, en veillant à l’équilibre entre sécurité et respect des libertés publiques. En 2023, le ministère de l’intérieur a recensé 118 400 victimes de vols et de violences dans les transports en commun.
M. Yoann Gillet
Le bilan Darmanin !
M. Philippe Latombe
Si ce chiffre était pour la première fois en baisse depuis 2016, il n’est pas acceptable. La sûreté est un enjeu majeur pour nos transports en commun et le sentiment d’insécurité ne peut plus être un frein à l’usage des transports par nos concitoyens, en particulier les plus vulnérables d’entre eux.
Les transports sont des lieux par nature difficile à sécuriser, mais les contrevenants adoptent des comportements de plus en plus dangereux et pour faire face à cette insécurité, le cadre juridique d’intervention des agents de sûreté dans les transports doit être revu. Sans doute est-il devenu inadapté car trop contraignant.
J’aimerais souligner le rôle des agents de la Suge et du GPSR et saluer leur implication au quotidien. Je rappelle que ce sont des agents assermentés, bénéficiant d’une formation exigeante et continue. Leur action s’inscrit dans un continuum de sécurité qu’il nous faut promouvoir et renforcer, afin d’apporter la réponse la plus adaptée et la plus efficace possible à la délinquance et à la menace terroriste. La présente proposition de loi nous donne les moyens d’aider ces agents dans leur travail, en comblant les lacunes de la législation pénale. Elle doit nous permettre d’assurer une bonne coopération entre les différents acteurs de la sécurité.
L’extension des prérogatives des agents de sûreté en matière de palpation et de saisie, la possibilité de faire usage de caméras-piétons pour les agents de contrôle et les conducteurs de bus, et celle d’interdire l’entrée en gare aux individus qui troublent l’ordre public ou qui refusent de se soumettre à l’inspection de leurs bagages : tous ces dispositifs vont renforcer les moyens juridiques, administratifs et opérationnels des agents de sûreté et leur permettre d’assurer au mieux leurs missions de sécurisation de nos transports.
Nous tenons à saluer votre travail, monsieur le ministre, ainsi que ceux des rapporteurs de l’Assemblée, Clément Beaune puis Guillaume Gouffier Valente, qui ont contribué à améliorer ce texte important.
Le groupe Les Démocrates soutiendra les amendements proposés par le rapporteur et le groupe EPR visant à supprimer la peine d’emprisonnement prévue pour le délit d’incivilité d’habitude, afin de respecter le principe de proportionnalité des peines. Nous voterons également pour le nouveau dispositif permettant aux agents de sûreté de conserver les objets considérés comme dangereux pour les voyageurs, dans un cadre plus respectueux des libertés individuelles.
Toutefois, nous sommes toujours soucieux de garantir la sécurité juridique et la constitutionnalité des propositions de loi que nous votons ; c’est pourquoi nous exprimerons quelques réserves sur certains articles. D’abord, la prolongation de l’expérimentation, mise en œuvre à l’occasion des JO, du traitement algorithmique d’images collectées au moyen de systèmes de vidéoprotection et de drones, est problématique à plusieurs titres. Si nous ne nous opposons pas à la prorogation de l’expérimentation en tant que telle, nous regrettons la méthode.
L’expérimentation va bien au-delà des transports, qui nous occupent aujourd’hui ; la prolonger dans le cadre de cette proposition de loi visant à renforcer la sûreté dans les transports, sans avis du Conseil d’État, ne nous semble pas adapté. L’amendement proposé ne tient pas non plus compte du rapport Vigouroux, qui vient d’être remis au gouvernement et dresse un bilan pour le moins contrasté du dispositif de vidéosurveillance algorithmique expérimenté pendant les JO. Il importe notamment de rappeler que la présence hors norme des forces de l’ordre sur le terrain a finalement rendu la vidéoprotection à surcouche algorithmique moins utile qu’escomptée.
S’agissant de la captation et de la transmission de sons et d’images dans les autobus et les autocars, bien que la rédaction proposée par le rapporteur semble tenir compte des inquiétudes exprimées en commission, nous tenons à réaffirmer que nous sommes opposés à l’enregistrement et à la conservation de ces données.
Enfin, nous maintenons nos réserves quant au délit d’oubli involontaire de bagage et à la communication automatique aux opérateurs de transport public routier de la perte de permis de conduire d’un conducteur. Considérant que ces dispositions ne sont pas opérationnelles, nous proposerons de les supprimer.
Nous espérons que les débats en séance publique permettront de trouver des points d’équilibre sur ces différents sujets. Sous réserve de garanties quant à la sécurité juridique et sur le caractère opérationnel de ses dispositions, notre groupe soutiendra la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
M. le président
La parole est à M. Jean Moulliere.
M. Jean Moulliere
Le groupe Horizons & indépendants souscrit pleinement à l’objectif visé par cette proposition de loi sénatoriale, qui vise à renforcer la sécurité des usagers mais aussi celle des agents des transports publics face aux incivilités, aux actes de malveillance et aux menaces terroristes. Je tiens à saluer le travail accompli par le ministre Philippe Tabarot et le rapporteur Guillaume Gouffier Valente.
En 2023, 118 440 personnes ont été victimes de vols et de violences dans les transports en commun. Il convient de souligner que ce sont les femmes qui subissent le plus ces vols et ces violences : elles sont victimes de plus de 56 % des vols avec ou sans violence et de plus de 95 % des violences sexuelles. Un tel constat exige du législateur qu’il interroge le cadre législatif actuel, pour mieux protéger l’ensemble des usagers et des agents. Le groupe Horizons & indépendants tient à ce titre à saluer le travail réalisé au quotidien par l’ensemble des agents des entreprises de transport.
Ce texte bienvenu s’inscrit ainsi dans la continuité des mesures déjà prises par les gouvernements successifs depuis 2017, je pense notamment à la loi d’orientation des mobilités du 24 décembre 2019 ou à la loi du 19 mai 2023 relative aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024. Les dispositions du présent texte, enrichies par nos collègues sénateurs et par la commission des lois de notre assemblée, correspondent pleinement à cette volonté d’offrir davantage de sécurité à tous les usagers des transports publics.
Le groupe Horizons & indépendants estime indispensable d’étendre les prérogatives des forces de sécurité intérieure intervenant dans les transports, en assouplissant les conditions dans lesquelles ils peuvent procéder à des palpations de sécurité, en leur offrant la possibilité d’intervenir aux abords immédiats des gares et des stations, sous certaines conditions, ou encore en interdisant l’accès en gare de certaines personnes. Nous soutenons également l’extension des prérogatives des polices municipales, qui leur permettra d’accéder aux véhicules et aux espaces de transport lorsqu’une convention aura été conclue avec l’exploitant d’un service de transport public.
Sur ce dernier point, notre groupe salue l’adoption, en commission des lois, d’un de nos amendements visant à associer systématiquement les opérateurs de transport à la conclusion des conventions passées avec le bloc communal, afin de favoriser la bonne coordination de l’ensemble des acteurs.
Par ailleurs, créer de nouveaux délits est indispensable pour améliorer la réponse pénale aux faits commis dans les transports. Parce que la délinquance évolue, notre arsenal législatif doit s’adapter. Ainsi, alors que les actes de train surfing se multiplient, notre code pénal ne contient à ce jour aucun dispositif permettant de qualifier précisément de tels faits.
Enfin, et de manière plus générale, le législateur se doit d’engager une réflexion sur les apports éventuels des nouvelles technologies à la sûreté dans les transports. Cette réflexion doit veiller à préserver l’équilibre constitutionnel entre maintien de l’ordre public et respect des libertés fondamentales, en tenant compte notamment du droit au respect de la vie privée, garanti depuis 1999 par le Conseil constitutionnel. Le traitement des données personnelles doit également satisfaire aux exigences nationales et européennes. Eu égard à l’ensemble de ces garanties, il nous semble que le texte propose une réponse équilibrée, conciliant apports technologiques et maintien des libertés fondamentales. Le groupe Horizons & indépendants votera donc en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et DR. – MM. Vincent Caure et Éric Martineau applaudissent également.)
M. le président
La discussion générale est close.
La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Tabarot, ministre
Je fournirai rapidement quelques éléments de réponse, pour ne pas alourdir cette discussion qui a été très intéressante et très complète.
Madame Faucillon, vous dites que les caméras-piétons suscitent des inquiétudes ; pourtant, elles sont plébiscitées par les agents et par les syndicats, qui demandent à en disposer.
Madame Ricourt Vaginay, merci d’avoir pris conscience de l’ampleur du problème.
Monsieur Jenft, nous aurons l’obsession de mettre en pratique concrètement les nouvelles mesures qui seront votées dans le texte.
Monsieur Caure, merci pour l’hommage rendu aux agents du GPSR et de la sûreté, qui connaissent bien la procédure pénale et qui possèdent une solide formation ; je tiens à le rappeler, puisque d’autres interventions ont semblé remettre en cause cette réalité.
Monsieur Portes, je veux me battre pour la qualité des services rendus aux usagers ; or leur priorité, c’est la sécurité. Concernant vos attaques personnelles, je sais quels combats je mène pour le ferroviaire dans notre pays et je n’ai pas de leçon à recevoir, encore moins sur le plan humain, de votre part. (Exclamations sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Monsieur Vicot, j’espère parvenir à vous convaincre que je ne suis pas rétrograde par rapport au travail accompli par MM. Savary et Le Roux en 2016, car l’insécurité a explosé depuis l’adoption de la loi que l’on désigne par leurs noms.
Madame Regol, j’ai du mal à comprendre comment une écologiste pourrait refuser de voter un texte censé susciter un report modal vers le train. J’ai l’impression que les questions environnementales ne vous intéressent vraiment plus du tout ! (Mêmes mouvements.)
Mme Sandra Regol
Ben voyons !
Mme Dominique Voynet
C’est subtil, ça ! C’est argumenté, c’est soigné ! On attend des réponses sur le fond, pas du blabla !
M. Philippe Tabarot, ministre
Enfin, merci à MM. Boucard et Moulliere pour leur soutien clair et franc. Monsieur Latombe, j’espère réussir à vous convaincre du bien-fondé de certaines mesures d’ici au vote définitif de la loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. le président
La parole est à M. le rapporteur.
M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur
Je n’avais pas prévu de prendre la parole à ce stade, puisque nous aborderons le fond du texte au cours de la discussion des articles et des amendements, mais je souhaite toutefois répondre à quelques orateurs.
Monsieur Vicot, lors de votre intervention, vous m’avez attribué à plusieurs reprises quelques rédactions qui ne sont pas les miennes et dont je vous ai déjà proposé la réécriture en commission ! Vos propos, ceux de Sandra Regol et Ian Boucard, me conduisent à évoquer le travail réalisé et l’esprit du texte.
Cette proposition de loi a fait l’objet d’un travail initial avec les acteurs de terrain – tout particulièrement la SNCF, la RATP, la Suge et le GPSR ; il faut l’assumer ! Comme l’indique son titre, il vise à renforcer la sûreté. Ainsi, il ne concerne pas en premier lieu les sociétés de sécurité privée mais les acteurs publics de la sûreté ferroviaire que sont le GPSR et la Suge, même si on peut avoir des débats sur l’évolution de la sûreté dans notre pays.
Ce texte a été largement remanié en commission avec l’adoption d’amendements issus de différents groupes : sept du groupe EPR, huit du groupe socialiste, six du groupe écologiste, cinq du groupe LFI-NFP, cinq amendements de M. Sacha Houlié – j’allais parler du groupe Sacha Houlié (Sourires) –, trois du groupe RN, un du groupe Horizons et un du groupe LIOT.
Si aucun amendement du groupe LR n’a été adopté – c’est un regret – je salue ses travaux, et notamment ceux de Ian Boucard : certains des amendements qu’il a proposés, jugés irrecevables, traitaient de sujets dont nous aurions dû discuter, tels que l’enquête administrative sur les entreprises sous-traitantes ou des questions relatives aux agents des sociétés de sécurité privée – dont certains seront moins protégés que les agents de contrôle habilités par exemple à faire usage de caméras-piétons.
À l’occasion de l’examen des dispositifs prévus aux trois premiers articles, nous avons abordé les questions relatives à l’amélioration de l’encadrement des contrôles. Les propositions de Sandra Regol mériteront d’être discutées, par exemple la remise d’un récépissé ciblé lors des palpations réalisées sans accord préfectoral préalable et lors des saisies – dispositifs exorbitant du droit commun dont les agents demandent l’instauration et sur lesquels nous devons avancer. Je ne vois pas d’inconvénient à encadrer ces pratiques dont nous avons besoin.
Les articles 12 et 14 ont été toilettés. J’ai entendu les interrogations relatives à la proportionnalité des dispositifs pénaux qu’ils prévoient. Afin de mieux l’assurer, certaines dispositions issues d’amendements, qui semblaient exorbitantes, ont été resserrées. Nous irons plus loin avec la suppression des peines d’emprisonnement dont certains groupes, notamment le groupe RN, ont fait valoir qu’elles paraissaient inapplicables. Cette suppression ne constitue pas une raison de rejeter l’article 12.
L’article 14 vise à donner une plus grande lisibilité aux dispositifs relatifs à l’abandon des bagages. Je suis sensible aux propos de Philippe Latombe. Il faut peut-être en rester à du contraventionnel en la matière. En tout état de cause, ce phénomène insupportable entraîne de graves dysfonctionnements sur le réseau et doit être traité.
Voilà ce qui nous a guidés en commission. Nous poursuivrons en séance publique le travail de clarification et d’amélioration déjà entamé. J’espère recueillir le plus grand soutien possible avant une éventuelle discussion du texte en commission mixte paritaire.
Discussion des articles
M. le président
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
Avant l’article 1er
M. le président
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 128 et 252, portant article additionnel avant l’article 1er.
La parole est à M. Nicolas Ray, pour soutenir l’amendement no 128.
M. Nicolas Ray
Cet amendement de notre collègue Virginie Duby-Muller vise à compléter le titre du premier chapitre de cette loi, équilibrée et de bon sens, au service de la sécurité de nos concitoyens. Il s’agit d’y ajouter « les agents de sécurité privée réalisant leur mission dans les emprises et véhicules de transport », car nous souhaitons que ces agents puissent opérer des saisies d’objets dangereux, notamment d’armes blanches.
Mme Élisa Martin
Et voilà !
M. Nicolas Ray
C’est ainsi un amendement de cohérence.
M. le président
L’amendement no 252 de M. Ian Boucard est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur
L’amendement no 128 est présenté comme « rédactionnel ». Je suis en désaccord car c’est tout un programme ! Je propose d’en rester au titre initial.
Je partage l’invitation à mener une réflexion plus large et plus longue sur le devenir de la sûreté dans notre pays : ce sujet, très peu abordé lors des débats de la commission des lois au mois de mai, a été très présent lors des récents travaux et des déplacements sur le terrain. Nous avons d’ores et déjà beaucoup échangé sur ce point avec M. le ministre et ses équipes.
Il faudra y revenir. C’est le sens de l’amendement que j’ai déposé à la fin du texte et de celui déposé par M. Vincent Caure pour le groupe EPR proposant une demande de rapport sous dix-huit mois pour évaluer les conséquences de l’ouverture à la concurrence des transports en commun en Île-de-France en matière de sûreté dans les transports.
En l’espèce, la proposition de loi vise au renforcement de la sûreté dans les transports, et en son chapitre Ier, à renforcer les prérogatives des agents du GPSR et de la Suge. Je propose donc le retrait de ces amendements qui visaient surtout, j’imagine, à nous interpeller. À défaut, avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Philippe Tabarot, ministre
Je partage l’avis du rapporteur. Si les agents des sociétés de sécurité privée jouent un rôle précieux dans le continuum de sécurité, nous ne pouvons leur confier dans l’immédiat les mêmes prérogatives qu’aux agents du GPSR et de la Suge. Nous continuerons à travailler avec eux afin qu’ils trouvent une véritable place dans le dispositif de sécurité mais j’émets un avis défavorable aux amendements identiques.
M. le président
La parole est à Mme Sandra Regol.
Mme Sandra Regol
Habituellement, nous votons des amendements pour mettre le texte en conformité avec ce qui a déjà été voté en commission et non pour le mettre en conformité avec des amendements proposés mais non votés, voire rejetés, en commission. Chers collègues du groupe DR, votre manière de faire est un peu particulière ! Si une telle proposition était venue de notre groupe, elle aurait suscité des cris d’orfraie sur tous les bancs de cette assemblée.
M. le président
La parole est à M. Ian Boucard.
M. Ian Boucard
Je réponds à l’interpellation de notre collègue Sandra Regol. Nous avons déjà eu ce débat sur le projet de loi « sécurité globale » et sur la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur. Nous sommes profondément en désaccord sur le rôle des sociétés de sécurité privée. Dont acte. Je ne vous reproche pas votre position ; ne nous reprochez pas la nôtre ! La conception exprimée par les amendements de Virginie Duby-Muller, de Corentin Le Fur et par les miens est la position historique de la Droite républicaine.
Nous les maintenons. Certes, ces amendements ne seront sans doute pas votés mais, lors du prochain débat sur un texte relatif à la sécurité, vous pouvez compter sur moi, madame Regol, pour redéposer le même genre d’amendements…
Mme Dominique Voynet
Hélas !
M. Ian Boucard
…et je sais pouvoir compter sur vous pour vous y opposer ! (Sourires. – Mme Michèle Tabarot applaudit.)
(Les amendements identiques nos 128 et 252 ne sont pas adoptés.)
Article 1er
M. le président
Je suis saisi de plusieurs amendements identiques, nos 2, 99, 174 et 223, tendant à la suppression de l’article 1er.
La parole est à M. Roger Vicot, pour soutenir l’amendement no 2.
M. Roger Vicot
Comme je l’ai indiqué dans la discussion générale, compte tenu de ce qu’il prévoit pour étendre les compétences des agents, notamment en matière de palpations, l’article 1er est un de ceux qui nous ont le plus préoccupés.
Je répète que ce texte est flou. Les palpations sont désormais possibles lorsque « des éléments objectifs laissent à penser qu’une personne pourrait détenir des objets susceptibles de présenter un risque pour la sécurité ». Tout ceci relève de la subjectivité la plus totale et laisse une marge d’appréciation beaucoup trop importante à des agents qui n’ont pas reçu une formation juridique équivalente à celle des agents de police ou de gendarmerie.
L’amendement prévoit donc la suppression d’un des aspects les plus problématiques du texte.
M. le président
La parole est à M. Thomas Portes, pour soutenir l’amendement no 99.
M. Thomas Portes
Je rejoins l’orateur précédent. Il s’agit d’un des articles symboliques de ce texte : il tend à étendre les prérogatives des agents de sécurité sans qu’une formation n’accompagne l’attribution de nouveaux pouvoirs.
Je l’ai dit lors de la discussion générale, la Défenseure des droits reconnaît l’existence d’un risque de discrimination en cas de palpation. C’est une réalité chiffrée qui ressort d’enquêtes de terrain. Nous nous opposons à l’extension des palpations, a fortiori sans formation préalable des agents.
Nous souhaitons donc la suppression de cet article qui, je le répète, résume votre loi : plus de pouvoirs, moins de formation, pas de contrôle ! Jusqu’à présent, ces mesures étaient subordonnées à une autorisation préfectorale. Elles seront désormais décidées de manière subjective sur la base « d’éléments objectifs laissant à penser qu’une personne pourrait » présenter un risque. Tout cela est laissé à l’appréciation d’agents dépourvus de formation. Ce manque d’encadrement est susceptible de générer des pratiques discriminatoires.
M. le président
Je vous informe que, sur les amendements identiques nos 2, 99, 174 et 223, je suis saisi par les groupes Rassemblement national et Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Sandra Regol, pour soutenir l’amendement no 174.
Mme Sandra Regol
Il a été très bien défendu par mes collègues Roger Vicot et Thomas Portes. Je m’en tiens là !
M. le président
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l’amendement no 223.
Mme Elsa Faucillon
Pour les mêmes raisons que nos collègues, nous proposons la suppression de cet article qui confère, avec beaucoup de flou et de disproportion, de nouvelles prérogatives aux agents des services de sécurité de la SNCF et de la RATP.
Au-delà de notre opposition à une telle extension, il est très surprenant de ne pas s’interroger sur les biais discriminatoires qui peuvent intervenir à l’occasion de ces palpations et sur le fait qu’elles pourront être réalisées par des personnes qui ne sont pas formées à l’existence de ces biais.
Un député du groupe RN
Mais si, elles sont formées !
Mme Elsa Faucillon
C’est un problème tant du point de vue des droits et libertés qu’en ce qui concerne la sécurité et l’efficacité de ces mesures. En effet, une étude diligentée par le ministère de la justice a démontré que les contrôles au faciès opérés dans la gare du Nord ne ciblaient pas les personnes ayant les bagages les plus gros ou volumineux susceptibles de contenir des armes pouvant être utilisées pour fomenter un attentat, mais celles ressemblant à des personnes dites de banlieues ou, pour formuler les choses plus clairement, avec un biais discriminatoire, les personnes considérées comme noires ou arabes. Il s’agit donc à la fois d’un problème de discrimination et d’un problème de sûreté.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur
Ces amendements de suppression appellent des réponses. Cet article est essentiel car il propose d’accorder deux prérogatives nouvelles à la Suge et au GPSR, entités publiques dont les membres sont formés…
Mme Elsa Faucillon
Pas sur les discriminations !
M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur
…y compris en matière de discriminations. Je ne peux laisser dire l’inverse : ils suivent différents modules pendant plusieurs mois tant sur la manière de mener les opérations que s’agissant de la vigilance nécessaire en matière de lutte contre les discriminations.
La première prérogative prévue par le texte est la possibilité de procéder à des palpations de sécurité sans accord préfectoral préalable si des éléments objectifs laissent penser qu’un individu pourrait détenir des objets susceptibles de présenter un risque pour la sécurité des personnes.
La deuxième prérogative – la saisie d’objets dangereux – a, elle, été supprimée en commission. Je vous proposerai tout à l’heure d’adopter cette même mesure, dans une autre rédaction – peut-être plus claire.
L’octroi de ces deux prérogatives est essentiel pour au moins trois raisons, à commencer par l’explosion de l’introduction d’objets dangereux dans les transports publics, une situation que nous ne pouvons laisser perdurer. La SNCF a ainsi dénombré en 2023 4 146 introductions d’objets dangereux sur son réseau – contre 1 447 en 2018.
Deuxièmement, nous avons été confrontés à une multiplication d’attaques dont le point de départ est précisément le port d’objets dangereux, qu’ils aient été fabriqués ou détournés de leur usage premier, par exemple des marteaux brise-glace volés dans des trains.
Enfin, le cadre juridique actuel est insatisfaisant. Ainsi, les arrêtés préfectoraux qui ont été pris s’agissant de la palpation couvrent bien la région Île-de-France mais pas les autres régions. En outre, le cadre juridique n’est plus adapté aux nouveaux comportements dangereux que nous observons. Si, par exemple, un agent de la Suge ou du GPSR repère un objet dangereux pouvant constituer une arme, il doit appeler un officier de police judiciaire, lequel doit alors venir sur place. Or, bien souvent, celui-ci ne se déplace pas et l’agent doit alors reconduire l’individu en dehors de l’emprise de la gare sans pouvoir se saisir de l’objet, à moins que le suspect ne se déleste de celui-ci, en le jetant par exemple dans une poubelle à proximité du véhicule.
Par ailleurs, ces deux dispositifs font l’objet de garanties juridiques solides, rappelées par certains d’entre vous pendant la discussion générale. La palpation comme la saisie ne peuvent être effectuées sans le consentement de l’individu et, je le répète, les agents de la Suge et du GPSR sont très bien formés pour mener à bien de telles opérations, et ils sont assermentés.
Je suis en conséquence défavorable à ces amendements. Je préfère que nous travaillions ensemble à une amélioration du cadre juridique actuel ou à celle des rédactions proposées.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Philippe Tabarot, ministre
Le rapporteur a très bien expliqué la situation. Nous parlons d’un article important de la proposition de loi. Je souhaite qu’il soit maintenu en l’état et j’émets donc un avis défavorable sur ces quatre amendements.
M. le président
La parole est à Mme Élisa Martin.
Mme Élisa Martin
L’article pose deux problèmes. Premièrement, on semble oublier que si les OPJ se voient attribuer certaines missions, c’est parce qu’ils possèdent des compétences particulières, liées notamment à une formation de qualité, mais aussi parce qu’ils respectent un cadre réglementaire et juridique qui permet de garantir les droits de tous.
Les agents se plaignent de devoir faire appel à un OPJ qui, parfois, ne vient pas. Ils ont raison mais, dans ce cas, il faut s’interroger sur le manque d’effectifs parmi les OPJ. De notre point de vue, la solution se trouve du côté du recrutement des OPJ plutôt que dans le fait de confier des compétences supplémentaires à des personnels de sûreté ou de sécurité qui relèvent malgré tout du privé ou du parapublic.
De surcroît, vous parlez d’individus qui paraissent susceptibles de détenir des objets dangereux, ce qui est beaucoup trop subjectif – mais c’est bien normal, comment pourrait-il en être autrement ? Une telle pratique est donc la porte ouverte aux discriminations, et ce, même si les agents bénéficiaient de formations en la matière plus solides que celles qu’ils doivent suivre actuellement – si elles existent. En tout cas, pour éviter un tel biais discriminatoire, on ne vote pas un article de loi comme celui-ci. (Mme Marie Mesmeur applaudit.)
M. le président
Je mets aux voix les amendements nos 2 et identiques.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 79
Nombre de suffrages exprimés 79
Majorité absolue 40
Pour l’adoption 24
Contre 55
(Les amendements identiques nos 2, 99, 174 et 223 ne sont pas adoptés.)
M. le président
La parole est à M. Bérenger Cernon, pour soutenir l’amendement no 100.
M. Bérenger Cernon
L’article 1er prévoit une extension des pouvoirs des agents de sûreté de la SNCF et de la RATP. Il permettrait ainsi à ces derniers de procéder à des palpations de sécurité en dehors de toute autorisation préfectorale et sur la base de critères relativement flous.
Les risques de dérives sont pourtant bien documentés. Les études, notamment celles du Défenseur des droits et du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), montrent que les contrôles d’identité et les palpations de sécurité touchent de manière disproportionnée les personnes perçues comme appartenant à des minorités.
En affaiblissant les garanties qui encadraient ces pratiques, le texte risque d’exacerber encore les discriminations et de creuser la défiance entre la population et les agents de sécurité.
Par ailleurs, cette extension des pouvoirs de sécurité des agents de la Suge et du GPSR s’inscrit dans un mouvement plus large de délégation des missions régaliennes à des acteurs privés ou parapublics. Nous refusons une telle dérive, qui affaiblit l’État et brouille la frontière entre sécurité publique et intérêts privés.
Notre amendement ne vise pas à supprimer l’article mais à instaurer pour les agents – et c’est bien le minimum – une obligation de formation à la non-discrimination. Il s’agit d’une mesure de bon sens qui ne remet pas en cause leur action mais garantit qu’elle soit conforme au respect des droits fondamentaux et à la dignité de chacun.
M. le président
Sur l’amendement n° 100, je suis saisi par le groupe Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur
Vous proposez de réécrire la vingtaine d’alinéas que compte l’article 1er, ce qui revient en quelque sorte à le supprimer. Le procédé est peut-être habile mais un tel amendement ne peut recueillir qu’un avis défavorable de ma part.
Nous reviendrons plus en détail, avec M. le ministre, à l’occasion d’amendements à venir, comme le no 101, sur certaines questions que vous évoquez ici.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Philippe Tabarot, ministre
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable. La mesure est satisfaite. L’interdiction de toute forme de discrimination par les agents de la Suge et le GPSR dans le cadre de l’exercice de leur mission est déjà prévue par le code des transports.
Il est également prévu que l’entreprise qui les emploie leur dispense une formation adaptée, ce qui inclut de traiter des règles de déontologie.
M. Emmanuel Mandon
C’est très clair !
M. le président
La parole est à Mme Élisa Martin.
Mme Élisa Martin
Vous nous dites que, selon le code des transports, les pratiques discriminatoires sont interdites. J’ai envie de répondre : heureusement ! Il faut tout de même être sérieux.
Nous vous demandons de nous indiquer précisément quelle formation est prévue pour que des agents de sécurité privée ou parapublique ne commettent pas des gestes qui conduiraient à des pratiques discriminatoires. Vous nous répondez que de telles pratiques sont interdites : très bien, merci beaucoup. Cela ne nous indique pas comment travailler sur ce sujet, ce qui est absolument nécessaire aujourd’hui, c’est le moins qu’on puisse dire – je ne ferai aucune allusion à un ministre en particulier ni à son idéologie.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 100.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 77
Nombre de suffrages exprimés 76
Majorité absolue 39
Pour l’adoption 22
Contre 54
(L’amendement no 100 n’est pas adopté.)
M. le président
Sur l’amendement n° 125 rectifié, je suis saisi par le groupe Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Élisa Martin, pour le soutenir.
Mme Élisa Martin
Nous ne souhaitons pas que les agents de sécurité du secteur privé ou parapublic puissent procéder à des palpations. Nous voyons dans une telle mesure l’un des symboles d’une tendance – lente mais régulière et très affirmée – à confier à d’autres professionnels certaines prérogatives dévolues à nos policiers. Or, en raison du statut de ces derniers – ce n’est pas une question de personne –, ces pratiques ne peuvent s’inscrire dans le cadre du respect des droits de chacun.
D’ailleurs, puisque nous manquons de policiers dans le pays – c’est une réalité –, pourquoi ne pas créer les conditions permettant à ces personnes de devenir policiers ou gendarmes de plein exercice ?
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur
Défavorable. J’ai bien entendu vos arguments. Encore une fois, vous souhaitez réécrire l’article, ce qui entraînerait sa suppression.
Je constate que l’adoption de votre amendement conduirait en réalité à retirer aux agents du GPSR et de la Suge certaines prérogatives, par exemple en matière de contrôle visuel. Ces mêmes agents auraient finalement moins de prérogatives que les agents de sûreté privée.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Philippe Tabarot, ministre
Défavorable également, pour les mêmes raisons. J’en profite pour rappeler que les formations existent déjà. Les agents de la Suge suivent tout d’abord une formation de quinze semaines qui se déroule au sein de l’Université de la sûreté de la SNCF, soit deux cent quatre-vingt heures de formation avec, en alternance, des cours théoriques – droit pénal, procédure pénale – et des techniques d’intervention spécifiques au milieu dans lequel ils interviennent. Une deuxième phase, conditionnée à la réussite de la première phase, dure douze semaines et permet d’approfondir certaines techniques. La dernière phase, de consolidation, comporte elle aussi plusieurs heures de formation, et se déroule également à l’Université de la sûreté. À l’issue de ces trois phases, le jury de l’autorité certificatrice se réunit pour statuer sur la maîtrise par le bénéficiaire des compétences.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 125 rectifié.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 76
Nombre de suffrages exprimés 70
Majorité absolue 36
Pour l’adoption 16
Contre 54
(L’amendement no 125 rectifié n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de deux amendements, nos 101 et 3 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune. L’amendement no 3 fait l’objet de deux sous-amendements, nos 270 et 271.
La parole est à M. Thomas Portes, pour soutenir l’amendement no 101.
M. Thomas Portes
Il vise à instaurer une obligation de formation à la non-discrimination. M. le ministre nous répond qu’il existe des modules de formation des agents de la Suge et du GPSR. Mais personne ici n’a dit qu’ils n’étaient pas formés ; nous demandons simplement des garanties supplémentaires de formation correspondant aux nouvelles missions que vous souhaitez leur attribuer.
J’aimerais que vous nous donniez le nombre exact d’heures de formation à la non-discrimination que suivent les agents de la Suge. Quel est le volume horaire exact de la formation qu’ils doivent suivre avant de pouvoir procéder à des palpations ?
Vous avez également indiqué que le code de déontologie interdisait toute pratique discriminatoire. Excusez-moi, mais il existe aussi un code de déontologie de la police et de la gendarmerie qui interdit les violences policières. Pourtant il y en a toutes les semaines dans le pays. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. Emeric Salmon
Il n’y a pas de violence policière ! Il y a des violences de délinquants qu’il faut réprimer !
M. Thomas Portes
Par conséquent, un code de déontologie ne constitue pas une garantie. Il faut plutôt savoir quelle formation est dispensée aux agents pour leur permettre d’exercer correctement leur métier. Nous demandons une formation obligatoire relative aux pratiques discriminatoires.
M. le président
Sur les amendements nos 101 et 3 rectifié et sur le sous-amendement no 270, je suis saisi par le groupe Ensemble pour la République de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
M. le président
La parole est à M. Roger Vicot, pour soutenir l’amendement no 3 rectifié.
M. Roger Vicot
J’ai bien entendu les explications de M. le ministre, qui tendait à montrer que l’amendement était satisfait. Certes, il l’était, mais jusqu’à cet article 1er qui confie des compétences nouvelles aux agents de la RATP et de la Suge.
Pourquoi serait-il gênant de prévoir une formation nouvelle liée à ces nouvelles compétences ? C’est l’objet de l’amendement.
Mme Élisa Martin
Bien joué !
M. le président
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter les sous-amendements nos 270 et 271, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur
Il s’agit de sous-amendements rédactionnels.
M. le président
Puisque vous avez la parole, monsieur le rapporteur, pourriez-vous nous donner l’avis de la commission sur les deux amendements en discussion commune ?
M. Guillaume Gouffier Valente, rapporteur
Je précise que mes deux sous-amendements portent sur l’amendement no 3 de notre collègue Roger Vicot, que nous avions déjà examiné en commission, et dont l’objectif est de prévoir que les agents suivent effectivement une formation obligatoire spécifique visant à éviter toute atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution. Le premier sous-amendement tend à rectifier l’ordonnancement des alinéas et le second propose de substituer aux mots « Société nationale des chemins de fer français » le mot « SNCF ».
Je demande donc le retrait de l’amendement no 101 – à défaut, j’émettrai un avis défavorable –, au profit de celui de M. Vicot sur lequel j’émets un avis favorable, sous réserve que les deux sous-amendements soient adoptés.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Philippe Tabarot, ministre
J’émets un avis défavorable sur les deux amendements en discussion commune, ainsi que, par conséquent, sur les sous-amendements de M. le rapporteur – j’espère qu’il ne m’en voudra pas.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 101.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 75
Nombre de suffrages exprimés 74
Majorité absolue 38
Pour l’adoption 22
Contre 52
(L’amendement no 101 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix le sous-amendement no 270.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 64
Nombre de suffrages exprimés 57
Majorité absolue 29
Pour l’adoption 16
Contre 41
(Le sous-amendement no 270 n’est pas adopté.)
(Le sous-amendement no 271 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 3 rectifié.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 75
Nombre de suffrages exprimés 75
Majorité absolue 38
Pour l’adoption 33
Contre 42
(L’amendement no 3 rectifié n’est pas adopté.)
M. le président
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
2. Ordre du jour de la prochaine séance
M. le président
Prochaine séance, demain, à quinze heures :
Questions au gouvernement ;
Suite de la discussion de la proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports.
La séance est levée.
(La séance est levée à minuit.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra