Deuxième séance du lundi 20 janvier 2025
- Présidence de M. Roland Lescure
- 1. Urgence pour Mayotte
- Discussion des articles (suite)
- Après l’article 3
- Article 4
- Amendements nos 46 et 13
- Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
- Amendements nos 176 rectifié, 133, 177, 24, 274 et 135
- Après l’article 4
- Article 4 bis
- Article 5
- Article 6
- Après l’article 6
- Amendements nos 83 et 82
- Sous-amendement no 321
- Amendements nos 32, 81 rectifié, 112 rectifié, 146 rectifié et 173 rectifié
- Article 6 bis
- Après l’article 6 bis
- Article 7
- Article 8
- M. Hervé de Lépinau
- Amendements nos 181 et 150
- Discussion des articles (suite)
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de M. Roland Lescure
vice-président
M. le président
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
1. Urgence pour Mayotte
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi d’urgence pour Mayotte (nos 772, 775).
Discussion des articles (suite)
M. le président
Cet après-midi, l’Assemblée a commencé l’examen des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 207 portant article additionnel après l’article 3.
Après l’article 3
M. le président
Sur cet amendement, je suis saisi par le groupe Écologiste et social d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Dominique Voynet, pour le soutenir.
Mme Dominique Voynet
En matière d’urbanisme, les dispositions que nous avons prises sont précises. Celles qui concernent la reconstruction des réseaux de distribution et d’assainissement de l’eau potable le sont beaucoup moins, en particulier s’agissant des moyens de concrétiser les engagements pris par les uns et les autres. Nous l’avons souligné en commission.
Tout le monde, ici, sait que le syndicat mixte d’eau et d’assainissement de Mayotte (Smeam) dispose de moyens humains, de compétences et d’une ingénierie relativement faibles, alors qu’il est chargé de très lourds travaux – je pense notamment à la troisième retenue collinaire et à l’extension de l’usine de dessalement d’eau de mer.
Mon amendement, qui est en quelque sorte un amendement d’appel, vise à faire en sorte que le syndicat mixte produise un inventaire exhaustif des travaux qu’il estime nécessaires pour Mayotte, en prenant en compte les vulnérabilités révélées par le cyclone Chido. Cela nous permettra, lors de l’examen du prochain projet de loi pour Mayotte, de disposer des informations les plus récentes quant aux ressources à mobiliser pour que le syndicat mixte puisse assumer totalement ses missions.
M. le président
La parole est à Mme Estelle Youssouffa, rapporteure de la commission des affaires économiques, pour donner l’avis de la commission.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure de la commission des affaires économiques
La première partie de votre amendement, madame Voynet, décrit une mission qui est déjà celle du syndicat mixte : c’est le rôle qu’il aura à jouer dans le cadre de la reconstruction des réseaux d’eau. Cependant, si le raccordement de toute la population à l’eau potable et au système d’assainissement est évidemment un objectif souhaitable, la disposition inscrite dans l’amendement n’a aucune portée normative et ne fournit pas les moyens qui permettraient de réaliser ledit objectif. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
M. le président
La parole est à M. le ministre d’État, ministre des outre-mer, pour donner l’avis du gouvernement.
M. Manuel Valls, ministre d’État, ministre des outre-mer
L’objectif poursuivi par votre amendement me semble louable, surtout si l’on considère le passé très récent, notamment la crise hydrique majeure qui est survenue en 2023. Le gouvernement a déjà déployé le plan Eau Mayotte 2024-2027, financé à hauteur de 275 millions d’euros et qui repose sur trois volets : investissements en matière d’eau potable et d’assainissement, renforcement des moyens humains et matériels, action partenariale et organisationnelle au sein d’un plan d’adaptation au changement climatique. Nous devons donc, et moi au premier chef, nous efforcer de comprendre pourquoi nous n’avançons pas plus vite sur ces dossiers, alors que la volonté politique et les investissements sont là, comme en témoigne le projet que je viens d’évoquer.
Quant au plan Mayotte debout, il a pour ambition la mise à niveau du réseau de distribution sur tout le territoire, dans les mois qui viennent et d’ici la fin de l’année. Il faut y parvenir car c’est essentiel, pour toutes les raisons qui ont déjà été exposées. Il prévoit également une augmentation des investissements, initialement fixés à 60 millions pour 2025 : j’ai déjà pris l’engagement d’accroître les moyens en fonction des besoins, notamment pour accélérer la mise en service de l’usine de dessalement d’Ironi Bé et la création de la troisième retenue collinaire, déjà évoquée.
Nous voulons donc aider le Syndicat mixte d’eau et d’assainissement de Mayotte à atteindre ces objectifs, car c’est à lui qu’il incombe d’y parvenir ; mais il ne pourra le faire – c’est ce qu’attendent les Mahorais – qu’à condition de moderniser ses structures. Nous disposons déjà d’un inventaire et le syndicat se fixe évidemment l’objectif que vous souhaitez ici inscrire dans la loi. Comme Mme la rapporteure, je considère donc que votre amendement est satisfait et je vous demande de le retirer ; à défaut, j’émettrai malheureusement un avis défavorable.
M. le président
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet
Je ne vous cache pas que je m’attendais à cette réponse.
M. Pierre Cordier
Ils se connaissent bien ! (Sourires.)
Mme Dominique Voynet
Après avoir constaté que le syndicat mixte d’eau et d’assainissement de Mayotte ne travaillait pas dans des conditions optimales, on l’a réformé tambour battant et séance tenante. On sait qu’il n’est pas réellement en mesure de faire face à l’ampleur des investissements qui lui sont demandés, mais on entend que tout est prévu et que tout va bien. Mme la rapporteure nous dit que notre amendement, dénué de portée normative, ne dote pas le syndicat mixte de moyens supplémentaires. Et pour cause : celui que j’avais déposé en vue de l’examen en commission comportait des dispositions plus précises en matière de moyens financiers, mais il a été considéré comme irrecevable au titre de l’article 40.
M. Philippe Gosselin
Ah, le fameux article 40 !
Mme Dominique Voynet
J’ai donc fait le choix de la prudence ! Mais évidemment, ce qui m’importe, c’est que nous sortions de l’ornière dans laquelle nous sommes enlisés depuis des années, s’agissant de l’amélioration de l’accès à l’eau et de la constitution d’un réseau sérieux d’assainissement, qui n’existe pas à ce jour.
Je vais retirer mon amendement, qui ne serait de toute façon pas adopté ; mais vous le retrouverez dans un mois ou deux, monsieur le ministre, quand vous présenterez votre projet de loi.
M. Antoine Léaument
S’il est encore là !
M. Philippe Gosselin
Ce sera du recyclage !
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
C’est l’amendement zombie !
(L’amendement no 207 est retiré.)
Article 4
M. le président
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 46.
M. Philippe Gosselin
Suivant la logique de l’amendement que j’avais soutenu à l’article 1er, celui-ci vise à réduire de trois à deux mois le délai de présentation de l’ordonnance. Anticipant ce que me répondra vraisemblablement, avec un charmant sourire, Mme la rapporteure – les mêmes causes produisent en général les mêmes effets –, je peux dire, sans trop m’avancer, que son avis sera négatif, tout comme celui du ministre. Cependant, je le maintiens. J’ai tout bien résumé, n’est-ce pas ? (Sourires.)
M. le président
Nous pouvons donc passer au vote ! (Sourires.) Plus sérieusement, quel est l’avis de la commission ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Je m’en voudrais de vous décevoir, cher collègue : avis défavorable, en effet. Je vous invite à retirer l’amendement.
M. Philippe Gosselin
Quelle surprise !
(L’amendement no 46, repoussé par le gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques, pour soutenir l’amendement no 13.
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
Il vise à faire en sorte que les mesures dérogatoires prévues ne soient que temporaires, et qu’elles ne soient donc valables que pour une durée de douze mois. L’objectif, c’est, à terme, un retour à la normale du droit commun de l’urbanisme et de la construction à Mayotte, afin de ne pas remettre en cause le caractère durable des aménagements – nous en avons déjà beaucoup débattu, en commission puis en séance. Ces dérogations doivent rester des mesures absolument exceptionnelles d’adaptation à une situation de crise.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Vous proposez de limiter à une durée de douze mois, renouvelable une fois, les modifications relatives aux règles de construction prises par l’ordonnance. Cela permettrait de dynamiser les travaux de reconstruction pendant l’année en question, au cours de laquelle ils bénéficieraient de dispositions dérogatoires permettant de rendre les opérations moins coûteuses. Les porteurs de projet que sont les entreprises du BTP – bâtiment et travaux publics – seraient ainsi encouragés à reconstruire rapidement. Quant aux constructions les moins ambitieuses en matière d’accessibilité ou de recours aux énergies renouvelables, elles seraient limitées au temps de la reconstruction. Avis favorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
Défavorable. Nous en avons déjà discuté et vous avez proposé, je crois, une limitation à six mois. Vous avez fait un pas,…
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
À votre tour !
M. Manuel Valls, ministre d’État
…mais je continue de penser que ce délai de douze mois est insuffisant, au vu de la tâche qui se présente à nous. Par ailleurs, son caractère renouvelable viendrait inutilement complexifier les procédures. Vous l’avez compris, je m’oppose frontalement à votre amendement.
(L’amendement no 13 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. le ministre d’État, pour soutenir l’amendement no 176 rectifié du gouvernement.
M. Manuel Valls, ministre d’État
Il vise à faire de la lutte contre l’habitat informel à Mayotte une priorité. Je l’ai dit lors de la présentation du texte et nous sommes certainement tous d’accord sur ce constat, maintes fois dressé : l’un des fléaux qui rongent Mayotte est l’habitat illégal et informel, souvent indigne.
Sur un parc de 75 000 résidences principales, 32 % sont des habitats de fortune, essentiellement en tôle. Cet habitat précaire, indigne et dangereux, dont nous avons tous observé qu’il avait été intégralement détruit par le cyclone Chido avant d’être très vite reconstruit, dans des conditions évidemment encore plus précaires, doit désormais être remplacé par du logement pérenne et décent. L’affaire n’est pas facile ; elle est même complexe. Mais il faut afficher très clairement cette volonté, en se dotant des moyens nécessaires pour l’accomplir.
Dans le cadre d’une reconstruction globale et pérenne de Mayotte, l’amendement du gouvernement a donc pour objet, je l’ai dit, de rappeler le caractère prioritaire de la lutte contre l’habitat informel. À cet effet, l’objet de l’ordonnance est complété pour nous permettre de prendre différentes mesures fermes, comme l’extension du périmètre des agents habilités à constater l’infraction d’édification illégale, ou encore l’allongement temporaire du délai de flagrance au cours duquel une édification illégale peut être constatée.
M. Gosselin en parlait tout à l’heure : il faudra déployer d’autres instruments, dans le présent projet de loi ou dans celui que j’aurai l’occasion de présenter, je l’espère, d’ici au mois de mars. Ils s’ajouteront évidemment aux instruments de droit commun qui existent déjà, mais j’ai saisi la possibilité qui m’a été offerte à l’issue des débats en commission pour envoyer un signal qui devra évidemment se traduire en actes, afin que Mayotte ne redevienne pas une île bidonville.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Avis favorable.
M. le président
La parole est à M. Philippe Gosselin.
M. Philippe Gosselin
C’est un début, monsieur le ministre, que je salue. Le signal envoyé devra se concrétiser, mais il a le mérite d’exister. Nous avions été nombreux, y compris, bien sûr, Mme la rapporteure, à regretter que la gestion des bidonvilles ne soit pas prise en compte. Il faudra cependant aller plus loin dans le prochain texte que vous nous présenterez, car nous ne pouvons pas en rester là. Peut-être pourrons-nous renforcer les dispositions en question d’ici à l’examen du texte au Sénat ? Quoi qu’il en soit, nous les soutiendrons.
M. le président
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet
Personne ne peut se réjouir de voir des êtres humains acculés à survivre dans des bidonvilles, dans des conditions ignobles et misérables. Dans une vie antérieure, j’ai été amenée, pour le compte de l’État, à piloter des équipes chargées de dresser le bilan social de certains de ces quartiers. On y trouve des Français – Mahorais –, des étrangers en situation régulière et, évidemment, de nombreux étrangers en situation irrégulière, dont certains bénéficient du droit d’asile.
M. Emeric Salmon
Ceux qui bénéficient du droit d’asile ne sont pas en situation irrégulière !
Mme Dominique Voynet
Les bidonvilles posent des problèmes variés et avant tout des problèmes de sécurité, quand ils sont construits sur des pans de collines qui risquent de s’effondrer.
Cependant, nous sommes mal armés pour faire face au fait que, quand on expulse des Français, des étrangers en situation régulière ou des bénéficiaires du droit d’asile, on doit les reloger. En effet, nous n’avons pas les moyens de le faire. La confiance envers les forces de l’ordre fait elle aussi défaut. Souvent, quand les bulldozers arrivent, le quartier à démolir est vide, car ceux qui l’habitaient se sont dispersés. Ne restent que les personnes grabataires et les femmes qui viennent d’accoucher.
Nous nous attendons à des discussions quelque peu difficiles sur ce sujet. Je crois qu’il est très compliqué d’interdire les bidonvilles. C’est la misère et l’ignorance qu’il faudrait pouvoir interdire, le fonctionnement objectif du gouvernement comorien sans doute aussi. En l’absence d’offre décente de santé et d’éducation, par exemple à Anjouan, la tentation est grande de traverser la mer en risquant sa vie.
M. Philippe Gosselin
C’est bien de reconnaître la responsabilité des Comores !
Mme Dominique Voynet
C’est ce que je fais. Inutile de répéter ce que je dis en écho !
La situation est très difficile, car nous savons que les personnes concernées, qui ne sont pas impressionnées par les coups de menton des autorités, reconstruisent leurs habitations de pneus, de tôles et de planches, et qu’elles le feront encore et encore s’il n’y a pas d’alternative. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)
M. le président
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
J’ai déclaré irrecevable un amendement similaire en commission, notamment parce qu’il n’y a qu’un lien très indirect et même discutable entre le fondement de ce projet de loi et la question de l’habitat informel. Néanmoins, l’amendement no 176 rectifié modifie le titre de l’ordonnance pour qu’elle puisse inclure la lutte contre l’habitat informel, de sorte que cet amendement a été déclaré recevable en séance.
M. Philippe Gosselin
À quoi ça tient, hein !
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
Je tiens simplement à préciser que, par conséquent, nous n’avons pas pu débattre du contenu de l’amendement en commission ; nous ne l’avons examiné que selon la procédure prévue à l’article 88 du règlement. Toutefois, même s’il n’a pas fait l’objet d’un vote en commission, nous avons débattu des questions qu’il soulève lorsque nous avons parlé de l’habitat informel. La commission était très partagée ; il y a eu des débats profonds et nourris, au cours desquels se sont exprimés des désaccords entre les différents commissaires. L’un des arguments avancés consiste à rappeler que si l’habitat informel est en effet très important à Mayotte, de nombreux Mahorais y ont recours.
M. le président
La parole est à M. Hervé de Lépinau.
M. Hervé de Lépinau
Il y a effectivement une divergence de points de vue, surtout en ce qui concerne l’exposé sommaire de l’amendement no 176 rectifié.
Monsieur le ministre, vous ne faites pas de distinction, au sein de l’habitat informel, entre les habitations de certains Mahorais pauvres et celles de clandestins qui, entre autres problèmes, portent atteinte à la biodiversité puisqu’elles grignotent petit à petit la colline. (M. Antoine Léaument s’exclame.)
Madame la rapporteure, je le répète, l’exposé sommaire de l’amendement ne fait pas la distinction entre les deux ! Si M. le ministre précisait de quel habitat informel il s’agit, l’Assemblée serait davantage éclairée. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme Dominique Voynet
C’est informel, ils sont à la rue !
M. le président
La parole est à M. le ministre d’État.
M. Manuel Valls, ministre d’État
Je donne raison à Mme Voynet. Nous abordons ici l’une des questions principales soulevées par le projet de loi, dont certaines dispositions visent en quelque sorte à interdire une pratique déjà interdite en droit.
L’habitat informel est une réalité depuis longtemps à Mayotte, mais il s’est développé encore davantage ces dernières années, notamment – je vais à l’essentiel – en raison de l’immigration irrégulière massive, dont nous débattons depuis le début de l’examen du texte. L’immigration irrégulière est très fortement implantée dans les bidonvilles, même s’il y a aussi des personnes qui relèvent de l’immigration légale et même si des Mahorais y vivent également.
Au-delà du soutien que nous devons apporter à Mayotte pour que les Mahorais retrouvent très vite un toit, le travail que nous devons accomplir dans les semaines, les mois et les années à venir, et que nous soutenons grâce au dispositif de prêt à taux zéro (PTZ) que j’ai évoqué dans mon intervention liminaire, consiste à reconstruire l’habitat – je ne cesserai de le répéter, car c’est pour moi une priorité affirmée.
La notion d’habitat informel est juridique, et nous ne pouvons pas préciser dans le texte quelle est la population visée par elle. Certains de ces habitats, pas tous, peuvent présenter un vrai danger, notamment lorsqu’ils sont construits sur des terrains qui peuvent s’effondrer, d’autant plus qu’ils ont été fragilisés par la tempête tropicale intense, Dikeledi, la semaine dernière.
Nous devons effectivement travailler à des propositions de relogement. Je reviens à ce que nous avons dit les uns et les autres, y compris Mme la rapporteure : nous devons trouver des solutions pour les Mahorais, examiner les cas des personnes qui ont un titre de séjour et évidemment procéder à la reconduite à la frontière et aux expulsions de ceux qui sont en situation irrégulière.
Nous avons réussi, dans les conditions qui ont été rappelées par la présidente de la commission, à inscrire dans le projet de loi un article, qui sera suivi d’une ordonnance, par lequel nous nous engageons contre l’habitat informel et les bidonvilles, comme je le souhaitais. Nous devons prendre en considération le fait que les personnes qui y habitent sont dans des situations diverses.
Je vous demande d’approuver cette volonté politique, car nous avons besoin de cet outil. M. Gosselin a raison : nous pouvons le perfectionner au cours des semaines qui viennent, notamment lors de l’examen du projet de loi au Sénat et surtout lorsque nous examinerons le deuxième projet de loi à venir. En tout état de cause, l’adoption de cet amendement dès à présent nous permettrait de disposer enfin d’un outil. Cela ne signifie pas que la situation est facile, elle est au contraire complexe, car des publics différents coexistent, qu’il faudra traiter différemment, mais nous avons besoin de cet outil pour commencer le travail attendu.
M. le président
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Je précise que quand nous parlons d’habitat informel, nous employons cette expression au sens du deuxième alinéa de l’article 1-1 de la loi du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, lequel est mentionné dans l’article 5 du présent projet de loi. Il s’agit bien des bidonvilles. Nous partageons tous, je pense, l’objectif de donner au gouvernement les moyens d’agir enfin sur ce sujet, puisque nous sommes nombreux à déplorer son inaction.
Je souhaite expliquer pourquoi j’ai formulé un avis favorable sur l’amendement no 176 rectifié du gouvernement. J’ai entre les mains l’ordonnance de référé concernant l’opération dans le quartier de Talus 2 à Koungou, dans le cadre de la loi Elan. Dans ce document, des associations demandent qu’on autorise des familles étrangères à rester dans les bidonvilles. Sur trente et un requérants, cinq sont Français, tandis que tous les autres sont de nationalité comorienne. L’argument, la petite musique que nous entendons sans cesse, consistant à nous faire penser qu’il y a autant de Français, de Mahorais, que d’étrangers dans les bidonvilles est factuellement faux !
Mme Dominique Voynet
Je n’ai pas dit cela !
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Madame Voynet, la très grande majorité des habitants des bidonvilles sont des étrangers. Les Français sont une infime minorité dans les bidonvilles !
On continue de répéter que, dans les bidonvilles, il y aurait une population de Français équivalente à la population étrangère, mais c’est faux. L’ordonnance de référé que je viens de citer comme toutes les décisions de justice le prouvent : il y a une écrasante majorité d’étrangers en situation irrégulière dans les bidonvilles. C’est eux que le sujet des bidonvilles concerne. En l’occurrence, le droit est très clair : les personnes qui sont en situation irrégulière sur le territoire national sont exposées à une expulsion.
Par l’amendement no 176 rectifié, nous donnons au gouvernement les moyens…
M. Hervé de Lépinau
…de reconstruire !
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
…de prendre les dispositions nécessaires pour appliquer le droit. Les raisons pour lesquelles j’émets un avis favorable sur cet amendement sont assez claires. Ce sont des dispositions que nous avions appelées de nos vœux lors des discussions préliminaires et des échanges avec les élus. J’ai du mal à comprendre que, subitement, on s’y déclare opposé.
M. le président
La parole est à M. le ministre d’État.
M. Manuel Valls, ministre d’État
Pour mettre fin à l’habitat informel, il faudra reloger certaines personnes et en expulser d’autres. Il faudra proposer des solutions de relogement parce que, sans relancer la discussion avec Mme la rapporteure, des Mahorais vivent aussi dans les bidonvilles, ainsi que des migrants en situation régulière. Ensuite, nous devrons empêcher la reconstitution des bidonvilles, qui a commencé immédiatement après le passage du cyclone Chido.
Nous devons nous donner les moyens, avec l’établissement public et foncier d’aménagement de Mayotte – c’est un débat que nous aurons un peu plus tard –, d’utiliser ce sol, qui aura différentes vocations : sur certaines parties, des bâtiments seront construits, tandis que sur d’autres, c’est impossible, pour les raisons qu’a rappelées Mme Voynet. Il y a donc différentes options, mais la première étape consiste à nous donner les moyens d’interdire les bidonvilles.
(L’amendement no 176 rectifié est adopté.)
M. le président
L’amendement no 133 de Mme la rapporteure est rédactionnel.
(L’amendement no 133, accepté par le gouvernement, est adopté.)
M. le président
La parole est à M. le ministre d’État, pour soutenir l’amendement no 177 du gouvernement.
M. Manuel Valls, ministre d’État
Il vise à rétablir la rédaction initiale du périmètre de l’ordonnance prévue par l’article 4. Un amendement a en effet été adopté en commission qui rigidifie fortement, de mon point de vue, les dérogations qui pourront être accordées.
L’urgence de la reconstruction de Mayotte et du rétablissement de la vie quotidienne, que ce soit les écoles, les logements, les bâtiments d’activité ou encore les bâtiments publics, implique de mobiliser tous les leviers disponibles pour simplifier les règles de construction et éviter certains coûts, sans toutefois déroger aux exigences de sécurité.
Je prends le temps de rappeler que les règles relatives aux constructions sont déjà en partie adaptées spécifiquement dans les départements et régions d’outre-mer, notamment à Mayotte, en application de l’article 73 de la Constitution. Il existe donc déjà des dérogations pour prendre en considération les spécificités de l’île. Nous ne proposons à cet égard rien de nouveau.
À titre d’illustration, pour ce que concerne le titre V du code de la construction et de l’habitation, l’ordonnance pourrait par exemple permettre d’adapter les règles en matière d’isolation acoustique.
Pour ce qui concerne les dispositions législatives du titre VI, relatives à l’accessibilité, il paraît pertinent d’autoriser l’adaptation de certaines règles de droit commun afin d’accélérer la reconstruction et la réouverture des établissements recevant du public, par exemple en prévoyant une accessibilité partielle des bâtiments en fonction de la démographie mahoraise – 55 % de la population a moins de 20 ans selon l’Insee. Des constructions relativement basses peuvent ainsi être dispensées d’ascenseurs, la possibilité d’en intégrer ensuite, avec peu de travaux, étant toutefois prévue.
Enfin, en matière d’énergies renouvelables, certaines obligations du droit commun semblent pouvoir être aménagées à Mayotte, telles que l’obligation d’installation d’ombrières ou de toitures végétalisées sur certains bâtiments tertiaires et leurs parcs de stationnement. Eu égard aux enjeux de la reconstruction, ces opérations nécessairement coûteuses, qui pourront tout à fait avoir lieu plus tard, n’apparaissent pas prioritaires par rapport à l’urgence de la réouverture des bâtiments.
Enfin, il convient de préciser qu’aucune dérogation n’est prévue aux titres III et IV du livre Ier du code de la construction et de l’habitation, dans la mesure où ceux-ci définissent des exigences relatives à la sécurité des personnes, déjà explicitement exclues du champ de l’ordonnance.
Les travaux préparatoires à cette ordonnance seront menés en étroit dialogue avec les acteurs locaux et les professionnels pour identifier les règles pouvant être adaptées et celles qui ne le seront pas, afin de réaliser une reconstruction à la fois rapide et durable.
C’est pourquoi je ne souhaite pas que l’habilitation soit trop restrictive et nous empêche ensuite de réaliser la reconstruction, alors que des adaptations locales seraient utiles. C’est l’objet, vous l’avez compris, de cet amendement.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
L’amendement revient sur le domaine exclu des futures ordonnances par la commission. Nous avions estimé que la totalité des règles de sécurité et d’accessibilité, y compris pour les établissements recevant du public et les règles en matière de recours aux énergies renouvelables, devaient être maintenues dans la reconstruction. Le respect des règles d’accessibilité est indispensable dans les établissements recevant du public, comme l’exigence de performance environnementale. Imposer que la reconstruction prenne en compte les règles de protection environnementale relève de l’évidence après le passage d’un cyclone dont la force est directement attribuable au changement climatique. En tout état de cause, l’avis de la commission est défavorable.
M. le président
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
Je partage la position de Mme la rapporteure. Si cet amendement du gouvernement était adopté, plusieurs dispositions votées en commission tomberaient. Or elles ont été soutenues par une majorité de députés, car elles représentent des garanties supplémentaires pour faire face à des inquiétudes légitimes. Elles prévoient notamment une durée d’application provisoire et excluent du champ du projet de loi tout ce qui pourrait contrevenir à la sécurité des constructions et à l’accessibilité des services et bâtiments publics. Elles prévoient également le recours aux énergies renouvelables et l’adaptation aux spécificités climatiques de Mayotte. C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président
La parole est à M. Hervé de Lépinau.
M. Hervé de Lépinau
L’exposé des motifs de l’amendement fait tout de suite penser à Emmanuel Bonisseur de La Bath, dit Emmanuel Macron. (Sourires sur les bancs du groupe RN.)
M. Philippe Gosselin
Ces propos sont inacceptables ! C’est de la démagogie !
M. Hervé de Lépinau
Ce dernier a considéré que les Mahorais étaient des citoyens de seconde zone, qui avaient bien de la chance d’être français, car sinon ils seraient encore moins bien lotis… (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
À vous lire, on pourrait se dispenser de l’accessibilité des bâtiments, au motif que 55 % de la population a moins de 20 ans. Mais de quelle population parlez-vous ? Y incluez-vous les clandestins ? D’ailleurs, cette population va mécaniquement vieillir et aura besoin de bâtiments accessibles. En outre, vous faites complètement l’impasse sur le handicap. Cet amendement est particulièrement déplacé.
(L’amendement no 177 n’est pas adopté.)
M. le président
Sur l’article 4, je suis saisi par le groupe Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Nadège Abomangoli, pour soutenir l’amendement no 24.
Mme Nadège Abomangoli
Dans la continuité du débat sur l’accessibilité des bâtiments, nous souhaitons modifier la rédaction du troisième alinéa de l’article 4 adoptée en commission. Mme la rapporteure l’a trouvée satisfaisante dans la mesure où elle revenait sur la rédaction initiale de l’article. L’ordonnance prévoit que le gouvernement puisse légiférer de manière très large sur les mesures relatives aux constructions. Compte tenu du retard pris par notre pays en matière d’accessibilité – retard pointé par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU –, nous ne sommes pas totalement satisfaits. La rédaction de l’article 4 n’est pas assez restrictive car elle exclut uniquement du champ de l’ordonnance les règles relatives à l’accessibilité des établissements recevant du public et des installations ouvertes au public.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Demande de retrait ou avis défavorable, comme en commission. Autant je souhaite maintenir absolument le principe d’accessibilité des établissements publics ou recevant du public, autant il me paraît excessif d’ajouter cette contrainte normative pour la reconstruction des maisons individuelles.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
Avis défavorable. Permettez-moi de souligner une petite contradiction, même si je respecte bien sûr le vote de l’Assemblée nationale. Les règles en matière d’accessibilité et d’environnement sont importantes, mais Mayotte est dans une situation très particulière.
Monsieur de Lépinau, selon vous, les Mahorais seraient considérés comme des citoyens de seconde zone. Je ne suis pas d’accord : ce texte, dont certains disent qu’il ne va pas assez loin, vise précisément à accélérer les procédures et à écraser les normes.
Vous-même, ainsi que de nombreux Français, estimez à juste titre qu’il y a trop de normes dans de nombreux domaines – l’environnement, l’agriculture, la construction d’immeubles. Ici, nous souhaitons aller rapidement car il faut construire vite et bien dans ce territoire au cadre très spécifique. Chacun s’exprime comme il l’entend, mais je tenais à défendre l’accélération des procédures.
M. Vincent Descoeur
Il y a urgence, vous avez raison !
M. le président
La parole est à Mme Nadège Abomangoli.
Mme Nadège Abomangoli
Madame la rapporteure, je comprends que vous différenciez les bâtiments recevant du public des habitations privées. En revanche, il faut avoir en tête que le malheur arrivé à Mayotte entraînera certainement, dans les semaines – voire les mois – à venir, une hausse du nombre de handicaps liés aux blessures. Une réflexion pourrait être menée en fonction du bilan effectué. Vous vous êtes engagée à obtenir un bilan du nombre de morts ; un bilan du nombre de blessés et de handicaps induits serait également intéressant.
M. le président
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
Je répondrai à M. le ministre d’État que les débats en commission visaient à équilibrer l’urgence de la reconstruction et la garantie des normes. La reconstruction ne peut pas se faire au détriment de l’accès à des droits fondamentaux. L’Insee estime que 13 % des Mahorais sont en situation de handicap : comment reconstruire sans se préoccuper, grâce à des normes claires, de l’accès de l’ensemble de la population à ces services et à ces bâtiments publics ? Respecter des normes de sécurité n’empêche pas de reconstruire dans l’urgence, en respectant un objectif de long terme. En commission, il a été souligné à plusieurs reprises que la reconstruction ne pouvait se faire à l’identique en raison des très graves défaillances des bâtiments publics et de l’accès aux droits à Mayotte.
(L’amendement no 24 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Philippe Naillet, pour soutenir l’amendement no 274.
M. Philippe Naillet
Il vise à préserver un niveau minimal d’accessibilité des logements dans le cadre des adaptations permises par l’article. Si nos demandes d’exclure du champ de l’ordonnance les établissements recevant du public ont été retenues, ce n’est pas le cas pour les logements. S’agissant de ces derniers, notre groupe n’est pas favorable à des adaptations supplémentaires après celles de la loi Elan. Néanmoins, force est de constater qu’une large majorité de députés y était favorable en commission. Afin de trouver un juste milieu, nous proposons que les logements conservent au minimum le caractère de logements évolutifs : à l’aide de travaux simples, leurs occupants pourront réaliser des aménagements pour les rendre pleinement accessibles.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Avis de sagesse.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
Les normes de sécurité ne sont pas concernées par ce débat – il ne s’agit évidemment pas de les remettre en cause. Notre objectif est triple : une reconstruction rapide, une reconstruction de qualité, une reconstruction à un coût maîtrisé. Or, en limitant les adaptations possibles, votre amendement durcit le droit existant en matière d’accessibilité, au lieu de le reconduire – aujourd’hui, les habitations individuelles ne sont pas soumises à cette obligation d’évolutivité. L’Assemblée s’est prononcée sur le droit existant. Par conséquent, j’émets un avis défavorable sur cet amendement qui imposerait de nouvelles normes.
(L’amendement no 274 n’est pas adopté.)
M. le président
L’amendement no 135 de Mme la rapporteure est rédactionnel.
(L’amendement no 135, accepté par le gouvernement, est adopté.)
M. le président
Je mets aux voix l’article 4, tel qu’il a été amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 127
Nombre de suffrages exprimés 125
Majorité absolue 63
Pour l’adoption 125
Contre 0
(L’article 4, amendé, est adopté.)
Après l’article 4
M. le président
Nous en venons aux amendements portant article additionnel après l’article 4.
La parole est à M. René Pilato, pour soutenir l’amendement no 14.
M. René Pilato
Il vise à compléter le dispositif de construction des habitations et a été inspiré par Mme la rapporteure lors des discussions sur la gestion parcellaire de la récupération des eaux de pluie.
J’avais proposé des citernes de 1 mètre cube, mais vous nous avez dit, madame la rapporteure, que malgré les risques sanitaires, les Mahorais utilisaient actuellement des bidons. L’amendement tend à préciser les dispositions de l’article 4 : pour chaque construction neuve, la récupération des eaux de pluie deviendra obligatoire afin de réduire la tension de consommation sur l’eau potable. Ainsi, l’eau de pluie, non potable, permettra de laver les sols, voire les vêtements, et réduira la demande d’eau potable, denrée rare et difficile à acquérir à Mayotte.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Nous avons déjà prévu d’intégrer des obligations relatives à la gestion parcellaire des eaux. Demande de retrait, car l’amendement est satisfait.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable. Nous sommes évidemment sensibles à l’intérêt de la récupération des eaux de pluie, mais votre proposition crée une contrainte supplémentaire pour les autorisations délivrées dans le cadre du régime dérogatoire, alors que ce dernier a précisément pour objet de simplifier le cadre normatif et d’accélérer la reconstruction.
(L’amendement no 14 est retiré.)
M. le président
La parole est à M. René Pilato, pour soutenir l’amendement no 15.
M. René Pilato
Je le retire.
(L’amendement no 15 est retiré.)
Article 4 bis
M. le président
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 25 et 232, tendant à supprimer l’article 4 bis.
Sur ces amendements, je suis saisi par le groupe Écologiste et social d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Aurélien Taché, pour soutenir l’amendement no 25.
M. Aurélien Taché
L’article 4 bis tend à restreindre la vente de tôles aux particuliers. Comme il a été dit en commission – nous en reparlerons certainement ce soir –, la République ne peut pas se satisfaire qu’un préfet en soit réduit à une telle interdiction.
M. le ministre n’a pas daigné répondre à notre demande répétée, depuis le début de l’examen de ce texte, de voir appliqué le principe de solidarité dans la répartition nationale des personnes à héberger.
On cherche des pis-aller, on invente des choses de plus en plus baroques – ce préfet, quand il s’est engagé à servir l’État, n’imaginait sans doute pas qu’il prendrait un jour un arrêté interdisant la vente de tôles aux particuliers ! – parce qu’on déroge au droit commun, mais aussi à la solidarité et à l’égalité républicaines, qui devraient valoir partout dans notre pays, et d’abord à Mayotte, que le cyclone Chido a ravagée.
M. le président
La parole est à Mme Dominique Voynet, pour soutenir l’amendement no 232.
Mme Dominique Voynet
Il s’agit, avec cet amendement, de revenir sur l’un des non-dits de cette discussion. La rédaction de l’article 4 bis est assez neutre en apparence. C’est comme s’il y avait, d’un côté des Mahorais français, qui réalisent des constructions solides, avec des charpentes, des bardeaux et des tuiles – c’est l’histoire des trois petits cochons, avec leurs maisons en paille, en bois et en brique – et, de l’autre, des personnes qui achètent des tôles pour construire leur logement, et qui peuvent mettre en danger leur vie et celle des autres, parce que ces tôles peuvent devenir des armes lorsqu’il y a du vent.
Personne ne dit que cet article vise à empêcher l’achat de tôles par les habitants des bidonvilles tentés de reconstruire rapidement leurs installations, mais c’est bien de cela qu’il s’agit, car aucune personne en situation irrégulière n’ira s’exposer en donnant son identité.
Ce que je sais, c’est que le prix des tôles a explosé à Mayotte depuis trois semaines, et je me demande s’il ne faudrait pas tout simplement réglementer l’achat de ce matériau, dont l’usage n’est pas raisonnable dans un pays frappé aussi souvent par les vents.
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Pour avoir vécu et travaillé à Mayotte, vous savez, madame Voynet, que la grande majorité de sa population est musulmane et pratiquante. Je ne suis pas sûre que la comparaison avec les trois petits cochons passe très bien là-bas. (Murmure et sourires sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR. – M. Philippe Juvin applaudit.) Je ferme la parenthèse.
Vous dites qu’il faut réglementer l’achat des tôles : c’est précisément l’objet de l’article que vous entendez supprimer. Je ne sais pas ce qui ne tournait pas rond dans l’argumentaire – ou plutôt j’en ai une idée assez nette.
Chers collègues, nous sommes en total désaccord. Il faut évidemment encadrer l’achat de tôles à Mayotte et appuyer l’arrêté qui a été pris par le préfet. C’est l’objet de l’article 4 bis, qui subordonne l’achat de tôles à la présentation d’un titre d’identité et d’un justificatif de domicile et à la signature d’une déclaration par laquelle l’acheteur s’engage à utiliser ce matériau pour la remise en état de son logement. L’article prévoit également que le préfet peut ordonner la fermeture des établissements qui n’appliqueraient pas ces règles.
Vous nous expliquez qu’il faut continuer à vendre tranquillement de quoi reconstruire les bidonvilles. J’ai beaucoup de mal à entendre de tels propos, sachant que ces bidonvilles occupent de façon illégale des terrains publics ou privés, qu’ils sont faits de constructions dangereuses et insalubres et qu’ils sont devenus, au moment du passage du cyclone, des tombeaux à ciel ouvert pour leurs habitants ! Alors qu’avec les pluies diluviennes de Dikeledi et, plus tôt, à la saison des pluies, des coulées de boue mortelles ont fait des victimes dans les bidonvilles, vous nous demandez pourquoi l’État devrait réglementer la vente de ce qui permet de construire les bidonvilles ?
Il faut que vous assumiez la ligne politique qui est la vôtre depuis le début de votre mandat, et même depuis la précédente législature, et qui consiste à dire que les bidonvilles sont des lieux de convivialité qu’il faut laisser prospérer, parce que c’est quand même génial ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et sur quelques bancs des groupes DR et UDR.)
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Pas du tout ! N’importe quoi !
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Voilà le fond de votre pensée, et là-dessus, on ne peut pas être d’accord, parce que c’est moralement abject.
M. Christophe Bex
À qui parlez-vous ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Vous ne pouvez pas continuer de défendre cette position, alors qu’il n’y a aucune solution de logement ou de relogement à Mayotte, ni d’hébergement d’urgence, et que la population, comme les élus, disent qu’on ne peut pas continuer à accueillir du monde. Vous, vous dites qu’il faut pérenniser tout cela et laisser pulluler les bidonvilles. Moi, je vous dis non : avis très, très, très défavorable ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN, DR et UDR.)
Mme Dominique Voynet
Il faudrait interdire les tôles pour tout le monde !
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
Lorsque nous avons eu ce débat en commission, j’avoue que j’ai été troublé par votre opposition à cette mesure et que je ne l’ai pas bien comprise. Et je ne pensais pas que vous y reviendriez en séance publique de cette manière, car vous vous enfermez dans un débat qui n’est pas à votre avantage. Personne ne peut décemment défendre la perpétuation de ces bidonvilles.
Plusieurs députés du groupe LFI-NFP
Ce n’est pas ce que nous disons !
M. Manuel Valls, ministre d’État
Mais c’est ce que l’on comprend de votre argumentation, et c’est tout le problème. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Ségolène Amiot
C’est vous qui dites n’importe quoi !
M. le président
S’il vous plaît, chère collègue, tout allait bien jusqu’à présent ! Je vous demande de vous écouter et de ne pas interrompre les orateurs.
M. Manuel Valls, ministre d’État
Contrairement à ce qu’ont pu dire certaines personnes critiques à l’égard de ce texte, nous prenons des mesures pour lutter contre les bidonvilles : c’est l’objet de l’article 4, qui vient d’être adopté, avec un élargissement du champ de l’ordonnance. C’est aussi l’objet de l’arrêté du préfet interdisant la vente de tôles. Et nous voulons aller plus loin. Les Mahorais en règle pourront continuer d’acheter des tôles, puisque cela demeurera possible sur présentation d’un justificatif de domicile. Mais vous, vous proposez un statu quo qui me paraît dangereux.
Chido a été un révélateur de difficultés plus anciennes et plus structurelles : un tiers des habitations à Mayotte avant le cyclone relevait de l’habitat informel. La totalité de cet habitat informel, composé majoritairement de tôles, a été détruite par Chido. Cette destruction n’a pas seulement privé des personnes d’un abri ; elle a occasionné de nombreuses blessures. Si nous voulons reconstruire Mayotte et la débarrasser de ce fléau que sont les bidonvilles, il nous faut changer de paradigme et prendre des mesures fortes. Laisser la tôle en vente libre, c’est la garantie du retour des bangas et c’est un vrai risque pour la population au prochain événement climatique qui frappera Mayotte. L’arrêté du préfet et les dispositions de l’article 4 visent à prévenir ce risque.
Je vous invite donc à retirer l’amendement. À défaut, j’émettrai, comme la rapporteure, un avis très défavorable, car je crois que vous allez contre l’intérêt général, contre l’intérêt des Mahorais, et même contre l’intérêt de ceux que vous défendez et qui vivent dans ces bidonvilles.
M. le président
La parole est à M. Antoine Léaument.
M. Antoine Léaument
Le problème, c’est la manière dont est rédigé cet article. Il dispose que l’on ne peut délivrer des tôles qu’à des particuliers, sur la base de la présentation d’un titre d’identité, d’un justificatif de domicile et de la signature d’une déclaration par laquelle l’acheteur s’engage à utiliser ce matériau pour la remise en état de son logement. Et les autres situations, qu’en faites-vous, monsieur le ministre ? Et les agriculteurs qui souhaitent construire en tôle des abris pour leurs animaux ? Ils ne sont pas pris en compte dans cet article ! Vous dites vouloir lutter contre l’habitat indigne en limitant l’usage des tôles, mais ce que vous allez faire, c’est juste rendre très difficile l’achat de ces tôles.
J’en viens au sujet central : l’article 1er de la loi du 31 mai 1990 sur le droit au logement n’est pas respecté. Il dispose que « garantir le droit au logement constitue un devoir de solidarité pour l’ensemble de la nation ».
M. Philippe Gosselin
Le droit au logement, ce n’est pas le droit au logement illégal ! Le Dalo, ce n’est pas ça !
M. Antoine Léaument
Le vrai problème, c’est que le droit au logement n’est pas garanti à Mayotte, parce qu’on n’y a pas assez construit. On dirait qu’on découvre le problème, mais le cas de Mayotte n’est pas unique, contrairement à ce que vous dites ! C’est la même chose en Guyane, en Martinique et en Guadeloupe !
Un député du groupe RN
Ce n’est pas pareil !
M. Antoine Léaument
Ah bon, ce n’est pas pareil de construire en tôle en Guyane ? Si vous dites que ce n’est pas pareil, c’est parce que ce dont vous voulez parler, en réalité, c’est de l’immigration ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations sur les bancs des groupes RN et DR.) Et c’est pour cette raison que vous voulez que l’on présente un titre d’identité pour pouvoir acheter de la tôle.
M. Philippe Gosselin
Du calme !
M. Antoine Léaument
Nous, nous voulons que tout le monde soit logé dignement, ce qui suppose que l’on y mette les moyens financiers et humains ! Voilà la question centrale ! (« Du calme ! » sur plusieurs bancs du groupe RN.)
M. le président
Merci de conclure.
M. Antoine Léaument
Attendez, monsieur le président !
M. le président
Je vous laisse trois secondes pour conclure, mais ne m’interpellez pas, monsieur Léaument : jusqu’à preuve du contraire, c’est moi qui préside cette séance.
M. Antoine Léaument
Je voulais juste finir sur une interrogation. Au cours de la reconstruction, allez-vous contrôler tous les titres d’identité pour savoir qui y prend part ? Allez-vous faire du tri dans tous les sens ?
M. le président
La parole est à M. Christophe Naegelen.
M. Christophe Naegelen
Je veux aller dans le sens de notre rapporteure. J’ai l’impression qu’on n’apprend rien de l’histoire. Au cours du drame que l’on vient de vivre, on s’est bien rendu compte que les logements en tôle, dans les bidonvilles, ont fait des victimes. Imaginer que l’on pourrait laisser les mêmes choses se reproduire, en continuant d’utiliser le même matériau, est intolérable ! Vous le savez mieux que quiconque : avec le dérèglement climatique, d’autres drames de ce genre risquent de se reproduire.
L’introduction d’une réglementation doit permettre à la fois de lutter contre les bidonvilles et les logements insalubres et, aux citoyens français de Mayotte, sur présentation de leur titre d’identité, d’acheter des tôles pour reconstruire leur maison. Cela va dans le bon sens, puisque cela limitera le nombre de bidonvilles et de logements insalubres.
Oui, il y a un droit au logement en France, mais pas un droit au logement insalubre ! Il ne faut pas laisser les bangas se reconstruire, car ce sont des logements où il est indigne, pour toute personne, de vivre. Le groupe LIOT est plus que défavorable à ces amendements.
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 25 et 232.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 146
Nombre de suffrages exprimés 135
Majorité absolue 68
Pour l’adoption 33
Contre 102
(Les amendements identiques nos 25 et 232 ne sont pas adoptés.)
M. le président
L’amendement no 17 de M. Aurélien Taché est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
Avis défavorable. J’en profite pour préciser que l’article interdit la vente de tôles aux particuliers dans certaines conditions qui ont été rappelées, mais que cette disposition ne concerne pas les professionnels. La remarque de M. Léaument sur les agriculteurs est donc sans objet.
(L’amendement no 17 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 49.
M. Philippe Gosselin
Je persiste et je signe, au risque de relancer les débats. Je crois qu’il faut sécuriser la reconstruction. Vous invoquez le droit au logement, cher collègue, mais le Dalo, ce n’est pas un droit au logement illégal. Or les bidonvilles et l’habitat insalubre sont un vrai problème.
Comme le ministre vient de le rappeler, les professionnels ne sont pas concernés par cette disposition, qui, selon moi, devrait aller au-delà du 31 décembre 2025, car cette échéance arrivera très vite.
Il ne s’agit pas d’une pétition de principe : nous avons tous conscience que les effets de cette interdiction seront limités, mais elle ne doit pas moins être effective, même si la reconstruction, avec des tôles, de certains logements était bien entamée dès le lendemain du cyclone. Une année supplémentaire ne serait donc pas de trop.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Avis favorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
Je conçois tout à fait l’intention de M. Gosselin et la nécessité de lutter contre la prolifération des bangas. C’est pourquoi j’approuve la mesure proposée par la rapporteure ; en revanche, une prolongation jusqu’à fin 2026 pourrait paraître excessive et nuire au dispositif. Monsieur le député, je vous sais sensible à ces questions : notre objectif est que cette interdiction fonctionne, non que le Conseil d’État la censure en invoquant son caractère disproportionné. Vous comprendrez donc que j’émette un avis défavorable.
M. le président
La parole est à Mme Justine Gruet.
Mme Justine Gruet
Le gouvernement souhaite rebâtir Mayotte et donner aux Mahorais des logements pérennes. Le texte vise donc à limiter les possibilités que les bidonvilles soient reconstruits : en la matière, c’est faire preuve d’humanité que d’aller jusqu’au bout et de faire en sorte que nos compatriotes vivent décemment. Réitérer nos manquements les conduirait une fois de plus à se sentir déclassés. Les Mahorais réclament un accès à l’eau potable et à l’électricité, non le retour aux conditions de vie qui étaient les leurs avant Chido. Cette fatalité, que vos amendements tendent à perpétuer, n’est pas acceptable ; c’est le message que doit faire entendre notre assemblée, qu’exprime du moins notre groupe. À chacun d’assumer ses responsabilités !
Vous invoquiez le droit au logement : la Constitution garantit aussi le droit de propriété. Par conséquent, je doute que les migrants illégalement installés à Mayotte aient le droit d’y implanter une habitation. Il y a là un subtil équilibre qui contribuera à la reconstruction de l’île.
(L’amendement no 49 n’est pas adopté.)
M. le président
L’amendement no 189 de Mme la rapporteure est rédactionnel.
(L’amendement no 189, accepté par le gouvernement, est adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Mathilde Hignet, pour soutenir l’amendement no 26.
Mme Mathilde Hignet
Il vise à supprimer les mesures de contrôle et les sanctions associées à l’interdiction de la vente de tôles à une partie de la population, laquelle pourrait donner lieu à un commerce parallèle – ce ne serait pas une solution.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
L’amendement tend à maintenir l’interdiction tout en supprimant l’obligation de tenue d’un registre des achats, et le risque de fermeture en cas d’infraction, qui en découlent pour les entreprises. À quoi servirait-il d’encadrer la vente de tôles s’il est impossible de contrôler l’application de cette mesure ? Vous avez de la suite dans les idées, mais moi aussi : avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
Vous savez parfaitement, puisque vous votez la loi, qu’une interdiction que l’on peut enfreindre sans encourir de sanction reste lettre morte. Je ne vous comprends pas : vous souhaitez rendre ainsi ineffective l’interdiction de vendre des tôles aux particuliers ne remplissant pas certaines conditions, alors que cette mesure est indispensable à la lutte contre la reconstruction des bidonvilles. Bien évidemment, avis défavorable.
M. le président
La parole est à M. Théo Bernhardt.
M. Théo Bernhardt
Lorsqu’on vous entend, à l’extrême gauche, vous êtes finalement toujours pour les bidonvilles, pour des conditions de vie indécentes. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Antoine Léaument
C’est ça ! Vous, vous êtes contre l’humanité !
M. Théo Bernhardt
Nous avons rejeté vos amendements de suppression : vous n’en continuez pas moins à vouloir détruire Mayotte.
M. Antoine Léaument
C’est le cyclone qui l’a détruite !
M. Théo Bernhardt
Les Mahorais vivent dans des conditions très difficiles, et l’existence de ces bidonvilles a augmenté le nombre des victimes du cyclone. Il est aberrant de souhaiter, je le répète, détruire Mayotte ! Nous voterons contre cet amendement.
M. le président
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet
Il importe, dans ce débat, de faire preuve d’un minimum de bonne foi et d’éviter de se caricaturer mutuellement. Je suis aussi sensible que vous au désastre que constituent les bidonvilles…
Un député du groupe RN
Cela ne se voit guère !
Mme Dominique Voynet
…de La Vigie, de Kawéni, de Doujani, et j’en passe. En revanche, il est caricatural d’opposer les irresponsables qui construiraient des cabanes de pneus, de tôles et de planches sur les pentes de Kawéni à des Mahorais vertueux qui ne mettraient pas le doigt dans ce genre de trafic.
Allez à Koungou, vous y verrez des maisons dont le rez-de-chaussée en pierre ou en béton, avec des fers à béton qui dépassent, supporte un étage de pièces et de morceaux fréquemment sous-loué à une famille comorienne.
Allez à Mamoudzou, rue Mariaze – l’une des rues principales : parmi les maisons qui la bordent, vous en verrez de tout à fait correctes avec, dans le jardin, une cahute de bric et de broc sous-louée à des personnes précaires.
Encore une fois, dès qu’il y a un coup de vent, les tôles deviennent des armes mortelles : elles blessent, elles entraînent des amputations, elles coupent des têtes. Soyons donc logiques et interdisons leur vente à tout le monde ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP, ainsi que sur quelques bancs des groupes SOC et GDR.)
(L’amendement no 26 n’est pas adopté.)
M. le président
L’amendement no 195 de Mme la rapporteure est rédactionnel.
(L’amendement no 195, accepté par le gouvernement, est adopté.)
(L’article 4 bis, amendé, est adopté.)
Article 5
M. le président
La parole est à M. Frédéric Maillot, pour soutenir l’amendement no 107.
M. Frédéric Maillot
Il tend à ce que les bâtiments ne soient pas reconstruits à l’identique, mais suivant des normes adaptées au bâti tropical, afin d’éviter que les mêmes causes ne produisent les mêmes effets. À La Réunion, on nous impose des constructions capables de supporter un certain poids de neige : des normes tenant compte du climat seraient préférables !
Mme la rapporteure rappelait tout à l’heure que nous sommes toujours en vigilance cyclonique, c’est-à-dire que des cyclones sont en formation. Encore une fois, la construction devrait être réglementée en fonction de la réalité de notre bassin océanique. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR et EcoS. – M. Antoine Léaument applaudit également.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Il y a dans cet amendement une erreur de compréhension : nous traitons de l’urbanisme, non du droit de la construction, qui doit dans tous les cas être respecté en cas de nouvelle construction – quant au débat touchant la qualité de celle-ci, il a eu lieu lors de l’examen de l’article 4.
En matière d’urbanisme, une reconstruction à l’identique signifie que la localisation, la surface et les éléments architecturaux restent les mêmes ; du point de vue de l’urbanisme, il ne convient pas de l’empêcher. Je demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
Monsieur Maillot, votre argumentaire renvoie au débat que nous avons eu tout à l’heure au sujet de l’absurdité de certaines normes. Vous avez mille fois raison de souhaiter que les bâtiments reconstruits soient de qualité, adaptés aux contraintes du territoire mahorais et aux risques auxquels ses habitants font face. Reste que, comme vient de le rappeler Mme la rapporteure, si l’article 5 prévoit la possibilité d’une reconstruction « à l’identique », nonobstant toute disposition d’urbanisme contraire, l’expression vise à ce que les maisons ayant fait l’objet d’une autorisation soient rebâties avec le même gabarit, la même surface, de manière à sauvegarder le droit à construire du propriétaire. Cette disposition ne fait pas obstacle à des constructions de meilleure qualité, mieux adaptées au territoire, et ne dispense pas les bâtiments reconstruits de respecter, par exemple, le code de la construction et de l’habitation, adapté suivant l’ordonnance prévue par l’article 4.
Je le répète, l’établissement public chargé de la reconstruction intégrera cette exigence de qualité. C’est pourquoi, compte tenu de nos explications, je vous prierai, ainsi que l’a fait Mme la rapporteure, de retirer votre amendement ; à défaut, avis défavorable.
M. le président
La parole est à M. Frédéric Maillot.
M. Frédéric Maillot
Cet amendement m’a été inspiré par les débats qui ont eu lieu à Mayotte, notamment par l’avis du conseil départemental de Mayotte en date du 8 janvier. Cela dit, je suis prêt à le retirer, car vous connaissez votre territoire bien mieux que moi. J’insiste toutefois sur le fait que le cyclone n’a pas épargné les bâtiments conformes aux normes européennes, preuve qu’il n’est guère judicieux d’imposer celles-ci dans l’océan Indien.
M. Manuel Valls, ministre d’État
Ça, c’est sûr !
(L’amendement no 107 est retiré.)
M. le président
Je suis saisi de trois amendements, nos 262, 267 et 199, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 262 et 267 sont identiques.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 262.
M. Philippe Gosselin
Je souscris à ce que vient de dire le collègue Maillot : il se trouve également à Saint-Pierre-et-Miquelon quelques incongruités assez extraordinaires. Aussi conviendrait-il effectivement d’adapter partout les normes au territoire.
Quant à l’amendement, il vise à venir en aide au secteur agricole mahorais, qui a terriblement souffert ; on peut même se demander s’il existe encore, 95 % des exploitations ayant été détruites quasi intégralement. Nous devrions donc inclure les infrastructures agricoles parmi les objets de la reconstruction : il y va au moins partiellement de la sécurité alimentaire, ainsi que de l’économie locale. Je m’exprime d’ailleurs aussi au nom de Stéphane Travert, dont l’amendement est identique au mien ; nous sommes du même département, ce qui crée une solidarité entre nous. (« Il est là ! » sur divers bancs.) Je vois qu’il est présent : il pourra donc défendre son amendement.
M. le président
La parole est à M. Stéphane Travert, pour soutenir l’amendement no 267. Monsieur Travert, souhaitez-vous vous aussi rendre hommage au travail de M. Gosselin ?
M. Stéphane Travert
Parfaitement, monsieur le président : les parlementaires de la Manche se sont unis pour défendre l’agriculture mahoraise…
M. Manuel Valls, ministre d’État
C’est beau ! (Sourires et exclamations.)
M. Antoine Léaument
Il ne faudrait pas avaler de Travert !
M. Stéphane Travert
Ce n’est pas au niveau, monsieur Léaument ! (Sourires.)
Si nous voulons sauver des filières qui ont vécu l’impensable, la reconstruction des infrastructures agricoles constitue un impératif.
M. le président
La parole est à Mme Maud Petit, pour soutenir l’amendement no 199 – qui n’est pas identique aux précédents, mais assez proche tout de même.
Mme Maud Petit
Absolument, monsieur le président : je suis une femme, je fais les choses différemment. (Sourires.) L’objectif est le même, la formulation, pas tout à fait. Cet amendement ayant été cosigné par tous les députés du groupe Modem, cela fait encore plus de départements qui manifestent leur soutien à Mayotte.
Un député du groupe RN
Le Nord aussi !
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ? Entre les amendements identiques d’une part et le no 199 d’autre part, il va falloir choisir, madame la rapporteure !
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Ah bon ? Je suis une femme, je ne choisis pas ! (Sourires.) Avis favorable sur les trois amendements. Ils sont a priori satisfaits, puisque les infrastructures agricoles, ou aménagements agricoles, font partie « des constructions, des aménagements et des installations », et pourront donc bénéficier des dérogations prévues par les articles 6 à 9 ; mais cela ne coûte rien de l’expliciter. En outre, ce sera un signal important pour l’agriculture mahoraise, en effet ravagée par le cyclone.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
Je vais essayer de couper les cheveux en trois, puisque les trois amendements…
M. le président
Évitez ce genre de remarques avec la présidence de ce soir, s’il vous plaît ! (Sourires.)
M. Philippe Gosselin
C’est un fait personnel, monsieur le président !
M. Frédéric Maillot
Tout cela est un peu tiré par les cheveux ! (Sourires.)
M. Manuel Valls, ministre d’État
Monsieur le président, je vous présente mes plus plates excuses. N’y voyez aucune attaque personnelle.
M. le président
Bien entendu, monsieur le ministre !
M. Manuel Valls, ministre d’État
Par ces amendements, vous souhaitez préciser le champ d’application de l’article 5 en y ajoutant les infrastructures agricoles, mais les constructions et les installations nécessaires à l’exploitation agricole sont d’ores et déjà visées par l’article – sa formulation est très large, cela ne vous a pas échappé. C’est pourquoi cet ajout me semble inutile, d’autant qu’il présente a contrario un risque en sous-entendant que les constructions, les aménagements et les installations liés à un autre usage qu’agricole seraient exclus du champ de l’article 5.
Je vous invite à y réfléchir – cette réflexion aura lieu également au Sénat. Vos amendements me paraissant satisfaits ; je vous invite donc à les retirer. À défaut, je formule un avis de sagesse.
M. le président
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
Permettez-moi de me faire l’écho des débats de la commission et de rappeler la position largement partagée selon laquelle l’agriculture n’a pas été suffisamment prise en compte au sein du plan Mayotte debout et dans le projet de loi. C’est pourquoi la commission soutient ces amendements, qui permettent de prolonger nos débats.
Rappelons qu’à Mayotte, 35 % de l’alimentation est couverte par l’agriculture locale. Ce n’est sans doute pas suffisant, mais c’est déjà beaucoup et davantage que dans d’autres territoires ultramarins. L’agriculture vivrière locale est donc déterminante pour l’alimentation des Mahorais. Or elle a été dévastée en grande partie : 80 % des cheptels sont décimés et 90 % des serres ont été détruites. Le président de la chambre d’agriculture de Mayotte, avec lequel j’ai échangé, estime qu’il y a désormais un risque grave pour la souveraineté alimentaire.
Un soutien plus large à l’agriculture mahoraise serait nécessaire : des syndicats agricoles soulignent que les 1 000 euros versés en urgence aux agriculteurs mahorais sont largement insuffisants, voire indécents. Plusieurs milliers d’euros seraient nécessaires, au minimum, pour permettre à chacune des exploitations touchées de se relever après la catastrophe.
Au-delà des conséquences du cyclone Chido, de nombreuses aides, pourtant ordinaires, n’ont toujours pas été versées à certaines exploitations agricoles, comme nous l’a indiqué la chambre d’agriculture : je pense non seulement à des aides de la politique agricole commune (PAC), mais aussi à celles liées à la sécheresse.
C’est dire que, du point de vue d’une grande partie des membres de la commission, le soutien à l’agriculture mahoraise devrait être bien plus important que ce qui est actuellement sur la table. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.)
(Les amendements identiques nos 262 et 267 sont adoptés ; en conséquence, l’amendement no 199 tombe.)
M. Philippe Gosselin
Nous sommes vraiment désolés, madame Petit !
M. le président
La parole est à Mme Virginie Duby-Muller, pour soutenir l’amendement no 80.
Mme Virginie Duby-Muller
Il vise à adapter les procédures d’urbanisme aux enjeux spécifiques de la reconstruction des réseaux de communication électronique. L’objectif est d’élargir les possibilités d’amélioration des installations de télécommunication et de faire en sorte que les dispositions relatives à la réduction des délais d’instruction soient applicables à l’implantation de nouveaux pylônes, dans l’hypothèse où ils seraient nécessaires à la remise en état et à la consolidation des réseaux de Mayotte.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
L’amendement no 178 du gouvernement, que nous examinerons tout à l’heure, répond à votre demande. C’est pourquoi je vous invite à retirer votre amendement, au profit de celui du gouvernement.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
L’objectif est déjà satisfait par l’article 5, qui couvre de manière large la reconstruction à l’identique en prévoyant l’amélioration de tout type de construction, d’aménagement et d’installation, y compris bien sûr les réseaux de communication électronique. C’est le même débat que tout à l’heure : si nous ajoutons cette mention, le risque est de sortir du caractère général voulu par l’article.
Néanmoins, vous avez raison sur un point : il est nécessaire de prévoir de nouvelles constructions afin d’améliorer la couverture des communications électroniques. C’est pourquoi le gouvernement a déposé l’amendement no 178, qui porte spécifiquement sur les réseaux de télécommunications. Il permet que l’article 5 « s’applique également, dans les mêmes conditions, aux constructions, installations et aménagements nouveaux nécessaires au fonctionnement des réseaux de communication » de Mayotte. Je vous invite donc à retirer votre amendement ; à défaut, j’émets un avis défavorable, puisque nous aurons l’occasion de traiter ce sujet dans un instant.
(L’amendement no 80 est retiré.)
M. le président
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 137.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Il vise à élargir le champ du projet de loi pour inclure les événements météorologiques survenus pendant une période de cinq mois à compter du 13 décembre 2024, et ce afin de couvrir la totalité de la saison cyclonique. En effet, comme cela a été le cas avec la tempête Dikeledi, d’autres cyclones sont susceptibles de frapper l’île de Mayotte. Les bâtiments et les installations ont été considérablement fragilisés par Chido et les dégâts peuvent encore s’aggraver au cours de la saison.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
Très favorable.
(L’amendement no 137 est adopté ; en conséquence, l’amendement no 140 tombe.)
M. le président
La parole est à M. Joseph Rivière, pour soutenir l’amendement no 60.
M. Joseph Rivière
Il vise à faire la distinction entre, d’une part, les Mahorais, qui ont droit de cité parce qu’ils sont chez eux, ainsi que les étrangers en situation régulière qui respectent les règles liées aux droits de séjour, et, d’autre part, les clandestins qui n’ont ni droits ni titres et ne peuvent se prévaloir de leur seule présence pour considérer qu’ils ont droit de cité en France.
Mon amendement a pour objet de préciser la notion d’habitat informel, en prenant en considération la réalité du terrain. Un Mahorais peut vivre dans un habitat informel dès lors que l’État n’a pas assumé ses missions de service public de bornage et de cadastre, comme cela arrive fréquemment en outre-mer, y compris chez nous, à La Réunion – je vous renvoie aux multiples rapports sénatoriaux et étatiques sur le foncier en outre-mer.
La tabula rasa provoquée par Chido et aggravée par Dikeledi n’a pas ôté à nos compatriotes mahorais le droit légitime d’habiter sur leurs terres. À l’inverse, cette même table rase rappelle non seulement que l’habitat informel est principalement le fait de clandestins qui érigent des bidonvilles et s’organisent contre la société, mais aussi que la reconstruction de Mayotte doit se faire sans eux.
Grâce à cet amendement, les services publics auront toute autorité pour donner la priorité au relogement des Mahorais, qui sont français, avant celui des étrangers clandestins. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
J’approuve l’intention puisque les reconstructions ne doivent pas bénéficier aux personnes en situation irrégulière – c’est une évidence. Cependant, sur la forme, votre amendement pose quelques difficultés dans la mesure où l’article 5 porte sur des travaux et non sur des personnes : lorsqu’on autorise des travaux, on ne peut pas savoir qui occupera la future construction.
Par ailleurs, il me semble que votre amendement est satisfait par l’amendement que j’ai présenté en commission et qui exclut l’habitat informel des dispositions de l’article. Je vous invite donc à le retirer ; à défaut, mon avis est défavorable.
(L’amendement no 60, repoussé par le gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. le ministre d’État, pour soutenir l’amendement no 178 du gouvernement.
M. Manuel Valls, ministre d’État
Je l’ai présenté tout à l’heure. Il permettra de faire bénéficier les constructions, les installations et les aménagements nouveaux nécessaires au fonctionnement des réseaux de télécommunications de l’accélération – que nous souhaitons tous – des procédures d’urbanisme prévues au chapitre III du projet de loi.
L’objectif est de faciliter la reconstruction rapide des réseaux de télécommunications pour aboutir, dans les plus brefs délais, non pas à un retour à un fonctionnement normal des réseaux sur l’ensemble du territoire de Mayotte, mais à une véritable amélioration.
Je remercie les députés Lebec, Bothorel, Battistel, Morel et Travert qui ont alerté sur cette question, sans oublier M. Gosselin – je ne voudrais pas séparer les députés de la Manche !
Si les reconstructions sont déjà prévues par l’article 5 dans sa rédaction actuelle, cet amendement permettra d’élargir très utilement son champ d’application aux constructions nouvelles. J’espère surtout que tous les opérateurs seront au rendez-vous, dans les prochains mois, afin de faire de Mayotte un territoire exemplaire.
(L’amendement no 178, accepté par la commission, est adopté.)
M. le président
Sur l’article 5, je suis saisi par le groupe Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Dominique Voynet, pour soutenir l’amendement no 212.
Mme Dominique Voynet
Il se justifie par sa rédaction même : il vise à préciser que la reconstruction doit se faire non pas à l’identique, mais dans le respect de la réglementation des risques naturels, afin de prendre en compte les vulnérabilités mises en évidence lors du cyclone Chido.
Permettez-moi de présenter l’amendement suivant, le no 213. Dans le même état d’esprit, il tend à préciser que les projets d’ouvrages mentionnés au premier alinéa de l’article 5 comportent le raccordement en eau potable et au réseau d’assainissement des bâtiments. Je m’attends à ce que le ministre me réponde que c’est déjà prévu. Toutefois, cela ira mieux encore en le disant, tant les logements qui ne disposent ni de l’un ni de l’autre sont nombreux.
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 212 ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Avis favorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
L’amendement étant déjà satisfait, j’émets un avis défavorable, pour ne pas rendre la loi plus bavarde.
(L’amendement no 212 est adopté.)
M. le président
L’amendement no 213 de Mme Dominique Voynet a été défendu. Il fait l’objet du sous-amendement no 318.
M. le président
La parole est à Mme la rapporteure pour le soutenir et donner l’avis de la commission sur l’amendement.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Certaines constructions ne pourront pas être reliées au réseau d’eau potable et au réseau d’assainissement pour des raisons techniques. C’est pourquoi je propose d’ajouter la formulation « lorsque cela est techniquement possible ».
Avis favorable sur l’amendement sous réserve de l’adoption du sous-amendement.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement sur le sous-amendement no 318 de Mme la rapporteure et sur l’amendement no 213 ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
Le sous-amendement vise à préciser que les raccordements pourront être effectués lorsqu’ils sont techniquement possibles. Cette précision d’ordre pragmatique n’est pas de nature à modifier l’avis défavorable du gouvernement sur l’amendement no 213. Les dispositions du projet de loi n’ont pas vocation à modifier les obligations en matière d’assainissement et de raccordement à l’eau potable.
(Le sous-amendement no 318 est adopté.)
(L’amendement no 213, sous-amendé, n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Dominique Voynet, pour soutenir l’amendement no 216.
Mme Dominique Voynet
Qui connaît un peu Mayotte sait qu’il est difficile de mener de façon simultanée un grand nombre de chantiers – je n’insisterai pas, nous avons déjà évoqué ce sujet en commission. Nous proposons de préciser que l’article concerne les projets d’habitats individuels et les services publics que sont les établissements et équipements scolaires, les logements sociaux et les centres de santé. Il s’agit d’éviter que des projets énormes, déconnectés des priorités du moment, puissent être financés. Je pense aux projets industriels et commerciaux ainsi qu’aux zones commerciales, qui pourraient s’étendre sans aucun débat démocratique.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Avis défavorable. La reconstruction ne peut pas se faire à deux vitesses et Mayotte aura besoin d’une vie économique, commerciale, agricole et industrielle prospère.
(L’amendement no 216, repoussé par le gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix l’article 5, tel qu’il a été amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 130
Nombre de suffrages exprimés 115
Majorité absolue 58
Pour l’adoption 115
Contre 0
(L’article 5, amendé, est adopté.)
Article 6
M. le président
La parole est à Mme Dominique Voynet, pour soutenir l’amendement no 219.
Mme Dominique Voynet
Là encore, nous avons eu une longue discussion en commission, rivalisant d’intelligence pratique pour définir l’habitat illégal, ou informel. Nous avons bien compris qu’il était hors de question de reconstruire des bidonvilles. Toutefois, de nombreux bâtiments à Mayotte ont été construits dans des conditions qui ne sont pas totalement régulières – sans titre de propriété ni permis de construire. Afin de tenir compte de cette réalité, l’amendement tend à supprimer les mots « sous réserve qu’ils aient été régulièrement édifiés ».
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
L’amendement vise à étendre aux constructions illégales le droit à la reconstruction en dérogation aux règles d’urbanisme. Même si de nombreuses constructions en dur sont informelles, cela n’a pas de sens : par définition, on ne peut faciliter une reconstruction que si la construction a été précédemment autorisée. En revanche, le propriétaire d’une construction en dur illégale peut demander un permis de construire pour régulariser la situation. Avis défavorable.
(L’amendement no 219, repoussé par le gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
L’amendement no 138 de Mme la rapporteure est rédactionnel.
(L’amendement no 138, accepté par le gouvernement, est adopté.)
M. le président
La parole est à M. Philippe Naillet, pour soutenir l’amendement no 275.
M. Philippe Naillet
Il vise à permettre aux communes de s’opposer à l’application des dispositions de l’article 6 lorsque les bâtiments visés sont situés dans le périmètre d’un emplacement réservé ou d’une servitude, ou d’imposer des adaptations des opérations afin de préserver l’objet de ces emplacements et servitudes.
Les communes qui avaient des projets d’aménagement, de requalification ou de rénovation urbaine impliquant des acquisitions, des expropriations ou des démolitions doivent pouvoir poursuivre leur réalisation, quand bien même des immeubles relevant du dispositif de l’article seraient concernés.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Ainsi, un maire pourrait bloquer la reconstruction afin de forcer un propriétaire à vendre, dans le cas de l’exercice du droit de préemption, ou d’exproprier le propriétaire d’un terrain ayant perdu de sa valeur après la destruction du bâtiment qui y était édifié. Cette mesure me semble abusive : l’exercice par les élus de leurs prérogatives pour réaliser un projet d’aménagement ne doit pas empêcher un propriétaire de reconstruire son bâtiment. Avis défavorable.
(L’amendement no 275, repoussé par le gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 52.
M. Philippe Gosselin
Bien qu’il se situe dans le prolongement des débats sur les bidonvilles, sa portée est plus large. Il vise à réaffirmer que la reconstruction de locaux à usage d’habitation édifiés sans droit ni titre n’est pas autorisée, non plus que celle de locaux insalubres.
Il ne s’agit pas de tout empêcher – nous devons avancer, c’est l’objet de ce texte –, mais ne reproduisons pas les mêmes erreurs.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
L’amendement est satisfait par l’amendement CE254 adopté en commission, qui a exclu explicitement l’habitat informel du champ couvert par les articles 6 à 9. Avis défavorable.
(L’amendement no 52, ayant reçu un avis défavorable du gouvernement, est retiré.)
M. le président
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 53.
M. Philippe Gosselin
La restriction d’augmentation de taille prévue au I de l’article 6 ne doit pas s’appliquer aux bâtiments publics destinés à recevoir du public.
Nombreux sont les bâtiments publics sous-dimensionnés, parce qu’ils sont anciens mais surtout parce que la population officielle est sous-estimée. Selon que Mayotte compte 320 000 habitants, comme l’affirme l’Insee, ou 400 000 habitants, voire davantage, les besoins ne seront pas les mêmes. Il faut que la taille des bâtiments corresponde à la population réelle. D’où l’intérêt de disposer d’un recensement précis. Le gouvernement s’est engagé à le réaliser – ce dont je me réjouis –, alors ne mettons pas la charrue avant les bœufs : permettons la construction de bâtiments réellement adaptés, en la soustrayant à la restriction d’augmentation de taille.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Avis favorable. Je préfère cet amendement à l’amendement no 141, pour lequel j’émettrai un avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
Il est satisfait. Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.
(L’amendement no 53 est adopté.)
M. le président
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 141.
M. Philippe Gosselin
Son objet est un peu plus large : il concerne les bâtiments qui hébergent des services exerçant des missions de service public. Je le maintiens à ce stade – il sera toujours possible de le retirer au cours de la navette parlementaire.
(L’amendement no 141, repoussé par la commission et le gouvernement, est adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Dominique Voynet, pour soutenir l’amendement no 228.
Mme Dominique Voynet
Il vise à préciser que les motifs d’intérêt général mentionnés à l’alinéa 3 sont définis d’une façon précise à l’article L. 102-1 du code de l’urbanisme.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
La précision apportée est trop restrictive et, je le répète, contradictoire avec les dispositions adoptées en commission. La notion d’intérêt général peut renvoyer à des motifs de performance énergétique ou d’accessibilité, qui nécessitent de construire plus grand, sans que le projet entre dans le champ de l’article L. 102-1 du code de l’urbanisme. Avis défavorable.
(L’amendement no 228, ayant reçu un avis défavorable du gouvernement, est retiré.)
M. le président
Sur l’article 6, je suis saisi par le groupe Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Aurélien Taché, pour soutenir l’amendement no 19.
M. Aurélien Taché
Des règles, en particulier les prescriptions de sécurité et de salubrité publique, s’imposent aux travaux de reconstruction ou de réfection. L’amendement vise à préciser qu’ils doivent aussi respecter les normes d’accessibilité, afin d’éviter que les bâtiments reconstruits soient inaccessibles aux personnes à mobilité réduite.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
L’amendement est satisfait. Ces questions ont été évoquées lors de l’examen de l’article 4. Demande de retrait ou avis défavorable.
(L’amendement no 19, repoussé par le gouvernement, est adopté.)
M. le président
La parole est à M. Antoine Léaument, pour soutenir l’amendement no 18.
M. Antoine Léaument
Il vise à ajouter l’alinéa suivant : « Le permis ne peut être accordé si le projet est de nature à porter atteinte à la salubrité et la sécurité publique. »
Vous me direz peut-être que c’est une tautologie… nous préférons l’entendre et que cela soit inscrit au compte rendu.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
L’amendement est satisfait. Je laisse au gouvernement le soin de répondre.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
Il est satisfait. Avis défavorable.
M. le président
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
Que l’amendement soit, en partie, satisfait ne doit pas nous empêcher d’introduire des précisions – nous avons déjà adopté des amendements similaires. La demande est que les procédures d’autorisation prennent le moins de temps possible ; il est donc préférable, de mon point de vue, que le respect des règles de salubrité et de sécurité publique soit inscrit clairement dans le texte. Mieux vaut le mentionner à nouveau à l’article 6.
Un député du groupe LFI-NFP
Eh oui !
(L’amendement no 18 est adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Dominique Voynet, pour soutenir l’amendement no 223.
Mme Dominique Voynet
Il vise à limiter le droit à la reconstruction et à la réfection en excluant les bâtiments situés dans les sites classés, dans les zones humides, au sens de l’article R. 211-108 du code de l’environnement, ainsi que dans les zones naturelles, agricoles ou forestières.
De nombreuses constructions se situent en bord de lagon, en violation de la loi « littoral » et au mépris du risque de submersion et, en l’absence de documents d’urbanisme complets, dans des zones qui auraient été partout ailleurs définies comme inconstructibles. Il faut revenir au droit commun.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Il est question ici d’un droit à la reconstruction : quelle construction humaine aurait été légalement construite dans des sites classés ou dans des zones humides ? À ma connaissance, ce cas, très théorique, est inexistant à Mayotte.
Sur la forme, il ne convient pas de faire référence à un article réglementaire dans un article de loi. Je demande le retrait, à défaut j’émettrai un avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
Même avis.
M. le président
La parole est à M. Hervé de Lépinau.
M. Hervé de Lépinau
Il est très intéressant que cet amendement soit proposé par une écologiste. Si nous suivons votre raisonnement, il faudrait essayer de préserver ce qui peut l’être encore à Mayotte, tout en continuant à entretenir les pompes aspirantes de l’immigration illégale : en cela, vous êtes fidèle aux prises de position qui sont généralement les vôtres à la gauche et à l’extrême gauche de cet hémicycle.
Plusieurs députés du groupe LFI-NFP
Il n’y a pas d’extrême gauche ici !
M. Hervé de Lépinau
Or il s’avère que l’immigration illégale est un véritable fléau pour la biodiversité. Le lagon de Mayotte est devenu un dépotoir parce que les bidonvilles ne sont pas équipés de système d’assainissement et que tout est rejeté dans la mer. De plus, au vu des photographies aériennes de Mayotte – qui constituent ma source car je n’ai pas encore eu la chance d’aller sur l’archipel –, on constate que les bidonvilles grignotent la forêt en direction du centre de l’île.
L’immigration illégale est un facteur particulièrement aggravant de destruction de la biodiversité. Peut-être pourrions-nous proposer d’envoyer à Mayotte les agents de l’Office français de la biodiversité (OFB) qui terrorisent nos agriculteurs dans l’Hexagone pour y remettre un peu d’ordre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN et sur plusieurs bancs du groupe UDR.)
M. Antoine Léaument
Carrément !
(L’amendement no 223 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix l’article 6, tel qu’il a été amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 116
Nombre de suffrages exprimés 99
Majorité absolue 50
Pour l’adoption 99
Contre 0
(L’article 6, amendé, est adopté.)
Après l’article 6
M. le président
Nous en venons aux amendements portant article additionnel après l’article 6.
La parole est à Mme Virginie Duby-Muller, pour soutenir l’amendement no 83.
Mme Virginie Duby-Muller
Les opérateurs sont soumis à une imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau (Ifer), au titre des réseaux mobiles, assise sur le nombre de stations radioélectriques qu’ils déploient. Son montant a explosé : les recettes de l’Ifer mobile sont passées de 125 millions d’euros lors de sa création en 2011 à 336 millions en 2023.
Afin de tenir compte des difficultés d’implantation des sites radioélectriques liées aux contraintes de la loi « littoral » et à un habitat très dispersé, et dans le but d’accélérer la reconstruction des réseaux de communication électrique, nous proposons une exemption temporaire de l’Ifer pour les stations radioélectriques de téléphonie mobile à Mayotte.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
La commission a repoussé cet amendement lors de son examen en application de l’article 88 du règlement. Au-delà de son coût pour les finances publiques, qui reste à estimer, la mesure que vous proposez ne paraît pas proportionnée quant à la durée de son application.
En effet, votre amendement revient à dispenser les entreprises de s’acquitter de leur contribution, indépendamment des destructions effectivement subies par leurs infrastructures. Si une exonération peut se concevoir lorsque les installations ont été détruites ou endommagées à la suite du passage de Chido, la mesure ne se justifiera plus quand le réseau sera reconstruit et exploitable. Or, sous réserve des informations dont dispose peut-être le gouvernement, nous pouvons espérer qu’il en sera ainsi dès cette année ; dès lors, une exonération n’aurait plus aucun rapport avec les événements climatiques qui motivent l’examen du projet de loi d’urgence à Mayotte. Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
La suspension pendant cinq ans de l’Ifer mobile à Mayotte priverait le département, les communes et leurs établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) des recettes attendues, à hauteur de deux tiers pour le bloc communal et d’un tiers pour le département. Celles-ci leur sont pourtant indispensables pour participer à l’effort de reconstruction.
De plus, une exonération pour 2025 n’est pas utile puisqu’en raison du fait générateur de l’imposition au 1er janvier de l’année, les installations qui ne sont plus en service depuis le passage du cyclone Chido et qui n’ont pas été rétablies au 1er janvier 2025 ne seront pas soumises à l’Ifer au titre de l’année 2025. Ce sont les deux raisons pour lesquelles je vous demande de retirer cet amendement ; à défaut, avis défavorable.
M. le président
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
La commission a adopté d’autres amendements qui traitent, peut-être insuffisamment, de la question des infrastructures de télécommunications. L’adoption de votre amendement créerait surtout un effet d’aubaine pour les grands groupes de télécommunications qui, me semble-t-il, réalisent déjà des profits substantiels.
(L’amendement no 83 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Virginie Duby-Muller, pour soutenir l’amendement no 82, qui fait l’objet d’un sous-amendement.
Mme Virginie Duby-Muller
Il s’agit de réduire le délai accordé aux propriétaires pour formuler des observations sur les projets de mise en œuvre de servitudes.
M. le président
La parole est à M. le ministre d’État, pour soutenir le sous-amendement no 321.
M. Manuel Valls, ministre d’État
La rédaction de votre amendement ne me semble pas totalement adaptée, dans la mesure où il n’incombe pas aux copropriétaires, à titre individuel, de donner un avis sur la servitude, mais au syndicat représenté par le syndic. C’est le sens du sous-amendement que propose le gouvernement. Sous réserve de son adoption, j’émets un avis favorable à votre amendement.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Sagesse.
(Le sous-amendement no 321 est adopté.)
(L’amendement no 82, sous-amendé, est adopté.)
M. le président
La parole est à M. Stéphane Travert, pour soutenir l’amendement no 32.
M. Stéphane Travert
Dans l’état actuel de Mayotte, les opérateurs se trouvent dans l’impossibilité d’implanter des sites dans les zones d’urbanisation diffuse et les zones naturelles ou agricoles non urbanisées, en dehors des côtes et des zones denses des communes littorales déjà couvertes. La majorité des sites mobiles du département était implantée à moins de 1 kilomètre du rivage, dans la mesure où les habitants sont concentrés sur le littoral, par ailleurs très faiblement urbanisé. Les opérateurs télécom ne peuvent donc pas réparer ou implanter les antennes de relais de téléphonie mobile en continuité de l’urbanisme existant, dans la mesure où la quasi-totalité des habitations ou des constructions des dix-sept communes du département, toutes régies par la loi « littoral », sont détruites ou partiellement détruites.
Puisque l’urbanisation de Mayotte n’est pas figée, cet amendement vise à introduire de la flexibilité, en donnant au préfet la possibilité d’autoriser une installation d’antenne relais en discontinuité d’urbanisme – discontinuité qui pourrait d’ailleurs se transformer à terme en continuité, une fois achevée la reconstruction que nous souhaitons tous.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
La commission des affaires économiques a repoussé cette proposition lors de son examen en application de l’article 88 du règlement. L’amendement avait déjà été présenté lors de l’examen du projet de loi, mais vous l’aviez retiré à la demande du gouvernement. Même débarrassé des éléments de codification qui auraient permis son application à l’ensemble du territoire national, le dispositif proposé soulève les mêmes questions.
Je ne mésestime pas l’ampleur de la tâche nécessaire pour rétablir le bon fonctionnement des réseaux de communication ; des assouplissements aux procédures d’urbanisme seront en effet nécessaires. Cependant, je ne suis pas certaine que déposséder les collectivités territoriales de leurs compétences pour faciliter la construction d’infrastructures, de surcroît dans des zones auxquelles s’applique une garantie de la loi « littoral » imposant une urbanisation continue, soit une mesure proportionnée. De plus, la durée de la dérogation proposée par l’amendement excède le délai d’application de l’article 5 du projet de loi, qui fixe le cadre des aménagements réalisés au titre de l’urgence. Je vous demande donc de le retirer ; à défaut, avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
Je partage votre objectif de développer la 5G – point important du plan Mayotte debout. Cependant, il est nécessaire que la reconstruction et le renforcement du réseau ne se fassent pas au détriment de la protection du patrimoine naturel et paysager de Mayotte et que les mesures proposées soient conformes aux exigences du Conseil constitutionnel, qui contrôle les assouplissements apportés à la loi « littoral » au regard de la Charte de l’environnement. En l’espèce, votre amendement ne comporte pas l’ensemble des garde-fous nécessaires.
Votre amendement no 112 rectifié, que nous examinerons dans un instant, vise le même objectif, tout en rendant le territoire résilient à des aléas climatiques futurs. Je vous propose de retirer l’amendement no 32 à son profit.
(L’amendement no 32 est retiré.)
M. le président
Je suis saisi de quatre amendements, nos 81 rectifié, 112 rectifié, 146 rectifié et 173 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les trois derniers amendements sont identiques.
La parole est à Mme Virginie Duby-Muller, pour soutenir l’amendement no 81 rectifié.
Mme Virginie Duby-Muller
Nous proposons un assouplissement temporaire des règles du déploiement mobile en zone littorale, afin d’implanter des pylônes de téléphonie mobile nécessaires à la connectivité de ces territoires. Cette dérogation serait valable jusqu’au 31 décembre 2027.
M. le président
La parole est à M. Stéphane Travert, pour soutenir l’amendement no 112 rectifié.
M. Stéphane Travert
M. le ministre d’État vient d’évoquer cet amendement de repli ou, si j’ose dire, de continuité avec l’amendement no 32 que j’ai retiré.
M. le président
La parole est à Mme Louise Morel, pour soutenir l’amendement no 146 rectifié.
Mme Louise Morel
Cet amendement est le résultat des débats de qualité que nous avons eus en commission sur la reconstruction du réseau de télécommunications de l’île. Je remercie M. le ministre et Mme la rapporteure de nous avoir permis d’avancer sur un sujet peu discuté et peu présent dans la rédaction initiale du projet de loi.
Concrètement, il s’agit d’adapter l’emplacement des pylônes, en autorisant de manière exceptionnelle l’implantation des installations radioélectriques en discontinuité de l’urbanisation, tout en tenant compte des besoins réels en couverture réseau mais aussi en limitant l’impact sur l’environnement. Reconstruire Mayotte, c’est aussi reconstruire son réseau dans son ensemble : cet amendement, cosigné par l’ensemble des députés du groupe Les Démocrates, le permet.
M. le président
La parole est à Mme Marie Lebec, pour soutenir l’amendement no 173 rectifié.
Mme Marie Lebec
Ces trois amendements identiques traduisent, comme l’a dit Mme Morel, la qualité de nos débats, ainsi que la nécessité d’entreprendre rapidement la reconstruction de Mayotte, sans pour autant dégrader son environnement et ses paysages. C’est pourquoi nous proposons de limiter les mesures exceptionnelles dans le temps.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
La commission a rejeté ces amendements lors de leur examen en application de l’article 88. Même si elle borne davantage la procédure – les amendements no 112 rectifié et identiques fixent le terme de la dérogation au 31 décembre 2026, l’amendement no 81 au 31 décembre 2027 –, la mesure proposée par nos collègues soulève les mêmes questions. S’il importe de répondre à l’urgence, il faut également préserver l’élément fondamental du patrimoine naturel de Mayotte, qui pourrait contribuer à son développement futur. Je maintiens que déposséder les collectivités territoriales de leurs compétences pour faciliter la construction d’infrastructures, de surcroît dans des zones auxquelles s’applique la garantie de la loi « littoral », ne constitue pas une réponse appropriée. Avis défavorable sur l’ensemble des amendements.
M. le président
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
Même s’ils apportent des garanties supplémentaires par rapport aux précédents, ces amendements ont été rejetés par la commission parce qu’ils font courir le risque de déposséder les collectivités locales de leurs compétences.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
J’ai un avis différent. Les amendements no 112 rectifié et identiques favorisent, sans l’imposer, la mutualisation des installations par les opérateurs, afin d’éviter leur multiplication sur le territoire. Ils présentent plus de garanties et préservent la qualité du paysage mahorais. Je propose que l’amendement no 81 rectifié soit retiré à leur profit.
(L’amendement no 81 rectifié est retiré.)
(Les amendements identiques nos 112 rectifié, 146 rectifié et 173 rectifié sont adoptés.)
Article 6 bis
M. le président
L’amendement de suppression no 27 de Mme Mathilde Hignet est défendu.
(L’amendement no 27, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Nadège Abomangoli, pour soutenir l’amendement no 28.
Mme Nadège Abomangoli
Amendement de repli.
(L’amendement no 28, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 152.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Il tend à apporter des corrections de nature rédactionnelle. Il convient de rappeler que, sur le fondement d’un principe général, le droit en vigueur subordonne à la délivrance d’une permission de voirie l’occupation du domaine public routier par des exploitants de réseaux ouverts au public.
(L’amendement no 152, accepté par le gouvernement, est adopté.)
(L’article 6 bis, amendé, est adopté.)
Après l’article 6 bis
M. le président
Nous en venons aux amendements portant article additionnel après l’article 6 bis.
La parole est à M. Philippe Naillet, pour soutenir l’amendement no 278, qui fait l’objet d’un sous-amendement.
M. Philippe Naillet
Il vise, dans l’esprit de l’article précédent, à faciliter la reconstruction du réseau public d’électricité, en autorisant les travaux de reconstruction ou de réfection des ouvrages de transport ou de distribution d’électricité dégradés ou détruits – à l’identique ou avec des adaptations qui les améliorent – même s’ils ne respectent pas les règles actuellement prévues par le code de l’énergie et le code de la voirie routière.
Cet amendement a été travaillé avec EDF.
M. le président
La parole est à M. le ministre d’État, pour soutenir le sous-amendement no 325.
M. Manuel Valls, ministre d’État
Ne dévoilez pas ainsi vos cartes devant la représentation nationale, monsieur le député ! (Sourires.)
Le gouvernement souhaite compléter et sécuriser le dispositif que vous proposez en apportant un correctif, nécessaire à la garantie des droits des propriétaires privés. Il faut réserver le cas où les adaptations envisagées affecteraient une parcelle qui n’était autrefois pas concernée par les infrastructures et où une expropriation, plutôt qu’une simple servitude administrative, s’imposerait. À défaut d’une telle précision, les propriétaires concernés pourraient se trouver privés de toute indemnité d’expropriation, le droit de propriété ne serait pas respecté.
Par ailleurs, la mention « nonobstant toute disposition législative contraire » à la fin de l’alinéa 1 est source de confusion car trop large : la mesure proposée dans l’amendement ne vise qu’à déroger à l’article L. 323-3 du code de l’énergie, qui oblige le transporteur d’électricité à recourir à une déclaration d’utilité publique (DUP) lorsque ses installations sont susceptibles de traverser des propriétés privées. Cette mention étant inutile en l’espèce, il convient de la supprimer.
Sous réserve de l’adoption de ce sous-amendement, j’émettrai un avis favorable à l’amendement de M. Naillet.
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement et le sous-amendement ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Défavorable dans les deux cas. Si la commission a repoussé l’amendement, c’est parce qu’une telle dispense, créant une dérogation aux dispositions encadrant l’occupation des terrains du domaine public routier ou l’établissement de servitudes sur les terrains privés, présente un caractère potentiellement disproportionné au regard des facilités offertes par le droit commun dans certaines circonstances et pour certains besoins.
Par cet amendement, vous souhaitez autoriser l’exécution de travaux de reconstruction définitifs sans consulter les maires des communes ou obtenir l’approbation du préfet… Avis très, très défavorable !
(Le sous-amendement no 325 est adopté.)
(L’amendement no 278, sous-amendé, est adopté.)
M. le président
La parole est à M. Philippe Naillet, pour soutenir l’amendement no 277.
M. Philippe Naillet
Je propose d’insérer l’article suivant après l’article 6 bis : « Les dispositions du présent chapitre s’appliquent à la reconstruction ou réfection, à l’identique ou avec les adaptations ou les améliorations nécessaires, des installations dégradées ou détruites du réseau public d’électricité de Mayotte. »
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Favorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
L’amendement est satisfait. Avis de sagesse.
(L’amendement no 277 est adopté.)
Article 7
M. le président
La parole est à M. le ministre d’État, pour soutenir l’amendement no 180.
M. Manuel Valls, ministre d’État
S’agissant du délai dont disposeront les mairies pour afficher les demandes d’autorisation d’urbanisme, le gouvernement propose de revenir à la rédaction initiale : « dans les meilleurs délais ».
La commission a prévu que les mairies auront une semaine maximum pour publier l’avis de dépôt. Une telle contrainte risque de peser fortement sur les services des collectivités territoriales ; elle n’est pas adaptée, à un moment où tous les moyens doivent se concentrer sur la reconstruction du territoire.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Monsieur le ministre, vous êtes en train de revenir sur mon propre amendement, adopté en commission, auquel vous étiez pourtant favorable. (Murmures.)
M. Manuel Valls, ministre d’État
J’avais dit « sagesse »…
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Ce délai d’une semaine est jugé trop contraignant par le gouvernement. Ce n’est pas mon avis : les communes doivent pouvoir publier un avis de dépôt en une semaine. Avis défavorable.
M. le président
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
J’irai dans le sens de Mme la rapporteure : les amendements adoptés en commission visaient à améliorer l’information du public, laquelle passe notamment par la publication des avis de dépôt des demandes d’autorisation d’urbanisme. Il est très important de disposer d’un délai précis en la matière afin de garantir la transparence. La question se reposera plus tard avec les marchés publics. Tous ces amendements, votés à la majorité en commission, répondaient à un même objectif de transparence.
(L’amendement no 180 est adopté.)
M. le président
La parole est à M. Philippe Naillet, pour soutenir l’amendement no 276.
M. Philippe Naillet
Il vise à éviter que l’effet cumulé d’un volume considérable de demandes d’autorisations d’urbanisme, d’une part, et de délais réduits, d’autre part, ne favorise un nombre excessif d’autorisations illégales tacitement délivrées.
Afin de réduire ce risque sans porter atteinte aux objectifs de l’article, nous proposons de porter de trois à six mois le délai de retrait, par l’autorité compétente, des autorisations d’urbanisme illégales ayant bénéficié d’une non-opposition tacite ou explicite. Une telle extension demeure raisonnable, n’étant pas source d’insécurité juridique pour les porteurs de projets.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
L’amendement me semble justifié : les collectivités vont en effet dispenser de nombreux accords tacites, du fait du grand nombre demandes dont elles seront saisies. Les services des collectivités et de la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Deal) ne pourront évidemment pas instruire tous les dossiers en détail.
Il serait donc utile qu’en cas de demande manifestement abusive et illégale, la commune puisse retirer le permis ; certaines demandes pourraient bien être frauduleuses et ne pas respecter le cadre de la demande de reconstruction à l’identique ou avec de légères modifications. Avis très favorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
Avis défavorable, car même si le volume de demandes s’annonce important, le délai de trois mois semble suffisant. Il laisse le temps aux autorités compétentes de réagir à d’éventuelles demandes illégales.
Le délai de six mois risque d’aller à l’encontre de l’objectif d’accélération recherché en matière d’urbanisme – véritable leitmotiv de mes interventions, vous l’aurez remarqué. Car vous le savez, les constructeurs n’obtiennent pas les financements et n’engagent pas les travaux tant que l’autorisation d’urbanisme est susceptible d’être remise en cause ; ce sera encore plus vrai à Mayotte au vu de la situation.
Enfin, un délai de trois mois sécuriserait les auteurs des demandes, notamment les particuliers qui souhaitent reconstruire leur logement. Pour reprendre les termes de la rapporteure, avis « très » défavorable.
M. le président
La parole est à M. Hervé de Lépinau.
M. Hervé de Lépinau
L’amendement pose une question pratique et logistique. Les demandes d’autorisation – nous sommes quand même dans un État de droit – vont probablement exploser : envisagez-vous de renforcer les services instructeurs en faisant jouer la solidarité nationale, par exemple en dépêchant pour les examiner – non pas sur place, mais à distance, grâce à la dématérialisation – des personnels d’autres collectivités ? Cela permettrait de respecter le délai de trois mois et d’éviter le risque d’un trop grand nombre de décisions tacites.
M. le président
La parole est à M. le ministre d’État.
M. Manuel Valls, ministre d’État
Madame la rapporteure, vous avez raison, ce dispositif a été adopté en commission, mais je me suis engagé, à la suite de ma rencontre avec le président du conseil départemental, présent à Paris, ainsi qu’avec le président de l’association des maires de Mayotte, à ce que nous renforcions les moyens et l’ingénierie, tant au niveau de l’État que du conseil départemental ou des communes. On peut faire jouer la solidarité, on peut aussi donner des moyens financiers aux communes. Si nous voulons atteindre l’objectif partagé et faire en sorte que les communes jouent pleinement leur rôle, il est évident que nous devons leur donner les moyens de cette ingénierie – le problème peut d’ailleurs se poser dans de nombreux territoires ultramarins. La solidarité entre collectivités figure déjà dans le texte de la commission – il a été amendé en ce sens. Le président de l’association des maires de Mayotte avait d’ailleurs une réunion à ce sujet avec le président de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF).
(L’amendement no 276 est rejeté.)
M. le président
Sur l’article 7, je suis saisi par le groupe Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
L’amendement no 144 de Mme la rapporteure est rédactionnel.
(L’amendement no 144, accepté par le gouvernement, est adopté.)
M. le président
La parole est à M. le ministre d’État, pour soutenir l’amendement no 179.
M. Manuel Valls, ministre d’État
Par cet amendement, le gouvernement propose de supprimer l’alinéa 11, introduit en commission, qui crée une obligation de mise à disposition du dossier sur support papier, dans les collectivités, en préfecture et dans les espaces France Services, pour les procédures d’urbanisme soumises à une participation du public par voie électronique. La triple contrainte supplémentaire que ferait peser cette disposition sur les élus et les services publics mahorais, au moment où tous les moyens doivent être concentrés sur la reconstruction du territoire, apparaît incompatible avec l’objectif visé par le projet de loi. J’y insiste, ce texte n’a vraiment pas vocation à créer des règles plus contraignantes encore que le cadre juridique actuel – c’est même tout le contraire.
Nous avons eu un débat à ce sujet en commission. En séance publique, le gouvernement, comme d’ailleurs les députés, peut souhaiter revenir sur des choix faits par la commission.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Vous l’avez entendu, le gouvernement souhaite revenir sur un amendement de M. Naillet qui a été adopté par la commission des affaires économiques. L’amendement du gouvernement supprimerait la mise à disposition physique du dossier en cas de participation du public par voie électronique, qui est prévue en mairie, en préfecture et dans les espaces France Services, jusqu’au 1er juillet 2025.
Pour le gouvernement, cette procédure semble trop lourde pour les élus locaux et les services publics mahorais. Le contexte immédiat est certes dégradé, mais le fait de tenir à disposition un dossier papier ne devrait pas être excessivement coûteux pour les administrations publiques. La période de la reconstruction nécessite une transparence pleine et entière à l’égard des habitants. Je rappelle en outre que Mayotte est un désert numérique. Or le gouvernement ne prend pas soin de reporter au 1er juillet la procédure de participation du public par voie électronique. Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable.
M. le président
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
Cet amendement du gouvernement va clairement à l’encontre du sens des débats et des votes de la commission des affaires économiques. Il y a eu à ce sujet…
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Un consensus.
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
Un consensus, je ne sais pas. En tout cas, une très forte majorité a estimé qu’il fallait accroître la transparence. Or cet amendement la réduit.
Par ailleurs, Mme la rapporteure vient de l’indiquer, cela ne tient pas compte des défaillances en matière d’accès à internet, problème encore plus prononcé à Mayotte qu’ailleurs. L’avis de la commission est donc très défavorable.
M. le président
La parole est à M. Philippe Gosselin.
M. Philippe Gosselin
Je m’étonne que le gouvernement revienne sur la décision prise par la commission, à l’issue d’un vrai débat. D’ailleurs, ce qui vaut à Mayotte vaut pour le reste du pays : 8 millions de nos concitoyens n’ont pas accès à internet ou éprouvent des difficultés à manier cet outil. Nous avons proposé et voté des amendements visant à renforcer la téléphonie mobile et l’accès à internet, sachant qu’il n’y a quasiment plus rien à Mayotte. On ne peut pas contourner cette réalité.
J’entends bien que la mise à disposition du dossier sur support papier représente une charge de travail supplémentaire, mais elle me paraît minime par rapport aux enjeux d’accessibilité et d’intelligibilité des textes. Sans doute pour quelques années encore, nous avons besoin, à Mayotte et dans certaines parties de l’Hexagone, d’un accès au dossier papier. Un jour, la dématérialisation sera peut-être totale, mais tel n’est pas encore le cas.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 179 du gouvernement. Qui est pour ?
M. Antoine Léaument
Personne ! (Sourires.)
M. Philippe Gosselin
Ça s’appelle un flop !
Un député du groupe RN
C’est rare…
(L’amendement no 179 n’est pas adopté.)
M. le président
Il y a tout de même eu quelques abstentions.
M. Xavier Breton
Ce sont les courageux !
M. le président
L’amendement no 145 de Mme la rapporteure est rédactionnel.
(L’amendement no 145, accepté par le gouvernement, est adopté.)
M. le président
L’amendement no 20 de M. Aurélien Taché est défendu.
(L’amendement no 20, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix l’article 7, tel qu’il a été amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 88
Nombre de suffrages exprimés 74
Majorité absolue 38
Pour l’adoption 74
Contre 0
(L’article 7, amendé, est adopté.)
Article 8
M. le président
La parole est à M. Hervé de Lépinau.
M. Hervé de Lépinau
Monsieur le ministre, vous êtes un peu coquin d’avoir présenté l’amendement no 179, alors même que vous avez accepté de réécrire l’article 8, qui prévoyait le recours à la procédure de participation du public par voie électronique.
La version initiale de l’article 8 prévoyait une procédure à un train d’enfer. En commission, nous vous avons rappelé à juste titre que Mayotte n’était plus un département comme les autres, puisqu’il a été détruit à 80 % ou 90 %. Par conséquent, il convient de maintenir la vieille pratique – si je puis dire – de l’enquête publique, qui consiste à interroger les populations. Dans la nouvelle version de l’article 8 que vous proposez, vous avez bien voulu rétablir la possibilité d’y recourir.
La reconstruction en urgence donnera nécessairement lieu à du contentieux. Il s’agira non seulement de contentieux de l’urbanisme, mais aussi de contentieux relatif à la reconnaissance du droit de propriété. Nous avons pointé cet aspect significatif du dossier, car nous savons qu’il y a une difficulté en la matière à Mayotte, où le cadastre reste balbutiant, malgré les engagements pris dans le cadre de la départementalisation. Je rappelle que, si le cadastre n’est pas en soi un moyen de preuve de la propriété, il fait partie du faisceau d’indices.
Dès lors, on en reviendra aux règles traditionnelles, à savoir l’usucapion – la prescription trentenaire – et l’usage local. Or, s’il n’y a pas d’enquête publique, avec un commissaire enquêteur qui va à la rencontre des populations, le tribunal compétent risque d’être submergé de recours. En effet, si l’on n’a pas, au préalable, crevé certains abcès et éclairé les zones d’ombre, des revendications de propriété surgiront immanquablement. Qui plus est, si l’on se place dans une perspective d’expropriation, on ne pourra pas échapper à l’enquête publique, car elle est alors consubstantielle à la procédure.
Je remercie le gouvernement d’avoir entendu la commission sur ce point et d’avoir proposé une réécriture de l’article 8. S’il est modifié en ce sens, notre groupe le votera.
M. le président
Je suis saisi de deux amendements, nos 181 et 150, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. le ministre d’État, pour soutenir l’amendement no 181.
M. Manuel Valls, ministre d’État
M. de Lépinau a devancé la présentation de mon amendement.
Un député du groupe RN
Il pourrait être ministre !
M. Manuel Valls, ministre d’État
Il faut en tout cas accepter que le gouvernement défende des positions. En l’espèce, je connaissais par avance le résultat du vote sur l’amendement no 179, mais il faut mener bataille, quand bien même cela relèverait d’une forme de masochisme. Il y a toute une administration qui attend avec impatience la position du gouvernement et qui aime voir le ministre se faire battre ! (Sourires. – Mme Dominique Voynet applaudit.)
M. Antoine Léaument
Vive l’administration !
M. Philippe Gosselin
Vous n’avez pas une tête de martyr !
M. Manuel Valls, ministre d’État
Madame Voynet, vous avez dû connaître des situations analogues par le passé !
Redevenons sérieux. Par l’amendement no 181, je propose une nouvelle rédaction globale de l’article 8, après avoir entendu les débats à ce sujet en commission. Il s’agit de revenir à l’objet initial de l’article, c’est-à-dire d’étendre la procédure de participation du public par voie électronique aux travaux qui requièrent l’accomplissement préalable d’une procédure de participation du public.
Le gouvernement améliore ainsi la rédaction initiale, en rappelant qu’il s’agit non pas d’une obligation mais d’une possibilité, qui s’ajouterait aux deux autres modalités de participation du public pouvant être mises en œuvre à Mayotte, à savoir la mise à disposition du dossier auprès du public – modalité spécifique à Mayotte – et l’enquête publique – qui peut être demandée par le préfet au vu des enjeux. Autrement dit, cette rédaction élargirait le panel des procédures de participation du public auxquelles les autorités peuvent recourir. Cela répondrait à l’urgence de la situation tout en offrant les garanties nécessaires à l’information et à la participation effective du public.
Le débat va maintenant se poursuivre avec la proposition de Mme la rapporteure. En tout cas, grâce aux interventions en commission, nous avons pu proposer le présent amendement, qui vise à offrir davantage de possibilités et à conforter le dispositif en tenant compte de la situation à Mayotte.
M. le président
La parole est à Mme la rapporteure, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement no 181 et pour soutenir l’amendement no 150.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Monsieur le ministre, votre amendement permettrait au préfet de contourner l’obligation d’enquête publique, à laquelle il peut déjà déroger. J’invite mes collègues à préférer l’amendement no 150, qui vise à donner au préfet de Mayotte la faculté, lorsqu’un projet de travaux nécessite une enquête environnementale et une consultation préalable du public, de recourir non pas à la mise à disposition du dossier auprès du public – procédure spécifique à Mayotte – mais à la participation du public par voie électronique, potentiellement plus ouverte. Cette formulation me semble plus protectrice que la rédaction initialement proposée par le gouvernement.
M. le président
Seriez-vous néanmoins favorable à l’amendement du gouvernement au cas où le vôtre risquerait d’être rejeté ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Non.
M. le président
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
La commission est favorable à l’amendement de Mme la rapporteure, car il est plus conforme à l’esprit des débats qui ont eu lieu en son sein. En effet, il permet le recours à l’enquête publique quand le préfet le décide, alors que l’amendement du gouvernement prévoit un contournement de l’enquête publique, quoi qu’il arrive. En d’autres termes, l’amendement de la rapporteure est préférable, car il sauvegarde davantage l’enquête publique.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement sur l’amendement no 150 ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
Madame la rapporteure, votre amendement donnerait la possibilité au préfet, à compter du 1er juillet 2025, de remplacer la mise à disposition du dossier auprès du public par une participation du public par voie électronique s’agissant des travaux entrepris pour la reconstruction des ouvrages détruits par le cyclone.
L’amendement no 181 que je viens de présenter prévoit la possibilité pour l’autorité compétente, aux fins de délivrer l’autorisation d’urbanisme, d’opter pour une participation du public par voie électronique, lorsque les travaux entrepris pour la reconstruction requièrent une enquête publique compte tenu des enjeux. Le dispositif prévu par le gouvernement ne contourne rien ; il donne davantage de souplesse, puisqu’il offre, pour les travaux de reconstruction, une procédure en adéquation avec le contexte d’urgence. Les autorités pourront l’utiliser en tenant compte du rétablissement de l’accès à internet sur le territoire – elles pourront le faire sans attendre le 1er juillet 2025 si la connexion est rétablie avant cette date.
J’ai entendu votre réponse, madame la rapporteure. Je vous invite néanmoins à retirer votre amendement au profit de l’amendement no 181 du gouvernement, qui répond exactement à la demande exprimée par les membres de la commission et apporte la souplesse que requiert la situation particulière dans laquelle se trouve Mayotte en ce moment.
M. le président
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
Je souhaite simplement éclairer le débat. L’amendement du gouvernement prévoit le recours à la participation du public par voie électronique « en substitution d’une enquête publique » ; tel n’est pas le cas de l’amendement de Mme la rapporteure. En commission s’est manifestée assez clairement une volonté de sauvegarder autant que possible la procédure d’enquête publique. C’est pourquoi, je le redis, je soutiens l’amendement de Mme la rapporteure plutôt que celui du gouvernement.
M. le président
La parole est à M. le ministre d’État.
M. Manuel Valls, ministre d’État
Avec tout le respect que je vous dois, madame la présidente, vous n’éclairez pas le débat.
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
Vraiment ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
Le dispositif que nous proposons ne contourne rien, puisqu’il permet l’enquête publique. Il donne davantage de souplesse en offrant une possibilité supplémentaire.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l’amendement no 181, mis aux voix par assis et levé, n’est pas adopté.)
(L’amendement no 150 est adopté ; en conséquence, l’article 8 est ainsi rédigé et les amendements nos 167 et 29 ainsi que le sous-amendement no 326 tombent.)
M. le président
Nous avons examiné 69 amendements au cours de la séance. Il en reste 116 à étudier.
La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.
2. Ordre du jour de la prochaine séance
M. le président
Prochaine séance, demain, à neuf heures :
Questions orales sans débat.
La séance est levée.
(La séance est levée à minuit.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra