Deuxième séance du mardi 19 novembre 2024
- Présidence de Mme Clémence Guetté
- 1. Projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024
- Première partie (suite)
- Article 3 et état A (suite)
- Amendement no 139, 26
- M. Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics
- M. Charles de Courson, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
- Amendements nos 6 et 60
- M. Éric Coquerel, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
- Amendements nos 61, 7, 23, 62 et 25
- Article 3 et état A (suite)
- Vote sur l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024
- Première partie (suite)
- 2. Réforme du financement de l’audiovisuel public
- 3. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Clémence Guetté
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
(La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.)
1. Projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024 (nos 538, 553).
Première partie (suite)
Mme la présidente
Cet après-midi, l’Assemblée a commencé la discussion des articles de la première partie du projet de loi, s’arrêtant après la présentation de l’amendement no 26 à l’article 3 et à l’état A, sur lequel la commission et le gouvernement ont émis un avis défavorable.
Article 3 et état A (suite)
Mme la présidente
Je vous informe que je suis saisie d’un amendement no 139 du gouvernement, en discussion commune avec l’amendement no 26.
La parole est à M. le ministre du budget et des comptes publics, pour le soutenir.
M. Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics
Au terme de l’examen de la première partie du projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG) pour 2024, je tire les conséquences, sur l’article d’équilibre, des amendements adoptés cet après-midi. Au total, ils ont pour effet de dégrader le déficit de l’État de 494 millions d’euros par rapport au projet de loi déposé : le solde budgétaire du tableau d’équilibre s’établit désormais à moins 170,1 milliards, contre moins 169,6 dans le texte initial. L’actualisation tient compte tant de la hausse des prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales d’un montant de 515 millions, que de la hausse des recettes fiscales de 16 millions et de celles des comptes sociaux de 5 millions.
Les amendements no 41 et identiques et l’amendement no 14 ont majoré les prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales. Concernant les recettes fiscales nettes, qui sont donc majorées de 16 millions, les amendements nos 12 et 65 ont réduit la part de TVA revenant à l’État de 5 millions. Les autres recettes fiscales sont majorées de 21 millions. Enfin, les recettes des comptes sociaux sont majorées de 5 millions en raison des amendements nos 12 et 65, qui accroissent la dotation de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) et les recettes du compte de concours financier à l’audiovisuel public.
Pour résumer, l’amendement no 139 récapitule, à l’article d’équilibre, les effets des amendements adoptés depuis le début de l’examen du texte.
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission.
M. Charles de Courson, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Comme tous nos collègues, je découvre cet amendement du gouvernement. Il reprend nos votes précédents et ne comporte qu’une innovation : la réduction de la contribution de la Caisse des dépôts, dont on nous indique que les résultats dégradés nous font perdre un peu plus de 100 millions. Je n’ai pas d’autre commentaire à faire. Je n’ai pas vérifié si les chiffres étaient exacts – pas plus que vous, monsieur le ministre. (Sourires.) Avis favorable, à titre personnel.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
C’est ce que l’Assemblée a voté !
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu
Après avoir voté en faveur de la suppression de l’article liminaire, le groupe GDR sera cohérent : l’amendement du gouvernement entérinant les diminutions de crédits de plusieurs ministères, nous ne pourrons que voter contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.– Mme Sandra Regol et M. René Pilato applaudissent également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
Je ne comprends pas la position de notre collègue, puisque l’amendement du gouvernement ne fait que traduire les votes de tout à l’heure, en actant la dégradation du déficit public d’un demi-milliard d’euros. Vous avez voté pour l’aggravation du déficit.
M. Nicolas Sansu
Nous avons voté contre !
M. Charles Sitzenstuhl
Soyez cohérents et votez pour l’amendement du gouvernement. Ce qui vient d’être dit n’a aucun sens et montre une fois de plus que le débat budgétaire que nous menons depuis un mois et demi dans cet hémicycle n’a ni queue ni tête. Cet après-midi, en l’espace de quelques minutes, nous avons aggravé le déficit d’un demi-milliard d’euros !
(Les amendements nos 139 et 26, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 6 et 60.
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l’amendement no 6.
M. Charles Sitzenstuhl
Nous abordons une série d’amendements qui visent à ce que le gouvernement nous éclaire sur les écarts importants entre les prévisions de recettes de plusieurs impôts et les recettes effectives.
L’amendement no 6 concerne l’impôt sur le revenu, pour lequel l’écart est substantiel. Il s’agit d’un amendement d’appel, visant à interroger le gouvernement et éventuellement le rapporteur général et le président de la commission des finances. Pouvez-vous expliquer à la représentation nationale l’importance de l’écart par rapport aux prévisions ? Bercy a-t-il des éléments d’explication à nous fournir ?
Mme la présidente
La parole est à M. Mathieu Lefèvre, pour soutenir l’amendement no 60.
M. Mathieu Lefèvre
Je défendrai en même temps les amendements nos 61 et 62.
Je crois que nous sommes confrontés non à une crise des recettes publiques, comme le soutient le président de la commission des finances, mais – ce qui est différent – à une crise de la prévision des recettes publiques. Ces amendements d’appel ont pour objet d’interroger le gouvernement sur les mesures prises afin d’améliorer ladite prévision.
Cette situation n’est inédite ni dans le temps ni dans l’espace : nous avons connu une baisse des recettes comparable à la suite de la crise de 2008 et nos voisins européens éprouvent également des difficultés en matière de prévision – je pense notamment à l’Allemagne et au Royaume-Uni.
Le rapport de la commission des finances du Sénat sur la dégradation des comptes publiques, présenté en juin dernier, parvenait à des conclusions raisonnables, bien différentes des accusations politiques portées contre l’ancien gouvernement. Il formulait des recommandations au sujet de l’impôt sur les sociétés (IS), invitant à ne pas prendre en compte l’autolimitation des grandes entreprises ou encore les remboursements de TVA, mais il n’en formulait pas concernant l’impôt sur le revenu.
L’objet de ces amendements est d’interroger le gouvernement sur les moyens mis en œuvre afin de disposer de prévisions plus fiables.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
J’essaierai de répondre sur tous les amendements, y compris les amendements nos 61 et 62, bien qu’ils ne relèvent pas d’une discussion commune. Ce sont des amendements d’appel – ils visent à modifier l’état A de 1 euro, mais tel n’est évidemment pas leur objet essentiel –, grâce auxquels, mes chers collègues, vous espérez obtenir des informations sur les écarts entre les recettes prévues et les recettes perçues. De toute évidence, les prévisions du gouvernement étaient pour le moins imparfaites…
Mme Véronique Louwagie
C’est gentiment dit !
M. Charles de Courson, rapporteur général
En qualité de rapporteur général, je m’y suis naturellement intéressé : si vous avez lu mon rapport, vous y aurez trouvé quelques éléments explicatifs, à défaut d’une explication complète. La commission d’enquête permettra d’approfondir la question.
S’agissant plus particulièrement de l’impôt sur le revenu, son rendement décroît pour la deuxième année consécutive : de 0,5 milliard en 2024 par rapport à 2023 et de 0,4 milliard en 2023 par rapport à 2022. Le gouvernement explique avoir surestimé, dans ses prévisions macroéconomiques, tant l’évolution des revenus que l’inflation. Nous devrons vérifier ces premiers éléments d’explication, auxquels s’ajoute un autre phénomène : le recours croissant à des avantages fiscaux divers et variés – en matière de remboursements et de dégrèvements, on observe des écarts considérables.
Tels sont les premiers éléments que je peux vous fournir, en vous engageant à retirer vos amendements dans l’attente des explications du gouvernement.
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Ces amendements sont intéressants. Je vous ai entendu M. Lefèvre : selon vous, il s’agirait d’un problème non de recettes, mais de prévision. Si c’est le cas, le ministre actuel n’est sans doute pas le mieux placé pour répondre. Il ne peut être considéré comme comptable de la période antérieure. Considérer qu’il lui appartiendrait de nous fournir des explications me semble un peu étrange.
Mme Marie-Christine Dalloz
Le rapporteur général vient de le faire !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
En commission d’enquête, en revanche, nous aurons tout loisir de nous enquérir des causes de ces problèmes de prévision – vous, monsieur Lefèvre, en tant que corapporteur avec M. Ciotti, les commissaires aux finances et moi-même, en tant que président de la commission des finances.
Toutefois, je ne crois pas qu’il s’agisse uniquement de problèmes de prévision ; il y a aussi moins de recettes, ce qui nous conduit au problème politique que j’ai déjà soulevé : la baisse des recettes est la conséquence d’une politique bien particulière. J’ai bien entendu la réponse du ministre : baisser les seuils des impôts n’a pas entraîné de moindres recettes, les deux années suivant la crise du covid ayant montré qu’on peut recueillir plus d’impôts malgré cela. Je pense, quant à moi, que si les seuils n’avaient pas été diminués, les recettes auraient été encore plus importantes et les déficits moindres. En tout état de cause, les années post-covid étaient exceptionnelles et nous revenons à des années normales, de sorte que la baisse des seuils entraîne celle des recettes – le roi est nu !
Je reviens à la question soulevée par ces amendements : si elle porte uniquement sur les problèmes de prévision, je donne rendez-vous à leurs auteurs à la commission d’enquête ; s’il s’agit de la baisse des recettes, j’affirme que la politique que vous avez soutenue et continuez de soutenir est en cause.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je veux donner quelques éléments de réponse concernant ces amendements d’appel, même si nous aurons tout loisir, en effet, d’en discuter à l’occasion de la commission d’enquête. À mon sens, c’est un problème de prévision : je crois que vous avez tous les deux raison là-dessus. Je maintiens ce que j’ai dit au président de la commission tout à l’heure : je crois profondément qu’abaisser les taux d’imposition, notamment celui de l’impôt sur les sociétés auquel les amendements suivants font référence, élargit l’assiette et fait naître de l’investissement.
Mon interprétation, qui est toute personnelle, est la suivante : c’est bien l’élasticité des recettes, liée au rebond post-crise et à ses effets dans les années suivantes, qui a entraîné une divergence par rapport à la prévision initiale. Encore une fois, dans les années 2021 à 2024, le quantum des recettes n’était pas si éloigné de la prévision globale consolidée ! Mais des difficultés s’observaient déjà. Les premières années, en 2021 et 2022 – vous vous en souvenez –, les recettes ont été supérieures à ce qui était attendu ;…
Mme Marie-Christine Dalloz
Oui !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
…au contraire, en 2023 et 2024, elles ont été inférieures aux prévisions. Le problème, c’est que les budgets de ces deux dernières années ont été construits à partir des recettes estimées, plus élevées que les recettes réelles, ce qui a contribué à creuser le déficit. Voilà où nous en sommes !
Ma première réponse, à titre personnel, c’est donc qu’il s’agit d’un problème de courbe, à la suite d’une crise qu’aucun pays et aucun prévisionniste ne pouvaient prévoir. Au lendemain d’une crise aussi exceptionnelle que celle du covid, suscitant l’arrêt total de l’activité d’un pays, le rebond a été tout aussi exceptionnel, dépassant lui aussi les prévisions.
Ensuite, je veux rappeler qu’avec Antoine Armand, ministre de l’économie, nous avons décidé de créer un comité scientifique composé d’économistes de différents laboratoires, à Bercy, pour travailler d’abord sur la première année de moindres recettes, 2023, afin de mieux comprendre l’origine du différentiel. Nous le ferons ensuite s’agissant de 2024, pour continuer à mieux comprendre l’existence de telles différences.
Enfin, en tant que ministre des comptes publics, je ne laisserai pas prospérer la petite musique selon laquelle les fonctionnaires de Bercy auraient fait preuve de manque de professionnalisme et d’incompétence. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et DR.)
Mme Véronique Louwagie
Très bien !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je tiens vraiment à insister sur ce point, parce que notre pays compte des agents publics de très haut niveau,…
Mme Sandrine Runel
Alors arrêtez de les maltraiter !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
…que nombre de pays voisins nous envient. Je vous ai donné mon opinion personnelle sur les causes des écarts de prévision, qui restent à affiner. Je le dis avec toute la prudence qui convient à ce stade : ceux-ci ne résultent certainement pas d’un manque de professionnalisme ou je ne sais quel amateurisme des fonctionnaires d’État, qui accomplissent en fait un travail remarquable. (Mêmes mouvements.) Demande de retrait.
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Charles de Courson, rapporteur général
Votre amendement no 61, monsieur Lefèvre, concerne l’IS : c’est là que l’écart est le plus important, puisque la perte de recettes s’élève à 14,3 milliards, c’est-à-dire une différence de 20 % entre les prévisions et l’exécution. Je rappelle les chiffres : en 2023, la croissance des recettes de l’IS avait été estimée à 14 % ; en réalité, elle n’a été que de 1 %. Et en 2024, alors qu’une hausse de 4 % était prévue, c’est une baisse de 1,9 % qui a eu lieu ! Sur ces deux années, au lieu d’augmenter de près de 20 % comme le prévoyait le gouvernement, les recettes ont donc baissé d’environ 1 % – ce qui équivaut, comme je l’ai dit, à une différence de 20 % entre les prévisions et l’exécution.
Mme Marie-Christine Dalloz
On ne va peut-être pas y passer la nuit !
M. Charles de Courson, rapporteur général
Le problème est le suivant : était-il raisonnable d’anticiper de telles hausses des bénéfices des entreprises ? La commission d’enquête nous éclairera. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Mme la présidente
Je suis saisie de plusieurs demandes de scrutin public : sur l’amendement n° 25, par le groupe UDR ; sur l’article 3 et l’état A, par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine ; sur la première partie du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024, par le groupe Ensemble pour la République.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Plusieurs orateurs ont demandé la parole sur les amendements nos 6 et 60. Je vais la leur donner, mais, sur les amendements suivants, nous nous limiterons à un orateur pour et à un orateur contre – j’invite les orateurs d’un même groupe à se concerter avant de lever la main ; sinon, je donnerai la parole au premier qui l’aura sollicitée.
La parole est à M. Matthias Renault.
M. Matthias Renault
Nos discussions sont plutôt intéressantes, d’autant qu’elles préfigurent celles que nous aurons dans le cadre de la future commission d’enquête…
M. Erwan Balanant
Alors attendons d’y être !
M. Matthias Renault
…et la manière dont chacun aborde cette dernière. À ce stade, trois écoles semblent se dessiner. Selon la première, celle que représente la gauche, le différentiel entre prévision et exécution, qui a été observé en 2023 et en 2024 et sur lequel tout le monde s’interroge, s’explique par un manque de recettes, dû aux cadeaux fiscaux qui ont été consentis.
Selon la deuxième école, la nôtre, le ministre de l’économie – ou le président de la République, ou les deux – a eu connaissance du dérapage, à un moment donné, mais n’en a rien dit.
Et puis il y a une troisième école, celle de députés du groupe EPR – nous ne sommes pas dupes de leur tentative –, selon laquelle il y aurait un problème de thermomètre, un problème technique rencontré par le logiciel de prévision macroéconomique de la direction générale du Trésor (DGT), qui s’appelle Opale. La commission d’enquête devrait alors ausculter ce logiciel en insistant sur le caractère technique du problème, ce qui conduirait à actualiser le modèle après avoir auditionné les différents fonctionnaires concernés – une sorte de pis-aller, somme toute.
À l’évidence, nos discussions préfigurent les différents points de vue qui s’exprimeront au sein de la commission d’enquête. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Daniel Labaronne.
M. Daniel Labaronne
C’est un débat intéressant, c’est vrai ; pour ma part, je penche davantage pour un problème de prévision de nos recettes. Une étude de la DGT, l’étude Trésor-Éco no 348 d’août 2024,…
M. Emeric Salmon
Out à l’anglaise ou le mois d’août ?
M. Daniel Labaronne
…intitulée « Prévoir la croissance française à court terme en période exceptionnelle », explique de manière remarquable les difficultés à évaluer la croissance économique, et donc les recettes induites, dans une période dont le caractère exceptionnel tient à la fois à la sortie du covid et à la crise énergétique. Ce qu’expliquent les économistes du Trésor dans cette note, que je vous invite à lire et qui sera sans doute l’objet de nos débats dans le cadre de la future commission d’enquête, c’est que les prévisions ont longtemps été fondées sur un modèle de demande, alors que les perturbations dues aux crises sanitaire et énergétique ont entraîné une transformation des contraintes, qui, de contraintes d’offre, se sont muées en contraintes de demande. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
Je vous cite la note du Trésor, que j’ai sous les yeux !
M. Emmanuel Maurel
On l’a lue, c’est bon !
Mme la présidente
Allez-y, monsieur Labaronne.
M. Daniel Labaronne
Le temps que nous avons mis pour changer de modèle a entraîné un retard dans la prise en compte des contraintes d’offre, qui auraient dû être davantage intégrées pour anticiper l’évolution de la croissance. Un tel retard est de nature à expliquer les erreurs de prévision économique, notamment en matière de recettes budgétaires. C’est une note que je trouve tout à fait intéressante et dont nous débattrons…
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Vous nous la transmettrez !
M. Daniel Labaronne
…– oui, je vous la transmettrai, monsieur le président, et il faudra sans doute interroger les responsables du Trésor –,…
M. Erwan Balanant
Nous en débattrons à ce moment-là !
M. Daniel Labaronne
…car le problème qui nous occupe y est central. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Véronique Louwagie.
Mme Véronique Louwagie
Puisque nous débattons des écarts entre les prévisions et les chiffres effectifs, je voudrais revenir sur un point que vous avez évoqué, monsieur le ministre, quand vous avez indiqué avoir découvert, il y a quelques jours, que les dépenses de l’Ondam, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, présentaient un dépassement de 800 millions d’euros.
Je reviens là sur un sujet antérieur, mais je pensais que le gouvernement déposerait un amendement pour corriger l’article liminaire en fonction de cette découverte. Je n’ai pas pu prendre la parole lorsque nous avons examiné cet article, mais je m’étonne que vous ne l’ayez pas fait. Peut-être ai-je mal compris ou y a-t-il une difficulté dont je n’ai pas connaissance ; pouvez-vous nous éclairer ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je l’ai dit lors de l’examen de l’article liminaire et aussi lors de la discussion générale, mais je le répète bien volontiers : le dépassement constaté n’entraînant pas un passage à la décimale supérieure, il ne modifie pas le solde et ne nécessite donc pas de réécrire l’article liminaire du PLFG pour 2024. La modification qui a été faite pour 2025 est due à une autre raison que j’ai expliquée. J’en profite pour le répéter : si l’Ondam a été dépassé de 1,2 milliard d’euros au total, l’activation de la clause de sauvegarde à hauteur de 400 millions d’euros permet finalement de contenir le dépassement à 800 millions. Pour 2024, le solde s’en trouve inchangé.
(L’amendement no 6 n’est pas adopté.)
(L’amendement no 60 est retiré.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements, nos 61 et 7, pouvant être soumis à une discussion commune.
L’amendement no 61 de M. Mathieu Lefèvre a été défendu précédemment.
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l’amendement no 7.
M. Charles Sitzenstuhl
Il a trait à l’impôt sur les sociétés et le défendre me permettra de répondre aux arguments répétés par la gauche et le président de la commission, que je conteste formellement. Certes, l’écart de plus de 14 milliards d’euros entre les prévisions et l’exécution doit nous interpeller, même si des réponses ont été apportées. En revanche, je ne partage pas le discours du Nouveau Front populaire selon lequel c’est la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés, politique que nous avons menée de 2017 à 2024 avec Emmanuel Macron et Bruno Le Maire,…
M. Yannick Monnet
Un travail remarquable !
M. Charles Sitzenstuhl
…qui explique l’écart constaté. C’est un raisonnement que ne soutiennent pas les chiffres. Je l’ai déjà dit à plusieurs reprises, mais je le répète : en 2017, le montant des recettes fiscales nettes – l’ensemble de la collecte – s’élevait à 450 milliards ; en 2019, juste avant la crise sanitaire, il atteignait 464 milliards. Les collectes d’impôts avaient donc augmenté. En 2023, ce montant s’élevait à 543 milliards ! Il y a donc eu une baisse des taux, monsieur le président de la commission, mais une hausse des recettes.
M. Erwan Balanant
Il a raison, cette fois !
M. Charles Sitzenstuhl
Pour ce qui est de l’impôt sur les sociétés, le montant net de ses recettes était de 40 milliards en 2017 et de 55 milliards en 2019 ; en 2021, il atteignait 64 milliards. L’impôt sur les sociétés a donc continué à croître. Certes, une légère baisse a été observée sur le dernier exercice budgétaire, mais sur le temps long de la politique de l’offre que nous avons menée de 2017 à 2024 en baissant le niveau de l’IS, le montant de la collecte a continué d’augmenter.
La raison de l’écart observé n’est donc pas l’échec de la politique de l’offre que vous essayez de nous vendre : cette politique a fonctionné ! La raison est ailleurs.
Mme la présidente
Avant d’entendre l’avis de la commission, la parole est à M. le président de la commission des finances, puisqu’il a été interpellé.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Le problème de votre logique, monsieur Sitzenstuhl, est le suivant : quand le rendement d’un impôt augmente, vous dites que c’est parce que vous avez baissé les seuils, parce que moins d’impôts produisent plus d’impôt. Mais quand votre méthode ne fonctionne plus, vous dites que la raison est ailleurs : c’est la conjoncture ! Vous voyez bien qu’il y a un problème dans votre raisonnement.
Si votre logique est la bonne, elle doit fonctionner à chaque fois, y compris à des degrés divers ; si elle ne fonctionne pas toujours, c’est qu’il y a autre chose, et je vais vous dire ce qu’il y a : quand vous baissez les seuils lors d’une année exceptionnelle de rebond post-covid – après avoir atteint le fond de la piscine, on rebondit soudainement pour gagner en une année plusieurs points de croissance –, l’impôt rapporte évidemment plus que l’année précédente, parce que l’excédent d’activité produit de l’impôt ; mais si vous n’aviez pas baissé les seuils à ce point, les recettes fiscales auraient été encore supérieures !
Depuis le rebond post-covid, l’activité a reflué et les décisions que vous avez prises, c’est-à-dire les baisses de recettes, en particulier au profit des plus riches et des grandes entreprises, se voient comme le nez au milieu de la figure. Vous ne pouvez pas dire que, quand ça marche, c’est grâce à votre politique, et que, quand ça ne marche plus, c’est à cause de la conjoncture ! Un tel raisonnement est intenable : il faut choisir. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe SOC.)
M. Sylvain Maillard
Nous ne sommes pas du tout d’accord avec ce qui vient d’être dit !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
J’ai déjà répondu à ce sujet. L’enjeu n’est évidemment pas d’ajouter ou de retrancher 1 euro, mais de susciter un débat sur les prévisions de recettes. Nous aurons tout le temps d’en discuter au cours des travaux d’enquête de la commission des finances, qui débuteront dans deux semaines.
M. Sylvain Maillard
Il a raison !
M. Charles de Courson, rapporteur général
Je demande le retrait des amendements, sans quoi mon avis sera défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-René Cazeneuve.
M. Jean-René Cazeneuve
Le raisonnement du président de la commission des finances n’est pas juste. Le rendement de l’impôt sur les sociétés a effectivement baissé en 2024, mais nous n’en avions pas changé le taux, ni en 2023 ni en 2024. Si le rendement a diminué, ce n’est donc pas en raison d’une modification du taux.
M. Sitzenstuhl a raison : sur le temps long, nous avons baissé le taux de l’impôt sur les sociétés, et son rendement a augmenté. Sur le temps court, depuis deux ans, le rendement a certes diminué, mais la raison de cette baisse est à rechercher plutôt du côté de la conjoncture. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – Mme Véronique Louwagie applaudit également.)
(L’amendement no 61 est retiré.)
(L’amendement no 7 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 23 et 62.
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l’amendement no 23.
M. Charles Sitzenstuhl
Il porte sur la TVA, troisième impôt après l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés, pour lequel on a constaté en 2024 un écart majeur entre recettes collectées et recettes prévues. (Exclamations sur les bancs du groupe SOC.)
M. Philippe Brun
Retirez-le !
M. Charles Sitzenstuhl
Non, si j’ai pris la peine de déposer des amendements, c’est pour les défendre et les maintenir !
M. Daniel Labaronne
Oui, cessez de donner des leçons !
Mme la présidente
Poursuivez, monsieur Sitzentstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
Nous devrions tous nous alarmer de l’écart majeur entre la collecte de TVA et sa prévision. Manifestement, certains comportements de consommation n’ont pas été anticipés. Au cours de l’année écoulée, il s’est passé des choses dans la façon de consommer de nos concitoyens,…
M. Emeric Salmon
La baisse du pouvoir d’achat, peut-être ?
M. Charles Sitzenstuhl
…qui ont conduit à cet écart avec la prévision. Peut-être le gouvernement a-t-il des éléments de réponse à ce sujet ?
Mme la présidente
L’amendement no 62 a été défendu précédemment par M. Lefèvre.
Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
La commission a repoussé ces deux amendements.
S’agissant de la TVA, l’explication est beaucoup plus simple que pour l’impôt sur le revenu ou l’impôt sur les sociétés, pour lesquels des facteurs bien plus complexes entrent en ligne de compte.
La TVA rapporte 205 à 210 milliards d’euros. L’écart par rapport à la prévision est de l’ordre de 5 milliards, autrement dit de 2 % environ. Il est dû à une surestimation de l’inflation et, surtout, à une surestimation de la consommation. L’hypothèse était que les taux d’épargne, très élevés, allaient baisser. Or ce n’est pas ce qui s’est passé. Tout cela paraît assez clair ; attendons néanmoins les conclusions de l’enquête de la commission des finances.
Je demande aux auteurs des amendements de les retirer, étant entendu que je suis prêt à leur offrir le montant de 1 euro qui en est l’enjeu ! (Sourires.)
M. Erwan Balanant
Sur votre AFM ou sur vos deniers personnels ?
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
À l’instar du rapporteur général, je demande le retrait des amendements. Le débat sur la TVA est d’une autre nature : il n’y a pas eu de modification de taux, et il est plus facile de suivre l’évolution de l’assiette de la TVA que celle de l’impôt sur les sociétés ou celle de l’impôt sur le revenu, qui dépendent respectivement de divers comportements d’investissement ou de revenus.
Mme la présidente
La parole est à M. Daniel Labaronne.
M. Daniel Labaronne
Sur la forme, je revendique notre droit à défendre nos amendements, quand bien même il s’agit d’amendements à 1 euro ! Pour votre part, vous estimez légitime de défendre vos amendements, qu’ils visent à déplacer des virgules ou que ce soient des amendements à 1 milliard ! Les députés ont le droit de défendre leurs amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
M. Sylvain Maillard
Il a raison !
Mme Sandrine Runel
Il n’y a personne de votre groupe pour les voter !
Mme Dieynaba Diop
Adressez-vous à vos collègues qui ne sont pas dans l’hémicycle !
M. Daniel Labaronne
Sur le fond, depuis 2019, l’épargne des Français a augmenté de 85 milliards, ce qui représente 3 % du PIB. C’est le contexte, notamment la crise du covid-19 et la crise énergétique, qui a amené nos compatriotes à adopter de tels comportements de protection. Or 85 milliards épargnés au lieu d’être consommés, avec un taux de TVA à 20 %, cela fait 17 milliards en moins sur les recettes de TVA.
L’enjeu est de redonner confiance à nos compatriotes pour qu’ils réinjectent leur épargne dans le circuit de la consommation finale. Je ne crois pas que l’on y parvienne par le matraquage fiscal : nos compatriotes conserveront leur épargne pour payer les taxes que vous créez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – Exclamations sur les bancs du groupe SOC.)
(L’amendement no 23 n’est pas adopté.)
(L’amendement no 62 est retiré.)
Mme la présidente
La parole est à M. Matthias Renault, pour soutenir l’amendement no 25.
M. Matthias Renault
Le compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État (CAS PFE) retrace les activités de l’État actionnaire : les cessions de titres de participation de l’État y sont portées en recettes, les prises de participation de l’État le sont en dépenses, l’ensemble devant s’équilibrer. Or nous constatons chaque année un versement de plusieurs milliards d’euros du budget général de l’État vers le CAS PFE, ce qui a amené la Cour des comptes à regretter une « perte de substance » du CAS. Nous ne connaissons pas la finalité de ces subventions d’un montant très élevé : à quelles prises de participation de l’État correspondent-elles ?
On nous oppose qu’une transparence accrue perturberait le marché, l’État n’ayant pas intérêt à annoncer à l’avance ses prises de participation. Doit-on en déduire qu’il n’y a que des prises de participation surprises ? Cela relèverait d’une conception un peu particulière de l’État actionnaire ! Il y a en outre l’idée que les décisions de l’État actionnaire seraient un sujet trop sérieux pour le Parlement, qui pourrait éventuellement réclamer des prises de participation dans telle ou telle entreprise.
Il s’agit d’un amendement d’appel : nous aimerions connaître les raisons d’un tel manque de transparence sur les mouvements du CAS PFE.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
J’ai moi-même demandé des explications au gouvernement à propos de la réduction – de 2 milliards, tout de même – de la subvention du budget général de l’État au CAS PFE. Il m’a été indiqué que, compte tenu des dépenses prévisionnelles du CAS – qui revêtent souvent, vous le savez, un caractère peu ou prou confidentiel jusqu’à leur réalisation –, aucun versement du programme 367 Financement des opérations patrimoniales en 2024 sur le CAS PFE ne serait nécessaire d’ici au 31 décembre prochain.
C’est une fois de plus un amendement à 1 euro, mais vous soulevez un problème de principe : l’insuffisante information du Parlement sur les opérations financées par le CAS PFE, du moins jusqu’à leur réalisation. Il conviendrait, selon moi, non pas de tout mettre sur la place publique – il paraît que cela troublerait les marchés ; il y a d’ailleurs un exemple récent en ce sens : lorsque l’État a rendu publique son intention de racheter 15 % du capital d’EDF, le prix de l’action est passé de 8 à 12 euros, et l’opération a coûté 2 ou 3 milliards supplémentaires –, mais d’informer les parlementaires, notamment le rapporteur spécial compétent.
Quelque chose me dit que cela ne changera pas de sitôt, mais l’examen de cet amendement nous donne une occasion supplémentaire d’élever une protestation de principe. Monsieur le ministre, nous attendons vos explications avec impatience. J’espère que vous ne nous direz pas, comme tous vos prédécesseurs, que ces choses-là sont trop sérieuses pour que le Parlement en soit informé ! C’est ce que j’entends depuis trente et un an que je suis député. (M. Aurélien Saintoul applaudit.)
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Monsieur le rapporteur général, j’espère que vous me connaissez suffisamment pour ne pas penser ce que vous venez de dire…
Monsieur Renault, il existe une documentation budgétaire très sérieuse à ce sujet : le projet et le rapport annuels de performances (PAP et RAP) portant sur le programme 367, ainsi que le jaune intitulé « rapport relatif à l’État actionnaire ». Un rapporteur spécial de la commission des finances traite la question. Les activités de l’État actionnaire peuvent donc faire l’objet d’un véritable travail de contrôle, d’évaluation et d’autorisation budgétaire.
Je suppose que la question sous-jacente est la suivante : le Parlement doit-il être décisionnaire pour chaque prise de participation ou cession de titres de l’État ? En l’espèce, l’enjeu est moins de faire preuve de sérieux budgétaire que de tenir compte des lois du marché. Ce que vous appelez « prises de participation surprises », c’est en réalité la capacité pour l’État de se proposer comme actionnaire en faisant une offre à un prix de marché donné à un instant T.
Nous avons déjà débattu de ces questions, notamment lors de l’examen de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (loi Pacte), qui prévoyait des privatisations, mais aussi à l’occasion de telle ou telle prise de participation ou retrait de l’État. En la matière, les choses sont faites comme elles doivent l’être. Néanmoins, je vous rejoins sur un point : vous avez raison de souligner l’importance du rôle du Parlement dans le contrôle et l’évaluation du CAS PFE.
Je considère qu’il s’agit d’un amendement d’appel et vous demande de le retirer. Bien évidemment, il importe que le Parlement soit dûment informé des investissements de l’État dans le capital des entreprises, qu’il en débatte et qu’il donne son avis sur la pertinence du rôle de l’État au sein de l’actionnariat des entreprises concernées. Toutefois, vous comprenez bien que les prises de participation en tant que telles ne peuvent être soumises chaque fois à la délibération du Parlement, compte tenu des réalités de marché.
Mme la présidente
Maintenez-vous l’amendement, monsieur Renault ?
M. Matthias Renault
Oui, madame la présidente.
M. Philippe Brun
Vous maintenez un amendement à 1 euro !
Mme la présidente
Quel est dès lors l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Puisque l’amendement est maintenu, l’avis est défavorable.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 25.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 151
Nombre de suffrages exprimés 149
Majorité absolue 75
Pour l’adoption 54
Contre 95
(L’amendement no 25 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’article 3 et l’état A.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 203
Nombre de suffrages exprimés 201
Majorité absolue 101
Pour l’adoption 53
Contre 148
(L’article 3 et l’état A ne sont pas adoptés.)
(Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je me dois de préciser à la représentation nationale que le rejet de l’article 3 est susceptible de poser un problème de droit au regard de la loi organique relative aux lois de finances : si la première partie du présent projet de loi de finances de fin de gestion est adoptée, l’ensemble du texte risque d’être inconstitutionnel.
M. Yannick Monnet
Et donc ?
Vote sur l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024
Mme la présidente
Je mets aux voix l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 204
Nombre de suffrages exprimés 199
Majorité absolue 100
Pour l’adoption 53
Contre 146
(L’ensemble de la première partie du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024 n’est pas adopté.)
(Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)
Mme la présidente
Aux termes de l’article 42 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, la seconde partie du projet de loi de finances de fin de gestion ne peut être mise en discussion qu’après l’adoption de la première. En conséquence, l’ensemble du projet de loi est considéré comme rejeté. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-deux heures quinze, est reprise à vingt-deux heures vingt-cinq.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
2. Réforme du financement de l’audiovisuel public
Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’une proposition de loi organique adoptée par le Sénat
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi organique portant réforme du financement de l’audiovisuel public (nos 482, 556).
Présentation
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de la culture.
Mme Rachida Dati, ministre de la culture
Nous nous retrouvons pour débattre d’une proposition de loi organique attendue avec une vive impatience par toutes les entreprises de l’audiovisuel public. Ce texte vise à pérenniser le mode de financement spécifique dont ces entreprises bénéficient, cœur et condition de leur indépendance : il ne peut exister de médias publics indépendants sans financement indépendant. Cette réforme nécessite la révision de la loi organique relative aux lois des finances (Lolf). Dans la vie parlementaire française, toucher à une loi organique constitue toujours un moment important. Ma présence aujourd’hui à l’Assemblée nationale, la semaine dernière en commission spéciale, quelques jours plus tôt au Sénat, en témoigne.
Aujourd’hui, une seule question doit nous occuper : voulons-nous sécuriser et pérenniser le financement de notre audiovisuel public ? Le mode de financement actuel ne peut être préservé à droit constant au-delà de 2024. Il est donc urgent de modifier la Lolf afin de sanctuariser le financement de l’audiovisuel public. C’est la raison pour laquelle le gouvernement, prenant ses responsabilités, a inscrit cette proposition de loi organique à l’agenda de l’Assemblée sur le temps gouvernemental. Cela n’était pas une chose aisée – je l’ai rappelé en commission spéciale : nous avons fait du chemin pour arriver là où nous sommes aujourd’hui !
Sur ce sujet, ma conviction est ancienne. Comme j’ai eu l’occasion de le dire avant même mon arrivée au ministère de la culture en janvier dernier : nous devons protéger et renforcer l’audiovisuel public, ce qui passe par la sanctuarisation de son financement. Le règlement européen sur la liberté des médias, qui prévoit que les médias de service public doivent disposer « de ressources financières suffisantes, durables et prévisibles », nous y invite. Pourtant, si ces ressources constituent une condition de l’indépendance éditoriale de notre audiovisuel public, cette indépendance s’oppose à ce que nos médias publics dépendent du budget de l’État.
La version de la proposition de loi organique dont nous héritons du Sénat répond à cette exigence. Je tiens à remercier le travail effectué par les sénateurs Cédric Vial et Jean-Raymond Hugonet et par les auteurs de la proposition de loi organique, notamment les sénateurs Catherine Morin-Desailly, Laurent Lafon et Roger Karoutchi. Je n’oublie pas les anciens députés Quentin Bataillon et Jean-Jacques Gaultier, ainsi que Mme la députée Constance Le Grip, qui se sont eux aussi largement saisis de la question. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. Sylvain Maillard
Excellent !
Mme Rachida Dati, ministre
La rédaction du texte adopté par le Sénat est le fruit d’arbitrages au sein du gouvernement et d’un travail collectif. En pérennisant le mode de financement actuel, c’est-à-dire l’affectation d’un montant de TVA, formulé en euros, la proposition de loi organique apporte indépendance et prévisibilité. Cette solution présente deux avantages et, tout d’abord, celui de la continuité, sans entraîner la création d’un nouveau prélèvement sur recettes, qui n’était pas souhaitée. Avec ce choix, nous disposons d’un mode de financement connu, qui a déjà passé l’étape du Conseil constitutionnel, en 2022. Second avantage : l’affectation d’une part de TVA exprimée non pas en pourcentage, mais en valeur, signifie que, dès le vote de la loi de finances, les entreprises audiovisuelles publiques connaîtront le montant en euros de la dotation qui leur sera versée pour l’année. Elles seront ainsi protégées des aléas de la conjoncture économique et d’un écart toujours possible entre les prévisions et le rendement effectif de l’impôt.
Je sais que la question de la régulation budgétaire en cours d’année a suscité de nombreuses inquiétudes de votre part, notamment en commission. J’y ai répondu et je le répète : les dotations des entreprises de l’audiovisuel public seront à l’abri des mesures de régulation budgétaire décidées par le gouvernement.
M. Hervé Berville
Très bien !
Mme Rachida Dati, ministre
Certains d’entre vous ont craint que celui-ci puisse ralentir le versement des dotations. Ce ne sera pas le cas. Comme le prévoient les dispositions législatives relatives au compte de concours financier de l’audiovisuel public, les versements se feront par douzièmes. À la fin de l’année, le montant voté correspondra au montant versé.
Vous le savez, cette proposition de loi organique a franchi une deuxième étape la semaine dernière puisqu’elle a été adoptée sans modification par la commission spéciale. Je tiens à remercier très vivement son rapporteur Denis Masséglia…
M. Sylvain Maillard
Très bien !
Mme Rachida Dati, ministre
…et sa présidente Sophie Taillé-Pollian. Bien que vos approches diffèrent, vous avez su prendre vos responsabilités en plaçant la sécurisation du financement de l’audiovisuel public au-dessus de tout.
J’ai entendu ici et là certains me reprocher d’avoir exercé une forme de chantage sur la réforme de l’audiovisuel public. Chacun connaît l’ambition du gouvernement pour la réforme de la gouvernance de l’audiovisuel public. La sanctuarisation du financement ne suffira pas. L’audiovisuel public doit aussi se réformer et faire évoluer sa gouvernance. Il doit rapprocher ses réseaux de proximité pour assurer une couverture plus complète de la vie des territoires, enrichir l’offre d’information et mener les investissements massifs de la transition numérique. Sur ces chantiers prioritaires, plutôt que de disperser les forces, nous devons les regrouper et les rassembler.
L’enjeu du vote d’aujourd’hui est clair : seule une adoption conforme permettra de pérenniser le financement de l’audiovisuel public. C’est ce vote que toutes – je dis bien toutes – les entreprises de l’audiovisuel public vous ont demandé lorsque vous les avez auditionnées. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. Denis Masséglia, rapporteur de la commission spéciale.
M. Denis Masséglia, rapporteur de la commission spéciale
France Télévisions, Radio France, Arte France, France Médias Monde, TV5 Monde, l’Institut national de l’audiovisuel (INA) : notre audiovisuel public se trouve aujourd’hui dans une situation éminemment critique. Rembobinons. En 2022, nous avons fait le choix de supprimer la redevance audiovisuelle, une décision prise d’abord pour protéger le pouvoir d’achat des Français. Car 138 euros dans l’Hexagone ou 88 euros en outre-mer, ce n’est pas négligeable dans le budget d’un ménage.
La suppression de la redevance audiovisuelle est également liée à l’évolution des usages. Une étude de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (l’Arcom), parue il y a quelques jours, indique que le smartphone est aujourd’hui l’écran le plus répandu au sein des foyers et que les ménages les plus équipés en téléviseurs – donc redevables de la contribution à l’audiovisuel public (CAP) – sont constitués le plus souvent de personnes plus âgées, habitant en petite ou moyenne agglomération, et appartenant aux catégories socioprofessionnelles les moins élevées. Par conséquent, la redevance avait tendance à cibler les foyers les moins favorisés et allait, à terme, ne plus suffire pour financer convenablement l’audiovisuel public.
À l’époque, afin de pallier la suppression de la CAP, nous avons opté pour un nouveau mode de financement : l’affectation d’une fraction du produit de la TVA. Or, à droit organique constant, cette solution ne peut être étendue au-delà du 1er janvier 2025. Par conséquent, sans réforme de la Lolf d’ici là, l’audiovisuel public sera financé par crédits budgétaires à partir de l’année prochaine. Cette budgétisation est, à raison, une source de grande inquiétude pour les organismes de l’audiovisuel public.
Tout d’abord, celui-ci se retrouve à tout moment à la merci d’un décret de virement, de report ou d’annulation des crédits puisque les possibilités de régulation infra-annuelle sont renforcées. Ensuite, le risque de voir ses moyens réduits augmente, comme on l’observe dans d’autres pays qui ont procédé ainsi. D’autre part, la budgétisation nuit à la crédibilité des organismes de service public en favorisant leur assimilation à des médias d’État. Cette crainte concerne tout particulièrement les médias présents à l’étranger, qui contribuent au rayonnement international de notre pays, comme France Médias Monde – leur réputation et leur capacité de diffusion pourraient en souffrir. Enfin, ce type de gestion accroît les risques d’atteinte à l’indépendance éditoriale. Or, à l’heure de la désinformation, il est indispensable de garantir l’accès à une information fiable et à des opinions plurielles.
Pour remédier à cette situation, plusieurs initiatives parlementaires ont été engagées. Je pense au travail de nos collègues Bruno Studer, Quentin Bataillon, Jean-Jacques Gaultier et, plus récemment, Constance Le Grip. Tous ont déposé, sur ce sujet, des propositions de loi organique. Celles-ci n’ont cependant pu aboutir, notamment en raison de la dissolution, alors même que le temps presse.
Aujourd’hui, alors que nous sommes saisis d’une proposition de loi organique adoptée par le Sénat le 23 octobre dernier, nous voilà engagés dans une course contre la montre. Ce que prévoit le texte est simple : modifier la Lolf afin de pérenniser la possibilité de financer l’audiovisuel public par « un montant déterminé d’une imposition de toute nature », comme c’est le cas actuellement avec une fraction de la TVA. Au vu du calendrier que nous imposent les circonstances, nous n’avons en réalité pas le choix : il nous faut impérativement adopter cette proposition de loi organique sans modification. Ce constat est unanimement partagé par les organismes de l’audiovisuel public – syndicats compris –, que nous avons tous auditionnés et qui nous ont expressément demandé d’adopter sans plus tarder le texte du Sénat.
La temporalité contrainte à laquelle nous sommes soumis est la suivante : afin d’assurer la sécurité juridique de l’opération que nous souhaitons ici réaliser, il est impératif que la loi organique soit adoptée par le Parlement, contrôlée par le Conseil constitutionnel et promulguée avant la fin de la première lecture du projet de loi de finances (PLF) au Sénat, afin de permettre aux sénateurs de mettre en cohérence le projet de loi de finances avec la loi organique. Si nous ne respectons pas ce calendrier, de lourdes incertitudes juridiques pèsent sur la possibilité de réaliser cette mise en cohérence. Au vu de la sensibilité du sujet, nous ne pouvons pas prendre un tel risque.
Nous pouvons le regretter, mais c’est un fait : le temps nous est compté. Si nous voulons que l’audiovisuel public échappe à un financement par budgétisation, nous devons adopter le texte sans modification, par pragmatisme ou par conviction.
Pour ma part, au-delà du contexte que nous venons d’évoquer, je considère que le texte répond de manière satisfaisante aux enjeux de financement de l’audiovisuel public. Son premier intérêt – le plus évident – est qu’il permet d’échapper à la budgétisation de l’audiovisuel public.
Le deuxième est qu’il ne ferme aucune porte. Tout d’abord, il ne définit pas l’imposition de toute nature qui sera affectée à l’audiovisuel public. Il s’agira certainement de la TVA, mais cela pourrait aussi être l’impôt sur le revenu, l’impôt sur les sociétés ou une autre imposition de toute nature. Plus encore – et j’insiste sur ce point –, la proposition de loi organique n’interdit pas de financer l’audiovisuel public par une nouvelle redevance. Nos auditions l’ont confirmé : la mise en place d’une CAP rénovée est compatible avec la proposition de loi organique.
Le troisième intérêt de ce texte est qu’il nous conduit à renoncer au choix d’un prélèvement sur recettes en faveur d’Arte France. À première vue, une telle solution était tentante pour le financement de cette chaîne eu égard à son statut particulier. Toutefois, il est apparu qu’elle pouvait se heurter à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui limite les bénéfices des prélèvement sur recettes aux organismes extérieurs de l’État – ce que n’est pas Arte France. Comme c’est le cas depuis trois ans, la chaîne bénéficierait donc demain du même mode de financement que France Télévisions, Radio France, l’INA, France Médias Monde et TV5 Monde.
Pour ces différentes raisons, le texte du Sénat est satisfaisant et répond tout à fait au contexte d’urgence dans lequel l’audiovisuel public se trouve aujourd’hui. Je réitère donc mon souhait d’une adoption conforme de cette proposition de loi organique. Le Sénat a montré la voie en l’adoptant à la quasi-unanimité, par 339 voix sur les 340 suffrages exprimés. Force est de constater que notre commission n’a malheureusement pas suivi cet exemple. Le Rassemblement national a préféré s’abstenir, souhaitant depuis toujours la privatisation de l’audiovisuel public, sans en avoir mesuré les conséquences sur tout le secteur.
M. François Cormier-Bouligeon
Honte à eux ! Vous avez raison, monsieur Masséglia !
M. Denis Masséglia, rapporteur
La France insoumise n’a pas hésité à voter contre, faisant fi de la demande expresse et unanime du secteur et des salariés qu’elle prétend protéger. J’espère vivement que cet hémicycle saura prendre toute la mesure de l’urgence à laquelle nous sommes contraints, et votera ce texte conforme, par pragmatisme ou par conviction, au service d’une information publique de qualité.
Je remercie, pour conclure, les administrateurs, ainsi que mon équipe, qui nous ont accompagnés dans l’examen du texte, tant pour la qualité de leur travail que pour leur capacité à le mener avec une grande réactivité. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la présidente de la commission spéciale.
Mme Sophie Taillé-Polian, présidente de la commission spéciale
Je ne reviendrai pas sur les détails techniques de la réforme, présentés par le rapporteur, que je remercie. Jusqu’en 2022 et en dépit de certains défauts qui n’étaient pas du tout indépassables, les entités de l’audiovisuel public disposaient, avec la CAP, d’une ressource stable, sûre, en relation avec leurs missions de service public, et qui garantissait leur indépendance, dès lors que cette contribution leur était directement affectée. En résumé : un régime parfaitement adapté.
Or nous voilà réunis, dans des délais particulièrement contraints, pour examiner la proposition de loi organique portant réforme du financement de l’audiovisuel public pour – le croirez-vous ? – définir un régime assurant aux entités de l’audiovisuel public une ressource stable, sûre et garantissant leur indépendance. Je vous laisse apprécier l’ironie de la situation, la perte de temps et les effets dévastateurs pour les entreprises et leurs salariés. Nous n’en serions pas là si le président de la République n’avait pas décidé, seul, dans la précipitation, sans concertation, de supprimer la CAP.
M. Denis Masséglia, rapporteur
Il a été élu sur son programme !
Mme Sophie Taillé-Polian, présidente de la commission spéciale
Il s’agissait supposément de redonner du pouvoir d’achat aux Français. Il est vrai que cette question était alors – elle l’est malheureusement toujours – au cœur de leurs préoccupations. Si le gouvernement avait vraiment voulu redonner du pouvoir d’achat à nos concitoyens, il aurait augmenté les salaires et opéré un blocage des prix des produits de première nécessité, comme nous le réclamions alors.
M. Alexis Corbière
Exactement !
Mme Sophie Taillé-Polian, présidente de la commission spéciale
Nous n’en serions pas là si le gouvernement avait prêté une plus grande attention aux avis exprimés avec force par les entreprises elles-mêmes ou par le Conseil constitutionnel, qui ont dénoncé la dangerosité de la suppression de la CAP et le caractère temporaire de la solution qu’on a bricolée pour la remplacer.
Nous n’en serions pas là si, depuis 2022, le gouvernement avait écouté certains parlementaires – cités par mon collègue – qui avaient déposé des propositions de loi permettant de remédier à la situation dans des délais satisfaisants. Au lieu de cela, en avril dernier, il a choisi d’utiliser le temps parlementaire disponible pour tenter d’imposer la fusion de l’audiovisuel public, présentant l’adoption de cette désastreuse réforme de la gouvernance comme condition pour s’engager à résoudre le problème de financement qu’il avait lui-même créé.
M. Hervé Berville
C’est caricatural !
Mme Fatiha Keloua Hachi
Ça s’appelle du chantage !
Mme Sophie Taillé-Polian, présidente de la commission spéciale
Nous n’en serions pas là si le président de la République n’avait pas décidé, seul, dans la précipitation, sans concertation, de dissoudre l’Assemblée nationale, retardant le processus législatif susceptible d’aboutir à une réforme pérenne et adaptée. (Exclamations sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)
Nous n’en serions pas là… Mais nous y sommes ! Nous devons donc à présent remédier, dans l’urgence, à l’inconséquence et aux insuffisances de l’exécutif. Il s’agit, d’une part, d’écarter la perspective de budgétisation des ressources de l’audiovisuel public et, d’autre part, de trouver une solution de financement durable, qui respecte les critères rappelés par le Conseil constitutionnel s’agissant de son indispensable indépendance.
Notre audiovisuel public est un grand service public. Son utilité n’est pas à démontrer et je salue ici toutes les personnes qui y travaillent. Il est encore plus indispensable aujourd’hui alors que prolifèrent les fausses informations, que la concurrence des grandes plateformes numériques se fait plus pressante, que le développement de l’intelligence artificielle bouleverse le paysage audiovisuel et que la concentration des médias privés nuit dangereusement au pluralisme.
M. Alexis Corbière
C’est vrai !
Mme Sophie Taillé-Polian, présidente de la commission spéciale
Le dispositif proposé va-t-il dans le mauvais sens ? Présente-t-il un seul inconvénient ? Non, je ne le crois pas. Il n’empêchera pas le Nouveau Front populaire d’instaurer une redevance rénovée, progressive, juste et équitable. (Exclamations sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. Sylvain Maillard
Bon courage !
Mme Sophie Taillé-Polian, présidente de la commission spéciale
Nous aurons aussi le champ libre, à l’avenir, pour améliorer le dispositif en nous inspirant de l’exemple allemand, en confiant à un organisme indépendant le soin de déterminer de manière objective et sur une base pluriannuelle les besoins de financement de l’audiovisuel public, comme je le propose dans un amendement.
Nous aurons également le champ libre pour voter une loi de programmation pour l’audiovisuel public afin de mieux sécuriser ses financements et ses missions,…
M. Hervé Berville
Quelle audace !
Mme Sophie Taillé-Polian, présidente de la commission spéciale
…comme je l’ai proposé dans le rapport d’information sur les projets de contrats d’objectifs et de moyens que j’ai cosigné avec Céline Calvez.
Le texte proposé n’interdit rien pour l’avenir mais permet d’écarter le risque principal que représenterait la budgétisation du financement de l’audiovisuel public : des coupes budgétaires en cours d’année, dont un gouvernement malveillant pourrait user comme d’un couperet en cas d’impertinence à son égard. Il ne s’agit pas là d’un sujet mineur mais d’une question fondamentale : le pouvoir a-t-il ou non les moyens d’intervenir directement sur la ligne éditoriale des radios ou télés publiques ?
Mme Sophie Taillé-Polian, présidente de la commission spéciale
L’audiovisuel public est fort. En témoignent ses succès d’audience et la qualité de ses programmes. C’est parce que je tiens à lui que j’invite notre assemblée à adopter cette proposition de loi organique sans modification.
Je le fais en dénonçant le sous-financement chronique qu’il subit et qui le menace structurellement. Mais je le fais lucidement, guidée par l’impératif démocratique que constitue l’indépendance de l’audiovisuel public. Cet impératif doit l’emporter sur toute autre considération. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe Dem.)
Motion de rejet préalable
Mme la présidente
J’ai reçu de Mme Mathilde Panot et des membres du groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.
M. Erwan Balanant
Pour changer !
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Saintoul.
M. Aurélien Saintoul
L’audiovisuel public joue un rôle irremplaçable dans la vie démocratique. S’en prendre à l’audiovisuel public, c’est s’en prendre à la démocratie. Pas étonnant dans ces conditions que les deux familles hostiles à la démocratie dans la vie politique française s’attaquent à lui.
Les premiers le font de façon frontale. Ils rêvent d’une société recouverte de cinquante nuances de brun,…
M. Hervé de Lépinau
Comme c’est drôle !
M. Aurélien Saintoul
…ils siègent à l’extrême droite et ont toujours eu la liberté de la presse en horreur : ils n’aiment que la propagande. Habilement, ils essaient de le faire oublier par la revendication d’un droit à la fake news et au racisme, en prenant pour prétexte la liberté d’expression. In fine, ils veulent la disparition de l’audiovisuel public et ils le disent.
Les autres adversaires de la démocratie sont moins directs, moins effrayants. Ils rêvent de cinquante nuances de bleu.
M. Hervé de Lépinau
Et vous de rouge !
M. Aurélien Saintoul
Selon eux, l’inégalité entre les hommes n’est pas intrinsèque : elle est consacrée par les lois du marché, auquel ils sont bien décidés à laisser toute la place. À leurs yeux, un service public est avant tout une gêne, s’en débarrasser un rêve – inavouable certes, mais cela ne les empêche pas de chercher des occasions de le réaliser. Leurs pareils y sont parvenus en Grèce à la faveur de la crise financière.
Parfois, ces deux familles échangent des signes de connivence, voire de soutien. Emmanuel Macron fait savoir qu’il a honte de l’audiovisuel public ; les lepénistes, alors, rosissent de plaisir. Le moment venu, ils sauront se retenir d’aller trop loin : ils empêcheront sa destitution et permettront à Michel Barnier de former un gouvernement constitué des vaincus aux élections législatives.
M. Hervé Berville
Quel rapport ? Concentrez-vous sur l’audiovisuel public !
M. Aurélien Saintoul
Parfois, il arrive même que les deux familles se rejoignent. Tout ce petit monde communie ainsi dans la même révérence à l’égard de Vincent Bolloré ou d’Elon Musk, comme l’a récemment montré M. Kasbarian dans un numéro d’« à-plat-ventrisme » un peu dégradant. (M. René Pilato applaudit.)
M. François Cormier-Bouligeon
Quand nous parlerez-vous du financement du Média de Mme Chikirou ?
M. Aurélien Saintoul
Il faut avoir tout cela à l’esprit pour comprendre ce qu’est cette proposition de loi organique portant réforme du financement de l’audiovisuel public. Ce n’est pas un petit texte technique, mais un élément de la stratégie des macronistes pour saper ce même audiovisuel public !
C’est pourquoi rien de ce qu’ils ont pu dire ou diront sur le sujet ne doit être cru. Les protestations de sympathie, les larmes de crocodile versées sur le risque de budgétisation sont autant de faux-semblants qui visent à nous faire oublier cette stratégie et à forcer la main de ceux qui veulent réellement protéger ce service public.
Car ces derniers existent et – je veux le croire – pas seulement à gauche. Ils savent bien que disposer d’un audiovisuel public fort constitue l’un des moyens les plus efficaces de ne pas laisser le marché dicter sa loi, faite de conformisme, de vulgarité à bon marché, parfois même de désinformation.
Ils savent aussi que c’est un moyen parmi les plus efficaces de conserver l’indépendance d’esprit et, si j’ose dire, l’indépendance d’imagination que résume en France l’expression d’« exception culturelle ». Livrer un point de vue français sur le monde, faire fructifier les ressources créatives qu’abrite notre pays fait partie des missions du service public de l’audiovisuel. Sa simple existence constitue pour les groupes privés une incitation à ne pas y renoncer au nom de la rentabilité.
Puisque cette conviction est assez largement partagée, Emmanuel Macron et ses ministres n’ont pas souhaité mener frontalement la bataille. Ils ont choisi de saper les fondements de l’audiovisuel public et de faire diversion. C’est ainsi qu’en août 2022, la ministre de la culture de l’époque, débarquée par la suite pour cause de lèse-majesté bolloréenne, avait obtenu de supprimer la contribution à l’audiovisuel public, plus communément connue sous l’appellation de « redevance télé ».
Alors nous étions nombreux sur ces bancs à tirer la sonnette d’alarme. Nous savions qu’il faudrait, d’une façon ou d’une autre, continuer à financer la télévision et la radio publiques et que la suppression de la redevance plaçait Radio France et France Télévisions dans une situation d’incertitude. Mais on nous rétorquait, comme le rapporteur le fait aujourd’hui, que supprimer cette redevance, c’était donner du pouvoir d’achat aux ménages.
Mme Stéphanie Rist
Ce n’est pas mal d’améliorer le pouvoir d’achat !
M. Aurélien Saintoul
Cette manière de présenter les choses est flatteuse, mais peu crédible. Il suffit d’observer combien de fois le pouvoir d’achat des ménages a été mis à contribution au cours de ces sept années de macronisme : quand il s’agit de faire payer des factures d’électricité en hausse, de dérembourser des médicaments, de mettre à contribution les chômeurs, d’appauvrir les retraités ou de geler le point d’indice des fonctionnaires, vous ne vous préoccupez plus guère du pouvoir d’achat des ménages !
Quant à l’idée – au demeurant exacte – selon laquelle la redevance était un impôt injuste, il faut dire que vous avez choisi de compenser sa perte en utilisant une partie des recettes du plus injuste des impôts : la TVA, qui pèse beaucoup plus lourd sur le budget des ménages modestes que sur celui des grandes fortunes.
En réalité, en supprimant la redevance, vous ne visiez que deux buts : vider un peu plus les caisses de l’État – c’est la stratégie qui a conduit au désastre budgétaire que plus personne n’ignore désormais – et conférer au gouvernement un moyen de pression pour faire accepter le deuxième volet de sa stratégie hostile à l’audiovisuel public.
M. Hervé Berville
Mais non !
M. Aurélien Saintoul
Ce deuxième volet, c’est ce qu’en termes technocratiques on appelle la réforme de la gouvernance, c’est-à-dire la fusion de France Télévisions et de Radio France. C’est un serpent de mer, et tous les observateurs savent que c’est une mauvaise idée, qui repose sur une mauvaise compréhension des métiers des deux entreprises. Pour le dire grossièrement, ce n’est pas parce que les uns et les autres utilisent des micros qu’ils font le même travail. Mais, allez savoir pourquoi, cette fusion fait néanmoins partie de votre feuille de route, madame la ministre.
Ce projet a pourtant été éreinté par la plupart des anciens ministres de la culture interrogés sur ce sujet par notre collègue Constance Le Grip au printemps dernier. Auditionnés dans le cadre de la commission d’enquête sur l’attribution, le contenu et le contrôle des autorisations de services de télévision à caractère national sur la télévision numérique terrestre, dont j’avais l’honneur d’être le rapporteur,…
M. Hervé Berville
Quel honneur !
M. Aurélien Saintoul
…Roselyne Bachelot, Fleur Pellerin, Renaud Donnedieu de Vabres et Jacques Toubon avaient dit tout le mal qu’ils pensaient de cette idée. Ce ne sont pourtant pas des bolcheviques !
Avec autant d’humour que de fermeté, Roselyne Bachelot avait averti : « Je suis une vieille bête de la vie politique ; depuis le temps qu’on nous vend des fusions comme devant conduire à des économies et à un meilleur fonctionnement, et qu’on ne voit que des dérives des coûts de gestion des holdings, on ne me la fait plus ! On en parlait sur l’intercommunalité, sur la fusion des régions… On en parle maintenant pour l’audiovisuel public. On achètera un superbe immeuble, qu’on peuplera avec un président, qui aura une voiture de fonction, des directeurs et des directrices, qui se soucieront de la diversité et de l’égalité entre les hommes et les femmes, des collaborateurs… Et pour cela, on mettra à feu et à sang les sociétés de l’audiovisuel public. Si quelqu’un avait cette mauvaise idée » – elle s’adresse donc à vous, madame la ministre – « et si Mme Abdul Malak et moi-même pouvions l’en décourager, je n’y verrais que des avantages ! »
De fait, Rima Abdul Malak elle-même avait admis : « Après avoir poursuivi ces réflexions et organisé une grande concertation sur la gouvernance et les missions de l’audiovisuel public, j’en suis arrivée à la même conclusion : tout ne peut pas toujours être rapproché. » Alors pourquoi s’obstiner, si ce n’est pour fragiliser cet audiovisuel public que vous prétendez défendre ?
J’ajoute que les travaux de la commission spéciale sur cette proposition de loi organique ont clairement établi qu’il n’existe aucun lien organique, aucun lien nécessaire entre réforme du financement et réforme de la gouvernance. Pourquoi dire le contraire ? Il se trouve que, comme je l’ai dit, ce lien existe bel et bien : en supprimant il y a deux ans la redevance et en réformant le financement de l’audiovisuel public, on faisait pression sur les directions et les salariés de Radio France et France Télévisions pour leur faire accepter cette fusion dont personne ne voulait et dont personne ne veut. (M. Pierre-Yves Cadalen applaudit.)
Lorsqu’au mois d’août 2022, la redevance a été supprimée, il est apparu que le financement de l’audiovisuel public au moyen de l’affectation d’une partie des recettes de la TVA n’était pas conforme à la Lolf, qui encadre l’élaboration et l’adoption du budget de l’État.
Par conséquent, si la Lolf n’est pas modifiée, il faudra trouver un autre moyen de financer l’audiovisuel public. Selon les macronistes, il n’en existe qu’un seul, que l’on appelle la budgétisation, c’est-à-dire l’inscription directe au budget de l’État des sommes allouées à l’audiovisuel public.
Or cette façon de faire est totalement inacceptable : elle reviendrait à transformer ces entreprises de service public en véritables médias d’État, organiquement placés sous la dépendance de l’exécutif. De ce fait, parmi d’autres conséquences indésirables, nombre des chaînes de radio et de télévision de ces entreprises ne pourraient plus être diffusées à l’étranger et les journalistes qui travaillent pour elles pourraient être mis en danger par leur nouveau statut. C’est la raison pour laquelle tous les membres de cette assemblée s’accordent à considérer cette budgétisation comme un mal.
M. Hervé Berville
C’est long !
M. Aurélien Saintoul
À cela s’ajoute qu’une date butoir nous est assignée. Comme l’a indiqué le rapporteur, la budgétisation serait automatique si la Lolf n’était pas modifiée avant le 31 décembre prochain. C’est au nom de l’urgence de cette situation que le gouvernement nous demande de valider aujourd’hui la décision qu’il a prise seul il y a deux ans, alors même que depuis lors, les macronistes et Les Républicains ont perdu à deux reprises des élections nationales.
M. Philippe Gosselin
Vous ne les avez pas gagnées, cher collègue !
M. Aurélien Saintoul
Pour notre part, nous signalons qu’il existe une solution alternative à la budgétisation et à la modification de la Lolf : la création d’une redevance, universelle et progressive, juste et efficace. (Mme Constance Le Grip s’exclame.) Tout le monde la paierait en fonction de sa capacité à le faire, tout simplement parce que tout le monde a intérêt à vivre dans une société qui bénéficie de l’existence d’un audiovisuel public. (M. Pierre-Yves Cadalen applaudit.)
M. François Cormier-Bouligeon
Il faut conclure !
M. Aurélien Saintoul
Encore une fois, j’entends les arguments de ceux qui refusent cette idée parce qu’ils ne veulent pas faire payer les Français. Cependant, il est tout à fait possible de compenser la création de cette nouvelle redevance dans la loi de finances. C’est une simple question de priorité et de transparence. On entend si souvent dire par les macronistes que la gratuité fait perdre de vue la valeur des choses…
M. Sylvain Maillard
C’est vrai !
M. Aurélien Saintoul
…qu’il paraît assez clair que l’affectation d’une partie des recettes de la TVA au financement de la télévision et de la radio publiques aurait le même effet sur leur public.
M. Sylvain Maillard
Cela n’a rien à voir !
M. Aurélien Saintoul
À ceux enfin qui affirment que l’État ne dispose pas du temps nécessaire pour créer cette nouvelle redevance, nous disons que, face à l’impasse dans laquelle les macronistes nous ont mis, le plus simple est encore de faire marche arrière. Il est possible de rétablir pour cette année uniquement l’ancienne redevance, charge au gouvernement en exercice l’an prochain de la rendre plus juste, c’est-à-dire progressive.
Pourquoi l’exécutif ne s’est-il pas soucié plus tôt du problème ? Pourquoi n’a-t-il pas soumis un projet de loi modifiant la Lolf au lieu d’attendre deux ans et de laisser le soin aux sénateurs de présenter au dernier moment cette proposition de loi organique ? Tout simplement parce que la fusion de Radio France et de France Télévisions devait initialement être extorquée au début de l’été et qu’ensuite seulement, l’exécutif prévoyait de conférer à l’audiovisuel public une vision un peu plus précise de son avenir, en piètre compensation du mauvais coup qu’il lui aurait asséné auparavant. (M. Erwan Balanant feint de bâiller.)
Ce chantage au financement n’a pas eu lieu à cause de la dissolution. Alors l’exécutif tente de conserver la main de deux façons. D’abord, il fait pression pour que cette proposition de loi organique soit votée dans sa version non amendée. À nos collègues qui plaidaient pour que les crédits alloués à l’audiovisuel public soient versés en une fois, en début d’exercice, afin d’éviter que le gouvernement ne puisse à l’avenir les raboter au cours de l’année ou les utiliser pour exercer un chantage, le gouvernement a adressé une fin de non-recevoir. Pourtant, il aurait été facile de faire adopter de tels amendements dès la première lecture au Sénat ou même en seconde lecture.
Surtout, le gouvernement s’est abstenu de répondre à la seule question qui vaille : si la Lolf n’était pas modifiée, accepterait-il de rétablir transitoirement l’ancienne redevance afin d’éviter la budgétisation ? Cette motion de rejet a pour but d’obtenir cette réponse, mais les Insoumis ne se leurrent pas.
M. Hervé Berville
Le texte est nul, mettez-y du cœur, au moins !
M. Aurélien Saintoul
L’exécutif ne la donnera pas, ou seulement par une pirouette. Vos intentions à l’égard de l’audiovisuel public sont manifestement trop hostiles, sans quoi vous auriez, en deux ans, trouvé des solutions pour sécuriser son financement. Le gouvernement pouvait déposer un projet de loi par lui-même ; il pouvait renoncer à modifier la Lolf et créer une redevance télé vertueuse ; il pouvait également discuter avec la gauche et renoncer à la fusion de Radio France et de France Télévisions, en échange de la modification de la Lolf.
M. Hervé Berville
Vous auriez pu faire un discours moins long et indigeste !
M. Aurélien Saintoul
Il n’a rien fait de tout cela. Il n’a eu de cesse de tordre le bras des députés, des salariés et des dirigeants de l’audiovisuel public. Que chacun se le tienne pour dit ! Nous vivons aujourd’hui la première bataille d’un conflit de plus grande ampleur, qui connaîtra son moment décisif lorsque vous reviendrez devant nous, madame la ministre, pour défendre la fusion, si toutefois la justice vous en laisse le temps.
Pour notre part, nous ne jouons pas l’avenir de l’audiovisuel public à la roulette, et nous donnons rendez-vous à celles et ceux qui s’opposeront à cette fusion dont le coût financier sera absurde,…
M. Hervé Berville
On a compris !
M. Aurélien Saintoul
…le coût humain catastrophique et le coût démocratique exorbitant. Ils pourront compter sur nous le moment venu. Pour l’heure, nous ne croyons pas que le gouvernement ferait le nécessaire pour éviter la budgétisation si la modification de la Lolf était rejetée ; nous prenons donc nos responsabilités et retirons la motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations sur divers bancs.)
M. Hervé de Lépinau
Ridicule !
M. François Cormier-Bouligeon
Le meilleur moment, c’était la fin !
Discussion générale
Mme la présidente
Il est pris acte du retrait de la motion de rejet préalable.
La parole est à M. Erwan Balanant, premier orateur inscrit dans la discussion générale.
M. Erwan Balanant
Dès l’examen du texte en commission, le groupe Les Démocrates a exprimé le souhait que le texte soit adopté le plus rapidement possible afin d’assurer à l’audiovisuel public un financement pérenne et indépendant. Il est plus que temps de mettre un terme à cet entre-deux délicat, cela d’autant plus que le temps nous est compté. Nous désirons donc qu’un texte conforme à celui du Sénat soit voté par l’Assemblée dès ce soir. Gage de cette volonté, nous avons, une nouvelle fois, décidé de ne déposer aucun amendement.
Tout comme ils ont pu le faire en commission la semaine dernière, certains de nos collègues vont profiter de la séance publique pour orienter le débat sur la gouvernance de l’audiovisuel public. Il est évident que nous pourrions en discuter, mais ce n’est pas le sujet. Croyez bien qu’en aucun cas le groupe Les Démocrates ne tente de se dérober : je crois pouvoir dire que nous sommes très clairs sur cette question mais, je le répète, ce n’est pas le sujet.
Concentrons-nous plutôt sur la réforme du financement de l’audiovisuel public et assumons nos responsabilités en votant cette proposition de loi organique.
Si nous comprenons la réticence de certains à adopter le texte dans le délai qui nous est imposé, nous estimons toutefois que le financement retenu est le bon. En effet, la loi de finances rectificative pour 2022 a supprimé la contribution à l’audiovisuel public. C’est alors dans l’urgence qu’a été mis en place un financement par l’affectation d’une fraction de TVA.
Il est vrai que plusieurs solutions s’offrent à nous : d’abord le retour à la contribution à l’audiovisuel public, un dispositif supprimé pour redonner du pouvoir d’achat aux Français, mais aussi parce qu’il ne correspondait plus aux usages de consommation de l’audiovisuel public ;…
M. Éric Martineau
Voilà !
M. Erwan Balanant
…ensuite l’affectation d’une fraction de TVA, un moyen permettant la pérennisation du dispositif qui nous est proposé tout en bénéficiant d’une large adhésion.
Le groupe Les Démocrates est convaincu qu’il est désormais temps de maintenir et d’institutionnaliser pour les années à venir le mécanisme d’affectation d’une fraction d’impôt d’État.
M. Éric Martineau
Eh oui !
M. Erwan Balanant
Il y a deux raisons à cela. Premièrement, sans solution pérenne apportée au 1er janvier 2025, ce régime transitoire pour les années 2022 à 2024 donnera lieu à une budgétisation du financement de l’audiovisuel public. (Bruit de conversations.) Or une telle budgétisation modifierait la relation entre le gouvernement et les organismes de l’audiovisuel public. Le gouvernement aurait en effet le pouvoir d’intervenir sur les montants affectés en cours d’année, comme c’est d’ailleurs le cas pour n’importe quelle autre politique publique. Plus encore, cela aurait un impact significatif sur la renommée et la réputation de nos médias, qui seraient alors vus comme des médias d’État par d’autres pays. Je pense tout particulièrement à France Médias Monde, qui fait un travail remarquable à l’échelle de la planète en vingt et une langues, et qui risquerait alors de perdre son autorisation d’émettre dans certains de ces pays. Nous ne pouvons prendre le risque de glisser sur ce terrain.
Deuxièmement, par plusieurs décisions, le Conseil constitutionnel a rappelé que l’indépendance du service public devait être protégée. Il considère ainsi que le législateur ne peut modifier le financement des entités de l’audiovisuel public qu’à la condition de leur accorder des recettes suffisantes grâce auxquelles elles sont « à même d’exercer les missions de service public qui leur sont confiées ».
M. Éric Martineau
Eh oui !
M. Erwan Balanant
Il a par ailleurs noté, dès sa décision sur la loi de 2009 relative à la communication audiovisuelle, que le législateur pouvait librement fixer la forme que prenait le financement de l’audiovisuel public. Les textes européens protègent eux aussi l’indépendance, y compris financière, des services publics audiovisuels, sur le fondement de la liberté d’expression. Le nouveau règlement européen sur la liberté des médias prévoit ainsi que « les fournisseurs de médias de service public disposent de ressources financières suffisantes, durables et prévisibles correspondant à l’accomplissement de leur mission ».
Mes chers collègues, votons pour un financement indépendant et viable de l’audiovisuel public. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. Éric Martineau
Bravo ! Excellent !
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Lenormand.
M. Stéphane Lenormand
Nous sommes à un pas de sanctuariser le mécanisme de financement de l’audiovisuel public – France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, TV5 Monde, Arte et l’INA. L’enjeu est de taille : une meilleure visibilité sur les ressources qui seront affectées aux médias concernés et plus de garanties d’indépendance – cette dernière n’a pas de prix.
Néanmoins, notre collègue Estelle Youssouffa l’a rappelé en commission, la situation de l’audiovisuel public reste très inquiétante ; il demeure affaibli par la suppression de la redevance et par des menaces de budgétisation ou, pire, de privatisation. Mais cette situation est la conséquence de mauvaises décisions et d’absence d’anticipation des derniers gouvernements.
M. Paul Molac
Eh oui !
M. Stéphane Lenormand
Alors que, depuis un certain temps, les ressources stagnaient, le gouvernement a décidé de supprimer la contribution à l’audiovisuel public, cela sans aucune solution de remplacement, sans aucune mesure d’urgence ni solution pérenne. Or nous savions tous que l’affection de TVA ne serait que temporaire du fait de l’adoption quelques mois auparavant d’une réforme de la Lolf.
Nous sommes tous conscients que nous ne pouvons pas laisser nos médias sans solution. Du retard a été pris et nous sommes contraints de légiférer dans l’urgence avec un seul objectif – qui semble faire consensus –, celui d’éviter une budgétisation qui nuirait à l’indépendance de l’audiovisuel public. Au-delà du symbole, pour certains groupes comme France Médias Monde ou Arte, l’hypothèse de la budgétisation reviendrait en effet à une remise en cause même de leur existence. La fréquence de Radio France internationale (RFI) à Berlin pourrait ainsi être coupée car assimilée à un média d’État et le traité franco-allemand d’Arte serait remis en question. C’est par conséquent toute la crédibilité de l’audiovisuel public extérieur qui est en jeu.
Comme l’a souligné notre collègue en commission, le financement par une part de TVA n’est pas satisfaisant. Nous l’utilisons de plus en plus pour compenser la suppression d’autres impositions, au point que la TVA finance de moins en moins le budget de l’État. Les Français la jugent injuste car acquittée uniformément, sans prise en compte de leur situation, et pénalisant les plus modestes. Aussi ne la jugent-ils pas plus équitable que l’ancienne redevance.
Le mode de financement retenu n’est qu’un moindre mal : il laisse entiers plusieurs problèmes, parmi lesquels deux sont essentiels : celui du niveau de ressources et celui de leur stabilité. Et c’est bien le cœur du problème pour un audiovisuel public en grande souffrance. Nous sommes encore loin de ce que le règlement européen sur la liberté des médias promet, à savoir « un financement déterminé et alloué, de préférence, sur une base pluriannuelle ».
Pire encore : avec l’introduction de crédits de transformation, le gouvernement opère déjà une régulation infra-annuelle qui nuit à la stabilité et aux projets d’investissement des sociétés. Pour 2024, les annulations de crédits sont de 50 millions d’euros.
Par ailleurs, concernant le niveau de ressources, notre groupe vous met en garde contre une trajectoire financière qui ne respecte pas les contrats d’objectifs et de moyens (COM) pour la période 2024-2028. Les sociétés d’audiovisuel public ont tiré la sonnette d’alarme sur leur capacité à remplir leurs missions de service public.
Si notre groupe entend assumer ses responsabilités en soutenant le texte dans sa version sénatoriale, c’est uniquement pour répondre aux inquiétudes et éviter la budgétisation. Mais son adoption ne doit pas être considérée comme la fin du débat : le travail doit se poursuivre pour trouver un financement juste, suffisant, garantissant l’indépendance et la stabilité des ressources de l’audiovisuel public. D’ailleurs, l’adoption du texte ne remettra pas en cause la création d’une nouvelle contribution.
Plus largement, notre groupe alerte le gouvernement sur la manière dont il traite l’audiovisuel public et les médias depuis 2020, par des revirements permanents et une approche uniquement budgétaire, ce qui crée une incertitude constante, de l’instabilité pour les sociétés et de l’inquiétude pour leurs salariés. Il est par conséquent primordial d’avoir une vraie garantie pluriannuelle et des dispositions empêchant de manipuler les sommes annuellement, ce qui éviterait des interventions constantes pour des raisons opportunistes, politiques, électorales…
M. Paul Molac
Tout à fait !
M. Stéphane Lenormand
À l’heure où la confiance des citoyens envers les institutions et les médias est plus que fragile, où les jeunes générations modifient amplement leurs habitudes, nous devons être au rendez-vous pour éviter le scénario du pire, pour aider l’audiovisuel à remonter la pente et ainsi sauver ses valeurs : la liberté et le pluralisme dans l’intérêt général de la nation. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. – M. Éric Martineau applaudit également.)
M. Paul Molac
Très bien !
Mme la présidente
La parole est à Mme Soumya Bourouaha.
Mme Soumya Bourouaha
Le 16 août 2022, le gouvernement supprimait la contribution à l’audiovisuel public dans le cadre de la loi de finances rectificative. Créée en 1933, cette redevance rapportait environ 3,7 milliards d’euros par an. Principale source de financement des six organismes de l’audiovisuel public, soutenant la création, la fiction et l’information de service public, elle représentait une garantie essentielle pour l’indépendance et la qualité de l’audiovisuel public.
La suppression de cette taxe, promesse de campagne d’Emmanuel Macron, visait à « soutenir le pouvoir d’achat de 23 millions de foyers », en leur épargnant 138 euros par an en métropole et 88 euros dans les départements d’outre-mer. Cependant, cette mesure n’a pas réellement amélioré le pouvoir d’achat des ménages. Le financement a été remplacé par l’affectation d’une fraction de la TVA. Ainsi, ce sont encore les ménages, y compris les plus modestes, qui financent indirectement l’audiovisuel public à travers leur consommation. En effet, comme l’indique le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), « la TVA est un impôt régressif dans la mesure où son poids dans le revenu disponible des ménages décroît avec le revenu ». Cette réforme n’a donc pas conduit à une plus grande équité fiscale. Au contraire, elle a instauré un mode de financement injuste, exonérant ceux dont la part de revenu consacrée à la consommation est moindre de contribuer au financement du service public audiovisuel.
De surcroît, à cadre organique constant, la suppression de la redevance a exposé le service public audiovisuel au risque d’une budgétisation de son financement à compter du 1er janvier 2025. En effet, la loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques prévoit que les impositions de toute nature ne peuvent être affectées à un tiers autre que les collectivités territoriales, leurs établissements publics et les organismes de sécurité sociale, et que « leur affectation ne peut être maintenue que si ce tiers est doté de la personnalité morale et si ces impositions sont en lien avec les missions de service public qui lui sont confiées ».
Ainsi, nous en sommes à devoir réparer les erreurs de l’ancienne majorité parlementaire en votant à la hâte une proposition de loi organique qui vise à modifier cette loi organique afin de déroger à ce principe et d’éviter une budgétisation du financement de l’audiovisuel public qui mettrait à mal son indépendance économique ainsi que sa crédibilité au niveau international.
Le gouvernement nous oblige donc à céder à son chantage en votant en l’état un texte loin de satisfaire aux exigences de pérennité et de stabilité du financement dont l’audiovisuel public a tant besoin.
En premier lieu, le vote de ce texte ne dispensera pas l’audiovisuel public des économies budgétaires prévues par le projet de loi de finances pour 2025. Par ailleurs, l’application de cette réforme du cadre organique ne mettra pas fin à la conditionnalisation du financement à laquelle nous assistons depuis l’année 2023 avec la création du programme de transformation. Enfin, si cette réforme du cadre organique permettra effectivement de pérenniser l’affectation d’une fraction du produit de la TVA, ce mode de financement est loin de garantir stabilité et prévisibilité des recettes, puisqu’il pourra être revu annuellement dans le cadre de l’examen de loi de finances.
En somme, le gouvernement cherche à se décharger de sa propre responsabilité, alors que nous savons parfaitement qu’il aurait pu, à cadre organique constant, réinstaurer une contribution à l’audiovisuel public réformée.
M. Aurélien Saintoul
Très juste !
Mme Soumya Bourouaha
Dans un contexte médiatique marqué par la concentration des médias, la méfiance envers les journalistes, la multiplication de la désinformation et la fatigue informationnelle, il est urgent de renforcer le service public audiovisuel dans son rôle de garant de la pluralité et de la qualité de l’information, ainsi que dans son indépendance vis-à-vis du pouvoir économique et politique.
C’est pourquoi le groupe GDR est favorable à l’instauration d’une contribution à l’audiovisuel public universelle et proportionnelle. Cette nouvelle redevance serait payée par l’ensemble des personnes physiques et son montant serait proportionnel au revenu disponible, ce qui permettrait d’avoir un financement plus juste et un rendement plus dynamique.
De même, ce nouveau mode de calcul, universel, serait plus en phase avec la réalité des usages de l’audiovisuel. En effet, la télévision se regarde désormais sur tous les écrans et la possession ou non d’un téléviseur n’est plus un critère de service public.
Par esprit de responsabilité à l’égard du service public audiovisuel et de ses travailleurs, nous voterons en faveur de ce texte. Pourtant, celui-ci ne clôt pas les débats sur le financement de l’audiovisuel.
Mme la présidente
La parole est à M. Olivier Fayssat.
M. Olivier Fayssat
Fin juillet 2022, lors de la suppression de la redevance télé, les Français ont cru être enfin débarrassés du fardeau de l’audiovisuel public, qui pompe dans leur portefeuille, en grande partie pour diffuser des idéologies minoritaires.
Certains diront qu’il est essentiel au maintien de notre démocratie, mais la vérité est tout autre. La pluralité des opinions et des informations transmises sur les fréquences nationales n’est plus garantie.
De France Inter à France Télévisions, partout le même son de cloche, partout les mêmes idées répandues : d’octobre à décembre 2023, on a dénombré 50 % d’intervenants de gauche pour 10 % d’intervenants de droite.
M. Hervé de Lépinau
Eh oui !
M. Olivier Fayssat
Certains hurleront certainement : « Et CNews ? » Sauf que CNews présente l’avantage de ne pas être financée par nos impôts et a l’honnêteté intellectuelle d’inviter tous les partis,…
M. Christophe Bentz
Ça fait la différence !
M. Olivier Fayssat
…y compris ceux de gauche, qui se targuent de répondre défavorablement la majorité du temps. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
M. Hervé de Lépinau
Bravo !
M. Olivier Fayssat
Chers collègues de gauche, la différence entre vous et moi, c’est que pour ma part je n’ai pas la chance de pouvoir décliner une invitation de Yann Barthès. (Sourires sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Au-delà du manque flagrant de pluralisme des chaînes du service public, leur traitement de l’actualité, souvent grossier et parfois même mensonger, nous laisse perplexes sur ce qui nous semble être une utilisation dévoyée de l’argent public.
Quelques exemples de titres à peine orientés du groupe France Télévisions : « Trump : un fascisme à l’américaine ? »…
Mme Sophie Taillé-Polian, présidente de la commission spéciale
La question se pose pourtant !
M. Olivier Fayssat
…ou encore « La dérive autoritaire en Hongrie ».
M. Aurélien Saintoul
C’est factuel !
M. Olivier Fayssat
Autre exemple de finesse, cette fois sur Arte, une autre chaîne payée par nos impôts, qui dans son « Journal Junior », un journal télévisé d’informations à destination des préadolescents, présente son dernier épisode ainsi : « Trump et son gouvernement font peur à tous les défenseurs des droits de l’homme, car ses futurs ministres sont des extrémistes de droite. »
M. Alexis Corbière
En même temps, c’est vrai ! Selon vous, il faudrait dire l’inverse ?
M. Olivier Fayssat
Arte poursuit en décrivant de façon tout aussi pédagogique et neutre le profil du futur ministre Elon Musk : « C’est un fan de Trump, car il compte sur lui pour baisser les impôts des patrons et supprimer les normes environnementales pour que Musk puisse faire tout ce qu’il veut ».
M. Alexis Corbière
C’est vrai !
M. Aurélien Saintoul
C’est factuel !
M. Nicolas Bonnet
Qu’est-ce qui est faux ?
M. Olivier Fayssat
Voilà quelques preuves, s’il en fallait encore, de la propagande d’extrême gauche exercée sur vos enfants, dès le plus jeune âge, et payée par vos impôts.
Ces exemples nous emmènent à une question complémentaire : quid de l’Arcom ? Mais où sont passés les shérifs du pluralisme politique dans les médias ?
Peut-être l’Arcom est-elle encore occupée à censurer d’autres chaînes, comme C8, parce qu’elles commettent le crime terrible d’émettre un avis critique de la pensée unique que l’on souhaite imposer aux Français ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
M. Alexis Corbière
C’est une blague ?
M. Olivier Fayssat
Voilà encore une structure – je parle de l’Arcom – à supprimer, puisqu’elle coûte de l’argent aux Français pour décider de façon unilatérale à qui on accorde ou pas la liberté d’expression.
Oui, tout cela coûte de l’argent aux Français. Le financement de l’audiovisuel public coûte globalement 4 milliards d’euros. La suppression de la redevance télé a été compensée par un transfert d’une partie des recettes de la TVA, permettant de continuer à payer l’audiovisuel public par un moyen détourné.
M. Hervé de Lépinau
C’est exactement ça !
M. Olivier Fayssat
Cette solution pansement s’interrompant à la fin de l’année, on nous propose deux options pour continuer de financer les chaînes publiques avec l’argent des Français : poursuivre ce système de financement par la TVA ou bien ouvrir la possibilité de les financer par un autre impôt, qui pourrait être de toute nature.
La gauche se cache encore moins et propose directement et clairement le retour de l’impôt de contribution à l’audiovisuel. Quand la gauche n’arrive plus à créer de nouveaux impôts, elle remet en place le peu d’impôts qu’on avait réussi à supprimer !
M. Hervé de Lépinau
Le Politburo est dans les cordes !
M. Olivier Fayssat
En résumé, au moment où la France gagne la coupe du monde des impôts, on demande aux Français de continuer de payer de leur poche des médias publics qui soit ignorent la majorité silencieuse qui s’oppose aux délires wokistes,…
M. Alexis Corbière
C’est un éditorial de Pascal Praud !
M. Olivier Fayssat
…soit insultent la majorité de Français, qui sont de droite. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
M. Matthieu Bloch
Bravo !
M. Olivier Fayssat
Sans surprise, le groupe UDR votera contre ce texte et proposera la privatisation de ces médias publics qui ne remplissent plus leur devoir de neutralité.
M. Alexis Corbière
Vous n’êtes pas caricatural, c’est bien !
M. Olivier Fayssat
Je vous rassure, il existe une autre solution pour financer au moins en partie le service public : les ressources publicitaires, car, contrairement à celles des chaînes privées, les recettes publicitaires des chaînes publiques ne sont pas plafonnées. (« Ah ! » sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
Vulgairement, plus l’audience d’une chaîne est grande, plus celle-ci bénéficie de l’argent de la publicité – cela s’appelle le marché.
M. Benoît Biteau
Le libéralisme !
M. Olivier Fayssat
Mais pour faire de l’audience, encore faudrait-il que les chaînes du service public proposent un contenu qui intéresse vraiment les Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Ballard.
M. Alexis Corbière
On va avoir la suite de l’éditorial de Pascal Praud !
M. Philippe Ballard
Le débat sur la réforme du financement de l’audiovisuel public a le mérite de nous permettre de parler de l’avenir de l’audiovisuel français.
Il est urgent de tenir compte de la concurrence frontale que subissent les acteurs français historiques en raison de l’irruption des grandes plateformes dans notre vie. Pour la première fois, l’année dernière, l’audience du streaming est passée devant le linéaire, atteignant 53 % – et elle ne cesse de progresser.
Concernant la part de la captation de la publicité, les Gafam sont en passe d’en absorber les deux tiers.
L’investissement dans les programmes s’élève en moyenne à 1,4 milliard par an pour la production audiovisuelle de l’ensemble des acteurs français, alors que Netflix est capable de mettre 17 milliards sur la table.
Ajoutons que Netflix, lors de la fabrication de téléviseurs connectés, est capable de verser 2 milliards de dollars à un fabricant pour être référencé en premier. Quelle chaîne Française peut s’aligner ? Aucune !
M. Alexis Corbière
Netflix n’est pas une chaîne, c’est une plateforme !
M. Philippe Ballard
Évidemment, face à cela, TF1, M6 et France Télévisions sont des nains. Et même avec de l’argent public ou une redevance, France Télévisions restera un nain incapable d’affronter les plateformes.
C’est pourquoi nous devons nous projeter vers l’avenir et mettre en place au plus vite un grand plan de préservation de notre souveraineté audiovisuelle et construire des champions capables de jouer enfin dans la cour des grands.
Dans un premier temps, il faut mettre fin aux différents dispositifs anticoncentration qui remontent à 1986, c’est-à-dire au siècle dernier. Il n’y avait alors que six chaînes sur nos écrans, certains doivent s’en souvenir, et ni internet ni les plateformes de streaming n’existaient à cette époque. Les garde-fous qui étaient justifiés au XXe siècle ont perdu leur raison d’être, c’est l’évidence même.
Ces fusions, comme le dit l’Arcom dans son rapport sur la fusion TF1-M6, permettraient aux acteurs historiques du secteur de « faire évoluer leur modèle éditorial et d’accroître leurs investissements ».
Face à ces acteurs mondiaux, il faut proposer une alternative de grande ampleur. Doter la France de grands groupes audiovisuels, c’est la doter d’une protection par l’investissement pour l’exception culturelle française, à laquelle nous sommes tous attachés.
Une fois passé le temps des fusions-absorptions, rendues possibles par le changement législatif et qui s’étaleront sur plusieurs années, viendra le temps d’engager la privatisation d’une partie du service public.
Chaque année, ce sont près de 4 milliards d’euros qui sont alloués aux groupes audiovisuels publics,…
Mme Fatiha Keloua Hachi
Oui !
M. Erwan Balanant
Il faudrait nationaliser CNews !
M. Philippe Ballard
…alors que notre pays est dans une situation économique dégradée.
À ces 4 milliards s’ajoutent les recettes publicitaires : 452 millions pour France Télévisions, dont une partie est réalisée après vingt heures, ou bien 65 millions pour Radio France – pour une autorisation de 42 millions, cherchez l’erreur !
De plus, l’audiovisuel public, en adoptant des programmes dignes d’une chaîne privée, s’éloigne depuis de nombreuses années des missions qui incombent à un service public – je ne parle pas du pluralisme des idées.
À ceux qui, face à notre vision de l’audiovisuel français, crieraient à la fin du pluralisme, je réponds, en m’inspirant de Francis Balle, professeur émérite à l’université d’Assas et ancien membre du collège du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), que je préfère avoir trois ou quatre grands champions puissants plutôt qu’une multitude de canards boiteux.
Dans un souci de cohérence, compte tenu de l’état actuel du texte et puisque nous souhaitons garder l’audiovisuel extérieur et des outre-mer dans le giron public, nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Céline Calvez.
Mme Céline Calvez
À l’heure où plus de deux tiers des Français estiment l’audiovisuel public essentiel à la démocratie, il est de notre responsabilité de préserver ce pilier fondamental de notre société et de veiller à ce qu’il reste un outil libre, accessible et bien financé.
C’est avec un attachement profond à l’idée d’un audiovisuel public fort et indépendant qu’il convient de discuter de cette proposition de loi organique relative à la réforme de son financement.
Il est un pilier de notre démocratie et joue non seulement un rôle essentiel au niveau national, en offrant à nos concitoyens une information de qualité, un accès à la culture et à une diversité de perspectives, mais aussi au-delà de nos frontières, en œuvrant au rayonnement de la culture française.
Garantir un audiovisuel public fort aux ressources suffisantes n’est pas un luxe, mais une nécessité. Cela passe par un mode de financement prévisible et protégé des aléas politiques et des pressions conjoncturelles.
Depuis la suppression en 2022 de la contribution à l’audiovisuel public, l’affectation d’une part de la TVA a permis d’éviter la voie d’une budgétisation intégrale. Celle-ci est souvent perçue comme une menace pour les médias publics en favorisant leur assimilation à un média d’État, mais aussi comme un risque pour leur autorisation d’émission ou leur visibilité en ligne. Cependant, la remise en question de ce mode de financement par les exigences du droit organique nous oblige à trouver une solution alternative pour le 1er janvier 2025.
La proposition de loi organique vise à sécuriser ce financement en affectant à l’audiovisuel public un montant déterminé d’une imposition de toute nature. Ce choix, mesuré et pragmatique, doit être salué.
Si le Conseil constitutionnel estime que la budgétisation n’irait pas nécessairement à l’encontre du principe d’indépendance de l’audiovisuel public, il indique qu’un financement par une ressource affectée, plutôt que par des crédits budgétaires, permettrait incontestablement de renforcer cette indépendance, en limitant le risque d’ingérence de l’État.
La solution retenue par le texte permet de préserver les fondamentaux du financement actuel. Toutefois, cette solution ne saurait être une fin en soi. Elle constitue un socle sur lequel nous devons bâtir un modèle durable et prévisible, en phase avec les ambitions que nous portons pour l’audiovisuel public.
Un financement pérenne permet de disposer non seulement d’un montant, mais d’une visibilité. Il paraît compliqué de continuer à imposer à l’audiovisuel public des ajustements budgétaires imprévus par le biais de régulations infra-annuelles.
À ce titre, nous regrettons les coupes budgétaires subies par l’audiovisuel public en 2024, ainsi que le ralentissement des augmentations prévues pour les années à venir.
Si la diminution de crédits s’explique par la situation des finances publiques du pays et la nécessité de contribuer à l’effort collectif, elle fragilise les projections financières des entreprises de l’audiovisuel public. Il y a deux semaines, les contrats d’objectifs et de moyens de l’audiovisuel public pour 2024-2028 ont donc été rejetés par la commission des affaires culturelles et par la commission des finances.
Sur ce point, la proposition d’un versement intégral du financement annuel en début d’année, votée par les deux commissions, constituerait une garantie supplémentaire d’une prévisibilité précieuse. Cela répondrait également aux exigences de la législation européenne sur la liberté des médias, qui demande que les services publics audiovisuels soient dotés de ressources prévisibles, suffisantes et adaptées à leurs missions.
Cette prévisibilité pourrait également être renforcée par l’adoption d’une loi d’orientation et de programmation pluriannuelle pour l’audiovisuel public. Ma collègue Sophie Taillé-Polian vous en a parlé tout à l’heure : l’idée est de définir une trajectoire pluriannuelle, de mieux accompagner les sociétés dans l’évolution de leurs missions ainsi que dans la réalisation de leurs orientations stratégiques, pour répondre aux enjeux de notre temps – transition numérique, inclusion ou encore lutte contre la désinformation.
Les coopérations entre sociétés doivent être renforcées, pour maximiser l’efficacité des moyens alloués et surtout maximiser la visibilité, l’accès et l’impact des programmes pour nos concitoyens. Afin de mieux coordonner les stratégies des différentes entités, la mise en place d’une loi de programmation sera l’occasion de préciser ce que nous voulons pour la gouvernance de l’audiovisuel public.
Enfin, elle permettrait de donner au Parlement un véritable pouvoir d’élaboration et de contrôle approfondi de la définition de l’avenir de l’audiovisuel public.
Parce qu’il est urgent d’améliorer la situation, le groupe Ensemble pour la République votera la proposition de loi organique. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. Louis Boyard.
M. Louis Boyard
Que voulez-vous que je vous dise ?
M. Erwan Balanant
Rien ! (Rires sur plusieurs bancs.)
M. Laurent Croizier
Ce n’était pas la bonne entrée en matière, monsieur Boyard !
M. Louis Boyard
Vous avez supprimé la contribution à l’audiovisuel public, prétendant que vous vouliez augmenter le pouvoir d’achat des Français. Seulement, vous l’avez remplacée par la TVA : rien ne changera donc pour les ménages, qui continueront d’acquitter cet impôt.
Nous voici à voter une proposition de loi organique à la dernière minute, parce que vous avez fait n’importe quoi avec la procédure : vous étiez à deux doigts de transformer l’audiovisuel public en média d’État. Que voulez-vous que je vous dise ? Nous sommes partagés : si nous en avons marre de rattraper vos bêtises en permanence, nous ne comptons pas vous laisser tuer l’audiovisuel public ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Actuellement, neuf milliardaires possèdent à eux seuls 90 % de la presse française, tandis que Vincent Bolloré et Bernard Arnault sont en train de racheter toutes les écoles de journalistes : on vous laisse trente minutes sans surveillance et voilà que les milliardaires ont privatisé la République et la démocratie ! (Mêmes mouvements.)
Je le dis, vous avez contribué à la privatisation de la République et de la démocratie ! Quelle autre conclusion tirer dans un pays qui vit sous 49.3 permanents, où les perdants d’élections reviennent au gouvernement, où les manifestations contre un génocide sont interdites et où ceux qui prennent part à des manifestations autorisées n’ont pas la garantie de rentrer chez eux avec leurs deux yeux ou leurs deux mains ? (Mêmes mouvements.)
J’entends déjà certains m’inviter à visiter un État autoritaire, mais honte à ces imprudents ! S’ils tiennent réellement notre pays – notre République, la patrie des droits de l’homme – en haute estime, pourquoi le comparer à ce qui se fait de pire pour justifier de tirer les droits du peuple vers le bas ? Ils devraient plutôt le comparer à ce qui se fait de mieux ou même aux idéaux de la Révolution de 1789 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Emmanuel Duplessy applaudit également.)
Un honnête homme, que vous avez injustement critiqué, a déclaré un jour qu’on ne saurait « confondre le karting et la Formule 1 ». Il s’appelle Karim Benzema et vous devriez écouter ses leçons plus attentivement, vous en tireriez profit.
Je sais ce que vous me direz, la main sur le cœur : que vous avez supprimé la contribution à l’audiovisuel public pour reconstruire le lien entre les médias et le peuple.
M. Éric Martineau
Bravo !
M. Louis Boyard
Cette contribution était un impôt injuste, que chacun devait payer quel que soit son niveau de revenu. Elle sera remplacée par la TVA, c’est-à-dire par une taxe injuste, que chacun devra payer quel que soit son niveau de revenu. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
La contribution, c’était avec Gabriel Attal ; la TVA, c’est avec Michel Barnier. Vous avez bien compris, tout cela revient au même – je parle de fiscalité, pas des premiers ministres, bien que cette conclusion s’applique aussi à eux.
Vous ne voulez pas comprendre que ce qui mine le lien de confiance entre les médias et le peuple, c’est précisément l’absence du peuple dans les médias. L’économiste Julia Cagé a démontré que les ouvriers et les employés ne représentaient que 10 % à 15 % des personnes représentées dans les médias, alors qu’ils composent la moitié de la société. (Mêmes mouvements.)
En 2019, alors que 286 intervenants prenaient part aux 85 débats sur le voile organisés en une semaine, aucune femme voilée n’était invitée à prendre la parole. Dernier exemple, celui des jeunes : nous n’avons tout simplement aucun chiffre sur la représentation des jeunes dans les médias, mais doit-on s’en étonner quand on sait que personne n’écoute plus dès qu’il est question de jeunesse ? Je vous rappelle pourtant qu’une consultation menée auprès de 220 000 collégiens et lycéens a révélé que les trois quarts d’entre eux déclaraient une mauvaise santé mentale. Je suis d’ailleurs disponible pour mener avec tout député intéressé un travail à ce sujet.
M. Denis Masséglia, rapporteur
Vous n’êtes pas le porte-parole de la jeunesse !
M. Louis Boyard
Cependant, je vous comprends : il est beaucoup plus simple de défendre les intérêts des riches à la télévision tant que vous restez entre vous, les serviteurs du capital – n’y voyez pas une insulte, seulement le constat de votre idéologie. Vous avez fait une rentrée scolaire catastrophique ? Rien de plus simple, pour y remédier, qu’un débat sur l’abaya ! L’inflation empêche les Français de vivre ? Ne parlons surtout pas des superprofits ou d’une augmentation du Smic, mais bien plutôt des chômeurs et des personnes au RSA !
Un génocide en Palestine ? Quel scandale que de demander l’annulation d’un match de football ! Personne n’est dupe : en réalité, vous avez maintenu le match et offert à l’équipe de France la plus faible audience de son histoire. Le score est resté nul et la seule équipe qui a joué, c’est le onze des dégoûtants qui étaient dans la tribune présidentielle. Tous se sont pris un carton rouge de la part du peuple, mais vous connaissez la mécanique : dissolution, 49.3 et Macron destitution !
La seule redevance qui vaille est progressive. Si vos revenus ne vous permettent pas de vivre, vous en êtes exonéré. Si vous pouvez payer un peu, vous le faites et si vous pouvez payer beaucoup, vous paierez plus. Je parle là de solidarité et de justice fiscale, deux principes qui ne se négocient pas. C’est pourquoi nous ne céderons pas au chantage qui nous est fait par cette proposition de loi organique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Jusqu’à la chute de votre gouvernement, qui interviendra dans quelques semaines,…
M. Jean-François Coulomme
Eh oui !
M. Louis Boyard
…nous attendons des engagements de votre part, madame la ministre, dans un esprit de dialogue et de coconstruction. (Mêmes mouvements.)
Mme la présidente
Je vous informe que la séance sera levée à minuit, lorsque nous aurons entendu tous les orateurs inscrits. La réponse de Mme la ministre et la discussion des amendements auront donc lieu au cours de la prochaine séance.
La parole est à M. Emmanuel Grégoire.
M. Emmanuel Grégoire
Permettez-moi d’abord d’avoir une pensée pour tous les agents de l’audiovisuel public, en particulier pour les plus exposés à des risques, qu’ils soient journalistes, techniciens ou journalistes reporters d’image (JRI). En permanence sur le terrain, auprès de nos concitoyens ou en dehors de l’Hexagone, ils exercent un métier éprouvant.
Ensuite, ma pensée va vers chacun d’entre nous. Nous avons tous des anecdotes ou des souvenirs qui attestent du lien très particulier qui nous unit au service public de l’audiovisuel.
Pendant leurs longues nuits de révisions, les étudiants écoutent des émissions d’une qualité qu’on ne trouve nulle part ailleurs que sur le service public.
M. Erwan Balanant
« Nulle part ailleurs », c’était sur Canal + !
M. Emmanuel Grégoire
De jour comme de nuit, les travailleurs écoutent le service public en quête d’informations internationales, nationales ou locales – je pense à ces dernières avec une certaine affection et une certaine gourmandise. Seul le service public propose une information qui s’affranchit des lois du marché et lui seul fait ce que le marché ne fait pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Malgré les outrances que formulent ici les députés sur certains bancs et malgré les propos caricaturaux que nous avons eu la tristesse et la colère d’entendre en commission spéciale, rappelons-nous que notre service public audiovisuel est d’une immense qualité et qu’il est la condition de l’accès d’un grand nombre de territoires – outre-mer, territoires ruraux – à l’information.
J’ai passé mon adolescence en Charente-Maritime, à Saint-Fort-sur-Gironde. À l’époque, pour savoir ce qui se passait à 50 kilomètres de chez nous, il n’y avait que le service public, rien d’autre. (Mêmes mouvements.)
M. Jérémie Patrier-Leitus
Très juste !
M. Emmanuel Grégoire
Les circonstances dans lesquelles nous examinons la proposition de loi organique sont cocasses, pour ne pas dire marquées par l’amateurisme. Nous nous retrouvons dans une situation ubuesque, mais je reconnais que vous n’en êtes pas la seule responsable, madame la ministre : le président de la République et son précédent gouvernement ont supprimé la contribution,…
M. Éric Martineau
Non, c’est nous, c’est l’Assemblée nationale !
M. Emmanuel Grégoire
…sans toutefois assurer le financement durable, solide et dynamique de l’audiovisuel public. Au contraire, en lui affectant une fraction de TVA, il le finance surtout par du déficit : la redevance que vous avez fait économiser aux Français sera en définitive payée par leurs arrière-petits-enfants.
Madame la ministre, vous avez imposé une trajectoire de contraction des moyens de l’audiovisuel public à deux reprises : en début d’année 2024, dans le cadre de l’exécution budgétaire, puis encore à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024, qui prévoyait 51 millions d’euros d’économies supplémentaires.
Rien n’ayant été prévu pour l’empêcher, nous aboutissons mécaniquement à une budgétisation, c’est-à-dire à la situation la plus insécurisante qui soit, tant du point de vue de la trajectoire de financement que de celui de l’indépendance éditoriale. De surcroît, nous exposons notre système audiovisuel aux sanctions qui ont déjà frappé les médias d’État d’un certain nombre de pays : elles constituent une menace mortelle pour France Médias Monde et pour TV5 Monde.
Il est évident que vous nous appelez à votre secours dans des conditions à tout le moins baroques. Vous invitez la représentation nationale à adopter une proposition de loi organique – je salue ses initiateurs au Sénat – en adressant aux députés l’injonction impérieuse d’un vote conforme. Nous aurions pu être tentés de nous opposer à votre initiative et de vous laisser vous débrouiller, vous qui nous demandez de régler le désordre que vous avez vous-même créé !
Au Parti socialiste – et plus largement à gauche –, nous souhaitons que la réflexion sur un financement durable, dynamique et indépendant de l’audiovisuel public soit engagée sans délais. Soyez d’ailleurs assurée que nous y reviendrons. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Enfin, nous devons protéger et défendre l’audiovisuel public, écouter ce que nous ont dit ses présidents et ses salariés, et sécuriser les Français qui aiment leur service public comme ils aiment leur pays. Nous voterons donc conforme cette proposition de loi organique et rejetterons les amendements qui seront soumis à notre vote. (Mêmes mouvements.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Virginie Duby-Muller.
Mme Virginie Duby-Muller
Cette proposition de loi organique répond à une urgence, celle d’assurer un financement solide, transparent et pérenne à un service public de l’audiovisuel dont le bon fonctionnement est essentiel à la santé démocratique de notre pays.
Les défis sont nombreux. Face à la transformation de nos usages et au bouleversement du paysage médiatique, notre audiovisuel public doit être capable de s’adapter, d’innover, de répondre aux attentes des Français, tout en restant fidèle à ses missions de service public : informer, éduquer, divertir et garantir l’accès de tous à la culture.
À votre initiative, madame la ministre, des travaux ont débuté lors de la précédente législature, menés par nos anciens collègues Jean-Jacques Gaultier et Quentin Bataillon, que je salue. Dans le rapport sur l’audiovisuel public qu’ils ont remis en juin 2023, ils considéraient que la question du financement était prioritaire.
M. Jérémie Patrier-Leitus
Très bien !
Mme Virginie Duby-Muller
Je tiens également à saluer le travail de nos collègues sénateurs Cédric Vial, Catherine Morin-Desailly, Roger Karoutchi et Laurent Lafon, qui ont présenté cette proposition de loi organique à laquelle le gouvernement a appliqué la procédure accélérée.
Le 23 octobre dernier, elle a été adoptée à une quasi-unanimité par le Sénat – 339 voix sur 340 votants. Ce texte répond à une urgence démocratique et institutionnelle, celle de garantir à nos médias publics les moyens nécessaires pour exercer leurs missions dans un cadre de stabilité et de responsabilité.
Depuis la suppression de la contribution à l’audiovisuel public, en 2022, la question du financement reste en suspens. La substitution provisoire d’une fraction de TVA à la redevance a pu compenser cette suppression, mais elle n’est pas conforme à notre cadre législatif.
Sans cette proposition de loi organique, c’est tout le système audiovisuel public qui serait soumis à une budgétisation généralisée. Nos médias seraient ainsi exposés à des fluctuations annuelles et leur indépendance serait mise en péril. Cette menace d’ingérence est incompatible avec l’article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et le Conseil constitutionnel a rappelé que la liberté de la presse et des médias nécessitait des garanties financières exemptes de pressions politiques ou économiques.
La solution que propose ce texte est équilibrée, simple et respectueuse de notre cadre juridique, puisqu’elle garantit une ressource certaine, dynamique et affectée. En outre, elle sanctuarise le financement des sociétés d’audiovisuel public, par l’affectation d’une fraction du produit de la TVA, tout en répondant aux exigences de l’article 2 de la Lolf. C’est un dispositif clair, qui met à l’abri des incertitudes budgétaires et préserve l’indépendance de nos médias publics vis-à-vis de toute pression politique.
Un vote conforme de l’Assemblée nationale est essentiel pour que cette loi organique entre en vigueur dans les délais nécessaires, c’est-à-dire avant la fin de l’examen du projet de loi de finances pour 2025. Le refuser, c’est risquer de compromettre tout le système de financement de l’audiovisuel public et de plonger le secteur dans une certaine instabilité.
En commission spéciale la semaine dernière, nous avons pris nos responsabilités en adoptant ce texte, malgré les réserves émises par chacun des groupes.
Je tiens également à rappeler que cette réforme s’inscrit dans un contexte budgétaire particulièrement difficile pour notre pays. Les investissements nécessaires pour soutenir les médias publics – France Télévisions, France Médias Monde, Radio France, l’INA, Arte et TV5 Monde – doivent être rigoureusement maîtrisés. Il ne s’agit pas ici de dilapider des ressources publiques, mais de les orienter efficacement vers un service utile à la démocratie. L’audiovisuel public doit être exemplaire dans la gestion de ses moyens, tout en innovant et en s’adaptant aux mutations numériques et médiatiques. Toutefois, la question de son financement ne peut être dissociée d’une réflexion plus large sur sa gouvernance et sa stratégie globale.
Le groupe Droite républicaine soutient comme vous, madame la ministre, une réforme structurelle visant à moderniser l’organisation de nos médias publics et à renforcer leur cohérence stratégique. Nous devons repenser la place de l’audiovisuel public dans une société numérique, où les géants des plateformes captent une attention grandissante. Cela implique de promouvoir une offre culturelle et éducative ambitieuse, de renforcer l’éducation aux médias, de porter haut la voix de la France et de la francophonie à l’international, et de favoriser l’innovation au service de la création française et européenne. L’idée d’une holding unifiée, permettant de mutualiser les efforts tout en respectant l’identité propre des différentes entités, pourrait offrir une réponse adaptée à ces défis. Nous devons donc poursuivre ce débat avec méthode et ambition.
C’est sans réserve que les députés du groupe Droite républicaine voteront pour un texte issu en grande partie des travaux de leur formation politique, et qui apporte une réponse concrète, équilibrée et indispensable à un problème qu’il devenait urgent de traiter. Les dirigeants des entités concernées attendent et soutiennent ce texte. J’insiste sur la nécessité d’avoir un vote conforme sur cette proposition de loi organique et forme le vœu que le même esprit de responsabilité qui a guidé nos collègues de l’opposition au Sénat nous anime également aujourd’hui. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR. – M. le rapporteur applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Emmanuel Duplessy.
M. Emmanuel Duplessy
Le droit à l’information et la liberté de la presse sont des principes fondamentaux. Comment, en tant que citoyens, pourrions-nous forger nos opinions librement et exercer nos droits démocratiques, notamment celui de choisir nos représentants, sans une presse plurielle et libre ? Comment pourrions-nous voter de manière éclairée sans une presse disposant de moyens pour produire de l’information et de l’analyse fondées sur les faits, et non sur la seule opinion ? Comment pourrions-nous comprendre les faits sans une presse qui rende accessibles les problématiques passées, actuelles et futures, les luttes politiques et sociales, à la fois causes et conséquences des transformations du monde, la vulgarisation de la recherche scientifique et des consensus qui en émergent, tels que le rôle prépondérant des activités humaines dans le réchauffement climatique ou l’efficacité de tel traitement médical ?
Ce dont il est question, c’est aussi la production et la diffusion des arts et de la culture, qui forgent largement nos représentations du monde, notre ouverture à l’altérité, nos caractères et nos aspirations individuelles et collectives. Les médias sont souvent décrits, après les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, comme le quatrième pouvoir. Leur organisation, leur indépendance, leur pluralisme, leur contribution déterminante au débat démocratique et à l’émancipation politique, sociale et économique des individus doivent donc être l’une de nos préoccupations majeures.
Si le numérique, les réseaux sociaux et les chaînes d’information en continu ont profondément transformé l’accès aux informations, leur diffusion et leur appropriation, ils charrient aussi leur lot de désinformation et de parti pris, et peinent à faire primer les faits sur l’opinion, l’analyse sur le sensationnalisme, l’enquête et l’information sur le commentaire et le mimétisme. Quant à la presse traditionnelle, la presse écrite, elle est loin d’échapper à ces phénomènes.
Ne soyons pas dupes, chers collègues. Si les puissances d’argent de ce monde, dont la force n’a jamais été aussi grande, acquièrent à fonds perdu des médias, ce n’est pas par philanthropie, mais pour défendre leur vision du monde et leurs propres opinions, lesquelles rejoignent souvent, si ce n’est toujours, leurs intérêts économiques. Vincent Bolloré n’a-t-il pas déclaré ici même, à l’Assemblée nationale, que si un propos n’est pas conforme à ses convictions, il ne le diffuse pas ?
Près de 90 % des titres de presse sont possédés par des multimilliardaires. J’évoque ces derniers non par jalousie ou haine de la réussite, comme certains d’entre vous aiment à se le raconter, mais bien par amour de l’égalité, donc de la liberté (MM. Louis Boyard et Aurélien Saintoul applaudissent) et parce que, fidèle à l’histoire politique de la France, je sais que seul le pouvoir arrête le pouvoir et qu’un pouvoir absolu rend absolument fou. L’existence même de milliardaires, dans un monde où l’argent fait loi, pose la question non seulement des conséquences économiques de l’accumulation des richesses ou des inégalités sociales, mais aussi de la liberté et de l’équilibre des forces dans la société qui la rend possible.
Il n’y a pas que les puissances d’argent privées qui cherchent à régir l’accès à l’information et sa diffusion et à forger les opinions. Des États, particulièrement les États autoritaires et dictatoriaux, voudraient aussi contrôler ce que nous voyons, ce que nous lisons, donc ce que nous pensons. Et ils s’en donnent largement les moyens. Voilà pourquoi il est nécessaire de disposer de sociétés audiovisuelles publiques et indépendantes, disposant de financements sanctuarisés et suffisants pour ne dépendre ni de la discrétion d’un gouvernement ni des puissances étrangères ou industrielles.
Je ne peux que déplorer, avec l’ensemble du groupe Écologiste et social, les conditions de discussion et d’adoption de cette proposition de loi organique. Le gouvernement nous demande de la voter sans l’amender, afin d’éviter le risque, qu’il a lui-même créé, de la budgétisation du financement de l’audiovisuel public, donc de sa transformation en média d’État.
Nous voterons le texte conforme, dans un esprit de responsabilité, mais la question du financement reste entière. Le financement public de l’audiovisuel en France est deux fois inférieur à ce qu’il est en Allemagne ou au Royaume-Uni. Il a été fragilisé par Emmanuel Macron à de multiples reprises : en 2018, avec la désindexation de la redevance par rapport à l’inflation, ce qui l’a privé de 300 millions d’euros ; en 2022, avec la suppression de la redevance ; en 2024, sur la question de la gouvernance ; et je ne parle même pas des baisses de financement réalisées en 2024 et annoncées pour 2025. Autant vous dire que nous avons de sérieux doutes sur les intentions réelles du gouvernement, quand il dit vouloir soutenir l’audiovisuel public et renforcer son indépendance et ses moyens.
Ainsi, même si nous allons voter cette proposition de loi organique, nous appelons à ouvrir dès demain une réflexion sur le rétablissement d’une contribution à l’audiovisuel public affectée, universelle et progressive. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP et SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jérémie Patrier-Leitus.
M. Jérémie Patrier-Leitus
Il sera bientôt minuit et, au sein du groupe Horizons & indépendants, nous pensons qu’il faut non seulement voir loin, mais aussi parler moins, pour faire bien. Je serai donc bref.
Comme Emmanuel Grégoire, je veux d’abord redire notre attachement aux agents de l’audiovisuel public et les saluer parce qu’ils font un travail remarquable et que leur métier est difficile. Les journalistes de France 3 et de France Bleu font un travail remarquable dans les plus petites de nos communes rurales et nous avons besoin d’un audiovisuel public fort, qui joue le rôle de média de proximité – je note que le Rassemblement national, pourtant élu dans les territoires ruraux, ne partage pas ce point de vue.
Nos incertitudes et nos atermoiements quant au financement et à la gouvernance de l’audiovisuel public créent beaucoup d’inquiétude parmi ses agents. Il faut lui donner de la stabilité et de la visibilité, définir une vision stratégique et une gouvernance adaptée. Je sais que vous vous attacherez, madame la ministre, à nous proposer dans les semaines qui viennent un texte sur la gouvernance de l’audiovisuel public, qui lui permettra de se renforcer et de faire face aux mutations profondes du secteur des médias.
Même si nous aurions préféré ne pas légiférer dans l’urgence et avoir un peu plus de temps, nous voterons évidemment ce texte conforme, car il nous semble important d’instaurer cette part de TVA affectée. Il nous faudra sans doute mener une réflexion plus globale sur la TVA, puisque plus de 50 % de celle-ci n’arrive plus dans les caisses de l’État et sert à financer des services publics.
Nous souhaitons, madame la ministre, pouvoir discuter très rapidement de cette question de la gouvernance. Le groupe Horizons est attaché au statut de holding, à la définition d’objectifs stratégiques et à la création d’un média de proximité, né du rapprochement de France 3 et France Bleu. En attendant cette discussion, nous nous réjouissons qu’un financement pérenne et dynamique puisse être accordé aux acteurs de l’audiovisuel public. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR. – Mme Virginie Duby-Muller applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sophie Errante.
Mme Sophie Errante
Nous sommes réunis pour parler d’un enjeu crucial, le financement de l’audiovisuel public. La proposition de loi organique que nous examinons vise à garantir la survie économique de notre service public audiovisuel après la suppression de la redevance.
Au-delà de la question des finances, c’est une vision stratégique qu’il importe de définir, afin de repenser l’avenir de ce secteur dans un monde en pleine transformation technologique et sociétale. Si nous ne modifions pas rapidement la Lolf, le financement de l’audiovisuel public sera intégré au budget général de l’État, ce qui aura de lourdes conséquences, notamment à l’international. Cela nuirait à la crédibilité et à la visibilité de nos médias publics et, surtout, cela affaiblirait leur mission d’information neutre et indépendante.
Madame la ministre, j’avoue ne pas partager l’enthousiasme avec lequel vous avez défendu cette proposition de loi organique. Nous ne pouvons plus nous contenter de solutions à court terme ; il est temps de penser notre audiovisuel public sur le long terme. Nous devons donner aux acteurs concernés les moyens de s’inscrire dans des temporalités durables, ce qui implique un cadre budgétaire pluriannuel. Des investissements sont encore nécessaires, même si nous devons saluer toutes les transformations déjà réalisées ou en cours.
Les débats de ce soir montrent combien nos désaccords sont profonds, sur tous ces bancs, quant à l’avenir de l’audiovisuel public. Regardons les faits : qu’est-ce que l’exercice budgétaire annuel, sinon un empilement de demandes individuelles et de renoncements constants, sans aucune vision stratégique globale ? On se contente de discuter de la baisse ou de la hausse de la dépense publique, sans jamais se poser les vraies questions. Pourquoi dépense-t-on ? Pour qui ? Comment ? Où est l’évaluation des résultats ? Avouons-le : nous sommes loin d’un débat budgétaire de qualité.
Tous les budgets ne nécessitent pas une programmation pluriannuelle, mais pour certains secteurs fondamentaux, comme l’audiovisuel public, seul un modèle de financement pluriannuel peut nous permettre de construire une stratégie solide et durable, avec une projection à moyen et à long terme.
L’examen de ce texte est important, mais ce n’est qu’un premier pas. C’est notre devoir, en tant que législateur, de nous assurer que chaque euro alloué sera utilisé de manière efficace, transparente et alignée sur les missions de service public. Un contrôle renforcé, c’est aussi l’assurance d’une indépendance éditoriale préservée. Je forme le vœu que vous nous donniez rendez-vous très prochainement pour bâtir ensemble une vraie réforme de l’audiovisuel public, une réforme ambitieuse qui lui redonne du sens, de l’efficacité et les moyens de se défendre dans un environnement toujours plus compétitif. Ensemble, faisons le nécessaire pour que notre audiovisuel public soit à la hauteur de nos ambitions, non pas en revenant en arrière, mais en construisant une nouvelle matrice, un nouveau modèle. Soyons courageux.
Mme la présidente
La discussion générale est close.
La parole est à Mme la ministre, pour une première réponse brève.
Mme Rachida Dati, ministre
Je m’adresserai très clairement et très directement à l’orateur ayant défendu la motion de rejet préalable : monsieur Saintoul, vous ne respectez ni les personnes ni les principes. Comme de nombreux députés ici présents, que je connais depuis longtemps, sachez que j’ai une expérience professionnelle, une vraie – celle du travail –, et que j’ai aussi une expérience personnelle, une vraie, car j’ai traversé des épreuves. Vous n’avez ni l’une ni l’autre !
M. Aurélien Saintoul
Vous ne savez rien de ma vie, madame !
Mme Rachida Dati, ministre
Bien sûr que si.
M. Aurélien Saintoul
Nous en saurons plus sur la vôtre, bientôt !
Mme Rachida Dati, ministre
Votre engagement politique repose sur l’obsession et le cynisme : l’obsession d’interdire l’audiovisuel privé, le cynisme consistant à systématiquement traiter vos opposants de racistes – cela ne fait pas un engagement.
M. Aurélien Saintoul
Si vous vous sentez morveuse, vous pouvez vous moucher, madame !
Mme Rachida Dati, ministre
Vous en oubliez l’essentiel : protéger l’audiovisuel public, c’est défendre l’accès à la liberté, à l’émancipation, à la culture – je rejoins les propos d’Emmanuel Grégoire. Une communauté de destin nécessite des souvenirs en commun, de ceux qui fondent notre citoyenneté, qui construisent des parcours comme les nôtres, à nous qui sommes sur ces bancs. Sans doute n’en avez-vous pas besoin et méprisez-vous tout cela…
M. Aurélien Saintoul
L’audiovisuel public a besoin de preuves d’amour !
Mme Rachida Dati, ministre
…avec votre agrégation de lettres classiques et votre scolarité à Louis-Le-Grand.
M. Laurent Croizier
Il y a des bourgeois chez LFI !
Mme Rachida Dati, ministre
Peut-être ne vous sentez-vous pas concerné, mais mon combat se situe à ce niveau-là.
M. Aurélien Saintoul
On en reparlera !
Mme Rachida Dati, ministre
J’ai commencé, bien avant d’être ministre de la culture, à défendre un service public de l’audiovisuel qui permette non seulement d’accéder à la culture et de s’émanciper, mais aussi de s’élever socialement.
M. Aurélien Saintoul
Ce n’est pas en l’abolissant que vous y parviendrez !
Mme Rachida Dati, ministre
C’est pour tout cela, que vous méprisez, que je me bats. Quant à ceux qui pourraient en bénéficier, vous les méprisez ou les instrumentalisez,…
M. Aurélien Saintoul
Absolument pas !
Mme Rachida Dati, ministre
…en cherchant à assigner certains d’entre eux à un statut de victime : cela vous a permis d’être élu !
M. Aurélien Saintoul
Vous ignorez tout de mes origines sociales !
Mme la présidente
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
3. Ordre du jour de la prochaine séance
Mme la présidente
Prochaine séance, demain, à quatorze heures :
Questions au gouvernement ;
Suite de la discussion de la proposition de loi organique portant réforme du financement de l’audiovisuel public ;
Discussion de la proposition de loi visant à sécuriser le mécanisme de purge des nullités ;
Discussion de la proposition de loi visant à prolonger la dérogation d’usage des titres-restaurant pour tout produit alimentaire.
La séance est levée.
(La séance est levée à minuit.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra