Deuxième séance du mardi 21 janvier 2025
- Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
- 1. Questions au gouvernement
- Cessez-le-feu à Gaza
- Attitude de l’Union européenne face à Donald Trump
- Pouvoir d’achat
- Réseau social X
- Vie démocratique
- Application HelloQuitteX
- Protection de l’enfance
- Difficultés du secteur agroécologique
- Conséquences en Europe et en France de l’élection de Donald Trump
- Retrait militaire de la France au Tchad
- Budget des collectivités territoriales
- Méthode de gouvernement
- Accès au logement
- Attitude de l’Union européenne face à Donald Trump
- Réforme des retraites
- Sécheresse à La Réunion
- Désindustrialisation de la France
- 2. Urgence pour Mayotte
- Discussion des articles (suite)
- Article 9
- Article 10
- Mme Anchya Bamana
- Mme Nadège Abomangoli
- Amendements nos 322 et 21
- Après l’article 10
- Article 11
- Article 12
- Amendement no 157
- Article 13
- Amendements nos 289
- Sous-amendement no 311
- Amendements nos 158 rectifié et 270, 287
- Après l’article 13
- Amendement no 34
- Article 13 bis
- Suspension et reprise de la séance
- Article 13 ter
- Article 14
- Amendements nos 162, 280
- Article 14 bis
- Amendements nos 281, 110, 142 et 269
- Article 15
- Mme Louise Morel
- M. Hervé de Lépinau
- Amendement no 5
- Article 16
- Après l’article 16
- Article 17
- Discussion des articles (suite)
- 3. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1. Questions au gouvernement
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle les questions au gouvernement.
Cessez-le-feu à Gaza
Mme la présidente
La parole est à Mme Alma Dufour.
Mme Alma Dufour
Avant-hier, quelques minutes avant le début du cessez-le-feu, un père et ses sept enfants rentraient dans le nord de Gaza. L’espoir n’était pas mort en eux car les enfants sont l’espoir. Pourtant trois d’entre eux ne reverront jamais leur maison : ils ont été abattus par un missile israélien.
Les snipers étaient là pour finir leur sale besogne et ont tiré sur un homme qui a tenté de leur porter secours. L’âne qui les transportait, tournant son regard vers les assassins, a semblé leur demander : « Comment puis-je être plus humain que vous ? »
Cent vingt-deux Gazaouis ont été tués depuis l’annonce d’un cessez-le-feu. En Cisjordanie, Israël a annoncé aujourd’hui l’invasion de Jénine qui n’est pas contrôlée par le Hamas. Pouvons-nous marcher dans les ruines de Gaza et en Cisjordanie sans prendre une balle dans la tête provenant de snipers israéliens ? Que tous ceux qui prétendent qu’Israël n’a fait que se défendre aient le courage de leurs opinions ! Qu’ils marchent aux côtés des enfants qui retrouveront des ruines et des squelettes à la place de leurs maisons et de leurs parents.
Mme Caroline Yadan
On ne vous entend pas sur le Hamas !
Mme Alma Dufour
Donald Trump a déclaré ce matin qu’il n’était pas certain que le cessez-le-feu tienne. Il a ajouté : « C’est leur guerre. » L’extrême droite veut tuer l’idée qu’il existe la même humanité en chacun de nous mais aucun humain n’est un étranger sur cette terre (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs des groupes EcoS et GDR) et ce n’est pas simplement leur guerre : c’est l’humanité qui, bombardée et affamée pendant des mois, exige justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Votre gouvernement n’a rien fait pour empêcher la guerre mais il peut encore aider la paix. (Mêmes mouvements.) Emmanuel Macron a refusé de reconnaître l’État palestinien au motif que cela aurait nui à un cessez-le-feu. Or le cessez-le-feu est en vigueur même si nous ne savons pas pour combien de temps : allez-vous enfin reconnaître l’État palestinien ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs des groupes EcoS et GDR.) Votre gouvernement a été le complice tacite d’un génocide…
M. Emeric Salmon
Ce n’est pas un génocide !
Mme Alma Dufour
…mais il peut encorer sauver des vies !
M. Julien Odoul
Condamnez-vous le Hamas ?
Mme Alma Dufour
La Cour nationale du droit d’asile a reconnu la protection subsidiaire aux Gazaouis mais vous les empêchez d’en bénéficier alors qu’Emmanuel Macron s’était engagé à rapatrier des enfants blessés.
Allez-vous organiser le rapatriement des blessés graves, notamment des enfants qui mourront de leurs blessures avant qu’on ait commencé à reconstruire Gaza ? (Mme Caroline Yadan proteste.) Emmanuel Macron ment tous les jours aux Français mais peut-il être cynique au point de violer une promesse faite à des enfants dont les jours sont comptés ? (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS et GDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux.
M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux
Je vous prie d’excuser l’absence du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
La France salue l’entrée en vigueur de l’accord de cessez-le-feu et de libération des otages à Gaza dont la signature a été rendue possible grâce aux efforts de médiation des États-Unis, du Qatar et de l’Égypte. Nous appelons les parties à mettre en œuvre sans délai cet accord qui doit permettre la libération de tous les otages encore détenus à Gaza. À cet égard, la libération des trois premiers otages israéliens est source d’espoir. De même, nous espérons retrouver rapidement et en bonne santé Ofer Kalderon et Ohad Yahalomi, nos deux compatriotes toujours retenus par le Hamas. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
L’accord doit aussi mettre fin aux souffrances injustifiables des populations civiles à Gaza, confrontées à la faim, à l’absence d’aide humanitaire et d’accès aux soins. Face à l’urgence humanitaire absolue, tous les accès doivent être ouverts sans délai, le travail des organisations internationales et des agences humanitaires doit être facilité par Israël conformément au droit international. Nous réitérons notre soutien à l’action essentielle de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient, l’Unrwa.
Au-delà de la réponse d’urgence, il conviendra de débuter la reconstruction de Gaza et d’aller vers une paix durable et une solution politique. L’avenir de Gaza doit s’inscrire dans celui d’un futur État palestinien. Avec ses partenaires, la France œuvre à préparer le jour d’après et le retour de l’autorité palestinienne dans l’enclave de Gaza. Il est temps de retrouver le chemin du dialogue pour se diriger enfin vers une solution à deux États, seule à même de garantir une paix juste et durable aux Israéliens et aux Palestiniens.
Cette vision doit être réaffirmée face aux velléités d’annexion de certains responsables israéliens au moment où s’accélère la politique de colonisation. Comme l’a annoncé le président de la République, c’est dans cet objectif qu’en juin prochain la France coprésidera avec l’Arabie saoudite une conférence internationale en soutien à la solution à deux États. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Attitude de l’Union européenne face à Donald Trump
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Latombe.
M. Philippe Latombe
Avec parfois le sentiment de prêcher dans le désert, voilà plus de cinq ans que j’alerte sur l’obligation dans laquelle nous nous trouvons d’assurer notre souveraineté numérique et notre autonomie stratégique face à l’allié américain.
M. Erwan Balanant
Il a raison !
M. Philippe Latombe
Ce qui était déjà pertinent pour la France et l’Europe sous l’administration Biden prend toute son acuité avec l’arrivée de Donald Trump. Le pire s’annonce : le président américain a administré sans ambiguïté à l’Europe ce que le ministre français des armées appelle, à raison, « un coup de pied au derrière ». Ainsi, nous allons devoir à la fois assumer pleinement notre défense – si possible en achetant du matériel américain… – et affronter une guerre économique avec une Amérique particulièrement agressive. La présence d’Elon Musk aux côtés du président Trump et le ralliement immédiat des autres patrons des géants américains ne laissent aucun doute sur l’ampleur d’une telle offensive et sur le rôle essentiel qui sera celui de ces industriels.
Or la réaction du vice-président exécutif de la Commission européenne chargé de la stratégie industrielle et de la prospérité comme celle de la présidente de la Commission ont de quoi faire bondir : la seconde propose de faire montre de pragmatisme – sans doute confond-elle ce terme avec celui de « soumission » – tandis que le premier suggère de « dealer » – autant dire de troquer ! – la défense européenne contre la paix commerciale.
Monsieur le ministre, le groupe Démocrates souhaite savoir comment vous envisagez d’intervenir auprès d’une Commission trop atlantiste pour défendre la souveraineté et l’autonomie stratégiques européennes ? Parmi vos partenaires, sur quels relais comptez-vous vous appuyer pour défendre les intérêts de l’Union ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux.
M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux
Les États-Unis sont nos plus anciens alliés. Nous partageons des valeurs, des intérêts et une histoire communs. La France est engagée aux côtés de ses partenaires européens et des États-Unis au sein de l’Otan pour la préservation de la paix et de la sécurité dans la zone euro-atlantique. Le président de la République a déjà travaillé plusieurs années avec le président Trump. Au lendemain de l’investiture, nous sommes prêts à travailler avec cette nouvelle administration et à défendre nos intérêts. (M. Raphaël Arnault s’exclame.)
Dans ce contexte, l’Europe a un grand rôle à jouer : nous sommes le plus grand marché économique du monde et nous sommes une puissance militaire avec laquelle personne n’a intérêt à entrer en conflit. La configuration géopolitique actuelle est une chance pour l’Europe de s’affirmer comme la puissance stratégique qu’elle est. Le ministre de l’Europe et des affaires étrangères a d’ailleurs appelé la Commission européenne à se saisir vigoureusement des outils dont elle dispose et à renforcer sa législation, par exemple sur les questions numériques. Nous serons extrêmement fermes sur le sujet. Nous pourrons nous appuyer sur nos partenaires allemands ainsi que sur toutes celles et ceux qui sont convaincus, comme nous, du rôle et des valeurs de l’Europe dans un monde fragmenté.
Pouvoir d’achat
Mme la présidente
Je vous prie d’être plus silencieux dans l’hémicycle.
La parole est à Mme Caroline Parmentier.
Mme Caroline Parmentier
Monsieur le premier ministre, mardi dernier, lors de votre discours de politique générale, vous avez parlé de tout et surtout de rien.
M. Erwan Balanant
Il faudrait savoir : de tout ou de rien ?
Une députée du groupe LFI-NFP
Mais vous n’avez pas voté la censure !
Mme Caroline Parmentier
Vous avez parlé de tout sauf de la principale priorité des Français : le pouvoir d’achat, grand absent de votre déclaration. Nous avons eu un vague espoir lorsque vous avez évoqué les gilets jaunes – la plus grande révolte de la France du travail depuis un siècle – mais vous n’avez rien dit pour cette majorité de Français qui placent le pouvoir d’achat en tête de ses inquiétudes.
M. Fabien Di Filippo
Il faut travailler pour avoir du pouvoir d’achat !
Mme Caroline Parmentier
En janvier et février 2025, les hausses de prix vont toucher de plein fouet les classes moyennes et populaires : augmentation des tarifs des mutuelles – 6 % en 2025 après une hausse de 8 % en 2024, de sorte que de plus en plus de Français renoncent à se soigner –, augmentation du prix du gaz, des tarifs de la poste, des péages ; s’y ajoutent le coût prohibitif du logement, la baisse du livret A décidée contre la France qui fait des sacrifices et des efforts pour épargner, la paralysie des salaires frappant la France qui travaille alors que l’épisode inflationniste a occasionné des difficultés économiques durables pour les Français.
Dans ma circonscription du Pas-de-Calais, celle de Béthune et des trente et une communes des alentours, les habitants ne me parlent pas de vous, monsieur le premier ministre, mais de leurs préoccupations quotidiennes : ne pas arriver à vivre de leur salaire, mettre de l’essence dans leur voiture, se chauffer, remplir le chariot de courses, racheter une paire de baskets à leurs enfants le dix du mois. Je me fais la messagère de leurs questions : comment vont-ils faire pour arriver à la fin du mois de janvier ? Comment feront-ils le mois suivant et celui d’après ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.
M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement
Il est exact que la préoccupation des Français est de savoir comment ils vivront mieux, aujourd’hui et demain.
M. Nicolas Meizonnet
C’est pour cela que tu n’as pas été réélu !
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Le gouvernement est entièrement mobilisé et concentré sur cet objectif : faire en sorte que le travail paye mieux et, pour ce faire, poursuivre les efforts réalisés depuis sept ans. (« Ah ! » sur les bancs du groupe RN.) Je rappelle à la représentation nationale que, s’il est un résultat à porter au crédit des élus qui se sont battus en matière économique et sociale depuis sept ans, c’est d’avoir vaincu le chômage de masse. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur quelques bancs des groupes Dem et HOR. – Protestations sur les bancs du groupe RN.)
M. Stéphane Peu
Le plus gros mensonge de la Macronie !
Mme Sandra Regol
Et le bilan de la précarité ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Ce travail, réalisé avec les partenaires sociaux, en faisant confiance au monde de l’entreprise et en libérant les énergies, doit se poursuivre. J’observe qu’une des premières atteintes portée au pouvoir d’achat des Français durant les derniers mois résulte de l’inquiétude et de l’incertitude des milieux économiques consécutives à la censure à laquelle vous n’êtes pas étrangère. (Protestations sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
Un peu de silence, s’il vous plaît !
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Je souhaite vous assurer que l’objectif principal du gouvernement conduit par François Bayrou est de ne pas toucher aux impôts des classes moyennes et des classes les plus fragiles de notre société. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR. – Protestations sur les bancs du groupe RN.) Dans les semaines qui viennent, notre premier devoir sera de les protéger et de les servir grâce à une action publique se déployant sur le terrain. Action publique et services publics constituent en effet les premiers biens de ceux qui en ont peu.
M. Nicolas Meizonnet
Bla bla bla !
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Nous accompagnerons ces Français au cours des semaines et des mois qui viennent pour qu’aux côtés des partenaires sociaux réunis en conférence sociale, nous puissions déterminer les initiatives gouvernementales destinées à garantir que le travail paie mieux et à sortir des bas salaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Caroline Parmentier.
Mme Caroline Parmentier
Puisque vous n’avez plus de circonscription, je vous invite à m’accompagner dans le quartier des cheminots de Béthune et dans celui du Mont-Liébaut : vous répondrez cela vous-même à leurs habitants. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Réseau social X
Mme la présidente
La parole est à M. Thierry Sother.
M. Thierry Sother
Madame la présidente, monsieur le premier ministre, comme moi, vous êtes utilisateur de X. Comme moi, vous avez vu surgir du jour au lendemain les publications d’Elon Musk qui ont porté Trump au pouvoir. Comme moi, vous avez lu les messages appuyant les volontés d’annexion du Canada et du Groenland ainsi que les messages favorables à la candidate d’extrême droite aux élections allemandes. X est aujourd’hui un espace violent et rempli de contrevérités. C’est un espace de débat dont les règles sont faussées pour favoriser son patron et ceux qu’il décide d’aider, c’est devenu une jungle au service de l’extrême droite.
Un homme seul, un milliardaire américain, membre de l’administration Trump, homme aux comportements et expressions erratiques, ayant eu hier des gestes qui rappellent les heures les plus sombres de notre histoire (Exclamations sur les bancs du groupe RN) se trouve en mesure de choisir quelle personnalité politique ou quelles informations il fait apparaître sur nos écrans. Cet homme manipule un algorithme qu’il transforme sous nos yeux en machine de guerre contre nos démocraties.
Nous nous sommes dotés à l’échelle européenne de règles ambitieuses pour nous protéger. Ce sont de bonnes règles : elles ne censurent pas la liberté d’expression mais la garantissent. Car elles interdisent la manipulation des algorithmes et obligent à supprimer les contenus mensongers. Elles punissent le tricheur et le menteur.
En Roumanie, l’élection présidentielle a été annulée car TikTok a laissé 25 000 comptes russes influer sur le résultat des votes. Le projet d’Elon Musk pour l’Europe réside dans cette internationale réactionnaire et X est son arme pour mener ce combat idéologique et culturel. (Mme Sandrine Rousseau applaudit.)
Leur est-il vraiment tout permis ou ferez-vous entendre la voix de la France, celle de l’indépendance, et pousserez-vous l’Union européenne à prendre des sanctions à la mesure de l’attaque menée contre nos démocraties ? (Plusieurs députés du groupe SOC se lèvent pour applaudir. – Les autres députés du groupe SOC ainsi que plusieurs députés des groupes EcoS et GDR applaudissent également.)
M. Julien Odoul
Commencez avec l’Algérie !
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux. (Exclamations sur divers bancs.)
M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux
J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer à ce sujet dans ma réponse à la question portant sur les relations entre les États-Unis et l’Europe.
Je le répète, les États-Unis sont notre plus ancien allié. Nous partageons des valeurs, des intérêts et une histoire. Vous m’interrogez plus précisément à propos de X et des écarts commis par Elon Musk sur ce réseau.
Plusieurs députés des groupes SOC et EcoS
Des « écarts » ?
M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué
Jusqu’ici, Elon Musk agissait en tant que citoyen. Désormais il fait partie du gouvernement américain. Vous l’avez dit, l’Europe s’est dotée de moyens pour répondre à ces attaques d’une nouvelle génération. Le moment venu, l’Europe, avec en tête la France, apportera les réponses adéquates face aux excès – si excès il y a – d’un tel comportement.
Mme Ayda Hadizadeh
Il est urgent de ne rien faire, c’est ça ? Nous nous sentons protégés !
Mme la présidente
La parole est à M. Thierry Sother.
M. Thierry Sother
L’Europe a lancé une enquête non pas la semaine dernière mais il y a un an. Elle a abouti l’été dernier. Ceux qui l’ont consultée savent qu’elle incrimine X et Elon Musk. Vous le savez comme moi, elle a été relancée la semaine dernière, tout simplement parce que nous n’osons rien faire d’autre.
Dès lors, laissez-moi reformuler ma question : attendrez-vous que Musk revendique sur X Saint-Pierre-et-Miquelon pour défendre nos intérêts ? Quand agirez-vous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs des groupes EcoS et GDR.)
Vie démocratique
Mme la présidente
Avant de lui donner la parole, je suis heureuse de souhaiter, en votre nom à tous, la bienvenue à Mme Camille Galliard-Minier, élue ce dimanche députée de la première circonscription de l’Isère. (Les députés des groupes EPR et Dem se lèvent pour applaudir. – Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur plusieurs bancs du groupe DR.)
Mme Camille Galliard-Minier
Dimanche dernier, les habitants de la première circonscription de l’Isère m’ont fait l’honneur de les représenter de nouveau dans cette Assemblée. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, Dem et HOR.)
De mes échanges quotidiens avec eux sur le terrain émergent des attentes fortes et convergentes : retrouver la confiance dans nos institutions, le respect dans le débat démocratique et la stabilité indispensable à la bonne marche du pays.
Mme Sandra Regol
Il faudrait déjà respecter le fait de ne pas faire front commun avec l’extrême droite !
Mme Camille Galliard-Minier
J’ai perçu une profonde inquiétude face au risque de dégradation de la situation de notre pays qui pénaliserait d’abord les plus défavorisés de nos concitoyens. Cette crainte est amplifiée par une situation internationale particulièrement complexe et dangereuse.
Ces attentes, qui transcendent les clivages, expriment une volonté partagée de construire ensemble des réponses adaptées aux urgences économiques, sociales et environnementales ; construire ensemble avec une majorité de députés qui s’engagent à dialoguer dans le respect des convictions de chacun en ayant pour objectif commun l’intérêt général ; construire ensemble en associant nos concitoyens par une pratique renouvelée de la démocratie participative.
Pour mener les réformes indispensables et élaborer un budget adapté aux besoins du pays, quelle nouvelle forme de préparation de la décision, de dialogue transpartisan pouvons-nous imaginer ensemble, particulièrement dans cette assemblée représentative ?
M. Pierre Cordier
Voilà une question qui n’est pas « loufok » ! (Sourires.)
Mme Camille Galliard-Minier
Comment envisagez-vous d’associer, de la façon la plus large possible, nos concitoyens aux décisions les plus sensibles, qui concernent leur vie quotidienne ? Comment faire en sorte que l’intérêt général, notamment à long terme, puisse être bien évalué, compris et protégé dans les textes législatifs que nous aurons à mettre en débat ? (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. le premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique. (Ah ! sur divers bancs.)
Mme Dominique Voynet
Quel théâtre !
M. François Bayrou, premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique
Je veux tout d’abord saluer votre élection. (Applaudissements sur les bancs des groupe EPR et Dem.)
Mme Sandra Regol
Avec les voix de l’extrême droite !
M. François Bayrou, premier ministre
D’une part, c’est pour vous une victoire personnelle au terme d’une campagne de terrain exceptionnelle. D’autre part, je note que les électeurs de la première circonscription de l’Isère ont envoyé un message qui me semble d’une clarté aveuglante : pour faire face aux problèmes de notre pays, ils soutiennent une démarche de rassemblement. (Mêmes mouvements.)
Mme Hanane Mansouri
Seulement 35 % de participation au premier tour !
M. François Bayrou, premier ministre
Vous l’avez dit, ces électeurs vous ont fait part de leur aspiration à la stabilité. Ils éprouvent le besoin que des sensibilités différentes acceptent de se réunir, notamment parce que notre pays connaît des difficultés particulières, comme nous l’avons observé ces derniers temps…
Mme Mathilde Panot
Ça s’appelle le non-respect des urnes !
M. François Bayrou, premier ministre
…mais aussi en raison de l’état du monde. L’élection, pour un deuxième mandat, de celui qui est devenu quarante-septième président des États-Unis a montré à quel point, désormais, sous toutes les latitudes de notre planète, le rapport de forces et la volonté de dominer étaient revenus au premier plan de l’histoire de notre humanité.
Dès lors, il est inimaginable que nous relevions de tels défis en étant divisés, en nous livrant aux injures et aux accusations réciproques. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem ainsi que sur plusieurs bancs du groupe HOR.)
Mme Sandra Regol
Commencez par respecter le front républicain !
M. François Bayrou, premier ministre
Le choix que nous avons fait est précisément de nous rassembler pour répondre aux défis qui nous attendent. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
M. Hervé de Lépinau
Alors, c’est quoi, la réponse ?
Application HelloQuitteX
Mme la présidente
La parole est à M. Vincent Trébuchet.
M. Vincent Trébuchet
Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée chargée de l’intelligence artificielle et du numérique. Dans la grande famille de la contrefaçon, j’appelle à la barre HelloQuitteX, application tricolore développée par des agents du CNRS avec l’argent du contribuable.
Le premier centre de recherche publique français dévoie-t-il le travail d’équipes entières pour coder une application qui siphonne les données d’utilisateurs de X, le tout au profit de personnalités politiques ne supportant plus la contradiction ? La question se pose. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
Mme Sandra Regol
C’est de la désinformation ! Vous avez des problèmes de vocabulaire !
M. Vincent Trébuchet
La gauche française détournerait-elle cet argent public pour sauver son nombre de followers ?
HelloQuitteX est une énième et pathétique tentative d’imposer une chape de plomb politique alors que les réseaux sociaux ont contribué à libérer l’information. Les mêmes qui dénoncent l’ingérence d’un Elon Musk chantent les louanges d’un George Soros et sont bien souvent, depuis des décennies, financés par ses succursales. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.) Contrairement à certains à gauche, ici nous chérissons la pluralité et la libre contradiction. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
Mme Sandrine Rousseau
Et Elon Musk ?
M. Vincent Trébuchet
La vérité doit être faite. Comment une application développée par des agents publics a-t-elle pu aspirer et traiter les données personnelles de millions de personnes de manière automatisée sans le consentement des utilisateurs ?
M. Jérémie Iordanoff
On en parle, d’Elon Musk ?
M. Vincent Trébuchet
Comment justifier que des agents de la fonction publique aient développé, sur leur temps de travail, avec les moyens du CNRS, une opération politique sans rapport avec leur mission scientifique ?
Quelles sanctions envisagez-vous ? Une enquête de la Cnil est-elle prévue ? Mettrez-vous fin à la propagande qui gangrène le milieu de la recherche publique française ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire
Je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser Mme la ministre Clara Chappaz, retenue, comme d’autres membres du Gouvernement, au Forum économique mondial de Davos. (« Ah ! » sur divers bancs.) Vous m’interrogez sur l’application HelloQuitteX, un projet de science participative – c’est important de le souligner –,…
Mme Sandra Regol
Eh oui !
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
…conduit par le laboratoire ISC-PIF – l’Institut des systèmes complexes de Paris-Île-de-France – du CNRS. Cette unité, spécialisée depuis une dizaine d’années dans l’étude de l’impact des réseaux sociaux sur la société, a développé plusieurs dispositifs permettant de mieux informer…
M. Éric Ciotti
Désinformer !
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
…les utilisateurs : Politoscope et Climatoscope.
Avec le rachat de Twitter, et bien que la réglementation européenne prévoie que la communauté de recherche académique puisse avoir accès aux données de X, les API – les interfaces de programmation d’application – sur lesquelles s’appuyaient des centaines de projets de recherche ont visiblement été coupées.
Pour continuer à étudier l’impact des réseaux sociaux, le laboratoire s’est tourné vers des dispositifs alternatifs dits ouverts, tels que Bluesky ou Mastodon, et a mis à disposition des utilisateurs une application leur permettant de reconnecter leurs abonnés et de ne pas perdre d’audience. Il est important qu’ils puissent poursuivre leurs projets de recherche. Je souligne au passage que l’opération est internationale.
M. Julien Odoul
C’est n’importe quoi !
M. Nicolas Meizonnet
Répondez à la question !
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
L’émergence de cette application soulève toutefois une question plus vaste : convient-il, ou non, de quitter la plateforme X ? Je comprends que plusieurs de nos concitoyens choisissent de quitter certains réseaux au vu de la recrudescence de contenus haineux sur ces plateformes.
M. Hervé de Lépinau
Comment se faire rouler dans la farine !
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
Cependant notre constat est simple : 5 millions de Français s’informent quotidiennement sur X et chaque individu reste libre de s’inscrire sur le réseau social de son choix.
Dès lors, il ne s’agit pas de se couper de ces 5 millions de Français ou de cesser de leur parler mais plutôt d’obliger les plateformes à respecter les règles que nous nous sommes fixées si elles souhaitent continuer d’opérer en France. À cet égard, Clara Chappaz m’a confirmé qu’elle veillerait à faire appliquer de manière effective le règlement DSA, le Digital Services Act. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Vincent Trébuchet.
M. Vincent Trébuchet
Je vous remercie pour ces aveux : l’alliance de LFI à LR est donc bien vivante ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)
M. Fabien Di Filippo
Dit celui qui a voté la censure avec LFI…
Protection de l’enfance
Mme la présidente
La parole est à Mme Anne-Cécile Violland.
Mme Anne-Cécile Violland
Madame la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, force est de constater qu’encore aujourd’hui, en 2025, de trop nombreux enfants, en France, ne sont pas suffisamment protégés et sont laissés à eux-mêmes face à la cruauté humaine.
Le drame d’Amandine, décédée à 13 ans après des années de souffrance malgré plusieurs signalements restés sans suite, met en lumière les graves défaillances de la protection de l’enfance. Elle fait partie de celles et ceux pour qui l’État n’a pas su être un rempart face aux violences, aux négligences ou à l’indifférence, malgré notre système de protection de l’enfance, dont les acteurs – assistants sociaux, éducateurs spécialisés et associations – font preuve d’un travail et d’un dévouement absolument remarquables qui inspirent le respect de la représentation nationale.
Il est indéniable que des avancées importantes ont été réalisées en faveur d’une meilleure protection de l’enfance. La loi du 7 février 2022 a permis des progrès notables, notamment dans le renforcement des contrôles ou la prise en charge des jeunes majeurs.
Cependant, des manquements graves subsistent et continuent de peser sur notre système d’aide sociale à l’enfance. Je pense au manque criant de places d’accueil, à la pénurie alarmante de professionnels ou aux troubles psychiatriques qui touchent 32 % des enfants protégés alors qu’ils sont encore trop peu pris en charge.
Le dernier rapport du Conseil économique, social et environnemental donne l’alerte sur la vacance de 30 000 postes dans les établissements du secteur médico-social éducatif. Pour assurer une justice de qualité, un juge devrait suivre 300 enfants. Or ce chiffre oscille aujourd’hui entre 450 et 800.
Ces lacunes nous obligent à agir encore plus fermement. La protection de l’enfance ne peut être un effort partiellement satisfaisant : elle doit être totale, sans faille, à la hauteur de ce que la France et la République incarnent.
Comment entendez-vous garantir à chaque enfant de notre pays l’accès à cette protection essentielle afin qu’aucun d’entre eux ne soit plus livré à lui-même et d’éviter que de tels drames ne se reproduisent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles
La situation que vous décrivez est absolument terrible et le drame vécu par la petite Amandine nous oblige.
Vous rappelez à juste titre le contexte de ce drame, qui s’est déroulé pendant la crise du covid-19, mais ce rappel ne constitue pas en lui-même une solution : la situation exige que notre société se donne la capacité de construire différentes réponses.
À raison, vous venez de mettre en exergue les difficultés d’un secteur dont je veux souligner l’engagement des professionnels, qui sont nombreux puisqu’ils sont issus tant du secteur médico-social que du système de santé.
Nous le savons : notre pays manque de pédopsychiatres, de professionnels que nous devons former. Nous devons travailler à améliorer l’attractivité de ces métiers qui, comme tous les métiers de l’humain, sont des métiers d’engagement qui exigent beaucoup de ceux qui les exercent.
M. Thibault Bazin
Elle a raison !
Mme Catherine Vautrin, ministre
J’en profite pour remercier Mme Santiago, qui a relancé les travaux de la commission d’enquête sur les manquements des politiques publiques de protection de l’enfance, qui nous permettent d’aller plus loin ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Mme Sophia Chikirou
Concrètement, vous faites quoi ?
Mme la présidente
Madame Chikirou, s’il vous plaît !
Mme Ayda Hadizadeh
Où est le haut-commissaire à l’enfance ? Ce n’est pas suffisant !
Mme Catherine Vautrin, ministre
Le premier ministre a pris l’engagement de créer un haut-commissariat à l’enfance, qui nous permettra d’examiner l’ensemble des politiques menées. Notre réponse doit toujours viser à préserver l’intérêt de l’enfant, à nous tourner vers lui partout où il se trouve, en nous fondant sur la réalité du terrain. C’est en travaillant ensemble que nous trouverons les solutions dont nous devons l’application à chacun des enfants de notre pays.
M. Thibault Bazin
Très bien !
Mme Caroline Parmentier
Il n’y a pas de ministre !
Difficultés du secteur agroécologique
Mme la présidente
La parole est à Mme Julie Ozenne.
Mme Julie Ozenne
Locaux détruits et incendiés, voitures sabotées, menaces à répétition : depuis des mois, tel est le quotidien des agents de l’Office français de la biodiversité.
Et que faites-vous, madame la ministre de l’agriculture ? Vous décidez de leur rendre le travail un peu plus difficile encore en leur demandant de porter leurs armes discrètement, au détriment de leur sécurité. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. – Exclamations sur les bancs des groupes RN et DR.)
Mme Anne-Laure Blin
C’est scandaleux !
Mme Julie Ozenne
Los Angeles brûle, nous nous empoisonnons d’eau polluée et nos enfants meurent de cancers pédiatriques.
Et que fait votre gouvernement ? Il supprime 1,3 milliard d’euros consacrés à la protection de l’environnement, dont la perte s’ajoute aux coupes déjà prévues. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. – Mme Elsa Faucillon applaudit également.)
Les agriculteurs bio connaissent des difficultés financières sans précédent. Certains se déconvertissent tandis que d’autres doivent vendre leurs produits bio au prix des produits conventionnels.
Et que faites-vous ? Vous persistez à distribuer des milliards aux agro-industriels et à refuser de soutenir nos petites fermes.
M. Alexis Corbière
C’est vrai !
Mme Julie Ozenne
Comme si cela ne suffisait pas, vendredi dernier, vous donnez un avis de sagesse au sujet d’un amendement de la droite sénatoriale prévoyant de supprimer l’Agence bio, l’opérateur public chargé de promouvoir l’agriculture biologique et d’en assurer les débouchés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe SOC.)
Est-il donc sage, selon vous, de supprimer l’Agence bio, contre l’avis de l’ensemble de la filière, alors que la Cour des comptes appelle justement à la renforcer en raison de sa grande efficacité ? Est-il donc sage de mettre en péril les agriculteurs dont les pratiques sont les plus vertueuses et qui représentent un sixième de cette profession ?
Votre volonté obstinée d’opposer agriculture et agroécologie, de monter les agriculteurs contre le reste de la population, notamment contre nos agents publics, est dangereuse.
Nos agents publics et nos paysans sont notre fierté. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et quelques bancs du groupe SOC. – M. Stéphane Peu applaudit également.) Les élus écologistes les soutiennent sans réserve.
Madame la ministre de l’agriculture, entendrez-vous enfin les cris d’alarme de vos agents et des agriculteurs bio ou les condamnerez-vous à disparaître ? (Les députés du groupe EcoS se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire
Votre question en contient plusieurs. S’agissant de l’OFB, ma collègue Agnès Pannier-Runacher et moi-même avons diffusé une circulaire qui appelle à une meilleure compréhension mutuelle des agriculteurs et des agents chargés de la préservation de la biodiversité.
M. Thibault Bazin
Très bien !
Mme Annie Genevard, ministre
Concernant l’Agence bio, vous faites allusion à un amendement, adopté au Sénat à une large majorité, qui tend en effet à supprimer cette agence. Pour autant, les missions qu’elle exerce ne seraient pas supprimées. (Exclamations sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe GDR.) Elles seraient simplement reprises par FranceAgriMer ou par une autre entité du ministère de l’agriculture.
Mme Sabrina Sebaihi
Vous n’avez pas honte ?
Mme Annie Genevard, ministre
Cet amendement pose la question suivante : quel bénéfice pouvons-nous tirer d’un tel regroupement ? En somme, comment faire mieux avec moins ? La question se pose à de nombreux opérateurs et agences de l’État.
Pour ce qui est du bio, j’affirme très clairement que la promotion de l’agriculture biologique constitue une grande politique de mon ministère. (Sourires sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)
M. Alexis Corbière
On rit !
Mme Annie Genevard, ministre
Libre à vous de ne pas écouter ma réponse. Nous consacrons chaque année 180 millions d’euros à cette politique. Dès lors, pouvez-vous soutenir qu’elle fait l’objet de mépris ? Je ne le crois pas.
Il y a deux jours, à l’occasion d’un rendez-vous prévu de longue date, je recevais les représentants des agriculteurs concernés, qui m’ont exposé leurs projets. (Exclamations sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Mme Sandra Regol
Vous ne maîtrisez pas le sujet !
Mme Annie Genevard, ministre
Nous y consacrons des budgets considérables.
En tant que consommatrice, députée et ministre, je suis très attachée à notre politique de soutien à l’agriculture biologique. Vous ne pouvez pas raisonnablement affirmer que le transfert des missions de l’Agence bio, qui met en jeu entre 2 et 3 millions d’euros, constitue un abandon de cette politique alors que nous dépensons pour elle 180 millions par an !
Mme Sabrina Sebaihi
Si, si !
Mme Annie Genevard, ministre
Il faut faire preuve de davantage d’honnêteté intellectuelle ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et DR.)
M. Pierre Cordier
Très bien !
Conséquences en Europe et en France de l’élection de Donald Trump
Mme la présidente
La parole est à M. Antoine Vermorel-Marques.
M. Antoine Vermorel-Marques
Monsieur le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, il aura fallu à peine vingt-quatre heures à Donald Trump pour diviser l’Europe. D’un côté, le président américain montre les muscles et promet de taxer les produits européens. De l’autre, notre commissaire européen, M. Stéphane Séjourné, commence déjà à brader notre industrie de défense. Au lieu d’assumer le rapport de force, il joue un jeu dangereux en proposant à demi-mot l’achat d’armes américaines contre un libre-échange débridé.
Mais notre souveraineté n’est pas à vendre ! Notre indépendance n’est pas à brader ! Nos emplois ne sont pas à bazarder !
Que dit la Commission européenne aux salariés de la défense française ? Aux équipes de KNDS, à Roanne, qui font la fierté de nos armées ? On connaissait l’Europe naïve ; nous nous dirigeons vers une Europe soumise à l’influence américaine, à la protection étatsunienne, au bon vouloir de l’oncle Donald.
Membres du groupe Droite républicaine mené par Laurent Wauquiez, nous voulons que se poursuive le travail du gouvernement de Michel Barnier. Je pense notamment à l’engagement sans faille de notre collègue Jean-Louis Thiériot en faveur de la stratégie industrielle de défense et du programme européen pour l’industrie de la défense.
Cela passe par deux mots : préférence européenne ! Nous devons nous défendre dans les nombreuses guerres commerciales menées contre notre industrie de défense, notre industrie textile, nos PME, nos agriculteurs, notre souveraineté.
Les achats réalisés au moyen de nos impôts doivent favoriser nos entreprises, pas nos concurrents américains ou chinois. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)
M. Pierre Cordier
C’est le bon sens !
M. Antoine Vermorel-Marques
Ne soyons pas dupes : alors que certains cherchent à nous diviser et à affaiblir la République dans cet hémicycle, Donald Trump prépare une offensive sans précédent. La voix de la France doit être claire. Le gouvernement soutient-il la position de Sébastien Lecornu, ministre des armées, ou celle de Stéphane Séjourné, commissaire européen ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux.
M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux
Les États-Unis sont notre plus ancien allié. L’amitié franco-américaine est vieille de plus de deux siècles. Le président de la République a déjà travaillé avec l’administration Trump.
Mme Sophia Chikirou
Ce n’est pas la peine !
M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué
Nous savons donc à qui nous avons affaire et comment nous faire entendre et défendre nos intérêts avec vigilance et détermination.
La France demeurera engagée aux côtés de ses partenaires européens et des États-Unis au sein de l’Otan en vue de préserver la paix et la sécurité dans la zone euro-atlantique.
S’agissant de la défense, nous continuerons de miser sur l’Europe de la défense et le soutien à nos entreprises européennes pour affirmer notre indépendance stratégique dans le domaine de l’armement. Nous défendrons pied à pied l’agenda de Versailles adopté par les membres de l’Union européenne en 2022.
Plus largement, concernant les prises de position américaines en matière de multilatéralisme, la France, fidèle à ses valeurs et à ses engagements, continuera de défendre avec ferveur la nécessité de traiter les enjeux environnementaux et de santé mondiale et, plus généralement, de respecter les droits humains et le droit international. Notre place au Conseil de sécurité fait peser sur nous une responsabilité particulière à cet égard.
Retrait militaire de la France au Tchad
Mme la présidente
La parole est à M. Laurent Jacobelli.
M. Laurent Jacobelli
Monsieur le ministre des armées, depuis huit ans, Emmanuel Macron aura patiemment et méthodiquement détruit tout ce qui faisait la force et la puissance de la France.
M. Jean-Michel Jacques
On a doublé le budget de la défense nationale en dix ans !
M. Laurent Jacobelli
Ce terrible constat s’applique bien évidemment à sa politique intérieure, qui aura partout semé le chaos, mais aussi à sa politique étrangère.
L’expulsion de la France du sol africain par ses partenaires historiques en constitue un exemple criant et dommageable. En quelques années de pouvoir, le président de la République aura largement contribué à distendre des liens qui unissaient la France à ses amis africains depuis des décennies, pour le plus grand plaisir de la Chine, de la Russie et de la Turquie. Il n’y a plus de politique africaine de la France, ni même de politique de la France en Afrique, mais une succession de décisions hasardeuses et catastrophiques. L’une des plus graves a été la suppression du corps diplomatique français, qui a pourtant produit des générations de diplomates experts des questions africaines.
Mais, là-bas comme ici, la suffisance du président, son mépris, son arrogance auront heurté les sensibilités et nourri les rancœurs. Nous voilà donc chassés du Tchad, comme hier du Niger, du Mali ou du Burkina Faso.
Malgré les succès obtenus dans la lutte antiterroriste au Sahel, malgré le courage et le professionnalisme de nos 5 000 soldats déployés sur place, auxquels je tiens à rendre hommage au nom du groupe Rassemblement national (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR), nous sommes contraints de faire piteusement nos valises. Ce retrait du Tchad nous oblige à rapatrier hommes et matériel. Si nous ne le faisions pas, il s’ensuivrait les conséquences que nous pouvons imaginer sur le fonctionnement de nos armées et sur la sécurité sur place.
Pour ne pas ajouter la confusion à l’humiliation au moment où nos armées manquent de matériel, pouvez-vous garantir à la représentation nationale que la totalité des équipements présents sur le territoire tchadien sera bien rapatriée en France, au bénéfice de l’armée française ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR. – Mmes Justine Gruet et Michèle Tabarot applaudissent également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants.
Mme Patricia Mirallès, ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants
Je rends également hommage à tous les militaires, en particulier à ceux qui ont consenti jusqu’au sacrifice ultime pour défendre la France et combattre le terrorisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
Le président Hollande a eu raison d’intervenir militairement au Sahel en 2013, à la demande – je le rappelle – de nos partenaires. Nos armées ont mené cette mission à bien et fait reculer le terrorisme dans la région en remportant des victoires militaires incontestables. Imaginez-vous ce que serait le Sahel si la France n’avait pas arrêté la progression des djihadistes ?
Le président Emmanuel Macron l’a dit : nous nous sommes parfois substitués aux dirigeants politiques des pays concernés dans la lutte contre le terrorisme. Il faut en tirer la leçon.
Il est normal que la France se désengage lorsque les autorités, en l’occurrence tchadiennes, le décident. Le Tchad est un État souverain. Ce retrait n’a d’ailleurs rien d’exceptionnel puisque la France a déjà quitté plusieurs fois le Sahel depuis les années 60.
Dès le mois de décembre, la France a entamé le retrait de ses troupes. Nos armées ont quitté et rétrocédé la base militaire de Faya-Largeau le 26 décembre et celle d’Abéché le 11 janvier. Il reste à N’Djamena quelques logisticiens chargés d’organiser les derniers convois. Toutes les troupes combattantes seront donc parties d’ici au 31 janvier, dans le respect des délais. (Mmes Sophie Mette et Josy Poueyto applaudissent.)
Budget des collectivités territoriales
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Pierre Bataille.
M. Jean-Pierre Bataille
Madame la ministre des comptes publics, à quelques jours du vote final du PLF pour 2025 au Sénat et avant une CMP décisive, il est crucial pour nos collectivités de savoir précisément sur quelles bases elles peuvent préparer leurs budgets, dont je rappelle qu’ils doivent être sincères et équilibrés.
Au-delà des tractations politiciennes et des victoires supposées des uns et des autres, une attention particulière doit être portée à leur budget. Certes, elles ont accepté de contribuer au redressement tant nécessaire de nos comptes publics, mais rappelons que leur déficit ne représente que 8 % du déficit public total alors qu’elles assurent 70 % de l’investissement public. Elles doivent donc être traitées au regard de leurs efforts d’investissement et de leur taux d’épargne disponible.
Votre gouvernement a poursuivi les négociations qui étaient en cours dans le cadre du projet de loi de finances version Barnier en baissant de 5 à 2,2 milliards d’euros l’effort demandé aux collectivités. Si les discussions au Sénat ont permis de supprimer la baisse du fonds de compensation pour la TVA, et d’augmenter la dotation globale de fonctionnement de 290 millions d’euros pour la dotation de solidarité rurale et pour la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale, le gel de la TVA a été néanmoins maintenu, affectant ainsi les recettes des établissements publics de coopération intercommunale, des départements et des régions. Le fonds de réserve de précaution, quant à lui, serait réduit à 1 milliard d’euros et élargi à 3 000 collectivités avec des taux de contribution progressifs de 0,1 % à 2 % des recettes réelles de fonctionnement. Si certaines décisions vont donc dans le bon sens, il est nécessaire que chaque niveau de collectivité soit parfaitement informé sur son proche avenir.
Aussi, madame la ministre, ma question sera multiple.
Premièrement, quels sont vos choix définitifs s’agissant de la DGF, du FCTVA et du fonds de réserve de précaution ?
Deuxièmement, le gel de la TVA et la diminution de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle seront-ils confirmés alors que cela remettrait en cause le principe de compensation hérité de la suppression de la taxe professionnelle, puis de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ?
Troisièmement, quand les préfectures connaîtront-elles leurs enveloppes au titre de la dotation d’équipement des territoires ruraux, de la dotation de soutien à l’investissement local et du fonds vert, crédits essentiels aux investissements des collectivités, notamment pour les communes dans cette dernière année de mandat ?
Enfin, qu’en sera-t-il de la contribution des collectivités à la Caisse nationale des retraites des agents des collectivités locales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation.
M. Laurent Jacobelli
Et du respect !
M. François Rebsamen, ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation
Vous avez eu raison de rappeler le rôle éminent des collectivités territoriales pour la cohésion nationale mais également pour l’investissement public ; vous avez cité le chiffre de 70 %, qui est parfaitement exact et c’est tenant compte de cette réalité que, sur les recommandations du premier ministre, nous avons décidé d’abaisser sensiblement le prélèvement sur les collectivités locales initialement prévu. Ces dernières ne nient pas la nécessité d’un effort de leur part, mais elles considèrent que ce qui leur est demandé doit être égal à ce qu’elles font, compte tenu notamment de leur part dans le poids de la dette, sachant qu’environ 7 % de la dette nationale relève d’elles. L’effort que nous leur demandons aujourd’hui est donc à peu près de 7 % : la réduction du FCTVA qui devait les priver de 800 millions d’euros environ est supprimée et le prélèvement sur les ressources réelles de fonctionnement sera ramené de 2 % à 1 %, c’est-à-dire de 2 à 1 milliard. C’est d’autant plus important que le lissage, cette forme de cohésion territoriale voulue par le Sénat, a été validé par le gouvernement. Enfin, vous y avez fait allusion, il a fallu convaincre le premier ministre, que je remercie ici, de faire un effort supplémentaire concernant la dotation globale de fonctionnement : 290 millions supplémentaires, 150 millions pour le DETR ainsi que pour la DSR, et 140 millions pour la DSU, seront donc ajoutés, permettant d’augmenter la DGF de toutes les collectivités.
Je tiens à souligner combien il est important de reconnaître l’effort ainsi accompli tout en ayant conscience de la nécessité, de redresser les finances publiques. L’effort effectué aujourd’hui est globalement au niveau demandé. (Mmes Danielle Brulebois et Brigitte Klinkert applaudissent.)
Méthode de gouvernement
Mme la présidente
La parole est à M. Édouard Bénard.
M. Édouard Bénard
Monsieur le premier ministre, vous nous aviez promis de changer radicalement de méthode avec votre gouvernement et de mettre en pratique votre fameuse culture du compromis… Premier constat : vous refusez à notre assemblée de débattre du budget de la France pour l’année 2025 en nous imposant de poursuivre la discussion budgétaire sur la base du projet de loi de finances déposé par votre prédécesseur. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe EcoS.) Autre constat : vous faites le choix d’une méthode violente, et j’utilise sciemment ce mot, dans la discussion en cours au Sénat !
La méthode Bayrou, ce sont ainsi de véritables coups de rabot de plusieurs centaines de millions d’euros sur la majorité des missions budgétaires, sous forme d’amendements déposés au dernier moment et même en pleine nuit ! Des millions d’euros qui s’ajoutent, parfois en quelques minutes seulement, aux réductions déjà drastiques prévues par le projet de loi Barnier.
La méthode Bayrou, c’est aussi 630 millions au profit de l’enseignement supérieur et de la recherche qui se sont envolés en quelques instants, et près de 1 milliard consacré à l’écologie qui s’est évaporé. L’aide publique au développement, quant à elle, a vu disparaître près de 800 millions de sa ligne budgétaire.
Enfin, la méthode Bayrou, c’est le rabot de 2,3 milliards au détriment des collectivités territoriales, de nos régions, de nos départements, de nos communes, ces petites républiques du quotidien, les coups de rabot de 535 millions d’euros pour la mission « France 2030 », de 89 millions sur le budget de la jeunesse, de 34 millions sur le budget du sport, de 50 millions sur celui de la culture et de 52 millions sur celui de l’enseignement scolaire.
Vous avez sauté sur l’occasion, profitant de la loi spéciale pour mettre à la diète nos services publics, y compris nos collectivités territoriales, nos universités, nos investissements en faveur de la transition écologique, que sais-je encore ? Ce n’est, je le crains, qu’un avant-goût du budget que vous préparez pour le pays : un budget qui satisfera, certes, les marchés financiers, mais qui menace notre économie tout entière aussi bien qu’il met en cause la nécessaire réponse aux besoins des Français.
Je vous le demande, non sans une certaine gravité : votre méthode pour la France se résume-t-elle à additionner des soustractions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre chargée des comptes publics.
Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics
La menace, c’est de ne pas avoir de budget. La menace, c’est d’avoir une économie à l’arrêt. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)
Mme Danielle Simonnet
Alors proposez un bon budget !
Mme Christine Arrighi
La menace, c’est vous !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
La menace, c’est l’incertitude pour les agriculteurs, pour les patrons de PME, pour les artisans, pour les maires et pour les Français. La menace, c’est le surendettement, la perte de confiance des Français et des marchés financiers, et 330 milliards à financer cette année qui ne pourront peut-être pas être trouvés si nous ne retrouvons pas cette confiance.
Il est vrai que la méthode que nous suivons consiste à repartir du texte déjà sur la table pour disposer d’un budget le plus vite possible afin que l’économie puisse repartir le plus vite possible. Notre méthode est celle du compromis, comme le montrent les votes au Sénat : parfois il y a des majorités, parfois non. Le compromis continuera en commission mixte paritaire la semaine prochaine. Il se fait avec l’ensemble des forces politiques qui défendent des positions non pas pour elles mais pour les Français. Et notre méthode consiste à faire des choix.
M. Pierre Cordier
Faire des choix, c’est faire de la politique.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Nous avons fait le choix de valoriser l’éducation, la sécurité, la défense, les outre-mer, la justice, l’hôpital, l’ensemble des sujets qui importent aux Français. Oui, nous faisons des choix en considérant que nous pouvons, sans toucher aux politiques publiques, réorganiser l’action publique, chercher davantage d’efficacité pour que les Français en aient pour leurs impôts. La méthode qui nous est demandée à tous consiste, je le crois, à être capables de nous opposer sans censurer, sans chercher le blocage. C’est bien pourquoi le gouvernement cherche ainsi à avancer avec les parlementaires.
Je conclurai sur un point important : Éric Lombard, aujourd’hui à Bruxelles, a retrouvé la confiance de nos partenaires européens.
M. Hervé de Lépinau
Et celle des Français, ça ne vous intéresse pas ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Nous devons maintenant retrouver la confiance des Français ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem.)
Accès au logement
Mme la présidente
La parole est à M. Inaki Echaniz.
M. Inaki Echaniz
Monsieur le premier ministre, depuis plus de deux ans, nous sommes plusieurs parlementaires de divers groupes, dont des membres du bloc macroniste, à vous alerter sur l’absence d’une politique pour résoudre les difficultés grandissantes en matière d’accès au logement. Une telle absence a un impact considérable sur la vie de nos concitoyens mais aussi sur nos entreprises, en particulier les TPE-PME, et sur les recettes de l’État puisque le secteur du logement rapporte plus qu’il ne coûte. Alors que le sujet est central pour l’équilibre des territoires, la réindustrialisation et le maintien des services publics, qu’il est une des conditions d’une vie digne, nous apprenons avec sidération que parmi les nombreuses coupes budgétaires annoncées au Sénat, vous avez décidé de baisser de 900 millions d’euros le budget consacré au logement ! Nous notons notamment une coupe de 530 millions pour MaPrimeRénov’, en plus de la baisse de 2 milliards décidée l’année dernière. On nous annonce aussi une nouvelle baisse des aides personnalisées au logement à hauteur de 540 millions et une chute des financements de l’hébergement d’urgence entraînant la perte de 23 000 places.
M. Arthur Delaporte
C’est un scandale !
M. Inaki Echaniz
Les Français n’arrivent plus à se loger, nous ne savons plus comment vous le faire comprendre ! En 2024, notre pays a connu le plus faible nombre de mises en chantier depuis 1950. Oui, 1950 ! Plus de 17 000 entreprises du BTP sont en difficulté et le nombre de demandeurs de logement social atteint un record absolu à 2,7 millions, soit près d’un million de plus en dix ans. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Que faut-il faire pour que vous preniez enfin au sérieux cette question majeure ?
M. Julien Odoul
Priorité nationale !
M. Inaki Echaniz
À la suite des négociations avec le groupe Socialiste et apparentés, vous vous êtes engagé à étendre le champ du prêt à taux zéro, dont vous aviez vous-même réduit le périmètre, à rétablir une aide pour les maires bâtisseurs et à baisser le montant de la réduction du loyer de solidarité que vous aviez imposée aux bailleurs sociaux. Mais ces nouveaux reculs, ces nouvelles coupes surprises marquent un recul sanglant pour le logement ! Quel sera votre bilan sur la question, mis à part un grand déni et des coupes budgétaires inconséquentes ? Les Français méritent des actions ambitieuses de la part du gouvernement pour leur premier poste de dépense, pour ce qui conditionne leur émancipation et leur projet de vie ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS ainsi que sur plusieurs bancs du groupe Dem.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre chargée du logement.
Mme Valérie Létard, ministre chargée du logement
Vous avez raison, le secteur du logement connaît une crise inédite. Depuis ma nomination, je suis mobilisée avec tous les parlementaires pour apporter des réponses, et le budget qui va être proposé les reprendra. Je continuerai à défendre l’extension à tout le territoire du prêt à taux zéro mais aussi à encourager la défiscalisation des donations pour l’achat de logements neufs. Cet après-midi, au Sénat, je défendrai un amendement baissant la réduction du loyer de solidarité, comme le propose d’ailleurs le groupe socialiste.
M. Thibault Bazin
Très bien, madame la ministre !
Mme Valérie Létard, ministre
Je proposerai aussi d’augmenter le budget de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine et de financer la réhabilitation des logements sociaux du bassin minier comme je m’y étais engagé devant cette assemblée.
M. Pierre Cordier
Très bien, madame la ministre !
Mme Valérie Létard, ministre
Toutes ces mesures sont couplées à la baisse du taux du livret A qui va permettre d’investir massivement dans la construction et dans la rénovation de logements sociaux. Les débats seront aussi l’occasion de créer l’aide destinée aux maires bâtisseurs qui a été annoncée par le premier ministre.
Vous avez raison aussi…
M. Pierre Cordier
Un socialiste peut avoir deux fois raison ? (Sourires.)
Mme Valérie Létard, ministre
…d’évoquer le contexte budgétaire, qui nous oblige à une plus grande vigilance au sujet de plusieurs postes de dépense. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SOC.) Ce sera le cas sur les APL, mais sans toucher à aucun paramètre puisque les prévisions sont en dessous de ce qui était anticipé lorsque le budget a été voté l’été dernier. Ce sera aussi le cas sur MaPrimeRénov’ en optimisant encore davantage la trésorerie. En revanche, je veux le dire très clairement : le gouvernement ne modifiera pas les paramètres retenus début décembre dernier pour ne pas stopper la dynamique de rénovation : nous ne toucherons pas aux monogestes,…
M. Thibault Bazin
C’est bien, les monogestes : tout effort mérite d’être encouragé !
Mme Valérie Létard, ministre
…et, si la dynamique s’avérait meilleure que prévu, le gouvernement sera au rendez-vous des attentes, je le dis devant Mme de Montchalin. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem.)
Attitude de l’Union européenne face à Donald Trump
Mme la présidente
La parole est à Mme Brigitte Klinkert.
Mme Brigitte Klinkert
Ma question s’adresse au ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Hier, Donald Trump a été investi président des États-Unis. Son retour à la Maison-Blanche marque pour nous, Français et Européens, une ère d’instabilité politique et d’incertitude vis-à-vis de ce grand pays allié. En effet, les États-Unis sont un allié et un partenaire de l’Europe et de la France, mais dans le contexte que nous connaissons, il est difficile de considérer qu’il s’agit encore d’un partenaire fiable, constant et loyal. Nos relations commerciales avec les États-Unis, mais aussi notre défense militaire, notre souveraineté numérique et l’intégrité de nos processus démocratiques : voilà beaucoup d’enjeux pour la vie des Européens.
Face au réveil des puissances, l’Europe ne peut pas s’affaiblir. Plus que jamais, nous devons affirmer la souveraineté européenne. Nous avons besoin d’une deuxième assurance vie militaire en plus de celle de l’Otan, une assurance vie qui serait une vraie défense européenne.
M. Laurent Jacobelli
Ça n’existe pas !
Mme Brigitte Klinkert
Nous avons aussi besoin de faire respecter nos règles vis-à-vis des géants du numérique, et de sortir de notre naïveté commerciale vis-à-vis de la Chine et des États-Unis. Nous devons redevenir un continent d’innovation, une puissance économique. Cette souveraineté en matière industrielle, énergétique et agricole, nous ne la réussirons que tous ensemble, à vingt-sept.
Alors que demain, nous célébrons la Journée de l’amitié franco-allemande, j’ai plus que jamais la conviction que la réaffirmation de la puissance et de la souveraineté européenne dépend du moteur formé par nos deux pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem.) Quelles initiatives peut prendre la France avec son partenaire allemand pour relancer l’Europe ? (Mêmes mouvements.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux.
M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux
La France soutient un programme de renforcement de la souveraineté européenne essentiel pour défendre ensemble nos intérêts dans un contexte marqué par le retour de la force.
Depuis 2017, grâce à l’impulsion donnée par le président de la République lors de son discours de la Sorbonne, l’Europe s’est dotée d’instruments pour lutter contre les pressions commerciales, développer son industrie de défense et mener de front les transitions numérique et environnementale.
M. Laurent Jacobelli
Ça a l’air de bien marcher !
M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué
Vous avez raison de dire, madame la députée, que le couple franco-allemand reste incontournable pour faire avancer l’Europe. Ainsi, mercredi, le président de la République recevra le chancelier allemand pour préparer avec lui le Conseil européen informel du 3 février. Avec nos partenaires allemands, nous avons la volonté de développer notre politique industrielle, de provoquer un choc de compétitivité et de renforcer notre défense. Ce moteur franco-allemand n’exclut pas d’autres axes de travail. Nous collaborons par exemple avec la Pologne dans le cadre du Triangle de Weimar.
Nous avons les outils pour agir. Il faut maintenant que l’Europe les emploie et s’affirme comme la puissance stratégique qu’elle est. Ni les frontières de l’Europe ni l’intégrité de nos processus électoraux ne sont négociables. La dynamique franco-allemande va continuer à se renforcer et les députés prennent toute leur part à ce processus grâce à l’Assemblée parlementaire franco-allemande.
Réforme des retraites
Mme la présidente
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian
Monsieur le premier ministre, votre action se situe dans la droite ligne de celle des gouvernements précédents :…
M. Fabien Di Filippo
Mais pas dans la ligne droite !
Mme Sophie Taillé-Polian
…vous financez votre politique probusiness par des économies sur les travailleurs. D’abord, vous annoncez une nouvelle journée de solidarité, c’est-à-dire un jour de congé en moins pour tous les travailleurs. C’est gratuit… Ensuite, vous conservez la plus juteuse mesure budgétaire concernant la paye des fonctionnaires : 10 % de salaire en moins en cas d’arrêt de travail, c’est presque 1 milliard d’économies faites sur le dos des agents publics malades. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.) Avec vous, ce sont toujours les plus fragiles qui trinquent !
De même, vous refusez de voir les conséquences sociales désastreuses de la réforme des retraites pour les personnes dans l’incapacité de travailler en raison des effets de la pénibilité de leurs anciens postes ; pour les femmes, qui y perdent beaucoup ; pour les salariés à la carrière longue ; pour celles et ceux qui occupent des emplois précaires et, enfin, pour les seniors – le nombre de personnes de plus de 62 ans inscrites à France Travail a déjà doublé.
Pourtant, que vous le vouliez ou non, il existe, à l’Assemblée nationale comme dans le pays, une majorité opposée à la retraite à 64 ans. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et GDR.) Nous avons maintenant besoin de clarté. Vos tentatives d’explications après votre refus de prononcer les mots « abrogation » ou « suspension » ne nous ont pas rassurés et n’ont fait qu’embrouiller les choses. Vous devez maintenant nous dire si vous vous engagez, quel que soit le résultat des conclaves, des conciles et des missions flash en cours, sur le fait que le Parlement pourra débattre de la réforme des retraites à fond, c’est-à-dire sans exclure de parler de son abrogation et du retour à un âge de départ de 62 ans. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et GDR. – M. René Pilato applaudit également.) Vous engagez-vous à n’utiliser aucune des manœuvres bien connues de Mme Borne pour corseter le débat ? Vous engagez-vous à respecter la démocratie et à renoncer à tout usage du 49.3 ? Le Parlement doit voter ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP et GDR.)
M. Alexis Corbière
Parfait !
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre chargée du travail et de l’emploi.
M. Laurent Jacobelli
Taxeuse de retraités !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l’emploi
Vous posez la question cruciale de l’avenir de notre système de retraite. Vendredi dernier s’est tenue une réunion très importante, avec toutes les organisations syndicales et patronales représentatives, plus l’Unsa et la FNSEA. Les participants se sont engagés dans ces discussions avec un grand sens des responsabilités. Le dialogue social passe par de la responsabilité et par des discussions sur tous les sujets, sur la base d’un diagnostic partagé. (« Ha ! Ha ! » sur les bancs du groupe RN.)
La démarche évoquée par le premier ministre lors de sa déclaration de politique générale et précisée lors de cette réunion commencera par le recours à une autorité indiscutable, la Cour des comptes,…
M. Laurent Jacobelli
Ça veut dire de la taxe !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
…pour avoir un diagnostic sur l’effort actuel de la nation quant au financement des retraites. Cette phase, au cours de laquelle les instances compétentes, comme le Conseil d’orientation des retraites, seront sollicitées, se terminera le 19 février.
Ensuite, pendant trois mois, les partenaires sociaux auront une discussion à bâtons rompus sur tous les sujets, sans aucun tabou, pas plus l’âge de départ à la retraite qu’un autre. (« Pléonasme ! » sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Si vous êtes aussi respectueux que le premier ministre et moi du dialogue social, vous conviendrez que cette phase peut avoir trois issues.
M. Jordan Guitton
On va voter, cette fois-ci ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Soit un accord global aura été conclu et il vous sera présenté. Soit les accords porteront sur des points précis d’amélioration de la réforme de 2023 – la pénibilité, la situation des femmes, le travail des seniors, etc. – et feront également l’objet de discussions. Soit aucun accord n’aura été trouvé.
Mme Danielle Simonnet
On veut voter !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Dans ce cas, il n’y aura pas de discussion au Parlement (Exclamations prolongées sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS) et nous reviendrons à la réforme de 2023 parce que nous respectons d’abord le dialogue social et le compromis entre les partenaires sociaux. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et DR.)
Mme Danielle Simonnet
Quel enfumage !
Mme la présidente
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian
Les choses sont donc très claires : le patronat, qui n’a aucun intérêt à l’accord, ne le recherchera pas.
M. Nicolas Forissier
Vous n’en savez rien !
Mme Sophie Taillé-Polian
Vous venez de nous dire que vous tenez mordicus à la retraite à 64 ans et que vous ne permettrez pas que le débat reprenne ici ni que le Parlement puisse voter sur la base du mandat donné par les électeurs et les électrices. C’est très grave ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP, dont les députés se lèvent, ainsi que sur les bancs du groupe GDR, dont plusieurs députés se lèvent également. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
Sécheresse à La Réunion
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon.
M. Jean-Hugues Ratenon
À La Réunion, les facteurs du désordre convergent vers l’explosion sociale, entre une crise sanitaire inévitable du fait de l’épidémie du chikungunya et la poussée très inquiétante du trafic de drogues dures, à l’origine, selon moi, de la hausse de l’insécurité et de l’instauration d’un climat d’angoisse dans les villes. D’autres facteurs de désordre sont le manque de logements et la cherté de la vie, résultats incontestables d’abus que le pouvoir parisien fait mine de ne pas voir.
Parmi les nombreuses causes du désordre, je vais m’attarder sur la pénurie d’eau. La Réunion n’échappe ni aux bouleversements climatiques ni à la pression démographique et l’eau y devient rare. Pourtant, la présidente de mon groupe, Mathilde Panot, nous avait alerté, à l’issue de son enquête parlementaire, sur les risques d’aggravation de la pénurie, notamment dans les outre-mer, et préconisé des solutions à appliquer. Mais, comme à son habitude, la Macronie a dit niet et n’a pas suivi.
Pourtant, une fois encore, nos alertes deviennent malheureusement des réalités dans nos territoires. À La Réunion, la situation est inédite : beaucoup trop de robinets sont à sec, avec tous les désagréments que cela entraîne pour les habitants et les services publics. En 2023, j’avais fait adopter un amendement prévoyant de consacrer 100 millions d’euros à un plan d’urgence pour l’accès à l’eau en outre-mer. En 2024, j’ai proposé 500 millions. Mais les recours au 49.3 de Mme Borne et de M. Barnier ont guillotiné nos justes propositions. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
L’eau n’est pas une marchandise comme les autres ; elle est un bien commun et un droit fondamental. La Macronie est-elle enfin prête à agir de manière responsable ? Il le faut, car nous savons tous que, si rien n’est fait, la situation s’aggravera d’année en année. (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent. – Mme Sandrine Rousseau applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d’État, ministre des outre-mer.
M. Manuel Valls, ministre d’État, ministre des outre-mer
Vous avez attiré mon attention sur la situation inédite de La Réunion, qui est touchée par la sécheresse. Inédite en raison du niveau exceptionnellement bas des précipitations depuis septembre dernier. Non seulement l’île a connu un déficit global de précipitations de 22 % par rapport aux normales mais surtout, la saison des pluies, qui débute normalement à la mi-décembre, n’a pas encore commencé. La situation est d’autant plus inédite qu’elle touche l’est de l’île, particulièrement la commune de Saint-André, alors qu’il s’agit habituellement de la partie de La Réunion la plus arrosée. (Mme Sophia Chikirou s’exclame.)
Ce sujet relève de la compétence des collectivités locales. C’est d’ailleurs pour cela que la communauté intercommunale Réunion Est, présidée par Patrice Selly, et la commune de Saint-André ont pris en début de semaine plusieurs mesures d’urgence. Chaque jour, 36 000 litres d’eau sont livrés à Saint-André et distribués, notamment par l’intermédiaire des centres communaux d’action sociale pour les publics vulnérables.
Compte tenu de l’impact de la situation sur la population en cette saison chaude, je puis assurer que les moyens de l’État sont mobilisés pour soutenir les communes dans la gestion de la crise. Dès le 20 janvier, le préfet a déployé à Saint-André un dispositif de la sécurité civile pour produire de l’eau potable. Enfin, un arrêté sécheresse a été signé, notamment pour prendre en compte la situation économique difficile de certains agriculteurs et maraîchers. Le préfet réunira par ailleurs dans quelques semaines une conférence régionale de l’eau associant l’ensemble des élus.
Monsieur le député, je me tiens à votre disposition pour parler des sujets que vous avez évoqués car le changement climatique, les problèmes sociaux et l’ensemble des défis de La Réunion méritent tout notre engagement.
Désindustrialisation de la France
Mme la présidente
La parole est à Mme Laurence Robert-Dehault.
Mme Laurence Robert-Dehault
Sept ans après l’entrée en fonction d’Emmanuel Macron, l’ambitieuse politique de saccage social, économique et industriel du président « Mozart de la finance » porte plus que jamais ses fruits. Les chiffres de l’année 2024 sont tombés : la situation industrielle du pays est catastrophique. Pour la première fois depuis 2015, il y a eu plus de fermetures que d’ouvertures d’usines en France.
Dans mon département de la Haute-Marne, les Aciéries Hachette et Driout, autrefois un fleuron de l’industrie locale, sont en liquidation judiciaire.
M. Pierre Cordier
C’est comme les Ardennes, la Haute-Marne !
Mme Laurence Robert-Dehault
Ce n’est pas le seul tissu industriel qui est menacé mais l’intégralité du tissu économique. L’année 2024 est celle des tristes records, avec près de 66 000 défaillances d’entreprises, plus qu’en 2009, au lendemain de la crise financière.
Les dizaines de milliards engagés et dépensés tous azimuts dans un plan de relance France 2030 mal orienté n’ont fait que contribuer à ce lent déclin. En mettant l’accent sur la décarbonation de l’économie française et en visant principalement les start-up parisiennes, Emmanuel Macron a non seulement délaissé l’essentiel du tissu industriel français, constitué de PME et d’entreprises de taille intermédiaire installées en zone rurale, mais il a aussi planté les clous du cercueil de notre industrie, déjà mise à mal par les économies américaine et asiatique, qui ne souffrent ni de la boulimie normative française et européenne ni d’un prix de l’électricité artificiellement gonflé.
Monsieur Ferracci, vous êtes un compagnon de la première heure d’Emmanuel Macron. Le temps du mea culpa n’est-il pas venu ? N’est-il pas temps d’admettre que le président s’est fourvoyé dans un « en même temps » schizophrène visant à décarboner l’économie française tout en torpillant notre nucléaire tout au long de son premier mandat ? Enfin, allez-vous continuer dans cette fuite en avant qui risque de plonger le pays dans une profonde récession ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire
En premier lieu, je vous prie d’excuser les ministres Éric Lombard et Marc Ferracci, retenus par des déplacements internationaux.
Vous avez cité quelques chiffres, madame la députée ; je voudrais en donner d’autres. En 2023, la France comptait 500 usines de plus qu’en 2016, ne vous en déplaise – c’est un chiffre qui s’impose à nous.
M. Philippe Ballard
Oui, mais cela s’est inversé en 2024.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée
En 2023 toujours, on comptait 201 ouvertures ou extensions nettes de sites industriels. Et l’inflexion se poursuit, puisque la dernière mise à jour du baromètre industriel de l’État permet d’observer, lors du premier semestre 2024, la même dynamique positive, quoiqu’en décélération, avec 36 ouvertures nettes.
Vous nous interrogez sur l’action que nous conduisons pour défendre nos industries. Je retiendrai trois mots d’ordre : accompagner, simplifier, protéger.
Nous continuons à accompagner les entreprises – notamment les entreprises fragiles, celles en développement – à l’aide de la méthode qui consiste à employer toute notre énergie à soutenir les efforts des chefs d’entreprise, des acteurs locaux, des élus, des salariés et à arracher des solutions dans les territoires.
Pour poursuivre la dynamique en cours, il faut également continuer à simplifier. C’est très important. Afin de lever les freins à l’implantation, il convient de simplifier les démarches. Le premier ministre l’a souligné dans sa déclaration de politique générale : le coût des normes représente dans notre pays près de 4 % du PIB, contre 0,5 % chez nos voisins. Il faut y remédier.
Il faut enfin protéger nos entreprises. Nous sommes conscients des fragilités de certaines filières, et des actions ont été engagées dans ce sens à l’échelon national et européen ; ainsi, le Clean Industrial Deal permettra de mieux protéger la filière de l’acier.
Vous l’avez compris : nous sommes engagés dans un processus de réindustrialisation, qui va se poursuivre.
Mme la présidente
Nous avons terminé les questions au gouvernement.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de Mme Clémence Guetté.)
Présidence de Mme Clémence Guetté
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est reprise.
2. Urgence pour Mayotte
Suite de la discussion d’un projet de loi
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi d’urgence pour Mayotte (nos 772, 775).
Discussion des articles (suite)
Mme la présidente
Hier soir, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’article 9.
Article 9
Mme la présidente
Deux orateurs sont inscrits sur l’article.
La parole est à M. Antoine Golliot.
M. Antoine Golliot
Permettez-moi de rappeler tout d’abord l’importance de l’article 9 de ce projet de loi d’urgence pour Mayotte. Pour nos compatriotes mahorais, il est urgent de remettre Mayotte debout ; il nous faut répondre rapidement aux besoins de l’île, relever les habitations et les infrastructures dans les meilleurs délais. C’est ce que vise cet article et nous le soutiendrons.
Pour répondre aux besoins de Mayotte, il ne suffit pourtant pas d’aller vite, il faut aussi reconstruire de manière adaptée. En effet, l’île est confrontée à une forte pression démographique, en partie liée à l’immigration clandestine. Les chiffres officiels sont loin de refléter la réalité, alors même que les pouvoirs publics ont besoin de disposer de données précises sur le véritable nombre d’habitants de Mayotte. Faute de quoi nous risquons de construire des infrastructures insuffisantes ou inadaptées, perpétuant ainsi les difficultés actuelles.
Au-delà de cette question particulière, j’aimerais évoquer l’immigration incontrôlée, problème qui touche aussi bien ma circonscription du Boulonnais dans le Pas-de-Calais que Mayotte, où l’immigration massive en provenance des Comores pèse lourdement sur les infrastructures et les services publics, ce qui aggrave les tensions sociales et l’insécurité. Bien que le contexte diffère, les flux migratoires en direction du Royaume-Uni provoquent également des problèmes sur la Côte d’Opale : occupations illégales de terrains, actes de délinquance, insécurité grandissante pour les habitants. Dans les deux territoires, le même constat s’impose : l’immigration non maîtrisée déstabilise les populations locales et accentue les inégalités.
En conséquence, pour le bien des Mahorais, pensons intelligemment la reconstruction de ce territoire et n’oublions pas de traiter ses problèmes de fond, notamment celui de l’immigration massive et illégale. Ce que les Mahorais subissent aujourd’hui, les Français de métropole le vivront demain. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Nadège Abomangoli.
Mme Nadège Abomangoli
Pour ma part, je reviendrai à l’article en discussion. Sa version initiale permettait au maître d’ouvrage de lancer une large palette d’opérations préalables – de la démolition aux travaux de préparation du chantier –, incluant le terrassement ou le creusement des fondations, sans attendre de connaître le sort réservé à sa demande d’autorisation, l’incitant à engager des frais pour cela, d’après le bleu qui nous a été transmis.
En commission, un amendement de notre groupe avait modifié l’article. En effet, selon le type d’intervention, les conséquences ne sont pas les mêmes. Aussi avons-nous proposé de restreindre l’autorisation aux travaux de démolition, de déblaiement ou de reconstruction à l’identique. Ces derniers ne posent pas de problème particulier, y compris dans le cas où la construction n’a finalement pas lieu : ils n’affectent pas les sols en profondeur, puisqu’ils reviennent à supprimer ou à reconstruire des bâtiments préexistants et dans un état de délabrement avancé.
Il n’en va pas de même pour les travaux de fondation, dont l’impact est important, en particulier sur des sols érodés et vulnérables du fait du climat tropical, à plus forte raison quand les terrains sont en pente, comme c’est le cas dans 37 % de l’île. En outre, si de tels travaux viennent à être entamés et que, par la suite, l’autorisation n’est pas délivrée, on aura lancé des opérations dangereuses pour les personnes vivant dans l’environnement immédiat, notamment en raison du risque de glissement de terrain. Dans certains cas, l’impossibilité de revenir en arrière sera source de contentieux juridiques.
Enfin, certains acteurs ne pourront pas avancer des frais susceptibles de ne pas être remboursés : l’article ne favorise donc pas la participation de tous les acteurs économiques à la reconstruction, contrairement à l’idée que nous défendions hier encore. Nous nous opposerons donc aux amendements qui visent à rétablir la rédaction initiale. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements, nos 169 et 156, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Marie Lebec, pour soutenir l’amendement no 169.
Mme Marie Lebec
Il s’agirait presque de répondre à ce que vient de dire notre collègue, puisque notre amendement vise à rétablir la rédaction initiale de l’article 9, contre la limitation introduite en commission pour interdire la réalisation anticipée de travaux de terrassement et de fondation au motif de l’insécurité juridique, motif que l’on peut entendre, mais qui semble un peu décalé quand il s’agit d’inciter à reconstruire, même avant l’obtention d’un permis.
Par ailleurs, les travaux de terrassement et de fondation sont des prérequis à la reconstruction, au même titre que ceux de démolition. Il semble donc plus cohérent de laisser procéder aux premiers comme aux seconds de façon anticipée.
Mme la présidente
La parole est à Mme Estelle Youssouffa, rapporteure de la commission des affaires économiques, pour soutenir l’amendement no 156.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure de la commission des affaires économiques
Je rejoins ce qui a été dit contre la possibilité de poser des fondations avant toute autorisation : on ne peut se résoudre à la politique du fait accompli s’agissant d’un acte aussi important. Au fond, cela dépasse la question de la reconstruction et touche au problème de la construction sans permis, le risque étant d’alimenter le chaos foncier qui prévaut déjà sur notre île : le creusement de fondations sans autorisation préalable pourrait permettre des constructions sans titre et sans permis dans une zone où nous connaissons déjà assez de difficultés.
Mme la présidente
Sur l’article 9, je suis saisie par le groupe Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
Les deux amendements en discussion, l’amendement no 169 en particulier et celui de Mme la rapporteure dans une moindre mesure, vont contre ce qui a été voté, à la majorité, en commission, afin d’exclure les travaux de fondation et de terrassement et de ne permettre que les travaux de déblaiement, de démolition et de reconstruction à l’identique en matière de surface.
La principale raison avancée en commission tenait à la nécessité de protéger les entreprises, en leur évitant d’engager des frais et de réaliser des travaux très importants pour être finalement obligées de renoncer au cas où leur permis serait rejeté. C’est pour éviter ce genre de problèmes que la commission a voté en faveur du retrait des travaux de terrassement et de fondation de la liste des travaux concernés par l’article. La possibilité de reconstruire avec une surface identique a, quant à elle, été introduite pour tenir compte de la nécessité de reconstruire rapidement.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 169 ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Il s’agit d’un article censé favoriser la reconstruction. Or permettre le terrassement reviendrait à autoriser nombre de constructions. Le champ ainsi laissé nous semble bien trop important. Nous l’avons donc restreint par voie d’amendement. Avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d’État, ministre des outre-mer, pour donner l’avis du gouvernement sur les deux amendements.
M. Manuel Valls, ministre d’État, ministre des outre-mer
Je nuancerai ce que je viens d’entendre : l’amendement de Mme Lebec rétablit la possibilité de commencer les travaux de démolition, de terrassement et de fondation dès le dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme ou de la déclaration préalable. La rédaction ainsi proposée est plus cohérente que celle qui a été adoptée en commission. Cette dernière a bien travaillé, nous nous appuyons d’ailleurs sur ses travaux, mais il appartient aux parlementaires de pouvoir les amender au sein de l’hémicycle, quitte à revenir à la rédaction initiale. En l’espèce, cette rédaction permet précisément d’anticiper les travaux de reconstruction à l’identique, mais non les travaux de démolition ou de terrassement qui devront nécessairement intervenir au préalable. Je rappelle à tous les parlementaires ici présents que la mesure n’offre qu’une faculté d’anticiper les travaux. Il s’agit d’une mesure simplificatrice, qui aura un effet réel sur la reconstruction des bâtiments et permettra aux Mahorais de retrouver un toit au plus vite. Pour cette raison, le gouvernement est favorable à l’amendement no 169 et défavorable à l’amendement no 156.
Mme la présidente
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet
En commission, à l’issue d’un long débat, nous étions restés au milieu du gué : nous sommes convenus d’accélérer la reconstruction, sans nuire à la qualité. On sait que les délais d’instruction des demandes de permis seront raccourcis et nous autorisons les travaux de démolition et déblaiement – pourquoi pas ?
Toutefois, en décidant qu’on peut reconstruire à l’identique ou terrasser ou poser des fondations, on préjuge largement de la décision définitive des services d’urbanisme, on exerce une forte pression en faveur de l’octroi de l’autorisation. Cela pose des problèmes juridiques, financiers et comporte des risques. Je proposerai tout à l’heure un amendement visant à revenir sur ce point. Celui proposé par Mme Lebec me semble en tout cas bien trop laxiste au regard des objectifs que nous nous sommes fixés.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 169.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 114
Nombre de suffrages exprimés 112
Majorité absolue 57
Pour l’adoption 68
Contre 44
(L’amendement no 169 est adopté ; en conséquence, les amendements nos 156, 233, 238 et 252 tombent.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’article 9.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 117
Nombre de suffrages exprimés 116
Majorité absolue 59
Pour l’adoption 86
Contre 30
(L’article 9, amendé, est adopté.)
Article 10
Mme la présidente
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article.
La parole est à Mme Anchya Bamana.
Mme Anchya Bamana
Je souhaite éclairer l’Assemblée sur la question du cadastre à Mayotte. Dans les accords de 2000 destinés à préparer la départementalisation, deux chantiers préalables avaient été identifiés : la révision de l’état civil et la mise à jour du cadastre.
Pendant cinq ans, entre 2002 et 2006, l’État a engagé les moyens nécessaires pour parfaire l’état civil des Mahorais, ce qui n’a pas été le cas pour le cadastre. Compte tenu des demandes incessantes des élus dans un dossier important pour les Mahorais, le législateur a créé la Commission d’urgence foncière (CUF) en 2017 ; celle-ci est devenue opérationnelle en 2019. À compter du 1er juillet 2023, la CUF s’est muée en groupement d’intérêt public, devenant GIP-CUF, structure unique de titrement prévue par l’article 35 de la loi dite Lodeom modifiée. Ce groupement a deux grandes missions : inventorier tous les titres fonciers devant être régularisés et permettre que chaque terrain relève d’un propriétaire, apte à exercer ses droits.
À cette heure, il n’existe pas de cadastre à jour à Mayotte, la volonté de s’y atteler ayant manqué aux gouvernements successifs. Près de 6 000 titres de propriétés ont été identifiés par la CUF, qui doit régler les indivisions et établir les titres de propriété des Mahorais. Il convient donc de doter cette commission des moyens matériels et humains lui permettant de mener à bien cette mission urgente pour Mayotte. Cela constitue donc une condition sine qua non pour que nous ne votions pas contre l’article 10. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Nadège Abomangoli.
Mme Nadège Abomangoli
Nous sommes fortement opposés à cet article, dont l’adoption permettrait de procéder à des expropriations de manière excessive et précipitée. Cela ne signifie pas que nous nous transformons en défenseurs acharnés de la propriété privée,…
M. Philippe Gosselin
Que disait Proudhon ? « La propriété, c’est le vol » ?
Mme Nadège Abomangoli
…mais les dispositions prévues nous semblent excessives ; on peut même dire qu’elles donneraient lieu à une véritable dépossession. La transmission des terres permet de se projeter vers un avenir qui, pour les Mahoraises et les Mahorais, est plus qu’incertain. Les conséquences de ces mesures seraient donc brutales pour la plupart des habitants de Mayotte qui, toutes classes sociales confondues, observent de près les décisions prises en la matière.
Le fait que le gouvernement souhaite passer outre l’obligation d’identifier et d’indemniser les propriétaires avant de les exproprier pour mener des opérations de reconstruction nous paraît donc disproportionné et attentatoire au droit, non seulement au droit de la propriété mais aussi au droit coutumier qui existe sur l’île et est totalement intégré à la vie quotidienne des habitants. Même si en commission, la référence à l’indemnisation préalable a été exclue du champ de l’ordonnance, nous n’en demanderons pas moins la suppression de l’article, dont les dispositions sont loin de répondre aux craintes des Mahoraises et des Mahorais.
Certes, des incertitudes existent au sujet du foncier, comme l’a rappelé Mme Bamana, mais nous estimons que sur un tel sujet, il faut prendre le temps de l’investigation en impliquant les populations concernées ; l’existence de règles coutumières fondées sur l’acquisition collective n’exclut d’ailleurs en rien cette possibilité. Il est possible, y compris dans le cas spécifique qui nous occupe, d’identifier des interlocuteurs pertinents, et nous considérons qu’il revient à l’État de faire le nécessaire pour cela.
Par ailleurs, dans le contexte de défiance que nous connaissons, un tel travail risque de susciter des conflits contre lesquels il est essentiel de se prémunir. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
Sur les amendements identiques nos 322 et 21, je suis saisie par les groupes La France insoumise-Nouveau Front populaire et Libertés, indépendants, outre-mer et territoires d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Nous en venons donc à ces deux amendements, nos 322 et 21, visant à supprimer l’article 10.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 322 de la commission des affaires économiques.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
En commission, monsieur le ministre, je vous ai mis en garde contre le caractère imprécis de l’habilitation dans sa rédaction actuelle : en l’état, elle permet à l’État d’exproprier au motif de réaliser n’importe quel type de travaux ou de construction, même sans aucun lien avec le cyclone. J’avais déposé un amendement visant à préciser, à l’alinéa 1 du présent article et par référence à l’article 5 du même projet de loi, que les expropriations ne pourraient être justifiées que par des travaux nécessaires à la reconstruction de l’île, après le passage du cyclone. Vous n’en avez pas voulu, confirmant que l’article 10 a bien pour but de rendre possibles les expropriations à Mayotte, ce qui permettrait de construire n’importe quoi et de mener à bien des projets qui n’ont rien à voir avec le cyclone.
En l’occurrence, et je prends la représentation nationale à témoin, l’État est minoritaire, en matière de possession foncière, à Mayotte : ne possédant que 15 % du foncier mahorais, il essaie de s’approprier le reste depuis plusieurs décennies. Celles et ceux qui ont un peu de mémoire se souviennent du projet de loi Lecornu pour Mayotte, qui avait été rejeté à l’unanimité par les élus mahorais en 2022 ; il évoquait déjà explicitement la possibilité, pour l’État d’exproprier les Mahoraises et les Mahorais, et voilà cette mesure reprise dans le texte que nous examinons.
Le désordre foncier que connaît Mayotte est ancien et connu ; l’État, comme la collègue Bamana l’a rappelé, n’a jamais déployé les moyens nécessaires pour régulariser la situation. D’autres insulaires français connaissent d’ailleurs une situation semblable, notamment mes collègues corses et antillais : à chaque fois, on observe que l’État, minoritaire, cherche à mettre la main sur le foncier, au détriment de populations dont c’est la seule richesse.
Voilà pourquoi, faute d’accord, de souplesse et d’écoute de la part du gouvernement, j’ai déposé un amendement de suppression de l’article 10, pour que l’État ne puisse absolument pas exproprier, de manière accélérée et sans convenir d’un quelconque dédommagement, les Mahoraises et les Mahorais.
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Taché, pour soutenir l’amendement no 21.
M. Aurélien Taché
Là encore, vous faites exactement le contraire de ce qu’il faudrait faire. Depuis le début des discussions, nous ne cessons de rappeler que le problème de Mayotte, c’est qu’elle n’est pas suffisamment intégrée dans le droit commun : elle n’a jamais fait l’objet d’un investissement en matière de services publics qui soit à la hauteur de ce que mérite un département français. Sur de nombreux sujets, par exemple les prestations sociales mais aussi le logement, Mayotte ne bénéficie pas non plus du régime qui est appliqué dans le reste du territoire français. Et comme vient de le rappeler notre collègue, même en matière de respect du droit de propriété, dont vous êtes habituellement les ardents défenseurs, vous arrivez à introduire des mesures dérogatoires, qui permettront de prendre toujours plus au peuple mahorais.
S’il est parfois difficile d’identifier les propriétaires, c’est surtout parce que l’État n’a pas doté les organismes chargés de procéder à ces identifications des moyens suffisants pour le faire. En outre, de nombreux Mahorais vivant à l’étranger possèdent des terres qui sont souvent occupées par d’autres Mahorais en vertu du droit coutumier. Vous comptez profiter de l’absence de ces propriétaires pour leur reprendre leurs terres, en dérogeant complètement aux principes de la République.
Par conséquent, je répète que cet article ne va pas du tout dans le bon sens : il faut le supprimer ! N’ajoutez pas à la douleur du déracinement, pour ceux qui, nés à Mayotte, vivent loin de l’archipel, cette disposition inique qui viendrait injustement restreindre, voire bafouer, leur droit de propriété.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement sur ces deux amendements de suppression ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
Je vais prendre quelques minutes pour répondre aux arguments que je viens d’entendre. Vous le savez, la difficulté à identifier les propriétaires des terrains à acquérir à Mayotte rend quasiment impossible, ou à tout le moins très difficile, la mise en œuvre des expropriations, qui sont un moyen ordinaire d’action des acteurs publics et en particulier des établissements publics fonciers et d’aménagement (Epfa). Or la maîtrise foncière, nous pouvons nous mettre d’accord là-dessus, sera indispensable à la reconstruction du territoire. Je reconnais qu’il y a là une tension entre la nécessité de maîtriser le foncier pour reconstruire le territoire, d’une part, et le droit de propriété, d’autre part.
Je veux simplement rappeler quels sont les enjeux de la discussion. Pour pouvoir reconstruire, il faut disposer du foncier ; il ne s’agit pas de s’approprier le foncier de manière large, sans critères et sans indemnisation. Madame la rapporteure, je récuse les mots que vous avez employés – nous en avons d’ailleurs parlé, vous et moi, et avons échangé à ce propos avec les élus locaux : vous dites que l’État serait en train de « mettre la main » sur le foncier. Je ne l’accepte pas ! Je le répète : toutes les règles encadrant les déclarations d’utilité publique (DUP) peuvent être préservées, sous le contrôle du juge.
Toutefois, l’identification des propriétaires à Mayotte pose des difficultés ; personne ne peut le nier. Je veux bien que l’on fasse des comparaisons avec d’autres territoires mais il y a bien, en la matière, une réalité spécifique à Mayotte, susceptible de bloquer le développement de projets pendant plusieurs années.
Je veux d’ailleurs rappeler que jusqu’à récemment, le droit immobilier et foncier applicable à Mayotte était très différent du droit hexagonal. Il s’agissait d’un régime dit d’immatriculation qui permettait de publier des titres de propriété. Mais ce régime est resté facultatif, de sorte que de nombreux Mahorais ont poursuivi les transmissions informelles de biens, de façon tout à fait légale mais intraçable pour les pouvoirs publics. Très honnêtement, c’est une situation qu’il est difficile de comparer à d’autres ! À cette première difficulté s’ajoute celle liée aux indivisions successorales non réglées sur plusieurs générations. Concentrons-nous sur la situation particulière de Mayotte, car c’est ainsi que nous lui apporterons la solution la plus efficace.
La Lodeom a organisé une procédure de titrement, afin de résoudre la difficulté dont j’ai parlé. À l’époque, un groupement d’intérêt public avait été créé, mais cette procédure était facultative et l’est restée. Ce sujet a d’ailleurs été étudié en profondeur par plusieurs missions sénatoriales. L’État et le gouvernement sont à chaque fois tenus pour responsables, mais le Parlement a lui aussi travaillé sur ce thème – sous l’impulsion d’un élu mahorais, Thani Mohamed Soilihi. À ce titre, le rapport d’information sur la sécurisation des droits fonciers dans les territoires ultramarins, établi en juin 2016 – c’est déjà ancien ! – au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer, décrit un « gel » et une « stérilisation » du foncier liés à des situations successorales devenues « inextricables ». Le rapport poursuit : « L’activité économique, tout comme la politique d’équipement des collectivités, puisque la carence de titres fait obstacle à toute expropriation […], en sont entravées. »
Pour ceux qui connaissent Mayotte, un exemple me paraît révélateur : à Chiconi, l’indivision représente les trois quarts du territoire communal, couverts par deux titres de propriété seulement. La carence de titrement concerne environ 20 000 Mahorais. Je comprends parfaitement la méfiance qui s’exprime depuis des années vis-à-vis de l’État, mais on voit bien qu’il y a une réalité spécifique à Mayotte – les faits sont têtus –, qui n’est pas comparable à ce qui s’observe dans l’Hexagone et même ailleurs en outre-mer.
Cela dit, il faut trouver des solutions pour éviter le blocage des projets tout en sauvegardant les droits des propriétaires ; voilà où se trouve la ligne de crête, dont je reconnais qu’elle est ténue. Je le répète : il n’est pas question d’occuper des terrains en expropriant sans indemniser ! Ce que nous cherchons à éviter, c’est un blocage lié à l’identification définitive des propriétaires, qui pourrait demander plusieurs années et empêcher le lancement des opérations qui s’imposent. Or ces opérations peuvent concerner l’État, évidemment, mais elles concernent avant tout les collectivités territoriales – le département, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et les communes.
J’ajoute que certaines de ces emprises foncières sont actuellement occupées par de l’habitat informel. Le travail à mener pour rédiger l’ordonnance devra faire l’objet d’une concertation avec les acteurs locaux, collectivités territoriales mais aussi acteurs de l’aménagement et de la construction, après une évaluation précise des besoins d’intervention nécessaires. De mon point de vue, ce travail doit permettre de préciser les garanties à même de protéger les droits des propriétaires qui seront identifiés ultérieurement, non pas uniquement au moment du versement de l’indemnisation mais tout au long de la procédure d’expropriation, notamment au cours de l’enquête publique et de l’enquête parcellaire.
Je veux essayer de dépassionner le débat, mais les élus mahorais – en l’occurrence, Mmes Youssouffa et Bamana, députées – ont fait remonter les préoccupations qui se sont exprimées à ce sujet. S’agissant de sujets qui sont certes techniques mais dont la dimension affective est prégnante – ils touchent à des réalités que je peux parfaitement comprendre –, je veux écouter le Parlement et, en l’espèce, l’Assemblée nationale. La disposition dont nous débattons était prévue pour accélérer les travaux face à l’ampleur des besoins, mais j’entends les réserves exprimées et je souhaite que nous y travaillions davantage, madame la rapporteure. Si l’Assemblée vote la suppression du présent article pour répondre à cette inquiétude, nous continuerons à y travailler en bonne intelligence ! Je pense que c’est possible. Je ne veux rien imposer, ni ici ni au Sénat.
J’en ai encore parlé ce matin avec le président du Sénat, Gérard Larcher, qui m’a lui aussi fait part de ses préoccupations. Essayons d’y travailler ! Pour ma part, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée. Je ne suis pas arc-bouté sur un dispositif en particulier ; je souhaite uniquement que l’on parvienne à mettre en œuvre le meilleur dispositif, celui qui permettra de préserver, dans une situation très particulière, le droit de propriété, tout en prenant en compte la nécessité d’aménager et de reconstruire à Mayotte.
Sur ce sujet, je ne veux pas aller contre l’avis des deux parlementaires mahoraises qui se sont exprimées. Je m’en remets à votre sagesse et reste à votre disposition : le gouvernement souhaite travailler dans les meilleures conditions possibles, à l’Assemblée comme au Sénat et avec les élus locaux, sans aucune volonté d’imposer quoi que ce soit. Je veux simplement que nous trouvions la meilleure solution.
Mme la présidente
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
On l’a dit, la commission est favorable à la suppression de l’article 10. C’est apparu très clairement lors des auditions et au cours de nos échanges avec différents acteurs mahorais : tous sont très inquiets de ce qu’impliquerait l’adoption d’un tel article. Il donne des pouvoirs exceptionnels à l’État en matière d’expropriation et d’occupation temporaire, sans apporter les garanties nécessaires pour protéger les droits des Mahoraises et des Mahorais qui sont propriétaires des terrains en question.
Je veux moi aussi dépassionner le débat, monsieur le ministre, et je vais donc m’attarder sur le texte qui permet, en vérité, de mener une gamme très large d’opérations. L’article 10 est un chapitre à lui tout seul ; dans son premier alinéa, rien ne précise que lesdites opérations devront être en rapport avec la catastrophe liée au cyclone Chido. En conséquence, l’État pourrait désormais mener les opérations qu’il voulait mener précédemment sans en avoir le droit ! (Mme Ségolène Amiot applaudit.) Grâce au cyclone Chido, ou plutôt à cause de lui, il pourrait enfin procéder aux expropriations voulues.
Mme Sophia Chikirou
Ça s’appelle la stratégie du choc !
Mme Ségolène Amiot
C’est de l’opportunisme !
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
Je rappelle en outre que, pour reconstruire à l’identique, il n’est évidemment pas nécessaire d’exproprier.
Au demeurant, il est déjà possible de déroger au droit commun du fait de circonstances exceptionnelles, sous le contrôle du juge administratif. Sachez donc que, sans même le présent projet de loi, les moyens de mener des opérations d’intérêt général existent, mais celles-ci sont alors beaucoup plus encadrées que ne le prévoit ce texte, le droit en vigueur n’octroyant pas autant de pouvoirs en matière d’expropriation.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission est très favorable aux amendements de suppression de l’article 10.
Mme la présidente
La parole est à Mme Maud Petit.
Mme Maud Petit
Comme beaucoup d’entre vous, je le sais, j’ai des échanges avec des acteurs du territoire. Des amis Démocrates de Mayotte m’ont dit ce matin même combien la formulation de l’article 10 les inquiétait : les Mahorais craignent de ne plus pouvoir conserver leurs terres.
Je tiens à remercier M. le ministre qui, entendant ces inquiétudes, est disposé à réécrire l’article à la faveur de la navette. Je propose à mes collègues du groupe Les Démocrates de s’abstenir sur ces amendements de suppression, sans aller nécessairement jusqu’à les voter. Il convient parfois de faire passer des messages symboliques. Or, je le sais, une grande partie de la population de Mayotte attend un signe à propos de cet article.
Mme la présidente
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet
M. le ministre nous a bien décrit la grande complexité de la situation à Mayotte. En commission, à l’issue d’un très long débat, il nous a expliqué que le dispositif exceptionnel qu’il nous proposait ne serait valable que pour les parcelles dont les propriétaires n’étaient pas connus. Or on s’est bien gardé de l’écrire dans le texte ! Il y a un loup, puisque c’est flou.
M. Philippe Gosselin
Martine, sors de ce corps !
Mme Dominique Voynet
Aussi le groupe Écologiste et social votera-t-il pour les amendements de suppression. Vous avez indiqué, monsieur le ministre, que vous poursuivrez la discussion au Sénat s’il n’est pas possible de le faire ici ; notre assemblée y reviendra donc ultérieurement. En tout cas, il n’est pas possible de conserver cet article dans sa rédaction actuelle.
Mme la présidente
La parole est à Mme Anchya Bamana.
Mme Anchya Bamana
Je suis désolée de vous contredire, madame Voynet, mais les propriétaires dont il est question sont bien identifiés par la CUF. Je le répète, le cadastre à Mayotte reste à régulariser, la CUF n’ayant pas disposé des moyens humains et techniques nécessaires pour mener à bien son travail.
Disons-le clairement : les Mahorais ne veulent pas se faire exproprier aux fins de permettre à l’État de construire des logements pour les nombreuses personnes en situation irrégulière à Mayotte. Le fond du problème réside encore et toujours dans le manque de courage des auteurs de ce texte, qui se sont préoccupés de dispositifs techniques sans avoir au préalable réglé le problème majeur de la mise à jour du cadastre, aspect fondamental de la départementalisation de Mayotte.
En l’état, nous ne pouvons pas souscrire au dispositif prévu à l’article 10 ; le groupe Rassemblement national votera donc pour sa suppression. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – M. Alexandre Allegret-Pilot applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Gosselin.
M. Philippe Gosselin
La discussion de ces amendements de suppression, dont l’un est désormais celui de la commission, met en lumière un certain nombre de difficultés. Le sujet est très sensible ; chacun marche sur des œufs, du reste déjà un peu fêlés.
Il faut que l’État puisse avancer, sans que la reconstruction soit sans cesse reportée par des mesures dilatoires, mais il y a un principe de réalité et nous ne sommes pas prêts à donner le sentiment que l’État serait tout-puissant et pourrait exproprier à tour de bras – je vois bien, d’ailleurs, quelle exploitation pourrait en être faite. Il faut que la raison l’emporte.
Notre ambition est de reconstruire dans des délais brefs, sans quoi le chaos se poursuivra. Nous souhaitons éviter la reconstitution des bidonvilles. Or, plus nous traînons dans nos démarches, plus grand est le risque que cet habitat illégal et souvent insalubre soit reconstruit, tandis que d’autres bâtiments, pourtant nécessaires, ne le seraient pas.
À l’origine, je l’avoue, j’étais plutôt partisan de ne pas trop traîner. Toutefois, je vois bien que l’article 10 est un point de crispation et que son adoption irait à l’encontre de l’objectif visé. Aussi le groupe Droite républicaine votera-t-il à ce stade les amendements de suppression, dans un esprit sinon de sagesse – pour reprendre le terme employé par le ministre –, du moins de compréhension et de réalisme. Nous posons néanmoins une condition : il faudrait qu’à la faveur de la navette parlementaire, le Sénat se saisisse de dispositions – par exemple d’un amendement gouvernemental – qui permettent d’avancer. D’éventuelles mesures dilatoires seraient vraiment très fâcheuses.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Philippe Nilor.
M. Jean-Philippe Nilor
La volonté de donner tous les pouvoirs à l’État est en train de faire l’unanimité contre elle dans cet hémicycle, et c’est une bonne chose. Même les plus jacobins se rendent compte que la raison doit l’emporter. La possibilité d’exproprier à tout prix et tous azimuts représente un danger réel pour les peuples des outre-mer, sachant que la situation est à peu près la même dans tous nos territoires.
Monsieur le ministre, chaque fois que nous souhaitons déroger à la règle générale, vous refusez. Et chaque fois que nous ne souhaitons pas déroger à la règle générale, parce qu’elle est plus protectrice de nos droits, vous voulez nous imposer des dérogations. Cherchez à comprendre !
En l’occurrence, il importe de préserver la propriété. Même s’il est parfois difficile d’identifier les propriétaires, il y a bel et bien des propriétaires. Rappelons que la propriété est un droit inviolable et sacré, ce principe étant consacré par la Constitution, supérieure à la loi.
M. Hervé de Lépinau
Dites-le à Léaument !
M. Jean-Philippe Nilor
Chaque fois que vous proposerez une exception à ce principe constitutionnel ou que vous souhaiterez vous en écarter, vous trouverez face à vous tous les députés des outre-mer. Les Mahorais sont propriétaires du sol de Mayotte.
J’appelle votre attention sur un point : c’est probablement la première fois dans cet hémicycle que je suis d’accord avec Mme Youssouffa ; si nous tombons d’accord, elle et moi, c’est que la raison l’a emporté ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Sourires.)
M. Philippe Gosselin
Ne faisons pas non plus le procès de l’État !
Mme la présidente
La parole est à M. Frédéric Maillot.
M. Frédéric Maillot
Il est vrai que nous n’avons pas souvent été d’accord avec Estelle Youssouffa…
Nous, députés des outre-mer, ne souhaitons pas qu’arrive à nos frères mahorais ce qui est arrivé aux Réunionnais, aux Guyanais, aux Martiniquais et aux Guadeloupéens : voir l’État faire main basse sur la terre. Nous sommes profondément attachés à nos terres respectives ; c’est ce que nous avons de plus cher et que nous partageons, outre la culture ; c’est ce qui fait de nous des Mahorais, des Réunionnais, des Guyanais, des Martiniquais ou des Guadeloupéens.
Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine votera contre les dispositions qui permettraient à l’État de faire main basse sur les terres mahoraises. Nous savons comment l’État fonctionne : si ce pays qu’est Mayotte baisse la garde, l’État en profitera pour lui mettre une belle droite – et ce n’est pas qu’un jeu de mots ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Cyrielle Chatelain applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d’État.
M. Manuel Valls, ministre d’État
Nous avons là deux débats. Le premier débat, de nature technique, est compliqué – vous l’avez dit, monsieur Gosselin. En tout cas, on ne peut pas affirmer que le gouvernement entend imposer un dispositif, tout en déroulant le discours, pratiquement préécrit, que nous avons entendu, alors que j’ai indiqué tout à l’heure – je peux même aller plus loin…
Mme Sophia Chikirou
Vous voulez démissionner ? (Exclamations sur les bancs des groupes EPR, Dem et DR.)
M. David Amiel
Nous parlons de choses sérieuses !
M. Philippe Gosselin
Passons vite à autre chose !
M. Manuel Valls, ministre d’État
Il faudrait tout de même des événements bien plus graves ! Mais je comprends que ce genre de propos détend…
Mme Voynet, qui connaît bien ses classiques, a mis le doigt sur un point qui me paraît juste : l’imprécision du texte, le fait que l’article semble taper à côté de l’objectif, suscite des interrogations et de la méfiance, ce qui est compréhensible, à plus forte raison du fait de la situation à Mayotte, connue de tous.
C’est pourquoi je m’engage, dans le cadre de la navette, à travailler avec le Sénat et avec l’Assemblée nationale, notamment avec vous, madame la rapporteure, pour trouver, si c’est possible, la bonne solution, sans imposer. En la matière, la situation de Mayotte diffère de celle que peuvent connaître d’autres territoires d’outre-mer. Mayotte présente une spécificité, rappelée par plusieurs d’entre vous, notamment pour ce qui est du cadastre.
Ne pouvant pas déposer d’amendement de suppression, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée, mais chacun a bien compris quelle était ma position.
J’en viens au deuxième débat. Je suis parfaitement conscient qu’une forme de distance s’est installée entre l’État ou l’Hexagone et certains territoires ultramarins ; on peut même parler de dérive des plaques. J’en tiens compte dans mon action, étant entendu qu’il y a un énorme travail à accomplir sur toute une série de dossiers : Mayotte ; la Nouvelle-Calédonie, dont il sera question dans quelques jours ; la lutte contre la vie chère, que nous aborderons notamment ce jeudi ; la question de l’égalité réelle et de la convergence sociale.
Mais je souhaite souligner deux choses. Sur la question du foncier et de l’aménagement du territoire, il est très facile de taper sur l’État, alors que les responsabilités sont partagées. Je souhaite travailler avec les élus locaux – présidents de collectivité, maires, présidents d’EPCI – mais chacun doit être mis devant ses responsabilités en la matière.
Je tiens aussi à dire, en tant que citoyen, que tous les Français sont mes frères et mes sœurs.
Mme Farida Amrani
Non, non, non !
M. Manuel Valls, ministre d’État
Il n’y a pas, d’un côté, les Français d’outre-mer et, de l’autre, le reste de la nation. Vous représentez ici chacun une parcelle de la nation, avec ses difficultés. Parmi les outre-mer, Mayotte est sans doute le territoire qui revendique avec le plus de force son appartenance à la République, exigence à laquelle nous devons répondre. Ne divisons pas les Français ! Vous êtes tous préoccupés par le sujet dont nous débattons. Il s’agit d’apporter les meilleures réponses aux Mahorais. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, Dem et DR.)
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 322 et 21.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 212
Nombre de suffrages exprimés 167
Majorité absolue 84
Pour l’adoption 166
Contre 1
(Les amendements identiques nos 322 et 21 sont adoptés ; en conséquence, l’article 10 est supprimé et les amendements nos 67, 229 et 237, le sous-amendement no 328 ainsi que les amendements nos 332, 234, 333, 244 et 334 tombent.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Après l’article 10
Mme la présidente
La parole est à Mme Florence Goulet, pour soutenir l’amendement no 299 portant article additionnel après l’article 10 et qui fait l’objet d’un sous-amendement.
Mme Florence Goulet
Les bangas reviennent au cœur de nos débats dans des circonstances difficiles, après le passage de Chido. À Mayotte, près de 20 000 habitations de fortune logent des clandestins, notamment en provenance des Comores, et forment des quartiers entiers, insalubres, où règne l’insécurité. Ravagés par le cyclone, ces bidonvilles resurgissent déjà de terre, comme l’a signalé Marine Le Pen à plusieurs reprises, soulignant les conséquences inacceptables de cette situation pour nos compatriotes mahorais. L’amendement vise ainsi à imposer aux représentants de l’État de démolir et d’interdire ces bidonvilles afin d’empêcher toute reconstruction. C’est urgent et prioritaire : il y va de l’avenir du département. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir le sous-amendement no 330.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
L’amendement est pertinent, mais l’alinéa b de son premier point semble inutile voire contre-productif car il supprimerait, dans la loi de 2011 portant dispositions particulières relatives aux quartiers d’habitat informel et à la lutte contre l’habitat indigne dans les départements et régions d’outre-mer, la disposition suivante : « À défaut de pouvoir identifier les propriétaires, notamment en l’absence de mention au fichier immobilier ou au livre foncier, la notification les concernant est valablement effectuée par affichage à la mairie de la commune et sur la façade des locaux et installations concernés. » Il est nécessaire au contraire que l’affichage public vaille notification, d’où cette proposition de sous-amendement permettant d’affiner la rédaction de l’amendement. Sous réserve du vote de mon sous-amendement, j’émettrai un avis favorable à ce dernier.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
Nous cherchons tous à empêcher Mayotte de devenir une île-bidonville et à mieux lutter contre l’habitat illégal. C’est la raison pour laquelle le gouvernement, par voie d’amendement, a proposé d’élargir le champ de l’habilitation à légiférer par ordonnance prévue à l’article 4. Nous pourrons ainsi prendre rapidement des mesures contre les bidonvilles – nous en parlions hier. Comme vous le voyez, madame Bamana, nous agissons : depuis le début de son examen, le présent texte a d’ailleurs été enrichi. Au reste, le projet de loi-programme contiendra des mesures concrètes, à l’instar de la possibilité donnée aux officiers de police judiciaire de traverser les bangas pour constater certaines infractions ; nous y reviendrons.
Cet amendement se trompe cependant de combat : en cherchant à transformer en une obligation la faculté du préfet de procéder à l’évacuation et d’ordonner la destruction des bangas, vous sous-entendez, me semble-t-il, que la responsabilité de la situation actuelle incomberait au représentant de l’État présent sur le territoire. Dois-je rappeler l’opération Wuambushu en 2023, ou les opérations de recasage qui y sont menées régulièrement, et qui devront d’ailleurs se poursuivre ? Nous devons certes renforcer nos moyens d’action et expulser les illégaux, qui vivent notamment dans des habitats informels, mais je ne peux laisser dire que la responsabilité du préfet serait en cause.
Enfin, sur le plan juridique, l’amendement risque d’être considéré comme inconstitutionnel car il prévoit, pour l’autorité administrative, une compétence liée la dotant des pouvoirs de police spéciale, lesquels sont déjà jugés exorbitants par plusieurs d’entre vous ! L’autorité administrative doit disposer d’une marge pour apprécier la proportionnalité de l’exercice de tels pouvoirs de police. En outre, instaurer un principe de destruction systématique et automatique, par les services de l’État, des constructions se situant sur des terrains privés, porterait une atteinte disproportionnée au droit de propriété garanti par la Constitution. Ce que vous me reprochiez, à tort, un peu plus tôt, vous le défendez à présent par cet amendement vraisemblablement inconstitutionnel ! J’émets donc un avis défavorable sur l’amendement et le sous-amendement.
Mme la présidente
La parole est à M. Hervé de Lépinau.
M. Hervé de Lépinau
Nos discussions portent sur la confiance dans la parole de l’État, qu’ont perdue les Mahorais. Nous ne pouvons leur en faire grief puisque les faits leur donnent raison. La problématique actuelle de l’habitat irrégulier est la manifestation la plus criante d’une immigration que l’État ne parvient pas à juguler. Il ne s’agit pas d’une attaque ad personam contre le préfet de Mayotte, mais force est de constater que la puissance publique n’est pas capable de garantir l’étanchéité de ses frontières. Quelle humiliation de constater que cette immigration est organisée par un micro-État voisin qui fait la nique à la France depuis des années ! Que les choses soient claires, monsieur le ministre d’État : tant que vous ne mettrez pas, ès qualités, les moyens nécessaires pour que force reste à la loi sur le territoire de Mayotte, vos annonces ne permettront pas de rétablir la confiance dont les Mahorais ont besoin.
Madame la rapporteure, pour lever toute ambiguïté, votre sous-amendement vise-t-il bien à autoriser des mesures d’expulsion contre les occupants illégaux d’un terrain dont le propriétaire est identifié mais ne s’est pas manifesté ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Oui, absolument.
Mme la présidente
Je mets aux voix le sous-amendement no 330.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 128
Nombre de suffrages exprimés 116
Majorité absolue 59
Pour l’adoption 54
Contre 62
(Le sous-amendement no 330 n’est pas adopté.)
(L’amendement no 299 n’est pas adopté.)
Article 11
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l’amendement no 33.
M. Jean-Hugues Ratenon
L’article 11 prévoit des dérogations à l’obligation de publicité et de mise en concurrence pour la passation des marchés publics dans le cadre de la reconstruction de Mayotte. Bien que ces dérogations visent à accélérer les procédures, elles introduisent une opacité qui pourrait entraver la confiance dans les institutions et augmenter le risque – comprenez-moi bien – de favoritisme ou de corruption.
En vue de concilier la rapidité nécessaire pour effectuer les travaux avec l’exigence de transparence et d’équité, l’amendement vise à réduire à sept jours le délai d’attribution des marchés et à maintenir les règles actuelles de publicité et de mise en concurrence. Garantir une attribution plus transparente des marchés publics permettrait de favoriser les entreprises locales, d’accélérer la reconstruction de Mayotte et de prévenir les dérives potentielles. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
L’amendement a été repoussé lors de la réunion tenue sur le fondement de l’article 88 du règlement. Cette durée de sept jours pourrait se révéler parfaitement inopérante compte tenu du délai nécessaire au recueil des candidatures. Votre dispositif risquerait donc d’évincer les opérateurs économiques locaux, soit le contraire de ce que vous préconisez. Je vous invite à le retirer ; à défaut, j’y serai défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
Même avis.
(L’amendement no 33 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements, nos 236 et 307, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 236.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Il vise à étendre le champ de l’article 11 à l’ensemble des dévastations causées par les évènements climatiques « pendant une période de cinq mois à compter du 13 décembre 2024 ». À l’instar de Dikeledi, d’autres cyclones pourraient survenir durant la saison cyclonique, qui dure jusqu’au mois de mai.
Mme la présidente
La parole est à Mme Anchya Bamana, pour soutenir l’amendement no 307.
Mme Anchya Bamana
Il tend également à faire entrer dans le périmètre de l’article 11 les équipements et bâtiments détruits par Dikeledi les 12 et 13 janvier 2025.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
J’invite ma collègue à retirer son amendement au profit du mien, moins restrictif, car la saison des pluies continue.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
Même avis.
(L’amendement no 307 est retiré.)
(L’amendement no 236 est adopté.)
Mme la présidente
Je constate que le vote est acquis à l’unanimité. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)
Mme la présidente
La parole est à M. Joseph Rivière, pour soutenir l’amendement no 63.
M. Joseph Rivière
Il vise à protéger la production française, alors que la zone de l’océan Indien subit la forte influence des puissances régionales, comme la Chine, l’Inde, et, depuis peu, le Kenya et le Mozambique. Madagascar tente quant à elle de jouer sa partition et de contrer l’influence française. La reconstruction de Mayotte doit servir avant tout les intérêts de la France, puissance continentale européenne certes, mais également, grâce à ses régions ultrapériphériques, puissance maritime.
La France de l’océan Indien, c’est Mayotte et sa grande sœur, La Réunion. Or cette dernière dispose d’une excellente filière du bâtiment et travaux publics (BTP), de carrières de pierres et de cimenteries, mais aussi d’un savoir-faire, de centres de formation et d’une main-d’œuvre qui pourrait suppléer la main-d’œuvre mahoraise ; d’autant que ces entreprises et cette main-d’œuvre sont immédiatement disponibles. L’île dont je suis élu a certes besoin d’importer du fer ou de la tôle mais, avec cet amendement, nos entreprises françaises n’en deviendraient pas moins les intermédiaires obligés des entreprises concurrentes étrangères, ce qui nous garantirait des parts de marché. Nous permettrions ainsi aux entrepreneurs mahorais et réunionnais qui travaillent déjà ensemble de renforcer leur partenariat gagnant-gagnant.
Cette proposition s’inscrit dans la droite ligne de l’article 349 du traité de Lisbonne qui régit les institutions de l’Union européenne et reconnaît nos territoires ultramarins comme des régions ultrapériphériques, dont l’une des spécificités est de connaître un retard dans leur développement. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), dans son arrêt du 15 décembre 2015 dit Mayotte – cela ne s’invente pas – rappelle qu’il est possible de déroger au droit commun pour engager des investissements favorisant le rattrapage économique dans ces territoires.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à M. Hervé de Lépinau.
M. Hervé de Lépinau
Il est dommage que vous donniez de tels avis sur cet amendement qui permettait de rappeler, une fois de plus, que Mayotte est un département français. Nous avons l’occasion de mettre en place un pont aérien et maritime pour permettre l’acheminement de matériaux de construction.
Mme Dominique Voynet
Un pont aérien, je rêve !
M. Hervé de Lépinau
Cet article 11 fournit l’occasion de placer l’innovation au cœur du projet de loi. Lors de l’examen des précédents articles, nous avons insisté sur la nécessité de construire mieux en allant vite. Les technologies le permettent : les imprimantes 3D XXL pourraient ainsi servir des projets de construction intégrant les contraintes environnementales et les risques propres au territoire. À Mayotte, il n’y a pas uniquement un problème de température, pas uniquement des cyclones, mais également un risque sismique. Or il existe à Alès – preuve que la France a du talent – une société spécialisée dans l’habitat préfabriqué en béton cellulaire, lequel peut ensuite être monté très rapidement sur le lieu de livraison. Cette technologie est la plus efficace face aux séismes. Faites jouer la boîte à idées, monsieur le ministre, organisez un concours Lépine pour Mayotte ! Nous devons impérativement privilégier des matériaux provenant de France et d’Europe pour développer des techniques de construction révolutionnaires. Nous savons le faire. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 63.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 104
Nombre de suffrages exprimés 94
Majorité absolue 48
Pour l’adoption 49
Contre 45
(L’amendement no 63 est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
Je suis saisie de quatre amendements, nos 39, 38, 72 et 288, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Raphaël Schellenberger, pour soutenir les amendements nos 39 et 38, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Raphaël Schellenberger
Ils visent à faciliter, dans le cadre de marchés publics, la sous-traitance à des entreprises mahoraises. En fonction de la nature des marchés publics, il sera plus ou moins facile pour des entreprises locales de répondre aux appels d’offres. Il y a fort à parier que, pour certains gros chantiers, ce seront des entreprises nationales qui répondront. Mais si une petite entreprise, notamment dans le bâtiment, n’est pas toujours équipée pour répondre au cahier des charges de certains marchés publics, il demeure possible de recourir massivement aux entreprises locales pour exécuter les travaux. La mesure de facilitation administrative que comporte cet amendement se justifie largement par la nécessité de reconstruire vite et avec des entreprises de l’île, créant de la valeur en son sein et non ailleurs. Tel est l’objet de ces deux amendements, qui sont un peu mieux-disants que l’amendement no 288 du gouvernement. Dans les marchés de bâtiment et travaux publics locaux, de nombreuses tâches d’exécution peuvent être réalisées par des entreprises mahoraises, ce qui permet d’aller un peu au-delà du régime habituel de la sous-traitance. Il est ainsi proposé de porter à 75 %, avec l’amendement no 39, à la rigueur à 65 %, avec l’amendement no 38, l’exécution des marchés publics par des entreprises mahoraises.
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 72.
M. Philippe Gosselin
Son esprit est le même : soutenir les entreprises locales, maintenir autant que possible l’emploi local et le développer. Avant même qu’elle ne soit mise à mal par le cyclone Chido, l’activité privée ne représentait que 23 % du PIB mahorais. Il s’agit de réserver une part significative des marchés publics aux entreprises locales. Le texte prévoit que « jusqu’à un tiers » des marchés soient concernés, ce qui ne signifie pas un tiers : 10 % suffiraient à satisfaire la disposition ainsi rédigée. Il faut aller bien au-delà et, même s’il est toujours difficile de placer le curseur au bon endroit, l’amendement vise à ce qu’« au moins 50 % » du montant des marchés soient réservés. C’est du fifty-fifty, monsieur le ministre, et on empoche la mise ! (Sourires.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d’État, pour soutenir l’amendement no 288.
M. Manuel Valls, ministre d’État
Je tiens d’abord à saluer le travail mené en commission des affaires économiques, qui a permis d’inscrire dans le projet de loi des mesures destinées à favoriser l’accès à la commande publique des entreprises mahoraises. Tous les amendements en discussion vont dans ce sens. Je le répète : il ne doit pas y avoir de reconstruction ni de refondation de Mayotte sans l’association et l’implication du tissu économique local, que le cyclone laisse en très mauvais état. Il faut soutenir l’emploi local, renforcer la résilience des acteurs économiques de l’île et faire en sorte que la reconstruction s’appuie sur les savoir-faire locaux. Le concours Lépine est ouvert à tous mais doit d’abord s’appuyer sur le travail des Mahorais.
Cet amendement du gouvernement n’entend pas remettre en cause la nouvelle rédaction de l’article 11 établie suite à l’adoption en commission d’un amendement de la rapporteure – au contraire. Il vise simplement à clarifier la manière dont les opérateurs locaux peuvent être privilégiés dans l’attribution des marchés publics, afin de mieux associer le tissu économique local dans sa diversité – microentreprises, qui représentent la grande majorité des entreprises mahoraises, PME et artisans. Or les microentreprises ne sont pas mentionnées dans la rédaction actuelle.
Premièrement, pour rendre plus opérationnel l’alinéa 5 de l’article – qui constitue le premier alinéa du III introduit en commission –, l’amendement tend à permettre aux acheteurs de réserver jusqu’à 30 % du montant estimé du marché, plutôt qu’un tiers. Deuxièmement, la mention à la fin de ce même alinéa de la possibilité pour les PME et les artisans de se constituer en groupement est superflue, puisque le code de la commande publique prévoit déjà cette hypothèse. Troisièmement, nous proposons d’inclure dans le III les microentreprises, qui constituent une part très importante du tissu économique mahorais. Le fait qu’elles ne soient pas mentionnées dans les dispositions relatives à la sous-traitance aurait pour effet de leur imposer de recourir à des PME ou à des artisans en tant que sous-traitants. Alors que seuls les plus petits opérateurs devraient être concernés par la mesure, la mention des entreprises en général nuit à la bonne compréhension du périmètre des opérateurs concernés, en laissant entendre que l’ensemble des opérateurs locaux pourraient être concernés, ce qui rendrait le renvoi aux microentreprises et aux PME sans objet. Enfin, le III ne mentionnant pas les artisans à chaque fois que cela est nécessaire, il est proposé d’harmoniser en ce sens sa rédaction.
Mme la présidente
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir les sous-amendements nos 308 et 310 à l’amendement no 288, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Pour aller plus loin que l’amendement du gouvernement, le sous-amendement no 308 tend à supprimer le critère du montant estimé, puisque cette précision ne figure pas dans la loi du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.
Le sous-amendement no 310 vise, quant à lui, à maintenir l’intégrité du dispositif adopté par la commission des affaires économiques dont l’objectif – que nous partageons – est de permettre aux acheteurs publics de réserver jusqu’à un tiers des marchés publics aux opérateurs économiques mahorais. En maintenant la dernière phrase de l’alinéa 5 de l’article, on reconnaît expressément la possibilité aux petites et moyennes entreprises et aux artisans de présenter une offre commune dans le cadre des marchés publics. L’ajout du terme « microentreprises » proposé par le gouvernement n’a pas pour conséquence nécessaire de supprimer cette disposition prévue à l’alinéa 5.
Mme la présidente
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
Je tiens d’abord à souligner, s’agissant de l’amendement no 288 du gouvernement, et pour prolonger les remarques de Mme la rapporteure, que nous avons eu en commission une discussion très riche…
M. Manuel Valls, ministre d’État
Très riche !
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
…qui a permis de retravailler amplement le projet de loi du gouvernement, pour une raison approuvée par l’ensemble des commissaires : faire en sorte que les entreprises locales mahoraises prennent pleinement part à la reconstruction et éviter que des grands groupes et des multinationales en profitent pour gagner des parts de marché à Mayotte. Il convient de favoriser un développement endogène de l’île. Cette idée a abouti à la présente rédaction, équilibrée, de l’article 11, qui se veut cohérente avec le code de la commande publique, même si elle va beaucoup plus loin que ce dernier afin de ne pas décourager la participation des entreprises mahoraises à la reconstruction.
L’amendement du gouvernement pose problème puisqu’il supprime, sans que l’on comprenne pourquoi, un alinéa qui permet aux très petites, petites et moyennes entreprises, les TPE-PME, de se grouper pour présenter une offre commune. D’autre part, l’amendement du gouvernement réduit la possibilité offerte aux communes de se tourner vers les entreprises mahoraises, puisqu’il vise à la limiter non plus à un tiers des marchés, mais à 30 % du montant de l’ensemble des marchés. Cela offrirait beaucoup moins de marge de manœuvre à une commune qui souhaiterait renforcer la participation des entreprises mahoraises à ces appels d’offres.
Par ailleurs, la rédaction proposée par la commission reprend celle figurant à l’article 73 de la loi relative à l’égalité réelle outre-mer, promulguée en 2017 ; cet article modifiait les règles de la commande publique dans les outre-mer à titre expérimental jusqu’en 2022, mais il n’a aujourd’hui plus cours. Il s’agit de le rendre de nouveau effectif à Mayotte, afin de permettre aux entreprises mahoraises de pleinement participer aux marchés publics.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur les amendements en discussion commune ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Avis défavorable aux amendements nos 39 et 38. Avis de sagesse à l’amendement no 72. Avis favorable à l’amendement no 288 sous réserve que soient adoptés mes deux sous-amendements s’y rapportant.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement sur les amendements en discussion commune, ainsi que sur les sous-amendements ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
Le sous-amendement no 308 de Mme la rapporteure supprime une disposition, à mes yeux essentielle, visant à faciliter l’application de la loi par les acheteurs publics. La part du montant estimé du marché est un dispositif habituel en matière de commande publique, qui vise à rendre plus opérationnelle et plus simple la mise en œuvre de cette part réservée. En effet, les acheteurs savent déterminer le montant estimé d’un marché, alors que la détermination d’« un tiers des marchés » est ambiguë, non opérationnelle et source d’insécurité juridique. En effet, s’agit-il d’un tiers des marchés en nombre ou en montant ?
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
C’est en nombre !
M. Manuel Valls, ministre d’État
C’est pour cela que je ne vous ai pas suivie dans votre explication, madame la présidente de la commission – et je vois que vous continuez à en discuter. La précision apportée par le gouvernement lève cette ambiguïté et est inspirée de l’article R. 2171-23 du code de la commande publique, qui fixe à « 20 % du montant prévisionnel » la part réservée aux PME de certains marchés. J’émets donc un avis défavorable sur le sous-amendement no 308.
Je demande le retrait du sous-amendement no 310 et, à défaut, mon avis sera défavorable, car la disposition proposée laisse entendre que seuls les PME et artisans peuvent se grouper alors qu’il faut leur laisser la possibilité, comme le prévoit le code de la commande publique, de se grouper avec une grande entreprise.
Enfin, j’émets un avis défavorable sur les amendements no 39, 38 et 72. Nous visons tous le même objectif, favoriser les entreprises mahoraises.
Mme la présidente
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
M. Manuel Valls, ministre d’État
Soyez plus précise !
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
Je vais l’être, monsieur le ministre ! Mais vous aurez remarqué que pour moi comme pour de nombreux autres députés, il n’y a pas d’ambiguïté. Je précise donc que la formule « jusqu’à un tiers des marchés passés » signifie que jusqu’à un tiers du nombre de marchés peut être réservé aux entreprises mahoraises ; cela permet donc par exemple de réserver à ces entreprises un tiers des plus gros marchés de la commune, alors que l’amendement du gouvernement revient à plafonner cette part réservée à 30 % du montant total des marchés de la commune.
La rédaction retenue par la commission permet donc aux communes, lors de la passation de leurs marchés, de faire davantage participer les entreprises mahoraises qu’avec la rédaction proposée par le gouvernement : avec notre rédaction, une plus grande partie du montant total des marchés pourra être réservée à des entreprises mahoraises. Votre plafond, monsieur le ministre, est plus bas que le nôtre, et contraint davantage les communes.
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Naillet.
M. Philippe Naillet
Le sujet, technique, n’est en effet pas simple. J’irai cependant dans le sens de la présidente Aurélie Trouvé, en rappelant – c’est important – ce que la commission a voté. Elle a adopté un amendement de la rapporteure complétant l’article 11 du projet de loi et tendant à favoriser, sans remettre en cause, dans son principe, le pouvoir d’appréciation des acheteurs publics et des pouvoirs adjudicateurs, l’attribution des marchés publics aux PME et aux artisans qui possédaient leur siège social dans le département à la veille du passage du cyclone Chido. L’amendement visait ainsi à permettre aux acheteurs de leur réserver, comme l’a rappelé la présidente, jusqu’à 30 % du volume du marché en prévoyant l’application d’un plan de sous-traitance.
M. Manuel Valls, ministre d’État
On ne va pas passer la nuit là-dessus !
(Les amendements nos 39 et 38, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 72.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 114
Nombre de suffrages exprimés 70
Majorité absolue 36
Pour l’adoption 30
Contre 40
(L’amendement no 72 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix le sous-amendement no 308.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 121
Nombre de suffrages exprimés 110
Majorité absolue 56
Pour l’adoption 57
Contre 53
(Le sous-amendement no 308 est adopté.)
(Le sous-amendement no 310, mis aux voix, est adopté.)
(L’amendement no 288, sous-amendé, est adopté ; en conséquence, les amendements nos 249 et 253 tombent.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Pierre Vigier, pour soutenir l’amendement no 245.
M. Jean-Pierre Vigier
Afin d’assurer véritablement l’inclusion des petites entreprises et des artisans locaux dans la reconstruction de Mayotte, cet amendement vise à obliger les pouvoirs adjudicateurs à faire appel à des entreprises locales pour 30 % des marchés publics qu’ils passent.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Demande de retrait, avis défavorable sinon : cet amendement tend à transformer en obligation la faculté de nos acheteurs publics d’accorder aux opérateurs économiques une part préférentielle. Il tend ainsi à modifier la rédaction de l’alinéa 5 de l’article 11 que nous venons de voter.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
Même avis.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 245.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 118
Nombre de suffrages exprimés 100
Majorité absolue 51
Pour l’adoption 53
Contre 47
(L’amendement no 245 est adopté.)
Mme la présidente
L’amendement no 153 rectifié de Mme la rapporteure est rédactionnel.
(L’amendement no 153 rectifié, accepté par le gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 186 et 248.
La parole est à Mme Justine Gruet, pour soutenir l’amendement no 186.
Mme Justine Gruet
Il vise à garantir la sollicitation prioritaire des entreprises artisanales en ayant recours à des petites et moyennes entreprises pour la reconstruction de Mayotte, à hauteur de 30 % du montant prévisionnel des travaux. Le tissu local des TPE du bâtiment doit impérativement être soutenu dans l’objectif d’un développement économique pérenne de Mayotte.
C’est un amendement de bon sens pour le tissu local et dont la logique devrait également être appliquée en métropole !
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Pierre Vigier, pour soutenir l’amendement no 248.
M. Jean-Pierre Vigier
Il a pour objet de garantir la sollicitation des entreprises artisanales mahoraises du bâtiment à hauteur de 30 % du montant prévisionnel des travaux prévus pour la reconstruction de l’île à l’article 11 de la loi.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Ces amendements me semblent satisfaits, et je vous invite à les retirer.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
Même avis.
(Les amendements identiques nos 186 et 248 sont retirés.)
Mme la présidente
L’amendement no 247 de M. Jean-Pierre Vigier est défendu.
(L’amendement no 247, repoussé par la commission et le gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 73.
M. Philippe Gosselin
Cet amendement est, dans son esprit, similaire à celui de l’amendement no 72 qui a été rejeté tout à l’heure à quelques voix près. Il est important, dans une situation particulièrement difficile et dans un territoire où le secteur privé était déjà relativement faible, de témoigner de notre soutien à l’économie locale et à l’emploi local. Il s’agit donc de faire passer le taux du privé de 30 % à 50 % des parts du marché pour les entreprises locales.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Je partage votre objectif de favoriser le secteur privé à Mayotte, mais votre proposition pourrait être jugée disproportionnée au regard du cadre constitutionnel et du cadre européen. Je vous invite donc à retirer votre amendement – avis défavorable à défaut.
(L’amendement no 73, repoussé par le gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Frantz Gumbs, pour soutenir l’amendement no 198.
M. Frantz Gumbs
Il existe une demande forte et légitime, que les Mahorais font entendre à travers leurs élus et leurs entreprises, pour que la reconstruction soit réalisée par le tissu économique local et puisse lui profiter en tout premier lieu.
Mais mon expérience m’a appris qu’il est difficile de faire à la fois vite et bien dans les limites du marché local, compte tenu du grand nombre de chantiers à réaliser dans un temps contraint. Mon amendement vise à permettre et à favoriser, si et seulement si le tissu local ne peut pas répondre à la demande, une certaine solidarité entre les territoires d’outre-mer, en particulier entre ceux qui ont tiré des catastrophes naturelles une expertise ad hoc. Son objectif est de remédier à d’éventuelles insuffisances structurelles ou conjoncturelles, notamment face à l’ampleur des travaux.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Nous sommes tous d’accord pour essayer de protéger les entreprises mahoraises mais vous proposez, cher collègue, un développement qui, pour ultramarin qu’il soit, demeure exogène. Il me semble que cela ne peut s’accorder. Vous le savez, car nous avons eu cette discussion en commission : avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
J’irai dans le même sens que Mme la rapporteure. Si je comprends parfaitement, monsieur le député, votre intention de conforter la solidarité ultramarine, la mesure que vous proposez risque de porter atteinte au principe de la liberté d’accès à la commande publique et à celui de l’égalité de traitement des candidats. Elle ferait, de plus, peser sur les acheteurs une charge administrative trop lourde, ces derniers devant s’assurer que les entreprises candidates sont bien domiciliées fiscalement dans les territoires en question et qu’elles y ont leur siège – ils devraient également analyser leur participation à des marchés antérieurs spécifiques. Elle irait enfin peut-être à l’encontre, comme l’a dit Mme la rapporteure, de ce sur quoi nous nous sommes mis d’accord à l’instant.
Tous ceux qui ont participé avec courage et célérité à la reconstruction de Saint-Martin ont vocation à être écoutés et à participer, mais il ne convient pas de l’inscrire dans la loi. Je vous demande donc de retirer cet amendement – avis défavorable à défaut.
J’aurai bientôt l’occasion de voir, quand je me rendrai à Saint-Martin pour l’installation d’un préfet à part entière, selon ce qui a été décidé en conseil des ministres, comment cette reconstruction, encore en cours, s’accomplit. Il faudra en retirer les fruits et toute l’expérience possible ; mais ne le faisons pas figurer dans la loi.
Mme la présidente
La parole est à M. Frantz Gumbs.
M. Frantz Gumbs
Loin de moi l’intention d’empêcher que Mayotte ne soit favorisée dans cette entreprise de reconstruction. Je ne cherche qu’à créer le concept de solidarité ultramarine. Mais je comprends l’argument de M. le ministre quand il me parle de non-respect de dispositions légales et, par conséquent, je retire l’amendement.
(L’amendement no 198 est retiré.)
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 75.
M. Philippe Gosselin
Ce sujet correspond également à une demande des élus locaux de Mayotte : il s’agit d’assurer la transparence des marchés publics. La formulation proposée par cet amendement permettrait d’éviter toute suspicion. Publicité, transparence : tout cela irait dans le sens d’une plus grande responsabilité.
(L’amendement no 75, accepté par la commission, repoussé par le gouvernement, est adopté.)
(L’article 11, amendé, est adopté.)
Article 12
Mme la présidente
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 157, qui vise à rétablir l’article 12.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Il tend à transposer les dérogations aux principes de la commande publique admis par le droit commun des marchés publics pour les temps plus ordinaires, en consacrant la faculté d’attribuer une part préférentielle aux entreprises et aux artisans possédant leur siège social dans le département dans l’attribution des marchés non allotis autorisée par l’article 12 du projet de loi.
Il prévoit également l’établissement d’un plan de sous-traitance pour les soumissionnaires qui ne possèdent pas la qualité de PME ou d’artisan.
Enfin, il tend à obliger les lauréats à confier une partie de l’exécution des contrats à des entreprises, PME ou artisans mahorais, sauf impossibilité tenant à la structure du secteur économique concerné.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
Nous avons eu le même débat en commission, et le gouvernement s’en était remis à la sagesse de votre assemblée.
Vous voulez réécrire l’article. Nous sommes d’accord sur un point : il ne faut pas envoyer un mauvais signal aux petites entreprises locales. Pourriez-vous le préciser ? Le gouvernement pourra alors émettre un avis favorable à votre amendement.
Mme la présidente
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Bien entendu, nous partageons le même objectif : permettre aux entreprises mahoraises de travailler au mieux. Et cette réécriture envoie un signal positif.
Mme la présidente
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet
J’avoue que je commence à être inquiète. En commission, nous avons longuement débattu des moyens de faciliter la participation des entreprises locales à la reconstruction, sans être certains qu’elles pourraient assumer de très nombreux chantiers simultanément, d’autant que des corps de métier très différents sont concernés.
À l’article précédent, nous sommes d’abord passés d’au moins un tiers des marchés – en nombre ou en valeur, on ne sait plus très bien – à 50 %, avant de remplacer « peuvent » par « doivent ». Mais comment concrétiser l’engagement de l’article 11 ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
Il fallait se poser la question avant !
Mme Dominique Voynet
Par ailleurs, l’article 12, supprimé par la commission à l’issue d’un long débat, revient en séance sans être assorti de garanties supplémentaires. Qu’en est-il de la sous-traitance en cascade ? Les chantiers mahorais peuvent-ils se passer d’une main-d’œuvre dont beaucoup, sur ces bancs, nous disent qu’on devrait la renvoyer chez elle ? En conséquence, nous ne voterons pas pour le rétablissement de l’article 12. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
Mme la rapporteure revient sur la suppression de l’article 12 actée en commission en indiquant apporter des garanties, suite à nos débats en commission.
Il ne s’agit pas ici d’apprécier si la nouvelle rédaction apporte, ou non, suffisamment de garanties, mais de rappeler les raisons qui ont présidé à la suppression de cet article dérogeant aux règles d’allotissement.
Vous le savez tous, en matière de marchés publics, ces règles visent à favoriser les TPE-PME, les lots étant plus petits. Elles permettent également d’éviter les situations de sous-traitance en cascade – une grande entreprise affectataire d’un gros lot sous-traitant en cascade des commandes ou des travaux plus petits. Enfin, l’allotissement est favorable à la transparence et à l’équité.
Nos inquiétudes étaient liées à la présence de trop nombreuses dérogations dans la rédaction initiale de cet article. C’est pourquoi, la semaine dernière en commission, nous avons voté sa suppression, sans préjuger de la qualité des garanties apportées par l’amendement de Mme la rapporteure, que la commission a d’ailleurs accepté au titre de l’article 88.
Mme la présidente
La parole est à M. Raphaël Schellenberger. Chers collègues, n’hésitez pas à signaler en amont que vous souhaitez prendre la parole.
M. Raphaël Schellenberger
Je me suis signalé, madame la présidente, mais vous étiez occupée à lire des informations sur votre téléphone portable. (Exclamations sur différents bancs.)
Mme Michèle Martinez
Eh oui !
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
C’est audacieux de s’attaquer à la présidence !
M. Raphaël Schellenberger
Je ne remets pas la présidence en cause, je signale des faits.
Mme Michèle Martinez
Eh oui, c’est un fait !
Mme la présidente
Il n’y a pas de souci. Poursuivez, monsieur Schellenberger.
M. Raphaël Schellenberger
Je suis mal à l’aise avec la confusion que Mme Voynet introduit dans le débat en confondant volontairement main-d’œuvre et entreprises. Nous nous éloignons clairement de l’enjeu de la reconstruction de Mayotte.
Les entreprises sont l’outil juridique de création de la valeur ajoutée, puis de sa distribution sur le territoire. Ensuite, ces entreprises font appel à de la main-d’œuvre.
Le raisonnement biaisé de Mme Voynet confond deux notions – la main-d’œuvre et l’entreprise – pour construire un discours visant à justifier le travail illégal, ou le travail au noir. Ce n’est absolument pas l’intention de nos discussions. Bien au contraire, il s’agit de favoriser la captation et le maintien de la valeur de la reconstruction de Mayotte sur l’île, pour aujourd’hui et pour demain.
(L’amendement no 157 est adopté ; en conséquence, l’article 12 est ainsi rétabli.)
Article 13
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d’État, pour soutenir l’amendement no 289, qui fait l’objet d’un sous-amendement no 311.
M. Manuel Valls, ministre d’État
Ma démonstration sera similaire à celle de l’article 11. Le II du présent article permet aux acheteurs de réserver une part des marchés globaux portant sur la conception, la construction ou l’aménagement des équipements publics et bâtiments affectés par le cyclone Chido aux opérateurs mahorais.
Néanmoins, ces marchés globaux sont par nature complexes et difficilement exécutables par les petites et moyennes entreprises ou les artisans. Leur réserver l’attribution d’une part de ces marchés pourrait remettre en cause l’objectif de rapidité et d’efficacité de la reconstruction et risquerait de fragiliser ces entreprises si elles se voyaient confier un tel contrat, dont le pilotage est complexe.
Nous ne pouvons ignorer la réalité du monde économique mahorais. C’est pourquoi le gouvernement propose la suppression du premier alinéa du II.
S’agissant de la part de sous-traitance réservée, le présent article mentionne à plusieurs reprises les entreprises, les petites et moyennes entreprises et les artisans, sans jamais viser les microentreprises. Or elles constituent une part très importante du tissu économique mahorais, et il serait opportun qu’elles bénéficient du dispositif. En outre, ne pas les mentionner dans les dispositions relatives à la sous-traitance aurait pour effet de leur imposer de recourir à des PME ou à des artisans en tant que sous-traitants, ce qui ne serait pas une bonne chose.
Enfin, cet article ne mentionne pas les artisans à chaque fois que c’est nécessaire.
Avec votre permission, madame la présidente, je donnerai également mon avis sur le sous-amendement de Mme la rapporteure, qui rétablit la faculté offerte aux acheteurs de réserver un tiers des marchés globaux à des PME mahoraises. Pour des raisons similaires à celles évoquées lors de nos discussions sur mon précédent amendement, la modification que le gouvernement propose formant un tout, je suis défavorable à ce sous-amendement.
Mme la présidente
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir le sous-amendement no 311 et donner l’avis de la commission sur l’amendement no 289.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Quelle audace, monsieur le ministre ! (Sourires)
En ce qui me concerne, par cohérence également, je suis favorable à votre amendement, sous réserve de l’adoption de mon sous-amendement.
La commission a repoussé cet amendement lors de sa réunion en application de l’article 88. Si la mention expresse des microentreprises est conforme à l’objectif poursuivi par le texte de la commission des affaires économiques, la suppression de la part préférentielle accordée aux entreprises et artisans mahorais dénature et réduit la portée du dispositif adopté par notre commission.
La complexité des marchés de conception-réalisation ne constitue pas un obstacle de nature à disqualifier par principe cette mesure.
En outre, l’article 73 de la loi du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer n’établit aucune distinction entre les marchés.
Enfin, le premier alinéa du II du présent article accorde une faculté, ce qui ménage la capacité d’appréciation des acheteurs publics.
C’est pourquoi la commission a émis un avis favorable à mon sous-amendement no 311, qui tend à supprimer le premier alinéa de l’amendement afin de ménager le pouvoir d’appréciation des acheteurs publics, en autorisant l’attribution d’une part réservataire, proportionnée et non susceptible de remettre en cause l’efficacité de la commande publique.
Mme la présidente
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
À nouveau, le gouvernement propose de supprimer une disposition pourtant votée par la commission, qui vise à faire en sorte que les entreprises mahoraises soient pleinement partie prenante de la reconstruction.
La commission des affaires économiques s’est attelée à corriger la version initiale du projet de loi proposée par le gouvernement afin que les grands groupes ne s’accaparent pas les parts de marché de la reconstruction de Mayotte.
Et vous revenez dans l’hémicycle pour faire tomber des dispositions pourtant adoptées par la majorité de la commission, en soutien aux entreprises mahoraises. Il y a un problème !
M. Manuel Valls, ministre d’État
Non !
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
Pourquoi remettez-vous régulièrement en cause les dispositions adoptées par notre commission visant à s’appuyer sur les entreprises mahoraises pour reconstruire l’île ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d’État.
M. Manuel Valls, ministre d’État
Je ne suis pas d’accord avec vous. Il s’agit d’être cohérent avec mon précédent amendement.
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
Ça, c’est sûr !
M. Manuel Valls, ministre d’État
Oui, je suis cohérent avec moi-même.
Vous évoquez une « correction » du projet de loi initial. Le terme ne me semble pas approprié.
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
Parlons d’amendements, alors !
M. Manuel Valls, ministre d’État
Nous avons discuté en commission, et nous discutons également dans l’hémicycle. Si les parlementaires ont le droit d’amender, c’est aussi un droit du gouvernement.
M. Erwan Balanant
C’est leur vision de la démocratie…
M. Manuel Valls, ministre d’État
Les uns et les autres, nous essayons d’avancer sur des sujets complexes, et d’améliorer le texte.
Il s’agit bien de favoriser les petites et moyennes entreprises, y compris les microentreprises. Vous ne m’entendez pas – ou vous ne voulez pas m’entendre – quand je parle de microentreprises. Mais ne m’intentez pas de faux procès, je ne vise pas les grands groupes.
J’y insiste, il s’agit d’être le plus efficace possible pour le tissu économique mahorais, pour les PME, les artisans et les microentreprises. Cela dit, et vous connaissez parfaitement l’état du tissu économique de l’île, les grands groupes sont déjà présents par le biais de filiales. Ne nous racontons pas d’histoire, et n’engagez pas de faux débats.
Enfin, ne vous inquiétez pas, l’Assemblée nationale choisira.
M. Erwan Balanant
Dans sa sagesse !
M. Manuel Valls, ministre d’État
Toujours !
Mme la présidente
La parole est à M. Raphaël Schellenberger.
M. Raphaël Schellenberger
Il faut mobiliser l’effet levier en faveur du tissu économique local. Bien sûr, les grands groupes seront présents pour la reconstruction – c’est nécessaire, car les besoins sont bien supérieurs aux moyens disponibles.
Mais quelle est l’utilité de cette présence pour l’avenir sur l’île ? Et comment l’utiliser pour structurer de façon durable le tissu économique local, afin qu’il rebondisse ensuite ?
C’est la raison pour laquelle il faut favoriser les entreprises locales : c’est une façon de les embarquer dans la structuration de la chaîne de valeur d’aujourd’hui, mais aussi de demain.
Affirmer qu’il faut privilégier les entreprises mahoraises, ce n’est pas rejeter les grands groupes. C’est leur demander de rester sur l’île, et faire en sorte que la valeur ajoutée qu’ils créent y reste aussi !
L’intérêt des marchés publics, c’est aussi de favoriser l’émergence d’entreprises locales, de les soutenir et d’aider à leur structuration afin qu’ensuite, elles fassent vivre le tissu économique local.
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier
Je voudrais d’abord m’adresser à la présidente de la commission. Certes, il est important qu’un débat ait lieu en commission : ce débat, parfois animé, peut permettre d’enrichir la copie gouvernementale. Mais ne privez pas l’hémicycle de la possibilité d’analyser et de débattre – c’est crucial pour le fonctionnement de notre démocratie.
M. Manuel Valls, ministre d’État
Exactement !
M. Philippe Vigier
Cela étant, je rejoins ce que vient de dire notre collègue Raphaël Schellenberger et je soutiens le sous-amendement de la rapporteure Estelle Youssouffa. Ce qui est en jeu ici, c’est la structuration de l’activité économique mahoraise. L’amendement de M. le ministre présente un avantage par rapport aux autres : en évoquant les microentreprises et les artisans, il descend jusqu’à la plus fine des mailles. Les grands groupes seront impliqués quoi qu’il arrive. L’essentiel, c’est qu’ils contribuent à faire émerger des compétences et à créer des réseaux d’entreprises. Nous pouvons certes nous faire plaisir à bon compte, mais nous n’arriverons pas à reconstruire dans les délais impartis si l’organisation est défaillante. Je vous le dis avec beaucoup de gravité : je soutiendrai l’introduction par Estelle Youssouffa de la notion de préférence ainsi que la proposition de M. le ministre, qui permet de s’appuyer sur les compétences locales. Adopter l’amendement gouvernemental sous-amendé par la rapporteure relève donc de l’évidence.
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Naillet.
M. Philippe Naillet
Il est effectivement normal que nous débattions en séance après avoir fait de même en commission. Je crains cependant que nous nous répétions. Je rappelle le sens de ce que nous avons adopté et corrigé lors de nos travaux en commission : nous souhaitions « favoriser, sans remettre en cause dans son principe le pouvoir d’appréciation des acheteurs publics et des pouvoirs adjudicateurs, » – c’est important – « l’attribution de marchés publics aux petites et moyennes entreprises et aux artisans qui possédaient leur siège social dans le département à la veille du cyclone ».
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
Même si je ne suis pas d’accord avec tout ce qu’elle a dit, Mme Voynet a rappelé qu’à l’article 11, une possibilité a été transformée en obligation, et un seuil de 30 % a été porté à 50 %. C’est lié au débat qui nous occupe actuellement. Certains orateurs doutent que le tissu économique local puisse faire face seul à la reconstruction, en raison de la technicité et des délais impartis. Cela me semble contradictoire avec ce qui a été voté précédemment – point que soulevait Mme Voynet. Pour la bonne compréhension de tous, le gouvernement pourrait-il nous dire comment il envisage la coordination entre l’article 13 et les amendements adoptés à l’article 11, notamment celui de M. Philippe Vigier ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
L’amendement du gouvernement tendrait à supprimer ce qui avait été ajouté par un amendement adopté en commission : « les pouvoirs adjudicateurs, les entités adjudicatrices et les acheteurs publics peuvent réserver jusqu’à un tiers des marchés passés […] aux entreprises, aux petites et moyennes entreprises ». Nous souhaitions offrir la possibilité d’associer concrètement les entreprises mahoraises, notamment les plus petites, à la reconstruction. Le sous-amendement de Mme la rapporteure permet de revenir à l’esprit de ce qui avait été adopté en commission. De ce fait, la commission est favorable à ce sous-amendement.
M. Philippe Vigier
Très bien, nous sommes d’accord !
(Le sous-amendement no 311 est adopté.)
(L’amendement no 289, sous-amendé, est adopté.)
Mme la présidente
L’amendement no 158 rectifié de Mme la rapporteure est rédactionnel.
(L’amendement no 158 rectifié, accepté par le gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir les amendements nos 270 et 287, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Philippe Gosselin
Ils visent le même objectif – améliorer l’emploi local et maintenir autant que possible le tissu économique. L’alinéa 5 de l’article évoque un taux de 30 % – tout à l’heure, il était question d’un tiers. Nous proposons de porter ce taux soit à 50 % au minimum – c’est l’amendement no 287 –, soit à 50 % – c’est l’amendement de repli no 270. L’idée est là encore de respecter le principe du fifty-fifty, pour le dire en mauvais français.
Mme la présidente
Sur l’article 13, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Vous le savez, votre proposition tend à contrevenir au code de la commande publique. En outre, nous atteindrions les limites du tissu économique local. Par conséquent, ce rehaussement des taux me semble contre-productif. Je vous demanderai donc de retirer vos amendements, faute de quoi je donnerai un avis défavorable, à contrecœur.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Gosselin.
M. Philippe Gosselin
Pour reprendre les mots d’un autre, prononcés avec un accent plus méridional que le mien, je m’en voudrais de vous fendre le cœur, madame la rapporteure ! (Sourires.) Je retire donc mes amendements.
(Les amendements nos 270 et 287 sont retirés.)
Mme la présidente
Sur l’amendement no 34, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je mets aux voix l’article 13, tel qu’il a été amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 146
Nombre de suffrages exprimés 146
Majorité absolue 74
Pour l’adoption 146
Contre 0
(L’article 13, amendé, est adopté.)
Après l’article 13
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Nosbé, pour soutenir l’amendement no 34 portant article additionnel après l’article 13.
Mme Sandrine Nosbé
Il relève également d’une volonté de développer l’économie locale. Nous proposons qu’une part des marchés publics de travaux nécessaires à la reconstruction ou à la réfection des équipements publics et des bâtiments affectés par le cyclone Chido soit réservée à des PME ou à des artisans locaux.
Le taux de chômage mahorais, qui s’établit à 37 %, est le plus élevé de France, le PIB par habitant – 10 600 euros – le plus bas ; le taux de pauvreté y atteint 77 %. Il est fondamental que l’activité économique liée à la reconstruction, notamment celle créée par les marchés publics, profite directement à l’économie mahoraise, à ses PME et à ses artisans.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Cet amendement étant satisfait, je vous invite à le retirer.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
Même avis.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 34.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 152
Nombre de suffrages exprimés 147
Majorité absolue 74
Pour l’adoption 122
Contre 25
(L’amendement no 34 est adopté.)
(M. Aurélien Le Coq applaudit.)
Article 13 bis
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 170 et 182, tendant à supprimer l’article 13 bis.
La parole est à Mme Marie Lebec, pour soutenir l’amendement no 170.
Mme Marie Lebec
L’article 13 bis a été introduit en commission. L’intention de départ est louable : il s’agissait de mieux contrôler la sous-traitance, notamment en évitant la sous-traitance en cascade. Néanmoins, il présente des inconvénients…
Mme la présidente
Chers collègues, veuillez écouter l’oratrice !
Mme Marie Lebec
Même sur des chantiers ne présentant pas de difficultés particulières, à la différence de la situation mahoraise qui exige une reconstruction rapide, le recours à deux ou trois rangs de sous-traitance est très fréquent. Prenons un exemple concret : une entreprise générale du bâtiment peut sous-traiter des lots architecturaux à une entreprise d’aménagement intérieur, laquelle peut sous-traiter la peinture à une entreprise spécialisée.
L’article 13 bis obligerait donc les entreprises à repenser en profondeur leur organisation. Par ailleurs, les marchés publics étant souvent attribués à de grands groupes, une telle limitation de la sous-traitance risque de fermer la porte de ces marchés à des entreprises mahoraises de plus petite taille. C’est pour ces raisons que nous proposons de supprimer l’article 13 bis.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d’État, pour soutenir l’amendement no 182.
M. Manuel Valls, ministre d’État
L’amendement no 182 du gouvernement est identique à celui que Mme Lebec a parfaitement présenté à l’instant.
Mme la présidente
Sur les articles 13 bis et 13 ter, je suis saisie par le groupe Rassemblement national de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Favorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Matthias Tavel.
M. Matthias Tavel
Pour rester cohérents avec ce que nous avons voté en commission, nous proposons de rejeter ces deux amendements de suppression. Il s’agit de défendre le principe de limitation du nombre de sous-traitants autorisés dans les procédures de reconstruction à Mayotte.
Le texte issu de la commission prévoit déjà une possibilité de sous-traitance, encadrée, selon qu’il y a ou non allotissement du marché. La responsabilité des pouvoirs adjudicateurs est donc importante, y compris dans la définition de ces lots. Il faut faire en sorte que les entreprises locales puissent répondre aux appels d’offres, ce que nous souhaitons tous.
Pourquoi souhaitons-nous limiter la sous-traitance ? La valeur doit rester autant que possible sur place pour faciliter la reconstruction de Mayotte et encourager un développement endogène ; la sous-traitance ne doit pas contribuer à la dispersion de cette valeur.
Par ailleurs, la multiplication des sous-traitants favorise la construction de logements de moindre qualité. Nous avons été interpellés sur ce sujet, y compris par des petits artisans du bâtiment qui relaient des demandes d’encadrement de la sous-traitance.
Enfin, l’intensification de la sous-traitance repose sur le dumping social et la politique du moins-disant. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Antoine Léaument
Exactement !
M. Matthias Tavel
Ce faisant, elle pose des risques pour la santé et la sécurité des salariés, qui ne doivent pas être les grands oubliés de la reconstruction de Mayotte. Des pressions importantes s’exercent : en décembre, un employeur a proposé de porter la durée légale de la journée de travail à quatorze heures – en l’espèce, il ne s’agissait pas du tout d’un petit sous-traitant. Il ne faut pas mettre le doigt dans un engrenage qui pourrait conduire à fragiliser davantage les salariés et les petites entreprises locales. Restons raisonnables, encadrons la sous-traitance et évitons la sous-traitance en cascade ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Gosselin.
M. Philippe Gosselin
Une fois n’est pas coutume, je reprendrai volontiers à mon compte une partie des arguments des collègues. (« Bravo ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) La sous-traitance ne pose pas de problème en soi – elle est même souvent nécessaire et fait partie de la vie économique.
Par contre, la sous-traitance en cascade finit par déresponsabiliser : on ne sait plus qui a été le vrai donneur d’ordre, les risques de contentieux se multiplient, on ne sait plus comment appliquer la garantie décennale, et j’en passe. En outre, elle n’est pas très créatrice de valeur.
M. Frédéric Maillot
Ça s’appelle le ruissellement !
M. Philippe Gosselin
Celui qui a signé le marché s’y retrouve, et tant mieux car je ne vois pas d’inconvénient à ce qu’on gagne de l’argent.
M. Antoine Léaument
Vous êtes de droite !
M. Philippe Gosselin
Je le dis pour nos collègues de gauche, même si je reprends ici une partie de leur argumentation. Mais, à force d’être pressé comme un citron, de celui qui se trouve au bout de la chaîne, il ne reste pas grand-chose. Il y a donc vraiment des risques à aller trop loin dans la sous-traitance. C’est pourquoi l’article 13 bis, tel qu’il était rédigé, me semblait plutôt convenable. S’il fallait le modifier, le Sénat pourrait toujours s’y employer ; pour l’heure, il est urgent de le conserver. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet
Sans vouloir faire durer la discussion, je rappellerai que l’article 13 bis prévoit déjà une possibilité de sous-traitance au troisième rang pour les marchés non allotis. Les problèmes de coordination du travail, de dumping social, bien décrits par notre collègue du groupe LFI, sont à prendre en considération de façon très sérieuse. Je vais citer une anecdote dont j’espère qu’elle ne sera pas considérée comme dévalorisante pour Mayotte. Dans plusieurs lieux, les chefs d’entreprise ou même des particuliers peuvent trouver de la force de travail pas chère, pas embêtante : c’est le cas à Koungou, à Kawéni, à Tsoundzou, autant de lieux où se regroupent des personnes à la recherche de travail… Il faut s’efforcer d’éviter cela et donc maintenir l’article.
Mme la présidente
La parole est à M. Raphaël Schellenberger.
M. Raphaël Schellenberger
On organise de nouveau la confusion concernant la sous-traitance. Il y a d’un côté des relations commerciales contractuelles dans un cadre légal et, de l’autre, le recours au travail au noir qui, quel que soit le rang de sous-traitance considéré, relève de l’illégalité.
M. Philippe Gosselin
Nous sommes bien d’accord.
M. Raphaël Schellenberger
Il ne faut donc pas confondre travail illégal et sous-traitance. Cette dernière sera indispensable à la reconstruction de l’île. En effet, les chantiers vont se multiplier et tout sera prioritaire… La sous-traitance permet une certaine agilité dans la manière de répondre à la nécessité de reconstruire vite : les compétences seront en effet limitées, en particulier si on a recours à celles présentes sur l’île. Il faut donc favoriser la souplesse pour utiliser le plus de compétences dans les différents secteurs.
M. Manuel Valls, ministre d’État
Comme pour les centrales nucléaires dans la Manche.
M. Raphaël Schellenberger
Nous ne devons donc surtout pas réduire la possibilité de recourir à la sous-traitance. Dans le même temps, restons très vigilants sur la légalité des opérations, sur le respect du droit du travail auquel nous sommes tous attachés.
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Naillet.
M. Philippe Naillet
Limiter la sous-traitance en cascade, ce n’est pas nous qui le réclamons, ce sont les professionnels, les artisans à Mayotte. (Mme Dominique Voynet et M. Gérard Leseul applaudissent.) Ils disent eux-mêmes qu’il n’y a rien de vertueux dans cette pratique, ainsi que notre collègue Tavel l’a très bien rappelé. Or nous avons tous estimé qu’il fallait voir Mayotte différemment, y réfléchir en fonction d’un nouveau paradigme.
En ajoutant l’article 13 bis, la commission a simplement limité, comme le demandent les professionnels du BTP et dans l’intérêt des maîtres d’ouvrage, la sous-traitance au second rang pour les marchés passés en lots séparés et au troisième rang pour les marchés non allotis.
Mme la présidente
La parole est à M. Hervé de Lépinau.
M. Hervé de Lépinau
Nous avons abordé cet article sous l’angle du droit du travail, mais un autre aspect doit également être pris en considération : le prix. On sait que dès lors qu’on a recours à la sous-traitance en cascade, chaque entreprise, à chaque rang, va prendre sa part dans la chaîne de valeur. Si nous voulons maîtriser les coûts de la reconstruction, il semble dangereux de permettre une cascade illimitée puisque, in fine, le marché va grossir. Or l’article 13 bis a une vertu concernant le prix. C’est pourquoi il nous paraît important de le maintenir.
Mme la présidente
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
Je suis d’accord avec les arguments qui ont prévalu en commission à une très grande majorité en faveur de l’adjonction de l’article qui limite la sous-traitance au second rang pour les marchés allotis et au troisième rang pour les marchés non allotis. Parmi ces arguments, je retiens celui de la déresponsabilisation au fur et à mesure qu’on avance dans la sous-traitance, qu’il s’agisse des conditions de travail ou des rémunérations ; et celui concernant les TPE-PME – plus vaste est la sous-traitance en cascade, plus grandes sont les chances de voir un grand groupe prendre le marché.
Mme la présidente
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Je souhaite répondre à une série de remarques qui sont faites depuis le début de la discussion, remarques qu’on a déjà entendues en commission. Systématiquement, on trouve toujours le moyen d’accabler les Mahorais. J’irai droit au but.
Sur la question migratoire, certains ici considèrent que les Mahorais ont toujours tort. Soit ils accueillent et ils ont tort, parce qu’ils exploitent ; soit ils n’accueillent pas et sont de gros racistes, des xénophobes dépourvus d’humanité. Il y en a ras le bol, de ce discours ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR. – Mmes Justine Gruet et Christelle Petex applaudissent également.) C’est insupportable parce que c’est permanent.
Il est clair que la protection de la frontière est une compétence régalienne. Les Mahorais ne sont pas à la manœuvre dans le trafic humain : ce sont les Comores qui le revendiquent, qui l’organisent. Donc, je le répète, il y en a ras le bol ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR. – Mme Justine Gruet applaudit également.) Je ne supporte plus d’entendre ce discours qui assaisonne chaque prise de parole pour expliquer que les Mahorais ont toujours tort.
M. Alexis Corbière
Vous serait-il possible de faire preuve d’un peu de nuance ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Notre seul tort, au fond, c’est que nous sommes chez nous et que nous essayons de nous défendre. C’est insupportable ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR. – M. Philippe Gosselin applaudit également.)
Je sais très bien quelle sera votre défense. Je n’ai jamais dit que nous étions des anges, que nous étions parfaits. Mais cette manière de toujours présenter les personnes en victimes sauf les Mahorais qui auraient tous les torts, je dis non ! C’est en effet constant dans les interventions en commission et maintenant en séance. C’est un travail de dénigrement, de diffamation, de démolition qui, je le répète, est insupportable ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT, RN, EPR, DR, Dem, HOR et UDR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Alexis Corbière
Toujours la même tactique : l’insulte permanente !
(Les amendements identiques nos 170 et 182 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 254 et 265.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 254.
M. Philippe Gosselin
Il s’agit ici non pas d’interdire l’allotissement des marchés, mais de le limiter. Nous en avons déjà discuté. Dans l’esprit de l’article 13 bis, l’amendement vise donc à ajuster la sous-traitance.
Mme la présidente
L’amendement no 265 de M. Jean-Pierre Vigier est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
Même avis.
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 254 et 265.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 188
Nombre de suffrages exprimés 188
Majorité absolue 95
Pour l’adoption 114
Contre 74
(Les amendements identiques nos 254 et 265 sont adoptés.)
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’article 13 bis, tel qu’il a été amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 190
Nombre de suffrages exprimés 188
Majorité absolue 95
Pour l’adoption 169
Contre 19
(L’article 13 bis, amendé, est adopté.)
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante, est reprise à dix-huit heures cinquante.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
Article 13 ter
Mme la présidente
Je mets aux voix l’article 13 ter.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 119
Nombre de suffrages exprimés 119
Majorité absolue 60
Pour l’adoption 119
Contre 0
(L’article 13 ter est adopté.)
(La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.)
Article 14
Mme la présidente
Les amendements identiques nos 162 de Mme Estelle Youssouffa, rapporteure, et 280 de M. Philippe Naillet, de coordination, sont défendus.
(Les amendements identiques nos 162 et 280, acceptés par le gouvernement, sont adoptés.)
(L’article 14, amendé, est adopté.)
Article 14 bis
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Naillet, pour soutenir l’amendement no 281.
M. Philippe Naillet
Il vise à permettre aux acheteurs publics de majorer la notation des offres des opérateurs économiques qui emploient des travailleurs en situation de handicap ou défavorisés ou qui relèvent de l’économie sociale et solidaire.
Cette mesure est de nature à favoriser l’insertion économique des Mahorais, tout en les associant pleinement à la reconstruction du territoire. Elle permettra également, durant cette période, de soutenir économiquement ces structures et l’emploi à Mayotte.
Par coordination, elle supprime le premier alinéa de l’article, satisfait par les amendements de la rapporteure adoptés en commission aux articles 11 et 13.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Il me semble que le projet de loi d’urgence pour Mayotte constitue le véhicule législatif le plus approprié pour faire avancer la cause de l’économie sociale et solidaire. Dans ce texte, rien n’interdit aux acheteurs publics et aux pouvoirs adjudicateurs de retenir des critères susceptibles de favoriser l’accès aux marchés publics à ces entreprises. Je vous invite à retirer cet amendement et émettrai à défaut un avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
Même avis.
(L’amendement no 281 est retiré.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements, nos 110 et 142, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Frédéric Maillot, pour soutenir l’amendement no 110.
M. Frédéric Maillot
Quand on mentionne le taux de chômage de la France, on exclut volontairement Mayotte, afin d’éviter que les chiffres n’explosent – j’espère ne rien vous apprendre en vous disant cela. Le taux de chômage atteint en effet 37 % à Mayotte, soit cinq fois plus que la moyenne nationale.
L’amendement vise donc à favoriser l’insertion économique des jeunes Mahorais. Pour cela, il propose d’intégrer un critère social spécifique afin que les entreprises extérieures qui participent à la reconstruction de Mayotte s’appuient sur la montée en compétences des jeunes Mahorais. Cette clause vise à éviter que l’on reconstruise Mayotte sans les Mahorais.
Mme la présidente
La parole est à Mme Anchya Bamana, pour soutenir l’amendement no 142.
Mme Anchya Bamana
Il va dans le même sens que celui que mon collègue vient de présenter. Je rappelle que le titre du plan de reconstruction de Mayotte indique que cela doit se faire pour et avec les Mahorais, raison pour laquelle je propose de préciser que les marchés publics passés dans le cadre de la reconstruction doivent, et non « peuvent », faire l’objet d’une clause réservant aux très petites entreprises locales un taux minimal de travaux à réaliser, afin que les Mahorais participent pleinement à la reconstruction de leur territoire.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Avis défavorable sur l’amendement no 110. Concernant l’amendement no 142, il me semble qu’il est satisfait. Je vous demande donc de le retirer.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
Même avis.
(L’amendement no 110 n’est pas adopté.)
(L’amendement no 142 est adopté ; en conséquence, l’amendement no 35 tombe.)
Mme la présidente
Sur l’article 14 bis, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean-Pierre Vigier, pour soutenir l’amendement no 269.
M. Jean-Pierre Vigier
Cet amendement a pour objet de supprimer la clause permettant à des entreprises non mahoraises, potentiellement de très grande taille, de bénéficier d’un avantage lors de l’attribution des marchés publics, au seul motif de recruter de la main-d’œuvre locale.
En effet, la proportion de main-d’œuvre mahoraise devant être recrutée pour réaliser les travaux n’est pas précisée, ouvrant ainsi d’importants risques d’accaparement des marchés par de grandes entreprises extérieures à Mayotte, au détriment des entreprises artisanales locales du bâtiment.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Vous soulevez un point important, puisque la clause introduite par l’alinéa 2 ouvrirait la porte à un développement non maîtrisé de la sous-traitance, sans bénéfice ni pour les Mahorais ni pour les résidents en situation régulière sur le territoire, indépendamment de la possession de la nationalité française.
Le présent amendement me paraît pertinent pour assurer au minimum l’intelligibilité de la loi – une condition indispensable pour reconstruire Mayotte. Avis favorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
Même avis.
(L’amendement no 269 est adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’article 14 bis, tel qu’il a été amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 152
Nombre de suffrages exprimés 150
Majorité absolue 76
Pour l’adoption 141
Contre 9
(L’article 14 bis, amendé, est adopté.)
Article 15
Mme la présidente
La parole est à Mme Louise Morel.
Mme Louise Morel
Nous devons nous donner les moyens de faciliter la reconstruction et les dons à destination de Mayotte.
L’article 15 tend à permettre aux collectivités territoriales et à leurs groupements de verser, dans un cadre donné, des subventions au profit des victimes du cyclone Chido. Une élue alsacienne, très investie dans le réseau des missions locales, m’a toutefois interpellée cet après-midi : elle souhaite contribuer à l’élan de solidarité, mais doute de le pouvoir en l’état actuel du projet de loi.
Me confirmez-vous que toutes les structures publiques peuvent réaliser des dons à destination de Mayotte ? Si tel n’est pas le cas, il me semblerait utile que des amendements d’initiative sénatoriale tendent à le permettre.
Mme la présidente
Sur l’article 15, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Hervé de Lépinau.
M. Hervé de Lépinau
Les rédacteurs de l’article 15 se sont inspirés de la loi spéciale pour la conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris : il tend en effet à permettre aux collectivités territoriales et à leurs groupements de verser, entre le 14 décembre 2024 et le 14 mars 2025, des subventions à toute association s’engageant à utiliser ces fonds pour financer les réparations des dommages causés par le cyclone Chido.
Il me semble toutefois qu’il ne peut y avoir de subvention rétroactive, d’autant plus que l’exercice comptable 2025 a déjà commencé. La période pendant laquelle les collectivités peuvent verser ces subventions aux associations devra donc être précisée.
S’agissant de subventions, les responsables des collectivités territoriales devront impérativement veiller à leur bonne utilisation. Afin que cette opération d’aide soit réalisée dans la plus grande transparence, la Cour des comptes pourra utilement exercer son droit de regard sur l’emploi de ces fonds. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Marc de Fleurian, pour soutenir l’amendement no 5.
M. Marc de Fleurian
De nombreuses collectivités locales ont répondu à l’appel de nos compatriotes mahorais pour participer à la reconstruction de ce petit bout de France. Les dons ont donc afflué, depuis Perpignan comme de Hénin-Beaumont, de Villers-Cotterêts ou de Bruay-la-Buissière, en passant bien sûr par les communes de nos outre-mer. Tout le monde sera d’accord pour que ces fonds publics soient utilisés dans la transparence la plus totale.
Cet amendement, déposé par Lionel Tivoli et signé par l’ensemble des députés du groupe Rassemblement national, tend à imposer la désignation d’un commissaire aux comptes aux associations destinataires de ces fonds, si elles n’en sont pas déjà pourvues. De cette manière, une procédure de traçabilité de la trésorerie sera instaurée et les associations pourront rendre compte de leur action aux collectivités et donateurs.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Il est défavorable.
Rien ne doit empêcher les collectivités locales de donner, c’est pourquoi elles peuvent le faire pendant une période assez large.
Nous avions à cœur de faciliter les dons de collectivités locales, grâce à des dispositions souples dont nous avons longuement discuté en commission et que nous avons alors adoptées. Il me semble donc que toutes les structures publiques peuvent réaliser des dons, y compris les missions locales.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
Il est également défavorable.
Les missions locales sont, en règle générale, des associations. Or l’article 15 porte sur les dons réalisés par les collectivités et leurs groupements : il n’a donc pas d’effet sur les missions locales.
Une association peut attribuer un don à une autre, sous réserve que ce don soit conforme à son statut. Il est donc possible, pour une mission locale, de donner à une association.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 5.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 166
Nombre de suffrages exprimés 157
Majorité absolue 79
Pour l’adoption 81
Contre 76
(L’amendement no 5 est adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’article 15, tel qu’il a été amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 154
Nombre de suffrages exprimés 144
Majorité absolue 73
Pour l’adoption 145
Contre 0
(L’article 15, amendé, est adopté.)
Article 16
Mme la présidente
La parole est à M. Patrice Martin.
M. Patrice Martin
Cet article fait directement référence au modèle des dispositions relatives au mécénat adoptées dans le cadre de la reconstruction de Notre-Dame et introduites par le premier ministre d’alors, Édouard Philippe.
Certes, l’examen de ce projet de loi avance, mais il ne règle en rien les problèmes structurels dont souffrent nos compatriotes mahorais, notamment le fléau d’une immigration massive qui asphyxie l’île.
Un second projet de loi doit nous être présenté, nous dit le gouvernement, mais dans deux mois. Soit. Le problème que j’évoque aurait dû être traité dans le projet de loi d’urgence, car il est urgent. Il est impératif de mettre fin à l’immigration anarchique pour protéger nos compatriotes et préserver leur sécurité et leur qualité de vie. Ce problème doit être compris comme un signal d’alerte de ce qui pourrait arriver en métropole.
Les dispositions inscrites à l’article 15, loin de régler le problème, pourraient favoriser un appel d’air. Elles ne doivent en aucun cas bénéficier aux associations promigrants qui encouragent directement ou non l’immigration clandestine. Il est tant que l’État reprenne le contrôle de Mayotte et envoie un message clair.
Nos lois et nos ressources doivent d’abord servir Mayotte plutôt qu’alimenter le chaos migratoire.
M. Antoine Léaument
Quel est le rapport avec l’article ?
M. Frédéric Weber
Tais-toi !
M. Patrice Martin
Il y va de l’avenir de Mayotte et de l’équilibre de notre nation.
Mme la présidente
La parole est à M. Raphaël Schellenberger, pour soutenir l’amendement no 114.
M. Raphaël Schellenberger
Prolongeant la logique initiale de l’article 16, il tend à faire de Mayotte une zone franche, grâce à la fixation au niveau maximal de la défiscalisation des dons consacrés à la reconstruction de l’île. Alors que la période est marquée par une disette budgétaire et par les contraintes qui pèsent sur les finances publiques, la défiscalisation, bien qu’elle soit une dépense fiscale, permettrait de mobiliser une trésorerie dont l’État ne dispose plus pour assurer la reconstruction de Mayotte.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Bien que je partage avec vous l’objectif de soutenir les associations et les organismes d’intérêt général qui apportent leur aide aux victimes de Chido, l’augmentation du taux de défiscalisation des dons que vous proposez me paraît disproportionnée. D’ailleurs, c’est moins le taux de la défiscalisation que le montant des sommes éligibles qui importe – j’ai d’ailleurs déposé l’amendement no 165 pour en porter le plafond de 1 000 euros à 3 000 euros. (M. Max Mathiasin applaudit.)
Par conséquent, je vous invite à retirer cet amendement.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
Même avis.
(L’amendement no 114 est retiré.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 305.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Il tend à conforter les capacités de soutien aux victimes du cyclone Chido en considérant toute la durée de la période d’activité cyclonique, qui se prolonge jusqu’au mois de mai.
(L’amendement no 305, repoussé par le gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Anchya Bamana, pour soutenir l’amendement no 163.
Mme Anchya Bamana
Il vise à restreindre le champ d’application de l’article 16 pour empêcher les associations promigrants, qui interviennent au bénéfice des personnes en difficulté, de détourner les dons destinés à la reconstruction de Mayotte de leur objet initial.
Ces dons ne sauraient être employés, directement ou non, pour financer des actions visant à régulariser des étrangers en situation irrégulière présents dans le département de Mayotte. Ceux-ci doivent bénéficier d’une aide humanitaire, recevoir de l’eau et de la nourriture, être hébergés à titre temporaire et recevoir des soins, mais ils ont ensuite vocation à être raccompagnés dans leur pays d’origine. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
Sur l’article 16, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Je demande le retrait de cet amendement. Les principes encadrant l’appel à la générosité publique contraignent les associations à employer les dons et versements reçus conformément au motif de leur collecte. En l’occurrence, les fonds n’auraient pas été appelés pour la prévention que vous évoquez, et par ailleurs je doute que les dispositions que vous défendez soient opérationnelles au plan juridique. (M. Max Mathiasin applaudit.)
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
Il est défavorable. L’émission « Unis pour Mayotte » diffusée sur France 2 a permis de collecter 40 millions d’euros de dons, aujourd’hui gérés par la Fondation de France. Ces dons, qui marquent la solidarité de nos compatriotes pour Mayotte, sont bien plus importants que ceux recueillis après le passage de la tempête Irma en 2017 ou le tremblement de terre au Maroc en 2023.
Ces dons seront ensuite gérés par les associations, car ils ne peuvent pas l’être par les collectivités territoriales. J’ai sensibilisé le président de la Fondation de France, M. Sellal, un ancien ambassadeur, à ce sujet. L’amendement de Mme Bamana tend à préciser que les dons ne peuvent être affectés à des actions visant la régularisation d’étrangers en situation irrégulière. Selon moi, le champ d’application de l’article 16 est suffisamment clair et les dons ouvrant droit à la réduction d’impôt n’ont pas vocation à financer d’autres actions que celles citées par cet article. Sa rédaction ne me paraît pas devoir être précisée.
Je comprends les préoccupations que vous relayez mais j’insiste sur ce point : que cela plaise ou pas, même les associations qui agissent pour soutenir des personnes en situation régulière ne recevront pas de dons.
Mme la présidente
La parole est à Mme Élisa Martin.
Mme Élisa Martin
Je veux d’abord souligner que le Rassemblement national ne perd aucune occasion…
M. Timothée Houssin
De lutter contre l’immigration clandestine ?
Mme Élisa Martin
…de jeter l’opprobre sur les associations qui défendent et protègent les personnes. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
En outre, à l’heure actuelle, la France ne respecte pas le droit international, en particulier le principe de non-refoulement.
Mme Michèle Martinez
Et voilà !
Mme Élisa Martin
Elle assume donc d’être dans l’illégalité et de mettre en danger les personnes qu’elle refoule.
M. Alexandre Dufosset
Foutaises !
Mme Élisa Martin
Enfin, ne vous en déplaise, le Conseil constitutionnel lui-même a affirmé que le principe de fraternité s’étendait au-delà de ce que vous prétendez et qu’il devait déterminer l’action et la position des pouvoirs publics.
Mme la présidente
La parole est à M. Hervé de Lépinau.
M. Hervé de Lépinau
Il faut espérer que nos débats ne sont pas retransmis aux Comores, car l’intervention que nous venons d’entendre constitue une magnifique pompe aspirante en faveur de l’immigration illégale. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 163.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 172
Nombre de suffrages exprimés 165
Majorité absolue 83
Pour l’adoption 88
Contre 77
(L’amendement no 163 est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements, nos 165 et 86, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 165.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Il vise à relever le plafond des dons pris en compte pour le calcul de la réduction d’impôt en le faisant passer de 2 000 à 3 000 euros, sachant qu’il a été décidé en commission que le taux de réduction fiscale serait porté à 75 %.
Je profite de l’occasion pour saluer le formidable élan de générosité qui s’est exprimé dans le pays et dire merci à ceux qui l’ont exprimé. Il nous a enveloppés et touchés. Il a adouci nos peines et nous va droit au cœur. À Mayotte, nous n’avons pas tous été informés du phénomène qui se produisait dans l’Hexagone, de ce mouvement de compassion et d’empathie suscité par le drame que nous avons traversé.
En prononçant ces mots, j’ai la chair de poule. Il faut imaginer ce que l’on peut ressentir lorsque, dans les heures les plus sombres, on apprend que la nation se dresse, lorsqu’on voit les couleurs de Mayotte sur l’Arc de Triomphe, lorsque je vous entends tous ici parler de Mayotte. Nous ne l’aurions jamais imaginé.
Je vous le dis avec beaucoup d’émotion et je sais que ma collègue mahoraise partage ce sentiment. (Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT, RN, EPR, SOC, DR, Dem, HOR et UDR.) Depuis 1841, notre département, qui s’est battu pour être français et pour le rester, a souvent eu le sentiment d’être loin des yeux et loin du cœur.
Or, aujourd’hui, la générosité que nous constatons – ces 40 millions de dons versés à la Fondation de France – est absolument inouïe. Au-delà de l’argent, car l’argent ne dit pas tout, il faut aussi parler des collectes individuelles dans la totalité du pays, dans les outre-mer et de toutes ces personnes qui ont prêté renfort à Mayotte : des électriciens, des secouristes, des pompiers ou encore des fonctionnaires qui ont sacrifié la période des fêtes en famille et sont venus dormir sur des lits de camp pour nous aider, pour rétablir l’électricité. (Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT, RN, EPR, DR, Dem, HOR et UDR.) Je pense aussi aux policiers, aux gendarmes ou aux militaires.
C’est incroyable : nous avons vu arriver des Corses, des Antillais, des personnes qui, venant du nord de la France, se sont trouvées en choc thermique parce qu’il faisait très chaud – les pauvres ont attrapé des coups de soleil ! Nombre d’entre eux sont encore aujourd’hui sur le terrain pour continuer de nous aider.
De nombreuses collectes en nature ont également eu lieu, avec des dons énormes. Cela pose d’ailleurs un problème d’acheminement jusqu’à Mayotte et c’est pourquoi, avec les élus du territoire, nous sollicitons le gouvernement. Nous souhaitons en effet que les armées puissent transporter ces produits gratuitement afin qu’ils ne se périment pas au cours de la chaîne logistique.
Je partage avec vous notre immense gratitude et notre reconnaissance en vous disant un mot en mahorais : Marahaba ! Cela signifie : merci ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT, RN, EPR, DR, Dem, HOR et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 86.
M. Philippe Gosselin
J’irai dans le sens de Mme la rapporteure : oui, un élan important s’est manifesté. C’est l’occasion de saluer des Mahorais de la Manche, comme Raffion Mari qui, depuis 2016, vit chez nous – donc chez lui. Il a créé dans notre beau département, le 6 janvier, l’association Mahorais de la Manche, solidarité pour Mayotte. Il l’a présentée au cours des cérémonies de vœux dans plusieurs municipalités. Certaines communes ont mis des urnes à disposition, ce qui témoigne de l’élan dont nous parlions.
Comme on dit parfois : à quelque chose, malheur est bon. Sans bien sûr passer sous silence la dévastation causée par ce cyclone, je dis avec sincérité que ce drame a peut-être permis, d’une certaine façon, que Mayotte sorte de l’anonymat et retrouve, paradoxalement, toute sa place dans la conscience nationale – et c’est important.
J’en viens à mon amendement, qui prévoit également de porter à 3 000 euros le montant permettant de bénéficier de la défiscalisation. Il ne faut pas stopper l’élan de générosité et de solidarité qui s’exprime. Merci par avance pour Mayotte.
Mme la présidente
Monsieur Gosselin, votre amendement prévoit, me semble-t-il, de porter le montant à 2 000 euros.
M. Philippe Gosselin
L’amendement comporte une erreur, mais l’exposé des motifs indique bien : « 3 000 euros ». Avec votre accord, nous pouvons donc considérer que je viens de défendre l’amendement no 86 rectifié.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement sur ces deux amendements devenus identiques ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
Défavorable.
(La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.)
(Les amendements identiques nos 165 et 86, tel qu’il vient d’être rectifié, sont adoptés.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’article 16, tel qu’il a été amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 176
Nombre de suffrages exprimés 152
Majorité absolue 77
Pour l’adoption 141
Contre 11
(L’article 16, amendé, est adopté.)
Après l’article 16
Mme la présidente
Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 171, 84, 255, 286 et 115, portant article additionnel après l’article 16 et pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 255 et 286 sont identiques.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 171.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Il prévoit de majorer la réduction d’impôt à laquelle ouvrent droit les dons et versements réalisés par les entreprises auprès des organismes menant des actions en faveur des victimes du cyclone Chido.
Je précise que la commission des affaires économiques a accepté cet amendement examiné en application de l’article 88 du règlement.
Mme la présidente
La parole est à Mme Josiane Corneloup, pour soutenir l’amendement no 84.
Mme Josiane Corneloup
Il vise à encourager et à amplifier la solidarité envers Mayotte à la suite du passage dévastateur du cyclone. Face à une telle situation, il prévoit d’augmenter temporairement le taux de réduction d’impôt pour les dons effectués par les entreprises aux associations et fondations reconnues d’utilité publique œuvrant à Mayotte, à l’exclusion de celles qui favorisent l’habitat informel.
Le taux passe à 75 % sur la fraction des dons inférieure ou égale à 2 millions pour les versements effectués entre le 14 décembre 2024 et le 17 mai 2025.
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 255.
M. Philippe Gosselin
Il s’agit tout simplement d’appliquer aux entreprises, de façon symétrique, la disposition que nous venons d’adopter et qui vise les particuliers. Cet amendement prévoit donc d’augmenter le taux de réduction d’impôt afin de donner un élan et de l’allant.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Pierre Vigier, pour soutenir l’amendement no 286.
M. Jean-Pierre Vigier
Comme les amendements de mes collègues, celui-ci vise à accroître, en faisant passer le taux de 60 à 70 %, la défiscalisation des dons d’entreprises effectués entre le 14 décembre 2024 et le 17 mai 2025 au bénéfice d’associations ou de fondations reconnues d’utilité publique contribuant à la reconstruction de logements à Mayotte, par symétrie avec les dispositions relatives aux dons des particuliers.
Mme la présidente
La parole est à M. Raphaël Schellenberger, pour soutenir l’amendement no 115.
M. Raphaël Schellenberger
C’est un amendement de mon collègue Aurélien Pradié, avec lequel je m’étais rendu à Mayotte il y a un peu plus d’un an – la situation y était déjà dramatique.
Comme les précédents, il vise à favoriser les dons des entreprises, par parallélisme avec la mesure prévue pour les dons des particuliers. Au vu de la situation budgétaire de notre pays, il faut collecter l’argent là où il est disponible. Si les entreprises veulent faire un tel effort, il n’y a aucune raison pour qu’elles ne bénéficient pas des mêmes avantages fiscaux que les particuliers, car c’est un autre signe de la solidarité nationale.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur tous ces amendements ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
J’y suis favorable, étant précisé que je souhaite que mon amendement soit adopté, ce qui ferait tomber tous les autres !
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
Pour ma part, j’estime que le régime fiscal du mécénat répond déjà à votre préoccupation – avec des montants qui restent raisonnables.
Si l’on entre dans votre logique, on met sérieusement en difficulté les finances publiques.
En outre, la démonstration a été faite, comme je l’ai souligné tout à l’heure, que le régime fiscal actuel n’avait pas empêché que les Français expriment leur générosité de manière puissante – au passage, je m’associe à mon tour à tous vos remerciements.
Vous souhaitez créer un régime dérogatoire alors que le dispositif actuel fonctionne très bien. Avec certains des amendements dont nous venons de discuter, vous semblez vous livrer à une course. Or ils tapent à côté, si j’ose dire, et n’entraîneront aucun changement dans la réalité. Je vais vous faire un aveu : je ne suis même pas sûr que l’article rédigé par le gouvernement change grand-chose à l’engagement des Français. Les dispositifs actuels sont largement suffisants. Je vous assure que nos compatriotes ont parfaitement compris que le régime fiscal actuel leur permettait d’effectuer des dons. Je ne comprends donc pas bien pourquoi on veut créer une niche sur cette question alors que cela ne serait pas très utile. Avis défavorable sur tous ces amendements.
Mme la présidente
La parole est à M. Matthias Tavel.
M. Matthias Tavel
Nous voterons contre ces amendements, bien que notre soutien et notre solidarité à l’égard de Mayotte et de ses habitants soient entiers. Je me joins à Mme la rapporteure pour remercier tous ceux qui sont venus apporter leurs concours. Il s’agit pour l’essentiel des agents des services publics : services publics de l’électricité et de l’eau, service public des télécoms – ou ce qu’il en reste après des années de libéralisation.
Avec l’examen de cet article et du précédent, nous assistons à une forme de surenchère pour optimiser fiscalement les dons. Pourtant, la solidarité la plus belle est désintéressée et n’est pas mue par la recherche d’un avantage fiscal. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Dans l’article précédent, le plafond de déductibilité a été relevé jusqu’à 3 000 euros pour les particuliers alors que celui qui a les moyens de donner cette somme n’a pas besoin de cet avantage fiscal.
Nous examinons à présent les plafonds applicables aux entreprises. À l’heure où la fiscalité sur les entreprises et les ménages les plus fortunés a été baissée à un point tel qu’il n’y a plus d’argent pour les services publics intervenant dans les situations d’urgence et de crise, on voudrait créer de nouvelles optimisations fiscales !
Non ! Pour faire face aux crises, nous avons besoin d’une fiscalité juste, qui fasse payer beaucoup à ceux qui en ont les moyens et qui offre à l’État la possibilité d’entretenir des services et des agents aptes à réagir. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Antoine Léaument
Bien dit !
M. Matthias Tavel
La solidarité nationale est bien plus efficace et plus vertueuse que la charité même si, lorsqu’on n’a plus que la charité, on l’accepte. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Philippe Gosselin
C’est raide !
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Naillet.
M. Philippe Naillet
Nous voterons contre ces amendements. En effet, comme l’a rappelé M. le ministre, tel qu’il existe aujourd’hui, le dispositif fiscal n’a pas empêché la collecte de dons à un niveau exceptionnel.
Il est impossible de comparer la fiscalité d’une personne physique et celle d’une personne morale. Les entreprises qui vont faire des dons importants sont celles qui ont déjà commencé à optimiser. Avec le texte proposé, nous majorerions leur optimisation ! Nous ne pouvons pas organiser un gain fiscal sur le drame que vit Mayotte. Nous sommes opposés à ces amendements qui sont injustes et scandaleux du point de vue moral. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC, EcoS et GDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Hervé de Lépinau.
M. Hervé de Lépinau
Ce sera donc morale contre morale ! Alors que nous faisons face à une situation d’urgence et que les finances publiques sont exsangues, ces systèmes de défiscalisation permettent de mobiliser des fonds de manière rapide ! Vous êtes toujours englués dans vos vieux combats d’arrière-garde.
M. Antoine Léaument
C’est vous, l’arrière-garde ! Après, vous allez encore venir vous plaindre qu’il n’y a plus d’argent dans les caisses de l’État !
Un député du groupe RN
Combien avez-vous donné, monsieur Léaument ?
M. Hervé de Lépinau
Merci, monsieur Robescaillou, pour vos interventions qui ne sont pas à la hauteur du débat.
Nous avons la possibilité de permettre aux entreprises de s’investir. Il ne s’agit pas de sponsoring, mais de mobilisation de fonds…
M. Antoine Léaument
Vous êtes de droite !
M. Hervé de Lépinau
Rassurez-vous, la charité n’a pas d’appartenance politique.
Mme Dieynaba Diop
Nous ne parlons pas de charité, mais de solidarité nationale !
M. Hervé de Lépinau
Il est nécessaire de permettre cette mobilisation rapide de fonds.
M. Antoine Léaument
Vous ne comprenez rien !
M. Hervé de Lépinau
Si M. Robescaillou pouvait cesser de nous interrompre, ce serait une bonne chose !
Mme la présidente
Les débats se sont jusqu’à présent déroulés dans le calme. Il nous reste peu de temps avant la fin de la séance. S’il vous plaît, écoutez-vous mutuellement.
M. Hervé de Lépinau
Je ne pense pas que les chefs de ces entreprises chercheront une publicité malsaine. Nous assistons à un élan de solidarité. Mayotte est en situation d’année zéro. Il n’y a pas à chercher d’où vient l’argent, mais à mobiliser les fonds nécessaires à la reconstruction. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Mathieu Lefèvre.
M. Mathieu Lefèvre
Je voudrais soutenir l’argumentation de M. le premier ministre en rappelant qu’il n’est pas d’usage d’introduire des dispositions fiscales dans un texte qui ne relève pas des lois de finances. Par ailleurs, je fais observer à nos collègues du Rassemblement national que la mesure envisagée aggraverait la situation de nos finances publiques. (Protestations sur les bancs du groupe RN.)
Certes, nous avons besoin d’argent privé pour reconstruire Mayotte ; cependant, comme l’a dit le premier ministre, l’ensemble des dispositifs existants sont si puissants que l’on risquerait de créer un effet d’aubaine en augmentant les défiscalisations.
M. Emeric Salmon
C’est surréaliste ! L’effet d’aubaine serait pour Mayotte !
M. Mathieu Lefèvre
Par ailleurs, l’amendement que vous vous apprêtez à adopter ne comporte pas de date d’entrée en vigueur. Par conséquent, il deviendrait applicable trop tard, une fois Mayotte reconstruite !
Pour toutes ces raisons, il convient de suivre l’avis de M. le premier ministre.
Mme Marine Hamelet
Pour dire ça, tu pouvais rester assis !
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
Je remercie M. Lefèvre pour son argumentation.
M. Emeric Salmon
N’importe quoi !
M. Manuel Valls, ministre d’État
Monsieur de Lépinau, j’ai défendu une certaine conception des dons liés à la générosité des Français et du cadre fiscal qui me semble adapté.
De votre côté, vous expliquez, si j’ai bien compris, que, du fait de l’état dégradé des finances publiques, il n’y aurait pas assez d’argent public pour aider Mayotte à se reconstruire, de sorte qu’il conviendrait de faire appel aux dons.
Je ne peux vous suivre sur ce terrain. Je trouve formidable cette générosité, soulignée avec émotion par Mme la rapporteure, qui passe par des dons, par la mobilisation des associations, des collectivités – dans la Manche et partout ailleurs –, mais aussi par l’engagement des serviteurs de l’État, puisque chez les policiers, les gendarmes, dans la préfectorale, de nombreux fonctionnaires se sont portés volontaires pendant plusieurs semaines pour aider les services de l’État.
Mais au-delà des dons, qui sont une belle et bonne chose, il y a aussi l’engagement de l’État, qu’il se soit déjà manifesté – déjà plus de 364 millions pour aider à la reconstruction – ou qu’il reste à venir puisque, comme je l’ai dit lors de la présentation de la mission outre-mer au Sénat, il nous faudra aller plus loin pour aider les collectivités territoriales à mener la reconstruction des établissements scolaires une fois l’évaluation des dégâts réalisée. D’une manière plus générale, la loi-programme permettra dans quelques semaines de préciser l’engagement de l’État.
Ainsi, il y a les dons, l’engagement des Français, mais il y aura aussi un engagement fort de l’État et je ne voudrais pas laisser croire le contraire.
Mme la présidente
Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement no 171.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 187
Nombre de suffrages exprimés 182
Majorité absolue 92
Pour l’adoption 91
Contre 91
(L’amendement no 171 n’est pas adopté.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS.)
Mme la présidente
Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement no 84.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 192
Nombre de suffrages exprimés 190
Majorité absolue 96
Pour l’adoption 94
Contre 96
(L’amendement no 84 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 255 et 286.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 192
Nombre de suffrages exprimés 190
Majorité absolue 96
Pour l’adoption 95
Contre 95
(Les amendements identiques nos 255 et 286 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement no 115.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 192
Nombre de suffrages exprimés 190
Majorité absolue 96
Pour l’adoption 93
Contre 97
(L’amendement no 115 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 78 qui porte également article additionnel après l’article 16.
M. Philippe Gosselin
Cet amendement a pour objectif d’éviter les arnaques à la générosité. Il s’agit de limiter la fraude grâce au renforcement des contrôles de l’État sur l’usage des dons par les associations. Nous souhaitons que l’argent soit bien utilisé, qu’il serve à la reconstruction, à la solidarité, et pas à autre chose.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Le droit en vigueur contient déjà des instruments susceptibles de satisfaire cet objectif, que nous partageons. Pour mémoire, en application de l’article 10 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, les associations percevant des subventions publiques dont le montant annuel dépasse 153 000 euros doivent établir des comptes annuels. Le même texte impose la conclusion d’une convention de subvention entre les collectivités publiques et tout organisme de droit privé auquel elle accorde une subvention supérieure à 23 000 euros. Des exigences analogues s’appliquent aux fondations d’utilité publique.
Dès lors, dans un souci d’intelligibilité de la loi, je vous propose de retirer votre amendement. À défaut, avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à M. Hervé de Lépinau.
M. Hervé de Lépinau
Monsieur le ministre, cet amendement me permet de rebondir et de vous répondre. J’ai bien dit que nous cherchions à « accélérer le processus ». En effet, je suis au regret de rappeler que l’État est assez mauvais payeur. Ainsi certains garagistes privés ne veulent-ils plus effectuer l’entretien de véhicules de gendarmerie, car leurs factures sont réglées à des échéances qui ne sont pas raisonnables.
En second lieu, je vous renvoie à la reconstruction de Notre-Dame. Si le délai de cinq ans a pu être tenu, c’est grâce à la mobilisation importante de fonds privés qui sont venus s’ajouter aux fonds publics alloués à ce bâtiment appartenant à l’État.
Ainsi, pendant la phase de reconstruction de Mayotte, n’ayons pas peur d’offenser l’État en associant des financements publics et privés. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
Monsieur Gosselin, votre amendement est-il maintenu ?
M. Philippe Gosselin
Il est maintenu, madame la présidente.
Mme la présidente
Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement no 78.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 198
Nombre de suffrages exprimés 197
Majorité absolue 99
Pour l’adoption 91
Contre 103
(L’amendement no 78 n’est pas adopté.)
Article 17
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements, nos 316 et 117, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 316.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Monsieur le ministre, vous nous avez indiqué en commission que l’objet de cet article était de suspendre les procédures de recouvrement des impôts dans l’intérêt des contribuables mahorais. (Brouhaha.)
Mme la présidente
Pardonnez-moi de vous interrompre, madame la rapporteure. Mes chers collègues, c’est un exercice fatigant que de siéger pendant trois semaines pour examiner un texte. Essayez donc de respecter l’oratrice. Au bout de quelques heures, un simple brouhaha devient épuisant.
Vous avez donc la parole, madame la rapporteure, dans le calme le plus complet.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Votre intention est peut-être celle que je viens d’énoncer, monsieur le ministre, mais elle n’est malheureusement inscrite nulle part. Nous ne sommes pas ici pour enregistrer des intentions, mais pour faire le droit.
Cet amendement prévoit expressément que les procédures de recouvrement fiscal forcé seront suspendues. C’est à cette seule condition que l’on peut accepter la suspension des délais de prescription opposables à l’administration fiscale.
Vous nous avez expliqué que cet amendement n’était pas nécessaire, que nous avions peut-être mal lu le texte. Nous avons donc procédé à quelques vérifications et la direction générale des finances publiques, la DGFIP, nous a confirmé qu’il s’agissait bien de prolonger les délais en question afin que l’administration fiscale, même pour ce qui concerne des procédures éteintes, puisse continuer à procéder aux recouvrements.
Cela ne correspond guère à l’intérêt des Mahorais, contrairement à ce que vous avez écrit et affirmé. Cet amendement vise donc à clarifier le texte que nous examinons dans le but de protéger les contribuables mahorais.
Mme la présidente
La parole est à M. Max Mathiasin, pour soutenir l’amendement no 117.
M. Max Mathiasin
Il tend à clarifier l’objet de l’article 17. Ses auteurs tiennent à s’assurer qu’il prévoit bien de suspendre l’obligation faite aux comptables publics de procéder au recouvrement automatique des créances fiscales. Le cas échéant, il permettrait au contribuable mahorais, voyant ses revenus diminuer suite au passage du cyclone Chido, de suspendre le remboursement de ses dettes au moins jusqu’au 31 mars 2025.
Nous nous interrogeons en outre sur la rédaction actuelle du texte : autorise-t-elle l’octroi à l’administration d’un délai supplémentaire – allant du 31 mars 2025 au 31 décembre 2025, suivant l’option retenue ?
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur cet amendement no 117 ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Favorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement sur ces deux amendements en discussion commune ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
Défavorable. Je m’inscris en faux contre vos propos, madame la rapporteure. Nous avons bel et bien procédé aux vérifications idoines avec le concours de la DGFIP. Vous vous trompez donc. Vous avez mal compris de quoi il retournait.
L’amendement que vous avez présenté vise à suspendre les procédures de recouvrement forcé en plus des délais opposables à l’administration fiscale. Je l’ai dit en commission : la mesure en question est très directement inspirée de la manière dont on a géré la crise sanitaire du covid – une ordonnance du 25 mars 2000 visait également la suspension des délais de recouvrement.
Je le répète : il s’agit donc d’une mesure de clémence. Toute créance dont le délai de recouvrement a expiré avant le passage du cyclone Chido ne pourra bien évidemment pas faire l’objet d’un recouvrement. Je ne peux pas être plus clair ! Je ne comprends donc pas pourquoi vous continuez de m’opposer un argument que la DGFIP ne saurait avoir fait valoir auprès de vous.
Je peux le répéter deux, trois ou quatre fois encore : toute créance dont le délai de recouvrement a expiré avant le passage de Chido ne peut pas faire l’objet d’un recouvrement. L’article 17 du projet prévoit de suspendre tous les délais applicables en matière de recouvrement et de contentieux. Cette suspension des délais permet justement à la DGFIP de suspendre les procédures de recouvrement des créances publiques, fiscales ou non, d’amendes et locales.
En tout état de cause, l’Assemblée fera son choix. Mais, pour les raisons que je viens d’énoncer, en toute logique et cohérence, le gouvernement ne souhaite pas modifier l’article 17 en vue d’inscrire dans la loi la suspension de l’action en recouvrement forcé.
Vous affirmiez à juste titre que la loi ne doit pas être proclamatoire – sur ce texte, l’examen d’un certain nombre d’amendements a cependant donné lieu à bien des proclamations… Je comprends parfaitement que nous abordons ici un sujet sensible et je connais votre sincérité à cet égard, madame la rapporteure. Mais ne me prêtez pas des intentions que la rédaction de l’article dément avec clarté.
Mme la présidente
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Nous parlons bien ici de rédaction et non de déclarations. Cet article, dans sa rédaction actuelle, ne prévoit pas de suspension du recouvrement, mais des délais de recouvrement. Il permet donc au gouvernement de reprendre en 2026 des procédures qui auraient dû s’éteindre en décembre 2024 ou 2025 du fait de la prescription quadriennale.
Il s’agit donc, de fait, d’une mesure défavorable aux contribuables et contraire en cela à l’intention affichée. Cet amendement précise clairement que la mesure proposée est supposée bénéficier aux Mahorais. Compte tenu de ce que vous venez de nous expliquer, vous ne sauriez y être défavorable, sauf si vos intentions ne sont pas celles que vous affichez.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d’État.
M. Manuel Valls, ministre d’État
Nous pouvons avoir des différends de fond, politiques ou relatifs à nos approches respectives. C’est tout à fait normal : chacun joue son rôle. Mais, de grâce, dans le cadre de ce débat et du travail que vous et moi menons avec l’ensemble des parlementaires, je ne vous permets pas de me prêter des intentions que cet article n’exprime pas. Si l’on ouvre la boîte de Pandore que constitue la discussion des intentions respectives des uns et des autres, nous risquons de passer un temps considérable sur ces bancs.
Je ne vous prête pour ma part aucune intention et vous assure simplement que vous vous trompez au sujet des miennes. Je l’ai répété plusieurs fois clairement : l’article 17 prévoit de suspendre l’ensemble des délais applicables en matière de recouvrement et de contentieux. Il y a bien sûr des délais, puisque Chido est passé, mais il n’y a aucun changement de fond !
(L’amendement no 316 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement no 117.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 186
Nombre de suffrages exprimés 75
Majorité absolue 38
Pour l’adoption 46
Contre 29
(L’amendement no 117 est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 315.
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Il tend à compléter l’article 17 afin que les délais de prescription ne soient pas seulement suspendus s’agissant des créances dont sont redevables les contribuables envers l’État, mais aussi pour celles que ces personnes détiennent sur l’État.
Si l’on peut accorder davantage de temps à l’État pour recouvrer des créances fiscales, il n’y a pas de raison de ne pas en accorder davantage aux particuliers pour se faire rembourser des impôts payés en trop du fait d’une erreur de l’administration. Cette mesure doit aller dans les deux sens.
M. Philippe Gosselin
Voilà un parallélisme de bon aloi !
Mme la présidente
Sur l’article 17, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
L’amendement vise à suspendre les délais de réclamation, ce qui permet de prolonger la période pendant laquelle les redevables peuvent exiger de l’État les sommes qu’il leur doit.
Cette disposition ne semble pas juridiquement nécessaire, dans la mesure où l’article R 211-1 du livre des procédures fiscales – que chacun connaît par cœur ! – permet déjà aux agents de l’administration fiscale de relever les contribuables de la forclusion. On pourrait se contenter de rappeler cette possibilité aux agents de la direction régionale des finances publiques de Mayotte. Cela étant, le gouvernement ne voit pas d’objection à ce que cette mesure soit inscrite dans la loi.
Toutefois, votre amendement va au-delà de cette inscription dans la mesure où il prévoit de suspendre les délais de réclamation des particuliers s’agissant de l’ensemble des créances publiques et non des seules créances fiscales. C’est pourquoi nous demandons son retrait au profit de l’amendement no 148, qui permet d’atteindre l’objectif indiqué par Mme la rapporteure.
Mme la présidente
Maintenez-vous l’amendement no 315, madame la rapporteure ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Oui, madame la présidente.
(L’amendement no 315 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
L’amendement no 221 de Mme la rapporteure est défendu.
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
Je sais que nous abordons là un sujet très technique, mais je profite de cette discussion pour rappeler que le recouvrement forcé des créances des particuliers et des professionnels est d’ores et déjà suspendu jusqu’au 31 mars 2025.
Si je suis le raisonnement figurant dans l’exposé sommaire de votre amendement, vous craignez que la direction régionale des finances publiques ne profite de cette mesure pour recouvrer des créances auxquelles la prescription aurait pu s’appliquer.
Je reprends votre exemple d’une créance constatée le 1er janvier 2021. Le fait que l’extinction de l’action publique soit fixée au 1er janvier 2025 implique en réalité que la direction régionale des finances publiques procéderait dans un tel cas à un prélèvement automatique fin décembre 2024 – nous parlons bien d’un recouvrement forcé.
La suspension des délais est une chose, l’effacement des créances en est une autre. Ce dernier pourrait nous confronter à des difficultés constitutionnelles, notamment au regard du principe d’égalité devant les charges publiques.
Je précise que les délais en question sont aussi bien ceux qui incombent à l’administration que ceux qui bénéficient aux redevables, tels que les délais de contestation des procédures en recouvrement menées par l’administration fiscale. La suspension doit s’appliquer aux délais en cours au 14 décembre 2024.
Au surplus, la rétroactivité ne se heurte pas aux principes constitutionnels dès lors que sa durée est limitée et qu’elle s’applique en faveur des redevables dans la mesure où elle permet à la fois de suspendre les actes de recouvrement forcé et de garantir aux redevables la possibilité de contester leur dette publique.
Si votre amendement était inscrit dans la loi, il aurait pour effet d’exclure de la mesure des délais incombant à l’administration qui bénéficient aux redevables et sont expirés ou viendraient à expirer entre le 14 décembre 2024 et la date d’entrée en vigueur de la loi.
C’est pourquoi j’y suis défavorable.
(L’amendement no 221 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Anchya Bamana, pour soutenir l’amendement no 149.
Mme Anchya Bamana
L’état du département de Mayotte est tel qu’une situation normale n’y sera pas rétablie dans deux mois et demi, ce qui entraînera de manière obligatoire la prise du décret dont il est question dans cet article.
Il ne s’agit pas tant de modifier les dates prévues pour le simple plaisir de présenter un amendement de plus, mais de parler des Mahorais au lendemain du passage de deux cyclones. Ils sont dans un état que vous ne pouvez imaginer. Ils viennent de passer un mois à ne satisfaire que leurs besoins les plus élémentaires : manger, boire, assurer leur sécurité.
Monsieur le ministre, je vous demande par cet amendement de faire preuve de bon sens face à cette situation, comme je vous l’ai demandé s’agissant des denrées alimentaires. Laissez les Mahorais respirer pendant un an, jusqu’au 31 décembre 2025.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Estelle Youssouffa, rapporteure
Sagesse.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre d’État
Je comprends tout à fait l’intention de Mme Bamana, mais je rappelle que l’article 17 prévoit bien la possibilité de prolonger par décret jusqu’au 31 décembre 2025 la suspension des délais de recouvrement des créances publiques. À cet égard, j’insiste sur l’approche bienveillante qui sera celle des services de la direction des finances publiques dans l’appréciation de chaque situation au regard des paramètres économiques et sociaux. Si le contexte le justifie, le gouvernement n’hésitera pas, j’en prends l’engagement, à prolonger la mesure jusqu’à cette date. Il n’est donc nul besoin de l’inscrire dans la loi, puisqu’un décret le permettra. Gardons une forme de souplesse. C’est pourquoi je vous prie de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Hervé de Lépinau.
M. Hervé de Lépinau
Pour revenir sur votre propos précédent, monsieur le ministre, vous avez rappelé à juste titre qu’il n’est pas possible de procéder à une annulation de l’impôt. Mais l’administration fiscale peut procéder à des dégrèvements, et il me semble que certaines situations le justifieront après leur examen au cas par cas. Et puis, comme l’a rappelé très justement ma collègue Anchya Bamana, la situation sur place est si catastrophique que les gens pensent à tout sauf à la question fiscale. Je crois qu’on peut le comprendre.
Mme la présidente
Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement no 149.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 189
Nombre de suffrages exprimés 182
Majorité absolue 92
Pour l’adoption 96
Contre 86
(L’amendement no 149 est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
Je vous informe qu’il nous reste trente-six amendements à examiner, soit au rythme actuel, encore une heure quarante-cinq de débats. C’est pourquoi nous en restons là.
Mme la présidente
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
3. Ordre du jour de la prochaine séance
Mme la présidente
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi d’urgence pour Mayotte ;
Proposition de loi relative à l’exercice de la démocratie agricole.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra